SEANCE DU 24 OCTOBRE 2002
POLITIQUE FERROVIAIRE
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 1 de
M. Josselin de Rohan à M. le ministre de l'équipement, des transports, du
logement, du tourisme et de la mer sur la politique ferroviaire.
M. Josselin de Rohan demande à M. le ministre de l'équipement, des transports,
du logement, du tourisme et de la mer de bien vouloir lui exposer la politique
qu'il entend mener en matière ferroviaire et, plus particulièrement, en ce qui
concerne la réalisation des lignes de TGV.
La parole est à M. Josselin de Rohan, auteur de la question.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un nombre
important de projets de liaisons ferroviaires, routières ou fluviales ont été
engagés, étudiés ou annoncés par le gouvernement précédent sans que les
financements nécessaires aient été garantis. M. Gayssot, alors ministre de
l'équipement, avait évalué en 1999 à 8 milliards d'euros le coût des sept
projets de liaisons à grande vitesse susceptibles d'être réalisés entre 2000 et
2010. Compte tenu des perspectives de croissance de l'économie nationale et
internationale, mais aussi de la situation précaire de nos finances publiques,
il était légitime de s'interroger sur la possibilité, pour notre pays, de faire
face à une telle charge dans les huit années à venir.
Telle est la raison qui a conduit le Gouvernement à demander au conseil
général des Ponts et Chaussées et à l'Inspection générale des finances de
procéder à un audit des projets en cours afin d'analyser leur faisabilité
technique, d'évaluer le montant des dépenses à engager et de déterminer un
calendrier des réalisations en fonction des ressources financières
existantes.
Nous ne pouvons qu'approuver cette démarche, car la première exigence des
contribuables doit être celle de la clarté et de la vérité. Il ne serait ni
sage ni honnête d'entretenir des illusions parmi les populations intéressées si
les projets ne pouvaient être réalisés aux conditions et dans les limites de
temps fixées par le gouvernement précédent.
Pour autant, nous souhaitons obtenir des précisions sur ce que le Gouvernement
attend de l'audit, sur la méthode selon laquelle celui-ci est conduit et sur le
domaine qu'il concerne.
Il s'agit non pas, dans mon esprit, de préjuger les conclusions de cet audit,
dont on nous a indiqué qu'elles feraient l'objet d'un débat au Parlement, mais
d'obtenir un éclairage sur les objectifs et sur la méthode.
S'agissant des objectifs, que recherche le Gouvernement : un classement des
projets selon des priorités définies par l'audit, un plus grand étalement des
dépenses dans le temps que celui qui avait été envisagé à l'origine, la
réorientation en faveur du transport ferroviaire de crédits consacrés à nos
voies de communication, la recherche, avec l'Union européenne, de concours
supplémentaires pour accroître nos marges de manoeuvre et utiliser au mieux les
ressources financières existantes, ou bien encore un appel aux collectivités
locales pour prendre en charge une plus grande part du financement des travaux
?
M. Charles Revet.
Et peut-être un réexamen des coûts !
M. Josselin de Rohan.
Même si vous n'excluez aucune hypothèse, peut-être avez-vous une préoccupation
majeure, qu'il nous serait agréable de connaître.
Selon quels critères l'audit sera-t-il conduit ? Doit-il mettre en relief et
comparer, pour chacune des liaisons à grande vitesse, le taux de rentabilité
externe et le taux de rentabilité interne ? Je rappelle que le taux de
rentabilité externe, ou taux socioéconomique, prend en compte les avantages de
la liaison à grande vitesse pour l'ensemble des acteurs du projet, qu'il
s'agisse des voyageurs, de l'Etat, des collectivités territoriales ou des
opérateurs ferroviaires. Le taux de rentabilité interne, quant à lui, est
calculé en fonction du coût et des avantages purement financiers pour les seuls
opérateurs ferroviaires - je devrais plutôt dire : pour le seul opérateur
ferroviaire.
Sachant, par exemple, que le taux de rentabilité socioéconomique minimal est
fixé à 8 %, les projets présentant un taux supérieur à ce seuil ont-ils plus de
chances que d'autres d'être pris en compte ?
Sachant, par ailleurs, que les liaisons sont assurées par un opérateur unique,
la SNCF, le profit engendré pour l'entreprise nationale, et elle seule, doit-il
être particulièrement pris en considération ? L'intérêt que présente une ligne
à grande vitesse sera-t-il examiné au regard de l'aménagement du territoire
?
Vous m'objecterez, monsieur le ministre, que toutes les liaisons envisagées
répondent à cette définition ; mais l'audit évaluera-t-il le remède qu'apporte
la nouvelle ligne ferroviaire à la situation périphérique d'une région telle
que la Bretagne, par exemple, ainsi que la possibilité de libérer une ligne
classique au profit du développement du trafic de marchandises ou de celui du
transport intrarégional ?
L'audit, enfin, s'inscrira-t-il dans les perspectives dégagées par les
documents nationaux et européens ?
Le comité interministériel pour l'aménagement du territoire - le CIAT - du 14
mai 1991 a fait figurer les liaisons concernant la Bretagne et les Pays de la
Loire dans le schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande
vitesse. Les schémas de services collectifs de transport ont reconnu ces
liaisons comme l'un des moyens de valoriser l'Ouest atlantique dans ses
échanges avec les autres pôles européens. La liaison à grande vitesse ouest est
inscrite au réseau transeuropéen des transports depuis 1996.
Le projet de liaison Paris-Brest/Paris-Quimper en trois heures a fait l'objet
d'une première inscription au contrat de plan Etat-région 2002-2006 pour un
montant de 132 millions d'euros, et les études liées à l'avant-projet sommaire
ont été engagées pour un montant de 21 millions d'euros.
D'autres considérations, telles que les acquisitions de terrains déjà opérées
pour la réalisation du projet, le gel de certaines terres à cause de la
détermination des fuseaux ou la nécessité, pour les agglomérations, de lever
des hypothèques et des incertitudes pesant sur leur développement urbanistique
du fait des emprises seront-elles prises en compte ? Autant de questions qui se
posent aux élus locaux et qui les inquiètent.
M. Jean-Claude Carle.
Tout à fait !
M. Josselin de Rohan.
Enfin - et ce sera le dernier point que j'aborderai -, l'audit portera-t-il
sur le problème capital du financement et débouchera-t-il sur des
préconisations dans ce domaine ?
Il me semble plus que probable qu'il sera impossible de recourir à des
financements classiques pour la réalisation des sept lignes à grande vitesse
prévues à l'échéance 2010, car l'état de nos finances publiques, comme les
capacités des collectivités locales, ne le permettront pas. Dès lors - et là
est le problème -, il faudra ne retenir que quelques projets et repousser la
réalisation de tous les autres à un horizon indéterminé.
Le moment n'est-il pas venu de faire preuve, en ce domaine, d'imagination et
d'envisager le recours au marché financier ?
Faut-il rappeler que, au xixe siècle, la construction de notre réseau
ferroviaire a été principalement financée par des capitaux privés ? Ce sont les
Rothschild et les Pereire qui ont très largement procédé au financement de nos
lignes ; les plus mal loties d'entre elles étaient d'ailleurs financées par
l'Etat.
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Demandez à Dassault !
M. Josselin de Rohan.
Aujourd'hui, les autoroutes sont financées par des processus qui ne sont pas
budgétaires.
Le taux de fréquentation de la ligne Paris-LyonMarseille montre que les
liaisons à grande vitesse captent une clientèle nouvelle et nombreuse qui
accroît la rentabilité interne des lignes. Le fait que le choix des voyageurs
se reporte sur le rail montre qu'il existe des gisements importants de
clientèle, que l'on peut mobiliser.
Envisagez-vous de faire étudier de nouvelles formules de financement à
l'occasion de l'établissement de cet audit, qui faciliteraient la réalisation
des projets tout en soulageant les finances publiques de l'Etat et des
collectivités locales ?
Bien entendu, la garantie de l'Etat et celle des collectivités locales
pourraient être apportées aux emprunts souscrits par des opérateurs financiers
pour la construction des lignes à grande vitesse. Ces formules peuvent être
affinées.
Je voudrais terminer par une constatation et une mise en garde.
Dans l'Europe élargie, la mise en oeuvre, par la France, d'un réseau de
liaisons ferroviaires à grande vitesse est un puissant moteur du développement
économique. Il évitera que le déplacement vers l'est du centre de gravité
économique et démographique de l'Europe ne s'opère à notre détriment, et
permettra de renforcer les échanges, les partenariats et les réseaux entre nos
régions et nos agglomérations, ainsi qu'avec les grands centres de décision et
les grandes zones de consommation européens.
Cela étant, rien ne serait plus nuisible à la cohésion nationale et à un
aménagement équilibré du territoire que l'abandon de certains projets vitaux
pour l'avenir de nos régions. Si la fracture ferroviaire s'ajoutait à la
fracture démographique, sociale ou numérique, il y aurait lieu de redouter de
graves déchirements dans ce pays, préludes à de graves affrontements.
En tout cas, l'opinion bretonne sera très attentive, monsieur le ministre,
tant à la réponse que vous apporterez à la question que je vous pose
aujourd'hui qu'aux débats auxquels l'audit donnera lieu demain. En effet, elle
sent que son avenir dépendra des décisions qui seront arrêtées à l'issue de ces
discussions. Monsieur le ministre, vous savez que nous avons une certaine
réputation de ténacité : vos origines bretonnes vous permettront de le
comprendre, je n'en doute pas !
(Sourires et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en août
dernier, le Gouvernement a confié au Conseil général des Ponts et Chaussées et
à l'Inspection générale des finances la réalisation d'un audit sur les projets
de liaisons ferroviaires, routières et fluviales.
En effet, plusieurs projets ont été engagés, étudiés ou annoncés par le
gouvernement précédent sans que les financements nécessaires aient été
garantis. Compte tenu de l'importance des sommes en jeu et de la nécessité
d'achever les travaux en cours de réalisation, le Gouvernement souhaite
apprécier avec précision la situation des équipements et des divers projets
envisagés, qu'il s'agisse du coût pour l'Etat, de l'état précis des projets et
de leur faisabilité technique ou du calendrier prévisionnel.
Un autre objectif assigné à cet audit tient à l'évaluation de l'intérêt
socioéconomique et des enjeux en termes d'aménagement du territoire, sur le
plan tant national qu'européen.
Monsieur le ministre, nous comprenons les motivations du Gouvernement en la
matière. Pour autant, il nous paraît nécessaire de préciser avec vous certains
points qui ont pu susciter l'inquiétude, ou du moins soulever les questions des
élus.
Je résumerai maintenant ces questions.
Pourquoi procéder à une évaluation de l'intérêt socioéconomique et des enjeux,
alors que certains projets sont à l'étude et ont fait l'objet d'engagements
officiels de la France et de ses partenaires européens depuis plusieurs années
?
La réalisation d'un audit ne cacherait-elle pas une volonté de retarder, voire
de remettre en cause certains projets de liaisons, faute des financements
nécessaires ?
Au regard de ces questions, monsieur le ministre, je me réjouis de
l'initiative de M. de Rohan, qui permettra de clarifier la situation en
attendant le débat sur la politique générale du transport dans le cadre
européen que vous nous avez promis d'organiser à la suite de l'audit.
Du débat de ce matin, nous attendons d'abord qu'il vous permette de confirmer
les engagements de la France, singulièrement ceux qui concernent la région
Rhône-Alpes, dont je suis un élu. Je songe ici à la liaison à grande vitesse
Rhin-Rhône, qui offrira des liaisons performantes depuis l'Allemagne du Sud et
la Suisse du Nord-Ouest vers le sud de la France et de l'Europe, projet auquel
notre collègue Jean-François Humbert, président de la région Franche-Comté, est
particulièrement attaché.
La région Rhône-Alpes a fait connaître son intérêt pour la branche sud,
rattachée à la branche est entre Dijon et Dole pour rejoindre Lyon. Je crois
savoir que le comité de pilotage des études de la ligne à grande vitesse
Rhin-Rhône a adopté le cahier des charges des études.
Celui-ci tient compte des avis recueillis au cours des débats publics
organisés en 2000 s'agissant de la branche sud et en 2002 s'agissant du
contournement de Lyon, ainsi que des études complémentaires de Réseau ferré de
France, RFF, et des avis des conseils régionaux.
Ce cahier des charges doit donc vous être transmis pour approbation. Monsieur
le ministre, confirmez-vous que la décision interviendra au début de l'année
prochaine ?
Ma seconde et principale préoccupation concerne la liaison Lyon-Turin, qui a
fait l'objet d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République italienne en janvier 2001, accord approuvé par le
Sénat le 21 février dernier.
Ce projet consiste à construire une liaison ferroviaire nouvelle entre Lyon et
Turin comportant notamment, pour le franchissement des Alpes, un tunnel à basse
altitude de cinquante-deux kilomètres de long entre la Maurienne et la vallée
de Susa en Italie.
La liaison comportera plusieurs sections de ligne à grande vitesse. Une large
partie de l'itinéraire sera vouée non seulement aux trains de voyageurs, mais
également au trafic de marchandises, notamment par ferroutage.
Par cette liaison nouvelle, il s'agit de répondre aux besoins croissants créés
par le trafic entre les deux pays et d'éviter la saturation des axes existants
en dirigeant une partie du surcroît de trafic vers le rail plutôt que vers la
route, sachant, c'est clair, que la mise en service de la nouvelle liaison
ferroviaire n'empêchera pas l'augmentation du trafic sur les liaisons
routières.
A ce sujet, j'ai déjà eu l'occasion de vous rencontrer, monsieur le ministre,
notamment pour la desserte autoroutière et routière de la Haute-Savoie, en ce
qui concerne tant l'autoroute A 41 entre Cruseilles et Saint-Julien que le
désenclavement du Chablais.
Les accidents survenus dans les tunnels routiers du Mont-Blanc, en mars 1999,
et du Saint-Gothard, en octobre 2001, ont en effet mis en lumière l'acuité des
problèmes relatifs aux transports entre l'Italie et le reste de l'Europe à
travers les Alpes et l'urgente nécessité de solutions adaptées pour satisfaire
aux besoins de transport tout en répondant aux exigences de sécurité et
d'environnement.
L'enjeu du projet Lyon-Turin est donc considérable. Ce projet s'inscrit dans
un contexte plus général d'amélioration des liaisons transalpines et de
rééquilibrage en faveur du rail réunissant les différents pays concernés,
appuyés bien sûr par l'Union européenne.
A ce titre, il dépasse largement les seules relations entre la France et
l'Italie, ce qui lui a valu d'être retenu, lors du Conseil européen d'Essen en
1994, parmi les quatorze grands projets d'infrastructures prioritaires.
A l'horizon 2012, c'est-à-dire après la mise en service complète de la
nouvelle ligne - tunnel franco-italien et tunnel sous Belledonne -, les gains
horaires seront considérables pour les liaisons avec les grandes villes du nord
de l'Italie.
Ainsi, le trajet Paris-Turin s'effectuera en moins de trois heures, contre
près de cinq heures pour le train le plus rapide aujourd'hui, et le trajet
Lyon-Turin en une heure trente, soit environ deux heures de moins
qu'actuellement. Milan se trouvera à moins de quatre heures de train de Paris
et à moins de deux heures trente de Lyon.
La modernisation de l'axe Valence-Grenoble-Montmélian permettra une connexion
avec les deux branches du TGV Sud, ce qui mettra Turin à environ deux heures
trente de Marseille et à moins de quatre heures de Barcelone.
Si l'opportunité et l'intérêt socioéconomique du projet Lyon-Turin ne sont pas
en jeu, la concrétisation de cette infrastructure reste encore suspendue à de
nombreuses conditions techniques, juridiques et, bien sûr, financières.
En effet, pour chaque section du trajet, il restera, une fois les derniers
choix techniques effectués, à réunir les financements nécessaires en réalisant
un accord entre les différents partenaires intéressés.
Tel qu'il est évalué aujourd'hui, le coût global du projet Lyon-Turin s'élève
à environ douze milliards d'euros, dont quelque huit milliards d'euros pour la
France.
Le financement du projet n'est pas encore bouclé. Néanmoins, à ce stade, et
compte tenu des engagements officiels pris par notre pays, on comprendrait mal
que le projet Lyon-Turin soit retardé ou, pire, remis en cause pour des
considérations financières.
Dans les schémas de services collectifs de transport, s'agissant des projets
de lignes nouvelles à grande vitesse, dont la ligne Lyon-sillon alpin, le
gouvernement précédent évaluait à environ 25 % la part que pourraient supporter
RFF et la SNCF dans le programme, le reste devant, selon lui, « probablement
être financé à parité par l'Etat d'une part, les collectivités territoriales et
l'Europe d'autre part ».
A l'automne dernier, la région Rhône-Alpes a accepté le principe d'une
participation, sous certaines conditions, au financement des grandes
infrastructures de transport ferroviaires et autoroutières, notamment la ligne
à grande vitesse Lyon-sillon alpin, le tunnel fret sous la Chartreuse et
l'amélioration des lignes existantes d'acheminement vers l'Italie.
Mais il n'est pas certain que l'effort important qu'elle envisage de consentir
et les contributions que pourraient apporter les autres collectivités locales
intéressées soient suffisants si l'Etat ne s'engage pas, pour ce qui le
concerne, beaucoup plus fortement, et en particulier pour le segment
international.
Et encore, monsieur le ministre, n'ai-je pas abordé la question de
l'amélioration de la desserte ferroviaire par le nord et par le sud de la
Haute-Savoie vers Paris, qui n'entre pas dans le cadre de votre audit.
En effet, il ne s'agit pas de rater le rendez-vous de l'histoire : à travers
les investissements structurants listés dans l'audit, nous faisons un pari sur
l'avenir.
Pour réussir ce pari, nous devons avoir une politique des transports qui
s'intègre dans un cadre désormais européen et se conjugue avec une vision
claire de l'aménagement du territoire. A travers ces projets de liaisons, notre
volonté doit être de positionner la France, toute la France et pas seulement
Paris et l'Ile-de-France, au coeur de l'Europe.
Permettez au provincial que je suis, monsieur le ministre, de s'étonner qu'il
ait été question d'un troisième aéroport dans la région parisienne. Puisque
nous devons faire des choix, puisque la France ne peut pas tout payer, pourquoi
financer un troisième aéroport international alors que l'aéroport de Lyon -
Saint-Exupéry est à même de remplir cette fonction et, du même coup,
d'optimiser le noeud ferroviaire à grande vitesse en direction de l'Italie et
de l'Europe du sud ?
En effet, quand un passager atterrit à Saint-Exupéry, il saute dans le TGV et,
en moins de deux heures, il est au centre de Paris. Demain, il sera à moins de
deux heures trente de Milan. Pour un homme d'affaires américain, cela
représente moins de temps que pour traverser Los Angeles ! Et c'est moins que
le temps qu'il m'a fallu avant-hier pour rejoindre l'aéroport de Roissy depuis
le Sénat !
De tout cela, il faudra débattre avec le Parlement lorsque les conclusions de
l'audit et de l'étude prospective de la DATAR, la délégation à l'aménagement du
territoire et à l'action régionale, seront connues.
Dans cette attente, je vous remercie, monsieur le ministre, des informations
que vous pourrez me donner sur les intentions de l'Etat et sur l'état
d'avancement des liaisons ferroviaires qui intéressent la région Rhône-Alpes et
les Rhône-Alpins, mais aussi la France entière.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M.
Michel Dreyfus-Schmidt applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'augmentation des trafics de transports substitutifs à la route touche en
France tous les autres modes de déplacement. Face à une demande en expansion
constante, en particulier en matière de transports ferroviaires rapides pour
les voyageurs, les structures et les extensions finales de réseaux n'évoluent
parfois, hélas ! qu'à la vitesse de l'escargot.
Or, monsieur le ministre, nous avons le devoir de faire bouger les esprits et,
pour passer à la vitesse supérieure, de donner, sur le terrain, la décharge
électrique tant attendue. C'est pourquoi je mets à profit le temps de parole
qui m'est imparti pour vous sensibiliser une nouvelle fois sur un projet
concret - vous le connaissez d'ailleurs bien - de politique ferroviaire
régionale, au service d'une plus grande solidarité des acteurs territoriaux :
il s'agit du projet d'électrification du TGV vendéen.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, l'« impérieuse nécessité » de
l'électrification ferroviaire pour accéder à la façade littorale du département
est inscrite au contrat de plan 2000-2006, qui a été signé entre l'Etat, la
région, le département et les communautés de communes concernées. Mais trois
obstacles ont, semble-t-il, surgi brutalement s'agissant de la programmation
d'un tel projet d'investissement public.
Le premier écueil, nous dit-on, est avant tout de nature financière. Par
rapport aux premières estimations, le budget augmenterait de 200 000 euros, qui
seraient partagés entre l'Etat, la région, le département et les communautés de
communes. Parallèlement, et avant de lancer les travaux nécessaires à la
modernisation par l'électrification de la ligne TGV, les acteurs de ce projet
attendent avec impatience la décision de la SNCF et de votre ministère,
monsieur le ministre.
Le deuxième désagrément est de nature décisionnelle. Le feu vert pour le
lancement du projet dépend également d'une étude socioéconomique diligentée par
Réseau ferré de France. Cette étude est actuellement négative, semble-t-il,
pour le TGV électrifié de desserte ferroviaire de la ligne Nantes-Les
Sables-d'Olonne. Les élus vendéens redoutent que cette étude ne soit qu'un
alibi pour renoncer à ce projet. Monsieur le ministre, il n'est aucunement
souhaitable pour nos concitoyens et les millions de touristes qui se rendent
chaque année sur les côtes vendéennes que cette étude soit utilisée par RFF
pour remettre en cause l'engagement de l'Etat dans le contrat de plan qui a été
signé depuis deux ans déjà.
Enfin, le troisième inconvénient est de nature partenariale. La SNCF semble
favorable à la réalisation du projet sans toutefois vouloir véritablement s'y
impliquer. En clair, elle s'y intéresse tout en souhaitant que les
collectivités territoriales prennent en charge le déficit de fonctionnement
annoncé, et ce de façon assez péremptoire. Dès lors, où se trouve la
responsabilité de chacun dans cette affaire ?
Monsieur le ministre, la Vendée, où nous avons été heureux de vous accueillir
voilà quelques semaines, est un département attrayant, toujours ouvert sur
l'extérieur, et qui a réussi, je pense, son désenclavement routier ; il faut
maintenant réussir son désenclavement ferroviaire. Deuxième département
touristique en France, il est aussi le seul département de l'Ouest sans TGV
électrifié.
De toute évidence, le TGV tracté actuellement par des locomotives à moteur
Diesel remporte un fort succès auprès des usagers. D'ailleurs, nous nous
félicitons des prévisions de la SNCF, qui ont été multipliées par deux depuis
sa mise en place, le 28 mai 2000.
Ces éléments vous ont été présentés lors de votre récente visite en Vendée, le
4 octobre dernier, monsieur le ministre. Pouvez-vous aujourd'hui réaffirmer à
l'élu local que je suis et à l'ensemble des élus vendéens qui sont concernés
par ce projet votre engagement réel - vous nous en avez fait part en Vendée -
et personnel ainsi que le soutien actif de vos services auprès de RFF pour que
nous passions du TGV tracté au TGV électrifié.
Je conclurai par une image médicale : aujourd'hui, nous avons un TGV sous
cathéter ; nous souhaiterions très rapidement avoir un TGV sous caténaire !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains
et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner.
Monsieur le ministre, cette discussion arrive à point nommé : elle devrait
permettre d'éclairer la représentation nationale sur vos intentions en matière
de politique ferroviaire, car, il faut bien le reconnaître, nous sommes pour
l'instant un peu dans le flou.
Vos déclarations, cet été, dans la presse ou, au printemps, celles qui ont été
faites par le secrétaire d'Etat aux transports nous paraissaient, par certains
côtés, un peu précipitées, parfois contradictoires, voire inquiétantes,
s'agissant de la poursuite du programme d'investissement ferroviaire prévu.
On peut s'interroger sur la signification et sur les objectifs de l'audit que
vous avez commandé cet été ; je note que cet avis est partagé. Que voulez-vous
remettre en cause ?
Depuis des années, dans un contexte de forte croissance du transport, tous les
rapports parlementaires, en particulier ceux qui ont été rédigés par le Sénat,
dénoncent l'hégémonie du tout-routier en France, laquelle est confirmée par les
chiffres.
Monsieur le ministre, vous avez fait de la lutte contre l'insécurité routière
un axe d'action du Gouvernement. Vous savez que nous partageons volontiers cet
objectif. La sécurité ferroviaire constitue, à l'évidence, l'une des réponses
qui doivent être apportées dans ce combat.
Vous faites vôtres les engagements internationaux de la France en matière de
respect de l'environnement, en particulier la réduction d'émission des gaz à
effet de serre. Le développement ferroviaire s'y inscrit naturellement.
Et c'est bien dans cet esprit que la précédente majorité a travaillé de 1997 à
2002 pour relancer le ferroviaire en France. La politique engagée par le
Gouvernement de M. Lionel Jospin, notamment par le ministre des transports, M.
Jean-Claude Gayssot, a mis fin à la spirale du déclin d'un secteur ferroviaire
négligé depuis trop longtemps. Résolument engagés dans une logique de rupture
avec le tout-routier, nous avions fait le choix du développement durable par le
rééquilibrage vers des modes de transport respectueux de l'environnement.
Je rappelle les cinq axes stratégiques qui figurent dans les schémas de
services collectifs de transports de juillet 2001 : organisation des services
ferroviaires rapides au niveau européen ; organisation du transport de fret à
l'échelle nationale et européenne ; amélioration des grands corridors de
transport internationaux ; organisation multimodale des liaisons transalpines
et transpyrénéennes, qui donne la priorité au ferroviaire ; développement des
transports collectifs en secteur urbain et périurbain.
Ces schémas, qui sont le fruit d'une importante concertation entre l'Etat et
les collectivités locales, ont reçu un assentiment assez général, parce qu'ils
répondaient aux préoccupations exprimées localement. Ils ont donné une vision
de l'action de l'Etat à l'horizon 2020, et ce sans occulter les questions
financières, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là. L'argument est trop
facile, et il pourrait se retourner contre ses auteurs.
Je n'ai pas souvenir que les documents de présentation des projets
d'infrastructures, qui avaient été préconisés à l'issue du débat national sur
l'aménagement du territoire en 1993-1994, aient été accompagnés de plans de
financement. Nous le savons tous, monsieur le ministre, les négociations
financières sur les grands projets se déroulent tout au long du processus qui
conduit à leur réalisation alors même que les décisions politiques de
construction ont déjà été prises. C'est d'autant plus vrai aujourd'hui avec la
mise à contribution des collectivités locales, qui augmente la durée du tour de
table. Permettez-moi de rappeler quelques-unes des réalisations concrètes
issues de ces grandes orientations.
La gauche a multiplié les efforts pour moderniser le pays sur le plan
ferroviaire.
Les crédits ferroviaires des contrats de plan Etat-région ont été multipliés
par huit, à la grande satisfaction des régions concernées.
Les dividendes de l'activité autoroutière ont été utilisés pour le financement
d'infrastructures ferroviaires et maritimes.
L'amélioration de la sécurité des usagers a été entreprise.
La régionalisation des services ferroviaires de voyageurs, chère à notre
collègue Hubert Haenel, expérimentée au préalable dans plusieurs régions - sans
qu'il y eût besoin d'une loi constitutionnelle -, a été inscrite dans la loi
relative à la solidarité et au renouvellement urbains de décembre 2000. L'Etat
a doté cette décentralisation d'un montant de 1,5 milliard d'euro, alors qu'il
n'en dépensait lui-même qu'1 milliard.
La priorité a été accordée au fret ferroviaire, ce qui s'est traduit notamment
par le lancement de la liaison alpine Lyon_Turin, qui, à l'horizon 2012,
devrait détourner près de 2,6 millions de poids lourds de la route, dont 1
million grâce au seul ferroutage sur le wagon Modalohr, qui est développé par
une entreprise alsacienne. La première expérience de ferroutage français devait
ainsi être réalisée en février prochain. Il serait intéressant que vous
puissiez nous le confirmer.
La convention cadre pour la modernisation de la ligne
Clermont-Ferrand_Neussargues_Béziers a été signée en mars 2001 et inscrite par
l'Union européenne dans le réseau transeuropéen de fret ferroviaire.
Ont été réalisées et étudiées de nouvelles lignes de TGV. Je ne reviendrai pas
sur l'immense succès du TGV-Méditerranée, mais je mentionnerai aussi le
lancement des travaux du TGV Est européen le 28 janvier 2002 auquel j'ai eu le
plaisir d'assister ; je reviendrai sur ce grand projet dans quelques
instants.
Par ailleurs, la signature de la déclaration d'utilité publique, le 25 janvier
dernier, du TGV Rhin-Rhône entre Dijon et Mulhouse ouvre la voie à l'ouverture
de cette liaison européenne majeure à l'horizon 2008. J'espère, monsieur le
ministre, que vous nous confirmerez tout à l'heure la volonté du Gouvernement
de réaliser ce projet.
N'oublions pas, dans cette énumération, la nouvelle ligne Perpignan-Figueras -
branche du futur TGV Sud-Est Montpellier-Madrid -, l'aménagement de la ligne
Paris-Toulouse pour des TGV pendulaires, le prolongement du TGV entre Nîmes et
Montpellier, le TGV Bretagne-Pays de la Loire ou encore le TGV Aquitaine, qui
suscite actuellement une forte mobilisation des élus locaux. Ce sont là autant
de projets essentiels, pour certains déjà bien engagés, qui sont attendus avec
impatience. Le Gouvernement envisage-t-il de les remettre en cause ?
Enfin, permettez-moi de souligner les efforts accomplis pour la préservation
et le développement du service public du rail grâce aux opérations de
désendettement de RFF - dotation d'Etat au capital de 10 milliards d'euros - et
de la SNCF - dotation de 1,22 milliard d'euros -, à l'embauche de 26 000
cheminots entre 1999 et 2001 ou à la création du conseil supérieur du service
public ferroviaire.
Nous sommes conscients que la tâche était immense et qu'elle le demeure. Tout
n'est pas résolu. Il faut donc poursuivre les efforts accomplis.
Le secteur ferroviaire reste lourdement endetté.
L'objectif ambitieux de doubler le volume de fret ferroviaire à l'horizon 2010
sera certainement difficile à atteindre en raison du manque d'infrastructures
performantes, mais cela doit demeureur notre ambition. L'activité fret marque
encore le pas cette année.
La SNCF connaît également des difficultés conjoncturelles sur son activité
grandes lignes, hors TGV. Cela l'oblige à procéder à des cessions d'actifs, à
limiter ses recrutements au détriment parfois de l'efficacité ainsi que ses
acquisitions de matériel roulant, pourtant si indispensables. Ces mesures
nécessaires ne sont pas sans conséquences sur l'état d'esprit qui règne au sein
de l'entreprise.
Nous affirmons toutefois qu'à partir de la situation difficile de 1997 le
Gouvernement a su redonner, en cinq ans, un véritable élan au transport
ferroviaire de voyageurs et de marchandises, en conduisant une politique de
fondations solides pour son développement futur. Qu'allez-vous bâtir sur ces
fondations, monsieur le ministre ?
Parlons du contexte européen.
Quelle sera l'attitude du Gouvernement face à nos partenaires européens ? Le
conseil européen des transports qui doit se dérouler les 5 et 6 décembre
prochain approche à grand pas, et de nombreuses questions qui n'ont pas été
réglées lors des deux derniers conseils de juin et d'octobre, auxquels vous
avez participé, restent en suspens.
En effet, les orientations du Livre blanc de la Commission sur la politique
européenne des transports à l'horizon 2010 ainsi que les deux « paquets »
ferroviaires de décembre 2000 et de janvier 2002 vont entraîner de profondes
modifications dans le paysage ferroviaire national.
D'ores et déjà, la libéralisation du fret ferroviaire international pour 2003
est acquise ; la Commission envisage celle du fret national pour 2006. Le
précédent gouvernement s'était opposé à cette proposition. J'ai relevé à
plusieurs reprises des prises de position de M. Bussereau sur une filialisation
de l'activité fret SNCF. Ouvre-t-elle la voie à une privatisation partielle
ultérieure ?
Quel sera le discours de la France devant l'attitude à dominante libérale de
ses partenaires ? L'avertissement donné par Bruxelles à la France à propos
d'EDF, qui touche de fait au statut de l'entreprise publique, résonne
douloureusement aux oreilles des employés de la SNCF.
Vous connaissez, monsieur le ministre, notre attachement, et celui des
Français de manière générale, à notre service public ferroviaire. Vous pourriez
compter sur notre vigilance s'il s'agissait de remettre en question ce statut
public, au nom d'une idéologie dont on a pu constater les limites. L'exemple
des chemins de fer britanniques illustre, me semble-t-il, parfaitement mes
propos.
Le dernier conseil européen des transports n'est pas parvenu à un accord sur
le financement du programme Marco Polo destiné à soutenir le développement du
transport combiné et des solutions alternatives à la route. La France a fait
partie des opposants à la proposition ambitieuse de la Commission, s'agissant
notamment du montant alloué à ce programme. Pouvez-vous, monsieur le ministre,
nous préciser les raisons qui ont motivé l'opposition de la France ?
En ce qui concerne la réalisation des grandes infrastructures inscrites dans
les réseaux transeuropéens de transports, le dernier conseil européen, qui
s'est tenu à Luxembourg, n'est pas parvenu, pour la seconde fois consécutive, à
un accord sur la révision de la liste des quatorze grands projets qui ont été
validés lors du sommet d'Essen en 1996.
Les projets ajoutés à la liste initiale, proposés par la Commission et
approuvés par le Parlement européen, comportaient, notamment, le prolongement
du TGV Est jusqu'à Vienne, le TGV Rhin_Rhône ou encore la ligne nouvelle
Nîmes_Montpellier.
Il était également proposé de porter de 10 % à 20 % le taux de cofinancement
communautaire sur les projets relatifs aux goulets d'étranglement alpins et
pyrénéens. Faudra-t-il attendre 2004 pour que des décisions politiques soient
prises au plus haut niveau ?
Lors du dernier conseil, il semblerait que la France n'ait pas jugé bon non
plus de soutenir l'Espagne sur l'inscription dans la liste du projet de
traversée des Pyrénées, alors que les voies concernées frôlent l'asphyxie, avec
15 000 véhicules par jour dans les deux sens. Les élus des régions Aquitaine et
Midi-Pyrénées se sont émus, à juste titre, de cette absence de décision.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner votre position sur ce point ?
Comme on le voit, les questions européennes conditionnent largement la
réalisation de nos grandes infrastructures ferroviaires.
Il a fallu se battre, ces dernières années, pour la défense de notre
conception des services publics au sein de l'Union, dans des assemblées qui
n'étaient pas, loin s'en faut, favorables aux thèses françaises. Cependant, la
pression pour libéraliser à tout-va reste réelle. La France y résistera si elle
sait démontrer, par son efficacité, la pertinence de ses choix en faveur du
service public, mais le Gouvernement que vous représentez est-il toujours dans
le même sentiment ?
Nos interrogations portent également sur l'avenir du fret ferroviaire à la
lumière des points que je viens d'évoquer. La mission que vous avez confiée à
nos collègues MM. Haenel et Gerbaud a-t-elle pour objet de préparer une
régionalisation de ce secteur ? Quelles seraient, à vos yeux, monsieur le
ministre, l'utilité et l'efficacité d'une telle évolution ?
Enfin, quelle politique comptez-vous développer en matière de liaison
ferroviaire à grande vitesse ? Cette question, essentielle dans son contexte
européen et national, requiert des réponses très en amont. Vous connaissez,
comme chacun ici, la complexité du montage de ce type de dossier - complexité
qui n'est pas seulement financière - et la nécessaire transparence qui doit
exister dans son élaboration avec les acteurs concernés.
Pour prendre un exemple que, en tant que Lorrain je connais bien,
permettez-moi d'évoquer la ligne à grande vitesse est européenne, dont le
projet a été lancé voilà près de vingt ans et dont les travaux, qui débutent
aujourd'hui, suscitent nombre d'inquiétudes chez pour les responsables
régionaux.
Tout d'abord, des retards liés aux appels d'offres infructueux, aux
difficultés géologiques et aux problèmes de recrutement de personnels
spécialisés ont amené RFF à annoncer un report d'une année de la mise en
service de ce TGV, celle-ci aura donc lieu en 2007. Nous en prenons acte, tout
en vous demandant de mettre en oeuvre tous les moyens pour garantir cette
nouvelle échéance.
M. Bussereau a assuré à la presse alsacienne que les surcoûts annoncés
seraient pris en charge intégralement par l'Etat ; c'est bien la moindre des
choses quand on connaît l'effort, sans précédent, accompli par les
collectivités locales, qui, pour la première fois, financent un TGV ! La
convention de réalisation de l'ouvrage prévoyait d'ailleurs expressément cette
disposition : il y va de la parole de l'Etat.
Cependant, il semblerait qu'un gaspillage d'argent public se prépare en ce qui
concerne l'aménagement de la gare d'interconnexion en Lorraine, destinée aux
liaisons province-province.
Le protocole additionnel à la convention de réalisation du TGV Est prévoyait
que « compte tenu des avantages que représente l'interconnexion TGV-TER pour le
développement des transports collectifs en Lorraine, la gare d'interconnexion
sera réalisée à Vandières ».
Et pourtant, des récentes réunions du comité de pilotage comme de vos récentes
déclarations on peut déduire que l'Etat pourrait ne pas honorer sa signature en
maintenant la gare d'interconnexion à Cheminot, en plein champ, dans le colza,
à quelques kilomètres d'un aéroport, gare uniquement accessible par automobile.
Cette gare n'a d'intérêt ni comme gare de voyageurs ni comme gare de fret, car
l'utilité de relier aéroport et voie ferrée reste à démontrer. Il serait
infiniment plus pertinent de conserver cette possibilité inscrite dans la
déclaration d'utilité publique initiale si, dans le futur, cette utilité venait
à apparaître.
L'ensemble des acteurs lorrains s'est exprimé en faveur de l'implantation à
Vandières, y compris les associations d'usagers, le conseil économique et
social régional et les communes concernées.
Le prétexte de l'aménagement de cette gare, non inscrite dans la déclaration
d'utilité publique initiale, ne peut être avancé pour justifier un retard de la
mise en service du TGV, puisqu'il est admis aujourd'hui que sa livraison
interviendra de toute façon après l'ouverture de la ligne.
Qu'attend l'Etat pour réunir autour d'une table l'ensemble des collectivités
afin de statuer sur le financement ?
Par ailleurs, l'Etat a inscrit, pour son propre compte, plus de 15 millions
d'euros pour le financement de la gare de Vandières, et près de 14 millions
d'euros ont déjà été engagés. Si la gare de Vandières ne devait pas voir le
jour, cet argent serait perdu. Comment justifier devant nos concitoyens
l'existence de deux gares d'interconnexion en Lorraine, à quelques kilomètres
d'intervalle ? Ce seraient alors les dépenses de la gare de Cheminot qui
s'avéreraient inutiles.
Nous attendons, monsieur le ministre, que l'Etat respecte sa signature et que
vous nous annonciez les mesures que vous entendez prendre pour engager
définitivement l'aménagement de la gare d'interconnexion de Vandières.
A ce problème s'ajoute celui du franchissement de la vallée de la Moselle, à
propos duquel j'ai eu l'honneur de vous saisir avec mon collègue député
Jean-Yves Le Déaut. Il s'avère que l'Etat a autorisé RFF à réaliser les travaux
alors que de nombreux points figurant dans la déclaration d'utilité publique ne
sont pas satisfaits et que certains engagements de l'Etat ne sont pas
respectés.
En conclusion, monsieur le ministre, et sans anticiper sur la discussion
budgétaire que nous aurons bientôt, je voudrais vous faire part de notre
inquiétude. Vos déclarations, celles de votre secrétaire d'Etat, ont jeté un
doute sur votre détermination à propos de l'avenir ferroviaire.
Plutôt fiers de l'action que nous avons menée en la matière, nous attendons du
présent gouvernement qu'il s'exprime clairement sur l'ensemble de ces
questions.
Vos réponses intéressent les élus régionaux engagés dans la réalisation des
contrats de plan. Elles intéressent aussi l'ensemble des cheminots attachés,
vous le savez - et vous avez pu le vérifier hier, lors de la Convention
nationale - à la réussite de leur entreprise. Ils ont besoin de savoir où va
RFF, où va la SNCF. Ils ont besoin de savoir si vous leur donnerez les moyens
de réussir leur mission. Vous savez les efforts considérables - il s'agit là
d'une véritable mutation culturelle en cours - accomplis ces dernières années
en matière de dialogue interne dans l'entreprise. De ce point de vue, la
proposition de loi récente signée par 130 parlementaires de votre majorité pour
instituer un service minimum garanti en cas de grève apparaît comme une
provocation et une tentative de mise en cause du droit de grève. Il y a
certainement mieux à faire en ces temps pour faciliter la poursuite du dialogue
engagé.
Enfin, au-delà, vos réponses intéressent tous nos concitoyens, usagers
quotidiens et attentifs à la qualité de ce mode de transport.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Monsieur le ministre, à la demande de notre collègue M. Josselin de Rohan,
vous acceptez qu'un débat s'engage au Sénat sur un sujet fondamental
d'aménagement du territoire : le transport ferroviaire. Je tiens à vous en
remercier.
Ce sujet de première importance, à l'échelle de la France et de l'Europe, est
également essentiel pour l'avenir de nos collectivités territoriales. C'est
dire l'attention toute particulière que lui apporte le Sénat.
A titre personnel, je considère que le dossier du transport ferroviaire
s'inscrit parmi les grandes questions actuelles de la politique territoriale de
notre pays.
C'est ainsi que trois grands projets de développement ferroviaire font l'objet
d'un audit commandé par le Gouvernement au conseil général des Ponts et
Chaussées et à l'Inspection générale de finances. Les conclusions de cet audit,
attendues pour la fin du moins de décembre prochain, seront examinées par le
Parlement l'an prochain.
Les trois projets en question sont, je le rappelle, le TGV
Sud-Europe-Atlantique, le TGV Lyon-Turin et le TGV Sud-Europe, appelé également
« ligne nouvelle Languedoc-Roussillon », qui doit relier Nîmes à l'Espagne. Ces
trois projets relient non seulement de grandes villes françaises entre elles,
mais également la France à d'autres pays d'Europe.
Cette double dimension - régionale et européenne - met en évidence l'étroite
interdépendance de l'Europe avec nos régions et la nécessité d'un engagement
simultané et coordonné de l'Union européenne, de notre pays et des régions
concernées.
A titre d'exemple, le prolongement de la ligne du TGV Aquitaine permettra non
seulement de relier Paris à Bordeaux en moins de deux heures mais également de
développer la circulation des personnes et des biens entre la France et
l'Espagne.
Je voudrais brièvement préciser en quoi la connexion entre les deux dimensions
géographiques que sont l'Europe et les régions est indispensable pour assurer
la cohérence d'une politique globale de transport : si les grands projets TGV
doivent avoir une dimension européenne, ils n'acquièrent, à mon sens, une
totale justification qu'en favorisant le développement des réseaux
régionaux.
Regrettons au passage que la politique commune des transports n'ait été
inscrite que très récemment dans l'agenda européen, contrairement d'ailleurs
aux dispositions du traité fondateur de 1957. Heureusement, cette politique
occupe dorénavant une place importante dans le projet politique de l'Union
européenne, qui, dans ses diverses instances, accorde ainsi une attention
toute particulière au développement du rail.
En effet, à l'issue des travaux du groupe présidé par M. Christophersen, alors
vice-président de la Commission européenne, le sommet d'Essen a adopté en
décembre 1994 une liste prioritaire de neuf projets d'infrastructures
ferroviaires à grande vitesse, ce qui témoigne de l'intérêt porté par l'Union
européenne à la constitution d'un véritable réseau continental.
Parmi ces projets figurent le TGV Est Paris-Allemagne et Paris-Luxembourg, le
TGV Lyon-Turin-Milan-Venise-Trieste, les TGV
Montpellier-Perpignan-Barcelone-Madrid et Dax-Madrid par Valladolid. Il est
donc indispensable que les acteurs du système ferroviaire adoptent tous,
désormais, une démarche orientée sur les perspectives européennes.
La nécessité d'une telle vision pour traiter de la situation et des
perspectives du chemin de fer ne résulte pas seulement de considérations
relatives au contexte économique et politique. Elle est déjà inscrite dans
l'activité ferroviaire même et, partant, dans le comportement et les projets de
tous les acteurs intéressés.
Parmi ces acteurs, les élus locaux tiennent une place prépondérante. Il leur
revient, en effet, de développer un dialogue constructif, notamment avec
l'Etat, pour que les intérêts des collectivités qu'ils représentent soient pris
en considération dans l'élaboration des projets qui les concernent. C'est à eux
qu'incombe le devoir de faire prendre en compte la dimension régionale des
dessertes à partir des projets de lignes à grande vitesse, afin que le
rattachement de projets régionaux assure une meilleure efficacité et une pleine
justification aux programmes de réseaux à grande vitesse.
C'est dans cet esprit, me semble-t-il, qu'il nous faut poursuivre et relancer,
autant qu'il est nécessaire, la politique ferroviaire de la France.
L'exigence de complémentarité entre les lignes à grande vitesse et les projets
régionaux s'illustre notamment dans les régions de montagne, où le
désenclavement de certaines zones et le franchissement de nos massifs
constituent autant de questions vitales et sensibles.
Ce constat a d'ailleurs été fait par la mission sénatoriale d'information sur
la montagne, qui vient de rendre ses conclusions, et dont j'ai eu l'honneur de
rapporter les travaux. Ces conclusions montrent notamment que, dans les
Pyrénées, la forte croissance des flux routiers de marchandises a été mal
anticipée par les pouvoirs publics ; d'où des phénomènes de congestion du
trafic et une pollution à la limite du supportable. On peut, hélas ! faire la
même observation à propos des Vosges et des Alpes.
La mission sénatoriale souligne, en conséquence, la nécessité de réaliser au
plus vite la ligne Perpignan-Figueras, accessible du transport de marchandises,
dont la mise en service est prévue pour 2006. Ce projet doit concrétiser une
volonté politique forte de rééquilibrage entre le trafic routier et le trafic
ferroviaire.
Concernant le massif alpin, le rapport de la mission sénatoriale préconise,
devant les perspectives d'évolution du trafic routier de marchandises, la
réalisation dans les meilleurs délais de la ligne ferroviaire Lyon-Turin, dont
la construction a été décidée par un accord franco-italien conclu en janvier
2001.
S'agissant de cette grande infrastructure européenne, je tiens, monsieur le
ministre, mes chers collègues, en ma qualité d'élu de la Haute-Savoie, à
souligner combien est vive l'attente des responsables régionaux et locaux,
attente exprimée encore le 15 octobre dernier dans une résolution adoptée à
l'unanimité par l'Assemblée des pays de Savoie, qui réunit les conseils
généraux des deux départements savoyards.
Il s'agit incontestablement d'un outil d'aménagement du territoire européen
visant à répondre au grand défi des échanges interrégionaux, transeuropéens et
au développement économique, culturel et environnemental des régions du sud de
l'Europe.
D'une part, ce projet met en place une liaison ferroviaire qui permettra
d'acheminer non seulement le fret classique, en constante progression, mais
aussi 40 millions de tonnes par an de marchandises supplémentaires, soit
l'équivalent annuel d'au moins deux millions de camions.
D'autre part, il organise une liaison ferroviaire destinée aux voyageurs et
reliant les réseaux à grande vitesse français et italien. Cette liaison
permettra à sept millions de voyageurs de se déplacer chaque année entre la
France et l'Italie et, au-delà, dans toute l'Europe méditerranéenne.
M. Jacques Peyrat.
Très bien !
M. Jean-Paul Amoudry.
Moins de deux heures seront nécessaires pour aller de Lyon à Turin, au lieu de
quatre aujourd'hui.
Cette liaison est une alternative réaliste et indispensable au tout-routier.
Elle apporte une réponse efficace aux enjeux environnementaux permet le respect
des impératifs de sécurité dans les Alpes. On sait, en effet, que le
tout-routier entraîne la complète saturation des vallées alpines.
Enfin, ce projet présente un intérêt majeur au regard du développement
économique et des bassins d'emploi des régions concernées, Rhône-Alpes en
particulier.
La connexion entre la future ligne à grande vitesse et les principales villes
de cette région doit être prévue afin d'optimiser les effets de la construction
de cette ligne. En effet, celle-ci doit favoriser le désenclavement du nord des
Alpes françaises, dont la desserte ferroviaire actuelle est notoirement
pénalisante pour des départements qui contribuent largement, grâce au tourisme
et à l'industrie, aux résultats économiques de notre pays.
M. Jean-Claude Carle.
C'est vrai !
M. Jean-Paul Amoudry.
Aussi, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de bien vouloir
garantir la conduite à bonne fin de cette liaison en permettant l'adhésion de
l'ensemble des partenaires français et italiens, financeurs et futurs
clients.
La mise en place d'une solution innovante de financement dès 2003 devrait
également permettre la réalisation du programme au travers d'une approche
économique globale, de nature industrielle, et garantir un soutien financier
communautaire d'au moins 20 % dans le cadre du réseau transeuropéen.
Les engagements pris par la France et l'Italie en janvier 2001 doivent être
appliqués par une volonté commune de rééquilibrage modal du transport des
marchandises de la route vers le rail.
Je souhaite, effectivement, monsieur le ministre, que les Etats français et
italien mettent tout en oeuvre pour que les objectifs et les délais fixés
soient respectés, s'agissant aussi bien des études préliminaires que de
l'exécution de cet ambitieux et si nécessaire programme ferroviaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants. - M. Jacques Bellanger applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le ministre, comme les orateurs qui m'ont précédée, je pense que nous
traitons ce matin d'un sujet important en termes d'aménagement du
territoire.
L'accroissement des déplacements de personnes et de marchandises se poursuit.
La route est devenue le mode majoritaire, avec 88 % des déplacements de
voyageurs et 85 % du transport des marchandises en Europe. En même temps,
l'actualité nous rappelle cruellement et quotidiennement que nos routes sont
meurtrières.
Le réseau routier et autoroutier, pratiquement saturé, engendre des pollutions
importantes. Je rappellerai qu'avec un kilogramme équivalent-pétrole, on peut
transporter une tonne de marchandises sur 50 kilomètres par la route, sur 130
kilomètres par le chemin de fer ou sur 275 kilomètres par les canaux.
Les accords de Kyoto ainsi que l'engagement pris par notre pays exigent que
nous tenions compte de cette donnée.
Notre pays possède un maillage ferroviaire très complet mais sous-utilisé ; il
doit être modernisé. La libération de sillons sur certaines lignes
traditionnelles en raison de la création des lignes TGV peut permettre
d'améliorer le réseau pour le fret.
Le fret ferroviaire est en effet en fort déclin. Sa part du marché est tombée
de 57,60 % en 1960 à 22,5 % aujourd'hui, et la tendance est la même dans
l'ensemble de l'Europe.
Le déséquilibre est aujourd'hui flagrant ; il devient socialement,
financièrement et écologiquement insuportable.
Pour rééquilibrer le rail par rapport à la route, des investissements lourds
sont indispensables. Ils ont été amorcés par le précédent gouvernement, sous la
responsabilité de Jean-Claude Gayssot, ministre des transports, et je dirai,
après notre collègue Daniel Reiner, que nous pouvons être fiers du travail
accompli en quelques années.
Cependant, l'objectif de doublement du trafic en dix ans ne ferait que figer
la part du ferroviaire dans le transport des marchandises. Le développement du
tout-routier implique en fait une fuite en avant, et une telle solution ne peut
être retenue sans risque pour l'activité routière elle-même.
Le ferroviaire participe au développement durable.
L'essor des transports est souvent synonyme de nuisances. Les avantages
qu'offre le rail sont bien connus : faible utilisation de l'espace, grande
sécurité, efficacité énergétique, utilisation de l'électricité, énergie qui ne
pollue pas. Le défi lancé aujourd'hui, c'est l'inscription dans une logique
d'intermodalité, tant pour les voyageurs que pour le fret.
L'utilisation optimale des lignes est une nécessité parce que les
infrastructures coûtent cher et qu'il faut penser aux réalisations nouvelles,
indispensables sur les axes les plus chargés. Il s'agit aussi de contourner des
noeuds importants. Dès son article 1er, la loi du 13 février 1997 a placé les
missions du transport ferroviaire « dans une optique de développement durable
».
Les citoyens sont excédés par les nuisances des camions. En Suisse, ils ont
été capables d'imposer l'utilisation du ferroutage. De plus en plus, les
transporteurs sont aujourd'hui convaincus que le tout-routier n'est pas la
solution.
Les professionnels de la route le reconnaissent, pour que l'intermodalité
fonctionne, il faut que le chemin de fer bénéficie d'investissements lourds,
lui permettant d'entrer en cohérence avec la route.
La régionalisation, notamment avec les TER, est une approche intéressante.
Elle a permis de répondre aux besoins des populations, de mobiliser fortement
les élus locaux, d'éviter des fermetures de lignes, de revitaliser certains
territoires, et de préserver l'activité de certaines PME qui ont besoin de
logistique et de fret. La régionalisation est un contrepoids aux effets pervers
de la libération européenne.
Aujourd'hui, qu'en est-il des opérations inscrites dans les contrats de plan
Etat-région ? Les études étant longues, la consommation des crédits est lente.
Sous ce prétexte, des crédits sont actuellement en suspens, gelés pour cause
d'audit. Seront-ils réservés au chemin de fer ou transférés vers la route,
comme certaines voix le demandent dans les discussions concernant la révision
des contrats de plan ? Cela ne ferait que creuser le fossé !
On l'a vu en Grande-Bretagne : privé d'investissement public, le service
public ferroviaire perd en qualité. Les exigences de la Commission de Bruxelles
ne doivent pas nous empêcher de tirer les leçons de l'expérience de nos
voisins, de manière que la spécificité française conserve toute sa
pertinence.
Comme le disait M. Gérard Larcher, dans un article de
La Tribune,
« les
investissements structurants sont gage de croissance et d'emplois ».
Aussi, monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement maintienne les
crédits ouverts les années précédentes et renforce les moyens mis à la
disposition du chemin de fer et des transports collectifs.
Cela suppose, parallèlement, que le désendettement de RFF se poursuive dans de
bonnes conditions. Or, selon certains articles de presse, vous ne seriez pas en
mesure d'assurer les engagements pris parce qu'ils seraient gagés par les
privatisations. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous apportiez
également des éclaircissements sur ce sujet.
Les projets doivent être maintenus et développés. La ligne TGV Aquitaine doit
se concrétiser : il y va de l'avenir des régions qu'elle traverse ; cette ligne
libérerait des sillons pour le fret ferroviaire et éviterait d'autres
investissements lourds sur l'autoroute A 10.
Les financements prévus pour le projet de ligne
Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, sur laquelle la SNCF envisage de faire circuler
les premiers trains à technologie pendulaire seront-ils confirmés ?
Le Gouvernement ne semble pas défendre à Bruxelles la traversée centrale des
Pyrénées, alors que la commission et le Parlement européens y sont
favorables.
La ligne Lyon-Turin serait, elle aussi, une excellente réponse aux demandes
des populations des régions concernées, qui aimeraient que leurs territoires
soient moins pollués par une circulation de transit difficilement
supportable.
Monsieur le ministre, nous savons que les questions financières sont au coeur
des interrogations de l'audit que vous avez commandé. Mais nous souhaiterions
aussi qu'en ce début de législature vous preniez le temps d'examiner l'étude
très instructive réalisée par le Conseil supérieur du service public
ferroviaire sur les conséquences de la privatisation des transports ferrés
anglais : elle confirme que, si nous voulons une réforme de qualité pour
assurer le déplacement des populations et le transport des marchandises, il
faut garder une unité d'organisation de ces déplacements pour assurer une
cohérence nationale.
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il faut donner à l'outil ferroviaire
les moyens financiers nécessaires pour répondre aux besoins des populations.
Cela suppose une forte implication du budget de l'Etat, mais aussi du budget
européen, aux côtés des collectivités territoriales compétentes, les régions.
Ainsi, l'Europe et notre pays permettraient à notre monde d'être plus soucieux
de son environnement ainsi que des femmes et des hommes qui y vivent.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis moi
aussi particulièrement heureux, comme M. de Rohan, président de notre groupe,
d'intervenir ce matin sur le thème de la politique ferroviaire, qui aurait déjà
mérité de faire l'objet de nombreux débats spécifiques.
Je suis d'autant plus satisfait que ce débat ait lieu aujourd'hui que, pendant
cinq ans, nous n'avons souvent entendu, dans ce domaine, que des incantations :
priorité au rail, doublement du fret ferroviaire, progrès de la SNCF, etc.
Cependant, comme je le soulignais dans cet hémicycle l'an dernier en
présentant, au nom de la commission des finances, mon rapport spécial sur le
budget des transports, si les objectifs étaient à l'origine ambitieux, les
résultats sont aujourd'hui déplorables.
Nous devons constater que trois ambitions au moins ne se sont pas
concrétisées.
En premier lieu, si les investissements ferroviaires sont, tout le monde l'a
dit, une nécessité, les chiffres de la commission des comptes des transports de
la nation sont particulièrement éloquents : pendant les cinq dernières années !
- j'ai bien dit les cinq dernières années -, l'Etat n'a jamais aussi peu
investi dans les infrastructures ferroviaires.
Le réseau ferré n'a représenté que 13 % des investissements en infrastructures
en 2000. Nous sommes ainsi passés, entre 1997 et 2000, de 3,5 à 2,4 milliards
d'euros d'investissements par an. Tout reste à faire pour mettre en oeuvre une
politique dynamique en faveur du rail. En effet, la demande ferroviaire est
forte : elle émane de toutes les régions - les orateurs qui m'ont précédé l'ont
souligné - qu'il s'agisse des lignes à grande vitesse, du fret ferroviaire ou
de la traversée des Alpes et des Pyrénées.
Un deuxième objectif n'a pas été atteint. Il s'agissait de développer le fret
ferroviaire, pour en doubler le volume en dix ans. Dans ce domaine, le constat
est accablant. Le fret ferroviaire ne cesse de reculer et, aujourd'hui, nous
sommes en passe de perdre la bataille dans ce domaine.
M. Jacques Peyrat.
Eh oui ! C'est parfaitement vrai !
M. Jacques Oudin.
Le ralentissement économique et, plus encore, les mouvements de grève ont eu
de nombreuses conséquences sur le trafic du fret ferroviaire, qui a reculé de 9
% en 2001, première année du doublement annoncé.
Le premier semestre de 2002 ne marque aucune amélioration notable et les
objectifs prévus - 54 milliards de tonnes-kilomètres transportées ne seront pas
atteints puisque les résultats devraient s'établir à 50 milliards de
tonnes-kilomètres. Les chargeurs sont désabusés.
Les résultats ne sont pas meilleurs pour le transport combiné, qui a chuté en
2001 et qui ne devrait pas s'améliorer en 2002, avec 12,5 milliards à 13
milliards de tonnes-kilomètres transportées.
Dans le contexte d'accroissement général des trafics, le fret ferroviaire et
le transport combiné continuent à perdre des parts de marché.
En France comme en Europe, pour la seule année 2001, d'après les chiffres du
ministère des transports, on observe un gain de 1,8 point de la part de la
route alors que le fret perd 1,7 point. C'est tout le contraire de ce qui nous
était annoncé avec la politique « multimodale volontariste », telle que j'ai eu
l'honneur de la rapporter au Sénat devant la délégation à l'aménagement du
territoire, le 23 mai 2001.
La troisième ambition non atteinte a été le redressement des comptes de la
SNCF, même s'il faut reconnaître que cette ambition n'a jamais été clairement
exprimée.
Tous les indicateurs financiers de la SNCF se sont dégradés depuis 1997, de
l'aveu même des services de Bercy, que j'ai rencontrés voilà quarante-huit
heures. En 1998, un euro d'immobilisation nette générait 1,6 euro de chiffre
d'affaires ; aujourd'hui, le même investissement génère seulement 1,34 euro
d'activité. La marge sur chiffre d'affaires est tombée de 8,94 % en 1998 à 4,4
% en 2001. Elle a donc diminué de moitié. Que les chiffres sont terribles quand
ils présentent des réalités de cette nature !
La SNCF a renoué avec le déficit à la fin de l'année 2001. La perte nette de
l'exercice pour la maison mère est de 134 millions d'euros, contre un bénéfice
annoncé de 68 millions d'euros en 2000.
Evidemment, ces chiffres doivent être considérés en prenant en compte
l'importance de l'ensemble des subventions publiques au secteur ferroviaire,
qui représentent globalement 10 milliards d'euros par an, y compris les
retraites.
Le résultat de l'exercice 2001 est donc en très forte dégradation par rapport
à l'exercice 2000.
Au premier semestre 2002, les résultats sont désastreux, avec 156 millions
d'euros de pertes. A la fin de l'année, le déficit pourrait s'établir à 250
millions d'euros.
La commission des finances du Sénat souhaite avant tout une clarification des
comptes de la SNCF et de RFF, compte tenu des liaisons entre ces organismes et
l'Etat, mais aussi une clarification des comptes généraux des transports pour
tous les modes.
J'ai donc déposé un amendement qui est devenu l'article 12 de la loi de
finances rectificative pour 2002, afin que la commission des comptes des
transports remette un rapport annuel au Gouvernement et au Parlement. Ce sera
notre outil de travail.
Une telle clarification, je le rappelle, a été mise en oeuvre dans le domaine
de la sécurité sociale grâce à la pugnacité du Sénat, quia pu, grâce à la
contribution de la commission des comptes de la sécurité sociale, voir enfin
clair dans le fameux trou de la sécurité sociale, qui tantôt apparaissait
tantôt disparaissait sans que l'on en discerne toujours les contours et les
origines. Maintenant, il n'y a plus de contestations, sur les comptes de la
sécurité sociale, même s'ils ne sont pas toujours très bons. En revanche, les
comptes de la SNCF suscitent encore des interrogations.
En attendant cette clarification nécessaire et la mise en oeuvre des
dispositions de la loi organique du 1er août 2001, la SNCF « paye » ses
mauvaises performances en matière de fret, de lignes Corail, compte tenu du
coût d'entretien de matériels vétustes et, surtout, de ses charges de
structures, alourdies par l'application du dispositif des 35 heures et par
l'augmentation corrélative des effectifs. C'est là une performance unique en
Europe, toutes les autres sociétés européennes ayant renforcé leur productivité
par un ajustement des effectifs.
Le seul vrai projet de réforme de la SNCF pendant la période 1997-2001, le
projet « Cap Clients », qui était parfaitement justifié, a été abandonné en
rase campagne.
Face à ce constat sans appel, quelles peuvent être aujourd'hui les
orientations d'une nouvelle politique ferroviaire qui ne cède plus aux
incantations mais à la clarification, à l'action et à la volonté ?
Nous devons au moins nous engager dans trois directions.
Tout d'abord, il importe de faire le point sur les projets à financer.
Comme je le soulignais l'an dernier, les programmes d'investissement devraient
atteindre plus de 5,7 milliards d'euros en 2004 - soit le double de ce qui a
été réalisé, puisqu'il s'agit de passer de 2,4 à 5,7 milliards d'euros - pour
les seuls programmes déjà approuvés : TGV Est, contrats de plan Etat-région,
etc.
Or, à ce jour, aucune mesure n'a été prise en termes financiers pour remplir
les obligations et les échéances que l'Etat s'est fixées.
Le maillage des territoires par des liaisons à grande vitesse, les traversées
ferroviaires des massifs alpins et pyrénéens seront les grands enjeux des
décennies à venir. Mais il y en aura d'autres, comme la suppression des zones
de congestion autour de Paris, Dijon, Lyon et Montpellier.
Ces projets sont coûteux, nous le savons. Ils sont pourtant nécessaires, voire
indispensables.
Le TGV Lyon-Turin devrait coûter 10 milliards d'euros, dont au moins 7
milliards de subventions publiques.
Deux établissements publics multimodaux ont été créés pour recevoir des
dotations en capital ou des dividendes de sociétés d'autoroute.
Un des deux fonds a bien reçu 280 millions d'euros pour le financement de la
ligne Perpignan-Figueras, ce qui représente seulement 15 % des 1 800 millions
d'euros obtenus par l'ouverture du capital d'ASF - Autoroutes du Sud de la
France - mais l'autre fonds n'a rien reçu. J'ajoute que tout le capital d'ASF
qui a été mis sur le marché a été consacré aux retraites. C'est important, les
retraites, mais le trafic ou les problèmes de la SNCF, ce n'est pas moins
important ! Pour l'instant, il ne s'agit que d'une simple débudgétisation sans
aucun mécanisme pérenne permettant le financement de ces organismes.
Nous savons qu'une grande partie du développement ferroviaire sera assurée par
les recettes et les dividendes en provenance de l'activité routière et
autoroutière : en fait, la route paie et paiera le rail. Encore faudrait-il que
le secteur ferroviaire ne soit pas un tonneau des Danaïdes !
Encore faudrait-il également qu'une politique financière globale et à long
terme soit déterminée, tant pour le secteur autoroutier que pour le secteur
ferroviaire. En fait, il faut mettre en place une politique globale de
financement de tous les modes de transport.
Nous n'échapperons pas à des systèmes de péréquation, qui ne seront efficaces
que si des règles financières claires sont établies pour les différents
secteurs de transport.
En dehors des projets alpins et pyrénéens et des grands axes transeuropéens ou
des lignes de TGV - TGV Rhin-Rhône, TGV Aquitaine, TGV Bretagne-Pays de la
Loire, etc. - tout le monde s'interroge sur le court et le moyen terme, sur les
dotations ferroviaires accordées aux contrats de plan ou aux projets de TGV en
cours. La première phase du TGV Est-européen, hors électrification des lignes
des Vosges, représente un coût de 3,12 milliards d'euros !
Devant cet immense enjeu, le Gouvernement a donc très légitimement demandé un
audit au conseil général des Ponts et Chaussées et à l'Inspection générale des
finances, audit qui, en fait, a été à l'origine de la question posée par M. de
Rohan.
Cet audit, qui devra être rendu d'ici au 31 décembre 2002, établira l'état
précis des projets, leur faisabilité technique, leur calendrier prévisionnel et
leur coût pour l'Etat. Il évaluera par ailleurs l'intérêt socio-économique et
les enjeux en termes d'aménagement du territoire de chaque projet, tant au plan
français qu'au plan européen.
Monsieur le ministre, cet audit est le bienvenu, mais il ne doit pas conduire
à relâcher notre réflexion sur le long terme, c'est-à-dire sur l'effort
d'investissement qui ne sera garanti que par une modification structurelle
profonde du secteur ferroviaire. La France a besoin de liaisons ferroviaires
sûres et performantes. Dans ce domaine, il faut raisonner à vingt ou trente
ans.
Pour cela, il faut trouver de nouvelles sources de financement. M. Josselin de
Rohan a parlé du marché financier, mais qui dit marché financier dit aussi
rentabilité. Il faudra donc bien assurer la rentabilité du dispositif, en
répartissant mieux la charge entre contribuable et usager, en tarifant mieux :
est-il normal que le prix d'un billet de TER soit à peu près équivalent à celui
d'un billet de TGV ? La rapidité doit sans doute être facturée ! Par ailleurs,
nous devrons avoir des opérateurs performants.
La deuxième direction dans laquelle nous devons nous engager concerne la dette
ferroviaire et sa résorption.
Cette dette s'élève à 40 milliards d'euros, soit près de 260 milliards de
francs. Elle est portée par RFF, mais aussi par la SNCF et par une autre
structure sans grande qualification juridique et mal identifiée, le service
annexe d'amortissement de la dette.
L'importance de la dette limite les capacités d'investissement du système
ferroviaire. Je dirai même qu'elle les bloque.
Paradoxalement, cette dette garantie par l'Etat n'est pas comptabilisée à ce
titre. Faut-il la réintégrer dans la dette de l'Etat ? Ne faut-il pas la
cantonner dans une structure
ad hoc
afin de lui affecter des recettes
pérennes pour la résorber ? Voilà autant de problèmes qu'il faut régler
rapidement.
La dette du système ferroviaire provient des investissements passés. Il est
tout à fait légitime de s'endetter pour investir, à condition, par la suite,
d'assurer le remboursement progressif de la dette, ce qui n'a pas été fait.
L'endettement du système autoroutier, par exemple, se résorbe de lui-même grâce
à l'augmentation des péages.
Dans les conditions actuelles - c'est mon sentiment, monsieur le ministre - la
résorption de la dette ferroviaire n'est pas envisageable.
Enfin - c'est la troisième direction - il nous faut réformer la SNCF.
Les priorités de notre politique ferroviaire sont triples : avoir un projet
d'entreprise, rétablir l'équilibre des comptes et développer
l'investissement.
S'il est légitime de s'endetter pour investir, les emprunts ne doivent pas
pour autant servir à payer le fonctionnement courant des structures. Or c'est
ce qui se passe actuellement à la SNCF. Elle a renoué avec les déficits et ses
comptes ne cessent de se dégrader.
Les réformes engagées doivent être poursuivies dans l'esprit de la loi
organique du 1er août 2001. Cette dernière impose au budget de l'Etat des
réformes considérables : fixer des objectifs, des indicateurs de résultats,
rationaliser la dépense publique, planifier le développement.
Nous sommes, par exemple, le dernier pays de l'Union européenne à ne pas avoir
ouvert notre réseau fret à la concurrence. Dans ce domaine, nous faisons un peu
figure de dernier de la classe. Il est donc temps de réagir et, surtout, de
réussir avant l'échéance, qui est fixée au 13 mars 2003.
Certes, les échecs répétés des différents plans de réorganisation de la SNCF
sont préoccupants. Mais les réformes engagées sont encourageantes : réforme par
le haut, avec la séparation de la SNCF et de RFF sous la pression de l'Europe ;
réforme par le bas, avec la régionalisation de la SNCF et l'implication des
régions.
Il reste désormais à opérer la réforme dans le « corps central » en modifiant
les procédures, les mentalités et l'état d'esprit de ce grand corps social
qu'est la SNCF. Une vaste concertation est en cours, et nous nous en
réjouissons.
La réforme de la SNCF est inséparable de la réforme globale de notre politique
des transports. Dans le cadre des exigences européennes et face à une situation
financière dramatique, nous n'avons plus de temps à perdre.
Le Gouvernement saura, j'en suis sûr, prendre ce problème à bras-le-corps et
le traiter à la fois sur le court, le moyen et le long terme, en proposant des
réformes audacieuses pour assurer les engagements auxquels toutes nos
collectivités territoriales sont attachées.
Le transport est une préoccupation quotidienne de nos concitoyens et de nos
entreprises.
La demande de transports ne faiblira pas au cours des vingt prochaines années.
Il faut le savoir ! Dans ce contexte, le fer doit occuper toute sa place. Voilà
un grand enjeu national qui ne pourra être relevé que par un ensemble de
décisions clairvoyantes et courageuses.
Nous sommes certains, monsieur le ministre, que vous saurez le faire et
répondre à nos attentes ; vous pouvez compter sur notre soutien.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ma
qualité de rapporteur du budget des transports terrestres, je voudrais tout
d'abord féliciter notre collègue M. Josselin de Rohan d'avoir fait inscrire ce
problème à l'ordre du jour. J'en profiterai pour poser quelques questions et
faire certaines remarques.
En complément de ce que vient de dire M. Oudin, je pense que les propos de M.
Reiner relèvent d'une vision quelque peu idyllique. Méfiez-vous de ces
fondations, monsieur le ministre !
Pour ma part, il y a un an, je concluais mon rapport en mettant l'accent sur
le vertige que suscitait la dette ferroviaire. Ce n'était tout de même pas très
optimiste !
Considérant le montant de la dette globale - Jacques Oudin vient d'en citer le
chiffre exact - le problème, c'est de remettre à flot les finances du secteur
ferroviaire.
Peut-on aujourd'hui considérer que le rail sera dans les quinze ans à venir
une alternative à la route ? C'est très hypothétique. Par ailleurs, dans quels
délais le fret pourra-t-il être géré par une société autonome ?
Pour ce qui concerne le TGV, on constate une augmentation de 17 % du trafic au
premier semestre 2002 par rapport au deuxième semestre 2001. Toutefois,
l'augmentation du trafic, hors TGV, n'est que de 3,1 % contre les 7 % prévus
par la SNCF. La perte est donc double.
Quant au fret, il perd encore cette année du terrain avec une diminution de
1,8 %. Si l'on compare ce chiffre avec celui de l'année précédente, il
enregistre une baisse d'environ 8 %.
M. Daniel Reiner a parlé du recrutement. On avait prévu d'embaucher 7 000
personnes ; or dans les faits, seules 6 000 l'ont été.
Par ailleurs, une manifestation s'est récemment déroulée pour défendre le
service public, les salaires, l'emploi.
La position de la direction de se placer aujourd'hui en amont des conflits me
semble très raisonnable, parce qu'il ne faut plus que la population soit prise
en otage en cas de grève et que la dette s'accroisse encore.
M. Josselin de Rohan.
Il n'y a pas de service si l'on se moque du public !
M. Bernard Joly.
Prévoir un dispositif de veille sociale avec le préavis de grève me semble
être la meilleure solution.
S'agissant de RFF, la dette est encore plus importante. Monsieur le ministre,
quelle est votre position à cet égard ?
Les crédits alloués dans le projet de budget pour 2003 vont-ils stabiliser
cette dette ? Compte tenu de l'énormité de cette dernière, ce serait déjà une
bonne chose. Quelle solution proposer ?
Est-il vrai que RFF envisage d'augmenter les frais de location des lignes TER,
ce qui provoquerait certainement de vives réactions dans les régions ?
En tout état de cause, RFF devra faire le choix entre le service voyageurs et
le service fret en ce qui concerne la répartition des sillons.
Monsieur le ministre, l'investissement de 2003 sera-t-il de 350 millions
d'euros, à savoir de 160 millions d'euros pour le TGV Est et de 140 millions
d'euros pour le reste ? Ainsi, le programme de TGV, notamment, serait un peu
long à réaliser.
Comme chacun de mes prédécesseurs a plaidé pour sa chapelle, permettez-moi de
dire deux mots de la ligne Paris-Bâle.
Pour un département comme le mien, qui est très enclavé, elle ne permet de
rejoindre la capitale que dans des temps beaucoup trop longs. J'avais donc
demandé, l'année dernière, qu'un traitement particulier soit réservé à cette
ligne, non pas son électrification immédiate, mais au moins un changement de
motrice, afin de réduire ce temps de parcours.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tout à fait !
M. Bernard Joly.
Je souhaiterais, en attendant le rapport financier de la fin d'année, que vous
examiniez ce cas. Le TGV Rhin-Rhône n'est certainement pas pour demain.
Voilà un an, j'avais soulevé d'autres questions. Nous les examinerons lorsque
nous discuterons des conclusions du rapport sur les transports terrestres, car
vous avez eu trop peu de temps pour les étudier.
Qu'envisagez-vous pour faciliter l'accès des handicapés dans les TGV ?
Qu'en est-il de la coopération de la SNCF et des autres modes de transport ?
Quelquefois, après s'être battu pour un gain de quelques minutes, on constate,
à l'arrivée, que ces quelques minutes sont perdues et que des ruptures de
charges ne sont pas prises en compte.
Enfin, en matière de sécurité, des progrès ont déjà été faits. Mais il en
reste encore à accomplir.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux.
En complément de l'intervention de mes collègues du groupe socialiste, je
voudrais, monsieur le ministre, vous faire part de notre attachement à la
réalisation de la ligne TGV Ouest, notamment.
Le projet de prolongement de cette ligne à grande vitesse au-delà du Mans
jusqu'à Rennes puis Brest et Quimper constitue un enjeu majeur pour la région
Bretagne et fait l'unanimité des élus bretons, toutes tendances confondues.
En avril 2001, Jean-Claude Gayssot, alors ministre des transports, confirmait
la volonté du Gouvernement de donner la priorité au désenclavement de l'Ouest,
en particulier de la Bretagne, en autorisant l'engagement des études
d'avant-projet sommaire pour la réalisation de la ligne TGV Bretagne-Pays de la
Loire. Il retenait alors les grandes options suivantes : choix du fuseau B4,
soit le tracé le plus au sud, variante Centre-Nord pour l'entrée de Rennes, et
réalisation d'une première phase Connerré-Sablé-Laval Est.
L'étape décisive pour la réalisation concrète de l'objectif tendant à placer
Brest et Quimper à trois heures de Paris en 2010 était alors franchie.
Or, sans vouloir préjuger les conclusions de l'audit qui devraient être
rendues le 31 décembre prochain, les élus socialistes de Bretagne, dont je me
fais le porte-parole aujourd'hui, s'inquiètent de voir le projet du TGV Ouest,
déjà très bien engagé, concurrencé, voire remis en cause, par d'autres projets
tels que le TGV Est européen et surtout la ligne à grande vitesse
Perpignan-Figueras, en Espagne.
Il s'avère que le budget du ministère de l'équipement, des transports, du
logement et du tourisme, dans le projet de loi de finances pour 2003, concerne
essentiellement ces deux projets, certes très importants. Il semble donc que
nous soyons totalement oubliés.
Pourtant, il convient absolument de tenir compte, tout d'abord, de la
nécessité d'optimiser l'aménagement de notre territoire, car la position «
périphérique » de la Bretagne risque de s'accentuer au fur et à mesure du
déplacement des frontières de l'Europe vers l'Est, et, ensuite, du taux de
rentabilité du TGV Bretagne qui place notre région en tête des seize projets du
schéma directeur national des liaisons à grande vitesse.
En effet, depuis sa création, il y a une dizaine d'années, plus de 54 millions
de voyageurs ont été transportés par le TGV Bretagne. Ce chiffre va au-delà de
ce qui était prévu initialement.
De plus, avec environ 51 % de parts de marché, cette ligne supplante
actuellement la liaison aérienne.
Le transport express régional en Bretagne représente également 16 000
voyageurs, 250 trains par jour, 140 gares et points d'arrêt, ainsi qu'un trafic
en progression de plus de 10 % ces dernières années. A Brest, par exemple, le
trafic TGV concerne près de 500 000 voyageurs par an.
La région Bretagne doit pouvoir continuer son désenclavement.
Je répète que le transport ferroviaire constitue l'un des piliers d'une
politique de développement durable et s'inscrit dans la notion de région
périphérique qui risque de devenir rapidement ultrapériphérique si Brest et
Quimper ne sont pas à trois heures de Paris.
Dans ce contexte, le projet de TGV Bretagne-Pays de la Loire s'inscrit aussi
dans une libération des voies qui permettra, seule, un développement du fret
auquel, monsieur le ministre, je crois savoir que vous avez toujours été
attaché et pour lequel vous aviez déposé une proposition de loi il y a quelque
temps.
Il s'agit ici non pas d'un discours incantatoire, mais bien d'une volonté
réelle de tous les élus d'une région qui sont prêts à se mobiliser autour d'un
projet vital.
Alors que se précisent les perspectives d'une Europe élargie, notre région a
un besoin urgent d'une ligne ferroviaire à grande vitesse. Pour son économie,
pour les citoyens, il s'agit d'une réelle colonne vertébrale, un axe fort de
développement.
J'ajoute que M. le Premier ministre, lorsqu'il était encore président de
l'Association des régions de France, avait conscience de l'importance des
crédits ferroviaires puisque, sous sa pression et celle d'autres élus locaux,
le Premier ministre de l'époque avait multiplié par dix les crédits du rail
dans les contrats de plan Etat-région par rapport à ceux de 1993-1999.
Revenir sur les engagements de l'Etat ne manquerait pas de décevoir - le mot
est faible -, et l'annulation de certains projets risquerait même de remettre
en cause la planification à l'échelon national de l'offre des transports.
Je tiens à préciser également que, quel que soit le résultat de l'audit que
vous avez demandé, et quand bien même le chantier du TGV Ouest ne serait pas
remis en cause, ce sont pratiquement dix-huit mois qui auront été perdus, ce
qui représente un temps précieux par rapport à l'échéance de 2010.
Monsieur le ministre, les élus bretons réaffirment leur détermination commune
et demandent instamment au Gouvernement de confirmer sa volonté de réaliser,
dans les meilleurs délais, la ligne à grande vitesse Le Mans-Rennes. C'est
l'avenir d'une région et donc celui de milliers de nos concitoyens qui en
dépend.
Sur ce dossier, vous avez pu constater la convergence des points de vue,
au-delà des clivages politiques. Cela a toujours été la force de notre région
que de savoir se mobiliser et parler d'une même voix lorsque son avenir était
en jeu.
Jusqu'à présent, la Bretagne a toujours été entendue lorsqu'elle était unie.
J'espère, monsieur le ministre, qu'il en sera encore ainsi car, comme le disait
tout à l'heure M. de Rohan, si l'on dit les Bretons « têtus », ils savent aussi
être solidaires et déterminés.
(Sourires et applaudissements sur les travées
du groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.
- M. Serge Franchis applaudit également.)
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Marcel Deneux.
C'est la Bretagne unie !
M. le président.
La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hélas ! je
ne suis pas breton.
(Sourires.)
M. Josselin de Rohan.
Personne n'est parfait !
(Nouveaux sourires.)
M. Jacques Peyrat.
Mais, les Niçois, monsieur de Rohan, sont aussi opiniâtres.
(M. Josselin de
Rohan acquiesce.)
Ils l'ont d'ailleurs prouvé pour devenir Français au
moment des grands bouleversements de l'Europe en 1860, voilà 142 ans.
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Jacques Peyrat.
Etant l'avant-dernier orateur inscrit, les grands traits de la politique
ferroviaire vous ont déjà été présentés, monsieur le ministre, et je ne veux
rien répéter. Souffrez néanmoins que je fasse un bref plaidoyer
pro domo.
En effet, quand un dossier est bon, comme je le pense ici, il n'est pas
nécessaire de le plaider longtemps.
Il faut trois heures pour relier Paris à Marseille, distantes de 750
kilomètres. Il faut également trois heures pour relier Nice à la frontière
italienne, distantes de 220 kilomètres, soit presque quatre fois moins ! Voilà
résumé en quelques chiffres tout le problème ; et, les chiffres, monsieur
Oudin, sont têtus !
Si vous le décidez, monsieur le ministre, la durée de la liaison
Paris-Aix-Nice sera de trois heures quarante. Toute la survie de cette portion
de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui souffre de ce mal terrible, réside
dans ce chiffre-là.
Permettez-moi d'avancer quatre arguments, que je crois objectifs.
D'abord, cette portion de territoire, qui abrite à la fois le deuxième
aéroport de France et le premier technopôle européen, Sophia-Antipolis, doit
être reliée rapidement au reste de l'Europe. C'est une nécessité, d'autant que
la seule activité - l'Etat n'a pas été très généreux au cours de ces 142 ans !
- de cette portion du territoire est le tourisme, qu'il soit de loisirs ou
d'affaires, qui rapporte indirectement de l'argent à l'Etat !
Mon deuxième argument tient à l'enclavement. Je ne partage pas - pardonnez-moi
! - l'optimisme de Mme Beaufils quant à l'excellence des actions qui ont été
conduites au cours de ces cinq dernières années. Je trouve que l'enclavement de
Nice et de son pourtour, deuxième communauté d'agglomération de France, est
devenu terrifiant. Mais vous le savez, car nous nous en sommes ouverts.
Nous connaissons une saturation autoroutière, puisque l'A 8, qui est la seule
autoroute, est pratiquement fermée cinq heures par jour depuis quatre ans à
cause du trafic en provenance de Vintimille en direction de Barcelone et de
Paris. Nous connaissons également une saturation aéroportuaire, puisque
l'aéroport de Nice, le deuxième de France, accueille neuf millions de passagers
et pourrait aller, en tirant, jusqu'à quinze, mais à quel prix, en raison de la
pollution de l'air et du bruit, nuisance d'autant plus importante que
l'aéroport est situé au coeur de la ville.
Mon troisième argument tient à la liaison transfrontalière. Certes, vous êtes
européen comme nous, et peut-être plus encore. La réalisation de la ligne
transversale entre Gênes et Barcelone est impérative. Le tronçon reliant
Marseille à Nice serait-il le chaînon manquant de cette liaison qui, un jour,
pourrait rejoindre Turin, si vous construisez la ligne Lyon-Milan, bien sûr
dans d'autres années...
Enfin, mon quatrième et dernier argument tient à la rentabilité de la ligne
Paris-Aix-Nice, cerise sur le gâteau ! Elle sera rentable, selon la SNCF et
Réseau ferré de France, et cela sera vraisemblablement confirmé par votre
audit.
Monsieur le ministre, j'en ai terminé. Vous avez donné, au maire de Nice en
tout cas, l'image d'un ministre rapide...
M. Gilles de Robien,
ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la
mer.
Pas sur la route !
(Sourires.)
M. Jacques Peyrat.
... dans la prise en considération des problèmes majeurs de ma région - j'en
porte témoignage publiquement. Je souhaite que vous le soyez aussi pour l'étude
du tracé, car il ne faudrait pas que le développement de l'urbanisation dans
cette région en plein essor gêne la mise en oeuvre de la configuration nouvelle
souhaitée pour toutes celles et tous ceux que je représente.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais,
moi aussi, remercier M. de Rohan d'avoir permis à de nombreux collègues, grâce
à la question orale avec débat qu'il a posée, de « prendre le train en marche
», si vous me permettez cette expression, d'autant que nous avons tous -
n'est-il pas vrai ? - le souci de voir le réseau de TGV se développer.
En entendant tous les orateurs, je me disais que l'idée d'un référendum
portant sur le choix entre, par exemple, la construction d'un deuxième
porte-avion et celle de l'ensemble des TGV serait à creuser. Pourquoi pas ? Je
ne suis pas de ceux qui nieront que, comme le disait Pierre Mendès France, «
Gouverner, c'est choisir ». Mais il est dommage qu'il faille choisir entre les
différents TGV, tant chacun est d'accord sur les avantages qu'ils présentent
tous sur les plans de la sécurité et du développement économique. Même ceux qui
s'inquiètent pour la SNCF doivent réclamer la réalisation rapide de nombreux
TGV, qui sont rentables.
En tant que sénateur du Territoire de Belfort, je dois évidemment faire
remarquer que l'aire urbaine Belfort-Montbéliard-Héricourt est enclavée et que,
si nous construisons le TGV depuis des années, nous n'en bénéficions pas.
Enfin, les plans sociaux se succèdent. Après 800 emplois perdus à Alstom, c'est
General Electric qui s'apprête à licencier près de 300 personnes, et Peugeot
commence à se séparer de nombreux emplois précaires. Il est possible que tout
cela eût été évité si nous avions eu le TGV plus tôt. C'est pourquoi nous
tenons particulièrement à sa réalisation.
Ce n'est pas seulement vrai pour l'aire urbaine Belfort-Montbéliard-Héricourt,
ou pour la région Franche-Comté. C'est aussi vrai pour l'ensemble du pays,
puisque le TGV Rhin-Rhône-Méditerranée étant destiné dans un premier temps,
vous le savez bien, à relier Barcelone à Francfort, en attendant Madrid, puis
Lisbonne à Copenhague, ce sont en vérité onze régions sur vingt-deux qui sont
intéressées, sans parler de la Suisse ni de l'Italie. Il permettra de relier
l'ensemble des lignes, et donc le Nord, la Bretagne, les Pays de la Loire.
Vous le savez aussi bien que moi, la déclaration d'utilité publique a été
prise le 25 janvier. Je remercie ceux de nos collègues qui l'ont rappelé, en
particulier MM. Carle et Reiner. La convention de financement des études
d'avant-projet de la branche est a été signée le 4 juin dernier par M. le
directeur des transports terrestres après que l'ont déjà fait Réseau ferré de
France et les présidents des régions d'Alsace, de Franche-Comté et de
Bourgogne. Car toutes ces collectivités sont prêtes - elles ont d'ores et déjà
voté en ce sens - à contribuer largement - n'est-il pas vrai ? - à sa
réalisation.
Lorsque l'on examine la composition de l'association Trans Europe TGV
Rhin-Rhône-Méditérannée, on ne peut qu'être frappé par l'importance et le
nombre des régions intéressées, puisque figurent sur la liste un grand nombre
de personnalités, pour ne citer, par exemple, que Jean-Marie Bockel, maire de
Mulhouse, qui en est le président ; Jean-Pierre Chevènement, qui - il faut lui
rendre cette justice - est à l'origine du projet ; Mme Anne-Marie Comparini, la
présidente du conseil régional de Rhône-Alpes ; Jean-François Humbert, notre
collègue président du conseil régional de Franche-Comté ; Jean-Pierre Soisson,
président du conseil régional de Bourgogne ; Adrien Zeller, président du
conseil régional d'Alsace ; tous les présidents des conseils généraux de
l'ensemble des départements intéressés ; le maire de Montpellier ; de
nombreuses personnalités étrangères, parmi lesquelles le ministre du
département de l'environnement et de l'équipement de la République du canton du
Jura, le maire de Saragosse, celui de Valencia, le ministre de l'économie et
des transports du Land de Rhénanie-Palatinat, le maire de Barcelone, le
ministre de l'économie publique du canton de Zürich, le maire de Göttigen, le
ministre de l'économie et des affaires sociales du canton de Bâle-ville, etc.
La liste des sénateurs qui plaident pour ce grand investissement nécessaire, et
d'ailleurs lui aussi largement rentable, est éloquemment longue : Jean-François
Humbert, que j'ai déjà cité ; Louis de Broissia, président du conseil général
de la Côte-d'Or ; Hubert Haenel, sénateur du Haut-Rhin, premier vice-président
du conseil régional d'Alsace ; Jacques Blanc, président du conseil régional de
Languedoc-Roussillon ; Michel Mercier, président du conseil général du Rhône ;
Jean Pépin, président du conseil général de l'Ain ; Philippe Richert, président
du conseil général du Bas-Rhin ; Louis Souvet, sénateur-maire de Montbéliard et
président de la communauté d'agglomération ; Jean-Paul Alduy, sénateur-maire de
Perpignan ; Paul Blanc, sénateur des Pyrénées-Orientales ; Jean-Patrick
Courtois, sénateur-maire de Mâcon ; Daniel Eckenspieller, sénateur du
Haut-Rhin, maire d'Illzach ; Jean-Louis Lorrain, sénateur du Haut-Rhin. C'est
dire l'intérêt national et international de ce projet !
Or nous craignons que l'audit annoncé n'entraîne des retards, qui pourraient
être catastrophiques. Des intérêts sont en jeu : la Suisse, notamment, et
l'Union européenne ont à déterminer rapidement leur participation financière.
En particulier, sont un peu en concurrence la Suisse alémanique, à l'exception
évidemment de Zurich et de Bâle, et de la république et du canton du Jura. Les
fonds que la Suisse affectera à ces projets doivent donc être très vite
définis.
M. Pierre Kohler, ministre de l'environnement et de l'équipement de la
république et du canton du Jura, en a récemment parlé au président Chirac à
Johannesbourg et il a déclaré à la presse, pas plus tard qu'hier, que le
Président de la République l'avait rassuré. M. Kohler insiste, en effet, pour
que le premier coup de pioche soit donné au plus vite, de manière que les fonds
en attente ne soient pas réaffectés, ce qui remettrait tout en cause.
De la réalisation de la branche Est dépend également la réouverture de la
ligne Delle-Belfort qui permettrait à nos amis suisses de rejoindre facilement
la gare d'ores et déjà prévue à Meroux, dans le Territoire de Belfort. Les
études sont en effet très avancées.
En définitive, je veux simplement vous demander, monsieur le ministre, de me
confirmer que les promesses du président Chirac seront tenues.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Quel affront !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas un affront ! J'attends que vous me confirmiez que cette promesse
est une garantie.
J'ai sous les yeux la lettre que le Président de la République a adressée, le
25 avril dernier, au président de l'association TGV Rhin-Rhône, M. Jean-Marie
Bockel :
« Monsieur le président, cher ami,
« Vous avez bien voulu attirer mon attention sur la résolution prise par
l'assemblée générale de l'association Trans-Europe TGV Rhin-Rhône-Méditerranée
pour la réalisation du TGV Rhin-Rhône.
« Le TGV Rhin-Rhône est inscrit au schéma directeur national des liaisons
ferroviaires à grande vitesse. Il figure aussi dans le réseau transeuropéen des
trains à grande vitesse. Le TGV Rhin-Rhône se décline en trois branches,
chacune en étant à un stade différent. La déclaration d'utilité publique de la
branche Est est parue le 27 janvier 2002 au
Journal officiel.
Tout doit
être maintenant mis en oeuvre pour une mise en chantier en 2004 et pour une
mise en service en 2008, comme prévu. La branche Sud reliera la branche Est à
l'agglomération lyonnaise. La branche Ouest reliera la branche Est vers la
ligne de TGV Paris-Lyon. Elles en sont au stade des études préalables. Mais
parce que le TGV Rhin-Rhône est un élément complémentaire du grand maillage
ferroviaire de l'Europe de demain, et notamment de la partie franco-allemande,
j'ai obtenu du Chancelier Schröder, lors du sommet franco-allemand de
Fribourg-en-Brisgau, que l'Allemagne participe aux études relatives au TGV
Rhin-Rhône.
« Il s'agit d'un dossier dont le prochain gouvernement devra se saisir sans
délai afin de poursuivre, sans perte de temps, la réalisation de cette
infrastructure d'intérêt national et européen. »
Je le répète, les TGV doivent arriver à l'heure et particulièrement le TGV
Rhin-Rhône-Méditerranée, puisque le Président de la République nous l'a promis.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
MM. Jacques Oudin et Josselin de Rohan.
Bravo Chirac !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la
mer.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais
tout d'abord remercier M. de Rohan de me donner l'occasion de m'exprimer, pour
la première fois au Sénat, au sujet des transports, notamment ferroviaires.
Je souhaite également indiquer que Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux
transports et à la mer, qui sera de retour de Chine dans quelques heures et qui
se rendra cet après-midi à l'Assemblée nationale pour le débat budgétaire, est
désolé de ne pas être parmi nous.
En tout cas, je veux remercier le Sénat d'aborder le sujet du transport
ferroviaire, qui est au coeur du développement économique et de l'aménagement
de notre territoire. Ce sujet est porteur d'enjeux financiers très importants.
Comme l'a très bien dit Jean-Claude Carle, il ne faut pas rater ce rendez-vous
de l'histoire.
Nombre d'intervenants se sont interrogés sur la pertinence de l'audit, en
exprimant, pour certains, des craintes. Je tiens à affirmer d'emblée que, en
aucun cas, l'audit n'a pour objet de retarder les projets. Cet audit porte, je
le rappelle, sur les infrastructures routières, ferroviaires et fluviales. Il
vise tout simplement à établir une photographie, à un instant donné, de la
situation, de l'avancement des projets, tant au niveau des études que de la
réalisation, et à apporter un éclairage sur l'intérêt de chaque projet au
niveau économique ou socioéconomique.
Pourquoi ai-je ressenti la nécessité de procéder à un audit dès mon arrivée
dans ce ministère ? Tout simplement - je le dis avec beaucoup de sérénité, sans
esprit polémique - parce que le précédent gouvernement avait multiplié les
promesses, les annonces. J'ai reçu beaucoup d'élus et je me suis aperçu que la
litanie des projets ne cessait de s'allonger. Il fallait y voir clair. Dans
chaque région, de nouveaux tronçons de lignes à grande vitesse et d'autoroutes
devaient être mis en service, me disait-on, entre 2006 et 2012. Mais, à
l'exception du TGV Est, sur lequel je reviendrai dans un instant, rien n'était
financé. Les simulations qui ont été réalisées sur les financements induits par
ces annonces montrent une véritable explosion de la pression sur le budget de
l'Etat.
L'objet de l'audit n'est pas d'annuler les projets pertinents. Tous les
projets à l'étude présentent forcément un intérêt puisqu'ils ont été demandés
par des élus, nationaux et locaux. Mais la question est de savoir quels sont
les projets prioritaires, les « phasages » les mieux adaptés, et les moyens de
financement à mettre en place. Ce sont là des questions de bon sens !
L'audit vise donc à remettre ce programme à plat et non pas à annuler des
projets. Il est destiné à sortir tout simplement de la logique d'annonce qui
fait toujours plaisir : quel ministre ne souhaite pas annoncer un nouveau
projet de TGV ou d'autoroute ? Il s'agit de définir ensemble un programme
d'infrastructures ambitieux, surtout réaliste, donc réalisable, en posant la
question essentielle des modalités de financement de ce programme.
D'ailleurs, l'audit des infrastructures, c'est un peu comme l'audit de la
situation des finances publiques que le Premier ministre a souhaité réaliser
dès le début de la législature, afin d'avoir la photographie des moyens
disponibles et d'orienter les politiques en fonction de ces moyens.
Quel est le périmètre de l'audit ? L'audit couvre l'ensemble des grands
projets d'infrastructures routières, autoroutières et fluviales. Il n'engloble
donc pas - je serai très clair à cet égard - les projets qui figurent dans les
contrats de plan. Il prend en compte les grands projets, notamment
internationaux, comme les liaisons Lyon-Turin et Perpignan-Figueras, qui font
l'objet d'un accord international signé au plus haut niveau. A l'évidence, la
France respectera ses engagements internationaux.
S'agissant du TGV Est, bien entendu, la première phase est actuellement en
travaux - elle a fait l'objet d'une médiatisation importante au début de l'été
- et elle n'est donc pas prise en compte dans l'audit. Je rappellerai
d'ailleurs la décision prise par le Gouvernement au sujet des surcoûts et
annoncée par le Premier ministre lui-même : c'est l'Etat, conformément à la
convention de financement, qui prendra à sa charge les surcoûts.
(Très bien
! sur les travées du RPR.)
En ce qui concerne la seconde phase - entre
Baudricourt et Strasbourg - qui est encore à l'état de projet, elle est
naturellement prise en compte dans l'audit.
J'ai également émis le voeu, pour permettre au Gouvernement de préparer au
mieux les rencontres avec nos partenaires européens, que les projets
transfrontaliers soient systématiquement étudiés dans le cadre de l'audit pour
nous donner des éclairages sur les degrés de priorité à réserver à chacun
d'eux.
J'aborderai brièvement la méthode utilisée. L'audit est mené par une équipe
qui est issue de l'Inspection générale des finances et du conseil général des
Ponts et Chaussées. Il sera terminé le 31 décembre prochain et rendu public.
Le travail est conduit en plusieurs temps : un recensement exhaustif des
projets a été réalisé, leur état d'avancement technique et administratif a été
précisé, et les études socioéconomiques dont ils ont pu faire l'objet ont été
recensées. En outre, un calendrier réaliste pour chaque projet doit également
être défini.
Il s'agira, ensuite, de déterminer pour chaque projet le mode de financement
adapté et, notamment, la part qui pourra être supportée par l'usager et celle
qui incombera au contribuable.
Enfin - c'est un point essentiel - il faudra examiner l'équilibre entre les
besoins et les ressources disponibles et proposer de nouvelles pistes de
financement des projets prioritaires - M. de Rohan a évidemment formulé des
remarques très pertinentes sur ces questions, suivies en cela par MM. Amoudry,
Oudin et Joly.
Les ressources budgétaires ne permettront pas, j'y insiste, de réaliser les
infrastructures dans un bref délai. Il faudra donc définir de nouveaux
instruments financiers. Cela paraît évident si l'on veut tenir des calendriers
qui soient compatibles avec nos objectifs et avec les souhaits que vous avez,
les uns et les autres, exprimés.
Le recours au financement privé sera examiné - d'ailleurs, cela ne signifie
pas privatisation de la SNCF ; j'y reviendrai tout à l'heure -, sous réserve,
évidemment, que les projets soient rentables, car le privé ne saurait -
pardonnez-moi l'expression - arriver « ventre à terre » pour financer des
projets non rentables.
J'en viens à la mise en place, le cas échéant, de péages supplémentaires pour
les poids lourds. En effet, je crois que l'on peut affirmer - cela n'a jamais
été fait à ce point - que l'encombrement des routes et des autoroutes, les
problèmes d'environnement que nous connaissons ne pourront pas indéfiniment
continuer. Il faudra qu'un jour, au-delà de l'incantation, l'on sache
s'arrêter. En tout cas, j'affirme très clairement que des études seront
effectuées, des discussions engagées - d'ailleurs, c'est déjà le cas - pour
examiner dans quelle mesure les poids lourds, qui sont aujourd'hui les
principaux détenteurs du fret mais en même temps les principaux pollueurs, on
peut le dire, sur nos routes et nos autoroutes doivent aussi payer leur écot au
financement des infrastructures à venir. On n'échappera pas, non pas à ce
débat, mais à cette décision - en tout cas, dans mon esprit, elle est prise
-,...
M. François Gerbaud.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
... notamment dans les zones encore plus sensibles que d'autres
si l'on peut parler de zones plus sensibles ; je pense, évidemment, aux zones
de montagne, où des pistes nouvelles devront être identifiées si nous voulons
disposer des moyens de mener une politique ambitieuse en la matière.
Telles sont, globalement, les réponses que je puis vous apporter en ce qui
concerne le financement ; mais je répondrai de façon plus individuelle dans un
instant.
Après l'audit, un travail interministériel devra être mené, dans un court
délai. Puis, au printemps, les deux assemblées parlementaires - en tout cas, je
le souhaite, et c'est ainsi que je formule ma demande - débattront
vraisemblablement sur les grands choix à opérer en matière d'infrastructures de
transports. A ce moment-là, elles seront éclairées, si l'on peut dire, par une
étude prospective de la DATAR. Cela permettra de définir les projets en
fonction de critères comme l'aménagement du territoire, l'insertion des flux
transeuropéens et l'intermodalité.
A l'évidence, les échanges transeuropéens constituent un sujet important. De
par sa situation géographique au coeur de l'Europe et de l'Ouest, notre pays a
un rôle majeur à jouer dans les échanges. Là encore, il ne faut pas rater les
rendez-vous de l'histoire.
Au printemps, après ces exercices - l'audit, le travail interministériel et
les débats parlementaires - nous proposerons à l'ensemble du pays un vrai
programme de mandature, puisque celle-ci commence, un programme clair,
cohérent, courageux - je n'hésite pas à le dire - qui montrera où nous allons
en matière d'infrastructures de transports, en tout cas dans les années à
venir.
Au-delà de l'audit, il paraît nécessaire de faire le point sur la situation
financière des acteurs du monde ferroviaire. Deux sujets de préoccupations ont
déjà été largement exprimés ici : le niveau d'endettement de Réseau ferré de
France et les résultats financiers de la SNCF.
La situation financière de la SNCF n'est pas bonne, et vous avez exprimé à cet
égard vos préoccupations. Les chiffres sont dans le rouge : l'année 2001 s'est
achevée sur une dégradation très importante et l'année 2002 a confirmé cette
évolution ; nous en serons, à la fin de 2002, à près de 250 millions d'euros de
déficit d'exploitation.
Il est vrai que la conjoncture n'est pas porteuse : quand la croissance est
moins forte, il y a moins de voyageurs, moins de fret à confier à la SNCF, et
les marges d'ajustement sont très faibles.
Donc, aujourd'hui, la situation du fret et des trains nationaux, hors grandes
lignes, se dégrade fortement, et seules les activités qui sont conventionnées -
TER et Ile-de-France - affichent un résultat d'exploitation positif.
Pour réaliser les investissements indispensables à son développement, la SNCF
devra donc, de toute façon, faire des économies et, le cas échéant, vendre
certaines de ses participations qui ne sont pas nécessaires à l'exploitation et
au « coeur de cible » de cette grande maison.
J'ai eu l'occasion de redire au président de la SNCF ainsi qu'à un grand
nombre de cheminots qui étaient réunis hier matin, à Paris, à l'occasion de
leur convention, toute la confiance que nous avions dans le développement de
cette entreprise et dans sa capacité à surmonter les problèmes de concurrence,
en général, et de l'ouverture à l'Europe, en particulier.
Il lui faut en effet saisir cette ouverture européenne comme une occasion de
développement et non l'envisager comme un risque, ce qui signifierait une sorte
de renfermement. Au contraire, voilà des parts de marché à saisir pour une
entreprise dont la qualité de service est reconnue.
L'Europe est une chance pour la SNCF, j'en suis personnellement convaincu.
Reste l'endettement de RFF, qui s'élève aujourd'hui à près de 25 milliards
d'euros, auquel certains d'entre vous ont ajouté la dette de la SNCF.
Le désendettement de RFF est une priorité du Gouvernement pour permettre
l'entretien du réseau et de son développement. L'Etat fera face à ses
engagements, je l'assure à tous ceux qui se sont exprimés sur le sujet,
notamment M. de Rohan, Mme Beaufils et M. Oudin.
J'en viens maintenant aux sujets européens.
La transposition dans notre droit interne du « premier paquet ferroviaire »
sera opérée pour le 15 mars 2003. Le décret est en cours de finalisation. Ce
texte fait encore l'objet de concertations, mais, d'ores et déjà, et c'est
l'une des principales dispositions retenues, RFF sera chargé de répartir les
capacités d'infrastructures. RFF s'appuiera donc pour ce faire sur une équipe
de vingt-cinq à trente « horairistes ». La SNCF conservera ces horairistes qui
travailleront pour le compte de RFF. En outre, un organisme de contrôle sera
mis en place auprès du ministre ; il gérera les recours des acteurs du
secteur.
Ce « premier paquet ferroviaire » introduit la concurrence sur le réseau
transeuropéen de fret ferroviaire, pour le fret international.
Quant à l'hypothèse du « deuxième paquet ferroviaire », qui a fait l'objet de
discussions tant entre partenaires sociaux que lors de chaque réunion du
conseil européen des transports, elle tend à la libéralisation du fret
ferroviaire sur l'ensemble du réseau, y compris le cabotage. Elle comporte
également des dispositions très intéressantes en matière d'interopérabilité et
de sécurité, notamment la création d'une agence européenne de sécurité et
d'interopérabilité ferroviaire.
Nous soutenons toutes les initiatives qui concernent la sécurité ; nous
soutenons toutes les initiatives qui concernent l'interopérabilité. Cependant,
conformément aux engagements qui ont été pris par les chefs d'Etat, lors du
sommet de Barcelone - je l'ai encore rappelé au dernier conseil européen des
transports à Luxembourg -, avant toute décision au sujet de ce « deuxième
paquet », il est indispensable de dresser d'abord le bilan de la mise en oeuvre
du « premier paquet ».
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
C'est la position que nous avons adoptée depuis le début, et
nous persévérerons en ce sens.
Nous souhaitons également que le « paquet » prenne mieux en compte les
questions d'harmonisation sociale et davantage encore celles de la sécurité.
Nous proposerons donc que soient retenues des dispositions relatives à la
licence européenne de conduite et aux règles d'emploi des personnels,
s'agissant notamment du temps de travail et du temps de repos, de façon que les
règles de concurrence soient les plus harmonieuses possible et que la SNCF ne
se trouve pas dans une situation d'infériorité sur ces plans. Je le répète,
lorsque j'interviens, au nom de la France, dans ces différents débats,
j'insiste sur la sécurité.
S'agissant du fret, je vous l'ai dit tout à l'heure, la situation est
préoccupante même si, on le sait, l'entreprise consent des efforts importants
pour ramener cette activité à l'équilibre. La qualité du service s'améliore,
mais elle reste très en deçà des attentes des clients. Par conséquent, le
trafic diminue, non seulement parce que les attentes des clients ne sont pas
satisfaites, mais aussi parce que la conjoncture est difficile. Les chiffres de
l'activité sont dans le rouge : nous avons perdu à peu près 40 % en quarante
ans !
Pour combler le décalage entre les discours et la réalité, le Gouvernement a
pris au bond la proposition de M. Hubert Haenel qui, avec M. François Gerbaud,
chargées de nous proposer des mesures susceptibles de redresser la situation et
de développer le fret ferroviaire.
Grands connaisseurs du monde ferroviaire - ils sont respectivement
administrateurs de la SNCF et de RFF - vos deux collègues, mesdames, messieurs
les sénateurs, sont les pères de deux grandes réformes récentes du système
ferroviaire, à savoir la régionalisation et la création de RFF.
Nous escomptons donc des propositions concrètes, nouvelles, à la mesure de
l'attente de nos concitoyens. Je vous livre quelques pistes de réflexion
auxquelles, je le sais, ils ne sont pas insensibles : l'apport du « premier
paquet » et les perspectives offertes, à terme, par le « deuxième paquet » ;
une conviction que l'avenir du fret est en Europe et que la SNCF doit donc se
saisir résolument de cet enjeu ; enfin, une approche plus spécifique des
marchés du fret, secteur par secteur, produit par produit, pour proposer des
services adaptés aux besoins des clients.
M. de Rohan et Mme Herviaux ont traité de la ligne à grande vitesse
Pays-de-la-Loire - Bretagne, qui constitue bien le prolongement du TGV
Atlantique du Mans vers Rennes et vers Nantes. Le projet consiste à réaliser
une ligne nouvelle de 225 kilomètres, avec un tronc commun à partir de
Connerré, à l'est du Mans, puis une branche vers le coeur de la Bretagne, qui
irait jusqu'à Rennes, et une autre vers Nantes, qui se raccorderait au réseau
existant au nord de Sablé-sur-Sarthe. Le coût de la nouvelle ligne est évalué à
1,6 milliard d'euros, dont 930 millions d'euros pour la première phase. Aucun
plan de financement n'est aujourd'hui défini. Le gain de trafic prévu est de
2,1 millions de voyageurs par an.
Dans sa réalisation complète, le projet permettrait une réduction très
sensible des temps de parcours : un gain de trente-cinq minutes entre Paris et
Rennes, de vingt-cinq minutes entre Le Mans et Rennes, de dix minutes entre
Paris et Angers ou Nantes. La réalisation de la première phase du projet entre
Le Mans et Laval-Est est envisagée en 2011.
Le taux de rentabilité socio-économique du projet est relativement favorable,
puisqu'il est à deux chiffres, c'est-à-dire supérieur à 10 % - 10,6 %
exactement -, en tout cas, pour la première phase. Il s'agit donc d'un TGV fort
intéressant, pour la réalisation duquel nous sommes mobilisés, les uns et les
autres, Bretons ou non-Bretons !
(Sourires.)
La ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, dont M. Carle et M. Dreyfus-Schmidt,
notamment, ont souligné l'intérêt, est constituée de trois branches centrées
sur la région de Dijon. Chacune d'elles fait l'objet d'un projet distinct : une
branche est reliant, en ligne nouvelle, l'agglomération dijonnaise au sud de
l'Alsace ; une branche ouest, en ligne nouvelle, l'agglomération dijonnaise à
la ligne à grande vitesse Sud-Est ; une branche sud qui devrait relier, en
ligne nouvelle, ces deux branches à la région lyonnaise.
A ce jour, ces trois projets n'ont fait l'objet d'aucun plan de financement.
Cependant, concernant la branche est, un rapport établi par M. de Fenoyl,
inspecteur général des Ponts et Chaussées, expertise les conditions de
financement du projet.
Les grandes fonctionnalités et caractéristiques de la branche sud du TGV
Rhin-Rhône, du sud de Dijon vers Lyon, ont fait l'objet d'un débat public qui a
été organisé entre le 15 mars et le 15 juin 2000 sous l'égide d'une commission
particulière et indépendante mise en place par la Commission nationale du débat
public.
Se fondant sur le bilan du débat public et des études complémentaires
réalisées depuis, RFF a élaboré, en concertation avec les différents
cofinanceurs, un projet de cahier des charges. Le parti a été pris d'examiner
l'intérêt de réaliser une ligne mixte, répondant à la fois aux objectifs de
gain de temps pour les voyageurs et aux perspectives de développement du trafic
de fret sur cet axe nord-sud.
Ce cahier des charges devrait être transmis au ministère à l'automne prochain,
pour approbation. Suivant les options retenues, le coût du projet varierait
entre 1,75 milliard d'euros et 2,3 milliards d'euros.
En réponse à M. Carle, notamment, j'indique que la nouvelle liaison
ferroviaire transalpine Lyon-Turin figure parmi les quatorze projets européens
d'infrastructures de transport classés prioritaires lors du sommet d'Essen, en
décembre 1994. Il s'agit d'un projet ambitieux, pour ne pas dire coûteux,
destiné aux trafics voyageurs et fret.
Il comprend, pour les TGV, une ligne à grande vitesse Lyon-Turin qui doit être
aménagée progressivement, avec un « tunnel de base » transfrontalier d'environ
52 kilomètres de long - excusez du peu ! - et, en territoire italien, un
ensemble d'ouvrages de raccordement de ce tunnel de base à la ligne historique
et à la future ligne nouvelle dans la vallée de Suse, à proximité de
Bussoleno.
Il comprend, pour le trafic de marchandises - classique, combiné non
accompagné et autoroute ferroviaire - un itinéraire performant empruntant le
même tunnel de base, et combinant, pour y accéder, l'utilisation des lignes
existantes et de plusieurs tronçons neufs.
Le projet de liaison nouvelle ferroviaire transalpine Lyon-Turin doit répondre
à deux enjeux majeurs : assurer le développement durable du fret ferroviaire et
permettre aux voyageurs de traverser les Alpes dans les meilleures conditions
possibles, tout en assurant une desserte performante des grandes villes du
sillon alpin.
Ce projet doit également préserver l'environnement. Dieu sait que,
aujourd'hui, dans les vallées de Chamonix et de la Maurienne, on est sensible à
ces problèmes.
Le programme de modernisation de la ligne existante de la Maurienne et de ses
itinéraires d'accès se poursuit, afin de doubler la capacité d'acheminement des
marchandises vers l'Italie.
Il comprend des mesures d'organisation des circulations, destinées à améliorer
les conditions d'acheminement du fret entre la France et l'Italie ; la
transformation du matériel roulant, afin d'assurer une meilleure
interopérabilité entre les deux réseaux ; enfin, une amélioration des
infrastructures, avec notamment un renforcement de la sécurité et la mise au
gabarit B + des tunnels existants entre la France et l'Italie.
A l'issue de la phase d'études, les premiers travaux de mise au gabarit des
ouvrages souterrains ont démarré en mars 2002 sur le tunnel de Saint-Antoine.
Les études des autres opérations du programme de modernisation - aménagement
des voies et, dans les gares, signalisation, renforcement de la traction
électrique ou électrification de sections de ligne - ont été engagées et
déboucheront sur des travaux dès 2003.
Par ailleurs, la mise en oeuvre d'un service expérimental d'autoroute
ferroviaire sur les infrastructures existantes est prévue au début 2003, avec
quatre allers et retours quotidiens qui offriront une capacité progressive de
l'ordre de 50 000 poids lourds par an. C'est un début. Un service complet avec
vingt à trente navettes par jour et dans chaque sens est prévu à partir de
2006, dès que les travaux de mise à un gabarit supérieur des ouvrages auront
été réalisés. Il sera alors possible d'acheminer environ 300 000 poids lourds
par le train.
Encore faut-il qu'il y ait des clients pour assurer ce trafic de 300 000 poids
lourds, raison pour laquelle, nous y revenons, il faut toujours de la
compétitivité.
En ce qui concerne le financement, il nous faut évidemment attendre le débat
qui suivra l'audit, au début de 2003.
M. Carle a fait une digression sur le troisième aéroport, évoquant, à juste
titre, les potentialités de Lyon - Saint-Exupéry. La mission de l'Assemblée
nationale doit aborder cette question. Elle n'est pas limitée aux seules
questions de la création de la troisième plate-forme aéroportuaire et de sa
localisation éventuelle en région parisienne : ce serait bien trop
restrictif.
La mission fera porter son étude, au contraire, sur l'ensemble de la politique
du transport aérien et de la politique aéroportuaire de notre pays, compte tenu
des hypothèses de trafic aérien pour les années à venir. C'est tout de même
plus dynamique que l'approche qui consisterait à ne s'interroger que sur la
troisième plate-forme et sur sa localisation. Il faut, en tout cas, se situer
dans une perspective.
M. François Gerbaud.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
M. Darniche a beaucoup parlé, et en bien, de la Vendée. Je
souscris totalement à ses propos. Un séjour fort agréable et instructif sur
place m'a permis de mesurer le dynamisme de ce département.
Je veux dire un mot de l'électrification.
En ce qui concerne le TGV tracté, différentes composantes de ce projet sont en
cours de définition. Des règles propres à RFF - le fameux article 4 - limitent
la participation financière du gestionnaire d'infrastructures.
Au vu du résultat des études, il faudra boucler le plan de financement du
projet entre l'Etat, RFF et les collectivités locales, d'ailleurs très
motivées.
Monsieur Darniche, l'expérience du TGV tracté, qui permet d'offrir aux clients
une desserte sans rupture de charge, et ce sans attendre les travaux
d'infrastructures, est très intéressante. De nombreux témoignages soulignent
combien cette idée est subtile et innovante.
Néanmoins, il est nécessaire de faire un bilan de cette première expérience.
En effet, si la SNCF nous signale d'ores et déjà une augmentation de trafic
très sensible, elle fait également état de problèmes de fiabilité non
négligeables. Dominique Bussereau et moi-même avons décidé de faire procéder à
une évaluation de ce projet. RFF sera, bien sûr, interrogé sur le TGV
caténaire.
M. Reiner m'a interpellé de nouveau sur l'audit en me faisant une sorte de
procès d'intention. Je le répète, j'ai refusé l'audit bloquant. Donc, j'espère
que, désormais, en toute bonne foi, vous êtes, mesdames, messieurs les
sénateurs, bien convaincus.
Je tiens quand même à souligner que, si j'ai commandé cet audit, c'est parce
que mon prédécesseur a fait beaucoup de promesses et qu'il fallait distinguer
celles qui correspondaient à de réels projets.
M. Daniel Reiner.
C'étaient des ambitions !
M. Gilles de Robien,
ministre.
On peut le dire dans ces termes ! Je peux, moi aussi, allonger
la liste des ambitions pour arriver jusqu'en 2100 et même au-delà !
(M. Josselin de Rohan approuve.)
Mais il faut aussi être réaliste. Je vous le répète, il ne s'agit en aucun
cas de remettre en cause le développement durable et l'épanouissement du
transport ferroviaire partout où il est pertinent. Telles ne sont pas les
intentions du Gouvernement.
Quant aux wagons Modalohz, sachez, monsieur Reiner, qu'ils sont en cours
d'homologation. Les travaux des deux plates-formes d'Aiton et d'Orbassano se
poursuivent et les subventions d'exploitation sont prévues au budget. Par
conséquent, je vous le confirme, l'expérimentation débutera bien au printemps
2003.
Vous avez, sinon suggéré, du moins prononcé le mot « privatisation ». Je ne
voudrais pas que ce mot s'envole au-delà des travées de cette éminente
assemblée qu'il affole !
(Sourires.)
Je l'ai d'ailleurs confirmé devant
4 000 cheminots réunis hier à l'invitation du président de la SNCF, M. Gallois
: j'ai dit carrément non à la privatisation. Que tout le monde soit
complètement et définitivement rassuré sur ce point !
Puisque vous m'avez aussi interpellé sur le « service minimum », sachez que je
n'emploie pas ce mot - et ce, volontairement - parce qu'il y a toujours dans
les rapports sociaux des mots qui fâchent.
M. François Gerbaud.
C'est vrai !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Or, si l'on veut aboutir à des résultats positifs, à un «
gagnant-gagnant », les mots ne doivent pas fâcher.
M. Daniel Reiner.
Tout à fait !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Comme je l'ai dit hier, c'est par le dialogue entre les
partenaires sociaux et la direction de la SNCF qu'on parviendra à réduire les
conflits dans cette entreprise. M. Gallois a d'ailleurs pris des initiatives
cet été.
M. Daniel Reiner.
Et a fait des propositions !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Elles ont été suivies d'une série de réunions pour étudier
précisément les modalités de réduction des conflits et pour aborder la question
du droit de grève. Ce droit, qui ne doit en aucun cas être amoindri, s'exerce
lorsque toutes les autres procédures ont été épuisées. Souvent, les partenaires
sociaux le sont aussi d'ailleurs !
(Sourires.)
Quand on fait grève,
c'est parce que, vraiment, on n'a pas réussi à l'éviter.
Le Gouvernement n'envisage pas de déposer un projet de loi qui viendrait
imposer brutalement un service minimum en cas de grève. Faisons confiance aux
partenaires sociaux ! Certaines entreprises prouvent que l'on peut arriver à
une solution, chacun à sa façon, chacun avec sa culture. Je suis persuadé que
l'on peut faire confiance à la culture de la SNCF pour trouver un bon contrat,
pour réduire la conflictualité dans ce secteur. C'est en tout cas ce
qu'attendent les clients de la SNCF.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le problème du fret, je le confirme, dépasse l'aspect régional
et se pose en termes européens. Même si le territoire de notre hexagone est
très vaste, le fret doit se développer à travers toute l'Europe.
C'est à cette échelle, c'est sur de longues distances qu'il trouvera une
clientèle, une pertinence et qu'il pourra ainsi devenir compétitif. Des trains
composés non plus de cinquante, mais de cent, voire, plus tard, de cent
cinquante wagons, pourront alors transporter de très lourdes charges. On m'a
rapporté que, dans certains pays, les trains comptent trois cents à quatre
cents wagons.
Le ministre canadien des transports me disait voilà quinze jours - et ce
n'était pas une boutade - que, chez lui, les trains de voyageurs s'arrêtent
pour laisser passer les trains de marchandises. Les voyageurs trouvent normal
que leur train soit arrêté ici ou là, car ils savent que, pour garder un
marché, il faut honorer ses contrats et donc, respecter la ponctualité des
livraisons. Cette pratique semble donner satisfaction.
J'en viens à la ligne Perpignan-Figueras évoquée par MM. Reiner et Amoudry.
L'accord franco-espagnol, signé le 10 octobre 1995 à Madrid, prévoit que la
construction et l'exploitation de la section internationale à grande vitesse
entre Perpignan et Figueras prendront la forme d'une concession. Le décret
d'utilité publique de la section française a été signé le 8 octobre 2001. La
procédure d'octroi de la concession comporte deux étapes : l'appel à
candidatures, suivi de l'appel d'offres proprement dit. L'appel à candidatures
a été publié en juillet 2001 et les dossiers ont été remis le 1er octobre 2001.
Six groupements ont fait acte de candidature et ils ont été retenus. La remise
des offres a été fixée au 2 avril 2002.
Au terme du dépouillement et de l'analyse des offres, un candidat a été
pressenti - j'insiste sur ce mot : le candidat n'est pas choisi définitivement,
car les conditions doivent encore être affinées. Nous sommes en cours de
négociation. Si cette dernière aboutit, la signature du contrat de concession
pourrait intervenir avant la fin de l'année 2002, la mise en service de cette
ligne étant alors envisageable pour le début de l'année 2007.
Quant au projet Marco Polo, vous n'ignorez pas, monsieur Reiner, que les
divergences entre les Etats membres sur les montants à y consacrer ont été
flagrantes. En tout cas, la position de la France a été considérée par nos
partenaires comme très positive. Nous nous sommes fixé le montant de 60
millions d'euros.
S'agissant des grandes infrastructures européennes, la France demande - et,
d'ailleurs, le gouvernement Jospin en avait fait autant - que le statut de
l'annexe III reste en l'état, c'est-à-dire qu'il soit arrêté par les chefs
d'Etat en Conseil. On s'en tient là pour l'instant.
Pour le TGV Est, comme je l'ai dit tout à l'heure sur le financement des
surcoûts, l'Etat respectera sa parole.
Quant à la consistance du projet, nous mettrons en oeuvre la déclaration
d'utilité publique, toute la déclaration d'utilité publique, mais rien que la
déclaration d'utilité publique.
En ce qui concerne Vandières, qui n'est pas dans la déclaration d'utilité
publique, des mesures conservatoires permettent de préserver la possibilité
d'une réalisation ultérieure ; c'est d'ailleurs le bon sens même.
Mme Beaufils défend le rail, et elle a raison. Elle défend la part du
ferroviaire pour des raisons sociales, économiques et écologiques, et elle a
raison. Elle vante le travail de M. Gayssot : elle a peut-être raison mais, là,
je serai sans doute un peu moins d'accord avec ses affirmations.
(Sourires.)
M. Oudin a parlé d'« incantations », je ne suis pas loin, au
contraire, de partager ce point de vue.
Vous avez déploré, madame la situation en matière d'infrastructures.
Pensez-vous aux délais qui sont nécessaires pour lancer des projets et les
réaliser ? En tout cas, sur ce sujet, ne tenez pas rigueur au gouvernement
actuel.
Vous demandez le maintien des crédits ouverts les années précédentes. Mais
c'est ce que nous faisons ! M. Dominique Bussereau et moi-même avons défendu
avec beaucoup de passion le budget des transports et, surtout, le budget du
rail. En matière d'infrastructures ferroviaires, il augmente de 10 % par
rapport au budget précédent. Au-delà de ce chiffre, je vous invite, mesdames,
messieurs les sénateurs, à y voir l'indication - ou les prémices - d'une
nouvelle politique.
M. Oudin illustre l'échec des ambitions affichées par le précédent
gouvernement par des descriptions précises et chiffrées de la situation. Son
analyse est exacte. Il suggère de faire le point sur les investissements - là,
je l'approuve -, ce qui justifie l'audit, bien entendu.
A l'affirmation selon laquelle « la route paiera le rail », je réponds très
clairement oui. Vous avez mille fois raison ! Mais il faut une vision globale
des financements pour tous les modes. Je crois que c'est vraiment la bonne
réponse si l'on veut être toujours aussi volontariste en matière
d'équipements.
Faut-il optimiser les tarifs ? Je réponds encore oui. Pour le fret, par
exemple, on sait très bien que la SNCF vend aujourd'hui à perte. Si le coût du
fret routier augmente, la SNCF en profitera, par effet de billard ou par
ricochet.
Mais M. Oudin a raison, il faut aussi se poser la question de la dette
ferroviaire, et le Gouvernement s'en préoccupe fortement. Sur ce sujet, j'ai
engagé avec mon collègue Francis Mer une approche très globale, très
approfondie, j'irai jusqu'à dire très courageuse.
Je remercie M. Oudin des nombreuses et très intéressantes pistes de réflexion
qu'il a esquissées et dont Dominique Bussereau, et moi-même ferons évidemment
le meilleur usage.
M. Joly a critiqué l'un de mes prédécesseurs, et il a souligné que la dette
ferroviaire donnait le vertige. Il faut, notamment pour le fret, établir une
comptabilité analytique. En effet, si on parle beaucoup du fret, si on sait que
ce secteur est fortement déficitaire, on ne connaît pas la part exacte qu'il
occupe dans l'exploitation générale de la SNCF. Il faut donc obtenir de cette
dernière une comptabilité analytique.
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Elle saura le faire, j'en suis convaincu ; encore faut-il le
lui demander, disons, avec insistance, et cela sera fait.
M. Josselin de Rohan.
Et voilà !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Bien sûr, des moyens spécifiques doivent être affectés au fret.
En tout cas, je souhaite fortement que la SNCF recoure à ces méthodes.
Non, il n'est pas prévu d'augmenter les tarifs des TER. Seules les décisions
de hausse déjà prises seront appliquées ; l'heure est à la stabilisation.
A propos des handicapés, Mme Levy a été désignée, vous le savez, parlementaire
en mission sur un sujet très important, celui de l'accessibilité,
insuffisamment pris en compte, il est vrai, au cours des années passées. Il
est normal que les personnes à mobilité réduite soient des personnes comme les
autres, qu'elles puissent prendre les mêmes moyens de transport que les autres,
sans perdre plus de temps que les autres. Mme Levy, j'en suis convaincu, nous
apportera des réponses pertinentes que nous saurons mettre en place.
M. Joly a évoqué la liaison Paris - Bâle. Il sait qu'une étude de
l'amélioration des dessertes et de l'électrification est en cours ; mais la
bonne nouvelle, c'est que le changement des moteurs des locomotives à moteur
Diesel a commencé et sera achevé au plus tard en 2003.
Mme Herviaux a évoqué le TGV Bretagne. Je la remercie vivement pour sa
courtoisie. Je lui confirme que l'audit ne fera pas perdre de temps.
M. Peyrat a évidemment parlé du TGV vers Nice. Il faut, il est vrai,
aujourd'hui le même temps - trois heures - pour aller de Paris à Marseille en
TGV que pour aller de Nice à Marseille. Paris-Nice en trois heures cinquante,
en tout cas en moins de quatre heures, ce serait un objectif d'autant plus
séduisant qu'on imagine le foisonnement de clientèle sur ce tronçon. Cette
potentialité fait de ce projet l'un des plus intéressants à l'étude.
Les difficultés - elles existent, il faut quand même le souligner ! - sont
liées à l'environnement.
M. Jacques Peyrat.
Le tracé !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le tracé, c'est une chose, mais un tracé respectant
l'environnement, cela demande un petit peu de travail. Ce travail, il faut
l'entreprendre tout en étudiant les fonctions à assurer. Il s'agit, je vous le
confirme, d'un très bon projet, ne serait-ce que parce qu'il est évidemment
plus facile à financer que d'autres. Les résultats de l'audit confirmeront sans
doute ce que nous ressentons de façon certes mathématique, mais aussi très
intuitive.
Ce que vous avez signalé à propos du trafic sur l'aéroport de Nice le prouve :
neuf millions de passagers, ce chiffre ne peut laisser la SNCF indifférente.
Dès la mise en place du TGV sur le trajet Paris-Marseille, on a vu l'inversion
de tendance : la répartition - deux tiers pour le transport aérien, un tiers
pour le transport ferroviaire - est devenue deux tiers pour le transport
ferroviaire, un tiers pour le transport aérien. On peut supposer qu'il en
serait de même pour le trajet Paris-Nice.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous ai parlé de l'enjeu, de mon désir
et de la volonté que je partage avec Dominique Bussereau d'être à l'heure à ce
grand rendez-vous européen.
Avec une immense façade maritime et trois façades continentales, au sud, au
nord et à l'est, la France a, à l'évidence, une position géographique éminente
en Europe de l'Ouest qui lui donne vocation à accueillir ou à voir passer sur
son territoire un trafic considérable de voyageurs et de fret.
Demain, dix nouveaux pays vont rejoindre l'Union européenne, quatre ou cinq
autres s'y ajouteront après-demain.
Si la France ne dispose pas d'un réseau pertinent de transport, tant
autoroutier que ferroviaire, pour le fret et pour les voyageurs, et d'une offre
très importante d'infrastructures, elle sera un « pays frein » dont le trafic
se détournera pour passer par l'Italie, par la mer ou par ailleurs.
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le centre de gravité de l'Europe de déplacera vers l'est. Ce
serait contraire à la vocation de la France,...
M. Henri de Raincourt.
Tout à fait !
M. Gilles de Robien,
ministre.
... et c'est pourquoi je tenais à affirmer très solennellement
devant vous la volonté du Gouvernement de développer un très grand réseau
d'infrastructures ferroviaires. Je sais que cette volonté est largement
partagée sur toutes les travées de la Haute Assemblée et je vous en remercie.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR,
de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur certaines
travées socialistes.)
M. le président.
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est
clos.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à quinze heures, sous la présidence
de M. Guy Fischer.)