SEANCE DU 23 OCTOBRE 2002
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. César, Bailly, Besse, Bizet,
Cazalet, Doublet, Dubrule, Flandre, François, Gérard, Goulet, Leclerc, Le
Grand, Chérioux et Marini, est ainsi libellé :
« Après l'article 13, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 122-1-1 du code du travail est complété
in fine
par un
alinéa ainsi rédigé :
« 5° Remplacement d'un chef d'exploitation agricole ou d'entreprise tels que
définis au 1° à 4° de l'article L. 722-1 du code rural, d'un aide familial,
d'un associé d'exploitation, ou de leur conjoint visé à l'article L. 722-10 du
code rural dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'entreprise
ou de l'exploitation agricole. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 16 rectifié est présenté par M. Arnaud et les membres du
groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 138 est présenté par M. Lardeux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Après l'article 13, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 122-1-1 du code du travail est complété
in fine
par un
alinéa ainsi rédigé :
« 5° Remplacement d'un chef d'entreprise ou d'un exploitant agricole tel que
défini par l'article L. 722-1 du code rural, ou de son conjoint ou d'un
collaborateur non salarié dès lors qu'il participe effectivement à l'activité
de l'entreprise ou de l'exploitation agricole. »
La parole est à M. Hilaire Flandre pour présenter l'amendement n° 15
rectifié.
M. Hilaire Flandre.
Cet amendement vise à rendre possible l'utilisation de contrats à durée
déterminée en cas de remplacement provisoire d'un chef d'exploitation ou d'une
personne non salariée travaillant sur une exploitation agricole.
M. le président.
La parole est à M. Louis Moinard pour défendre l'amendement n° 16 rectifié.
M. Louis Moinard.
En prévoyant un nouveau cas de recours au contrat à durée déterminée, le
présent amendement tend à donner une base légale à une pratique indispensable à
la poursuite des activités des plus petites entreprises et des exploitations
agricoles. En effet, la variation saisonnière de la charge de travail ou
l'imprévisibilité des motifs d'indisponibilité - maladies et accidents -
exigent de pouvoir recourir au CDD.
Notre proposition est très proche d'inspiration de celle que vient de
présenter M. Flandre.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° 138 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 15 rectifié et 16
rectifié ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission est favorable à ces deux amendements.
Cependant, elle pense que l'amendement n° 16 rectifié pourrait être retiré au
bénéfice de l'amendement n° 15 rectifié.
Ces deux amendements, très proches d'inspiration, visent à introduire un
nouveau cas de recours au CDD : le remplacement temporaire du chef
d'exploitation agricole, de son conjoint et du collaborateur ou des
collaborateurs non salariés.
Nous sommes très favorables, sur le fond, à cedispositif.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon,
ministre.
Le Gouvernement comprend le souci qui anime les auteurs de ces
amendements. Cependant, comme je le disais précédemment à M. Joly, un tel
dispositif est un véritable cavalier par rapport au texte qui vous est soumis,
ce qui constitue un risque d'inconstitutionnalité majeur.
M. Hilaire Flandre.
C'est vrai !
M. François Fillon,
ministre.
C'est la raison pour laquelle je souhaite, messieurs les
sénateurs, que vous retiriez ces amendements, que je m'engage à reprendre à
l'occasion d'un examen des cas de recours au contrat à durée déterminée.
M. le président.
Monsieur Flandre, l'amendement n° 15 rectifié est-il maintenu ?
M. Hilaire Flandre.
Monsieur le président, j'ai bien entendu l'engagement que vient de prendre M.
le ministre et, pour ne pas compliquer les choses, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 15 rectifié est retiré.
Monsieur Moinard, l'amendement n° 16 rectifié est-il maintenu ?
M. Louis Moinard.
Constatant tout à la fois que le problème est pris en considération par la
commission et que M. le ministre s'engage à reprendre ultérieurement notre
proposition, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° 16 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 32, présenté par M. Joly, est ainsi libellé :
« Après l'article 13, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 141-2 du code du travail est complété par trois alinéas ainsi
rédigés :
« Pour l'application de l'alinéa précédent, doivent être pris en
considération, en tant qu'éléments constitutifs du pouvoir d'achat du salarié,
l'ensemble des sommes, quelle qu'en soit la périodicité, supportant les
cotisations de sécurité sociale et versées en contrepartie ou à l'occasion du
travail, y compris les avantages en nature, à l'exception des remboursements de
frais et des majorations pour heures supplémentaires prévues par la loi.
« Toutefois, les avantages en nature portant sur la nourriture et sur le
logement sont évalués, respectivement, dans la limite de valeurs fixées par
décret.
« Lorsqu'un élément de rémunération ou un avantage en nature est attribué
selon une périodicité supérieure au mois, la vérification de l'application du
salaire minimum de croissance peut être opérée sur l'année civile, au plus tard
le 31 décembre, ou, en cas de cessation du contrat de travail avant cette date,
à la date de la rupture. La garantie est alors égale à la somme des garanties
mensuelles correspondant aux périodes de travail effectif accomplies au cours
de l'année civile. »
L'amendement n° 33, également présenté par M. Joly, est ainsi libellé :
« Après l'article 13, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 141-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Lorsqu'un élément de rémunération ou un avantage en nature est attribué
selon une périodicité supérieure au mois, la vérification de l'application du
salaire minimum de croissance peut être opérée sur l'année civile, au plus tard
le 31 décembre, ou, en cas de cessation du contrat de travail avant cette date,
à la date de la rupture. La garantie est alors égale à la somme des garanties
mensuelles correspondant aux périodes de travail effectif accomplies au cours
de l'année civile. »
La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Il s'agit d'inclure dans le salaire réellement perçu, pour vérifier la
conformité de ce salaire réel au SMIC, certains éléments de rémunération soumis
à cotisations sociales que la loi n'a jamais exclus, mais que la jurisprudence
a écartés : la prime d'ancienneté, la prime d'assiduité, la prime de sujétion,
la prime collective de résultat et le treizième mois.
M. le président.
Voulez-vous présenter également l'amendement n° 33, mon cher collègue ?
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, je souhaiterais entendre d'abord l'avis de la
commission et du Gouvernement sur l'amendement n° 32.
M. le président.
Quel est donc l'avis de la commission sur l'amendement n° 32 ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission a fait le choix de ne pas modifier au-delà de
la période transitoire les modalités de fixation de la revalorisation du SMIC.
Sur ce plan-là, elle n'a pas changé et ne changera pas de position. Elle a donc
émis un avis défavorable sur l'amendement n° 32 ainsi que sur l'amendement n°
33, qui concernent l'un et l'autre le SMIC.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 32 ?
M. François Fillon,
ministre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque le Gouvernement
s'est engagé, après l'avis du Conseil économique et social, sur la voie de
l'harmonisation rapide des SMIC par le haut, ce même débat a eu lieu, notamment
au sein de ce conseil. La question a été posée de savoir s'il fallait, à
l'occasion de cette harmonisation, réformer en profondeur notre salaire
minimum. Le Gouvernement ne l'a pas souhaité, et c'est un acte qu'il
revendique. En effet, nous considérons que le SMIC, dans notre pays, a une
valeur qui va bien au-delà de celle d'une simple variable technique ; c'est un
symbole, qui sert d'ailleurs de référence pour l'élaboration de l'ensemble des
grilles de salaires.
Il convient donc que le SMIC conserve son caractère général qu'il perdrait
s'il intégrait des éléments périphériques tenant au contexte dans lequel le
travail est exécuté. Aujourd'hui, nous avons besoin de donner aux salariés, en
particuler aux plus modestes d'entre eux, un horizon stable.
Cet horizon, c'est l'harmonisation par le haut ; c'est aussi l'augmentation
des salaires, qui étaient stagnants depuis plusieurs années, en raison, en
particulier, de l'effet des lois sur la réduction du temps de travail. Il
convient que ce cadre reste stable, que ce salaire de référence reste général,
raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 32
que présente M. Joly.
M. le président.
Monsieur Joly, maintenez-vous l'amendement n° 32 ?
M. Bernard Joly.
Eternel optimiste, j'avais espéré que l'amendement n° 32 serait accepté ; dans
cette hypothèse, je n'aurais pas présenté l'amendement n° 33.
M. le président.
L'amendement n° 32 est retiré.
Veuillez maintenant présenter l'amendement n° 33, monsieur Joly.
M. Bernard Joly.
Cet amendement, qui reprend le troisième alinéa de l'amendement n° 32, avait
pour objet d'inclure dans le salaire réellement perçu, pour vérifier la
conformité de ce salaire réel au SMIC, un seul élément de rémunération soumis à
cotisations sociales, le treizième mois.
Cela étant, compte tenu des propos tant de M. le rapporteur que de M. le
ministre je retire l'amendement n° 33.
M. le président.
L'amendement n° 33 est retiré.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Gruillot pour explication de vote.
M. Georges Gruillot.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous examinons depuis hier, maintenant, paraît à même de répondre avec
efficacité aux principales difficultés nées de la législation mise en place en
2000 concernant la réduction du temps de travail.
Il fait appel largement à la négociation collective, principe directeur de
l'action du Gouvernement. Ainsi, sans remettre en cause la durée légale des 35
heures, ce texte permet aux partenaires sociaux de se réapproprier le thème de
la réduction du temps de travil.
Par ailleurs, il résout l'épineux problème des SMIC multiples et améliore les
dispositifs d'allégement des charges sociales tout en les simplifiant.
Avec ce texte, le Gouvernement respecte les engagements pris par la majorité
nationale pendant la campagne électorale du printemps dernier, et répond ainsi
aux aspirations des Français.
Je tenais à remercier, au nom de mon groupe, notre collègue Louis Souvet pour
son excellent rapport...
M. François Trucy.
Très bien !
M. Georges Gruillot.
... et pour les propositions d'amélioration qu'il a présentées et qui ont été
adoptées par le Sénat, notamment en ce qui concerne le renvoi à la négociation
collective du soin de déterminer les catégories de cadres pouvant bénéficier du
forfait annuel en jours.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe du RPR votera votre projet de
loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
arrivons donc au terme de ce débat qui marquera aussi, pour de nombreux
salariés, surtout dans les petites entreprises, le terme des 35 heures !
Nous avons pu confronter nos points de vue, nos politiques par rapport au
salaire, au temps de travail, au développement de l'emploi. La confrontation a
été directe. Nous sommes allés au bout de nos convictions, ce qui est la règle
démocratique que nous nous devons d'appliquer et de respecter.
Où en sommes-nous ?
Alors que le Gouvernement et sa majorité prétendaient assouplir les « lois
Aubry » et corriger leurs imperfections, c'est à une entreprise de destruction
que vous vous êtes méthodiquement livrés, contre l'avis des syndicats de
salariés, faut-il encore le rappeler.
Que résulte-t-il de nos débats, après une lecture dans chaque assemblée ?
Voyons point par point.
Dorénavant, les entreprises à 39 heures resteront à 39 heures. Plus rien,
surtout pas les allégements de cotisations patronales sans condition, ne
viendra les inciter à réduire la durée du travail. Les entreprises n'auront
plus aucun intérêt financier à le faire. Celles qui sont à 35 heures pourront,
comme l'a dit M. le Premier ministre, revenir à 39 heures, avec un coût de 10 %
pour les quatre premières heures supplémentaires, ce qui représente, à
l'échelle d'un salaire mensuel, 1 % d'augmentation, c'est-à-dire rien, en tout
cas rien qui puisse encourager les salariés à effectuer ces heures
supplémentaires.
En clair, les heures supplémentaires non ou peu majorées seront obligatoires
pour les salariés. Il me semble que cela ne correspond pas vraiment à votre
slogan électoral : « Travailler plus pour gagner plus. »
La modification du seuil de déclenchement du repos compensateur va se traduire
pour beaucoup par une semaine de congé en moins. Là non plus, on ne voit pas
quel bénéfice les salariés peuvent en escompter.
M. Hilaire Flandre.
Il faut leur demander !
M. Gilbert Chabroux.
Ils l'ont déjà dit !
M. Claude Domeizel.
Et il le rediront !
M. Gilbert Chabroux.
Et ils le rediront et ils le constateront de plus en plus !
M. Alain Gournac.
Ils se sont déjà exprimés !
M. Hilaire Flandre.
Oui, dans les urnes !
Mme Sylvie Desmarescaux.
Et Mme Aubry a perçu le sens de leur réponse !
M. Gilbert Chabroux.
L'annualisation systématique du calcul de la durée du travail sans référence
hebdomadaire va conduire aussi à la perte de jours de congé. Surtout, elle est
une incitation à la flexibilité. De même, plusieurs dispositions portant des
allégements seront une autre incitation au recours au temps partiel.
Le compte épargne-temps monétarisé perd toute son originalité et aussi tout
intérêt pour les salariés. Sans jeu de mots, pourquoi épargner des jours qui
sont convertis en sommes d'argent placées sur un compte bloqué sans intérêts
?
La modération salariale devient aussi la règle pour les smicards. La fin des
SMIC multiples vous offre, monsieur le ministre, l'opportunité de modifier la
règle d'indexation du SMIC, et ce dans un sens totalement défavorable aux
salariés.
Les cadres et aussi les itinérants non cadres voient les règles qui
régissaient encore leur durée du travail exploser sous le coup du forfait tous
azimuts. Les règles européennes de base demeureront seules applicables.
Les petites entreprises elles-mêmes sont inquiètes des difficultés qu'elles
vont désormais connaître pour recruter des personnels qui seront
immanquablement plus attirés par un temps de travail réduit et des conditions
de travail plus favorables.
Vous nous avez maintes fois reproché d'avoir fait avec les lois Aubry, comme
d'ailleurs avec tous les textes qui n'allaient pas dans le sens du MEDEF, des
usines à gaz. Votre projet de loi est une usine à inégalités, entre les
salariés comme entre les entreprises, aspect inattendu de votre politique. Vous
créez une fracture de plus !
Surtout, ce texte jouera contre l'emploi. Les dispositions que je viens
d'énumérer ne peuvent manquer d'inciter les entreprises à recourir aux heures
supplémentaires et à la flexibilité, donc à ne pas embaucher. Le Président de
la République en campagne, le Premier ministre, vous-même, monsieur le
ministre, nous avez dit que votre première préoccupation était l'emploi.
Pourquoi alors prenez-vous des mesures dont vous ne pouvez ignorer qu'elles
aggraveront la situation ?
M. Hilaire Flandre.
Cela, c'est votre opinion.
M. Gilbert Chabroux.
Tout simplement pour des raisons qui ne sont que budgétaires s'agissant des
emplois-jeunes et pour complaire au MEDEF s'agissant des 35 heures ! Aucune
mesure n'est positive et ne constitue une politique active en faveur de
l'emploi.
Le contrat jeune en entreprise est l'expression d'un choix plus idéologique
que logique. Il ne déclenchera pas de décision d'embauche.
Les 35 heures ont eu un effet significatif sur l'emploi...
MM. Alain Gournac et Roger Karoutchi.
Oh !
M. Gilbert Chabroux.
... avec plus de 300 000 emplois créés depuis 1998.
Les 35 heures ont été une occasion de renouveler le dialogue social dans
nombre d'entreprises et de branches auxquelles elles ont donné du grain à
moudre.
M. Alain Gournac.
Ça oui !
M. Gilbert Chabroux.
Les 35 heures ont permis l'amélioration des conditions de vie de 10 millions
de salariés, salariés qui ne veulent plus revenir en arrière.
M. Alain Gournac.
Faux !
M. Gilbert Chabroux.
Les salaires ont été maintenus et le pouvoir d'achat a augmenté de 1 % par an
entre 1997 et 2002.
M. le président.
Veuillez conclure, je vous prie, monsieur Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
J'en ai presque terminé, monsieur le président.
C'est un coup d'arrêt brutal qui est porté à cette dynamique, dans un contexte
de morosité et de rigueur annoncée.
M. Alain Gournac.
C'est un coup d'arrêt pour la gauche !
M. Gilbert Chabroux.
Comme d'habitude, la droite va avec cette politique à contre-courant, non
seulement des aspirations des salariés, mais aussi du mouvement historique de
réduction du temps de travail, un mouvement qui ne fait que refléter
l'aspiration des hommes et des peuples à plus de liberté personnelle et
d'accomplissement de soi. Martine Aubry avait compris qu'il fallait s'en saisir
et le gouvernement de gauche en avait fait une politique !
Mme Valérie Létard.
Les Lillois ont compris !
M. Roger Karoutchi.
Tous les Français ont compris !
M. Guy Fischer.
Seulement 14 % des inscrits !
M. Gilbert Chabroux.
Nous voici maintenant dans une ère différente où le profit immédiat de
quelques-uns remplace l'homme au centre des préoccupations politiques. Ce
projet de loi en est l'illustration détaillée de par les mesures qu'il
contient. C'est donc dans une perspective d'opposition sans concession à cette
politique totalement opposée à nos valeurs que nous voterons contre ce texte.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Hilaire Flandre.
Il n'est même pas convaincu !
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau.
En abandonnant les 35 heures, en augmentant le nombre d'heures
supplémentaires, la majorité de droite prend
de facto
la décision de
réduire le volume des embauches dans les entreprises.
A cela, je l'ai dit, s'ajoutera la suppression de 73 000 emplois-jeunes qui
vont se retrouver sur le marché du travail.
Pour satisfaire les exigences du MEDEF, avec votre majorité, vous réduisez le
taux de rémunération des heures supplémentaires, vous organisez la suppression
des jours de repos compensateur et, avec une annualisation, vous supprimez les
congés payés.
Pour les salariés payés au SMIC, vous jouez du mécontentement légitime de ceux
qui ont subi, à la suite du passage aux 35 heures, un gel de leur salaire. Par
l'annonce d'une augmentation de 11,4 % du taux horaire du SMIC, vous laissez
espérer un gain équivalent de pouvoir d'achat, alors que vous savez
pertinemment qu'il n'atteindra pas ce taux.
S'agissant du SMIC, vous donnez satisfaction à une vieille revendication du
MEDEF en supprimant l'indexation sur les gains de pouvoir d'achat des
salaires.
Pour faire échec aux droits des salariés, vous légiférez exclusivement pour
annuler les effets de décisions de justice très symboliques.
Vous avez adopté des dispositions graves concernant les personnels cadres.
Vous donnez au patronat la liberté de modifier le positionnement de milliers
de salariés en faisant voler en éclats les droits et protections de ceux-ci.
L'accroissement exponentiel de la flexibilité du travail comme celui de la
productivité au cours de ces dix dernières années ne suffisant pas au MEDEF et
à la droite, vous avez entériné la modification scandaleuse concernant le
régime des astreintes. Nous en avons apporté la plus claire des
démonstrations.
Vous êtes resté sourd, monsieur le ministre, à l'opposition unanime des
organisations syndicales, montrant ainsi votre mépris à l'égard de tous ceux
que vous qualifiez par ailleurs de « partenaires sociaux ».
Votre majorité a adopté, voire amplifié nombre de dispositions qui auront pour
effet d'accroître la précarité du travail et le recours au temps partiel en
même temps qu'elles feront grandir le sentiment d'abandon déjà ressenti par des
millions de travailleurs pauvres.
Sous couvert de simplification du droit du travail, vous bouleversez toute la
hiérarchie des normes. Vous avez clairement décidé que la loi deviendrait
subsidiaire en privilégiant le contrat.
Au nom de leurs conséquences financières, vous balayez les droits, pourtant
confirmés devant les tribunaux, accordés aux salariés du secteur social et
médico-social.
Les allégements de charges se cumulent et enflent à nouveau sans aucune
contrepartie pour les salariés.
Ce trop bref rappel de vos décisions et orientations, mesdames, messieurs de
la majorité, montre à quel point le patronat a réussi à mettre la main sur les
pouvoirs de décision au plus haut niveau de l'Etat. Nos débats ont mis en
évidence la gouvernance actuelle des entreprises que dénoncent les
syndicats.
Malgré les consignes strictes que le Premier ministre a imposées à sa
majorité, plusieurs de nos collègues de droite nous ont donné des exemples
savoureux qui éclairent les ambitions et les attentes ultralibérales qui
agitent - encore lui - le MEDEF. La présentation au mot et à la virgule près de
tous les amendements transmis par le baron Seillière a eu le mérite d'alerter
tous les observateurs attentifs.
En conclusion, je formule une dernière proposition visant à modifier
l'intitulé du projet de loi. Monsieur le ministre, vous pourriez l'intituler «
projet de loi pour la baisse des salaires, l'augmentation du temps de travail
et le développement du chômage ». Telle devrait être la conclusion de nos
débats.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac.
La chute était mauvaise !
M. Jean-Pierre Godefroy.
Ce qui veut dire que le reste était bon !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Pourquoi ces lamentations, cette violence ? Ce n'est pas le ton qui a prévalu
tout au long de nos débats ! Vous-même, monsieur le ministre, vous avez
pourtant su, à l'occasion de ce premier rendez-vous avec la majorité
présidentielle du Sénat, prendre un ton mesuré.
Vous avez su aussi donner un élan, sans pour autant nous obliger à une course
effrénée.
Vous avez su quoi qu'on en dise, prendre vos distances par rapport au patronat
lorsque c'était nécessaire, et vous avez montré à quel point le dialogue social
était important à vos yeux. Il l'est même tant que vous avez repoussé certaines
de nos propositions au seul motif qu'elles n'avaient pas fait l'objet d'une
concertation préalable ; vous en avez reporté l'examen parce que vous avez
voulu vous donner du temps.
Nous sommes convaincus que vous êtes au début d'un long chemin sur lequel nous
essaierons de vous accompagner. Nous reviendrons sur la question du temps
partiel, nous préciserons ultérieurement les contours du compte épargne-temps,
mais, dès aujourd'hui, sachez, monsieur le ministre, qu'au sein de la majorité
présidentielle le groupe de l'Union centriste apporte son soutien au projet de
loi que vous nous avez présenté.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je veux, monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, tenter de tirer quelques conclusions de nos
travaux, mais, auparavant, je remercie le rapporteur, M. Louis Souvet, de
l'important travail qu'il a accompli et de la qualité de son rapport.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je remercie aussi tous les sénateurs qui ont
accompagné la discussion de ce texte et, bien sûr, je vous remercie vous,
monsieur le ministre.
Vous nous avez présenté un texte qui, contrairement à ce qui a pu être dit,
est loin de marquer un recul. Il apporte au contraire de la clarté, de la
cohérence et de la souplesse : de la clarté grâce à la convergence, tant
attendue pour mettre fin à la véritable « pagaille » créée par les 35 heures,
des différents SMIC par le haut ; de la cohérence grâce à l'exonération de
charges sur les bas salaires qui accompagne cette décision ; de la souplesse
enfin tant pour les salariés qui veulent un meilleur salaire que pour les
entreprises qui veulent mieux s'adapter aux contraintes liées à notre époque si
complexe.
Vous avez su le faire dans le respect du dialogue social dont vous avez
témoigné dès votre prise de fonctions. Je veux publiquement vous en remercier
et je souhaite que le présent projet de loi fasse l'objet de la plus large
majorité.
Sur ce texte, nous avons adopté dix-huit amendements. Quatorze d'entre eux
émanaient de la commission, trois - vous n'étiez pas gourmand, monsieur le
ministre ! - du Gouvernement, le seul autre amendement adopté ayant été déposé
par M. Joly, qui reçoit ainsi la prime à la persévérance !
(Sourires.)
Même si plusieurs de ces amendements ont une portée significative, je dois
dire en toute honnêteté, monsieur le ministre, que nous avons quelque regrets.
Je suis certain cependant que vous parviendrez à effacer ceux-ci en tenant les
promesses que vous nous avez faites.
J'espère que l'Assemblée nationale adoptera conforme le texte issu de nos
travaux. Nous avons nous-mêmes adopté huit articles conformes, et nous en avons
modifié sept. J'estime que le travail qui a été effectué est d'une grande
qualité et, je le redis, je souhaite que le présent projet de loi recueille une
très large majorité.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon,
ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je
veux, après l'adoption de ce texte, remercier le Sénat.
Je remercie d'abord M. le rapporteur, qui, tout au long des débats, a éclairé
la discussion avec précision, avec finesse, avec jugement et, parfois, lorsque
c'était nécessaire, avec fermeté, ainsi que M. le président de la
commission.
Je remercie ensuite tous les membres de la Haute Assemblée qui ont suivi la
discussion, mais je veux remercier plus particulièrement la majorité
sénatoriale, qui a soutenu le Gouvernement en votant ce texte important pour
les salariés puisqu'il prévoit l'augmentation du SMIC et important pour les
entreprises, qui affrontent une concurrence difficile et ne pouvaient toutes
vivre avec l'impératif catégorique et pour tout dire dogmatique des 35
heures.
Permettez-moi aussi de souligner la qualité de nos échanges. C'est une
tradition au Sénat, je le constate une fois encore.
Mesdames et messieurs les sénateurs de la majorité, avec ce projet de loi,
nous avons d'abord tenu nos engagements, et nous l'avons fait complètement.
Nous avons respecté les partenaires sociaux. Nous avons replacé notre pays sur
la voie que suivent la plupart des grands pays de l'Union européenne, et cela
dans le contexte difficile que j'ai décrit à plusieurs reprises.
Les défis que doit relever notre pays ne peuvent en effet que s'accumuler en
raison tant de l'élargissement de l'Union européenne que de la concurrence
mondiale grandissante.
Je suis convaincu que les Français voient clair : ils sont informés, ils
savent que le monde change, ils voient le sens des évolutions. D'une certaine
manière, ils sanctionnent ceux qui ne leur disent pas la vérité.
Nous avons le devoir aujourd'hui de dire la vérité aux Français : la vérité
sur les conditions de la bataille économique qui se déroule, sur les conditions
dont dépend la pérennité de leurs emplois, sur les conditions du maintien du
niveau de vie, sur les conditions de notre existence, conditions que nous avons
mises en place mais qui sont menacées en permanence par l'émergence de nouveaux
pays et les changements qui interviennent dans le monde.
Le contrat jeunes en entreprises constitue la première pierre d'une stratégie
globale qui se poursuivra avec une révision ciblée de la loi dite de
modernisation sociale que j'ai évoquée plusieurs fois au cours de ces débats,
avec la rénovation des modalités du dialogue social, qui a déjà fait l'objet,
elle aussi, de débats pendant nos travaux, avec la mise en place de l'assurance
emploi, avec la création du contrat d'insertion dans la vie sociale, qui
permettra de tenir compte de l'expérience des emplois-jeunes et des
inconvénients que ce dispositif n'a pas manqué de révéler, avec la mise en
oeuvre du revenu minimum d'activité et avec la réforme des retraites.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, l'élan que le Gouvernement, avec
votre appui, entend poursuivre pour rénover notre pacte économique et social.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
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