SEANCE DU 24 OCTOBRE 2002
COUVERTURE TERRITORIALE
EN TÉLÉPHONIE MOBILE
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 23,
2002-2003) de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan sur la proposition de loi (n° 409, 2001-2002) de MM.
Bruno Sido, Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy, Paul Girod, Aymeri
de Montesquiou, Philippe Adnot, Pierre André, Michel Bécot, Paul Blanc, Jean
Boyer, Jean-Claude Carle, Robert Del Picchia, Michel Doublet, Alain Fouché,
Christian Gaudin, François Gerbaud, Georges Gruillot, Joseph Kerguéris, Pierre
Laffitte, Lucien Lanier, Patrick Lassourd, Max Marest, Charles Revet, Yves
Rispat, Daniel Soulage et Jean-Pierre Vial relative à la couverture
territoriale en téléphonie mobile de deuxième génération par la mise en oeuvre
prioritaire de prestations d'itinérance locale entre opérateurs.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le nombre
d'abonnés au téléphone mobile vient de dépasser le nombre d'abonnés au
téléphone fixe, l'absence de couverture en téléphonie mobile dans certaines
zones devient chaque jour plus pénalisante, non seulement sur le plan de
l'agrément, des loisirs, du tourisme, de la sécurité, mais également du point
de vue du développement économique.
Le mobile est devenu un outil de travail pour de nombreuses professions. La
couverture du territoire en téléphonie mobile constitue désormais un élément
d'attractivité économique et humaine au même titre que les infrastructures
traditionnelles.
Cependant, chacun a bien conscience qu'on ne peut pas compter uniquement sur
la dynamique concurrentielle pour que la couverture GSM s'améliore sensiblement
à la veille des investissements dans les réseaux UMTS.
Avant de présenter quelques éléments historiques sur ce dossier,
permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler que deux solutions techniques
existent pour étendre la couverture téléphonique du territoire : soit le
partage d'infrastructures, ce qui signifie l'extension par chaque opérateur de
son réseau de téléphonie mobile, les deux ou trois réseaux étant toutefois
supportés par des infrastructures passives communes ; soit l'itinérance locale,
qui repose sur le déploiement d'un seul réseau par un seul opérateur, lequel
s'engage à accueillir les appels des abonnés aux autres réseaux.
Au CIADT - le comité interministériel pour l'aménagement et le développement
du territoire - de Limoges, en juillet 2001, c'est l'itinérance locale qui
avait été retenue par le gouvernement d'alors pour assurer en trois ans -
excusez du peu ! - la couverture des « lieux de vie permanents et occasionnels
et les axes de transport prioritaires » qui n'étaient couverts par aucun
opérateur, soit environ 1 500 centre-bourgs, à en croire le précédent
gouvernement.
Les négociations des licences UMTS, au cours de l'hiver dernier, ont brouillé
les cartes. Le gouvernement d'alors s'est finalement converti au partage
d'infrastructures entre deux opérateurs - Orange et SFR - et non pas trois.
Cette solution ne tient pas. La preuve en est que les deux opérateurs concernés
ne l'ont eux-mêmes pas mise en oeuvre depuis près d'un an.
Vous-même, madame le ministre, en avez pris la mesure. Je m'en félicite et je
vous en remercie. Vous avez encouragé l'ouverture d'une nouvelle concertation
entre les opérateurs, lesquels sont parvenus à une position commune, remise il
y a exactement un mois à l'Autorité de régulation des télécommunications,
l'ART.
Les trois opérateurs s'engagent, pour couvrir les « zones blanches », à mettre
en oeuvre parallèlement le partage de sites et l'itinérance locale sur les
zones « qui justifient cette solution », c'est-à-dire là où cela génère une
économie de moyens. Ils insistent aussi sur la nécessité, en tout état de
cause, de préserver une concurrence équitable.
Les trois opérateurs se déclarent prêts à entreprendre sans délai les travaux
sur les premiers sites mutualisés - 200 viennent d'être identifiés - et à
lancer immédiatement les expérimentations permettant de valider les conditions
de mise en oeuvre de l'itinérance locale. Concernant les zones où serait
retenue la solution du partage des sites, les opérateurs visent à assurer la
présence effective d'au moins deux opérateurs d'ici à deux ans, l'objectif
étant la présence, à terme, des trois opérateurs sur chaque site.
Je ne peux que saluer cette soudaine accélération des négociations et la
volonté affichée des opérateurs d'aboutir concrètement et rapidement. Vous
savez comme moi que le dépôt de la présente proposition de loi n'y est pas
étranger : ce texte vise à donner aux collectivités locales qui décideraient de
financer des infrastructures de télécommunications les moyens d'exiger des
opérateurs de téléphonie mobile de deuxième génération qu'ils mettent en place
une itinérance locale.
Pour les zones où l'itinérance locale ne se justifie pas, économiquement ou
techniquement, le texte prévoit également la possibilité de recourir au partage
d'infrastructures dans les cas où tous les opérateurs le jugeraient
préférable.
Alors, me direz-vous, pourquoi persévérer alors qu'un accord entre opérateurs
a été conclu ? L'initiative que j'ai prise avec quatre de mes collègues
sénateurs, MM. Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy et Paul Girod,
conserve toute sa légitimité. En effet, notre texte me paraît seul à même
d'assurer, au moindre coût, une couverture effective en GSM des centres bourgs
ou des routes prioritaires, dans un souci d'équité concurrentielle.
Notre objectif est triple. Premièrement, il s'agit d'assurer une couverture «
effective », ce qui implique une identification des zones blanches sur le
terrain, et non pas à partir de modèles théoriques de propagation des ondes.
Dans mon département, la Haute-Marne, un cabinet indépendant a montré que le
nombre de communes non couvertes était en fait cinq fois plus élevé que ne le
laissaient apparaître les estimations du précédent gouvernement. La moitié des
communes de mon département se trouvent donc en zones blanches.
L'accord entre les opérateurs ne peut par conséquent se limiter aux 1 500
communes. Il doit porter sur les 5 000 à 6 000 centres bourgs qui sont
effectivement privés de toute couverture en téléphonie mobile et sur les routes
prioritaires qui les relient.
J'insiste sur le fait que nous ne demandons pas une couverture intégrale du
territoire. Ce serait très coûteux et préjudiciable à l'esthétique
environnementale pour un service ajouté minimal.
Notre deuxième objectif vise à assurer la couverture des zones identifiées
ci-dessus au moindre coût.
Cela impose d'afficher une préférence de principe pour l'itinérance locale, le
recours au partage de sites s'entendant comme une solution par défaut. Or la
position commune des trois opérateurs est inverse.
Certes, la mutualisation des infrastructures passives présente un avantage
majeur : elle préserve la position concurrentielle des opérateurs, acquise au
prix d'investissements considérables, puisque la couverture territoriale et la
qualité de services proposées par l'opérateur restent des éléments de
différenciation concurrentielle indéniables.
Toutefois, l'itinérance m'apparaît préférable à bien des égards.
Sa mise en place est moins coûteuse, car elle permet de n'installer, dans les
zones blanches, qu'un seul réseau, alors que le partage d'infrastructures
repose sur le déploiement parallèle de trois réseaux.
L'itinérance accroît la couverture pour tous les usagers, alors que la
mutualisation profite seulement aux abonnés des opérateurs qui se partagent les
infrastructures.
L'itinérance fonctionne : les opérateurs français mettent déjà en oeuvre des
conventions d'itinérance avec d'autres opérateurs étrangers, ou même entre eux
dans les départements d'outre-mer.
Moins d'antennes, c'est moins de soucis pour les élus locaux et leurs
administrés, inquiets, à tort ou à raison, des effets des émissions
radioélectriques de ces antennes sur la santé.
Nous souhaitons, en troisième lieu, respecter l'équité concurrentielle qui
est, pour moi, un impératif majeur. Or l'itinérance organisée localement est
absolument neutre à l'égard des situations concurrentielles respectives des
opérateurs de téléphonie mobile.
Je ne parle pas d'itinérance nationale, celle qui permet à un opérateur mobile
d'offrir à ses abonnés l'accès au réseau d'un autre opérateur mobile en tout
point du territoire. L'itinérance nationale est inconcevable, aujourd'hui, sans
ruiner immédiatement tous les efforts consentis par les opérateurs mobiles pour
étendre leur couverture territoriale et pour se démarquer de leurs concurrents
par la qualité de leurs services.
L'itinérance locale, elle, n'altère en rien l'équilibre concurrentiel elle
fait accéder aux prestations des opérateurs de téléphonie mobile des
consommateurs qui en sont aujourd'hui exclus, et ce sans aucune discrimination
puisque l'opérateur chargé de l'itinérance locale acheminera les appels des
abonnés des autres réseaux. Ce sont donc plutôt de nouvelles opportunités de
marchés qui s'ouvrent à tous les opérateurs et aux équipementiers.
Quant au léger désavantage concurrentiel qui résulterait d'un service dégradé
dans ces zones pour des raisons techniques, il pèsera tout aussi équitablement
sur les opérateurs et sur leur image de marque.
A l'inverse, permettez-moi de douter que l'équité concurrentielle soit
garantie par la position commune des opérateurs datée du 24 septembre dernier.
Les opérateurs s'engagent à être au moins deux, d'ici à deux ans, sur les zones
en partage de sites. Si ce partage à deux venait à perdurer, les abonnés du
troisième opérateur ne bénéficieraient pas de l'extension de la couverture.
Vous voyez qu'il ne s'agit pas de substituer la loi à la concertation, encore
moins, à l'évidence, d'embarrasser le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin.
Si la concertation permet d'atteindre l'objectif visé par la proposition de
loi, il faudra se réjouir que le nouveau mode de gouvernance enregistre ainsi
un succès notoire, et l'outil législatif pourrait dès lors être délaissé. Mais
nous voulons garantir aux élus locaux qu'ils n'attendront pas éternellement des
avancées concrètes et qu'ils ne seront pas déçus.
Je n'ignore pas les difficultés économiques rencontrées par le secteur des
télécommunications, des opérateurs jusqu'aux équipementiers. Dans ce souci, je
souhaiterais relativiser l'impact financier de notre proposition.
Il est vrai que le fait de couvrir de 5 000 à 6 000 communes au lieu de 1 500
multipliera au moins par trois la facture. Mais, parallèlement, le recours
obligé à l'itinérance la divisera par trois, l'effort de couverture se trouvant
alors réparti entre les trois opérateurs. La facture pourrait donc rester
sensiblement la même. Ce calcul simple, simpliste même, m'autorise à présumer
la faisabilité financière du dispositif proposé pour les opérateurs, avec
l'appui des collectivités territoriales, des fonds européens, etc.
L'engagement des pouvoirs publics doit être clairement réaffirmé, mais il ne
devrait pas être plus important. Il s'agit seulement d'ouvrir la possibilité
aux collectivités locales qui le souhaitent d'investir plus encore dans la
couverture de leur territoire avec la certitude d'être suivies par les
opérateurs, et d'exiger que ces derniers mettent en place l'itinérance.
Vous comprendrez, madame le ministre, qu'il est aujourd'hui de la
responsabilité du Sénat d'intervenir dans ce débat, qui le concerne au premier
chef en raison de son implication territoriale. Notre projet n'est pas
maximaliste : nous ne prônons ni l'itinérance nationale, ni la couverture
intégrale du territoire, ni l'itinérance entre réseaux UMTS. Nous prônons une
solution de bon sens pour couvrir en GSM de deuxième génération les lieux de
vie de notre pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée à l'industrie.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de
m'adresser à vous aujourd'hui sur un sujet qui me tient à coeur. Vous le savez,
le renforcement de la couverture en téléphonie mobile de notre pays est un
élément important de la politique de télécommunications du Gouvernement.
Le téléphone portable est devenu en quelques années un outil indispensable à
la vie quotidienne des Français. Le nombre d'abonnés, près de 38 millions,
dépasse désormais largement les abonnés au téléphone fixe. Ce formidable
développement, nous le devons à l'ensemble des entreprises qui ont cru en cette
technologie et qui ont accepté d'investir, parfois plusieurs milliards d'euros,
pour en accompagner le déploiement. Aujourd'hui, l'industrie des
radiocommunications mobiles est devenue une part importante de l'industrie plus
large des télécommunications.
J'ajouterai que cette industrie présente un autre intérêt : c'est un secteur
en France qui jouit d'une bonne santé financière. Les trois opérateurs actifs
sur le marché français que sont Orange France, SFR et Bouygues Télécom sont peu
endettés. Leur nombre de clients et donc leur chiffre d'affaires continuent à
croître à un rythme qui, s'il est certes plus modéré qu'il y a un ou deux ans,
reste tout à fait honorable. Leur situation financière saine leur permet
d'investir et d'envisager l'avenir avec ambition : cet avenir sera celui du
lancement de services à forte valeur ajoutée, comme les services multimédia.
Cette réussite a été possible grâce à un cadre réglementaire adapté. Cet
environnement réglementaire se caractérise avant tout par la permanence de ses
grands principes. Cette stabilité est tout à fait essentielle pour conforter la
confiance des entreprises afin qu'elles envisagent avec sérénité des projets
d'investissements lourds.
C'est en partie grâce à ce cadre réglementaire stable que la France a vu
l'émergence, en quelques années, de trois nouveaux réseaux de
télécommunications. Ces sociétés, dont je tiens à saluer le scrupuleux respect
du cahier des charges et plus particulièrement de la clause sur la couverture
de la population, ont obtenu une autorisation d'exploitation valable pour
quinze ans.
Aujourd'hui, nous nous situons au dernier tiers de la durée de ces
autorisations ; c'est tout du moins le cas pour deux d'entre elles. La question
de la couverture de notre territoire est devenue une préoccupation
importante.
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement partage votre constat, à savoir que la
couverture mobile de notre pays doit être renforcée. C'est un impératif
d'équité ; c'est pourquoi nous devons au plus vite combler ces lacunes.
Le gouvernement précédent avait prévu un plan d'amélioration de couverture.
Présenté lors du CIADT de Limoges, le 9 juillet 2001, il fut malheureusement un
échec. Je ne souhaite pas revenir sur les modalités de ce plan, qui est
aujourd'hui abandonné ; je veux seulement en tirer les leçons qui nous seront
utiles pour les décisions que nous prendrons.
Deux raisons fondamentales expliquent l'échec de ce plan.
La première tient au fait que, en confiant la couverture à seulement deux des
trois opérateurs existants, le CIADT a par là même réduit la concurrence. Il
est donc essentiel - c'est la première leçon que nous retirons de l'échec du
CIADT - que le traitement du dossier de la couverture mobile respecte le
principe de concurrence.
La seconde raison qui explique l'échec du CIADT réside dans le fait que les
zones à couvrir ont été déterminées depuis Paris, à partir d'une étude
théorique nationale ne représentant que très imparfaitement la couverture au
niveau local. Il est donc essentiel - c'est la seconde leçon que nous tirons de
l'échec du CIADT - d'associer étroitement les collectivités locales à toutes
les phases d'élaboration d'un nouveau plan.
Le Gouvernement a retenu ces deux principes essentiels que sont le respect des
règles de la concurrence et la concertation au niveau local pour faire avancer
ce dossier.
En quelques mois, nous avons établi un nouveau plan - en concertation, cette
fois, avec les trois opérateurs -, et je vous remercie, monsieur le rapporteur,
d'avoir bien voulu remarquer que notre plan allait dans la bonne direction.
En quoi consiste-t-il ?
Dans une position commune, les trois opérateurs ont accepté, le 24 septembre
dernier, une solution technique mixte mêlant mutualisation d'infrastructures et
itinérance locale. Le choix entre ces deux options sera déterminé en fonction
de critères techniques et économiques, l'objectif final étant d'optimiser
l'efficacité des investissements.
A partir de la position des opérateurs, le Gouvernement a défini quelques
principes.
Le premier - je le réaffirme ici au nom du Gouvernement - est celui du
financement public des infrastuctures passives. Par conséquent, les pylônes
financés sur fonds publics reçoivent les équipements techniques des trois
opérateurs.
L'engagement financier des pouvoirs publics devrait atteindre 88 millions
d'euros, répartis à parts égales entre l'Etat et les collectivités locales. Ce
montant permettra la construction de 1 200 pylônes assurant la desserte de 1
650 centre-bourgs. Au-delà de cette enveloppe nationale, le Gouvernement
s'efforcera de mobiliser les crédits du fonds européen de développement
régional, le FEDER.
Les engagements pris par les opérateurs le 24 septembre dernier doivent être
rapidement mis en oeuvre. Je m'y emploie aujourd'hui avec fermeté. A la suite
d'une réunion de travail que j'ai organisée le 10 octobre dernier avec les
trois opérateurs, nous avons pu préciser le calendrier : la localisation des
200 pylônes et des trois sites d'expérimentations d'itinérance locale sera
proposé dans les prochains jours au ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, M. Paul Delevoye, et à
moi-même. D'après les premières indications des opérateurs, ces derniers sont
prêts à faire un effort supplémentaire en proposant environ 300 pylônes; la
construction pourra démarrer d'ici à la fin du mois de novembre, dès que la
concertation avec les collectivités locales aura abouti.
Pour suivre la mise en place du déploiement, un comité de pilotage sera
constitué et regroupera les principaux ministères concernés, l'Autorité de
régulation des télécommunications et les associations d'élus locaux. Il sera
chargé en particulier de valider la liste des premiers sites et la répartition
entre itinérance locale et mutualisation.
Mesdames et messieurs les sénateurs, voilà en quelques mots l'état
d'avancement du dossier après trois mois de travail.
Le Gouvernement n'a pas souhaité définir de façon unilatérale un grand plan de
couverture de notre territoire. Au contraire, il a retenu une approche
pragmatique de concertation avec tous les acteurs, afin que la construction des
infrastructures avance le plus rapidement possible.
La proposition de loi déposée par M. Bruno Sido et quatre de ses collègues,
MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy et Girod, nous a beaucoup aidés dans les
négociations que nous avons menées avec les opérateurs, je tiens à le dire. Le
texte que nous examinons aujourd'hui reprend l'essentiel des idées qui nous ont
guidés pour élaborer ce plan : respect de la concurrence, concertation,
itinérance locale.
Afin qu'aucune ambiguïté ne demeure, je voudrais néanmoins revenir sur trois
points de votre texte, monsieur le rapporteur. Ainsi, la cohérence entre
celui-ci et la concertation menée par le Gouvernement sera parfaite.
J'aimerais tout d'abord souligner que le plan du Gouvernement a pour fondement
la notion d'itinérance locale.
Cette technique permet à un utilisateur d'avoir accès aux trois réseaux quel
que soit son abonnement. Cette faculté doit néanmoins être spécifiquement
réservée au niveau local pour la couverture des zones blanches et ne saurait en
aucun cas être étendue au niveau national. En effet, la couverture du
territoire par un opérateur constitue un élément commercial fort, et ce
d'autant plus qu'il a été obtenu au prix d'investissements considérables. La
mise en place de l'itinérance nationale gommerait instantanément les
différences de couverture entre opérateurs et risquerait de réduire les efforts
ainsi consentis ; je pense en particulier aux efforts entrepris avec le
concours de fonds publics par la filiale de France Télécom. Monsieur le
rapporteur, je sais que nous sommes d'accord pour rejeter cette hypothèse.
Cet élément est extrêmement important, car il conditionne l'acceptation du
plan par deux des trois opérateurs. Nous souhaitons donc que le texte de la
proposition de loi précise encore plus explicitement la notion d'itinérance, en
spécifiant bien qu'il ne s'agit que d'itinérance au niveau local.
Par ailleurs, je pense qu'il est important que la concertation s'établisse
localement entre les collectivités et les opérateurs. L'implantation des
pylônes doit être décidée localement, conformément à une méthodologie approuvée
par l'ART. Les préfets de région mèneront une concertation avec les élus locaux
et avec les opérateurs pour définir la meilleure méthode de couverture.
Enfin, il est essentiel que cette proposition de loi s'inscrive dans un cadre
économique cohérent. Nous l'avons vu, nos interlocuteurs sont des entreprises
qui ont déjà réalisé de considérables investissements. Les contraintes
éventuelles qu'une loi pourrait leur imposer ne doivent pas empêcher d'assurer
la pérennité de près de 100 000 emplois, directs et indirects, offerts par ces
sociétés. Il est donc essentiel que la proposition de loi détermine précisément
les engagements des opérateurs et définisse limitativement les zones blanches
qu'ils devront couvrir.
Une couverture absolument totale du territoire ne serait possible - nous en
avons bien conscience - qu'au prix d'investissements colossaux que certaines
analyses estiment à près de un milliard d'euros, alors même que l'utilité d'un
tel objectif serait réduite. En effet, une grande partie des zones aujourd'hui
non couvertes ne sont ni habitées ni régulièrement visitées. Il nous paraît
donc indispensable de concentrer nos efforts sur les zones peuplées,
c'est-à-dire sur les zones de résidence, afin de ne pas gaspiller inutilement
les crédits publics. Les centre-bourgs et les axes prioritaires de transport
feraient partie de ces zones à couvrir.
Monsieur le rapporteur, vous pouvez le constater, le Gouvernement partage
entièrement vos préoccupations. Encore une fois, notre texte nous a permis des
avancées importantes dans l'élaboration d'un plan renforçant la couverture du
territoire.
Soyez assurés, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que
le Gouvernement, en pleine concertation avec les collectivités locales, sera
extrêmement vigilant dans l'avancée de ce dossier.
(Applaudissements sur les
travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Alain Fouché, dont je salue la première intervention.
M. Paul Girod.
Quelle journée !
Mme Marie-France Beaufils.
C'est la journée des nouveaux !
M. Alain Fouché.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les conditions
de la venue de cette discussion, qui ont été évoquées par plusieurs de nos
collègues, méritaient d'être rappelées, car elles montrent de façon manifeste
tout l'intérêt et l'attachement de la Haute Assemblée à l'égard des questions
relatives à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales.
A l'heure de l'Internet et des nouvelles technologies de l'information, à
l'heure où les abonnements à un téléphone mobile sont plus nombreux que ceux à
un téléphone fixe, les élus que nous sommes sont particulièrement soucieux de
cohérence et d'équité.
Concrètement, cela signifie que nous voulons assurer à nos citoyens un égal
accès à ces technologies, quelle que soit leur situation sur le territoire
national.
J'avais moi-même attiré l'attention du Gouvernement sur ce dossier, lors d'une
récente séance de questions d'actualité, le 3 octobre dernier. Notre territoire
est, en effet, inégalement couvert par les réseaux de téléphonie mobile, et ce
au détriment des espaces ruraux. La cartographie de la situation réelle est
d'ailleurs le premier enjeu pour savoir de quoi l'on parle et où l'on veut
aboutir.
L'estimation effectuée par le précédent gouvernement, selon laquelle 92 % du
territoire étaient couverts, s'est révélée inexacte. L'Autorité de régulation
des télécommunications a depuis lors fourni un autre chiffrage, sur la base de
mesures plus précises, d'où il ressort que seuls 80 % du territoire sont
couverts. Le département de la Vienne, dont je suis l'élu, a d'ailleurs fait
partie des vingt-cinq départements qui ont fait procéder à des mesures de
couverture selon la méthodologie de l'ART.
Le téléphone mobile revêt désormais un caractère quasiment indispensable,
s'agissant, bien entendu, de la sécurité, mais également en matière économique.
Le téléphone mobile est devenu un instrument de travail quotidien pour
certaines professions, médicales, industrielles ou artisanales, par exemple.
Des entreprises refusent fréquemment de s'installer dans des zones non
couvertes. Et je ne parle pas de la simple facilité que procure ce mode de
communication pour une population de plus en plus mobile. Nos concitoyens
souhaitent pouvoir téléphoner sur tout le territoire.
L'amélioration de la couverture nationale est donc un enjeu d'avenir - les
différenciations ne sont plus acceptables - et elle est au coeur de toute la
problématique de l'aménagement du territoire.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui tente de remédier à
cette situation de la façon la moins coûteuse possible pour la collectivité.
Ainsi, ce texte vise à assurer la couverture des zones du territoire non
desservies par les opérateurs français de téléphonie mobile en favorisant le
recours à l'itinérance locale - cette question a été largement évoquée tout à
l'heure -, c'est-à-dire à l'installation d'une seule infrastructure pylône et
d'un seul réseau permettant d'accueillir les communications des abonnés de tous
les opérateurs, tout en partageant les charges d'investissement.
Cette initiative doit incontestablement aider à combler le retard pris. En
effet, au CIADT de Limoges, en juillet 2001, le gouvernement de M. Jospin
s'était engagé de façon quelque peu hâtive à couvrir les zones blanches d'ici à
2004. Depuis, il est apparu que les progrès ne se réalisaient que très
lentement, et l'octroi des licences UMTS à deux opérateurs sur trois n'a fait
que rendre la situation plus confuse.
En outre, le montage financier du plan d'action annoncé au CIADT de Limoges
relevait d'une logique étonnante : faire largement appel à la générosité des
collectivités locales, si bien que les moins riches devaient investir dans un
service que les autres se voyaient offert gratuitement.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Absolument !
M. Alain Fouché.
Un an et demi est passé sans amélioration notable de la couverture des zones
blanches. Il est donc maintenant nécessaire d'agir pour atteindre rapidement un
maillage plus complet de notre territoire.
La présente proposition de loi, qui a été déposée dans le courant de l'été,
permet d'ouvrir le débat en proposant le recours à la technique de l'itinérance
locale sous l'égide de l'ART. Elle autorise les collectivités locales qui
souhaitent financer des infrastructures de télécommunications à exiger des
opérateurs qu'ils mettent en place cette itinérance. Elle préserve la
concurrence à l'échelon national, sur la majeure partie du territoire, tout en
permettant la réalisation des infrastructures dans les espaces les plus
difficiles d'accès à un coût moins élevé pour la collectivité.
Nous espérons ainsi contribuer à mobiliser les opérateurs, à accélérer les
arbitrages et à favoriser des décisions rapides et équitables.
Nous connaissons, madame la ministre, tout votre intérêt et celui du
Gouvernement pour ce dossier particulièrement sensible en termes d'équité et
d'aménagement indispensable du territoire.
Après avoir rapidement compris qu'une action des pouvoirs poublics était
nécessaire - vous l'avez rappelé tout à l'heure - vous avez engagé sans retard
une concertation avec les trois opérateurs pour débloquer ce dossier et, grâce
à votre détermination, vous avez obtenu un premier succès par l'accord finalisé
au début du mois d'octobre.
Les positions respectives des trois opérateurs ont ainsi considérablement
évolué et, non seulement ils acceptent l'itinérance, mais ils acceptent aussi
de la financer.
Madame la ministre, vous avez répondu à certaines questions, mais
permettez-moi de rappeler celles qui demeurent.
Il faudra d'abord établir une identification précise des zones à partir de
données réalistes, et ce en concertation avec les collectivités
territoriales.
Il faut aussi savoir quelles sont les portions de territoire retenues.
Il faudra connaître le calendrier des réalisations, car nous n'avons pas
d'indication précise à cet égard.
Il faudra, enfin, définir d'une manière très serrée la répartition des
financements entre l'Etat, les opérateurs, les collectivités publiques et les
fonds structurels européens.
Sur ces quatre points, madame la ministre, nous attendons des précisions.
Vous l'avez compris, nous ne pouvons accepter des distorsions de traitement
qui touchent nos compatriotes dans leur vie quotidienne et provoquent un
sentiment d'abandon dans une partie de notre territoire.
La présente proposition de loi a pour objet de faire prendre conscience de ce
décalage et de contribuer à corriger cette situation.
C'est pourquoi nous y apportons notre entier soutien tout en demeurant très
attentifs aux réponses que le Gouvernement apportera à nos préoccupations.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, lorsque notre
excellent collègue Bruno Sido, prenant dès son arrivée au Sénat des initiatives
hardies
(Sourires),
m'a fait l'honneur de me contacter pour savoir si
j'accepterais d'être cosignataire de sa proposition de loi, je me suis trouvé
moralement honoré, intellectuellement satisfait, et physiquement dans une
situation délicate, parce que je voulais la signer des deux mains et que ce
n'est pas commode.
(Nouveaux sourires.)
La raison en est simple.
Je ne crois pas passer, dans cet hémicycle, pour un rural geignard en ce qui
concerne la notion de ruralité. Mais il est des moments où la rédaction des
textes et l'organisation de notre pays me font penser qu'il y a quelque
hypocrisie quand on sort des espaces urbains. Cette hypocrisie, je voudrais la
caractériser par un point, qui me conduira d'ailleurs, madame le ministre, à
vous poser une question tout à l'heure ; il s'agit de la définition des zones
blanches par l'Agence de régulation des télécommunications : n'est pas une zone
blanche une zone dans laquelle l'un au moins des trois réseaux de téléphonie
mobile est accessible. Cela signifie que dès que l'on sort des zones à forte
densité urbaine, ou bien on n'est plus qu'un tiers de citoyen
(Sourires),
ou bien, de la même manière que les ruraux sont pratiquement tous obligés
d'acheter deux voitures pour pouvoir vivre, il faut acheter trois téléphones et
souscrire trois abonnements, de façon à être - j'allais dire à tout moment - à
égalité avec nos concitoyens des zones à population plus dense.
C'est la raison pour laquelle, très honnêtement, quand j'ai été contacté sur
cette affaire, je me suis dit : enfin, quelque chose bouge ! D'ailleurs, j'ai
constaté avec plaisir, madame le ministre, que les préoccupations de nos
collègues rejoignaient les vôtres et que, dans le même temps, le 24 septembre
dernier, les opérateurs ont trouvé des moyens de s'entendre, ce qu'ils
évitaient soigneusement jusqu'alors.
Par conséquent, je pense que, dès le départ, la proposition de loi de notre
collègue Bruno Sido a aidé tout le monde à revenir un peu à la raison.
Voilà quelques instants, je faisais allusion aux ruraux et à leur obligation
d'acheter deux voitures et trois téléphones. Cela signifie qu'une entreprise
qui souhaite s'établir en milieu rural se retrouve dans les mêmes conditions de
handicap, donc avec des difficultés supplémentaires pour s'implanter dans cet
endroit. Dès lors, c'est tout l'aménagement du territoire, toute la vie des
zones non urbaines d'une bonne partie de notre pays qui se trouvent
indirectement concernés.
D'ailleurs, on rencontre rigoureusement le même problème avec l'ADSL. Je me
permets d'attirer votre attention, madame le ministre, sur le fait que, dans
l'état actuel des choses, une collectivité territoriale rurale sur le
territoire de laquelle passe le faisceau optique qui véhicule l'ADSL, et qui a
sur son territoire une station France Télécom, ne peut pas participer à la mise
en place d'un des groupeurs ADSL dans la station en question au motif que
France Télécom est une entreprise commerciale. Dès lors, la zone industrielle
que cette collectivité a pu à grands frais essayer de mettre en place se
trouve, d'une certaine manière, handicapée, au même titre qu'avec le téléphone
mobile.
Il existe là un réel problème, et nous avons tous intérêt à essayer de le
résoudre.
Je suis heureux de constater que cet ensemble de questions est aujourd'hui
abordé par le biais de l'itinérance locale. Madame le ministre, nous sommes
tous unanimes à penser que cela ne peut se pratiquer que sur cet échelon
précis. Je tiens toutefois à formuler deux observations.
La première observation concerne l'amendement n° 10 présenté par le
Gouvernement, dans lequel il est fait état d'une méthodologie approuvée par
l'Autorité de régulation des télécommunications. Compte tenu de la manière dont
l'ART a abouti à la définition des zones dites « non blanches », c'est-à-dire
celles qui sont couvertes au moins par un opérateur, vous me pardonnerez d'être
prudent quant à l'acceptation éventuelle de cet amendement.
J'en viens à la seconde observation. Jusqu'à une période récente, bien des
opérateurs se préparaient, disaient-ils, à tenir des promesses quelquefois
anciennes concernant la mise en place d'antennes ou de relais sur des pylônes
préexistants. Je crains qu'avec l'adoption de cette proposition de loi et les
nécessaires délais de mise en oeuvre - vous avez en effet parlé, tout à
l'heure, des financements croisés, y compris européens - les opérateurs en
question, qui font déjà preuve d'une certaine mauvaise volonté depuis quelque
temps, n'y trouvent un prétexte supplémentaire pour continuer à différer leurs
promesses.
Il s'agit de deux restrictions relativement mineures, mais je me devais de
vous en faire part. Celles-ci ne m'empêcheront pas de soutenir la présente
proposition de loi, ainsi que l'action de la commission des affaires
économiques, dont nous savons qu'elle n'est jamais indifférente au
développement rural.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la desserte du
territoire en téléphonie mobile et, plus généralement, l'accès aux nouvelles
technologies de l'information sont un enjeu d'aménagement du territoire. Le
précédent gouvernement l'avait bien compris. C'est pourquoi, lors du comité
interministériel d'aménagement et de développement du territoire qui s'est tenu
à Limoges le 9 juillet 2001, il avait pris une série de mesures visant à donner
à tous les territoires l'accès à ce que l'on appelle désormais la société de
l'information.
Parmi toutes ces mesures, j'en évoquerai surtout une, puisqu'elle est au coeur
des débats qui nous occupent aujourd'hui, à savoir l'achèvement de la
couverture en téléphonie mobile en trois ans.
Cette décision a fait suite au rapport remis au Parlement par M. Christian
Pierret, alors secrétaire d'Etat à l'industrie, sur l'état de la couverture en
téléphonie mobile du territoire. Dans ce rapport, on trouve le constat suivant
: 91,6 % du territoire métropolitain était couvert par au moins un réseau
mobile GSM.
Je sais que les mesures prises à Limoges, le rapport de M. Pierret et même ce
pourcentage ont suscité des critiques ou des contestations - tel a été le cas
tout à l'heure encore. D'ailleurs, je vous en donne acte, monsieur le
rapporteur, s'agissant de la couverture du territoire métropolitain, on peut
sans doute plutôt compter sur un taux de couverture de 80 %.
En outre, dans 1 480 communes, le centre-bourg n'est pas couvert. On parle
actuellement de 1 650 centre-bourgs concernés. Nous verrons !
Lors du CIADT de Limoges, il a donc été décidé d'assurer la couverture en GSM
non seulement des lieux de vie dits « permanents », soient les 1 480
centre-bourgs non couverts, mais aussi des lieux de vie dits « occasionnels » -
essentiellement les sites touristiques - et des axes de transport
prioritaires.
Les modalités techniques ont été arrêtées en accord avec les trois opérateurs
de téléphonie mobile. Le système dit de l'« itinérance locale » a été retenu de
préférence à celui dit du « partage des sites », car il présente plusieurs
avantages. D'un moindre coût, il prend mieux en compte les préoccupations
environnementales en évitant la multiplication des infrastructures et, enfin,
il permet un meilleur service rendu aux abonnés, puisque ce dispositif assure
la présence effective des trois opérateurs sur la zone concernée, ce que ne
permet pas nécessairement la solution du partage des sites. Or je sais que vous
tenez à la concurrence, madame la ministre.
Enfin, un plan de financement a été établi. Le coût de l'investissement avait
été évalué, à l'époque à 210 millions d'euros. Les opérateurs avaient consenti
à financer le projet à hauteur de 61 millions d'euros ; l'Etat, pour sa part,
s'était engagé à mobiliser 76 millions d'euros et avait demandé aux
collectivités locales de faire de même.
De cette décision, je ne retiens que deux points : une volonté politique forte
d'aménagement du territoire et des engagements précis de la part de l'Etat mais
aussi des opérateurs.
Entre-temps, la situation financière des opérateurs de téléphonie mobile s'est
dégradée. A l'automne 2001, le Gouvernement a donc décidé, et à juste titre, de
revoir à la baisse le prix des licences UMTS, pour tenir compte de ces
difficultés. En contrepartie, deux opérateurs, mais pas le troisième, qui
n'avait pas à l'époque de licence UMTS, ont accepté de participer davantage au
financement de la couverture mobile et d'accélérer le processus. Leur
participation est, en conséquence, passée à 100 millions d'euros, les
opérateurs s'engageant à compléter la couverture en deux ans, et non trois. Les
pouvoirs publics - Etat et collectivités locales - voyaient, eux, leur
participation se réduire à 40 millions d'euros chacun. Cependant, les
opérateurs sont revenus sur l'un de leurs engagements, du moins sur le volet
technique, en refusant de recourir au système de l'itinérance locale,
prétextant des difficultés techniques.
Vint ensuite la période pré-électorale, ce qui n'est jamais propice -
reconnaissons-le - à l'avancement de ce genre de dossier. Mais le nouveau
gouvernement s'est saisi du dossier. J'en prends acte.
Le 24 septembre dernier, il a annoncé qu'un nouveau protocole avait été signé,
cette fois entre les trois opérateurs de téléphonie mobile - Bouygues Télécom a
désormais une licence UMTS - en vue d'achever la couverture du territoire en
GSM.
Que dit ce protocole et qu'apporte-t-il par rapport aux accords précédents
?
Tout d'abord, il est précisé que ce protocole s'applique « aux zones blanches
identifiées lors du CIADT de Limoges ». Il ne semble donc pas, madame la
ministre - vous le confirmerez - qu'il soit question de revoir cette
cartographie, même s'il est vrai que de nouvelles zones blanches ont été
identifiées, notamment sur l'initiative de l'Autorité de régulation des
télécommunications et des départements.
Pour le zonage, à quelques centaines près, il s'agit donc du
statu
quo.
Sur le plan technique, l'itinérance locale n'est plus la solution privilégiée.
Le texte fait état de « deux approches en parallèle », soit le partage des
sites, soit l'itinérance locale. L'itinérance locale ne sera, en fait, utilisée
que sur les zones blanches étendues. L'accord est donc en deçà des décisions
initialement prises à Limoges.
Sur le calendrier, il y a un certain flou, et l'on ne sait sur quoi se fonder
: sur vos engagements, madame la ministre, ou sur ceux des opérateurs.
Concernant le partage des sites, les opérateurs s'engagent simplement à assurer
la présence effective de deux opérateurs par zone au moins dans les deux ans et
de trois opérateurs « à terme » - pour reprendre l'expression exacte de leur
communiqué - sans que l'on sache quand interviendra ce terme !
S'agissant de l'itinérance locale, la mise en oeuvre du dispositif est
conditionnée à la réalisation d'une phase expérimentale dont on ne connaît pas
la durée. A cela, il faut ajouter le temps nécessaire à l'établissement de la
nouvelle cartographie définissant les zones respectivement couvertes soit par
l'itinérance, soit par la mutualisation des infrastructures.
Enfin, sur le plan financier, là aussi, nous sommes un peu dans le vague.
Notre collègue M. Pierre Hérisson, dans son rapport d'information de février
dernier sur le bilan de la loi de la réglementation des télécommunications,
avait critiqué le volet financier du CIADT de Limoges qu'il commentait en ces
termes : « C'est un système de péréquation inversée - une logique de cumul des
handicaps et des charges (...) ; ceci se révèle contraire aux principes
d'aménagement du territoire. » Ses mots ont dû dépasser sa pensée, notamment au
regard de ce qui nous est proposé aujourd'hui. On nous dit, en effet, que des
crédits seraient mobilisés sur les moyens d'intervention de la DATAR, mais le «
bleu » budgétaire n'y fait nullement référence et les crédits de paiement pour
2003 au titre du budget de l'aménagement du territoire diminuent.
On nous dit encore, et vous venez de le confirmer, que l'on mobilisera des
crédits du FEDER, mais tous les territoires qui ne sont pas couverts par un
réseau GSM ne sont pas obligatoirement éligibles. La clé de répartition arrêtée
à Limoges est-elle maintenue ? Quelle sera la participation exacte de l'Etat ?
Quelle sera celle des collectivités locales ? Nous aimerions que, sur ces
points très importants, le Gouvernement nous réponde avec précision.
On ne peut accepter de faire reposer le financement de la couverture des zones
les moins rentables sur les collectivités les moins riches. Or,
malheureusement, c'est ce vers quoi on s'achemine, si l'Etat n'assume pas ses
engagements.
Les limites que je viens d'évoquer sont celles aussi de la propositon de
loi.
Ce texte consacre, en fait, le rôle des collectivités locales pour assurer la
couverture mobile des zones blanches. Je ne suis pas sûr que cela soit une
bonne chose de la façon dont ce rôle est défini.
Certes, les collectivités locales veulent intervenir dans le secteur des
télécommunications et des nouvelles technologies. Elles sont demandeuses, car
elles savent que ces technologies sont un enjeu d'aménénagement du territoire.
Elles savent aussi que, pour attirer des entreprises ou des touristes, il faut,
certes, des infrastructures traditionnelles comme des routes, des dessertes
ferroviaires ou aériennes, mais qu'il leur faut aussi donner les moyens
d'accéder à ces nouvelles infrastructures de communication que sont les réseaux
à haut débit ainsi que les réseaux de téléphonie mobile.
A ce propos, j'aurais préféré que l'intitulé de la proposition de loi fasse
référence à la couverture de téléphonie mobile, sans préciser « de deuxième
génération ». J'étais d'ailleurs, sur ce point, d'accord avec notre collègue M.
Revol.
Les initiatives des collectivités locales ne manquent donc pas, d'autant que
le régime juridique encadrant l'intervention des collectivités locales en
matière d'infrastructures a été simplifié par la loi du 17 juillet 2001, même
s'il est vrai que nous attendons toujours le décret d'application. Sur ce
point, je souhaiterais que Mme la ministre nous indique quand la publication
est prévue.
Loin de moi l'idée d'empêcher les collectivités locales qui souhaitent
investir dans ce domaine de le faire. Mais, simplement, je constate que toutes
ne peuvent pas et ne pourront pas le faire. Or, sur ce problème de fond, la
proposition de loi n'apporte aucune réponse satisfaisante. Elle met simplement
en oeuvre le principe : « A chacun selon ses moyens. » Visiblement, les
critiques formulées lors de la présentation du rapport d'information sur le
bilan de la loi de règlementation des télécommunications ne sont plus de mise
ou d'actualité.
D'autres points, dans cette proposition de loi, ne me semblent pas
satisfaisants. J'en évoquerai cinq.
L'article 3 pose le principe suivant : dès lors qu'une collectivité finance la
couverture mobile, la technique utilisée est celle de l'itinérance locale. Je
souscris à ce principe. Néanmoins, cet article prévoit immédiatement après une
dérogation : dès lors que les trois opérateurs se sont mis d'accord, la
technique du partage des sites peut être utilisée, sans, visiblement, que les
collectivités concernées aient leur mot à dire.
Le calendrier retenu n'est guère précis : la date butoir du 1er juillet 2004,
prévue par la proposition de loi initiale, a disparu.
L'établissement d'une nouvelle cartographie des zones à couvrir est requise.
Cette proposition est intéressante. Cependant, quelle sera
in fine
sa
portée pratique, dès lors que nous ne savons pas comment sera financée la
couverture des zones nouvellement retenues ?
Un rôle très important est confié à l'Autorité de régulation des
télécommunications. Ce faisant, je crains que les règles du droit à la
concurrence ne prévalent sur les impératifs d'aménagement du territoire.
Enfin, je note que la solution retenue peut aboutir à la mise en place d'un
service de moindre qualité pour ces zones, ce qui est contraire au principe
d'égalité et présage mal d'une éventuelle inscription de la téléphonie mobile
dans le service universel.
En fin de compte, cette proposition de loi montre les limites de la dynamique
concurrentielle, dès lors qu'une préoccupation d'intérêt général est en jeu. Si
une telle préoccupation a bien été le moteur essentiel du développement de la
téléphonie mobile sur notre territoire, force est de constater que,
aujourd'hui, les seules forces du marché ne suffisent plus ni pour permettre à
tous, en tout point du territoire, l'accès à ces services de télécommunication,
ni même simplement pour améliorer la desserte en GSM.
Il faut donc constater la carence du marché dans ce domaine, dès lors que la
rentabilité et les profits ne sont plus au rendez-vous, du moins dans
l'immédiat. La proposition de loi en tire partiellement les conséquences en
substituant l'initiative publique à l'initiative privée, qui fait défaut. Mais
cette initiative publique, celle des collectivités locales, n'est pas la
panacée : comme je l'ai déjà dit, toutes les collectivités locales n'ont pas
les mêmes moyens. Elle est d'autant moins la panacée que l'Etat ne fixe pas
entièrement ses engagements.
Je crois qu'il aurait été préférable que le législateur porte de nouvelles
ambitions pour le service public des télécommunications. C'était d'ailleurs le
sens des conclusions de notre collègue M. Pierre Hérisson dans le rapport que
j'ai déjà cité. Le téléphone mobile a tout désormais d'un service universel.
Comme le souligne M. le rapporteur dans une formule un peu ramassée, « le
téléphone mobile est devenu un outil plus important que le téléphone fixe dans
la vie des Français ». L'intégrer dans le service universel, c'est d'abord
garantir son universalité et donc une couverture étendue, c'est aussi s'assurer
d'un financement mutualisé et c'est, enfin, la possibilité d'imposer un service
de qualité à prix abordable.
Avec une telle reconnaissance du rôle des collectivités locales dans le
domaine du GSM, le combat auprès de nos partenaires européens pour faire
évoluer la notion de service universel, par lequel vous nous avez déclaré,
madame la ministre, vous battre, risque, je le crains, d'être plus difficile à
mener.
Un nouveau rendez-vous européen est prévu en mars 2004 pour redéfinir le
service universel. A cette date, si l'on s'en tient au calendrier de la
proposition de loi, l'extension de la desserte du territoire en téléphonie
mobile sera loin d'être achevée. Le Gouvernement devra alors prendre des
positions fermes pour inclure la téléphonie mobile dans le service
universel.
Lors de l'examen de la directive relative au service universel des
télécommunications, le gouvernement de Lionel Jospin s'est battu pour que
soient intégrés dans la définition de ce service la couverture mobile ainsi que
l'Internet à haut débit. Il n'a certes pas obtenu gain de cause. Néanmoins, il
n'a pas été isolé dans sa démarche : l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, la
Grèce et l'Irlande ont rejoint les positions françaises. Il faudra donc être
présent au rendez-vous de mars 2004.
M. le rapporteur nous a indiqué que cette proposition de loi n'avait pas
vocation à être définitivement adoptée. Elle a simplement pour objet de faire
pression sur les opérateurs et de leur mettre une épée dans les reins afin
d'accélérer la couverture du territoire en téléphonie mobile. J'ajouterai qu'il
faut aussi faire pression sur le Gouvernement pour qu'il soutienne plus qu'il
ne l'a fait jusqu'à maintenant les collectivités locales dans cet effort.
Nous appouvons cette démarche. Cependant, nous ne souhaitons pas que cette
proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, puisse avoir force de loi. Nous
en avons, en effet, montré les limites, et aussi les dangers.
A l'heure où nous nous apprêtons à discuter d'une importante révision de la
Constitution portant sur la décentralisation, l'exemple de la téléphonie mobile
doit nous amener à une certaine prudence si l'égalité des territoires, mes
chers collègues, principe qui est au coeur de la politique d'aménagement du
territoire, a un sens à nos yeux.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.
- M. Hilaire Flandre applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'accès aux
nouvelles technologies de communication constitue aujourd'hui un levier
essentiel en matière de développement économique et social. L'absence de
couverture de nombreuses communes - environ 1 500 dans l'hypothèse la plus
optimiste, mais qui est loin de refléter la situation actuelle - constitue donc
un facteur particulièrement handicapant pour l'avenir de certains espaces de
notre territoire. Le risque d'une fracture territoriale, avec la formation de
poches d'exclusion, de zones économiquement retardées est bien réel !
Nous ne pouvons pas rester indifférents à ce risque qui compromet à terme
l'équilibre de notre territoire en favorisant les inégalités et les
exclusions.
Nous le pouvons d'autant moins que le secteur des télécommunications traverse
actuellement une crise dont l'ampleur est des plus préoccupantes. Aucun segment
de la filière ne semble épargné. Sur le plan tant national qu'européen, les
suppressions massives d'emplois se multiplient aussi bien chez les
équipementiers que chez les opérateurs, suppressions d'emplois révélatrices de
l'entrée, après la débâcle financière, dans une phase profonde de
dépression.
Dans ce contexte particulièrement perturbé, nous devons réagir, trouver
rapidement des solutions afin de rendre accessibles, sur l'ensemble du
territoire et à des tarifs abordables et équitables, ces nouvelles technologies
de communication au premier rang desquelles figure la téléphonie mobile.
Ce serait là répondre aux besoins et aux aspirations de nos concitoyens,
contribuer aussi à leur émancipation en soumettant ce bien particulier qu'est
la communication aux obligations fondamentales de service public dans le
respect même de ses principes fondateurs, en l'occurrence celui de
l'adaptabilité aux nouveaux besoins.
Ce serait là - mais il y a loin de la coupe aux lèvres - reconnaître que la
communication n'est pas une marchandise et qu'
a fortiori
le droit et
l'égalité de tous à la communication doivent être garantis.
Hélas ! tout nous porte à croire aujourd'hui que nous reculons sur les
principes essentiels, que le réel volontarisme politique fait défaut dans un
domaine qui constitue, à n'en pas douter, l'un des enjeux majeurs de notre
société.
Certains membres de la commission des affaires économiques ont pris
l'initiative de demander l'inscription à l'ordre du jour de ce texte qui
exprime le souci de remédier à l'insuffisante couverture territoriale en
téléphonie mobile. Au vu de son contenu et de certaines de ses orientations,
nous demeurons des plus perplexes quant à l'opportunité d'une telle loi et des
plus dubitatifs quant à son efficacité.
Selon les propres termes de notre collègue M. Sido, rapporteur de ce texte,
cette proposition de loi vise à donner une impulsion aux engagements pris lors
du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 9
juillet 2001 en réhabilitant l'itinérance locale. Ce comité interministériel
avait prévu, dans un délai de trois ans, l'extension de la couverture en
téléphonie mobile de deuxième génération à des zones considérées comme
prioritaires, des zones blanches définies comme « l'ensemble des lieux de vie
permanents et occasionnels - sites touristiques - et des axes de transport
prioritaires. »
Je tiens, monsieur le rapporteur, à attirer votre attention sur le caractère
particulièrement limité de l'extension de la couverture au vu de la définition
très restrictive des zones prioritaires. Par ailleurs, le dispositif financier
fait immédiatement ressortir la faiblesse des contributions de chacun des
opérateurs - environ 10 % - comparées aux financements publics. Nous savons
que, pour ces collectivités locales, ces charges financières sont d'autant plus
élevées qu'elles ont un potentiel fiscal faible.
Vous prenez note, monsieur le rapporteur, du recul des opérateurs sur leurs
engagements financiers pris à la suite du comité interministériel de juillet
2001. Les nouvelles conditions d'attribution des licences UMTS laissent aux
opérateurs des marges financières importantes. J'observe, quant à moi, les
limites de la privatisation, et j'ai cru comprendre que notre collègue Paul
Girod les constatait également tout à l'heure Une fois de plus, on fait appel
au financement public pour suppléer la défaillance du secteur privé lorsqu'il
s'agit de répondre à des exigences en matière de service public. Ne nous
voilons pas la face : la sollicitation des fonds publics devait permettre
d'assurer un minimum de rentabilité aux projets d'investissement
d'infrastructures et de réseaux. Au vu des bénéfices engrangés dans ce secteur
ces dernières années, c'est une augmentation de la participation financière des
opérateurs que nous aurions dû exiger au titre du service public !
Au lieu de cela, les profits ont servi à alimenter la spéculation financière
au détriment d'investissements à plus long terme fondés sur un véritable projet
industriel favorisant les synergies entre opérateurs et équipementiers.
Nous héritons aujourd'hui des conséquences économiques et sociales de
l'éclatement - somme toute prévisible - de la bulle financière. Quel gâchis
!
De plus, tous les opérateurs repoussent leur projet d'investissement en
téléphonie mobile de troisième génération. Ainsi, l'Espagnol Telefonica et le
Finlandais Sonera ont finalement abandonné leur licence norvégienne et
allemande. Orange retarde son programme d'équipement troisième génération en
Suède. En Europe et en France même, la plupart des investisseurs GSM font
preuve d'attentisme. Dans le même temps, après la course au gigantisme,
certains d'entre eux - c'est le cas de Bouygues et de Telecom Italia - semblent
opérer un repli sur leur base nationale.
Les opérateurs historiques croulent aujourd'hui sous le poids de dettes
colossales, résultat de stratégies de développement vers l'international
fondées, dans un contexte d'euphorie boursière, sur l'acquisition au prix fort
de multiples actifs. Ce type de stratégies, axées sur la recherche de la
rentabilité à court terme, montre, à travers le coût social énorme qu'il induit
pour l'ensemble de la collectivité, toutes ses limites.
Nous ne considérons pas pour autant que le développement vers l'international
soit condamnable en soi. Mais il l'est incontestablement lorsque, en l'absence
de véritable projet industriel, il laisse primer la logique de rentabilité à
court terme et place nos industries sous la coupe des marchés financiers et des
actionnaires.
Les propos d'un grand économiste, fin observateur et connaisseur des
mécanismes des marchés financiers, nous mettaient en garde, il y a déjà bien
longtemps, contre les emballements spéculatifs que peut générer, si l'on n'y
veille, leur propre fonctionnement : « Les spéculateurs peuvent être aussi
inoffensifs que les bulles d'air dans un courant régulier d'entreprises. Mais
la situation devient sérieuse lorsque l'entreprise n'est plus qu'une bulle
d'air dans le tourbillon spéculatif. Lorsque, dans un pays, le développement du
capital devient le sous-produit de l'activité d'un casino, il risque de
s'accomplir dans des conditions défectueuses. »
Notre secteur des télécommunications doit être dégagé des contraintes
qu'exerce sur lui la finance. La dette de plus de 70 milliards d'euros de
France Télécom, sa charge et son échéance auraient dues être renégociées avec
ceux des créanciers qui ont avalisé la stratégie de l'entreprise et qui doivent
donc aussi assumer leur part de responsabilité !
C'est en profondeur qu'il nous faut aujourd'hui revoir le fonctionnement de
notre système bancaire et financier afin d'éviter qu'après la phase
d'assainissement boursier que nous vivons, une nouvelle euphorie boursière ne
se déclenche autour des valeurs des nouvelles technologies.
Et n'hésitons pas à le dire, une loi de type Sarbanes-Oxley, pour importante
et nécessaire qu'elle soit, ne suffira pas à réorienter les moyens de
financement dont a besoin ce secteur vers un développement à long terme
privilégiant l'emploi et la formation, ainsi que la péréquation tarifaire et
géographique.
Loin de laisser à l'initiative privée le soin de multiplier les réseaux, ce
qui, sur le plan économique, est loin d'être efficace, nous devons intervenir
pour favoriser la mutualisation des infrastructures et des réseaux sur
l'ensemble du territoire. Cette mise en commun des investissements,
financièrement moins coûteuse, permettrait en outre de réduire le nombre des
pylônes et des relais, dans un souci de préservation de l'environnement et de
réduction des méfaits probables sur la santé des citoyens.
En ce sens, la contribution de fonds publics aux zones prioritaires, outre
qu'elle renvoie à une conception pour le moins étroite des obligations de
service public, doit être subordonnée à une réflexion sur les choix opérés par
les opérateurs et équipementiers. C'est à un véritable bilan du mouvement
européen de libéralisation que nous devrions nous livrer.
Si nos collègues qui ont pris l'initiative de cette proposition de loi
reconnaissent l'actuelle défaillance des opérateurs privés, ils ne parviennent
toujours pas, manifestement, à prendre conscience des méfaits du libéralisme et
de la gravité de la crise actuelle du secteur des télécommunications !
Pourtant, des incertitudes demeurent quant à la participation du troisième
opérateur ; son retrait occasionnerait l'exclusion du bénéfice de l'extension
concernant 20 % du parc d'abonnés. Qu'en sera-t-il de SFR dans le cas probable
où il serait englouti par Vodafone ?
Le CIADT de juillet 2001 liait les opérateurs à des engagements financiers
concrets. Qui nous dit que, demain, les opérateurs ne feront pas pression sur
les collectivités locales pour qu'elles accroissent leur contribution ?
Nous ne pouvons accepter que les collectivités locales les plus pauvres
prennent à leur charge financièrement de telles missions. C'est à l'Etat qu'il
revient, à travers une politique soucieuse de notre service public, de
contraindre les opérateurs privés à réorienter une partie de leurs bénéfices au
profit des obligations de service public.
Dans votre proposition de loi, chers collègues, vous laissez une part belle à
l'Autorité de régulation des télécommunications. Nous pouvons comprendre
l'intérêt d'utiliser une structure existante mais, étant donné son caractère
aussi peu démocratique, nous pensons inutile de lui faire jouer un rôle plus
important.
Nous reconnaissons l'urgente nécessité d'équiper les zones prioritaires mais,
en même temps, le Gouvernement a les moyens, à partir des obligations inscrites
dans le cahier des charges des opérateurs, d'imposer la mise en oeuvre de
l'itinérance locale : M. le rapporteur lui-même en convient. Vous le disiez
sous le gouvernement précédent, le recours à la loi n'est pas toujours la
solution.
Nous nous heurtons à la volonté des opérateurs d'investir dans les secteurs
géographiques moins rentables. Le prochain CIADT de mi-décembre ne serait-il
pas l'outil efficace pour que le Gouvernement résolve ce problème d'égalité de
traitement des citoyens, quels que soient les lieux où ils vivent ?
Nous estimons, quant à nous, qu'un pôle public est l'unique garant d'une
couverture de la totalité du territoire national. Qu'il soit rural ou urbain,
il est le seul à assurer l'égalité des citoyens face à l'accès aux nouveaux
outils de communication.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
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