SEANCE DU 30 OCTOBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Candidatures à des organismes extraparlementaires
(p.
1
).
3.
Rappel au règlement
(p.
2
).
Mme Hélène Luc, MM. le président, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre
de la justice.
4.
Organisation décentralisée de la République.
- Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle (p.
3
).
Motions d'ordre (p. 4 )
MM. René Garrec, président de la commission des lois ; le président.
Suite de la discussion (p. 5 )
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
Question préalable (p. 6 )
Motion n° 39 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Fourcade, René Garrec, président de la commission des lois, rapporteur ; Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Guy Fischer, Gérard Delfau. - Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission (p. 7 )
Motion n° 215 de M. Robert Bret. - MM. Robert Bret, le rapporteur. - Rejet par
scrutin public.
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
Article 1er (p.
8
)
MM. Yves Détraigne, Mme Hélène Luc, MM. Jean-Claude Peyronnet, Jean-Louis
Masson, Jean-Guy Branger, Pierre Mauroy, le garde des sceaux.
Amendements identiques n°s 124 de M. Jean-Claude Peyronnet et 167 rectifié de
Mme Nicole Borvo ; amendement n° 1 de la commission et sous-amendement n° 87 de
M. Michel Charasse ; amendements n°s 86 de M. Michel Charasse et 205 de M.
Gérard Delfau. - M. Jean-Pierre Sueur, Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur,
Michel Charasse, Gérard Delfau. - Retrait de l'amendement n° 1 ; reprise de
l'amendement n° 1 rectifié par M. Michel Charasse, le sous-amendement n° 87
devenant sans objet ; retrait de l'amendement n° 205.
M. Claude Estier.
Suspension et reprise de la séance (p. 9 )
MM. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois ; le rapporteur,
le ministre délégué, Mme Hélène Luc, MM. Michel Charasse, Jean-Pierre Sueur,
Mmes Marie-Christine Blandin, Nicole Borvo, MM. Roger Karoutchi, Mme Hélène
Luc, MM. Laurent Béteille, Gérard Delfau, Pierre Mauroy, Jean-Claude Peyronnet,
le garde des sceaux. - Rejet d'une demande de priorité ; rejet, par scrutin
public, des amendements n°s 124 et 167 rectifié ; rejet de l'amendement n° 1
rectifié, l'amendement n° 86 devenant sans objet.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
Articles additionnels après l'article 1er (p. 10 )
Amendement n° 168 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur,
le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux,
Michel Charasse, le vice-président de la commission. - Retrait.
5.
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
(p.
11
).
Suspension et reprise de la séance (p. 12 )
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
6. Organisation décentralisée de la République. - Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle (p. 13 ).
Articles additionnels après l'article 1er (suite) (p. 14 )
Amendement n° 40 rectifié de M. Jean-Louis Masson. - MM. Jean-Louis Masson,
René Garrec, président de la commission des lois, rapporteur ; Patrick
Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. - Retrait.
Amendement n° 169 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur,
le ministre délégué. - Rejet.
Article additionnel après l'article 1er
ou avant l'article 2 (p.
15
)
Amendements n°s 170 de Mme Nicole Borvo, 3 de la commission et 48 rectifié ter de M. Christian Cointat. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, Christian Cointat, le ministre délégué, Michel Charasse, Guy Penne, Robert Del Picchia, Michel Guerry, Hubert Durand-Chastel. - Rejet de l'amendement n° 170 ; adoption de l'amendement n° 3 ; retrait de l'amendement n° 48 rectifié ter.
Articles additionnels avant l'article 2 (p. 16 )
Amendement n° 171 de Mme Nicole Borvo. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur,
le ministre délégué, Michel Charasse. - Rejet.
Amendement n° 172 de Mme Nicole Borvo. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur,
le ministre délégué, Mme Nicole Borvo. - Rejet.
Article 2 (p. 17 )
Mme Josiane Mathon, M. Yves Dauge.
Amendements identiques n°s 125 de M. Jean-Claude Peyronnet et 173 de Mme Nicole
Borvo ; amendement n° 4 de la commission et sous-amendement n° 216 de M.
Jean-Claude Peyronnet ; amendements n°s 88 de M. Michel Charasse, 126, 127 de
M. Jean-Claude Peyronnet et 234 du Gouvernement. - M. Jean-Claude Peyronnet,
Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, Michel Charasse, Jean-Pierre Sueur,
Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Marie-France
Beaufils, MM. Gérard Delfau, Jean-Jacques Hyest, Bernard Frimat, Jean-Pierre
Sueur. - Retrait de l'amendement n° 4, le sous-amendement n° 216 devenant sans
objet ; rejet des amendements n°s 125, 173, 88 et 126 ; adoption de
l'amendement n° 234, l'amendement n° 127 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 (p. 18 )
Amendements identiques n°s 128 de M. Jean-Claude Peyronnet et 174 de Mme Nicole
Borvo ; amendements n°s 89 rectifié de M. Michel Charasse, 5 de la commission
et 50 de M. Christian Cointat. - M. Jean-Claude Peyronnet, Mme Nicole Borvo,
MM. Michel Charasse, le rapporteur, Christian Cointat, le ministre délégué,
Jean-Pierre Fourcade, Pierre Mauroy. - Rejet, par scrutin public, des
amendements n°s 128 et 174 ; rejet de l'amendement n° 89 rectifié ; adoption
des amendements n°s 5 et 50.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 3 (p. 19 )
Amendement n° 176 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur,
le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 177 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur,
le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 175 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur,
le garde des sceaux, Michel Charasse, Paul Girod. - Rejet.
Article 4 (p. 20 )
Mme Josiane Mathon, MM. Paul Girod, Nicolas Alfonsi, Yves Dauge, François Marc,
Mme Hélène Luc.
Renvoi de la suite de la discussion.
7.
Dépôt de propositions de loi
(p.
21
).
8.
Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
22
).
9.
Dépôt d'un rapport
(p.
23
).
10.
Ordre du jour
(p.
24
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)1
PROCE`S-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES A` DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Mes chers collègues, je vous rappelle que M. le Premier ministre a demandé au
Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger
au sein de deux organismes extraparlementaires.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose les
candidatures :
- de M. Daniel Eckenspieller pour siéger en tant que membre titulaire et de
Mme Annie David pour siéger en tant que membre suppléant au sein de
l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et
d'enseignement supérieur ;
- de M. Jean-Léonce Dupont, pour siéger en tant que membre titulaire au
Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à
l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai
d'une heure.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à sièger au sein du
Conseil national des transports.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires
économiques à présenter ces candidatures.
Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu
ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
3
RAPPEL AU RE`GLEMENT
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour un rappel au règlement.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, l'objet de mon rappel au règlement est d'attirer
l'attention du Gouvernement sur la situation d'Air Lib, anciennement AOM-Air
Liberté.
MM. Gérard Braun et Alain Gournac.
Ce n'est pas un rappel au règlement !
Mme Hélène Luc.
En août 2001, la compagnie Swissair avait accumulé une dette de 6 milliards de
francs de déficit et licencié 1 500 salariés. C'est le bilan désastreux de M.
Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF.
Les salariés ont dû se battre pour percevoir le minimum que le tribunal avait
fixé, à savoir 1,4 milliard de francs. Aujourd'hui, il reste encore 460
millions de francs à payer à Air Lib.
Après le coup dur du 11 septembre, l'aviation civile a été très éprouvée. Mais
les cadres et les salariés ont réalisé une prouesse, avec l'aide, notamment, du
ministre des transports de l'époque, M. Jean-Claude Gayssot,...
M. Gérard Braun.
Bien sûr !
Mme Hélène Luc.
... et du P-DG d'Air France, M. Spinetta.
Le Gouvernement avait accordé un prêt de 30 millions d'euros, mais cela n'a
pas permis d'assainir complètement la situation.
Aujourd'hui, la situation commence à se redresser : les vols ont repris vers
l'Algérie et vers Toulouse avec Air Lib Express. Toutefois, quelques
difficultés subsistent encore avec les vols longs courriers et les
autorisations à obtenir pour voler vers l'Afrique
M. Laurent Bétille.
Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. Alain Gournac.
C'est une déclaration !
Mme Hélène Luc.
Bien sûr, Air Lib n'a pu honorer toutes ses échéances, mais elle a fait
beaucoup mieux que Swissair.
M. de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer, et M. Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à
la mer, ont reçu hier le P-DG d'Air Lib, M. Corbet, et lui ont promis de le
soutenir. Ce soutien doit se poursuive d'une manière beaucoup plus tenace et
efficace. En effet, 3 500 emplois sont en jeu et l'urgence de la situation
appelle la prise de décisions rapides - dans les dix, quinze jours qui viennent
- pour éviter que le problème soit réglé dans le plus mauvais sens.
Il faut d'abord que le Gouvernement exige de la Commission européenne que Mme
de Palacio transforme le prêt de 30 millions d'euros accordé par le fonds de
développement économique et social en prêt de restructuration à Air Lib,
jusqu'au premier semestre 2003, afin que la compagnie retrouve un équilibre
financier.
Le Gouvernement n'a pas démenti un curieux communiqué de l'AFP qui laisse
entendre que le trafic express le moins cher devrait être confié à Easy Jet. Le
Gouvernement prendrait-t-il parti pour la compagnie anglaise contre la
compagnie française ? J'ai vraiment du mal à le croire ! Monsieur le ministre,
la question mérite d'être posée.
Avec mes amies Odette Terrade et Marie-France Beaufils, nous allons nous
adresser au Premier ministre afin qu'il plaide ce dossier auprès de la
Commission européenne avec la même ardeur que celle qu'il déploie pour d'autres
dossiers, au lieu de prôner des licenciements. C'est une question de volonté
politique en faveur de l'emploi.
Pour notre part, nous continuerons à soutenir les salariés, comme nous l'avons
toujours fait !
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme le sénateur a eu raison de
le rappeler, ce dossier n'est pas nouveau. Il a notamment donné lieu, en
juillet 2001, à un jugement du tribunal de commerce. Il a également fait
l'objet de plusieurs examens et décisions de la part des pouvoirs publics.
Les souhaits exprimés par Mme le sénateur m'inspirent deux observations.
La première concerne les relations avec la Commission européenne.
L'attribution des aides publiques n'est pas une question de bonne ou de
mauvaise volonté ! Selon mon collègue chargé des transports, la Commission
européenne serait très réservée sur une augmentation des aides publiques.
De plus - c'est ma seconde observation -, il faut qu'un dossier soit plaidable
pour être plaidé, madame ! Or mon collègue m'a fait savoir que celui qui lui a
été remis par le président de la société est insuffisamment étayé pour que le
Gouvernement prenne position et engage une négociation. C'est d'ailleurs ce qui
a été indiqué aux responsables de l'entreprise.
Mme Hélène Luc.
Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, mais le Crédit lyonnais a
coûté beaucoup plus cher qu'Air Lib.
M. le président.
Je vous donne acte de votre rappel au règlement, madame Luc.
4
ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE
Suite de la discussion
d'un projet de loi constitutionnelle
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi
constitutionnelle (n° 24 rectifié, 2002-2003) relatif à l'organisation
décentralisée de la République. [Rapport n° 27 (2002-2003).]
Motions d'ordre
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, il se pose à nous un vrai problème de répartition du travail dans le
temps. En effet, certains de nos collègues m'ont fait remarquer, comme à vous,
qu'il serait difficile de travailler demain.
Certes, la commission est à la disposition du Sénat - elle est prête à
travailler demain, le matin, l'après-midi et même le soir s'il le faut -, mais
je crains que ce ne soit pas possible, d'autant que nos collègues souhaitent
que nous arrêtions nos travaux demain à treize heures pour les reprendre mardi,
quitte à travailler, si besoin est, mardi dans la nuit.
Ce serait, monsieur le président, la position qui conviendrait le mieux à
l'ensemble de nos collègues, si j'en juge par ce qui m'a été dit.
M. le président.
Il s'agit d'une position de sagesse. Il n'est pas souhaitable, en effet, que
nous délibérions demain dans un hémicycle trop clairsemé. C'est la raison pour
laquelle je propose que nous arrêtions nos travaux demain à treize heures et
que nous reprenions la discussion du présent projet de loi constitutionnelle
mardi à seize heures pour en terminer le soir, éventuellement dans la nuit de
mardi à mercredi.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Par ailleurs, avant de donner la parole à M. Dominique Perben, garde des
sceaux, ministre de la justice, je voudrais soumettre au Sénat une mesure
d'ordre concernant l'article 4, sur la libre administration des collectivités
locales, et l'article 6, relatif à l'autonomie financière des collectivités
locales.
Ont été déposés soixante-six amendements sur l'article 4 et cinquante-trois
sur l'article 6.
A la demande de la commission des lois et dans le souci d'assurer la clarté de
nos débats sans altérer le droit de parole de chacun d'entre nous, il
m'apparaît plus raisonnable d'appeler d'abord les amendements portant sur
l'ensemble de l'article puis d'examiner les autres amendements, selon le cas,
séparément ou dans le cadre des discussions communes qui s'y rapportent.
Je vais consulter le Sénat sur cette façon de faire, qui contribuera - tout au
moins ai-je la faiblesse de le penser - à une meilleure lisibilité de notre
débat sur un sujet aussi important que ce projet de loi constitutionnelle, en
particulier pour l'article 6, qui concerne l'autonomie financière des
collectivités territoriales.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, après le déjeuner, on a toujours l'esprit un peu lent
(Rires et exclamations sur diverses travées),
en tout cas en ce qui me
concerne. Cette mesure d'ordre signifie-t-elle que la commission des lois nous
propose la priorité sur ces articles ou bien s'agit-il simplement d'une
procédure, l'examen des articles intervenant au moment où ils viendront en
discussion ?
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
C'est
une procédure !
M. Michel Charasse.
Il n'y a donc pas de priorité ?
M. le président.
Monsieur Charasse, il s'agit simplement ici de clarifier le débat, il n'est
pas question de priorité.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Suite de la discussion
M. le président.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier celles et ceux
qui sont intervenus hier et qui, au travers de leurs propos, même lorsqu'ils
étaient parfois critiques ou interrogatifs, ont montré l'importance du présent
projet de loi et ont ainsi conforté le Gouvernement dans le sentiment qu'il
avait choisi la bonne direction.
Trois idées sont clairement ressorties des propos qui ont été tenus :
premièrement, nécessité de modifier la Constitution ; deuxièmement, procéder à
cette modification, d'abord en affirmant le principe de la décentralisation,
puis en le modulant ; troisièmement, mener de concert la décentralisation et la
réforme de l'Etat.
S'agissant de la modification de la Constitution, il est apparu à l'immense
majorité des intervenants qu'il était nécessaire de revoir le cadre juridique.
C'est également notre sentiment et c'est le propos de ce premier projet de loi
constitutionnelle qui sera, chacun l'a bien compris, suivi d'un certain nombre
d'autres textes : lois organiques, lois simples. Je le précise d'emblée dans la
mesure où, hier, après avoir écouté attentivement ce qui a été dit, j'ai eu
parfois le sentiment que l'on anticipait sur les débats du printemps 2003 :
souvent - et ce n'est pas du tout un reproche, bien entendu, car il faut être
concret - ont été évoquées des questions qui seront abordées lors de l'examen
des lois organiques et des lois simples qui seront présentées au Parlement par
le ministre de l'intérieur et le ministre délégué aux libertés locales une fois
que la réforme constitutionnelle aura été réalisée.
Pour bien montrer la nécessité de modifier la Constitution, MM. Carle et de
Rohan ont expliqué à quel point le mouvement de décentralisation engagé il y a
vingt ans s'était essouflé au fil du temps.
MM. Girod et Dupont ont souligné, en particulier, l'inadéquation des textes
votés, qui ont apporté une certaine confusion et beaucoup de rigidité aux
réalités locales. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain,
la loi SRU a été citée, mais elle n'a pas été la seule. Un effort de
toilettage, de modernisation et d'assouplissement s'impose dans les prochains
mois ; le Gouvernement s'y est engagé.
M. Arthuis a démontré à quel point la fiscalité locale, complexe et en partie
injuste, ne répond plus aux enjeux de l'avenir. Il a également évoqué les
charges importantes transférées jusqu'à présent par l'Etat aux collectivités
territoriales.
M. Karoutchi a rappelé sur ce point la responsabilité du précédent
gouvernement. Je ne peux que le souligner et partager avec lui la conviction
qu'un certain nombre d'erreurs ont, en effet, été commises, notamment dans la
période la plus récente. Celles-ci ont aujourd'hui pour conséquence - même ces
semaines-ci - de mettre en difficulté l'idée même de décentralisation au
travers de l'aggravation de la fiscalité locale qui en résulte et qui est
aujourd'hui portée à la connaissance de nos concitoyens par leurs avis
d'imposition.
M. Hoeffel a souligné combien les règles de fonctionnement de la fonction
publique territoriale ont montré leurs limites. Je crois qu'il a raison. C'est
un sujet complexe, qui nécessitera de nombreux efforts de modernisation et de
simplification. Il n'était pas inutile de le rappeler, car rien n'est possible
sans des hommes de qualité. Ce sera certainement un point clef pour la réussite
de la nouvelle étape de décentralisation, et il faudra le prendre en compte.
S'agissant toujours de la nécessité de la réforme constitutionnelle, je crois
très sincèrement - et je tiens à le redire aujourd'hui - qu'il faut dépasser la
logique des transferts de compétences qui a prévalu ces vingt dernières années.
J'ai bien entendu les différents orateurs, en particuliers ceux qui siègent
dans la partie gauche de l'hémicycle, souligner le caractère « simple » de la
décentralisation première manière, c'est-à-dire la décentralisation sous forme
de transferts de compétences. Mais la question qui se pose aujourd'hui est
d'une autre nature.
Tout d'abord, nous voulons ouvrir, par la réforme constitutionnelle, le champ
des possibles. Ensuite - j'y reviendrai dans un instant -, nous souhaitons
faire en sorte que le foisonnement des initiatives et la capacité d'innover
soient davantage reconnus. Cela passe par une démarche différente de celle qui
existait dans les années quatre-vingt.
Oui, messieurs Peyronnet et Sueur, il y a une rupture entre la
décentralisation de 1982 et celle qui vous est proposée !
M. Jean-Pierre Sueur.
Mais la vôtre va dans le mauvais sens !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Cette rupture est voulue. C'est une autre démarche,
c'est une véritable refondation de la décentralisation que veut le Gouvernement
en développant un processus qui, nous en sommes convaincus, ne permettra pas -
et ne doit pas permettre - de reprendre d'une main ce que l'on donne de
l'autre.
M. de Broissia a d'ailleurs souligné cette rupture, qu'il a qualifiée, sans
doute avec raison, de « définitive ».
M. Etienne a, comme à son habitude, utilisé une image, en l'occurrence celle
de la crémaillère. On peut effectivement la reprendre : en principe, une
crémaillère ne marche que dans un sens.
Face au poids de la tradition centralisatrice française, que M. Hyest a
rappelé, et compte tenu de la reconnaissance de la démocratie locale à la fois
par l'Union européenne et par le Conseil de l'Europe, comme l'a souligné M.
Gélard, il faut inscrire la décentralisation parmi nos principes
fondamentaux.
Tel est le sens de la démarche qui vous est proposée : d'une part, affirmer le
principe - et c'est l'objet de l'article 1er du projet de loi qui vise à
modifier l'article 1er de la Constitution ; d'autre part, décliner ce même
principe dans ses différentes dimensions. En effet, choisir de mentionner la
décentralisation dès l'article 1er de la Constitution a une force symbolique
sur laquelle nombre d'entre vous ont insisté et qui se conjugue, à l'évidence,
avec l'idée d'unité et d'indivisibilité de la République.
Je dirai très clairement à MM. Mauroy et Peyronnet que nous ne nous inscrivons
pas dans une logique fédéraliste, pas plus que dans une pseudo-reconnaissance
d'une Europe des régions. Pour autant, nous sommes convaincus que l'unité n'est
pas l'uniformité, et c'est ce que M. Gélard a bien démontré.
Vous avez, les uns et les autres, rappelé les cinq volets de la
décentralisation.
Il s'agit, d'abord, de rechercher le niveau pertinent d'exercice des
compétences et des responsabilités, en mettant fin à un Etat touche-à-tout.
C'est une démarche essentielle, comme l'ont rappelé à la fois M. Hoeffel et M.
de Rohan, et ce n'est pas là, monsieur Sueur, avoir une conception résiduelle
de l'Etat. Vous commettez là une erreur d'appréciation et je vous le dis avec
d'autant plus de conviction que, sincèrement, si tel était le cas, je ne serais
pas là pour défendre ce projet de loi constitutionnelle.
Pour moi, l'Etat n'est en rien résiduel !
M. Michel Charasse.
Ah !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Assumant aujourd'hui l'une des responsabilités
régaliennes par excellence je vous assure que telle n'est pas la conception du
gouvernement auquel j'appartiens.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
Il s'agit de choisir le bon niveau de
compétence au service de nos concitoyens,...
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur.
Très bien !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
... et non pas de faire « dépérir » l'Etat. Un tel
terme n'appartient d'ailleurs pas à notre vocabulaire, vous le savez bien, il
est emprunté à d'autres que nous !
Nombre d'entre vous ont également souligné qu'il s'agissait de donner aux
collectivités territoriales, comme à l'Etat, un droit à l'expérimentation.
C'est un point central ! Pour la plupart, vous êtes, comme moi, des élus
locaux. Notre expérience en tant que tels nous a permis de constater la
capacité de nos collectivités territoriales à innover : à innover dans le
domaine social, dans le domaine de l'environnement, dans le domaine culturel,
dans tous ces domaines qui font la vie quotidienne des Français, mais aussi à
innover, lorsque c'était possible, dans les méthodes de fonctionnement de nos
administrations publiques. Il nous faut profiter de cette capacité
d'expérimentation, qui est liée à une certaine liberté d'initiative, donc
d'invention, donc d'adaptation à la société contemporaine.
Cette reconnaissance constitutionnelle du principe d'expérimentation, dont
nous parlons les uns ou les autres, depuis de nombreuses années d'ailleurs,
aussi bien au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, me paraît très intéressante.
On dit beaucoup, aujourd'hui, qu'il importe d'être attentif aux bonnes
pratiques. Il s'agit effectivement de cela ! A l'évidence, il faut l'inscrire
avec précaution et avec précision dans notre droit, mais la démarche est très
intéressante et essentielle.
Nous savons bien, les uns et les autres, que ce projet de loi
constitutionnelle et les textes qui vous seront proposés après le grand débat
qui va se tenir dans nos différentes régions ont pour objet, au fond, de
répondre à ce sentiment d'inefficacité de la puissance publique que nos
concitoyens éprouvent et qu'ils ont exprimé lors des rendez-vous électoraux du
printemps dernier. Or nous ne pourrons le faire qu'en libérant les énergies, en
donnant toute sa place au principe d'expérimentation, donc en faisant en sorte
que le plus grand nombre possible d'acteurs puissent apporter des réponses aux
interrogations et aux attentes de nos concitoyens.
L'autre point que nombre d'entre vous ont longuement évoqué c'est, bien sûr,
celui de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Vous avez tous
souligné à quel point elle était essentielle. Vous avez également souligné les
progrès qui devaient encore être accomplis.
Certains, en particulier M. Arthuis, ont évoqué la notion de « carburant » de
la révision constitutionnelle. Je n'ai pas tout à fait compris pourquoi. Pour
autant, je crois que vous considérez, avec beaucoup de raison et de sagesse,
comme M. Hoeffel, que la réforme de la fiscalité locale ne peut pas et ne doit
pas être un préalable. Il nous faut faire en sorte - nous aurons l'occasion
d'en parler lors de l'examen de tel ou tel amendement - que rien ne puisse
bloquer le mouvement de décentralisation. Mais, dans le même temps, bien sûr,
nous devons veiller, bien sûr, à respecter l'autonomie financière des
collectivités territoriales, comme l'a souhaité en particulier votre
président.
Enfin, s'agissant de la démocratie directe, j'ai entendu les réserves et les
interrogations émises en particulier par MM. Longuet et de Broissia. La
question qui est posée est celle de la prise en compte, dans toutes ses
dimensions, de la démocratie représentative. Mais prenons garde à ce que ce
mouvement de décentralisation ne soit pas perçu par nos concitoyens uniquement
comme une affaire concernant les seuls élus et les représentants des
collectivités territoriales.
Nos concitoyens doivent sentir une amélioration du fonctionnement réel de la
démocratie, y compris de la démocratie directe. C'est la raison pour laquelle
le Gouvernement est extrêmement attaché aux possibilités de consulter les
concitoyens par référendum, aussi bien par le référendum local décisionnel que
par le référendum consultatif.
J'en viens maintenant aux collectivités d'outre-mer.
M. Flosse a plaidé avec beaucoup de chaleur pour la reconnaissance du fait
polynésien et de l'autonomie polynésienne, ce qui ne m'a pas surpris outre
mesure. Le texte - c'est ma conviction - répond très largement, pour ne pas
dire totalement, à son attente, comme j'aurai l'occasion de le lui démontrer,
avec l'aide de ma collègue Brigitte Girardin.
J'ai également été attentif aux propos nuancés de MM. Virapoullé et Vergès
sur l'avenir de la Réunion. Nous serons solidaires, et tenons d'ores et déjà à
rassurer les Réunionnais sur le respect des choix qu'ils ont su exprimer à
plusieurs reprises depuis tant d'années. Il n'est peut-être pas inutile, en cet
instant, de rappeler ce que la départementalisation a constitué dans l'histoire
de l'outre-mer français. Beaucoup se sont battus pour elle ; ils ont obtenu
gain de cause. Ce mouvement a été un facteur très important de modernisation
économique, sociale et culturelle des départements d'outre-mer. Il n'est donc
pas inutile de rendre hommage à ceux qui, avant nous, l'ont rendu possible.
MM. Larifla et Désiré ont présenté leurs attentes respectives pour la
Guadeloupe et la Martinique.
Je répondrai à M. Lise que le Gouvernement tiendra compte des travaux du
congrès comme de toute autre initiative locale dans la mesure où les
propositions qui en résultent seront conformes à la Constitution révisée.
Chacun l'a bien compris, la démarche du Gouvernement consiste précisément à
faire en sorte que les suggestions des uns et des autres puissent s'exprimer
avec toute la souplesse et la force imaginative nécessaires, mais une fois la
Constitution révisée : la révision doit être un préalable, il ne serait pas de
bonne méthode d'y procéder
a posteriori
.
L'article 73 nouveau permettra, contrairement à ce que vous pensez, monsieur
Lise, des évolutions importantes, qu'il s'agisse du pouvoir normatif ou de
l'organisation institutionnelle.
L'article 73 nouveau permet tout à la fois la reconnaissance de la valeur de
l'existant et une capacité d'évolution, d'adaptation qui me paraît extrêmement
intéressante. Avec ce dispositif, nous devrions pouvoir éviter l'immobilisme
qui, au cours des vingt ou trente dernières années, a caractérisé l'application
de l'article 73.
Il faut enfin mener de concert la décentralisation et la réforme de l'Etat,
comme en sont convenus MM. Hyest, de Rohan et Hoeffel. Je suis convaincu de la
nécessité de redéfinir les missions de l'Etat, pour que celui-ci puisse se
concentrer sur ses fonctions régaliennes.
Je veux rassurer M. Autexier : ces missions ne seront pas abandonnées. Il me
semble que ces derniers mois montrent, au contraire, que l'exercice des
missions régaliennes constitue une priorité pour le nouveau gouvernement et
pour le Président de la République.
Ensuite, il faudra faire en sorte que l'Etat soit davantage un instrument de
solidarité. Monsieur Mauroy, l'égalité et la solidarité sont pleinement
présentes dans le texte constitutionnel. D'ailleurs, si nous prévoyons des
mécanismes de péréquation, c'est bien parce que la situation est aujourd'hui
inégale. Si tel n'était pas le cas, excusez-moi ce truisme, il ne serait pas
nécessaire de prévoir des systèmes de péréquation !
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Nous avons, les uns et les autres, suffisamment
d'expérience des réalités de la vie locale pour savoir que cette égalité passe,
certes, par des moyens de péréquation aux mains de l'Etat, mais aussi par une
libération des énergies et des initiatives. Nous croyons les uns et les autres
suffisamment en la valeur de cette vie locale pour savoir que l'égalité est
aussi atteinte par le foisonnement des énergies enfin libérées. C'est le sens
de ce projet de loi.
A cet égard, j'ai entendu MM. Karoutchi et de Richemont dirent ce que sont
leurs attentes en matière de péréquation. La loi organique, les lois ordinaires
qui suivront pourront définir les modalités de mise en oeuvre de ce principe de
péréquation.
Avant de conclure, permettez-moi deux observations.
Tout d'abord, je suis convaincu comme MM. Carle et de Rohan que, pour réussir
cette réforme, il faut une volonté forte de l'ensemble des intervenants. Cette
décentralisation, nous ne la réussirons que si tous les acteurs la souhaitent.
Ensuite, il apparaît que la réflexion sur certains aspects évoqués par
plusieurs d'entre vous n'est pas entièrement mûre ; je pense ici à
l'intercommunalité, dont ont parlé MM. Darniche, Hoeffel et Mauroy.
Vous regrettez, messieurs les sénateurs, de ne pas voir figurer
l'intercommunalité dans notre projet de révision constitutionnelle. Je
comprends cette attente. J'ai beaucoup travaillé, certains le savent ici, sur
ce sujet. J'ai également, en quelque sorte, beaucoup pratiqué et je pratique
encore. Je suis donc convaincu de l'intérêt de cette démarche intercommunale
qui, dans la durée, est en train de modifier progressivement la pratique de la
vie locale et notre carte administrative. Pour autant, je suis également
convaincu de ce que constitutionnaliser l'intercommunalité serait aller trop
vite en besogne.
M. Gérard Braun.
Tout à fait !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
En revanche, il me paraît envisageable - la discussion
que nous allons avoir sera peut-être l'occasion d'une certaine ouverture - de
réfléchir à la façon dont l'expérimentation pourrait également concerner
l'intercommunalité, en tout cas les groupements de collectivités
territoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme M. Etienne, je crois que la révision
constitutionnelle est un rendez-vous à ne pas manquer : la qualité de vos
travaux l'attestera.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi, par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes
Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David,
Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM.
Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, d'une motion n° 39, tendant à opposer
la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide
qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi
constitutionnelle (n° 24 rectifié, 2002-2003) relatif à l'organisation
décentralisée de la République. »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du
Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou
son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie
au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une
durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues,
le règlement prévoit que la motion tendant à opposer la question préalable
vient en discussion après l'intervention du représentant du Gouvernement. Or je
dois dire que votre réponse, monsieur le garde des sceaux, ne m'a pas
convaincue.
Nous nous opposons non pas à la décentralisation elle-même, mais au projet de
réforme constitutionnelle tel qu'il nous est présenté, et ce pour deux raisons
essentielles. C'est l'objet de cette motion que je défends au nom de la
quasi-totalité des membres de mon groupe,...
M. Gérard Braun.
Ah ?
M. Philippe François.
La quasi-totalité seulement ?
Mme Nicole Borvo.
... à l'exception de M. Paul Vergès, ainsi que vous pourrez le constater à la
lecture de la liste des cosignataires, mes chers collègues !
Le Premier ministre ne cesse d'affirmer - c'est son leitmotiv - sa volonté de
rapprocher les citoyens des décisions. En effet, la crise politique que nous
connaissons, dont le 21 avril a révélé l'ampleur, exige - c'est le moins que
l'on puisse dire - de repenser en profondeur les rapports des citoyens aux
pouvoirs de décision et aux institutions dans tous les domaines.
La décentralisation, dites-vous, monsieur le garde des sceaux, ne doit pas
être, pour les citoyens, la seule affaire de la communauté des élus. Mais il
faut, alors, engager un large débat public, citoyen, sur une véritable
démocratisation de la vie publique et permettre déjà aux citoyens de connaître
les tenants et aboutissants de votre décentralisation, pour qu'ils se
prononcent en toute connaissance de cause par référendum.
Or ce n'est pas ce que vous proposez, loin s'en faut ! Vous nous demandez de
voter, dans une certaine précipitation, une réforme constitutionnelle qui,
selon le Gouvernement, constitue le socle d'une organisation future des
pouvoirs et de l'Etat, sans que nous connaissions nous-mêmes, parlementaires,
l'ensemble des projets.
Quid,
dans ces conditions, des citoyens ?
Aussi, je crains fort que les concepts de « proximité », de « local », dont
vous nous abreuvez, ne tournent le dos aux exigences de démocratisation et que
la « gouvernance locale » n'incite les citoyens à traiter des affaires
publiques à l'ombre de leur clocher, laissant les choix politiques, les enjeux
complexes, en réalité déterminants pour la vie de chacun, à la gouvernance «
mondiale » et insaisissable des technocrates, des financiers et de la classe
politique.
Votre opposition résolue et constante, celle de vos amis politiques, à tout ce
qui pourrait élargir les droits des citoyens et des salariés dans la vie
économique et sociale en témoigne.
La seconde raison de notre opposition tient au contenu du projet
constitutionnel lui-même. Il est apparu aux yeux de nombre de nos collègues, y
compris, d'ailleurs, dans vos rangs, que ses ambiguïtés de rédaction recèlent
de graves dangers d'éclatement de l'unité nationale.
Je relèverai trois phrases dans l'exposé des motifs : « Le présent projet vise
à modifier profondément le cadre constitutionnel de l'action des collectivités
territoriales. » Soit ! « C'est à l'Etat, et d'abord au Parlement, qu'il
appartient de définir les grands principes et d'évaluer la façon dont ils sont
mis en oeuvre sur tout le territoire. » Soit ! « Une République plus efficace,
c'est un Etat qui sait maîtriser ses dépenses et simplifier ses structures. La
décentralisation est la première réforme de l'Etat. Elle lui permettra de mieux
exercer ses missions régaliennes et de solidarité. »
Il y a de quoi être inquiet, monsieur le garde des sceaux ! La première
responsabilité nationale - celle de l'Etat et du Parlement - n'est-elle pas
d'assurer l'égalité des citoyens dans tous les domaines, qu'il s'agisse de
l'action publique, des grands services publics, de la protection sociale, de
l'environnement ?
Hélas ! les signes précurseurs que donne le Gouvernement confirment nos
craintes. M. Sarkozy propose à la Corse d'être à la pointe de
l'expérimentation, et que promet-il ? La « corsisation » des emplois publics
!
De plus, les propositions que font divers ministères - sur votre demande -, en
matière de transferts de compétences préfigurent un véritable
patchwork
des réponses qui seraient données sur le logement, la formation, la
justice, selon les territoires.
Enfin, les signes donnés par le projet de budget pour 2003, qui supprime des
postes de surveillant dans l'éducation nationale, qui diminue les crédits du
logement social, avant même que la question des transferts de compétences et,
a fortiori,
celle des moyens ne soient évoquées, nous éclairent sur
votre conception de la décentralisation.
Alors, non, monsieur le garde des sceaux, nous ne ferons pas un grand bond en
avant dans la décentralisation ; nous ferons un grand retour en arrière dans la
féodalité !
(Rires et protestations sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
Le débat sur la modification de
l'article 1er de la Constitution est éclairant à cet égard.
C'est un mouvement de longue portée qui a façonné notre conception de la
République : elle s'est nourrie de l'universalité des Lumières, de la
Révolution de 1789, qui lui a donné figure populaire, de celle de 1848, de la
Commune de Paris, qui a fait émerger la perspective d'un pouvoir direct des
citoyens. Après les années terribles de l'Occupation, les constituants de 1946
voulaient consacrer les aspirations à la liberté, à l'égalité, à la fraternité
et à la paix.
C'est ce mouvement historique qui a donné ses lettres de noblesse aux idées de
citoyenneté et de laïcité, qui a favorisé l'implication du peuple dans la vie
politique et donné sa légitimité aux revendications démocratiques et sociales.
Le même mouvement a également permis le développement original des services
publics et fait de l'égalité des citoyens une question centrale.
La reconnaissance de ces principes dans l'article 1er de la Constitution a
forgé l'identité de la République.
Bien évidemment, la République est le lieu de contradictions et
d'affrontements ; elle a aussi porté des conceptions fortement étatistes,
centralisées, méprisant la diversité et supportant des pratiques sociales
autoritaires, dans la vie publique comme dans l'entreprise. Les citoyens ne
l'acceptent plus et c'est pour cette raison qu'il est urgent de revisiter nos
institutions, toutes nos institutions.
Mais, en modifiant l'article 1er et en ajoutant : « son organisation est
décentralisée » - celle de la République -, vous proposez, monsieur le garde
des sceaux, de donner à un principe d'organisation administrative - quelle
qu'en soit la légitimité - la même valeur, la même force qu'aux principes
fondamentaux de la République qui établissent le contrat politique et social
entre les citoyens, le projet commun.
Il y a là une confusion extrêmement grave. Les tentatives de réécriture, de
changement d'article faites par la commission des lois sont symptomatiques du
problème soulevé. Mais cette confusion révèle, au fond, vos objectifs : ce
projet de loi remet gravement en cause l'égalité, il fragmente et divise ; il
marque l'abandon de la solidarité et de la souveraineté nationale.
En gravant dans le préambule de la Constitution que « la nation assure à
l'individu et à la famille des conditions nécessaires à leur développement »,
les constituants de 1946, alors que la situation économique et sociale était
pourtant extrêmement difficile, reconnaissaient que l'essor de la citoyenneté,
condition de la démocratie, exigeait d'assurer à tous la satisfaction d'un
certain nombre de besoins fondamentaux.
Ces principes, pourtant repris dans le texte constitutionnel de 1958, ne se
sont, hélas ! pas encore concrétisés et sont bien loin de l'être. C'est dans le
sens de leur concrétisation que la réforme constitutionnelle doit aller. Sinon,
la défiance à l'égard des institutions, à l'égard de la représentation
politique et de la politique elle-même augmenterait encore dangereusement.
Dans ce contexte, la décentralisation peut être une des réponses. Encore
faut-il qu'elle soit synonyme de déconcentration et de démocratisation, de
réponse aux besoins d'égalité entre les citoyens et entre les territoires et
qu'elle se traduise par de véritables droits dans la cité et dans l'entreprise.
Or, dans sa face publique comme dans sa face cachée, tel n'est pas l'objet du
présent projet de loi.
Alors que, d'ores et déjà, la dérégulation, les privatisations, la mise en
cause des services publics et de la capacité d'intervention de la puissance
publique sapent les fondements de la République, alors que l'exclusion d'une
part croissante de la population met en question l'égalité des citoyens devant
la loi, ce projet va encore plus loin.
M. Fillon l'a fort justement dit : ce texte est un projet de société, le
projet d'une société ultralibérale
(Exclamations sur les travées du RPR),
destiné à répondre aux exigences de l'Europe, au regard de laquelle, même
amputé d'une partie de ses missions, l'Etat - avec notamment ses grands
services publics, ses entreprises publiques - reste un obstacle à la libre
circulation des capitaux.
L'expérimentation proposée est une porte ouverte à la mise en cause du
principe d'égalité et à l'affaiblissement des missions de l'Etat. Le Conseil
d'Etat ne s'y est pas trompé, puisqu'il proposait d'inscrire clairement dans le
texte : « Le droit à l'expérimentation pourra déroger au principe d'égalité.
»
M. Roger Karoutchi.
Et la péréquation !
Mme Nicole Borvo.
Quant à l'égalité devant l'impôt, déjà bien mal en point, elle sera encore
plus compromise si ce sont les collectivités territoriales qui fixent
l'assiette des contributions fiscales.
Nous sommes, pour notre part, opposés à toute idée d'autonomie fiscale parce
qu'elle est un leurre et qu'elle est porteuse d'une conception inégalitaire du
développement de l'accès aux services.
M. Gérard Cornu.
C'est la meilleure !
Mme Nicole Borvo.
C'est ce que vous dites !
Nous redoutons de voir les collectivités poursuivre la privatisation de leurs
services, faire appel aux groupes privés, qui n'attendent qu'une chose : voir
s'ouvrir un immense marché des services en matière d'éducation, de santé et de
culture.
Alors que le projet de loi fait craindre de graves remises en cause, il
renvoie, pour sa mise en oeuvre, à des lois ultérieures dont la teneur ne nous
est pas présentée. Les débats en commission des lois ont mis en évidence de
nombreuses ambiguïtés. La commission s'est sentie obligée de proposer des
limites à l'expérimentation, de tenter d'exclure les risques de tutelle. Ce
risque existe parce que le couplage Etat-régions permettra aux régions
d'exercer une autorité sur les départements, devenus simples exécutants de
décisions prises en dehors d'eux.
Nous avons aussi de fortes inquiétudes quant à la création de collectivités à
statut particulier : je pense aux fusions, qui feront disparaître les
départements, à la mise en place de grandes régions à l'échelle européenne.
Quel avenir pour les communes ?
Les ressources dont bénéficieront les collectivités pour faire face à leurs
nouvelles responsabilités sont d'ores et déjà prévues à un niveau totalement
insuffisant, et sans garantie de pérennité. La péréquation, expression de la
solidarité nationale, n'est ni obligatoire ni définie. Toutes les craintes sont
permises au vu des dispositions du projet de budget pour 2003, qui réduit
encore les moyens des collectivités locales.
Y compris au sein de votre formation politique, monsieur le garde des sceaux,
beaucoup de nos collègues élus locaux font part de leurs inquiétudes devant la
responsabilité politique qui sera la leur quand l'Etat se sera défaussé de ses
missions et qu'ils devront expliquer aux habitants qu'ils doivent augmenter les
impôts ou le coût des services. Adopter ce projet de loi en l'état, sans que
soit précisé le contenu d'une réforme fiscale, c'est prendre de lourdes
hypothèques sur l'avenir.
Quelles seront les conséquences pour les personnels de la fonction publique,
quand, pour l'heure, la réforme annoncée de l'Etat trouve sa seule expression
dans la diminution des emplois publics ?
J'ajoute que, lors des travaux du groupe de réflexion sur l'institution
sénatoriale, mon groupe a exprimé son opposition à la primauté donnée au Sénat
pour les projets de loi concernant les collectivités territoriales, notre
assemblée n'étant pas issue du suffrage direct. Par ailleurs, il est quand même
curieux de réformer la Constitution pour donner plus de pouvoirs au Sénat et
d'ignorer la réduction de la durée du mandat sénatorial ou la démocratisation
de l'élection sénatoriale !
Le projet de loi dont nous débattons organise une France où la particularité
devient la norme. Il introduit dans la Constitution une conception de la
République non unitaire, qui n'est plus un projet commun reconnaissant les
diversités mais un rassemblement de statuts particuliers, de normes
particulières.
Il ouvre la voie aux conceptions lobbyiste ou communautariste de la vie
publique.
Si ce texte est adopté, des décisions d'une extrême importance pour l'avenir
de nos concitoyens et de notre territoire seront prises sans que les citoyens
ni les assemblées territoriales concernées aient été consultés et entendus.
Les assises régionales ne répondent pas à cette exigence démocratique :
entamées voilà seulement quelques jours, elles prendront fin après les débats
parlementaires sur la réforme constitutionnelle. Les premières expériences
desdites assises montrent qu'il s'agit d'une consultation très limitée.
Nous proposons que les assemblées élues des collectivités locales puissent se
prononcer. Ce serait déjà la reconnaissance du droit des élus des collectivités
territoriales à donner leur avis.
Je l'ai déjà indiqué : si l'on veut rapprocher les citoyens des décisions, il
faut sans délai engager un grand débat national sur les finalités, le contenu,
les moyens de la décentralisation, c'est-à-dire sur l'ensemble des éléments
constitutifs de la décentralisation que vous souhaitez mettre en oeuvre, débat
qui doit déboucher sur le référendum promis par le Président de la République
pendant la campagne électorale. Ce serait manifester la volonté que les
citoyens sont partie prenante d'une démocratisation et d'une décentralisation
de la vie publique.
En tout cas, les élus de mon groupe n'acceptent pas que les citoyens, les élus
locaux ne puissent se prononcer en toute connaissance de cause. C'est pour
cette raison, entre autres, qu'ils estiment que le projet de loi, en l'état,
doit être rejeté.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, contre la motion.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en écoutant
Mme Borvo, je me demandais si j'étais devenu le défenseur de la féodalité.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Guy Fischer.
Une certaine féodalité !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je me suis demandé si, dans la discussion que nous avons engagée et au cours
de laquelle M. le garde des sceaux a apporté d'excellentes réponses à diverses
questions, nous étions en train de consolider un certain nombre de privilèges,
de droits acquis, sans nous préoccuper de l'avenir.
L'objet d'une question préalable est non pas de rejeter un texte mais de
décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Il faut bien saisir la nuance entre
le rejet d'un texte, toujours possible une fois qu'il aura été examiné, et le
fait de l'écarter d'un trait de plume avant toute discussion des articles ! Or
je pense que les articles qui constituent ce projet de réforme
constitutionnelle, sur lequel nombre de nos collègues se sont exprimés depuis
hier, méritent d'être examinés parce que ce texte est à la fois nécessaire et
opportun.
Il est nécessaire, car, après cinq années d'une recentralisation des recettes
fiscales des collectivités territoriales que nous avons tous subie et que, ma
chère collègue, vous avez appuyée de vos votes année après année, il convient
de mettre un terme à cette politique de l'Etat central qui substitue aux libres
recettes des collectivités locales des dotations budgétaires qui présentent un
double inconvénient.
Elles ont un inconvénient interne, celui de ne plus donner aux collectivités
et à ceux qui les gèrent les marges de manoeuvre nécessaires pour faire face
aux besoins, et un inconvénient externe vis-à-vis de nos partenaires de l'Union
européenne. En effet, le gonflement, année après année, de ces concours de
l'Etat aux collectivités locales nous amène à un total de 58 milliards d'euros,
très largement supérieur au déficit budgétaire de l'Etat, qui est de 46
millards d'euros. Nous sommes sous le regard de la Commission et de l'ensemble
de nos partenaires, qui se demandent ce qu'est cet Etat dans lequel,
continûment, on augmente, sans qu'ils en perçoivent les raisons, la part des
concours de l'Etat aux collectivités locales.
Mes chers collègues, le premier élément de fond du texte qui nous est présenté
renvoie à la nécessité de mettre fin à cette dérive qui, en cinq années, a fait
basculer des dizaines de milliards d'euros des recettes fiscales vers les
dotations budgétaires. C'est un des points fondamentaux qui justifient en
partie ce texte.
Un autre point que Mme Borvo s'est efforcée de développer concerne
l'expérimentation.
Nous savons tous, quelle que soit la collectivité que nous gérons, qu'il vaut
mieux, plutôt que de faire des lois complexes pour couvrir tous les cas
particuliers, expérimenter d'abord, dans des territoires de dimensions et de
sociologies variables, les meilleures solutions pour répondre aux problèmes qui
nous sont posés. Le texte qui nous est présenté autorise et généralise, sous le
contrôle du Parlement, cette expérimentation.
Vous avez également, ma chère collègue, indiqué que, dans cette affaire, une
féodalisation de notre pays interviendrait. Je crois, au contraire, qu'à partir
du moment où l'Etat régalien, M. Perben vient de le rappeler à l'instant même à
cette tribune, reprend l'ensemble de ses compétences et tient à les exercer, il
est normal que les collectivités territoriales que nous représentons, et dont
le Sénat est le représentant naturel, prennent plus de place dans
l'organisation de l'ensemble des services.
La discussion de ce projet de loi est opportune. En effet, nous avons bien
conscience que les mécanismes des concours de l'Etat aux collectivités et les
systèmes de péréquation, qui sont très imbriqués, arrivent à leur terme.
Par conséquent, le fait d'inscrire dans la Constitution l'obligation d'assurer
plus de cohérence par la mise en oeuvre de mécanismes de péréquation, afin
d'éviter justement l'inégalité des ressources et des charges entre les
collectivités territoriales, est un élément essentiel.
De même, il me semble tout à fait important de faire figurer dans la
Constitution le fait que la France est désormais non pas un Etat fédéral, non
pas un Etat unitaire centralisé tel que l'avait défini Napoléon Ier, mais un
Etat dans lequel l'organisation territoriale est décentralisée. Cela est
important à souligner au moment où nous avons un certain nombre de défis à
relever et de réformes à entreprendre.
Or, contrairement à ce que vous avez déclaré, madame Borvo, on ne peut pas
dire qu'il y a contradiction entre les objectifs affichés et le processus mis
en oeuvre, ou que la démocratisation est insuffisamment développée. Au
contraire, ainsi que certains orateurs, dont M. le garde des sceaux, l'ont
précisé lors de la discussion générale, l'un des points qui risque d'irriter le
plus certains élus est l'extension de la démocratisation à travers le
référendum décisionnel et le droit de pétition.
Toutes ces dispositions figurent dans le texte. Il faut donc poursuivre la
délibération de ce projet de loi constitutionnelle, aussi nécessaire
qu'opportun.
J'ajoute qu'au moment où l'Europe se constitue et s'élargit - et cela sera
fait dans peu de temps -, au moment où la mondialisation se développe, où
l'irruption des nouvelles technologies dans la vie collective de l'ensemble de
nos pays commence à poser un certain nombre de problèmes, à la fois d'emploi,
de communication et de démocratisation, il me paraît important d'adopter le
processus que nous propose le Gouvernement. Commençons par réviser la
Constitution afin de permettre le recours à l'initiative, l'expérimentation et
le développement d'un certain nombre de structures nouvelles. Continuons par
l'élaboration de lois organiques qui viseront à bien définir le rôle de l'Etat
et celui des collectivités territoriales et, enfin, de lois simples qui
détermineront les taux, l'assiette, les mécanismes de péréquation et
d'expérimentation.
Au fond, madame Borvo, vous auriez voulu que l'on vous présente tout à la fois
la réforme constitutionnelle, les lois organiques, les lois simples, les
décrets et les circulaires d'application !
(Protestations sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer.
Oh ! Pas tant que cela !
Mme Nicole Borvo.
Cela ne démontre rien !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Mais il aurait fallu alors un certain temps pour s'y retrouver !
Je veux néanmoins vous rassurer sur deux points.
A partir du moment où le texte offrira la garantie constitutionnelle de
l'autonomie financière des collectivités territoriales et où la péréquation
sera placée au coeur du dispositif financier qui vous est proposé,...
Mme Nicole Borvo.
La péréquation est une possibilité offerte par le texte et non pas une
obligation !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... il faudra à l'évidence en tirer des conséquences sur les plans tant de la
réforme des concours de l'Etat que de la modernisation nécessaire de la
fiscalité locale. Il importera de trouver des pistes nouvelles pour donner
davantage de cohérence aux nécessaires péréquations de ressources et de charges
entre les différentes collectivités.
Ce sont là, me semble-t-il, les conséquences logiques du présent projet de loi
constitutionnelle. Aussi, mes chers collègues, plutôt que de céder -
permettez-moi ce mot difficile - au conservatisme, qui consiste à ne jamais
rien faire
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen)...
M. Guy Fischer.
Oh ! Nous traiter de conservateurs !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... il faut s'engager résolument dans la réforme et repousser la motion
tendant à opposer la question préalable.
(Applaudissements sur les travées
du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Mme Hélène Luc.
Tout ce qui est exagéré est sans effet, monsieur Fourcade !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur.
Je ne voudrais pas abuser de la patience de mes collègues et, après le
remarquable exposé qui vient d'être fait, je dirai simplement que la commission
des lois est défavorable à la motion tendant à opposer la question préalable.
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Guy Fischer.
Oh !
Mme Hélène Luc.
C'est méprisant !
M. René Garrec,
rapporteur.
Non, c'est amical !
Mme Hélène Luc.
N'avez-vous point d'arguments ?
M. Robert Bret.
C'est court !
M. Jean-Claude Carle.
C'est court, c'est net et c'est précis !
M. le président.
Les discours les plus courts sont toujours les meilleurs !
M. Jean-Claude Carle.
Parfaitement !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord esquisser rapidement ce qui est à
mon sens la signification constitutionnelle de la notion de décentralisation.
Je crois qu'après cela bien des polémiques devraient cesser.
Je rappelle que nous agissons ici comme constituants. C'est à nous qu'il
revient de dire le droit ! Nous avons à l'interpréter par ailleurs, mais dans
les textes que nous établissons, nous disons le droit et ce droit s'impose au
Conseil constitutionnel comme au Conseil d'Etat. Il est donc inutile d'invoquer
leur accord ou leur désaccord. C'est le peuple souverain qui décide à travers
nous !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
En conséquence, je souhaite rappeler, notamment par rapport à certains
amendements que j'ai déjà entrevus, qu'il n'y a pas d'articles sacrés - j'ai lu
ce terme - auxquels il serait interdit de toucher. Le peuple souverain a
d'autant plus le droit, non seulement juridique mais également moral, de
toucher à l'article 1er que cela s'est déjà produit, et récemment encore, je le
rappelle à ceux qui l'auraient oublié, le 4 août 1995. C'est d'ailleurs faire
beaucoup d'honneur à la majorité de l'époque que de considérer que le texte de
l'article 1er qu'elle avait voté serait sacré : c'est tout de même quelque peu
excessif !
Ainsi, le 4 août 1995, certaines dispositions qui figuraient à l'article 2 ont
été réintroduites dans l'article 1er. A cette occasion, le législateur a fait
un peu de « ménage » - si j'ose employer ce terme - à l'égard des dispositions
concernant la France d'outre-mer. C'est donc un article auquel on a touché. Il
est par conséquent permis de continuer.
On aurait également tort de reprocher au Gouvernement de vouloir inscrire,
avec la notion de décentralisation, un concept flou au sein de l'article 1er
puisque c'est un article affirmant des principes. Or les principes offrent par
essence une latitude d'interprétation. Pour reprendre la formule de René
Cassin, je dirai que c'est en quelque sorte un « préambule prolongé ».
D'ailleurs, dire que la République est sociale n'est pas beaucoup plus précis
que d'affirmer que son organisation est décentralisée. La notion de République
sociale donne aussi lieu à de nombreuses interprétations, et Dieu sait s'il y
en a eu !
M. Robert Bret.
C'est comme l'égalité !
M. Michel Charasse.
Mais c'est vieillot !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Bien entendu ! Et ce sont là des concepts sur lesquels
le débat politique trouve légitimement et noblement à s'exprimer. Mais il ne
faut pas reprocher aux principes d'être flous lorqu'ils peuvent donner lieu à
interprétation.
Dans quel contexte constitutionnel s'inscrit le principe de décentralisation
?
J'indique qu'il s'inscrit naturellement dans le contexte constitutionnel de
l'article 3, afin d'apaiser les craintes de M. Pierre Mauroy.
L'article 3 dispose que : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui
l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du
peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. » Fort
heureusement, personne ne veut toucher à l'article 3, lequel confirme le
caractère indivisible de la République inscrit à l'article 1er et éloigne toute
menace de dérive fédéraliste. Il n'y a donc nulle raison de craindre une dérive
fédéraliste...
M. Michel Charasse.
Cela reste à démontrer !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
... parce qu'elle serait précisément contraire à la
disposition de l'article 3 qui affirme qu'aucune section du peuple ni aucun
individu ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale.
Cette disposition nous garantit contre le fédéralisme, mais aussi contre la
crainte sans fondement de voir les collectivités territoriales s'emparer des
compétences de l'Etat, qui ne posséderait plus aucune compétence résiduelle,
comme le redoutait M. Sueur. Il n'y a pas de risque à cet égard puisque l'Etat
central conserve, malgré la réforme de la décentralisation, la compétence des
compétences.
Tout transfert, toute décentralisation ne pourront avoir lieu qu'à la suite
d'une décision du Parlement. Par conséquent, il n'y a aucune crainte de
dépouillement de l'Etat qu'il n'ait consenti lui-même et qu'il ne puisse
reprendre...
M. Michel Charasse.
On en reparlera pour la Corse !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
... puisque ce que le Parlement a fait, le Parlement
peut le défaire. Il n'y a pas de décentralisation automatique et obligatoire.
Il y aura simplement une décentralisation possible et protégée, là où souvent
elle ne l'était pas. Mais il ne s'agit pas simplement d'une décentralisation
administrative, comme M. Charasse le suggérait.
M. Michel Charasse.
Ah bon !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Il est faux de dire que l'objet de la réforme serait
une simple décentralisation administrative, car nous souhaitons nous aussi,
monsieur Charasse, une administration déconcentrée en même temps. Les
préfectures resteront sous la tutelle de l'Etat central, fort heureusement !
Elles seront non pas décentralisées, mais continueront simplement à être
déconcentrées.
Mme Hélène Luc.
Mais les préfets feront ce que les régions leur diront de faire ! Là est toute
la différence !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Je veux vous dire, madame, que la décentralisation
répond à un projet politique. Elle vise à confier davantage de liberté et de
responsabilité à des élus du suffrage universel. Il s'agit, le plus souvent, de
transférer les services publics qui se trouvent sous la responsabilité « réelle
» - cette notion de « réelle » devrait vous être importante, madame - du
fonctionnaire à la responsabilité réelle de l'élu. Les raisons de la
décentralisation sont d'ordre non pas administratif, mais constitutionnel,
comme l'affirmait le doyen Hauriou.
Les pays modernes ont besoin non seulement d'une bonne administration, mais
aussi de liberté politique.
Cette mise au point étant faite sur le contenu juridique de la
décentralisation, je répondrai à Mme Borvo qui, de manière quelque peu
superficielle, nous déclare que, ne connaissant pas l'ensemble du projet de loi
constitutionnelle - et c'est là son argument principal -, le groupe communiste
républicain et citoyen ne peut pas statuer aujourd'hui.
Mmes Nicole Borvo et Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Mais, madame, si nous étions arrivés aujourd'hui avec
tous les textes sur l'ensemble du projet, vous nous auriez accusés de mépriser
le Parlement, de ne lui reconnaître aucun droit d'amendement et d'avoir déjà
tout préparé !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Guy Fischer.
On n'en demandait pas tant !
Mme Hélène Luc.
Il n'y a que quatorze jours que ce projet a été présenté au conseil des
ministres !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Et il faut bien dire que le droit d'amendement existe
dans cette enceinte, puisque 250 amendements ont déjà été déposés.
M. Michel Charasse.
Mais seront-ils adoptés, c'est une autre paire de manches !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Souffrez donc que le Gouvernement, avec beaucoup de
respect, attende le résultat du débat parlementaire et connaisse le sort qui
sera réservé aux différents amendements qui seront discutés pour ajuster la loi
organique et les lois ordinaires de transfert de compétences ou
d'expérimentation. Aurions-nous procédé autrement que vous nous auriez déclaré
que tout était joué d'avance !
Je souhaiterais ajouter une remarque concernant M. Nicolas Sarkozy que vous
avez injustement calomnié, l'accusant de préparer la « corsisation » des
emplois. Il n'en est rien !
Mme Hélène Luc.
Cela figure dans ses déclarations !
M. Michel Charasse.
Et c'est ce que les Corses ont compris !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Il a tellement le souci de l'égalité qu'il a envisagé
que des concours administratifs à caractère régional pourraient être ouverts en
Corse comme ils existent sur l'ensemble du continent.
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas cela qu'il a proposé !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Il n'a jamais dit que l'accès à ces concours serait
réservé à telle ou telle catégorie de citoyens en fonction de leurs origines
géographiques ou ethniques.
Mme Hélène Luc.
C'est une interprétation !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
La « corsisation » des emplois serait la mise en place
d'un tel dispositif. Mais ouvrir simplement en Corse, comme dans d'autres
régions de France, des concours administratifs ne me semble pas constituer une
atteinte à l'égalité républicaine.
Vous avez déclaré également que, la péréquation n'étant qu'une possibilité
qu'il n'était pas obligatoire d'utiliser, elle n'était qu'un leurre. En
réalité, madame, l'obligation nouvelle pour l'Etat, c'est de corriger les
inégalités des territoires. Parmi les moyens de corriger ces inégalités la
péréquation est en effet une possibilité. Nous pouvons d'ailleurs les corriger
par un autre moyen que la péréquation : lorsque nous observons la carte des
autoroutes ou des TGV qui convergent tous vers Paris, nous voyons qu'il est
possible de corriger autrement que par la péréquation les inégalités
structurelles des territoires.
(Applaudissements sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Claude Domeizel.
Très bien !
M. Jean-Claude Carle.
Bravo !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Enfin, vous avez qualifié le projet de budget pour 2003
de médiocre, parce qu'il n'est pas en augmentation. Je m'inscris en faux contre
cette affirmation puisque la dotation globale de fonctionnement augmente de
2,29 %, tandis que la dotation de solidarité urbaine et la dotation de
solidarité rurale progressent de 2 %.
M. Robert Bret.
Cela va-t-il durer ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Par conséquent, votre affirmation n'est pas exacte !
Les assises régionales des libertés locales s'achèveront effectivement après
le débat constitutionnel, madame, parce qu'elles sont destinées à nourrir la
réflexion, premièrement sur la loi organique, deuxièmement sur les transferts
de compétences, et qu'elles permettront de vérifier l'appétit de
décentralisation des collectivités territoriales. Je puis vous dire que,
d'après ce qui commence à se dégager de ces assises régionales, il semble que
les élus, même lorsqu'ils veulent être critiques, sont en réalité tous
demandeurs de grands progrès dans la décentralisation.
M. Jean-Claude Carle.
C'est tout à fait vrai !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
C'est pourquoi ce projet de loi constitutionnelle est à
la fois un projet de liberté et un projet d'égalité.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
En application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, la parole
peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq
minutes, à un représentant de chaque groupe politique.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai
écouté avec attention les réponses de M. le président de la commission,
aujourd'hui également rapporteur, et de M. le ministre sur la motion tendant à
opposer la question préalable qu'a déposée mon amie Nicole Borvo.
Je dois vous avouer que vous ne m'avez pas convaincu ; bien au contraire, vous
m'avez renforcé dans la conviction qu'il faut rejeter ce projet de loi
constitutionnelle qui, sous l'apparence trompeuse d'un élargissement
démocratique de la décentralisation que nous appelons de nos voeux, pose les
fondations d'un retour sinon aux féodalités, du moins aux baronnies, en
institutionnalisant les inégalités.
M. Michel Charasse.
Ce sont des Girondins !
M. le président.
M. Fischer seul a la parole, monsieur Charasse. Si vous souhaitez intervenir,
demandez la parole !
M. Michel Charasse.
Je me rattraperai plus tard !
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
Sur cette dernière question, nous avons bien entendu M. le Premier ministre
affirmer que les inégalités existent déjà et que son objectif est précisément
de les réduire par le biais de la décentralisation. On ne peut s'empêcher de
trouver cette déclaration audacieuse, pour ne pas dire osée, lorsque l'on
découvre la teneur du projet de loi de finances pour 2003, qui sape les budgets
à connotation sociale tels que ceux de l'éducation nationale, de l'emploi ou
d'autres départements ministériels, lorsque l'on constate aussi que le
Gouvernement freine des quatre fers pour éviter de s'engager sur la question
des transferts de ressources qui devraient accompagner les transferts de
compétences ou que la sécurité sociale et les retraites sont menacées.
Non, messieurs les ministres, l'objectif du gouvernement auquel vous
appartenez n'est pas de réduire les inégalités. Ce que vous avez déjà décidé et
commencé à mettre en oeuvre, c'est l'aggravation des inégalités, parfois
masquée.
N'est-il pas honteux, à l'approche de l'hiver - redouté par un nombre
croissant de nos concitoyens - que le débat sur l'ISF soit au centre des
préoccupations budgétaires des députés et des sénateurs de l'Union pour la
majorité présidentielle ?
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Roger Karoutchi.
C'est faux !
M. Guy Fischer.
Non, messieurs les ministres, on ne nous fera pas croire à la réduction
décentralisée de la fracture sociale !
Le projet de loi constitutionnelle dont nous préconisons le rejet par cette
motion - sur laquelle je demande d'ailleurs, au nom de mon groupe, un scrutin
public
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants)
- vise à adapter et à soumettre la société française à un
libéralisme exacerbé par un moyen nouveau, le fédéralisme.
Ce fédéralisme est non pas celui de Danton et de la Gironde,...
M. Roger Karoutchi.
Danton n'était pas un Girondin !
M. Guy Fischer.
... mais celui d'Adam Smith et de Ricardo.
(Exclamations amusées sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Pour toutes ces raisons, nous appelons le Sénat à voter cette motion tendant à
opposer la question préalable.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Je vous rappelle, monsieur Fischer, que le scrutin public est de droit en la
circonstance.
M. Michel Charasse.
Voilà une satisfaction qui ne coûte pas cher !
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau.
Je voudrais simplement, à ce moment du débat et avant que l'on entame l'examen
des articles, vous dire, messieurs les ministres, à quel point vous avez, me
semble-t-il, volontairement éludé la question du nécessaire contrepoids à tout
élargissement de l'autonomie des collectivités territoriales que représentent
toutes les formes de péréquation, notamment les formes de péréquation
nationale.
Nous sommes, nous les radicaux de gauche - de même que la gauche en général -
favorables à la décentralisation. Ainsi, je me souviens, messieurs les
ministres, avoir passé de nombreuses heures, durant l'été de 1982, à débattre
du projet de loi relatif à la décentralisation de MM. Defferre et Mauroy, dont
la majorité du Sénat voulait empêcher l'adoption. Nous avons ensuite fidèlement
soutenu toutes les nouvelles avancées dans ce domaine, et nous ne formulons
donc pas, nous les radicaux de gauche, d'objection de principe à une nouvelle
étape de la décentralisation.
En revanche, nous tenons à souligner une nouvelle fois qu'il est fondamental à
nos yeux que l'Etat soit le garant de la cohésion sociale et territoriale, même
si cela peut vous paraître anecdotique, voire superfétatoire.
Par ailleurs, monsieur le garde des sceaux, une formule que vous avez employée
tout à l'heure à la tribune m'a choqué et inquiété : en effet, vous avez dit
que ce projet de loi constitutionnelle se présente comme une rupture avec les
lois de décentralisation de 1982 et de 1983.
Mme Nicole Borvo.
Tout un programme !
M. Jean Chérioux.
C'est une amélioration !
M. Gérard Delfau.
Vous consulterez le
Journal officiel,
mes chers collègues ! M. le
ministre a bien dit qu'il y a rupture avec les lois de décentralisation.
Mme Nicole Borvo.
Absolument !
M. Jean Chérioux.
Et alors ?
M. Gérard Delfau.
Et alors ? Eh bien, pour les décentralisateurs, dont je fais partie, ce projet
de loi constitutionnelle pose désormais un problème fondamental ! Je vous
répète, monsieur le garde des sceaux, ce que je vous ai dit hier lors de la
discussion générale : vous aviez les moyens d'obtenir un large consensus sur un
sujet qui peut permettre de dépasser les clivages politiques traditionnels. Or,
non seulement vous ne recherchez pas ce consensus, mais vous voulez susciter un
clivage ! Vous y parviendrez à vos dépens, parce que ce projet de loi
constitutionnelle, s'il est adopté, ne correspondra pas aux idées de la grande
majorité des Français. Ce sera un texte de circonstance, et un texte dangereux
!
(Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi
que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. -
Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
Je mets aux voix la motion n° 39, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de
loi constitutionnelle.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est
de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 311 |
Nombre de suffrages exprimés | 224113 |
Pour l'adoption | 22 |
Contre |
202 |
Demande de renvoi à la commission
M. le président.
Je suis saisi, par M. Bret, Mmes Borvo et Mathon, MM. Autain et Autexier, Mmes
Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David,
Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM.
Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, d'une motion n° 215, tendant au renvoi
à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide
qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la
République (n° 24 rectifié). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du
Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou
son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie
au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Robert Bret, auteur de la motion.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, «
rédaction ambiguë », « manque de clarté de certaines dispositions du projet de
loi », « le projet de loi évoque une loi organique plutôt que constitutionnelle
», « nombreux problèmes de formulation », « une décentralisation dissymétrique
» : ces quelques propos, qui ont été tenus par plusieurs de nos collègues, dont
M. Patrice Gélard, ou par des personnalités entendues par la commission des
lois, comme MM. Roux ou Aubry, marquent, avec beaucoup d'autres, des doutes,
des agacements, voire de fortes réserves à l'égard du projet de loi
constitutionnelle, sans même parler de l'avis du Conseil d'Etat, que le
Gouvernement cherche désespérément à oublier et à faire oublier.
Ce texte a été élaboré et examiné dans des conditions de précipitation telles
que le débat qui s'ouvre apparaît incertain, voire inquiétant pour
l'organisation démocratique de notre pays.
Je le dis d'emblée : la motion tendant au renvoi à la commission ne met pas en
cause la qualité du travail effectué par les membres et les collaborateurs de
ladite commission, dans des conditions complexes, comme nous avons encore pu le
constater hier soir.
Nous ne pouvions faire mieux dans un laps de temps aussi court : audition des
ministres le jour même de l'adoption en conseil des ministres - ce qui vous a
d'ailleurs obligé, monsieur Perben, à préciser que l'avant-projet circulant la
veille était devenu caduc, puisque le conseil des ministres, fait rarissime
pour un projet de cette ampleur, avait modifié l'intitulé du projet de loi et
certaines dispositions, comme celle qui est relative au référendum sur le
statut particulier - mais aussi audition des personnalités le lendemain et
examen du rapport le mercredi suivant.
Au passage s'agissant des auditions, pourquoi ne pas avoir auditionné M.
Sarkozy, ministre de l'intérieur, qui nous a fait part, depuis la Corse, de sa
vision de la décentralisation ?
Mes chers collègues, l'élaboration de ce projet de loi constitutionnelle a été
bâclée.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
La presse nous a appris...
M. Jean-Claude Carle.
Mauvaise information !
M. Robert Bret.
... que c'était lors d'une réunion informelle à l'hôtel de Matignon, au début
du mois d'août - en présence de dirigeants de la majorité parlementaire, des
présidents des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, du
Premier ministre et des ministres concernés, ainsi que de quelques professeurs
de droit - qu'a été prise la décision, politique, de modifier l'article 1er de
la Constitution et de toucher à l'architecture même de la République.
M. Roger Karoutchi.
Cela fait des années qu'on en parle !
M. Robert Bret.
Concernant l'élaboration d'un projet de loi constitutionnelle de cette
importance, je m'étonne, monsieur le ministre, que la voie de l'instauration
d'un comité consultatif sur la révision de la Constitution, sur le modèle de
celui qui avait été mis en place le 2 décembre 1992, n'ait pas été retenue.
Ce type de structure légère, donc efficace et rapide, est gage de sérieux et
de transparence dans la démarche présidentielle et gouvernementale.
La commission Vedel - c'est ainsi qu'elle fut couramment dénommée - a fourni
alors un travail d'une grande qualité, qui a pu servir de fondement à certaines
réformes constitutionnelles et qui, aujourd'hui encore, constitue une référence
pour nous tous.
La démarche que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, est
bien différente.
Fruit d'une réflexion et de motivations hâtives et souvent inquiétantes étant
donné sa grande portée, le texte que vous soumettez au Sénat frappe par son
imprécision et ses incohérences graves.
Cela nous paraît fortement préjudiciable à la bonne compréhension par nos
compatriotes de dispositions qui, si j'en crois le Président de la République
lui-même, seront soumises à un référendum.
Cette élaboration hâtive répond à une volonté politique que mes amis du groupe
communiste républicain et citoyen et d'autres orateurs ont soulignée, la
volonté de remettre en question une certaine idée de la République, facteur de
solidarité et d'égalité.
Monsieur le ministre, ne mettez-vous pas la charrue devant les boeufs en
posant ce que vous appelez vous-même le socle de la réforme avant d'avoir
écouté les élus locaux, les habitants de notre pays ?
Vous me rétorquerez qu'un grand débat est lancé dans le pays avec les assises
pour les libertés locales. Mais est-ce suffisant face à un tel enjeu ? Vendredi
dernier, à Marseille, j'ai écouté attentivement MM. Delevoye et Devedjian ainsi
que le Premier ministre, M. Raffarin. Pour l'essentiel, nous avons eu droit à
une série de discours. Lors de ces assises, vous vous êtes bien gardé de mettre
en débat le projet de loi constitutionnelle ! Vous avez tout abordé sauf ce qui
est en discussion aujourd'hui. Vous avez donc ouvert le débat sur tout sauf sur
le socle, qui vous paraît essentiel.
Mes chers collègues, cette réforme constitutionnelle devrait être un
aboutissement, et non un commencement. Il est dangereux d'asseoir une position
uniquement sur les postulats rapides et faciles, dont l'exposé des motifs
regorge, comme la mise en accusation, par les Français, de l'impuissance de
l'Etat. Plutôt que de faire parler nos concitoyens, donnez-leur la parole !
N'ouvrez pas le débat par un texte virtuel car, chacun le sait ici, il faudra
attendre le printemps prochain pour connaître les avant-projets de loi
organique qui donneront un sens à des dispositions qui, en tant que telles,
sont aujourd'hui difficilement intelligibles.
Monsieur le ministre, il serait de la plus grande importance, pour le sérieux
de nos débats, de disposer des avant-projets de loi organique, textes
d'application du projet de loi constitutionnelle.
De même, comment ne pas entendre les voix nombreuses qui soulignent la
nécessité d'engager une réforme fiscale de grande ampleur comme priorité pour
l'avenir des finances des collectivités territoriales ? L'article 6 du projet
de loi constitutionnelle, qui concerne l'autonomie financière, n'éclaire que
très peu - vous le reconnaîtrez - sur l'avenir de la fiscalité locale, et
surtout sur les moyens futurs des collectivités confrontées à des charges qui
ne cessent de s'alourdir. Comme je l'ai lu dans la presse, le président de
notre assemblée, M. Christian Poncelet, considère que le Gouvernement ne va pas
assez loin et il l'invite à faire preuve de plus d'audace.
M. le président.
Très bonne référence !
(Sourires.)
M. Robert Bret.
Mes chers collègues, ne vous paraît-il pas nécessaire de transmettre le texte
pour avis à notre commission des finances, afin qu'elle puisse examiner de
manière plus approfondie les dispositions proposées et auditionner les
ministres concernés pour prendre connaissance des intentions du Gouvernement
sur cette réforme fiscale dont on parle sans cesse sans jamais l'apercevoir,
véritable Arlésienne du débat politique français ?
On ne peut pas dire, comme l'a fait à l'instant M. Fourcade, que la
péréquation est assurée dans le texte qui est proposé. Sinon, comment
comprendre les nombreux amendements que la commission des lois a déposés sur ce
point ?
L'audition du ministre délégué au budget, notre ancien collègue M. Alain
Lambert, serait particulièrement intéressante. En effet, mardi dernier, sur une
chaîne d'information, il a déclaré : « La décentralisation en théorie, et
j'espère que ce sera le cas en pratique, permettra à l'action publique de faire
des économies puisqu'elle sera menée avec beaucoup d'efficacité. »
M. Michel Charasse.
Il rêve !
M. Robert Bret.
M. Lambert ne fait qu'aviver les craintes de beaucoup d'élus, notamment la
crainte de voir le Gouvernement renvoyer aux collectivités territoriales les
dépenses les plus coûteuses. Aussi, il nous paraît justifié que la commission
des finances soit saisie pour avis de ce texte.
S'il est vrai, chers collègues, que le choc du 21 avril dernier, qui a mis en
exergue la crise profonde du système politique français, exige une rénovation
en profondeur de nos institutions, n'oublions pas que nombre d'aspects de ces
institutions doivent être profondément modifiés pour répondre à cette
exigence.
Oui, il faut rapprocher les centre de décision des citoyens, par la
décentralisation. Cela constitue un axe démocratique majeur.
Oui, les habitants de notre pays ont soif de participation aux décisions et
veulent être associés à la gestion.
Oui, ils sont attachés à la proximité si elle est synonyme d'échange, d'écoute
et de pouvoir partagé.
Oui, il faut plus de démocratie participative. En quoi la démocratie
participative réduirait-elle l'autorité des élus ? N'est-ce pas, au contraire,
un des moyens d'intéresser à nouveau nos concitoyens à la politique ?
Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis aujourd'hui rappelle
étrangement certains textes européens, à commencer par les principaux, les
traités de Maastricht et d'Amsterdam, qui, par leur flou et leur complexité,
étouffent la démocratie et favorisent la bureaucratie et la constitution d'un
corps d'initiés.
Un chroniqueur d'un journal économique résumait assez bien ce sentiment : «
L'apathie civique qui entoure le projet de révision constitutionnelle, comme
l'élargissement de l'Union, ne traduit nullement l'assentiment des citoyens,
mais simplement leur grande impuissance et celle, plus grande encore, de ceux
qui les gouvernent. »
Cette remarque m'amène à ouvrir une parenthèse qui offre un nouveau fondement
à notre motion de renvoi à la commission : l'Europe.
Le rapport de M. Garrec, au nom de la commission des lois, comporte un échange
intéressant, mais assez partiel, sur la place de l'évolution institutionnelle
souhaitée en France dans la construction européenne actuelle. Notre collègue
Jean-Pierre Fourcade a évoqué ce point tout à l'heure, lorsqu'il nous a fait
part de sa conception de l'Europe.
Il paraît nécessaire d'approfondir cette réflexion, et la délégation du Sénat
pour l'Union européenne, présidée par M. Haenel, pourrait y contribuer
efficacement.
Dans le rapport, j'ai pu lire, comme vous, mon cher collègue, que le projet de
loi constitutionnelle répondait pour partie à la charte européenne de
l'autonomie locale, ce qui a été rappelé.
La commission a-t-elle débattu réellement de ce texte ? Qui peut, par exemple,
expliquer au Sénat pour quelle raison la France a refusé, jusqu'à ce jour, de
ratifier ce texte ?
Je l'indiquais, le Gouvernement manque de cohérence en cadrant d'emblée le
débat qui est censé s'ouvrir dans le pays.
Prenons la réforme de l'Etat.
Combien d'élus ont pu être informés de la portée de l'article 2, qui permet
non seulement aux collectivités territoriales, mais aussi à l'Etat de procéder
à des expérimentations législatives et réglementaires ?
Que signifie une expérimentation menée par l'Etat ? Quelles en seront les
limites ? Quel sera le contrôle du Parlement ?
N'est-ce pas introduire dans la Constitution un nouveau pouvoir de l'exécutif,
en contradiction avec les objectifs de renforcement de la démocratie prônés par
le texte ?
Le 22 octobre dernier, M. Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat,
expliquait ainsi sa conception de l'expérimentation : « Nous choisirons un
département et une région par exemple et demanderons au préfet d'expérimenter
une remise à plat de l'offre des services publics. » Vous comprendrez, mes
chers collègues, que les défenseurs inlassables du service public que nous
sommes s'inquiètent de ces propos, qui valident toutes nos questions sur les
risques de mise en cause de l'unicité du service public en France par la
présente réforme !
Décidément, ce projet de loi constitutionnelle mérite un examen beaucoup plus
approfondi tant il comporte de faces cachées.
J'avoue notamment avoir été surpris par les différences d'approche entre le
président Poncelet et le Gouvernement...
M. Michel Charasse.
Le président Poncelet ne peut pas vous répondre !
M. Robert Bret.
... sur des questions aussi cruciales que l'autonomie fiscale, la nature du
contrôle du nouveau pouvoir réglementaire conféré aux collectivités ou le
devenir des représentations.
(Exclamations sur plusieurs travées du
RPR.)
M. Guy Fischer.
Cela nous a effectivement étonné !
M. Robert Bret.
Monsieur le président, chers collègues, ce projet de loi constitutionnelle
revêt une importance considérable.
Mon trouble, et celui de beaucoup d'entre nous, est renforcé par la rédaction
à l'apparence hasardeuse de nombreuses dispositions, qui, je le précise au
passage, élargiront le pouvoir du Conseil constitutionnel au détriment du
Parlement, du fait de son pouvoir d'interprétation ainsi accru.
(M. Roger
Karoutchi s'exclame.)
Monsieur le garde des sceaux, mon trouble s'est renforcé quand je vous ai
entendu évoquer, devant la commission, l'avènement d'une véritable « République
unitaire décentralisée ».
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
C'est effectivement ce que j'ai dit !
M. Robert Bret.
Ce concept assez étonnant en dit long, je crois, sur la précipitation de
l'élaboration de ce texte.
Il suffit de lire les auditions de la commission des lois, les interrogations
que j'évoquais au débat, celles de M. Gélard, celles de M. Hoeffel, sénateur
mais aussi président de l'Association des maires de France, qui, après avoir
approuvé la démarche gouvernementale, a multiplié les interrogations, demandant
les éclaircissements qui s'imposent. Ces interrogations, qui émergent au sein
même de la majorité sénatoriale, justifient le vote par le Sénat de cette
motion de renvoi à la commission des lois et la saisine pour avis de la
commission des finances.
Ma demande, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, me semble
d'autant plus fondée que la commission des lois a déposé un véritable appel au
renvoi à la commission sous la forme d'un article additionnel après l'article
11 ainsi rédigé : « Le projet ou la proposition de révision n'est soumis à
délibération ou au vote de la première assemblée saisie qu'à l'expiration d'un
délai de trente jours après son dépôt et doit être voté par les deux assemblées
en termes identiques. »
Mes chers collègues, je vous propose simplement d'appliquer par anticipation
cette juste proposition du Sénat en adoptant la motion de renvoi à la
commission de ce projet de loi constitutionnelle qui a été présenté voilà
seulement treize jours par le Gouvernement.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur plusieurs
travées socialistes.)
M. le président.
Monsieur Bret, je vous rassure tout de suite : j'ai effectivement demandé que
ce texte soit amélioré. J'ai été entendu, puisque quelque 230 amendements ont
été déposés par l'opposition ou par la majorité.
M. Michel Charasse.
Combien d'entre eux seront-ils adoptés ?
M. le président.
A l'issue des travaux parlementaires, ce texte sera sans aucun doute amélioré,
grâce à l'intervention du Sénat qui, comme toujours, veille à ce que la loi
soit bien faite.
Quelqu'un demande-t-il la parole contre la motion ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Bien que je ne sois pas le ministre, je répondrai à sa place
car ce n'est pas à lui de répondre : si M. le ministre de l'intérieur, de la
sécurité intérieure et des libertés locales, n'était pas présent lors des
auditions de la commission des lois, c'est parce qu'il était auditionné sur son
projet de budget par l'une des commissions de l'Assemblée nationale.
Mon cher collègue, il est vrai que les délais d'examen de ce projet de loi
constitutionnelle ont été plutôt brefs. La commission des lois a d'ailleurs
adopté un amendement n° 38 tendant à modifier l'article 89 de la Constitution,
sur ma proposition - peut-être était-ce dû à un accès de mauvaise humeur, car
nous avions peu de temps pour examiner ce texte - afin d'instaurer, pour
l'avenir, un délai de trente jours entre le dépôt d'un projet ou d'une
proposition de révision constitutionnelle et son examen en séance publique.
Pour autant, la commission des lois a été en mesure de procéder à un examen
attentif et approfondi de ce texte. Nous avons entendu, le 16 octobre, M.
Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, Mme Brigitte
Girardin, ministre de l'outre-mer, et M. Patrick Devedjian, ministre délégué
aux libertés locales, et procédé, le 17 octobre, à une journée d'auditions de
représentants des collectivités territoriales et de professeurs de droit.
Auparavant, j'avais moi-même reçu les représentants des associations d'élus et
des professeurs de droit.
L'avis de la commission des lois est donc parfaitement éclairé. J'ajoute - je
l'ai dit hier matin ici même - que le Sénat a beaucoup travaillé sur un nombre
important de textes, en particulier sur la proposition de loi constitutionnelle
relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses
implications fiscales et financières, déposée par M. le président Christian
Poncelet et d'autres parlementaires. Il est donc parfaitement informé, et la
commission des lois, parfaitement éclairée, je le répète, a émis un avis
défavorable sur la motion tendant au renvoi à la commission.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix la motion n° 215, tendant au renvoi à la commission du projet
de loi constitutionnelle.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste
républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
(Le scrutin est clos.)
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 104 |
Contre | 208 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
(M. Bernard Angels remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'article 1er de la Constitution est complété par la phrase
suivante : "Son organisation est décentralisée". »
La parole est à M. Yves Détraigne, sur l'article.
M. Yves Détraigne.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre
délégué, mes chers collègues, l'article 1er du projet de loi constitutionnelle
précise que l'organisation de la République est décentralisée. Comme la plupart
des sénateurs élus locaux présents dans cet hémicycle, je me réjouis que soit
inscrit en lettres d'or dans la Constitution le fait que notre République est
décentralisée. Je regrette cependant qu'il ne soit pas indiqué qu'elle est
également déconcentrée.
La décentralisation, engagée voilà une vingtaine d'années dans notre pays,
correspond, me semble-t-il, au transfert de responsabilités, de compétences de
l'Etat vers les collectivités locales. Or, les élus locaux que nous sommes sont
nombreux à mesurer chaque jour, dans le cadre de la gestion de leurs
collectivités, les limites de cette décentralisation, précisément parce que
l'Etat, lui, n'a pas adapté son organisation et son fonctionnement à cette
nouvelle donne.
Tant que les préfets et les responsables des services extérieurs de l'Etat
seront abreuvés, de la part de l'administration centrale, de circulaires et
qu'ils continueront à faire primer ces dernières sur la loi lorsqu'ils doivent
apprécier les décisions que les collectivités locales sont censées prendre
librement, nous nous heurterons à des blocages quant à la mise en oeuvre de la
décentralisation au niveau de la « République des proximités », pour reprendre
l'expression employée hier par M. le Premier ministre.
Je regrette donc que l'article 1er du projet de loi constitutionnelle ne fasse
pas référence à la nécessaire réorganisation de l'Etat, qui devrait aller de
pair avec la décentralisation.
Par ailleurs, j'ai appris, lors de mes études déjà lointaines, que la
Constitution était la loi fondamentale de notre pays. Cette loi fondamentale
doit, à mon avis, être sans ambiguïté.
Or, je crains que certaines dispositions qu'il nous est proposé d'introduire
dans la Constitution - je pense en particulier à l'article 6, qui traite de la
part déterminante que doivent prendre les recettes fiscales et autres recettes
propres dans l'ensemble des ressources des collectivités locales - ne soient
source d'ambiguïtés et donc de contentieux, ce qui, avouez-le, serait
regrettable pour la Constitution, loi de tous qui ne doit receler aucune
ambiguïté, loi sur laquelle les collectivités locales et les services de
l'Etat, notamment les préfets chargés de contrôler l'application de la loi par
les collectivités locales, doivent se retrouver.
Je souhaite donc que nos discussions permettent d'éviter ces deux écueils qui
pourraient aboutir, si l'on n'y prenait garde, à rendre plus complexe encore la
gestion des collectivités locales. Or - je ne parle pas pour les présidents de
conseils généraux et de conseils régionaux qui ont, quant à eux, des attentes
en matière de transfert de compétences nouvelles -, ce sont surtout une
simplification et une clarification de l'exercice de leurs compétences
qu'attendent les maires, si j'en crois ce qui est dit au président de
l'association des maires du département de la Marne que je suis.
Je souhaite donc que nos débats permettent effectivement de simplifier et de
clarifier l'exercice de leurs compétences par les collectivités locales.
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'ajout
proposé à l'article 1er de la Constitution est hautement symbolique de
l'attitude du Gouvernement.
Il s'agit en effet d'une attitude politique qui confine au dogmastisme, qui
vise à afficher d'emblée, quelles qu'en soient les conditions, la remise en
cause de la République telle qu'elle est définie aujourd'hui.
Cette attitude politique a pour conséquence une proposition élaborée dans la
précipitation, donc approximative et par là même dangereuse pour le futur
équilibre de nos institutions ainsi que pour le respect de ce qui fait la
spécificité de notre pays : une République une et indivisible qui reconnaît la
libre administration des collectivités territoriales comme moyen d'efficacité
démocratique et sociale.
Cette rédaction remet en cause le rôle national de nos communes, de nos
départements et de nos régions, rôle qui gêne M. Giscard d'Estaing. Ce dernier
a en effet déclaré, hier matin, qu'il fallait décentraliser la France comme
l'Italie et l'Allemagne. Ainsi que vient de le démontrer mon amie Nicole Borvo,
le véritable enjeu est d'appliquer la politique libérale du Gouvernement.
Bien entendu, la situation actuelle de ces collectivités territoriales n'est
pas satisfaisante. L'attitude des sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen lors de la discussion de chaque projet de loi de finances est
d'ailleurs claire : il faut donner aux communes, aux départements et aux
régions le moyen d'assumer leurs compétences. C'est dans cet objectif que nous
exigeons dès aujourd'hui une réforme fiscale que, pour le moment, vous vous
refusez à prévoir.
Ces difficultés croissantes ne doivent pas servir d'alibi à une remise en
cause de l'Etat républicain, à une poussée vers un fédéralisme vecteur de
libéralisme.
Notre crainte vive d'une dérive fédérale se fonde sur la rupture du principe
d'égalité qu'elle comporte ; ce maître mot de la Constitution, qui fait rêver
tant de citoyens du monde, ne supporte en effet aucune autre précision.
M. Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales, approuvait lui-même, en décembre 2001, cette orientation en se
prononçant pour « une décentralisation différenciée selon les régions ».
Il a d'ailleurs confirmé ce souhait par son « forcing » corse. Il souhaite
utiliser cette situation locale comme laboratoire de l'organisation
territoriale future de notre pays.
La promesse de l'organisation de concours régionaux d'accès à la fonction
publique est un premier signe que nous jugeons inacceptable et particulièrement
dangereux. C'est proprement la remise en cause de la fonction publique
nationale !
Le principe même d'« organisation décentralisée », expression dont le Conseil
d'Etat a souligné le caractère administratif et technique, nous apparaît
porteur d'un émiettement national.
Ce sentiment est encore renforcé par l'introduction de cette disposition dans
l'article 1er de la Constitution. Cet article est le produit de notre histoire.
Il édicte de grands principes politiques et philosophiques qui fondent l'unité
de la nation et la démocratie, cette démocratie qui a permis de défendre de si
nobles causes. Permettez-moi de vous en rappeler les termes : « La France est
une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure
l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de
race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
Compléter cette déclinaison de principes supérieurs par la phrase « Son
organisation est décentralisée » apparaît surprenant et déplacé. Nombre de
personnalités, de constitutionnalistes, nombre de nos collègues ont souligné
cette incongruité. Ils l'ont fait de manière si convaincante que la commission
des lois a décidé de retirer la modification proposée par le Gouvernement.
Pourtant, monsieur le rapporteur, vous vous êtes arrêté au milieu du gué. Vous
n'avez pas suivi le conseil avisé de M. Robert Badinter ou de M. Patrice Gélard
de renvoyer cette mention à l'article 72 de la Constitution relatif aux
collectivités territoriales, ce qui, au demeurant, ne nous semble pas utile,
mais nous aurons l'occasion d'en reparler.
Vous souhaitez donc, monsieur le rapporteur, intégrer cette disposition à
l'article 2 de la Constitution. Or cet article concerne la langue de notre
pays, son drapeau, son hymne, sa devise et le principe de la souveraineté
populaire. Il n'est pas sérieux d'y intégrer une conception, peut-être éphémère
d'ailleurs, de l'organisation territoriale !
Face à ces difficultés de rédaction, ne serait-il pas temps, messieurs les
ministres, de nous faire part de l'avis du Conseil d'Etat, qui, a-t-on pu
apprendre par la presse, s'est opposé fermement à l'article 1er du projet de
loi, comme à d'autres dispositions d'ailleurs ?
Il est frappant de constater à quel point le Conseil d'Etat est écarté des
débats comme un pestiféré
(Exclamations sur les travées du RPR),
alors
qu'il fut si longtemps considéré comme « la » référence du droit public
français.
M. Josselin de Rohan.
Vous vous êtes souvent moqués de ses avis !
Mme Hélène Luc.
Je ne voue aucun culte à l'institution du Palais-Royal, mais je suis surprise
de l'ostracisme dont, messieurs les ministres, vous la frappez aujourd'hui.
Il faut éclairer les débats. Aussi, avec tous les sénateurs de mon groupe, je
demande instamment que nous ayons connaissance des avis du Conseil d'Etat.
Messieurs les ministres, ce que vous proposez constitue un coup de force
contre la République
(Exclamations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants),
oui, je dis bien un coup de force contre la
République, contre l'égalité à laquelle tous les Français ont droit.
M. Jean Chérioux.
Tout ce qui est excessif est sans valeur !
Mme Hélène Luc.
C'est pourquoi, le 1er mai, dans toutes les villes de notre pays, ils ont
manifesté pour la défendre avec tant d'ardeur.
Compte tenu de ces quelques remarques, je pense que vous aurez compris, mes
chers collègues, que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
voteront contre l'article 1er, qui met gravement en cause la conception
républicaine de notre nation, l'originalité de la France.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
N'ayant pas eu la parole tout à l'heure alors que je la demandais pour
explication de vote, je dirai tout d'abord que nous avions l'intention de voter
contre la seconde motion présentée par le groupe communiste. En effet, nous
considérons que ce texte est un peu bâclé ; c'est d'ailleurs l'un des arguments
que nous retenons contre l'article 1er.
Nous avons déjà dit qu'élever la décentralisation au rang des grands principes
fondateurs de notre démocratie était concevable, certes, mais n'était pas
convenable. Ces grands principes d'indivisibilité, de démocratie, d'égalité, de
laïcité ne se situent pas sur le même plan. Ils n'ont pas la même valeur ni la
même portée. Il y a, d'un côté, des principes universels et, de l'autre, des
principes qui sont spécifiques à la République française.
J'ai relevé, dans les interventions de M. le garde des sceaux et de M. le
ministre délégué, un certain nombre de phrases ou de mots qui me sont apparus
quelque peu inquiétants. Ainsi, le terme de « rupture » relevé par mes amis du
groupe communiste est assez préoccupant. Je n'irai pas jusqu'à parler de
cacophonie, mais ce terme me semble contradictoire avec les propos tenus par le
Premier ministre, dans les provinces et dans cette enceinte, lorsqu'il a rendu
un hommage très appuyé à l'oeuvre de ses prédécesseurs, les initiateurs de la
décentralisation, MM. Pierre Mauroy et Gaston Defferre. Il y a là, me
semble-t-il, un abus de langage.
Ce n'est pas parce que l'on proclame qu'il faut prévoir une meilleure
couverture financière des compétences transférées que l'on peut parler de
rupture. Cela voudrait dire que les initiateurs de la décentralisation ont
sciemment voulu qu'il y ait un déséquilibre. Or ce n'est pas le cas. Qu'il y
ait eu une dérive, nous ne le nions pas. Il faut maintenant la corriger.
Mais le reste me semble plutôt aller dans le sens de la continuité, même si
nous ne saurions approuver tout ce qui nous est présenté aujourd'hui.
M. Devedjian dit que nous avions le droit de faire ce que nous voulons puisque
nous sommes des constituants. La question n'est pas là !
Nous n'avons pas dit qu'il ne fallait pas que notre République soit
décentralisée. Nous pensons seulement qu'il ne faut pas faire figurer cette
affirmation à l'endroit prévu. Comme je l'ai dit dans mon intervention
liminaire, cette question n'est pas seulement esthétique ou de pure forme. Elle
est lourde de conséquence.
Dans la discussion générale, j'ai exprimé les craintes qu'il me semblait
impossible de ne pas nourrir sur des interprétations possibles du juge
constitutionnel relativement à la prééminence éventuelle du principe de
décentralisation sur les principes d'égalité ou de laïcité. On peut très bien
concevoir une telle prééminence sur des questions majeures comme les langues
régionales, l'enseignement, la sécurité. Après tout, certains réclament, y
compris certains de mes amis, que la sécurité soit une compétence
décentralisée. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi ?
Sur de telles compétences, les principes d'égalité, de laïcité, d'unicité
peuvent subir de graves entorses en vertu du principe de décentralisation. On
pourrait même concevoir que la décentralisation soit considérée comme
supérieure au principe de l'unicité de la République. Dans ces conditions, le
fait de l'élever au même niveau que les autres principes fondamentaux me semble
tout à fait fâcheux.
Telle est la raison primordiale de notre opposition à l'article 1er.
Toutefois, outre cet argument, il en est bien d'autres, portant tant sur le
fond que sur la rédaction.
De quoi parle-t-on ? De quelle organisation s'agit-il ? On suppose, et vous
nous avez un peu rassurés sur ce point, que c'est l'organisation administrative
qui est visée. Mais alors, l'Etat serait-il décentralisé ? Vous nous avez dit
que ce n'était pas le cas, et que cela allait de soi. Mais il aurait mieux valu
le préciser !
Je me suis demandé si le fait que le Président de la République ait été
pendant longtemps attaché à la fois à Paris et à la Corrèze était suffisant
pour que l'on considère le Président de la République comme décentralisé.
(
Sourires.
) Je ne le crois pas !
De la même façon, les rois de France se transportaient dans leurs résidences
du Val de Loire, ce qui ne les empêchait pas d'être de grands centralisateurs,
ni l'Etat de demeurer très centralisé. Je pense donc qu'il aurait fallu
introduire la notion de déconcentration, et je vous suggère la formule de «
déconcentralisation », qui aurait une certaine élégance. Réfléchissez bien,
monsieur le garde des sceaux, c'est un terme qui a son intérêt ; je plaisante,
bien sûr !
La commission des lois suggère de préciser qu'il s'agit de l'organisation «
territoriale ». C'est mieux, mais cela ne lève pas l'objection majeure que
j'évoquais.
Au fond, je me demande si le Gouvernement ne cherche pas autre chose et si
l'affichage de la volonté décentralisatrice est bien l'essentiel. L'exposé des
motifs précise en effet que la décentralisation prendrait tout son sens et
toute sa portée avec l'objectif de subsidiarité présenté à l'article 4 et lie
expréssement l'article 1er et l'article 4, ce principe de subsidiarité étant
lui-même mis en oeuvre par le législateur et le Gouvernement, par l'application
sur un territoire de mesures différenciées.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue ! Vous avez largement dépassé votre temps
de parole !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Autrement dit, cette proclamation de la décentralisation, associée à la
subsidiarité, peut mettre en cause l'unité de la République, jusqu'à preuve du
contraire. Je ne vous fais pas de procès d'intention, messieurs les
ministres.
M. Roger Karoutchi.
A peine !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je crois seulement que vous pouvez être dépassés par vos oeuvres. C'est arrivé
à d'autres !
M. Jean Chérioux.
Ça, vous connaissez !
M. Jean-Claude Peyronnet.
En tout cas, pour nous, si rupture il y a, elle est là, c'est pourquoi nous ne
voulons pas de cette décentralisation-là.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Mon cher collègue et ami, je tiens à vous rappeler qu'aux termes du règlement
de notre assemblée, si un temps de parole n'excédant pas cinq minutes peut être
accordé pour explication de vote à un représentant de chaque groupe avant le
vote d'une motion d'irrecevabilité ou celui d'une motion opposant la question
préalable, il n'en va pas de même avant le vote d'une motion tendant au renvoi
à la commission.
Aussi, vous n'avez aucunement été pénalisé tout à l'heure. Au demeurant, pour
tenir compte de votre souhait, je vous ai accordé un temps de parole un peu
plus long pour la présente intervention.
La parole est à M. Jean-Louis Masson.
M. Jean-Louis Masson.
Je suis, bien évidemment, très heureux que nous consacrions le principe de
l'organisation décentralisée de la France. Je reste néanmoins perplexe par le
fait que le principe de l'organisation décentralisée de la République soit
introduit dès l'article 1er de la Constitution et qu'ensuite seulement soient
évoquées les modalités de la décentralisation et que soient fixés notamment les
différents échelons de cette décentralisation. Il serait préférable, à mon
sens, que des précisions supplémentaires soient apportées dès que la
décentralisation est évoquée, notamment pour ce qui concerne le niveau de
l'organisation territoriale des échelons décentralisés.
En effet, la France connaît actuellement une superposition considérable
d'échelons administratifs déconcentrés, décentralisés. En partant de l'échelon
européen, on trouve l'Etat, les régions, les départements, les
intercommunalités, les communes. On peut se demander si une bonne
décentralisation ne devrait pas passer par une remise en ordre de l'ensemble du
système.
Dès lors, il eût été préférable de juxtaposer l'alinéa que nous examinons
actuellement avec les alinéas qui seront joints à l'article 72.
Si je suis très favorable à la décentralisation, je ne pense pas que l'on
doive concevoir celle-ci comme l'ajout d'échelons supplémentaires sans jamais
en supprimer, en engendrant toujours plus de complications. A un moment donné,
il faut penser la décentralisation comme une organisation simplifiée de la
France.
La création des départements en 1789 a répondu à une logique, celle de faire
en sorte que chaque citoyen soit proche de son administration, en particulier
qu'il puisse dans la journée se rendre au chef-lieu de son département. Par
exemple, en Moselle, une journée était nécessaire pour se rendre de l'extrême
bout du département, de Bitche, par exemple, jusqu'au chef-lieu, Metz.
Aujourd'hui, on peut se rendre en deux heures, deux heures et demie grand
maximum, de n'importe quel point d'une région à son chef-lieu. Ainsi, on va de
Remiremont à Metz en deux heures.
On peut donc légitimement se demander - et je pense que le président du Sénat,
qui a été longemps maire de Remiremont, ne me contredira pas - s'il est
toujours opportun de parler de décentralisation en ajoutant des échelons et
s'il ne faudrait pas, au contraire, envisager une simplification.
L'échelon départemental a été nécessaire à un moment donné ; on peut penser
qu'il l'est toujours, mais, pour ma part, je ne suis pas persuadé que l'on
puisse continuer à parler de décentralisation sans, à un moment donné,
privilégier une ou deux collectivités. Selon moi, il conviendrait de
priviliéger la commune et la région, et parvenir, par la suite, à supprimer les
échelons qui, progressivement, deviendront inutiles.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Guy Branger.
M. Jean-Guy Branger.
Monsieur le président, je tiens tout d'abord à vous présenter mes excuses : si
j'ai rejoint tardivement l'hémicycle, c'est que j'assistais à une réunion de
commission.
Jacques Chirac, en juillet dernier, annonçait sa volonté de mener une réforme
audacieuse touchant à l'organisation administrative de la République,
l'objectif étant d'aller vers une « nouvelle architecture des pouvoirs ».
La précédente grande redistribution des pouvoirs date en effet d'une vingtaine
d'années ; Pierre Mauroy était alors Premier ministre. Elle est née d'une
logique de répartition des compétences par blocs, associée à l'absence de
tutelle d'une collectivité sur l'autre. Tant la pratique que les réformes
d'adaptation qui se sont ensuivies ont fait évoluer cette décentralisation vers
une cogestion qui a abouti à une recentralisation, les collectivités
territoriales participant de plus en plus au financement des compétences de
l'Etat et voyant leurs recettes propres diminuer grandement.
Ces dix dernières années ont été, à cet égard, édifiantes et le souvenir que
nous en avons tous ici est particulièrement cuisant puisque, mes chers
collègues, vous êtes nombreux à participer comme moi à l'administration de
collectivités territoriales.
Je ne prendrai pour exemples que la suppression des parts régionale et
départementale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties dans la loi de
finances de 1993, la réforme des droits de mutation dans la loi de finances de
2000, la suppression de la vignette automobile dans la loi de finances de 2001
et, bien entendu, la récente création de l'allocation personnalisée
d'autonomie, dont le financement, devant être assuré pour les deux tiers par
les départements, n'a jamais fait l'objet des mesures qui en auraient permis la
mise en oeuvre réelle et équitable.
Tout cela nous a valu d'augmenter substantiellement la pression fiscale dans
nos collectivités territoriales.
C'est pourquoi on ne peut qu'accéder au souhait du chef de l'Etat et du
Gouvernement de procéder à une nouvelle répartition des compétences, clairement
définie et s'accompagnant de la mise en oeuvre d'une véritable autonomie
financière des collectivités territoriales.
Le Gouvernement a souhaité inscrire à l'article 1er de la Constitution le
principe de l'organisation décentralisée de la France. En lui assignant cette
position dans la Constitution, il fait de la décentralisation l'un des
principes essentiels de la République, au même titre que l'indivisibilité du
territoire ou l'égalité des citoyens devant la loi.
Cette place symbolique attesterait le caractère prépondérant de ce principe,
comme son caractère irréversible, ainsi que l'a souligné notre commission des
lois.
Dès lors, l'incertitude qu'éprouvent certains quant à l'interprétation future
de la loi par le Conseil constitutionnel ne doit pas nous faire reculer.
Maintenir ce principe à l'article 1er est nécessaire, voire indispensable, même
si ce maintien peut faire craindre des frictions lorsqu'il sera confronté par
le Conseil constitutionnel aux principes équivalents d'indivisibilité du
territoire et d'égalité des citoyens devant la loi.
Toutefois, les décisions éclairées du Conseil constitutionnel nous ont maintes
fois démontré que ces principes n'étaient nullement contraires au développement
des initiatives locales. En effet, il a consacré, dans la mesure de ce que lui
permettaient les lois en vigueur, le principe de libre administration des
collectivités territoriales.
C'est ainsi qu'il a pu, tout en tenant compte - outre les principes
d'indivisibilité et d'égalité des citoyens - du principe d'unité de la
souveraineté nationale, reconnaître dans de nombreuses décisions la validité de
pouvoirs particuliers aux collectivités territoriales.
Dans une décision capitale du 17 janvier 2002, il a consacré pour la première
fois le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales sur le fondement
de l'article 72 de la Constitution, ainsi que la valeur constitutionnelle de
l'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre, posée par le
code général des collectivités territoriales.
Il a également rendu des décisions encadrant très strictement la mise, par
l'Etat, à la charge des collectivités territoriales de certaines obligations :
celles-ci doivent être définies avec précision quant à leur objet et à leur
portée, et elles ne sauraient entraver leur libre administration. A notamment
été affirmée par le Conseil constitutionnel la nécessité de garantir
l'autonomie financière des collectivités territoriales.
A de nombreuses reprises, le Conseil constitutionnel s'est efforcé de donner
plus de portée au principe de libre administration des collectivités, parfois
en censurant le législateur. Bien sûr, il n'a pu le faire que dans le cadre des
lois en vigueur, c'est-à-dire en étant malgré tout limité par les principes
fondateurs déjà rappelés. Il n'a ainsi pu que souligner le caractère résiduel
et subordonné du pouvoir réglementaire des collectivités territoriales.
C'est pourquoi, en incluant dans la Constitution, au même niveau que les
autres principes fondateurs, c'est-à-dire à l'article 1er, le principe selon
lequel l'organisation de la République est décentralisée, je suis certain que
non seulement nous respecterons l'esprit dont le Gouvernement a entendu doter
ce texte fondamental, mais encore nous permettrons au Conseil constitutionnel
de poursuivre son oeuvre d'appui à la décentralisation, en lui fournissant un
socle étendu de principes équivalents, dont il pourra contrôler la mise en
oeuvre dans les futures lois qui viendront compléter - avec beaucoup de
précision, je l'espère, car c'est indispensable - le dispositif législatif que
nous nous apprêtons à voter.
M. le président.
La parole est à M. Pierre Mauroy.
M. Pierre Mauroy.
Monsieur le garde des sceaux, j'ai été un peu étonné de vous entendre insister
sur la notion de rupture, particulièrement à propos de cet article 1er. J'en
conclus que vous vous considérez comme étant en situation de rupture sur ce
sujet essentiel.
Qu'on ait pu parler de rupture il y a vingt ans, cela peut se comprendre car
il y avait vraiment, alors, rupture entre la gauche et la droite : à l'époque,
en effet, vous n'acceptiez absolument pas les lois de décentralisation.
Depuis, nous avons fait du chemin, vous et nous d'ailleurs. Cela s'est en
particulier manifesté à l'occasion du débat qu'ont suscité les conclusions de
la commission que j'ai présidée. Sur les 154 propositions qu'elle a élaborées,
il en est tout de même un certain nombre qui ont fait l'objet d'un consensus,
ce consensus qui, au demeurant, s'établit normalement entre les élus. Les élus
ont évidemment des convictions, mais tous sont sensibles à la nécessité de
servir la population.
Le gouvernement de Lionel Jospin, je tiens à le rappeler au début de ce débat,
ne m'avait pas donné une mission de rupture. Je crois même qu'il avait souhaité
que puisse s'établir une sorte de consensus.
Je le rappelle, car certains, notamment des journalistes, s'étonnent : puisque
nous étions pour la décentralisation et que le Gouvernement est pour la
décentralisation, ils se demandent ce qui se passe. En vérité, monsieur le
garde des sceaux, il se passe que vous voulez - et le mot que vous avez employé
le prouve - une autre décentralisation. Vous êtes donc bien en situation de
rupture.
Par conséquent, nous attendons avec une certaine inquiétude vos projets de loi
organique et de loi ordinaire pour savoir quelle allure prendra cette
décentralisation que vous voulez.
Pour notre part, nous restons fidèles à notre conception de la
décentralisation, celle qui avait reçu l'accord des Français, en tout cas de la
majorité des Français et, je dois le dire, de la majorité des élus ainsi que
des débats que nous avons eus ici en maintes occasions l'ont fait
apparaître.
Bien entendu, le Gouvernement et sa majorité sont, dans une large mesure,
maîtres de la situation, libres de donner à la France la décentralisation
qu'ils souhaitent.
Vous, vous voulez la rupture mais nous, nous ne varions pas : nous sommes
toujours en accord avec les principes de notre République et je ne sais pas
pourquoi, monsieur le garde des sceaux, vous avez pris un malin plaisir à les
égratigner.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe
socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Je ne voudrais pas que mon propos soit mal compris ou
qu'il donne lieu à une interprétation erronée.
Quand j'ai utilisé le mot « rupture », monsieur Mauroy, c'était à propos de la
méthode. Les explications que j'ai ensuite données sur le texte l'ont
d'ailleurs, je pense, démontré.
Vous avez procédé, il y a vingt ans, à une décentralisation fondée sur
l'attribution aux diverses collectivités de compétences définies à l'avance :
ont été transférées aux régions, départements et communes des compétences
techniques qui étaient auparavant exercées par l'Etat.
S'il y a rupture aujourd'hui dans notre démarche, c'est d'abord parce que nous
ouvrons les champs du possible au niveau constitutionnel, ensuite parce que,
par là même, nous ouvrons des débats, et enfin parce que, notamment grâce à
l'expérimentation, nous recherchons dans la durée le niveau pertinent de
l'exercice des compétences.
Je n'ai pas du tout parlé d'une rupture à caractère politique entre une
majorité et une opposition, une rupture du consensus. Que les choses soient
bien claires, monsieur Mauroy : c'est une rupture dans la méthode que j'ai
souhaité évoquer, et rien d'autre.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 124 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée.
L'amendement n° 167 rectifié est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret,
Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet,
M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 1, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« L'article 2 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Son organisation territoriale est décentralisée. »
Le sous-amendement n° 87, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 1 pour compléter l'article 2 de la
Constitution, après le mot : "territoriale" insérer les mots : "et
administrative". »
L'amendement n° 86, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte de cet article, pour compléter l'article 1er de
la Constitution :
« Sous réserve des principes fondamentaux garantis par la Constitution,
notamment par son préambule, son organisation territoriale et administrative
est décentralisée. »
L'amendement n° 205, présenté par MM. Delfau, Fortassin, A. Boyer, Baylet et
Collin, est ainsi libellé :
« A. - Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II. - L'article 1er de la Constitution est complété par un second alinéa
rédigé comme suit :
« L'Etat assure à chaque citoyen l'égalité des chances sur tout le territoire,
grâce à une répartition équitable des ressources et à l'intervention des
services publics. »
« B. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
"I". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour défendre l'amendement n° 124.
M. Jean-Pierre Sueur.
Il a déjà été maintes fois dit combien l'article 1er de la Constitution, fruit
de toute notre histoire, était empreint d'une grandeur, d'une noblesse, d'une
solennité républicaine...
M. Josselin de Rohan.
Oh là là !
M. Jean-Pierre Sueur.
... telles qu'il est difficile d'y insérer une disposition relative à
l'organisation.
M. Josselin de Rohan.
Mais ils ne l'ont pas votée, la Constitution de 1958 !
M. Michel Charasse.
On a le droit de la défendre ! Je l'aurais votée si j'avais eu à le faire !
M. Jean-Pierre Sueur.
Quelle est la formulation qui nous est proposée ? « Son organisation est
décentralisée. » De l'emploi de l'adjectif possessif « son » il découle que
c'est nécessairement à la totalité de la République que s'applique, dans cette
phrase, le terme « décentralisée ». D'où le malaise qui est ressenti dans
certains secteurs de l'opinion et sur certaines travées de cet hémicycle. Dès
lors que l'on écrit : « Son organisation », cela signifie que c'est la
République elle-même qui est organisée globalement de manière décentralisée.
Mme Nicole Borvo.
C'est le fédéralisme !
M. Jean-Pierre Sueur.
Or, comme cela a été exposé par M. Jean-Claude Peyronnet tout à l'heure,...
M. Michel Charasse.
Brillamment !
M. Jean-Pierre Sueur.
... le Président de la République fait partie, et de manière éminente, de la
République. Le Parlement fait partie de la République. L'organisation
judiciaire fait partie de la République.
Qu'est-ce que l'organisation décentralisée de la Cour de cassation ?
Qu'est-ce que l'organisation décentralisée de la Cour des comptes ou du
Conseil d'Etat ?
Qu'est-ce que l'organisation décentralisée de l'administration de notre pays
?
Autant il est normal et même nécessaire que les collectivités territoriales
soient organisées selon le principe de la décentralisation, autant il n'est
guère concevable que l'organisation administrative de l'Etat puisse être
décentralisée. Un préfet n'est pas décentralisé ! Ou alors il faudrait
complètement changer l'idée que nous nous faisons de l'organisation
administrative même de la République ! Les services de l'Etat ne sont pas
décentralisés : ils sont déconcentrés, et ils doivent sans doute l'être encore
davantage.
Je suis impatient de savoir ce qui va être opposé à cette objection majeure en
vertu de laquelle lorsque l'on écrit, s'agissant de la République, « son
organisation est décentralisée », l'adjectif possessif s'applique à la totalité
de l'entité que constitue la République.
Même lorsqu'on est un ardent défenseur de la décentralisation, il est
impossible d'admettre que l'organisation de la République dans sa totalité
puisse être qualifiée de « décentralisée ». Et nous savons bien que nombreux
sont ceux qui voient les choses ainsi. D'ailleurs, la commission des lois a
bien perçu le problème que cela posait.
Y a-t-il donc une sorte de volonté absolue d'écrire quelque chose dont chacun
sait que cela ne correspond pas à la réalité ? Si ce n'est pas le cas, qu'on
nous explique de quoi il s'agit au juste. Moi, je ne demande qu'à comprendre
!
Mes chers collègues, il est beaucoup plus sage de maintenir l'article 1er de
la Constitution en l'état et de trouver la bonne place et la bonne formulation
pour évoquer la décentralisation. Car il est impossible, sauf à nier ce qu'est
la République et à remettre complètement en cause la définition qui en est
donnée à l'actuel article 1er de la Constitution, de dire que la totalité de
l'entité « République » procède d'une organisation décentralisée. Même si cela
est voté, chacun saura que ce n'est pas la vérité.
(Applaudissements sur les
travées du groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 167
rectifié.
Mme Josiane Mathon.
M. Sueur a très bien su défendre cet amendement de suppression.
Dès son premier article, ce projet de loi constitutionnel nous heurte par son
contenu car les valeurs fondamentales de la République ne peuvent être
contingentes d'un simple concept d'organisation de la République, il convenait
de bien le rappeler.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement commence à me poser bien des problèmes,
monsieur le président !
Nous avions pensé que l'expression « organisation décentralisée » était
difficile à comprendre et peu facile à appliquer, et qu'elle pouvait être
précisée par le qualificatif de « territoriale ». Nous nous étions également
dit qu'il était bon de faire figurer ce principe à l'article 2 de la
Constitution.
Notre raisonnement se fondait sur l'une des bases des textes normands qui
s'appliquent encore à Jersey et Guernesey : l'homme est sire de seï,
c'est-à-dire de lui-même. Tout individu est porteur d'une partie de la
souveraineté nationale. Chacun a sa petite parcelle de feu. Nous nous étions
donc dit que l'adjectif « territorial » se justifiait à cet endroit du
texte.
Mais plus j'entends les arguments de mes collègues et plus je me dis que j'ai
fait une erreur. Je retire donc mon amendement.
(Exclamations sur les
travées socialistes.)
M. Jean-Claude Carle.
C'est la sagesse !
M. le président.
L'amendement n° 1 est retiré et le sous-amendement n° 87 n'a plus d'objet.
M. Michel Charasse.
Je reprends l'amendement n° 1, monsieur le président, et je le modifie pour
tenir compte de mon sous-amendement n° 87.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Charasse et
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 1er :
« L'article 2 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Son organisation territoriale et administrative est décentralisée. »
Je vous donne la parole, monsieur Charasse, pour défendre cet amendement n° 1
rectifié ainsi que l'amendement n° 86.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la rédaction
de ce projet de loi constitutionnelle - n'y voyez là aucune attaque
ad
hominem
- n'est pas excellente.
Non seulement le texte est assez lourd, difficile à comprendre, plein de nids
à contentieux - je parle de l'ensemble - mais on a le sentiment que seront
inscrits dans la Constitution non pas des grands principes, puisque la
Constitution ne doit contenir que cela, mais des éléments qui touchent un peu à
la vie courante, qui relèvent plus ou moins de bavardages ou de conversations
que je ne qualifierai pas de café du Commerce pour ne vexer personne. Bref, je
pense, mes chers collègues, que le général de Gaulle et Michel Debré doivent se
retourner dans leur tombe en lisant ce texte.
Aucune modification de la Constitution n'est jamais anodine, personne ne peut
savoir ce qu'un texte constitutionnel devient et ce qu'on en fait.
Le choix du régime d'assemblée en 1946 a eu les conséquences que l'on sait
tous, et je dirai même que la révision constitutionnelle du 10 juillet 1940 a
eu des conséquences que beaucoup n'avaient certainement pas prévues, même si
certains avaient pu les imaginer. A l'époque, personne ne s'était dressé contre
les actes constitutionnels du Maréchal alors qu'ils étaient manifestement
contraires à la loi du 10 juillet 1940. Le Conseil d'Etat n'avait pas osé les
annuler.
Or, aujourd'hui, nous nous livrons pieds et poings liés à l'interprétation
souveraine du Conseil constitutionnel, institution contre laquelle je n'ai
rien, on l'imagine bien ! Il n'empêche que je préfère m'en remettre aux textes
eux-mêmes plutôt qu'aux jurisprudences, quelle que soit la qualité de ceux qui
les rendent.
Selon que le Conseil constitutionnel sera jacobin ou fédéraliste, avec cet
article 1er et cette modification, le visage de la République sera une chose ou
une autre. Il nous faut donc être prudents, il nous faut faire attention - j'y
insiste - pour éviter, au moins lors des travaux préparatoires, des
interprétations que nous pourrions regretter amèrement un jour.
Mes chers collègues, depuis le dépôt de ce texte, je me demande ce que
signifie l'expression « organisation décentralisée de la République » dans une
République qui est unie et indivisible et qui est fondée, notamment, sur le
principe d'égalité.
Il faudrait demander son avis à l'Académie française mais, selon moi, il y a
une contradiction entre les termes « décentralisée » et « unitaire », encore
qu'on puisse parler, comme le disait M. Devedjian tout à l'heure, de
déconcentration, ce qui est une autre chose.
Peut-être s'agit-il d'une mesure d'organisation administrative ? Monsieur
Devedjian, j'emploie ce terme parce qu'il figure à la page 4 de votre exposé
des motifs. Je l'ai sous les yeux et je ne vais pas le lire pour ne pas nous
faire perdre de temps. Je n'ai rien inventé, je ne suis pas assez fort pour
cela, face à vous !
Peut-être est-ce une mesure d'organisation administrative et territoriale,
comme le proposait jusqu'à il y a un instant la commission, et l'on peut alors
considérer que cette disposition a sa place, si l'on y tient vraiment, à
l'article 1er ? Peut-être est-ce une mesure qui va plus loin, comme nous le
disait la commission des lois et convient-il, comme c'est expliqué dans le
rapport de façon très claire, d'assouplir la jurisprudence trop stricte du
Conseil constitutionnel en ce qui concerne l'indivisibilité de la République et
du territoire et le principe d'égalité ?
Sans doute les notions d'égalité - pour lequel se sont battues depuis deux
cents ans des générations de citoyens - et d'indivisibilité de la République -
qui à conduit le général de Gaulle à écrire, en 1958, dans la Constitution
actuelle, en souvenir de ce qui s'était passé en 1940, qu'on ne peut pas
réviser la Constitution lorsque le territoire est occupé - ne sont-elles
désormais plus assez communautaristes, plus assez modernes, pas au goût du
jour. La presse s'en fait l'écho : elle sait tout ce qu'il faut dire, elle
!...
Si cette mesure vise, en fait, à atténuer les principes de l'article 1er,
voire à le remettre en cause, elle a sa place en son sein, mais, dans ce cas,
cette disposition ne risque-t-elle pas, compte tenu des explications figurant
dans le rapport de la commission des lois - puisqu'il faut assouplir
l'interprétation du Conseil constitutionnel sur l'égalité et l'indivisibilité -
d'entraîner une remise en cause de la forme républicaine du Gouvernement que
l'article 89 de la Constitution nous interdit de réviser ? La question se pose
et, si tel est le cas, cette disposition a sa place à l'article 1er
S'il ne s'agit pas d'atténuer la portée de l'article 1er, comme le proposent
les membres du groupe socialiste, cette disposition a sa place dans le titre
XII et non dans le titre Ier, qui est intitulé « De la souveraineté », parce
que je ne vois pas en quoi les collectivités locales participent à l'exercice
de la souveraineté.
La commission vient de retirer son amendement n° 1. Par conséquent, cet
argument tombe !
Quant aux termes « territoriale et administrative », soit ils sont
restrictifs, et les principes de l'article 1er sont sauvegardés, soit ils sont
sans valeur normative, et la République court de grands dangers.
Tout à l'heure, un collègue parlait de la « République des proximités ». Mais
de quoi s'agit-il ? De la République libre de Montmartre ? C'est du folklore
!
La « République des proximités », cela n'existe pas ! Il y a la République, un
point, c'est tout !
Tant de gens, depuis plus de deux cents ans, sont morts en pensant à elle et
en la défendant que l'on n'a pas le droit de tenir de tels propos de café du
Commerce ou de considérer qu'il s'agit d'un élément d'une fête folklorique.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Nous parlons d'un sujet sérieux !
J'entendais tout à l'heure M. de Rohan dire que les socialistes n'avaient pas
voté la Constitution de 1958. Mais, monsieur le sénateur, si à l'époque j'avais
été électeur, je l'aurais sans doute votée parce que j'ai une conception de
l'Etat que vous connaissez. C'est peut-être la première infidélité que j'aurais
faite à François Mitterrand. Je ne lui en ai pas fait beaucoup....
M. Jean-Claude Carle.
C'est vrai !
M. Michel Charasse.
... mais il y aurait eu au moins celle-là !
Je vous rappelle que le général de Gaulle, rentrant à Paris en mai 1944, à
quelqu'un qui lui disait : « Mais, mon général, proclamez la République ! », a
répondu : « Je n'ai pas à proclamer la République, elle n'a jamais cessé
d'exister ! » En disant cela, il pensait non à la République des proximités
mais à la République assise sur les grands principes de 1789, sur la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen notamment.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Faire figurer les adjectifs « territoriale et administrative » me paraît être
le minimum de précaution pour garantir qu'il n'y aura pas en France « plusieurs
Etats et cent Républiques », comme le disait le président Mitterrand
autrefois.
Cela signifie, mes chers collègues, que si l'on peut décentraliser certaines
choses et en déconcentrer d'autres - et l'on n'a pas besoin de faire figurer la
déconcentration dans la Constitution, puisque c'est l'organisation
administrative de l'Etat - on ne peut décentraliser que ce qui peut être
décentralisé et non ce qui ne peut pas l'être parce que ce serait, à terme,
donner la souveraineté à une section du peuple, ce qui est une horreur
majeure.
Bref, vous l'aurez compris, mes chers collègues, dans ce débat, je ne serai
pas girondin !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau, pour défendre l'amendement n° 205.
M. Gérard Delfau.
L'article 1er de la Constitution a pour objet d'énoncer les principes
fondateurs de la République. Il a, dans sa rédaction actuelle, son équilibre et
sa philosophie ; il a sa force symbolique.
Nul ne peut nier que l'introduction de la phrase : « Son organisation est
décentralisée » ajoute un élément nouveau qui aura, tout au long du déroulement
de la discussion du texte constitutionnel et dans l'éventuelle application du
nouveau texte, s'il était voté, une infinité de conséquences.
Cette nouvelle rédaction entraînera un changement d'équilibre dans
l'architecture institutionnelle de notre pays qui, depuis plusieurs siècles,
s'est bâti autour de la notion d'un Etat garant de l'égalité, et donc de la
cohésion sociale et territoriale.
De plus, à la réflexion et compte tenu de notre discussion depuis le début de
ce débat, je pense à présent qu'il existe un risque de changement de nature du
régime et que la voie est ouverte à une fédération des collectivités
territoriales.
M. Roger Karoutchi.
Mais pourquoi ?
M. Gérard Delfau.
J'avais cru bon, dans un premier temps, de corriger, d'amender, de
rééquilibrer le texte en proposant, par l'amendement n° 205, d'ajouter, comme
je l'ai expliqué dans la discussion générale, la phrase : « L'Etat assure à
chaque citoyen l'égalité des chances sur tout le territoire, grâce à une
répartition équitable des ressources et à l'intervention des services publics.
»
Je souhaitais ainsi contrebalancer le mécanisme d'aggravation des inégalités
que recèle très naturellement et très logiquement tout renforcement de
l'autonomie des collectivités locales.
Compte tenu de la formule employée par M. le garde des sceaux tout à l'heure
sur la « rupture » avec la première phase de décentralisation, à la suite d'une
lecture attentive du rapport de la commission et en raison de l'attitude
actuelle de M. le rapporteur
(M. Roger Karoutchi s'exclame),
je me rends
compte qu'il y a bien, non pas déséquilibre, mais sans doute acceptation par le
Gouvernement d'une évolution profonde et substantielle tendant à rompre
véritablement avec le régime politique qui est le nôtre depuis déjà plus d'un
siècle.
Par conséquent, monsieur le président, je retire l'amendement n° 205 et j'en
profite pour annoncer que je voterai pour les amendements identiques n°s 124 et
167 rectifié tendant à supprimer l'article 1er.
M. Michel Charasse.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° 205 est retiré.
M. Claude Estier.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier.
M. le rapporteur vient, en plein combat, en pleine campagne, de retirer
l'amendement n° 1, qui avait été adopté à l'unanimité en commission des lois et
dont l'exposé des motifs figure toujours dans son rapport.
Cet acte extrêmement grave me conduit, au nom du groupe socialiste, à demander
une suspension de séance pour que la commission des lois se réunisse et que
nous tirions cette affaire au clair.
Mme Hélène Luc.
Vous avez tout à fait raison, mon cher collègue !
Vous voyez bien, monsieur le président, qu'il faut renvoyer le texte à la
commission !
M. le président.
Le Sénat va accéder à votre demande, monsieur Estier.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit
heures dix.)
M. le président.
La séance est reprise.
La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Monsieur le président, monsieur le garde
des sceaux, mes chers collègues, la commission des lois a apporté son soutien
au retrait de l'amendement n° 1 par M. le rapporteur.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 124, 167 rectifié, 1
rectifié et 86 ?
M. René Garrec,
rapporteur.
La commission est défavorable à l'amendement n° 124, qui est
contraire à la position qu'elle a prise. L'inscription, en tête de la
Constitution, du principe selon lequel l'organisation de la République est
décentralisée permettra de consacrer symboliquement la décentralisation et de
marquer l'irréversibilité du processus. Elle permettra à la fois de réaffirmer
solennellement le caractère unitaire de l'Etat et de marquer la spécificité de
son organisation par rapport à d'autres pays européens, en particulier les
états fédéraux.
L'affirmation du caractère décentralisé de l'organisation de la République
deviendra ainsi la pierre de touche de l'ensemble des droits reconnus aux
collectivités territoriales dans la Constitution, qu'il s'agisse du principe de
subsidiarité, du droit à l'expérimentation locale, du pouvoir réglementaire des
collectivités territoriales ou de leur autonomie financière.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 167 rectifié, pour
les mêmes raisons.
L'avis de la commission sera le même sur l'amendement n° 1 rectifié ; cela ne
surprendra personne. L'emploi du terme « organisation administrative » semble
inopportun dans la mesure où les collectivités territoriales sont administrées
par des conseils élus au suffrage universel direct.
Faire de la décentralisation un simple processus de réorganisation
administrative serait par trop réducteur, alors qu'elle vise à améliorer
l'efficacité de l'action publique et à approfondir la démocratie. La commission
propose donc à l'auteur de cet amendement de le retirer. Sinon, elle émettra un
avis défavorable.
L'avis de la commission est identique sur l'amendement n° 86.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'ensemble
de ces amendements pour quatre raisons.
Premièrement, l'article 1er énonce les grands principes. Or la
décentralisation est, à nos yeux, un grand principe.
Deuxièmement, nous voulons conjuguer en même temps et de manière équilibrée
l'indivisibilité de la République et la décentralisation. C'est la raison pour
laquelle nous voulons que ces deux notions figurent dans le même article.
Troisièmement, nous voulons, en les plaçant en tête du dispositif
constitutionnel, c'est-à-dire au sein de ce que René Cassin appelait « la
prolongation du préambule », indiquer au Conseil constitutionnel, lorsqu'il y a
lieu à interprétation, notre volonté d'établir un équilibre entre
l'indivisibilité de la République et la décentralisation. J'indique à M. Sueur,
au demeurant, que le deuxième alinéa de l'article 3 garantit l'indivisibilité
de la République et que, bien entendu, personne ne songe à y toucher !
Enfin, quatrièmement, nous considérons que l'organisation administrative est
décentralisée, mais que, au-delà, c'est aussi le pouvoir politique qui est
décentralisé, puisque la décentralisation vise des organes élus, donc
politiques.
Je voudrais aussi rappeler à M. Charasse, qui nous a tout à l'heure un petit
peu « chatouillés » gentiment, aimablement, courtoisement et avec toute la
culture dont il est capable, ce que le général de Gaulle disait au moment du
référendum de 1969 car, s'il est vrai que nous avons tous fait du chemin en ce
qui concerne la Constitution de la Ve République, vous en avez fait aussi,
monsieur Charasse, comme beaucoup de socialistes : ces derniers, en 1982, grâce
à vous, monsieur Mauroy, ont accepté le principe de la décentralisation.
Le général de Gaulle disait, à Lyon, le 24 mars 1968 : « L'effort
multiséculaire de centralisation, qui lui fut longtemps nécessaire - il parlait
de notre pays - pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des
provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s'impose plus
désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent
comme les ressorts de sa puissance économique de demain. »
Il disait encore : « Il est nécessaire de donner à chaque région une vie
propre pour que notre pays mette en valeur tout ce qui vaut dans chacune de ses
parties et cesse, en se vidant lui-même, d'amasser sa substance à Paris et à
ses alentours. »
Monsieur Charasse, nous n'avons nullement le sentiment de renier le général de
Gaulle en nous inscrivant dans cette continuité.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote sur les amendements
indentiques n°s 124 et 167 rectifié.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, j'ai demandé tout à l'heure à M. le ministre de nous
informer de l'avis du Conseil d'Etat.
Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
C'est vrai !
Mme Hélène Luc.
Je voudrais avoir une explication. En effet, je trouve absolument incroyable
que ce soit le journal
Le Monde
qui nous ait appris la seule chose que
nous connaissions de cet avis !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Il a commis une indiscrétion !
Mme Hélène Luc.
Qu'on nous fournisse le texte, ou en tout cas l'essence de son contenu, car
j'aimerais bien connaître l'avis du Conseil d'Etat !
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Madame Luc, vous avez tout à fait raison : j'ai omis de
répondre à votre demande tout à l'heure, mais je vais le faire maintenant.
Naturellement, il n'est pas question de communiquer cet avis, qui est couvert
par le secret, et ce pour une raison tout à fait compréhensible : dans cette
fonction d'avis, le Conseil d'Etat agit non pas en tant que juge, mais comme
conseil.
M. Claude Estier.
Cet avis a été communiqué à la presse !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Quand vous allez consulter un avocat pour obtenir un
avis éclairé sur un litige vous concernant, vous ne souhaitez pas que cet
avocat rende public l'avis qu'il vous a donné ! Dans le cas présent, c'est la
même chose.
Mme Hélène Luc.
Cela permet de se faire un jugement ! Pourquoi et comment la presse en
a-t-elle eu connaissance ?
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Aux termes de l'article 39 de la Constitution, « l'initiative des lois
appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement. Les
projets de lois sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil
d'Etat... » Le Conseil d'Etat figure donc dans la Constitution ! Il est vrai,
monsieur le ministre, que cet avis est confidentiel et qu'il est réservé au
Gouvernement.
M. Josselin de Rohan.
Et voilà !
M. Michel Charasse.
Par conséquent, en principe, cet avis n'est pas communicable. Mais je vous
pose la question suivante, monsieur le président, et je pense qu'elle sera
soulevée lors d'une prochaine réunion du bureau du Sénat : nous faudra-t-il
ajouter à notre carte de sénateur la carte de presse pour avoir droit à ce
qu'on distribue aux journalistes et qu'on refuse aux parlementaires ?
Mme Hélène Luc.
Exactement !
M. Michel Charasse.
Ou bien l'avis du Conseil d'Etat est secret, et il l'est pour tout le monde,
ou bien il n'est pas secret et, dans ce cas-là, il faut nous le communiquer
!
Je n'accepterai jamais que des personnes extérieures au Parlement puissent
obtenir des informations que l'on refuse au législateur, alors que c'est lui
qui est chargé de faire la loi. Et, comme je n'ai pas envie d'aller fouiller
moi-même les poubelles du Conseil d'Etat, puisque je ne suis pas pigiste au
Monde (Sourires) -,
car c'est ainsi que cela se passe -, je souhaite
que, désormais, soit on veille à garder le caractère strictement secret des
avis du Conseil d'Etat, soit, à partir du moment où il y a des fuites, on les
distribue. Or, cher monsieur Devedjian, il se trouve qu'il y a eu une
fuite,...
M. Alain Vasselle.
Ce n'est ni la première ni la dernière ! Et c'est la même chose avec la Cour
des comptes !
M. Michel Charasse.
... puisque ce texte a circulé sous le manteau et a été publié par extraits
dans tous les journaux. Dès lors, y a-t-il une difficulté majeure à communiquer
cet avis aux parlementaires qui en font la demande ?
J'ajoute que la tradition veut que l'avis soit quelquefois communiqué, à titre
personnel, au président de la commission des lois - ce qui est tout à fait
normal, d'ailleurs -, mais que celui-ci n'en fasse pas état. Ce n'est pas parce
qu'il est lui-même membre du Conseil d'Etat que je dis cela, mais il se trouve
que c'est la tradition.
Nous sommes tout de même dans une situation baroque ! Je n'accuse pas le
Gouvernement d'avoir organisé la fuite, je dis simplement que pour nous,
parlementaires, la situation est insupportable. Si l'Etat n'est pas capable de
protéger ses propres secrets, alors qu'il en tire les conséquences !
Vous le constatez, c'était un vrai rappel au règlement, monsieur le président
!
(Applaudissements.)
M. le président.
Plus qu'un rappel au règlement, c'était un rappel à la Constitution, monsieur
Charasse !
Mme Hélène Luc.
C'était même plus !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les
amendements identiques n°s 124 et 167 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur.
J'expliquerai également mon vote sur l'amendement n° 1 rectifié de M.
Charasse.
Je n'avais pas prévu de prendre la parole mais, compte tenu de ce qui s'est
passé au sein de la commission des lois, j'ai décidé de m'exprimer. En effet,
mes chers collègues, la commission des lois, à la suite d'un long et riche
débat, avait adopté à la majorité la rédaction suivante : « Son organisation
territoriale est décentralisée. » Nous avons donc été très surpris de voir le
président de la commission, également rapporteur, retirer cet amendement sans
qu'il y ait eu de débat préalable entre nous. Ce débat a eu lieu par la suite
et, en quelques minutes, la majorité de la commission des lois a décidé de
changer d'avis et de suivre son président-rapporteur.
M. Josselin de Rohan.
C'est son droit !
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est effectivement son droit le plus strict !
Pour notre part, nous considérons que, sur le plan de la méthode et de la
forme, un tel acte pose un réel problème de fonctionnement ; nous l'avons
dit.
Pour ce qui est du fond, à partir du moment où nous sommes profondément
attachés à l'idée de la République telle qu'elle est définie dans l'article 1er
de la Constitution, il ne nous paraît pas possible de dire que la totalité de
la République procède d'une « organisation décentralisée », et ce pour des
raisons évidentes que chacun connaît : outre le Président de la République, le
Gouvernement ne saurait procéder d'une « organisation décentralisée » et, fort
heureusement, l'ensemble de l'administration de l'Etat n'est pas
décentralisée.
Car, pour que l'Etat soit ce qu'il est et ce qu'il doit être, y compris par
rapport aux collectivités décentralisées, il faut qu'il procède du principe de
la déconcentration, et non pas du principe de la décentralisation.
La majorité de la commission des lois avait considéré - c'est important ! -
que le mot « territorial » permettait une certaine clarification : en parlant
d' « organisation territoriale de la République », on ne parlait pas de
l'organisation de tout ce qui, dans la République, ne peut pas être
décentralisé. C'était tellement clair que cette formulation avait fait l'objet
d'un assez large accord, même si elle n'avait pas recueilli l'unanimité.
Il nous paraît particulièrement grave de revenir sur ce point ; nous nous
permettons même de dire que c'est une erreur profonde.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste demande que le Sénat se
prononce par scrutin public sur ces amendements identiques.
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin.
Je suis non seulement une militante de la décentralisation, mais également une
praticienne. Je vous rappelle que la région Nord - Pas-de-Calais a été la
première à assurer la gestion du transport express régional, le TER, dans le
respect de l'intérêt des usagers, du budget de la région et du statut des
cheminots ! Par conséquent, inscrire la décentralisation dans la Constitution
aurait tout pour me plaire.
L'organisation décentralisée telle qu'elle est formulée, telle qu'elle a été
disséquée par mes amis du groupe socialiste, ne peut qu'inquiéter. J'approuvais
la sagesse de la commission des lois, à laquelle je n'appartiens pas, d'avoir
fait la juste analyse en retirant le mot « territorial » de cet endroit pour le
placer ailleurs.
Le revirement brutal auquel nous venons d'assister a ému la nouvelle élue que
je suis, mais je me suis dit que ce revirement n'était pas un problème, car il
serait toujours possible de saisir le Conseil constitutionnel. Eh bien ! non,
car c'est de la Constitution dont nous traitons aujourd'hui. Ce qui va se
passer ici est donc grave. Chacun assumera la responsabilité de son vote.
J'aurais souhaité que le Sénat agisse au nom de la raison et non pour
s'aligner sur un gouvernement qui n'a peut-être pas mesuré la gravité des
dispositions qu'il nous propose.
(Applaudissements sur les travées
socialistes. - Protestations sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote
M. Michel Charasse.
Je voterai, bien entendu, comme mon groupe, les amendements identiques tendant
à supprimer l'article 1er, et ce pour des raisons qui ne sont pas
fondamentalement différentes de celles que viennent d'exposer mes collègues du
groupe socialiste.
En premier lieu, cette disposition aurait davantage sa place dans l'article 72
de la Constitution, puisque le titre XII traite des collectivités territoriales
: inscrire, dans le chapitre relatif aux collectivités locales, que
l'organisation de la République est décentralisée paraît s'imposer logiquement
et ne donner lieu à aucune discussion possible. En revanche, je ne peux que
regretter que cette disposition figure dans l'article 1er de la Constitution,
qui pose les grands principes, car, dans ce cas-là, elle revêt une
signification tout à fait différente.
En second lieu, mes chers collègues, je me prononcerai contre l'article 1er,
car je ne sais pas ce que l'on va voter ! Et en bon Auvergnat j'ai horreur que
l'on me vende un âne dans un sac : je préfère voter contre cette disposition
plutôt que m'y rallier alors que personne, jusqu'à présent, n'a été capable de
me dire ce qu'elle signifiait.
S'agit-il, mes chers collègues, de l'interprétation du Gouvernement ? Nous
avons entendu les ministres, mais, pour ma part, je me réfère à l'exposé des
motifs du projet de loi.
M. Michel Mercier.
C'est une bonne chose !
M. Michel Charasse.
Je le cite : « Principe d'organisation administrative, la décentralisation,
sans remettre en cause l'unité de la nation » - l'unité de la nation est donc
confirmée - « enrichit la vie démocratique et contribue à une application plus
effective et moins abstraite du principe d'égalité. »
Par conséquent, le Gouvernement renforce le principe d'égalité. On peut
toujours discuter, mais, à la limite, je suis d'accord.
Ou bien s'agit-il de l'interprétation de la commission ? Je vous livre le
texte qui figure dans son rapport : « Sur le plan juridique, l'inscription de
cette disposition en tête de la Constitution ne devrait pas rester sans effet
sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel et l'interprétation
particulièrement stricte qu'il donne de l'application des principes de
l'indivisibilité de la République... »
Les uns veulent renforcer, les autres assouplir ! Alors, on vote quoi ? On
n'est pas en train de voter une loi que l'on pourra modifier comme on voudra,
dans quinze jours ! Il s'agit de la Constitution...
Mme Hélène Luc
Effectivement !
M. Michel Charasse.
... c'est-à-dire du texte sacré de la République !
Dans l'Histoire - M. Mercier le sait comme tout bon universitaire - ce pays a
connu dix-sept ou dix-huit constitutions, et bien des dispositions ont souvent
été regrettées. Celle-ci touche à l'essence même, au coeur, au noyau de la
République, et l'on ne peut pas rester dans une telle incertitude.
Si la commission des lois nous dit que, en fait, ce qu'elle a écrit ne
correspond pas vraiment à la réalité et que, au titre des travaux
préparatoires, c'est l'interprétation du Gouvernement qui prévaut, nous serons
déjà rassurés. Mais nous n'en sommes pas là.
J'ajoute un point parce que, mes chers collègues, il faudra bien se poser la
question à un moment ou à un autre.
Le général de Gaulle, dans l'article 89 de la Constitution de 1958, a fait
écrire
in fine
deux alinéas. Premièrement, on ne peut pas réviser la
Constitution si le territoire français est partiellement occupé - c'est le
souvenir de 1940.
M. Josselin de Rohan.
Mais il ne s'agit pas de cela ici !
M. Michel Charasse.
Deuxièmement, la forme républicaine du Gouvernement ne peut pas faire l'objet
d'une révision - c'est aussi le souvenir de 1940.
(Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Chers collègues, ces deux dispositions existent. Si j'en crois les
explications du Gouvernement, ce n'est pas cela ici. Mais, avec le commentaire
que nous fait la commission, j'avoue que je suis un peu secoué.
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Je suis conseiller
général de Châteldon, à quinze kilomètres de Vichy, et je sais ce que les
textes constitutionnels veulent dire ! Et je ne soupçonne pas de turpitudes
affreuses nos collègues et amis de la commission des lois, dont l'écriture a
certainement dépassé la pensée.
(Protestations redoublées sur les mêmes travées.)
M. Jean-Guy Branger.
Ce n'est pas le sujet !
M. Michel Charasse.
J'ai entendu à l'instant Mme Blandin. Le Conseil constitutionnel s'est
interdit, c'est vrai, d'examiner les textes d'origine référendaire, considérant
qu'il n'avait pas à revenir, ce qui est normal, sur la souveraineté nationale,
qui s'exprime à travers le référendum. Mais ici, ce n'est pas cela, c'est un
texte voté par le Parlement. Or, aux termes des articles 17 et 18 de la loi
organique sur le Conseil constitutionnel, le Conseil est compétent pour
examiner la conformité des lois votées par le Parlement.
(M. Michel Mercier
s'exclame.)
Et le Congrès du Parlement, ce n'est quand même pas le congrès
des maires de France !
(Protestations sur les travées de l'Union centriste.)
Donc, je dis qu'il peut toujours y avoir lieu à demander au Conseil
constitutionnel ce qu'il en pense, parce que, sinon, méfiez-vous : si un jour
quelqu'un propose de réviser la Constitution alors que la France est occupée ou
propose de supprimer la République
(Exclamations sur les travées du RPR)...
M. Josselin de Rohan.
Ce n'est pas sérieux !
M. Michel Charasse.
Monsieur de Rohan, je ne parle pas des dirigeants actuels, je raisonne pour
l'avenir. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre ce que je veux dire et ne
me faites pas l'injure de penser que j'aurais voté, au deuxième tour des
présidentielles, pour quelqu'un qui n'est pas un républicain ! Je suis sûr
qu'il l'est, d'autant plus que, élu dans la Corrèze, il a certainement quelque
raison de l'être.
Mais je vous dis simplement qu'on ne sait pas de quoi l'avenir est fait et
que, par conséquent, il faut bien qu'il y ait une autorité qui interprète ces
dispositions de la Constitution, sauf, bien entendu, si le texte est
l'expression directe du suffrage populaire, mais c'est une autre affaire.
En tout cas, voilà les raisons pour lesquelles, comme je ne sais pas ce que
l'on nous demande de voter, je préfère supprimer !
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo.
Je voterai, bien entendu, les amendements de suppression.
Dès le début du débat, en commission des lois, nous avons constaté que
l'insertion de la notion de décentralisation dès l'article 1er de la
Constitution posait problème. D'où des tentatives pour édulcorer la portée de
la phrase, l'ajout du terme « territoriale » et le déplacement de cet ajout de
l'article 1er à l'article 2. Aucun des membres de la commission des lois qui
appartient à mon groupe n'a voté le premier amendement de la commission,
tendant à déplacer la phrase de l'article 1er à l'article 2 en y ajoutant le
mot « territoriale ».
On aurait pu considérer plus judicieux, effectivement, d'ajouter ce principe
de décentralisation dans le titre XII.
Or, précisément, il s'agit de l'insérer non pas dans le titre XII, mais bien
dès les premiers articles de la Constitution, et même dans l'article 1er, le
plus fondateur, qui concerne l'unité de la République.
Toutes les explications qui ont été données et, finalement, le revirement de
la majorité de la commission des lois, qui a abandonné son propre amendement,
ne font que nous confirmer dans la démarche qui nous a amenés au dépôt d'une
question préalable tendant au rejet non pas de la décentralisation, mais de
cette réforme constitutionnelle, en l'état.
Le dispositif proposé par le Gouvernement recèle une très grande ambiguïté, et
l'on aura beau vouloir me prouver le contraire, cela n'y changera rien.
(Protestations sur les travées du RPR.)
L'acharnement mis à modifier de cette manière l'article 1er de la
Constitution, qui fonde pourtant l'unité de la République, prouve que, sans le
dire tout à fait mais en le disant un peu, on s'oriente bel et bien dans le
sens d'une République fédérale !
M. Josselin de Rohan.
Vous affirmez n'importe quoi !
Mme Nicole Borvo.
Les invectives ne sont pas des arguments, monsieur de Rohan !
M. Josselin de Rohan.
Mais vous dites n'importe quoi !
Mme Nicole Borvo.
Alors, donnez-moi des arguments !
M. Josselin de Rohan.
Je persiste : vous dites n'importe quoi !
Mme Nicole Borvo.
Où sont vos arguments ? Vous pouvez continuer, les invectives ne sont pas des
arguments !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie !
Mme Nicole Borvo.
En tout état de cause, nous refusons de rédiger ainsi l'article 1er de la
Constitution, article fondateur s'il en est, qui pose les principes de l'unité
et de l'indivisibilité, principes sacro-saints de la République. C'est pourquoi
nous voterons pour la suppression de l'article 1er.
(Applaudissements sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen)
.
M. Alain Vasselle.
Si je comprends bien, vous voterez la suppression, quels que soient les
arguments avancés !
M. le président.
La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
A ce stade de la discussion de l'article
1er, il convient, me semble-t-il, de remettre un peu les pendules à l'heure !
(Exclamations amusées sur les travées socialistes.)
Un petit historique, d'abord. Je rappelle que la majorité de la commission des
lois, après une longue discussion, a adopté un amendement. Or, à ma
connaissance, ni les commissaires membres du groupe communiste républicain et
citoyen ni ceux du groupe socialiste n'ont voté cet amendement.
Par la suite, la même majorité a décidé, en fonction de l'évolution du débat
qui s'est instauré, de retirer cet amendement et d'appuyer le rapporteur dans
cette affaire. Ce qui m'étonne, c'est de voir nos collègues socialistes
soutenir maintenant l'amendement que nous avions retiré, et le soutenir avec
passion.
Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que le projet de loi
constitutionnelle constitue un projet de loi de décentralisation. La majorité
parlementaire est pour que la décentralisation figure dans les principes
fondamentaux de la Constitution.
Il y a sans doute une différence entre vous et nous, chers collègues. Nous,
nous sommes pour affirmer le caractère essentiel de la décentralisation en la
faisant figurer dans les grands principes de la République. Or, sur ce point,
nous n'allons pas pouvoir nous entendre, puisque vous estimez que cela ne peut
pas être un grand principe.
Mais je me tourne vers M. Charasse. Cher collègue, dessinez-moi un âne dans un
sac !
(Rires.)
M. Michel Charasse.
Vous savez ce qu'est un chameau ? C'est un cheval dessiné par une assemblée,
avait dit Churchill !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Nous sommes tous d'accord, au sein de la
majorité sénatoriale, pour faire de la décentralisation un principe essentiel.
Savoir si ce principe essentiel doit figurer à l'article 1er, à l'article 2, à
l'article 72 ou à n'importe quel autre article de la Constitution relève de la
quadrature du cercle...
Mme Nicole Borvo.
Ah ? C'est intéressant !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
... ou du débat sur le sexe des anges
!
M. Pierre Mauroy.
Non, pas du tout !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Nous avons décidé que, la
décentralisation étant un principe essentiel et fondamental de la République,
elle devait figurer en tête de la Constitution !
M. Claude Estier.
Vous aviez décidé le contraire !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
La question de l'emplacement, à
l'article 1er ou à l'article 2, est donc tout à fait secondaire...
Mme Nicole Borvo.
Comme c'est curieux...
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
... et je ne tiens pas à poursuivre un
débat sur des mots, qui trouverait plus naturellement sa place sous la coupole
de l'Académie française.
M. Pierre Mauroy.
Pas du tout !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
La majorité a une position claire : elle
veut que la décentralisation soit un principe essentiel, le reste est
secondaire !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi.
Je ne vois pas pourquoi la gauche est aussi virulente aujourd'hui.
M. Jean-François Picheral.
Elle n'est pas virulente !
M. Pierre Mauroy.
Elle est exigeante !
M. Jean-François Picheral.
Nous ne sommes pas des godillots, nous !
M. Roger Karoutchi.
Que n'a-t-on entendu depuis tout à l'heure, sur cet article 1er !
J'ai entendu le groupe communiste républicain et citoyen parler d'un coup de
force contre la République.
Mme Hélène Luc.
Oui, et je suis prête à le redire !
M. Roger Karoutchi.
En clair, c'est un putsch !
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Roger Karoutchi.
Cela veut dire que, lorsque le Sénat délibère, il peut lui-même, en votant la
loi, faire un putsch ? C'est une définition intéressante...
M. Gérard Delfau.
Vous parlez en orfèvre !
M. Roger Karoutchi.
Ensuite, et je le dis avec tout le respect que j'ai pour lui, on a entendu M.
Charasse envisager une occupation partielle du territoire.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Roger Karoutchi.
Certes, le cas est prévu par la Constitution, mais ce n'est pas le débat
d'aujourd'hui.
M. Michel Charasse.
Non !
M. Roger Karoutchi.
M. Charasse en est sûrement lui-même conscient, de l'excès ne naît pas
forcément la lumière dans le débat.
La République est une et indivisible, oui, mais la France a changé.
Monsieur Mauroy, vous-même, à la fin des années soixante-dix, lorsque ce
mouvement a connu une ampleur nouvelle, vous aviez pris conscience que la
France avait changé.
M. Claude Estier.
Vous étiez contre, à l'époque !
M. Roger Karoutchi.
A l'époque, j'étais encore bien jeune pour être contre ou pour ! A l'époque,
je vous rassure, je n'étais pas parlementaire !
Mme Nicole Borvo.
Vous étiez contre en 1982 !
M. Roger Karoutchi.
La France a donc changé.
Aujourd'hui, si nous en restons à une France figée, à une France qui se refuse
à toute évolution, nous allons vers de plus en plus de contestations, notamment
des structures. Ce qui s'est passé au printemps dernier n'est qu'un symbole,
mais il manifeste que la France, dans ses profondeurs, n'accepte plus des
structures figées à jamais.
M. Michel Charasse.
La France a besoin d'un Etat !
M. Roger Karoutchi.
Si nous avions connu plusieurs révisions de la Constitution au cours des dix
dernières années, c'est bien que nous savions qu'il fallait faire évoluer la
situation.
Aujourd'hui, le Gouvernement entreprend une deuxième étape de la
décentralisation, ouvre la République à un souffle nouveau et fait en sorte que
la démocratie puissse irriguer l'ensemble de ce pays.
Les Françaises et les Français veulent...
M. Michel Charasse.
Un Etat !
M. Roger Karoutchi.
... de la décision de proximité, ils veulent de la décentralisation. Ils ne
remettent pas en cause l'indivisibilité de la République.
M. Michel Charasse.
La France a besoin de l'autorité de l'Etat !
M. Roger Karoutchi.
Parce qu'ils ne remettent pas en cause cette indivisibilité, il faut faire en
sorte qu'ils aient toujours, à l'avenir, confiance dans la République. Si nous
adaptons la République, alors, oui, la République sera une, respectée et
indivisible.
Si nous décidons de ne pas la faire évoluer, alors vous aurez une République
contestée. Ce qui s'est passé au printemps dernier nous interpelle tous, sur
toutes les travées.
J'ai entendu dire que la péréquation, c'était la constitutionnalisation de
l'inégalité. Mais cette inégalité, elle existe déjà, puisque tout le monde
demande de la péréquation. D'ailleurs, un certain nombre de textes ont déjà été
votés, qui prévoient des transferts lourds.
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas au niveau de la Constitution ! C'est au niveau de l'arrêté
municipal !
M. Roger Karoutchi.
Une décision plus proche du citoyen, une péréquation plus grande, voilà à quoi
doit servir la décentralisation.
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas du domaine de l'article 1er !
M. Roger Karoutchi.
Sincèrement, mes chers collègues, je crois qu'il faut affirmer le principe de
la décentralisation dès l'article 1er de la Constitution.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il faut
appeler les choses par leur nom, comme l'a dit Aragon.
(Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Il n'y a que lui qui a dit cela ?
(Sourires.)
Mme Hélène Luc.
Ce sont des paroles dont il faut se souvenir de temps en temps, surtout quand
on va émettre un vote aussi important.
La modification que vous voulez faire voter par le Parlement, par le Sénat
d'abord, changera la Constitution, même si vous prétendez le contraire. On ne
peut pas mettre sur le même plan les techniques, les modalités de la
décentralisation et les principes fondamentaux de la République, en
l'occurrence celui de l'unité et de l'indivisibilité.
Nous avons connu une première étape de la décentralisation avec les lois
Defferre, et cette étape a été positive. Il nous faut aller plus loin.
Cela étant, le vote que nous allons émettre aujourd'hui est très grave.
L'objectif politique, je veux le redire, est clair : il s'agit de mettre la
France en harmonie avec l'Europe des régions.
Mais qui, parmi nous, sait ce qu'il va voter et quel sera le contenu qui sera
donné à un dispositif adopté ici dans le plus grand flou ?
Qu'allons-nous voter ? L'inégalité des Français devant la loi ? La flexibilité
au titre des expérimentations ?
Certaines régions, celles qui auront les moyens, pourront avoir des
universités d'excellence ; les autres n'en auront pas. Certains départements
pourront avoir de très beaux collèges ; d'autres ne le pourront pas. Comment se
fera, alors, l'égalité entre les Français, entre les enfants, cette égalité
dont on parle tant ?
Certains départements pourront mener une action culturelle d'envergure ;
d'autres ne le pourront pas.
Le ministre de la culture lui-même a déclaré que l'argent manquait et qu'il
fallait que les régions et les départements, désormais, assument l'entretien du
patrimoine national.
Qui s'occupera, je le redis - M. Fischer y a fait allusion tout à l'heure -,
de donner un toit à tous les Français ? Il faut une loi que l'ensemble des
départements et des régions appliqueront, je reviens là sur le rôle national
des collectivités territoriales.
Vous parlez beaucoup de rapprocher les Français des centres de pouvoir, mais
vous vous préparez, en réalité, à les en éloigner. L'intervention du ministre
de l'intérieur en Corse en est la preuve. Cela est dit très ouvertement en ce
qui concerne les rémunérations des surveillants et des aides éducateurs, que
vous voulez faire assumer par les régions et les départements.
M. Lambert a dit que 25 % de fonctionnaires étaient en trop.
(M. le garde des sceaux s'étonne.)
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
C'est n'importe quoi !
Mme Hélène Luc.
Oui, vous pouvez le dire comme moi, monsieur le garde des sceaux ! Ne faites
pas l'étonné, vous l'avez lu ! Je tiens à votre disposition une liste des
citations de tous les membres du Gouvernement à propos des fonctionnaires !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Les Français sont loin d'imaginer aujourd'hui les dispositions que le
Gouvernement veut faire adopter par le Parlement. Notre groupe va s'adresser
aux Français et, comme nous l'avons fait pour le traité de Maastricht, nous
allons publier le projet de loi tel qu'il nous est proposé. D'ici à son examen
par l'Assemblée nationale, nous rencontrerons les Français pour discuter avec
eux, et, vous le savez, nous pouvons avoir des surprises !
En conclusion, le groupe communiste républicain et citoyen ne prendra pas la
responsabilité de voter cet article 1er et va alerter les Français sur les
dangers qu'il comporte.
M. le président.
La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre
délégué, mes chers collègues, l'on est pour la décentralisation ou l'on est
contre. A ce sujet, certains, en particulier Mme Borvo et ses collègues du
groupe communiste républicain et citoyen, nous ont fait un véritable éloge du
centralisme. C'est leur droit, mais ce n'est pas notre position.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Il faut écouter ! Il n'a rien compris du tout !
M. Laurent Béteille.
C'est votre droit ! Vous avez fait un éloge de la loi, de l'
imperium
de
la loi...
M. Jean-Pierre Sueur.
Simplification outrancière !
M. Laurent Béteille.
... qui permet de tout égaliser sur le plan national. Ce n'est pas notre
position ! Nous sommes pour la décentralisation, que nous tenons pour un grand
principe, et nous souhaitons qu'il figure en exergue de la Constitution.
M. Michel Charasse.
Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Laurent Béteille.
Le terme « décentralisation » est aujourd'hui parfaitement défini en termes
constitutionnels. Je vous renvoie aux ouvrages de droit constitutionnel,
notamment au
Dictionnaire de droit constitutionnel
de M. Olivier
Duhamel, que chacun connaît ici, lequel explique que la décentralisation est un
mode d'organisation territoriale. L'adjectif « territorial » concerne bien la
décentralisation !
Mme Nicole Borvo.
Ah !
M. Laurent Béteille.
Si j'en crois l'auteur de cet ouvrage, la décentralisation consiste à
accroître les pouvoirs d'autorités élues qui ne sont compétentes qu'à l'égard
d'une fraction territoriale de la collectivité étatique.
Mme Nicole Borvo.
Relisez le titre XII de la Constitution !
M. Laurent Béteille.
C'est donc parfaitement clair et il est inutile de nous distraire par des
élucubrations parfaitement absurdes sur le Président de la République ou sur le
Gouvernement, qui font effectivement partie du pouvoir central, car nul ne
songe à supprimer quoi que ce soit ou à éclater en quoi que ce soit le pouvoir
central.
Nous souhaitons renforcer le pouvoir des collectivités territoriales. Tel est
le seul et unique sens de la décentralisation que nous appelons de nos voeux.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le vice-président de la commission, croyant éclairer le débat et,
sans doute, confondre les opposants, vous avez fait une démonstration qui est
tout de même très étonnante.
En effet, vous avez affirmé vouloir « inscrire le principe de décentralisation
dans la Constitution ». A titre personnel - je l'ai dit depuis le début de ce
débat - je n'y suis pas défavorable ; je suis prêt, avec une majorité de
parlementaires, à passer ce nouveau contrat, à franchir cette nouvelle
étape.
Toutefois, je note que la formule du Gouvernement est contestée, et qu'il
s'est trouvé une majorité au sein de votre commission pour la récuser. Puis,
expliquant votre revirement, vous nous dites : « Après tout, que cette
disposition soit inscrite à l'article 1er, à l'article 2 ou à l'article 4, cela
n'a pas d'importance ». Il est confondant que vous puissiez vous exprimer ainsi
à propos de l'article 1er de ce projet de loi constitutionnelle, dont chacun
sait qu'il est l'architecture même de la République.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Non !
M. Gérard Delfau.
Dire qu'une disposition aussi importante peut être placée indifféremment dans
tel ou tel article, c'est avouer qu'il n'y a là qu'une position
circonstancielle, et non une expression de fond, comme si n'avaient pas été
mesurées les conséquences de fond de cet ajout à la Constitution.
(Très bien
! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Mauroy, pour explication de vote.
M. Pierre Mauroy.
Monsieur Béteille, vous soutenez que la droite aurait pris le relais en
matière d'innovation et que la gauche ferait la démonstration de son opposition
à tout changement. Vous voulez rire ! Bien qu'ayant de la sympathie pour nombre
de ceux qui sont présents dans l'hémicycle, j'ai bien compris que la gauche
était la locomotive et que vous, vous étiez souvent le serre-freins...
M. Laurent Béteille.
La locomotive a déraillé !
M. Pierre Mauroy.
Tel fut le cas lors de l'examen de nombreuses lois.
En l'espèce, il s'agit d'un texte de nature constitutionnelle. Je ne comprends
ni votre obstination, ni celle des ministres, qui vous conduit à refuser de
faire figurer ultérieurement dans le projet de loi que la France peut avoir une
organisation territoriale décentralisée. C'est pourtant une évidence, et nous
vous proposerons des amendements en ce sens.
Mais, à l'article 1er, vous vous obstinez à indiquer que l'organisation de la
République - qui renvoie à l'Etat, aux territoires, un peu à tout - est
décentralisée. Non ! Je le dis avec d'autant plus de conviction que nous
construisons l'Europe. Nous travaillons avec des pays décentralisés, dont
certains sont frontaliers du nôtre, qui pourraient très bien inscrire cette
disposition à l'article 1er de leur Constitution. Le caractère distinctif de
notre République est justement de former un Etat unitaire...
Mme Nicole Borvo.
Bien sûr !
M. Laurent Béteille.
Cela n'a rien à voir !
M. Pierre Mauroy.
Il faut s'entendre ! Si vous soutenez le contraire, on ne comprend plus rien
du tout. La République est un des fondements de notre cohésion, de notre union.
Pourquoi essayer de remettre ce fait en cause alors que vous pourriez dire les
choses beaucoup plus simplement ? Nous sommes pour la République jusqu'au
bout.
M. Roger Karoutchi.
Nous aussi !
M. Pierre Mauroy.
Nous sommes tous des républicains et nous voulons garder ce caractère. Par
conséquent, la disposition qu'il est proposé d'insérer n'a pas du tout sa place
à l'article 1er de la Constitution.
S'il y avait une rupture, ce serait une rupture de ton, de méthode. Sur un
point aussi essentiel, nous pourrions montrer plus de cohésion, au nom de la
République ! Il est regrettable que nos travaux achoppent sur l'article 1er,
s'agissant d'un sujet aussi important.
Celui qui vous dit cela est un décentralisateur, et il l'a montré. Il est
aussi un républicain attaché à la forme spécifique de notre République. Je ne
souhaite pas entamer l'acte II de la décentralisation par un acte de régression
!
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet.
A ce stade du débat, je n'y vois toujours pas clair. J'y vois même de moins en
moins clair. M. Delfau a raison : il est assez confondant de constater que,
s'agissant d'une disposition aussi essentielle, l'endroit où elle peut figurer
n'a pas d'importance et que l'on peut ainsi, au fil du temps, selon l'évolution
des choses - ou, peut-être, en raison de certaines pressions, je n'ose
l'imaginer - changer le vote émis par la commission, même si nous n'avons pas
approuvé complètement ce vote.
M. Gélard a tort. Nous n'avons pas dit que nous étions favorables au texte
qu'il a présenté au nom de la commission.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Je n'ai pas dit cela !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Ce que j'ai dit, notamment lors de la discussion générale, c'est que la
disposition qu'il proposait avait mieux sa place à l'article 2, mais que,
malgré tout, c'était encore mieux à l'article 72, au titre XII, pour des
raisons qui ont été longuement expliquées et sur lesquelles je ne reviendrai
pas.
De toute façon, c'est vrai, nous n'aurions pas voté cet amendement, mais vous
ne nous donnez pas d'explication sur votre changement de cap.
On nous dit : la France doit bouger. Mais jusqu'où doit-elle aller ?
Doit-elle aller jusqu'à la rupture dont nous parlait tout à l'heure M. le
garde des sceaux, ce qui éclairerait d'ailleurs ses propos ? A ce compte-là,
nous serions tout à fait inquiets !
On nous dit que nous sommes d'accord sur l'unicité, sur le fédéralisme. Mais
prouvez-le ! N'avancez pas des affirmations gratuites ! Répondez à nos
questions !
Ces grands principes de laïcité, d'unicité, entreront-ils en conflit à un
moment ou à un autre avec celui de la décentralisation ? A ce moment-là, qui
tranchera ?
Ces principes sont-ils au même niveau de dignité ? Il s'agit là d'un point
majeur sur lequel vous ne nous apportez aucune explication, pas plus que vous
n'avez donné de réponse aux interrogations de M. Charasse.
M. Béteille, lui aussi, tient des propos inquiétants. Il est faux d'affirmer
que nous sommes des centralisateurs. Je vous rappelle, Gaston Defferre l'a dit
et répété, que la décentralisation est non pas l'abaissement de l'Etat, mais
bien au contraire le renforcement de l'Etat.
Nous ne sommes donc pas du tout des centralisateurs, bien au contraire.
Mais peut-être cela va-t-il devenir votre philosophie : vouloir que l'Etat
soit complètement abaissé
(Protestations sur plusieurs travées du RPR),...
M. Josselin de Rohan.
Qu'est-ce que ça signifie ?
M. Jean-Claude Peyronnet.
... qu'il n'ait plus ni pouvoir ni autorité et qu'il soit épluché comme un
artichaut ? Car c'est bien de cela qu'il s'agit.
Vous ne nous donnez pas la preuve du contraire, en tout cas, et c'est la
raison pour laquelle notre inquiétude s'accroît et que nous pensons de plus en
plus, devant votre gêne, que nous avions raison de poser la question de cette
évolution vers le fédéralisme qui nous préoccupe
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. Roger Karoutchi.
Mais personne ne veut ça !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Il n'en est pas question !
M. Michel Charasse.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Nous sommes en train de discuter depuis un long moment les uns et les autres,
surtout les uns
(M. Michel Charasse désigne les travées de la majorité
sénatoriale)
- cela me rappelle d'ailleurs l'histoire du gars qui, sur un
marché du Cantal, disait : « J'ai deux boeufs, ils se ressemblent comme deux
gouttes d'eau, surtout l'un ! »
(Sourires)
- au-delà de la nécessité
d'adopter l'article 1er de ce projet de loi constitutionnelle, sur le point de
savoir s'il vaut mieux faire figurer la disposition qu'il introduit à l'article
1er ou à l'article 72 de la Constitution. Or je rappelle, monsieur le
président, que des amendements tendant à insérer cette disposition à l'article
72 de la Constitution ont été déposés.
Par conséquent, ne serait-il pas plus logique d'examiner par priorité le moins
avant d'aller au plus, c'est-à-dire de consulter le Sénat d'abord sur les deux
ou trois amendements relatifs à l'article 72 de la Constitution et, ensuite, si
le Sénat décide clairement de ne pas inscrire la disposition à l'article 72 de
la Constitution, d'en revenir au vote sur l'article 1er ?
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Michel Charasse.
Je m'efforce, en faisant cette proposition, de clarifier les choses.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Cela ne clarifie rien !
M. Michel Charasse.
Je vois Patrick Devedjian qui fait la moue !
(Sourires.)
M. Michel Mercier.
C'est normal de faire la moue face à une telle proposition !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Quand on connaît ses saints, on les honore !
M. Michel Mercier.
C'est la Toussaint !
M. Michel Charasse.
Cette manière de procéder ôterait 99 % de la critique sur le fond de cette
disposition puisque le contexte de l'article 72 de la Constitution n'est pas le
même.
M. Gérard Delfau.
Absolument !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Mais ce n'est pas ce que la commission
propose !
M. Michel Charasse.
Tel est l'objet de ma demande d'examen par priorité des amendements dont je
n'ai malheureusement pas le numéro sous les yeux - je vous prie de m'en
excuser, monsieur le président -, le dérouleur n'allant pas jusque-là.
Je propose donc de procéder aux explications de vote sur l'ensemble de
l'article 1er et des amendements restants en discussion, d'examiner ensuite les
deux ou trois amendements relatifs à l'article 72 de la Constitution et, s'ils
sont repoussés, d'en revenir au vote sur l'article 1er.
Mme Hélène Luc.
Il a raison !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
La demande de priorité aurait dû être
formulée avant que le Sénat n'aborde l'examen de l'article 1er.
Maintenant que la discussion sur l'article 1er est lancée, il convient de la
mener jusqu'à son terme. En conséquence, la commission émet un avis défavorable
sur cette demande de priorité.
Mme Hélène Luc.
C'est pourtant une pratique qui a été assez souvent utilisée dans notre
assemblée !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette
demande de priorité.
Le débat que nous avons depuis un certain nombre d'heures sur cet article 1er
est très intéressant et enrichissant. J'ai cru comprendre, personnellement, que
l'opposition socialiste et communiste était au fond assez gênée !
(Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Le présent projet de loi constitutionnelle, soutenu par la majorité
parlementaire, vise à affirmer très clairement l'option décentralisatrice de
cette nouvelle majorité.
M. Michel Mercier.
Tout à fait !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Comme l'opposition n'est pas très désireuse de
conjuguer ses efforts avec ceux de la nouvelle majorité parlementaire, elle
cherche des échappatoires
(Protestations sur les travées socialistes),
nous accusant de vouloir déstabiliser les fondements de la République alors
qu'il s'agit simplement de compléter l'article 1er de la Constitution. La
clarté de l'article 1er du projet de loi est évidente.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Michel Charasse.
Cette obscure clarté...
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Je relisais cet article en vous écoutant, monsieur
Charasse, et je me demandais quelle interprétation en ferait un étudiant ou un
lycéen. Il comprendrait que nous confirmons la tradition unitaire, indivisible
et sociale de notre République et que nous lui ajoutons la notion
d'organisation décentralisée. Tout cela est d'une grande simplicité !
Pourtant, depuis quelques heures, vous tentez de compliquer le débat...
M. Michel Charasse.
Et que fait la commission ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
... pour démontrer que le présent projet représente une
menace pour les fondements de la République.
Mme Hélène Luc.
Il y en a bien une !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le vote qui va intervenir permettra au Sénat de
trancher la question et, comme vous le savez, monsieur Charasse, les
amendements relatifs à l'article 72 de la Constitution n'auront plus d'objet.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. Michel Charasse.
Justement !
Mme Nicole Borvo.
Nous avons donc des raisons d'être inquiets !
M. le président.
Je mets aux voix la demande de priorité formulée par M. Charasse.
(La priorité n'est pas ordonnée.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 124 et 167 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 107 |
Contre | 208 |
M. Michel Charasse. Vive la République quand même !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Sur ce point, nous sommes d'accord !
Mme Hélène Luc. L'année du bicentenaire de la naissance de Victor Hugo !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 1 rectifié.
M. Michel Charasse. J'ai entendu tout à l'heure M. le garde des sceaux nous donner le commencement d'une explication.
Je reste tout de même sur ma faim pour savoir ce que l'on va voter dans l'article 1er. Est-ce la thèse du projet de loi du Président de la République ou est-ce la thèse de la commission des lois ? Je ne fais de procès d'intention ni aux uns ni aux autres, mais ce qu'écrit la commission des lois, ce n'est pas ce qu'écrit et semble dire le Gouvernement !
Mers chers collègues, comme cette disposition donnera lieu à de nombreuses interprétations de la part du Conseil constitutionnel, il faut tout de même qu'il dispose d'un minimum de travaux préparatoires sur lesquels il puisse fonder son raisonnement. Dès lors, je pose à nouveau la question : s'agit-il, comme l'affirme le Gouvernement, de renforcer l'indivisibilité et l'égalité, ou bien s'agit-il, comme le dit la commission des lois, d'assouplir l'indivisibilité et l'égalité ?
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Les deux !
M. Michel Charasse. Non, il ne s'agit pas des deux !
Porter atteinte au principe d'égalité, c'est, d'une certaine manière, emboîter le pas à certains extrémistes. Nous n'avons pas voté, les uns et les autres, dans notre immense majorité au sein de cet hémicycle, comme nous avons voté au printemps dernier pour aboutir à cela ! En outre, je pense que ce n'est pas une bonne manière que de laisser un projet de cette nature sous la signature du Président de la République, parce que ce n'est sûrement pas sa conception. (M. le garde des sceaux proteste.)
M. Josselin de Rohan. N'invoquez pas cette personne !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je veux rassurer M. Charasse et dissiper ses états d'âme juridiques. A supposer qu'il y ait une prétendue thèse de la commission des lois, comme cette dernière a retiré son amendement, la prétendue thèse serait sans portée juridique.
M. Michel Charasse. Il ne portait pas sur ce point, monsieur le ministre !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'amendement reposait sur cette thèse. Or l'amendement a été retiré. Donc la thèse elle-même, c'est-à-dire l'argumentaire, est retirée en même temps que l'amendement.
M. Michel Charasse. Donc, c'est plutôt la thèse du Gouvernement !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 86 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 1er.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 16:
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 208 |
Contre | 105 |
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président.
L'amendement n° 168, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret et Autain,
Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes
David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM.
Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution, il est inséré
un alinéa ainsi rédigé :
« Le mode de représentation proportionnelle garantit le pluralisme au sein des
assemblées élues. »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Depuis le début de ce débat sur la décentralisation, nous avons affirmé notre
engagement en faveur d'une démocratisation de la vie publique. Or celle-ci ne
peut se satisfaire de modes de scrutin qui ne garantissent pas une juste
représentation de la société française, dans toute sa diversité.
La déformation de la représentation populaire est un problème majeur. Elle
brouille le sens de l'acte électoral, en rompant le lien démocratique qui lie
le vote et la représentation. Aujourd'hui, une minorité à peine des électeurs
inscrits - je ne parle même pas de ceux qui n'ont pas procédé à leur
inscription - peuvent à eux seuls faire élire une très large majorité de
parlementaires.
Avec la réforme des modes de scrutin actuellement en débat - même si nous ne
connaissons pas exactement les projets -, cette situation serait encore
aggravée. S'agissant des élections régionales et européennes, on peut craindre
l'instauration d'un bipartisme...
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Le bipartisme, c'est très bien !
Mme Nicole Borvo.
... qui amoindrirait la juste représentation de la population.
En proposant l'introduction de la représentation proportionnelle dans les
modes de scrutin, ce que nous voulons, c'est assurer l'égalité des voix, et par
conséquent l'égalité entre les citoyens eux-mêmes. C'est garantir à chaque
électrice et à chaque électeur que sa voix comptera bien pour une voix. Si on
veut démocratiser la vie publique, ce serait une très bonne mesure.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
De survie !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Les dispositions du projet de loi constitutionnelle ne
traitent pas de la question du mode de représentation des assemblées élues. Par
ailleurs, l'inscription dans la Constitution de cette déclaration de principe
ne paraît ni souhaitable ni exacte. En effet, les scrutins majoritaires
garantissent également le pluralisme de la représentation nationale : élections
législatives, élections sénatoriales dans les départements qui ont deux sièges
au moins de sénateurs, ou élections cantonales, tout en permettant de dégager
une majorité claire.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Avis défavorable, pour les raisons excellemment
exprimées par M. le rapporteur.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 168.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 2, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 21 de la
Constitution, après les mots : "Sous réserve des dispositions de l'article 13",
sont insérés les mots : "et du troisième alinéa de l'article 72". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement vise à reprendre les dispositions de l'article
2 de la proposition de loi constitutionnelle déposée par M. Christian Poncelet
et plusieurs de nos collègues, afin de tirer les conséquences du pouvoir
réglementaire reconnu aux collectivités territoriales par l'article 4 du
présent projet de loi.
Il s'agit de permettre à la loi de renvoyer les mesures d'application de ses
dispositions au pouvoir réglementaire des collectivités territoriales, à
l'exclusion de celui du Premier ministre. Trop souvent, en effet, les
initiatives locales sont bridées par une législation et une réglementation
détaillées à l'excès, voire tatillonnes. Avec cette disposition, le pouvoir
réglementaire d'application des lois pourrait revenir aux seules collectivités
territoriales, sans immixtion du pouvoir réglementaire national.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet
amendement, et je le regrette, monsieur le rapporteur.
A première vue, cet amendement pourrait apparaître comme un simple amendement
de coordination entre la consécration du pouvoir réglementaire des
collectivités territoriales, qui sera inscrite à l'article 72, et l'article 21
de la Constitution, relatif au pouvoir réglementaire du Premier ministre.
Nous sommes en total accord avec la consécration constitutionnelle du pouvoir
réglementaire des collectivités territoriales, et on le verra lors de l'examen
des modifications proposées pour l'article 72 de la Constitution. Néanmoins, je
crois sincèrement qu'une coordination expresse avec l'article 21 n'est pas
souhaitable, car elle serait ambiguë sur le plan juridique, voire inexacte.
Ainsi que le précise l'exposé des motifs, le pouvoir réglementaire des
collectivités territoriales est en effet, par nature, fondamentalement distinct
de celui que le Premier ministre ou le Président de la République tiennent de
la Constitution. En effet, le pouvoir réglementaire des collectivités
territoriales ne procède que de la loi, alors que celui du Premier ministre ou
du Président de la République est de droit commun : le premier est
naturellement limité par le champ des compétences des collectivités
territoriales, alors que le second, celui du Premier ministre, a une vocation
générale. Ce dernier peut être soit d'application des lois, soit autonome.
Au total, cette différence entre ces deux pouvoirs réglementaires justifie, à
mes yeux, que l'on ne retienne pas l'amendement proposé, bien que j'en
comprenne l'esprit, à savoir empêcher l'empiétement, après décentralisation, du
pouvoir central sur des compétences qui auraient été préalablement déléguées.
Mais il y a là un vrai risque de confusion juridique.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, contre l'amendement.
M. Michel Charasse.
En l'occurrence, je suis plutôt de l'avis de M. le garde des sceaux, quoique
je comprenne bien ce que veut faire la commission des lois. Dès lors que l'on
compte faire apparaître expressément un pouvoir réglementaire à l'article 72 de
la Constitution, on considère qu'il faut compléter la dernière phrase de
l'article 21 pour insérer, après les mots « Sous réserve des dispositions de
l'article 13 », les mots « et du troisième alinéa de l'article 72 », article
dont nous examinerons les dispositions ce soir, demain ou la semaine
prochaine.
Dans ce cas, monsieur le président-rapporteur, si l'on veut être plus précis,
il faut tout ajouter. L'article 8 de la Constitution, ce n'est pas l'article
13, c'est la nomination du Premier ministre et des membres du Gouvernement. Il
s'agit d'un acte réglementaire. A l'article 12, la dissolution de l'Assemblée
nationale ne passe pas en conseil des ministres, elle relève d'un décret du
Président de la République. Il s'agit d'un acte réglementaire. Le choix entre
la réunion du Parlement en Congrès ou la ratification par référendum prévu à
l'article 89 ne passe pas en conseil des ministres, c'est un acte réglementaire
du Président de la République. S'agissant de l'article 52, qui dispose que « le
Président de la République négocie et ratifie les traités », ce sont des actes
réglementaires du Président de la République, qui ne passent donc pas en
conseil des ministres. Chers amis de la commission des lois, dans ce cas-là, il
faudrait tout balayer !
Par ailleurs, à l'article 21, il s'agit du pouvoir réglementaire de
l'exécutif. Or, franchement, pensez-vous qu'il faille donner la même valeur au
pouvoir réglementaire d'Etat, qui est celui de l'exécutif, et au pouvoir
réglementaire local, à un pouvoir réglementaire qui peut toucher des éléments
de la souveraineté et à un pouvoir réglementaire local qui ne peut pas le faire
? Le niveau n'est pas le même.
De surcroît, chers amis de la commission des lois, il ne peut pas y avoir de
concurrence, sauf à une confusion totale dans les esprits, mais, dans ce cas,
je ne sais pas comment finira cette discussion. Excusez-moi de vous le dire :
en matière réglementaire, le pouvoir d'Etat et le pouvoir local ne jouent pas
vraiment dans la même cour !
Par conséquent, je suis tout à fait défavorable à l'amendement n° 2.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Je veux bien admettre l'argumentation
que M. le garde des sceaux vient de développer. Toutefois, je regrette que l'on
ait utilisé le même terme pour désigner deux choses différentes. En effet, le
pouvoir réglementaire au niveau local, ce n'est pas la même chose que le
pouvoir réglementaire au niveau national. Là réside l'ambiguïté.
Le deuxième problème - ambigu lui aussi - est le suivant : le législateur
votera une loi et confiera ensuite aux collectivités locales le soin de
compléter certaines de ses dispositions par des règlements. Cela signifie-t-il
que le Gouvernement n'aura alors plus le droit d'intervenir ? Pourra-t-il
toujours le faire en application de l'article 37 ? Il y a là une ambiguïté, qui
justifie l'amendement proposé par M. le rapporteur.
Si nous avions un autre terme pour désigner le pouvoir réglementaire local, à
ce moment-là, il serait normal de ne pas viser l'article 21. Mais, comme on a
utilisé le même terme, on est en face d'une ambiguïté difficile à résoudre.
M. Michel Charasse.
Je vous ferai une proposition !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
C'est la raison pour laquelle je
souhaiterais que M. le ministre nous donne des informations supplémentaires
pour nous rassurer sur l'exercice du pouvoir réglementaire par les
collectivités locales.
M. Michel Charasse.
J'ai déposé un amendement qui évite l'emploi des mots « pouvoir réglementaire
» pour les collectivités locales et qui répond à votre préoccupation !
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le risque de conflits de compétences existe dans la vie
quotidienne. Cette difficulté sera résolue par la clarté des lois d'application
répartissant les compétences et définissant celles des collectivités
territoriales. Ce sera là votre, notre travail, après le vote de ce projet de
loi constitutionnelle. La précision devra alors être suffisante pour éviter
tout conflit de pouvoirs réglementaires. La seule réponse concrète me semble se
situer à ce niveau de précision de la délégation par la loi.
M. le président.
La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Si je comprends bien, monsieur le
ministre, il suffirait de renvoyer la définition de la nature de ce pouvoir
réglementaire à la loi organique qui sera prise en application des dispositions
de l'article 72.
M. Michel Charasse.
Mais pas dans l'article 21 !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Nous sommes d'accord. Dès lors que l'on
renvoie la définition à la loi organique, nous pourrions, si M. le rapporteur
le veut bien, retirer cet amendement.
(M. le rapporteur lève les bras au
ciel.)
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Monsieur le président,...
M. le président.
Je comprends : chat échaudé craint l'eau froide !
(Sourires.)
M. René Garrec,
rapporteur.
... je retire néanmoins cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 2 est retiré.
5
NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé trois
candidatures pour des organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Daniel Eckenspieller membre titulaire et Mme Annie David membre suppléant
de l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et
d'enseignement supérieur ;
- M. Jean-Léonce Dupont membre titulaire du Conseil national de l'enseignement
supérieur et de la recherche.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une
heures trente, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE
Suite de la discussion
d'un projet de loi constitutionnelle
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à
l'organisation décentralisée de la République.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen des amendements
tendant à insérer des articles additionnels après l'article 1er.
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président.
L'amendement n° 40 rectifié, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, il est inséré un
alinéa ainsi rédigé :
« Elles sont aussi incompatibles avec l'exercice des fonctions de maire, de
président d'un conseil général, de président d'un conseil régional ou de
président d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une
fiscalité propre. »
La parole est à M. Jean-Louis Masson.
M. Jean-Louis Masson.
Mon amendement a pour objet d'institutionnaliser l'incompatibilité des
fonctions d'exécutif d'une collectivité décentralisée et des fonctions
ministérielles. Le Gouvernement avait indiqué qu'il appliquerait cette règle.
Dans les faits, il l'a presque totalement mise en oeuvre. Le gouvernement
précédent, qui était un gouvernement de gauche, l'avait également appliquée. Il
existe donc un certain consensus pour admettre cette disposition. Je souhaite,
par conséquent, confirmer de manière institutionnelle une pratique qui a
tendance à être reconnue par tous.
« Pourquoi présenter un tel amendement dans ce cadre ? », se demanderont
certains. Tout simplement parce qu'il me paraît sain, pour une nation telle que
la France, à partir du moment où l'on accorde des pouvoirs décentralisés aux
collectivités territoriales, d'éviter la confusion des genres entre les
fonctions exercées au plus haut niveau de l'Etat et les fonctions d'exécutif
d'une collectivité décentralisée.
Lors de l'examen, sous la précédente législature, des lois sur le cumul des
mandats, on avait pu se demander pourquoi une telle disposition n'était pas
prévue. Tout simplement parce qu'une loi constitutionnelle était nécessaire.
Mais comme il n'y aura certainement jamais de loi constitutionnelle spécifique
sur le problème des cumuls, il faut profiter, pour présenter un tel dispositif,
d'un projet de loi concernant la décentralisation et donc les problèmes de
cohérence entre diverses fonctions exécutives. Je tiens à rappeler que, lors de
l'examen, sous la précédente législature, des lois sur le cumul des mandats, la
majorité de l'époque - majorité de gauche - avait indiqué qu'elle était
favorable à une intégration, à la première occasion, d'une telle disposition
dans la Constitution ; quant à l'opposition de droite, elle avait beaucoup
reproché à la majorité de gauche de l'époque de ne pas avoir commencé par
prendre cette mesure.
Je crois donc que nous avons tous l'occasion ici d'avancer un peu dans ce
domaine. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur.
C'est une proposition tout à fait intéressante, mais qui n'a rien à voir avec
le présent projet de loi constitutionnelle.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
Le Gouvernement partage l'avis de
la commission, pour les mêmes raisons qu'a avancées M. le rapporteur.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, contre l'amendement.
M. Michel Charasse.
Notre collègue M. Masson pose une bonne question, mais je ne suis pas sûr,
comme la commission d'ailleurs, que ce soit bien le cadre pour ce faire.
M. Lucien Lanier.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
Il n'empêche que la question mérite d'être soulevée.
Seulement, mon cher collègue, les incompatibilités ou les inéligibilités pour
les membres du Parlement sont fixées par la loi organique. Personnellement,
j'ai peur que la fixation par la Constitution d'un régime d'incompatibilités
visant les membres du Gouvernement ne soit trop restrictive et trop
réductrice.
Il faut à mon avis laisser au Parlement le soin d'entrer dans les détails dans
une loi qui ne soit pas du niveau de la Constitution et se laisser la
possibilité de procéder à des adaptations au cas par cas.
M. Lucien Lanier.
Très bien !
M. Michel Charasse.
J'aurais été plus gêné, monsieur Masson, si vous aviez présenté un amendement
renvoyant à une loi organique la fixation des incompatibilités et des
inéligibilités. En effet, dans ce cas, on aurait renvoyé à la loi organique et
l'on aurait pu régler le problème par celle-ci.
Mais l'amendement n° 40 rectifié, tel qu'il est rédigé, est dangereux parce
qu'il risque d'aller trop loin ou pas assez loin et, en outre, d'interdire à la
loi d'édicter d'autres incompatibilités que celles qui seraient prévues par le
texte constitutionnel.
M. Gérard Longuet.
Absolument !
M. Michel Charasse.
C'est la raison pour laquelle, même si l'idée me paraît bonne, je ne peux
voter cet amendement.
M. le président.
Apparemment, c'est non pas la qualité de cet amendement mais sa place qui est
en cause !
M. Michel Charasse.
Et sa trop grande ambition !
M. le président.
Monsieur Masson, l'amendement n° 40 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Masson.
Par cet amendement, j'ai avant tout voulu poser le problème
L'analyse de notre collègue Michel Charasse est très subtile. En l'état actuel
de la Constitution, mentionner dans cette dernière une incompatibilité
obligerait effectivement à la constitutionnaliser. Quant au renvoi à une loi
organique, il relève d'une démarche intellectuellement astucieuse.
Cela étant dit, je préfère retirer mon amendement, en souhaitant qu'un jour
peut-être la pratique suivie par l'actuel gouvernement et par le gouvernement
précédent reçoive une consécration et s'impose à tous les gouvernements.
M. le président.
L'amendement n° 40 rectifié est retiré.
L'amendement n° 169, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M Coquelle,
Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme
Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le premier alinéa de l'article 24 de la Constitution, il est ajouté un
alinéa ainsi rédigé :
« Le Parlement vote la loi. Il en évalue les résultats. Il contrôle l'action
du Gouvernement. »
La parole est à Mme Nicole Borvo
Mme Nicole Borvo.
On dira sans doute que mon amendement est hors sujet, mais on ne peut en
revanche méconnaître qu'il est d'ordre constitutionnel et qu'il se rattache
directement au débat sur l'article 2 et sur le domaine de la loi.
Nous avions déjà proposé un amendement identique dans le cadre du débat sur le
quinquennat. Au fil des réformes constitutionnelles, nous restons donc attachés
à cet amendement.
A l'époque, notre amendement avait été repoussé par la majorité sénatoriale de
façon assez méprisante
(Protestations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants),...
M. Jean Chérioux.
Nous ne sommes jamais méprisants, nous !
Mme Nicole Borvo.
... au motif qu'il était hors sujet et qu'il s'agissait d'une simple
répétition de dispositions déjà existantes.
Je répéterai ce que j'avais dit à l'époque : ce refus faisait peu de cas du
travail de la commission Vedel, constituée comme chacun sait d'éminents
spécialistes, qui avait justement fait une proposition allant dans ce sens.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Non, la
commission Vedel n'a pas proposé cela !
M. Nicole Borvo.
Cette proposition se fondait sur le constat de l'important affaiblissement du
rôle du Parlement dans le cadre des institutions de la Ve République et de sa
pratique, affaiblissement du rôle du Parlement qui s'était bien entendu
accompagné d'un affaiblissement de la loi.
La combinaison des articles 34 et 37, dont nous proposons par ailleurs une
réécriture, a, pour la prmeière fois dans une constitution, limité le champ de
la loi au profit du règlement édicté par le pouvoir exécutif.
L'autre objectif de l'amendement n° 169 est de rappeler que le Parlement
constitue une pièce maîtresse de la démocratie. Cela paraît évident, mais il
faut le redire car nous savons que passer outre le contrôle du pouvoir
législatif est une tentation permanente pour le pouvoir exécutif.
Notons d'ailleurs que le rythme particulièrement précipité auquel on nous
demande d'adopter des projets de loi constitutionnelle tend à faire considérer
le Parlement comme un lieu d'enregistrement de la loi plutôt que d'élaboration
de cette dernière.
Pour toutes ces raisons, il nous paraîtrait tout à fait important de rétablir
le principe de l'édition des normes par la loi, l'exception relevant du
règlement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Je ne voudrais pas être désagréable avec Mme Borvo,...
M. Roger Karoutchi.
Ce n'est pas grave !
M. René Garrec,
rapporteur.
... que j'ai d'ailleurs écoutée avec beaucoup d'intérêt.
Qu'elle me permette de lui dire, en prenant toutes les précautions d'usage, que
son amendement n'a pas de rapport avec le projet de loi constitutionnelle et
que l'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
L'avis du Gouvernement est également défavorable. Comme
vient de le dire M. le rapporteur, cet amendement n'a pas de rapport avec
l'objet du débat.
Par ailleurs, cette proposition pourrait avoir des incidences très dangereuses
sur le reste parce que cela nous poserait un problème d'exclusivité et
d'incompatibilité avec les autres dispositions relatives aux droits du
Parlement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 169.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
ou avant l'article 2
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 170, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi
libellé :
« Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 34 de la Constitution est ainsi rédigé : «
Art. 34.-
L'Assemblée nationale vote seule la loi. Elle ne peut pas déléguer ce
droit. »
L'amendement n° 3, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le quatorzième alinéa de l'article 34 de la Constitution, le mot :
"locales" est remplacé par le mot : "territoriales". »
L'amendement n° 48 rectifié
ter,
présenté par M. Cointat, Mme
Brisepierre, MM. Cantegrit, Del Picchia, Durand-Chastel, Duvernois, Ferrand et
Guerry, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le quatorzième alinéa de l'article 34 de la Constitution, il est
inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - de l'organisation, du fonctionnement et des compétences des instances
représentatives des Français établis hors de France ; ».
La parole est à Mme Mathon, pour défendre l'amendement n° 170.
Mme Josiane Mathon.
Cet amendement anticipe sur le débat relatif à l'article 2 du projet de loi
qui, selon nous - nous nous en expliquerons dans un instant - menace gravement
la loi comme expression de la souveraineté populaire.
La Constitution de 1958, en établissant une liste exhaustive du domaine de la
loi, même si la jurisprudence du Conseil constitutionnel a pu l'étendre
quelquefois, a participé à l'affaiblissement politique du parlement.
La rédaction que nous vous proposons s'inspire du texte constitutionnel de
1946. Nous savons qu'il n'est pas parfait et a donné lieu à des dérives
réglementaristes plus ou moins masquées.
Ces dérives et l'échec de la constitution de 1946 furent sans doute dus plus à
un ensemble de facteurs, aux conditions historiques, notamment la
décolonisation, qu'à un pouvoir incontrôlé du Parlement et à un champ trop
large du domaine de la loi.
Il nous paraît important, pour restaurer la confiance de notre peuple dans sa
représentation politique, de donner à cette dernière la capacité de maîtriser,
par la loi, le cours des choses.
Tel est le sens de l'amendement n° 170.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement vise à mettre un terme à la distinction entre
les expressions « collectivités locales » et « collectivités territoriales
».
Le Conseil constitutionnel considère que ces expressions sont équivalentes. Il
me paraît néanmoins nécessaire d'harmoniser la rédaction de la Constitution en
retenant les termes « collectivités territoriales », qui sont les plus
employés, l'expression « assemblées locales » demeurant en revanche inchangée
dans la mesure où elle ne suscite aucune confusion.
M. le président.
La parole est à M. Christian Cointat, pour présenter l'amendement n° 48
rectifié
ter.
M. Christian Cointat.
La décentralisation est certainement une très bonne chose. Encore faut-il
qu'elle maîtrise l'ensemble des paramètres ; parmi ces derniers figurent les
Français établis hors de France : soit ils risquent de se trouver totalement
privés de ce qu'ils ont pu obtenir jusqu'à présent, soit ils ont une véritable
chance d'aller dans la direction que nous a tracée le Premier ministre.
Cet amendement comporte un principe général et un aspect de sécurité
juridique.
Si l'on n'y prend garde, le transfert des compétences de l'Etat vers les
collectivités territoriales risque de poser de très sérieux problèmes aux
Français établis hors de France qui ne remplissent pas les conditions de
territorialité liées à ce transfert.
Tel est d'ailleurs déjà le cas pour certaines allocations sociales qui, pour
de simples raisons de territorialité, ne sont plus servies aux Français établis
hors de France alors même qu'ils ont cotisé pour pouvoir les obtenir ; en
effet, les conseils généraux qui sont chargés de les accorder ne peuvent pas
les exporter à l'étranger.
Il en va de même en matière d'enseignement. Ainsi, un Français de l'étranger
qui réside près de la frontière et qui, pour des raisons diverses, désire
mettre ses enfants dans une école d'une commune française se voit opposer la
non-territorialité.
Renforcer l'autonomie des universités, c'est très bien, mais il faudra aussi
tenir compte des Français de l'étranger, car, pour l'instant, inscrire l'un de
ses enfants dans une université française, près de laquelle pourtant il a de la
famille pour l'héberger, s'apparente au parcours du combattant.
Vous allez me répondre, monsieur le ministre, que le Gouvernement a bien
évidemment songé à tout cela et qu'il a prévu que l'Etat conserve, pour les
Français de l'étranger, certaines attributions, qui ne seraient pas transférées
aux collectivités territoriales. Certes, monsieur le ministre, mais à la
différence près que, lorsque l'on engage des négociations pour obtenir des
avancées sociales, on a plus de poids si l'on fait partie d'un ensemble. Or les
deux millions de Français de l'étranger se trouvent seuls, sans aucune
organisation, pour se faire représenter d'une manière efficace ; leur poids
s'en trouve quelque peu diminué, vous en conviendrez ! Il faut être conscient
de cette situation.
Comme nous devons entrer résolument dans cette marche vers la
décentralisation, les Français de l'étranger doivent prendre, eux aussi, leurs
responsabilités, mais il faut que l'Etat leur donne les moyens de s'organiser.
Pour ce faire, soit on reconnaît qu'ils appartiennent à une communauté, la
collectivité des Français de l'étranger - par analogie, d'ailleurs, à ce qui se
fait déjà sans que, malheureusement aucune organisation spécifique soit créée
-, et dès lors ils pourront prendre leur destin en main, tout en restant bien
sûr sous le contrôle de l'Etat, soit on décide que la loi doit couvrir ce champ
d'action.
A la demande unanime des élus des Français de l'étranger, nous avions déposé
une série d'amendements visant à faire reconnaître cette communauté, sans
territoire certes, mais représentant une collectivité réelle de citoyens
français. J'ai cru comprendre que cette initiative était prématurée et que le
Gouvernement souhaitait réfléchir. Comprenant les difficultés que celui-ci
pouvait rencontrer, nous avons retiré ces amendements, sauf un, qui est
important : c'est celui que nous examinons maintenant et qui vise à remettre à
la loi ce que la Constitution n'accorderait pas directement à la collectivité.
En effet, si la décentralisation déshabille les Français de l'étranger, il faut
bien, au moins, que la Constitution reconnaisse à la loi le pouvoir de les
réhabiller d'une manière décente.
M. le Premier ministre a fait part devant notre assemblée - suscitant un grand
enthousiasme - de la volonté du Gouvernement de se rapprocher des citoyens, de
rapprocher les autorités locales des citoyens, bref de rapprocher les décisions
des citoyens. Or on ne peut pas considérer que la France ne comprend que des
citoyens résidant sur le territoire national et écarter les deux millions des
Français établis hors de France ! Notre crédit est fondé sur la confiance -
c'est le credo de M. le Premier ministre - et nous sommes tous d'accord avec
lui, mais cette confiance doit être honorée.
M. le Premier ministre nous a demandé de ne pas nous limiter à des paroles,
mais de passer aux actes. Nous allons voir s'il en va ainsi : deux millions de
Français nous regardent, qui attendent que nous passions aux actes, que nous
prenions en compte leur existence.
Ignorer cette attente serait très grave. En effet, cela remettrait en cause
toute l'opération engagée par Jacques Chirac lorsqu'il était Premier ministre,
de 1974 à 1976 : c'est lui qui créa la commission Bettencourt, qui dota
l'organisation des Français établis hors de France des structures dont elle
bénéficie aujourd'hui. Par ailleurs - je tiens à le souligner - c'est Pierre
Mauroy, alors Premier ministre, qui décida de faire élire au suffrage universel
les représentants des Français établis hors de France. C'est ce qui a tout
modifié - il faut en être bien conscient - puisque nous relevions jusqu'alors
du domaine réglementaire et qu'ensuite nous n'avons plus échappé au domaine de
la loi.
Il serait temps que la Constitution entérine cette avancée, faute de quoi tout
ce que nous avons fait par la voie législative pourrait être remis en cause. Je
suis certain que, si la loi de 1982 avait été soumise au Conseil
constitutionnel, elle aurait eu de grandes chances de ne pas être déclarée
conforme à la Constitution.
Se pose également le problème de la sécurité juridique. Je n'insisterai pas
davantage, puisque mon temps de parole commence à s'épuiser.
En conclusion, je dirai que si le présent débat est important pour tous, il
est vital pour les Français de l'étranger.
En effet, d'un côté, cinquante ans d'efforts risquent d'être anéantis, mais,
de l'autre, une grande chance de progrès s'offre à eux si leur spécificité est
prise en compte.
En 1990, le Sénat a voté, avec l'approbation du gouvernement de l'époque, une
loi allant plus loin que celle de 1982 en faveur des Français de l'étranger. Il
faut à présent aller jusqu'au bout du raisonnement ; il faut impérativement
nous prendre en compte, afin que nous puissions, d'une manière ou d'une autre,
exister.
M. le Premier ministre a déclaré hier : « La décentralisation, c'est la
confiance faite au peuple. Notre démarche s'inscrit dans cette logique de
confiance. La République appartient à tous, elle trouve sa vie dans la
confiance aux citoyens. » Les Français de l'étranger font partie de ces
citoyens et doivent être traités à part entière !
Je poursuivrai par un rappel des propos de Dominique de Villepin, ministre des
affaires étrangères, qui, un temps, présida le Conseil supérieur des Français
de l'étranger : « Nos communautés françaises, partout dans le monde, sont une
partie du coeur de la France. » Eh bien, messieurs les ministres, mes chers
collègues, écoutez ses battements, s'il vous plaît !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Je suis désolé, madame Borvo, mais je suis obligé de répéter
ce que j'ai dit tout à l'heure, malgré la peine que cela me cause : il me
semble que cette disposition est sans rapport avec l'objet de la loi
constitutionnelle. A mon regret, je donnerai donc un avis défavorable sur
l'amendement n° 170.
Mme Hélène Luc.
Vous pourriez faire un effort de temps en temps !
M. René Garrec,
rapporteur.
Cette fois, j'y ai mis les formes !
(Sourires.)
J'en viens à l'amendement n° 48 rectifié
ter
. Il me semble difficile
de créer une collectivité publique des Français de l'étranger. Il s'agit d'une
construction dont la complexité ferait reculer n'importe quel juriste.
Quant à la disposition selon laquelle la loi fixe les principes fondamentaux
de l'organisation, du fonctionnement et des compétences des instances
représentatives des Français établis hors de France, la commission a décidé de
soumettre cette question à la sagacité de M. le ministre.
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Sur l'amendement n° 170, l'avis du Gouvernement est
défavorable. Il nous semble en effet que la phrase : « L'Assemblée nationale
vote seule la loi » entre en contradiction avec l'article 38 de la Constitution
et les dispositions relatives au vote par référendum.
M. Adrien Gouteyron.
C'est le Parlement tout entier qui vote la loi !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
En effet, je n'avais pas mentionné l'injure faite au
Sénat !
Avec l'amendement n° 48 rectifié
ter,
M. Cointat pose, j'en conviens,
un vrai problème, problème dont M. Del Picchia s'est ouvert à moi.
Comme l'a dit M. le rapporteur, il me semble difficile de créer une
collectivité fictive, en tout cas sans base territoriale. Il n'en demeure pas
moins qu'il faut trouver une solution. On pourrait essayer de la trouver dans
le cadre de la loi organique qui suivra immanquablement le vote de la réforme
constitutionnelle ! Je propose à M. Cointat d'engager une concertation sur ce
sujet. Comme je l'ai dit à M. Del Picchia, nous sommes à la disposition des
élus des Français de l'étranger pour essayer de trouver une solution qui, en
tout cas, ne me paraît pas avoir sa place dans le cadre de cette réforme
constitutionnelle.
Enfin, l'amendement n° 3 me paraît tout à fait bienvenu et judicieux. En
effet, les dénominations « collectivités territoriales » et « collectivités
locales » étant utilisées indifféremment, cela peut être source de confusion.
Par conséquent, prévoir une unification me semble une bonne idée, à laquelle le
Gouvernement est favorable.
M. Gérard Delfau.
Enfin une proposition de la commission qui est acceptée !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 170.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi constitutionnelle, après l'article 1er.
Monsieur Cointat, acceptez-vous la suggestion de M. le ministre s'agissant de
l'amendement n° 48 rectifié
ter
?
M. Christian Cointat.
Je vais essayer de clarifier le débat en faisant deux remarques.
Premièrement, j'aurais aimé que M. le président de la commission des lois
rappelle que ladite commission a décidé non pas de demander l'avis du
Gouvernement, mais de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. René Garrec,
rapporteur.
Nous n'en sommes pas au vote !
M. Christian Cointat.
Je voudrais que les choses soient bien claires !
Deuxièmement, je tiens à rappeler également que, conformément au souhait du
Gouvernement, souhait que j'avais cru déceler à travers certains contacts, nous
avons modifié le texte de notre amendement. Comme vous pouvez le constater, il
s'agit de l'amendement n° 48 rectifié
ter
, qui a donc subi plusieurs
rectifications.
M. Guy Penne.
Absolument !
M. Christian Cointat.
Les termes « collectivités », « collectivités publiques », qui avaient été
successivement utilisés, ont totalement disparu.
Finalement, l'objet de l'amendement n° 48 rectifié
ter
est d'intégrer
dans le domaine de la loi les principes fondamentaux « de l'organisation, du
fonctionnement et des compétences des instances représentatives des Français
établis hors de France ».
Je ne vois pas pourquoi il faudrait attendre une loi organique pour régler un
problème qu'il serait beaucoup plus simple de résoudre en modifiant la
Constitution ! Nous aurions ainsi toutes les garanties nécessaires.
Je répète que c'est la loi de 1982 qui a modifié la nature du Conseil
supérieur des Français de l'étranger, en le transformant d'organe technique
consultatif auprès d'un ministère en assemblée élue au suffrage universel. Il
eût été normal, à l'époque, de modifier la Constitution pour entériner cette
décision. Toutefois, il était difficile de réunir le Congrès à cette seule
fin.
Aujourd'hui, nous avons une opportunité de normaliser la situation et de faire
en sorte que la loi ne s'applique plus dans des conditions juridiquement
contestables. Alors, pourquoi ne pas le faire ? Monsieur le ministre, je suis
prêt à me ranger à vos arguments, mais je reste persuadé qu'il vaut mieux agir
sans délai. Nous apporterons ainsi aux Français établis hors de France la
preuve qu'ils sont considérés comme des Français à part entière.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Je sais tout l'intérêt que porte mon ami Guy Penne à cette proposition, mais
je peux lui dire, ainsi qu'à M. Cointat, qu'ils n'ont pas besoin d'attendre les
lois organiques dont vient de parler M. Devedjian.
Je me permets en effet de rappeler les termes du dernier alinéa de l'article
34 de la Constitution : « Les dispositions du présent article pourront être
précisées et complétées par une loi organique. »
Autrement dit, si nos collègues sénateurs des Français de l'étranger se
mettaient d'accord pour élaborer une proposition de loi organique sur ce sujet,
qui n'a pas vraiment de rapport avec le présent texte, pour compléter et
préciser l'article 34 dans le sens qu'ils souhaitent nous pourrions nous en
saisir très rapidement.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
Le Sénat se trouverait d'ailleurs ainsi à l'origine d'une grande première
puisque, depuis 1958, cette disposition n'a jamais été utilisée.
En vérité, on a tenté de l'utiliser une fois, mais les choses ne sont pas
allées juqu'au bout. Commençant à prendre un peu d'âge
(Mais non ! Mais non
! sur plusieurs travées),
je vais évoquer des circonstances dont on ne se
souvient pas forcément. En 1967, M. Roland Dumas avait déposé à l'Assemblée
nationale une proposition de loi organique visant à étendre la portée de
l'article 34 à la redevance de l'audiovisuel, qui faisait à l'époque l'objet
d'un conflit.
(M. le garde des sceaux marque sa surprise.)
Je vois M. le garde des sceaux hocher la tête : la redevance étant fixée par
voie de décret, le groupe de la fédération de la gauche démocrate et socialiste
avait effectivement proposé que l'article 34 soit complété de manière que cette
redevance soit fixée par la loi.
Quel que soit le sort de l'amendement de M. Cointat ce soir, rien n'interdit
donc à nos collègues sénateurs des Français établis hors de France de rédiger
une proposition de loi organique tendant à compléter l'article 34 de la
Constitution d'une manière conforme à leurs voeux !
Cela peut se faire d'une façon totalement indépendante de ce débat sur la
décentralisation, et sans attendre les projets de loi organique et ordinaire à
venir. Car ce n'est pas demain que nous en serons saisis, compte tenu de la
complexité des problèmes à résoudre !
Voilà pourquoi je ne suis guère tenté de voter, ce soir, l'amendement n° 48
rectifié
ter,
même si j'en comprends bien la portée, que m'a d'ailleurs
expliquée M. Penne, qui siège derrière moi, en me mettant des grands coups dans
le dos, ce qui était très désagréable !
(Rires.)
M. le président.
La parole est à M. Guy Penne, pour explication de vote.
M. Guy Penne.
Je n'ai pas frappé M. Charasse si fort que cela !
(Sourires.)
Il reste que je fais miens tous les arguments qui ont été avancés par M.
Cointat.
Nous sommes un certain nombre à nous battre depuis longtemps pour que la
communauté des Français résidant à l'étranger puisse avoir une véritable
représentation.
Ce qui a été réalisé par Pierre Mauroy mérite effectivement d'être salué. Je
rappelle que, en 1981, le candidat François Mitterrand avait inscrit parmi ses
propositions la possibilité pour les Français de l'étranger d'élire leurs
représentants au suffrage universel. C'est ainsi que, après son élection, est
né le Conseil supérieur des Français à l'étranger, lequel a constitué un grand
progrès. Le nombre des sénateurs représentant les Français établis hors de
France est ensuite passé à douze.
Vous le savez, au-delà des clivages politiques, ces douze sénateurs se
retrouvent très souvent pour défendre nos compatriotes résidant à l'étranger,
lesquels, contrairement à ce que peut faire croire une certaine image
d'Epinal, ne passent pas tous leur temps à se « goberger » sous les cocotiers.
Bien au contraire, on observe plutôt une tendance à la paupérisation des
Français expatriés, sans parler de tous les risques auxquels les communautés
françaises à l'étranger sont souvent terriblement exposées.
On sait aussi que les problèmes budgétaires que nous connaissons ne vont pas
manquer d'aggraver leurs difficultés dans le domaine scolaire ou dans le
domaine social, même si, à cet égard, des avancées ont été réalisées.
Indiscutablement, les intérêts des Français de l'étranger seront mieux
défendus si leur représentation est mieux assurée, notamment dans la
Constitution. Voilà pourquoi j'approuve cette initiative de notre collègue
Christian Cointat et ne suis donc pas tout à fait d'accord avec mon ami Michel
Charasse.
Cet amendement n'a été signé que par neuf des sénateurs des Français de
l'étranger. Si leurs trois collègues de gauche ne l'ont pas fait, cela ne veut
pas dire qu'ils ne le soutiennent pas. Je peux même indiquer qu'ils le voteront
tous les trois.
Quelle que soit la bonne volonté du Gouvernerment, je crois utile de faire ce
pas supplémentaire que nous propose M. Cointat. C'est un geste qui serait
grandement apprécié par nos compatriotes expatriés, dont beaucoup, soit dit
sans faire de misérabilisme, connaissent à l'heure actuelle des conditions de
vie extrêmement difficiles.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Robert Del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert Del Picchia.
J'approuve bien sûr sans réserve tout ce qu'a excellemment dit Christian
Cointat.
J'ai bien entendu vos arguments, monsieur le ministre, mais comprenez que
j'incline à suivre ceux de Christian Cointat. Peut-être un compromis
pourra-t-il être trouvé entre vous ! Quelle que soit la position qu'adoptera
finalement notre collègue, nous la soutiendrons, et sans qu'il ait à nous
donner des coups dans le dos !
(Sourires.)
Je voudrais seulement rappeler que c'est un décret qui a permis d'organiser
la première élection des représentants des Français de l'étranger au suffrage
universel, en 1982. La loi n'est intervenue que par la suite, ce qui est tout
de même assez original.
M. Michel Charasse.
C'est mieux que ce qu'il y avait avant !
M. Robert Del Picchia.
Par ailleurs, lorsqu'on a voulu aussi instituer la parité pour les élections
au Conseil supérieur des Français de l'étranger, le Conseil d'Etat a refusé
sous prétexte que les Français de l'étranger n'étaient pas mentionnés dans la
Constitution de la même façon que les autres Français. M. Charasse nous a
expliqué que nous pourrions, pour obtenir ce que nous voulons, préparer une
proposition de loi organique, mais c'est d'un signe fort que nous avons besoin
aujourd'hui. Si vous nous dites officiellement ce soir, monsieur le ministre,
qu'il sera donné dans la loi organique, peut-être Christian Cointat se
laissera-t-il convaincre ! Cela étant, un autre amendement traitant des
Français de l'étranger sera examiné ultérieurement. Si Christian Cointat est
d'accord pour retirer celui qui est actuellement en discussion, je pense qu'il
conviendra de maintenir au moins le second.
M. le président.
La parole est à M. Michel Guerry, pour explication de vote.
M. Michel Guerry.
Je souscris totalement aux propos de mes collègues sénateurs des Français de
l'étranger. Je voudrais cependant rappeler comment ceux-ci sont représentés.
Nous sommes deux millions de Français à l'étranger, soit l'équivalent de la
population de Paris
intramuros
. Or, Paris
intramuros
est
représenté par 163 conseillers, 12 sénateurs et 21 députés. Nous, nous sommes
représentés par 150 délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Ce sont des bénévoles, qui « couvrent » chacun, en général, plusieurs pays et
ont une tâche extrêmement difficile. Ces 150 délégués, comme vous le savez,
élisent 12 sénateurs représentants des Français de l'étranger.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ils sont bien représentés !
M. Michel Guerry.
Au Sénat, oui !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est l'essentiel !
(Sourires.)
M. Michel Guerry.
Mais Paris est, au surplus, représenté par 21 députés !
Nous considérons que nous sommes, nous, Français de l'étranger, très largement
sous-représentés, et donc très peu entendus.
L'adoption de l'amendement présenté par notre collègue Christian Cointat ne
permettrait de réaliser à cet égard qu'une très modeste avancée. S'il est
rejeté, comment pourrons-nous faire entendre notre voix, à l'étranger, auprès
des Français expatriés ?
On dit un peu partout que la France doit développer sa présence à l'étranger,
sur les plans tant culturel qu'économique ou politique. Comment voulez-vous que
ces mêmes Français ne soient pas désespérés de la France et ne s'en détournent
pas progressivement si nous ne faisons pas avancer leur représentation
politique ?
Ne pas voter cet amendement serait affirmer que les Français de l'étranger ne
sont pas des citoyens réellement égaux à ceux qui habitent la métropole.
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel, pour explication de vote.
M. Hubert Durand-Chastel.
Il est quelque peu curieux de parler de décentralisation en France en cette
époque de mondialisation, alors que la douce France n'a pas suffisamment de
ressortissants installés à l'étranger et se trouve donc en position
d'infériorité vis-à-vis de ses partenaires de l'Union européenne et d'autres
pays.
Aussi convient-il de faciliter les départs à l'étranger en reconnaissant aux
expatriés certaines spécificités et une certaine identité.
Il me semble donc tout à fait important que soit adopté l'amendement qu'a
défendu M. Cointat et que tous les sénateurs des Français établis hors de
France approuvent.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, quelle conclusion la commission tire-t-elle des
arguments qui viennent d'être échangés ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Monsieur le président, je voudrais d'abord rétablir une
vérité. J'ai cru percevoir une baisse dans la « charge affective » qu'éprouvait
M. Cointat à mon égard dans la mesure où il n'était plus question de sagesse.
Je tiens donc à lui rappeler que l'avis de sagesse rendu par la commission
concerne l'amendement n° 50, qui porte sur l'article 3 et prévoit que les
projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors
de France seront déposées en premier lieu au Sénat. Les Français établis hors
de France seraient ainsi mentionnés dans la Constitution.
Pour le reste, il nous est apparu hier en commission qu'une loi organique
constituerait la bonne solution.
M. le président.
Quelle est, maintenant, la position finale du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Monsieur le président, le Gouvernement reste
défavorable à cet amendement parce qu'il soulève une série de problèmes de
relation avec l'ensemble du texte constitutionnel, problèmes qui demandent à
être étudiés de près.
Le Gouvernement, s'agissant d'un amendement qui émane de sa majorité, souhaite
se concerter davantage avec elle.
J'ajouterai que la proposition du Gouvernement est honnête : rendez-vous est
pris, et il n'est pas renvoyé aux calendes puisque le projet de loi organique
sera examiné dès le premier trimestre de l'année prochaine.
M. Charasse, avec sa promptitude et sa subtilité juridique habituelles, m'a
précédé : il est bien vrai que l'article 34 de la Constitution prévoit que les
dispositions qu'il contient peuvent être précisées et complétées par une loi
organique. Rien n'est donc perdu.
Je propose, en attendant l'examen du projet de loi organique, une concertation
raisonnable avec les représentants des Français de l'étranger. C'est pourquoi
je demande à M. Cointat de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président.
Monsieur Cointat, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur ?
M. Christian Cointat.
L'essentiel était qu'un large débat ait lieu. Je comprends que le Gouvernement
n'est pas disposé à me suivre. Le mieux étant l'ennemi du bien, je retire cet
amendement.
Cela étant, comme le disait John Kennedy, « une erreur ne devient une faute
que si elle n'est pas corrigée ». J'espère donc que ce que je considère
aujourd'hui comme une erreur sera réparé, car les Français de l'étranger
attendent un signe fort de la part du Gouvernement et de la représentation
nationale, manifestant qu'ils sont reconnus comme des citoyens à part
entière.
Je souhaite que, dans les discussions qui s'engageront avec les représentants
des Français de l'étranger, toutes les sensibilités soient représentées. C'est
la condition pour que l'erreur dont je parlais soit effectivement corrigée.
Mais je fais confiance au Gouvernement pour qu'il en soit ainsi puisque la
concertation est le maître mot de notre action politique.
M. le président.
L'amendement n° 48 rectifié
ter
est retiré.
Articles additionnels avant l'article 2
M. le président.
L'amendement n° 171, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 35 de la Constitution est complété par l'alinéa suivant :
« Toute intervention des forces armées françaises à l'extérieur de la
République fait l'objet d'une déclaration du Gouvernement devant le Parlement,
suivie d'un débat et d'un vote. Hors session, le Parlement est réuni
spécialement à cet effet. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
J'indique d'emblée que j'aurais préféré que cet amendement vise à insérer un
article additionnel avant l'article 11, reconnaissant bien volontiers que son
objet est assez éloigné du texte en discussion.
Sur le fond, nous considérons que le renforcement du rôle du Parlement
conditionne la réussite de toute politique ambitieuse de démocratisation des
institutions.
C'est pourquoi cet amendement vise à compléter l'article 35 de la Constitution
en instaurant le principe d'un débat et d'un vote sur toute intervention de nos
forces armées à l'extérieur de nos frontières. Chacun perçoit l'actualité de
cette proposition au regard de la situation internationale.
Nous vous proposons de saisir l'opportunité de cette révision
constitutionnelle pour tenir compte de l'évolution des modalités d'intervention
extérieure des forces armées en adoptant cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Avec la même tristesse, toujours défavorable. Cet amendement
n'a pas de rapport avec le projet de loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Avis défavorable pour les mêmes raisons. Cet amendement
n'a aucun rapport avec l'objet de notre discussion.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, contre l'amendement.
M. Michel Charasse.
Je veux simplement dire à nos collègues et amis du groupe communiste que leur
amendement est ambigu. « Toute intervention » ! On ne sait pas si cela signifie
une intervention à caractère militaire ou une intervention d'un autre
caractère.
S'il s'agit d'une intervention militaire de guerre avec déclaration de guerre,
il faut un vote du Parlement. Mais s'il n'y a pas de déclaration de guerre,
chers amis, c'est l'application d'une convention internationale ou de la Charte
de l'ONU.
Et s'il faut intervenir en urgence, dans la nuit, parce que des incidents
éclatent en Centrafrique, en Côte d'Ivoire ou ailleurs à onze heures du soir,
s'il faut envoyer immédiatement des hommes pour assurer la sauvegarde de nos
compatriotes et de nos ressortissants, je ne vois pas comment on peut venir
devant le Parlement avant d'intervenir. On ne peut le faire qu'après coup, pour
expliquer ce qui a été fait.
La pratique du président Mitterrand, en ce qui concerne, en particulier, la
mise en oeuvre des dispositions de la Charte de l'ONU, a toujours consisté à
rendre compte le plus vite possible au Parlement, bien qu'il n'y ait pas été
tenu. Je me rappelle même que, pendant la guerre du Golfe, en 1990, le
gouvernement de l'époque a engagé sa responsabilité devant l'Assemblée
nationale, et même devant le Sénat.
Cet amendement n'est pas rédigé d'une façon suffisamment claire pour ne pas
être ambiguë, pour ne pas poser des problèmes d'application qui pourraient se
révéler fâcheux.
Si l'on attendait que nos ressortissants soient massacrés pour informer le
Parlement, ce serait un peu rude ! C'est la raison pour laquelle, je le dis
amicalement à nos collègues et amis, je ne pourrai pas voter leur amendement n°
171, dont la rédaction mériterait à tout le moins d'être revue.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 171.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 172, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi
libellé :
« Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 37 de la Constitution est ainsi rédigé :
«
Art. 37. -
Le Gouvernement prend les mesures d'application des lois.
Au cas où le Gouvernement ne prend pas les textes nécessaires à l'exécution de
la loi dans un délai d'un an après sa promulgation, le rapporteur du projet ou
de la proposition de loi présente devant la commission permanente compétente un
rapport sur les raisons de la non-application de la loi. Si, après injonction
de l'Assemblée nationale, le Gouvernement ne prend pas les textes d'application
dans un délai de deux mois, l'Assemblée nationale peut les prendre elle-même
par une disposition législative. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Cet amendement complète celui qui visait à rappeler qu'il appartient à la loi,
en principe, d'édicter les normes.
Même de manière autonome, cet amendement conserve toute sa valeur. Il pose en
effet la règle que le Gouvernement prend les mesures d'application des lois. Il
suggère par ailleurs que, si les décrets ne sont pas publiés dans un délai de
quatorze mois après la promulgation de la loi, l'Assemblée nationale prend
elle-même les dispositions nécessaires pour l'application de la loi.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Même avis que pour l'amendement précédent, monsieur le
président : défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Avis défavorable, monsieur le président.
En tant que constituants, il nous serait possible d'insérer une telle
disposition, mais elle ignorerait la distinction entre la loi et le règlement
posée par les articles 34 et 37 en faisant élaborer le règlement par le
Parlement.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Incroyable !
M. Jean-Jacques Hyest.
Cela lui arrive parfois !
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo.
Je voudrais faire remarquer à M. le ministre qu'il s'agit non pas de confier
le règlement au législateur, mais de permettre au Parlement de s'assurer que
les dispositions qu'il a votées sont mises en application.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Ce n'est même pas le Parlement, c'est
l'Assemblée nationale, en plus !
Mme Nicole Borvo.
Ces arguments découlent des remarques de la commission Vedel.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 172.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Il est inséré au titre V de la Constitution un article 37-1 ainsi
rédigé :
«
Art. 37-1
. - La loi et le règlement peuvent comporter des
dispositions à caractère expérimental. »
La parole est à Mme Josiane Mathon, sur l'article.
Mme Josiane Mathon.
L'article 2 du projet de loi tend à inscrire dans la Constitution la
possibilité pour le Parlement et le Gouvernement de prendre l'initiative en
matière d'expérimentation.
Il est des expérimentations qui, proposées avec la garantie nationale et avec
les moyens que cela suppose, peuvent se révéler positives pour les habitants
concernés. C'est déjà le cas, sans qu'il y ait besoin de modifier en quoi que
ce soit la Constitution. Ainsi, la régionalisation de la SNCF permet d'assurer
un meilleur service aux populations, dans le cadre d'orientations nationales,
et sans être autre chose qu'un simple transfert de compétences et de dépenses.
Au contraire, elle a amené l'Etat à s'engager plus fortement dans le domaine du
ferroviaire : des gares, des lignes ont été rouvertes.
Ce n'est pas ce qui nous est ici proposé, puisque l'orientation du
Gouvernement, telle qu'elle est présentée dans l'exposé des motifs, consiste à
se défausser de certaines de ses missions sur les collectivités territoriales,
sans leur donner les moyens pour y faire face, et avec pour conséquence une
inégalité accrue entre les citoyens, ce que nous ne pouvons admettre.
Le Conseil d'Etat avait d'ailleurs proposé d'en prendre acte avec la
formulation suivante : « le droit à l'expérimentation pourra déroger au
principe d'égalité ». De même, le rapport de la commission des lois souligne
que « par définition, l'expérimentation entraînera une rupture de l'égalité
entre les territoires et les individus qui entreront dans son champ et ceux qui
en seront exclus ».
N'oublions pas que les expérimentations concerneront des domaines aussi
fondamentaux que l'éducation ou la santé qui, selon nous, font partie
intégrante des missions nationales de l'Etat.
L'article 2 ne prévoit aucune garantie quant aux limites qui seront données
aux expérimentations, y compris dans les domaines que le Gouvernement qualifie
de « régaliens » et déclare vouloir se réserver. Or, comme le souligne, là
encore, le rapport de la commission, la révision constitutionnelle permettra
des expérimentations « dans des domaines ayant trait aux libertés publiques,
tels que celui de la justice ».
C'est extrêmement inquiétant, et les magistrats qui ont participé récemment à
la rencontre que nous avons organisée au Sénat concernant le projet de loi de
M. Sarkozy s'en sont émus auprès de nous. Après les enseignants et les
personnels de la fonction publique, les magistrats !... Cela commence à faire
beaucoup de mécontents !
Pour nous, l'expérimentation ne saurait être mise en oeuvre que sous la
responsabilité nationale, qui doit assurer unité, solidarité, égalité des
droits et cohésion nationale, qui sont considérés comme des missions de
l'Etat.
De plus, alors qu'une expérimentation est, par définition, réversible, aucune
garantie n'est donnée en ce sens. C'est « le législateur ou le pouvoir
réglementaire » qui décidera de la rendre applicable à l'ensemble des
collectivités, sans que celles-ci l'aient demandé.
Par ailleurs, le Président de la République déclarait lui-même, à Rouen, le 10
avril dernier : « La nation doit maintenant aller plus loin, beaucoup plus
loin, en prenant cette fois des garanties contre tout retour en arrière. »
Outre son caractère on ne peut plus flou, cet article est le deuxième d'un
texte qui prône une philosophie générale, une conception de l'Etat
particulièrement inquiétante, puisqu'elle remet en cause l'égalité des citoyens
et des territoires. Quelles seront réellement, dans ce contexte, les missions
futures de l'Etat ?
Ajoutons que les orientations générales du Gouvernement en matière sociale et
économique, comme en matière de dépenses publiques, nous incitent à la plus
grande prudence.
Pour toutes ces raisons, nous ne souhaitons pas le maintien de cet article qui
recèle pour l'avenir les plus grandes incertitudes.
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge.
Il est vrai que cette pratique, cette « bonne pratique » comme disait M. le
garde des sceaux, cet appel à l'innovation qu'est l'expérimentation a donné des
résultats tout à fait remarquables et appréciés de tous depuis longtemps. Sur
ce point, il n'y a pas de désaccord entre nous.
Il est également vrai que l'expérimentation se fait sous le contrôle vigilant
du Conseil constitutionnel. En effet, comme la commission des lois l'a bien
fait remarquer, nous sommes en contradiction avec le principe d'égalité. C'est
clair et net ! Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs été
particulièrement strict et réticent par rapport à l'extension du champ de
l'expérimentation dans le domaine des libertés publiques.
Ce point qui nous inquiète nous amène à vous interroger : quelle est
véritablement votre intention ? Vous pouvez certes nous rassurer, mais, comme
chacun le sait, la Constitution, qui est faite pour durer, sera utilisée par
d'autres. Il est vrai aussi qu'une pratique sous contrôle constitutionnel c'est
une chose et que constitutionnaliser une pratique en opposition avec le
principe d'égalité rend l'exercice un peu plus difficile. Nous sommes inquiets,
c'est vrai, quant aux éventuelles dérives. J'aimerais que M. le ministre nous
dise comment il voit les choses.
M. le président.
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 125 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 173 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 4, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34-1 ainsi
rédigé :
«
Art. 34-1.
- La loi peut, pour un objet et une durée limités,
autoriser des expérimentations. »
Le sous-amendement n° 216, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et
Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche,
Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et
rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 4 pour insérer un article 34-1
dans la Constitution, après les mots : "une durée limités", insérer les mots :
", dans le respect du principe d'égalité". »
L'amendement n° 88, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Au début du texte proposé par cet article pour l'article 37-1 de la
Constitution, ajouter les mots : "Dans le respect du principe d'égalité et pour
la mise en oeuvre d'objectifs de valeur constitutionnelle,". »
L'amendement n° 126, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du texte proposé par cet article pour insérer un
article 37-1 dans la Constitution :
« Dans le respect du principe d'égalité,... »
L'amendement n° 234, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par cet article pour insérer un article 37-1 dans la
Constitution, après le mot : "comporter" insérer les mots : ", pour un objet et
une durée limités,". »
L'amendement n° 127, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmid, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Après les mots : "dispositions à caractère expérimental", rédiger comme suit
la fin du texte proposé par cet article pour insérer un article 37-1 dans la
Constitution : "pour une durée et un objet limités". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n°
125.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Cet amendement tend à supprimer l'article 2.
Nous ne sommes absolument pas hostiles à l'expérimentation, nous l'avons
pratiquée. Bien avant que ce soit la mode, certains départements ont ainsi
expérimenté le RMI, tandis que d'autres ont testé à titre expérimental la
prestation dépendance, et bien d'autres choses.
Nous ne sommes pas du tout hostiles à l'expérimentation, nous pensons même que
c'est une bonne chose, mais nous estimons que la formulation du projet de loi
est trop générale.
En 1993, dans des circonstances que chacun connaît, le Conseil constitutionnel
avait posé un certain nombre de règles sur la nature et la portée de ces
expérimentations, avait défini les cas dans lesquels celles-ci pouvaient être
entreprises, les conditions et les procédures selon lesquelles elles devaient
faire l'objet d'une évaluation conduisant à leur maintien, à leur modification,
à leur généralisation ou à leur abandon...
Autrement dit, affirmer tout de go que l'expérimentation peut se faire sans
autre borne, sans autre précision, sans autre limitation nous semble très
discutable.
Cette rédaction ouvre par ailleurs la possibilité de procéder à des
expérimentations réglementaires sans habilitation législative préalable ; cela
nous préoccupe aussi.
Le flou de la rédaction et l'absence d'information sur le contenu des lois
organiques - nous ne pouvons pas disposer des lois organiques maintenant, mais
nous aurions aimé avoir des éclaircissements sur certaines directions, sur
certains thèmes - rendent totalement incertains le champ d'application de ces
expérimentations, leurs modalités de mise en oeuvre et les conséquences qui
pourraient en découler à terme.
Dans ce domaine comme dans d'autres, il nous semble que les choses sont allées
un peu vite et qu'il n'est peut-être pas extrêmement urgent d'inscrire dans la
Constitution la nécessité de réaliser de telles expérimentations.
En fait, il y a, d'une part, l'expérimentation qui est déjà possible sans
qu'il soit nécessaire de modifier la Constitution, et à laquelle j'ai fait
allusion : un certain nombre de projets de loi ont prévu l'expérimentation dans
telle ou telle collectivité territoriale. Il y a, d'autre part, les
expérimentations dans des domaines plus larges, notamment ceux qui concernent
les libertés publiques.
Pour la justice, par exemple, le danger, c'est de mettre en cause gravement le
principe d'égalité des citoyens, ou d'ouvrir la voie du transfert de larges
politiques nationales sans que des limites aient été précisées.
Nous considérons donc une fois encore que tant les principes d'unité et
d'invisibilité de la République que celui de l'égalité des citoyens sont en
cause, et que le dispositif, trop général, présente de trop graves dangers pour
que nous l'acceptions.
Nous proposons donc de supprimer l'article 2.
M. le président.
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre l'amendement n° 173.
Mme Josiane Mathon.
Nous réaffirmons avec force notre volonté de supprimer l'article 2, dans la
mesure où nous nous opposerons à tout ce qui peut porter atteinte à l'égalité
des citoyens sur l'ensemble du territoire.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4.
M. René Garrec,
rapporteur.
Nous le retirons, monsieur le président, au profit de
l'amendement n° 234 du Gouvernement, qui nous semble mieux rédigé et qui
reprend nos idées.
M. le président.
L'amendement n° 4 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 216 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 88.
M. Michel Charasse.
L'article 37-1 que l'on nous propose d'insérer dans la Constitution vise à
autoriser la loi et le règlement à prévoir des expérimentations.
Dans le cadre législatif actuel, et des compétences locales en particulier,
tout est déjà possible. S'agissant de leurs compétences respectives, les
collectivités territoriales font ce qu'elles veulent : certaines attribuent des
bourses départementales, dont elles fixent le montant et d'autres n'en
attribuent pas, le tarif des transports scolaires peut varier d'un département
à l'autre ; on peut lancer des expérimentations en matière de construction ou
d'aménagement de collèges ou de sections de ceux-ci. Bref, beaucoup de choses
sont d'ores et déjà possibles, pourvu que le principe d'égalité soit chaque
fois localement respecté. D'ailleurs, la commission des lois l'a très
judicieusement fait remarquer dans son rapport.
L'Etat, de son côté, peut réaliser toutes les expériences qu'il veut pour ses
propres services. On entend souvent dire que quatre ou cinq départements ont
été choisis pour expérimenter un nouveau système de délivrance des permis de
conduire ou des cartes grises, ou encore un nouveau système de traitement de
certains dossiers agricoles, etc. Ce n'est donc pas nouveau !
Par ailleurs, on peut toujours, dans le cadre des expérimentations, voire en
dehors, introduire toutes les différences que l'on souhaite selon que l'on est
rural ou urbain, que l'on est en plaine ou en montagne, que l'on est retraité
ou actif, que l'on appartient à une profession libérale ou salariée. Bref, les
possibilités sont déjà très nombreuses.
Je me suis donc demandé pourquoi le Gouvernement proposait d'inscrire cette
disposition particulière dans la Constitution, qui est tout de même un texte
très solennel. En effet, si l'on respecte les principes fondamentaux, cette
disposition est inutile. Donc, on l'inscrit, c'est pour ne pas les respecter !
Cela vaut pour le principe d'égalité comme pour un certain nombre d'autres
grands principes.
D'ailleurs, cette mesure n'est pas nécessaire puisque le Conseil
constitutionnel et le Conseil d'Etat ont déjà accepté le principe des
expérimentations pourvu que ce soit très temporaire, très ciblé et très précis.
Je me dis donc que l'on veut aller plus loin. Or, aller plus loin, c'est courir
le risque, à terme, de remettre en cause les grands principes.
Je propose donc, monsieur le président, pour que les choses soient claires, de
dire - en tout cas, c'est sous-entendu - que les expérimentations qui sont déjà
autorisées aujourd'hui pourront se poursuivre, pourvu qu'elles respectent le
principe d'égalité et la mise en oeuvre d'un objectif de valeur
constitutionnelle. En effet, le Conseil constitutionnel, en particulier, a
parfois considéré qu'un certain nombre d'exceptions sont toujours possibles
lorsqu'il s'agit d'atteindre un objectif de valeur constitutionnelle. C'est
donc une précaution !
Par conséquent, on ne met pas en place une France à deux vitesses si l'on
respecte le principe d'égalité et la mise en oeuvre de dispositions propres à
satisfaire un objectif de valeur constitutionnelle. Mais tel sera le cas si
l'article reste tel qu'il est rédigé, même s'il est modifié par l'amendement n°
234 du Gouvernement auquel a fait allusion M. Garrec tout à l'heure : préciser
« pour un objet et une durée limités » est quand même la moindre des choses
!
Il faut que nous soyons clairs et que nous sachions ce que nous faisons :
remettons-nous en cause les grands principes de la République ou pas ? Déjà, à
propos de l'organisation décentralisée, le doute demeure. Mais, là, nous nous
enfonçons encore plus dans l'incertitude et encore moins dans le doute.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 126.
M. Jean-Pierre Sueur.
Cet amendement tend à rappeler le respect du principe d'égalité ; Michel
Charasse vient d'en parler éloquemment. Il nous a déjà été dit, en commission,
qu'il n'était pas utile de faire figurer le principe d'égalité dans cet article
: étant donné qu'il est déjà inscrit dans l'article 1er de la Constitution, il
a une valeur générale.
Il nous paraît toutefois important que ce principe d'égalité apparaisse dans
l'article 2 qui ouvre la possibilité constitutionnelle de l'expérimentation. En
effet, des expérimentations ont déjà eu lieu sans que la Constitution ait été
modifiée pour autant : les expérimentations sont possibles dès lors qu'elles
sont prévues et encadrées par la loi ; cela a été largement rappelé. Des
expérimentations très utiles et très pertinentes ont été menées, par exemple en
matière de transport ferroviaire régional.
Dès lors, pourquoi modifier la Constitution ? Nous craignons que ne se
produise, en effet, une dérive, qui serait renforcée par d'autres articles du
projet de loi. Car la possibilité de créer toutes sortes de collectivités à la
place des collectivités existantes et le pouvoir pour les collectivités de se
doter de compétences différentes selon leur choix peuvent aboutir à un système
profondément inégalitaire : telle université sera très bien dotée, alors qu'à
quelques kilomètres telle autre université, qui compte de nombreux étudiants,
aura beaucoup moins de moyens. Est-ce normal ? Dans tel département, dans telle
région, quand bien même le voudrait-on, on ne pourra pas procéder à des
expérimentations faute de crédits suffisants, par exemple dans le domaine
universitaire.
Il nous paraît donc très important de préciser que le recours aux
expérimentations doit se faire dans le respect du principe d'égalité. Nous
savons bien que toute expérimentation est, par nature, une renonciation à une
certaine forme d'égalité, en tout cas, d'uniformité, puisque les choses ne se
passeront plus exactement de la même façon.
M. Jean-Jacques Hyest.
Vous adorez l'uniformité !
M. Jean-Pierre Sueur.
Pas du tout ! Il nous paraît utile - tel est d'ailleurs l'objet de la
décentralisation - que chaque région, chaque département, chaque commune puisse
faire valoir son identité, sa personnalité, ses projets propres, mais il faut
que cela soit compatible avec le principe d'égalité. Le respect des diversités
et le respect de l'égalité ne sont pas antinomiques. Sinon, toutes les mesures
que nous prenons aujourd'hui et tout ce qui a été réalisé en matière de
décentralisation serait vain !
C'est pourquoi il est pleinement justifié de rappeler le principe d'égalité au
moment où l'on fait figurer dans la Constitution le droit à
l'expérimentation.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 234.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Cet amendement se justifie par
son texte même : il vise à préciser que l'expérimentation se fait « pour un
objet et une durée limités ». Cela devrait donc répondre à certaines
interrogations qui viennent d'être exprimées.
Mais je voudrais profiter de l'examen de cet amendement pour rappeler le sens
de l'article 2, dont je vous donne lecture : « La loi et le règlement peuvent
comporter des dispositions à caractère expérimental. » Je souhaite d'emblée
dissiper un doute qui a été émis tout à l'heure : il ne s'agit aucunement de
prévoir une expérimentation qui consisterait à transférer à une collectivité
territoriale une compétence qui est aujourd'hui assumée par l'Etat !
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas précisé dans le texte !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Seul l'Etat est concerné par cet article ; il n'est pas
inutile de le rappeler !
S'agissant maintenant de la signification profonde de cet article, les choses
doivent être bien claires. Tout d'abord, il est indiqué : « la loi et le
règlement ». Nous souhaitons, en effet, dans ces deux domaines, assurer une
plus grande sécurité juridique aux possibilités d'expérimentation.
Il serait paradoxal de donner aux collectivités territoriales la possibilité
de procéder à des expérimentations et de laisser l'Etat se heurter à de grandes
difficultés pour le faire.
Nous sommes tous convaincus - les propos qui ont été tenus hier après-midi
l'ont montré - de la nécessité de réformer l'Etat. Nous sommes également tous
convaincus soit par l'observation, soit par l'expérience, de la difficulté d'y
parvenir.
Or, à l'évidence, aujourd'hui, compte tenu de la nature de la société, mais
aussi des contraintes de toute nature, il est beaucoup plus facile de procéder
à une expérience en un lieu donné et pendant une durée de temps limitée, d'en
tester les résultats et, ensuite, de pouvoir convaincre les partenaires de
généraliser cette expérience ou de ne pas le faire. Et si l'on a réalisé deux
ou trois expériences légèrement différentes sur le même objet, on peut choisir
l'expérience qui a le mieux fonctionné. Tel est l'objectif !
Pourquoi - au fond, c'est le sens des interrogations qui ont été émises - le
faire figurer dans la Constitution ? Eh bien ! tout simplement, monsieur Sueur,
parce qu'il y a une contradiction intellectuelle entre le principe d'égalité et
le principe d'expérimentation.
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est tout le problème !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Il ne faudrait pas se priver de l'expérimentation au
nom du principe d'égalité et d'un respect trop strict de ce principe.
(Et
voilà ! sur les travées socialistes.)
Les choses sont claires ! Il faut
savoir de quoi l'on parle : vous avez eu, vous aussi, l'expérience du
gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, et vous savez
combien il est difficile de réformer l'Etat. Il faut donc bien se donner enfin
les moyens de rendre son efficacité à l'autorité publique. Sinon, nos
concitoyens apporteront à l'impuissance publique la même réponse que le 21
avril dernier !
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Pourquoi le Gouvernement a-t-il retenu cette rédaction, qui lui paraît
prudente ? Tout simplement pour permettre un contrôle : le respect de ce
principe doit être étroitement proportionné à l'intérêt général. Le Conseil
constitutionnel aura ainsi la capacité de mesurer l'intérêt de
l'expérimentation à l'aune du respect du principe d'égalité.
Si l'expérimentation est d'origine parlementaire, le Conseil constitutionnel
procédera à une analyse de l'importance de l'expérimentation, donc de
l'exception relative par rapport au principe d'égalité. Si l'expérimentation
est d'origine réglementaire, c'est le Conseil d'Etat qui sera compétent.
Le dispositif qui vous est soumis ne présente donc pas de risque quant au
respect des grands principes de nos institutions républicaines. C'est une
possibilité d'ouverture, strictement contrôlée par le Conseil constitutionnel
et par le Conseil d'Etat, qui permettra d'engager des expérimentations dans des
conditions de sécurité juridique plus évidentes qu'aujourd'hui.
Lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la
justice...
M. Jean-Jacques Hyest.
Excellent exemple !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
... un débat a eu lieu sur ce sujet. M. Fauchon m'avait
alors demandé d'expérimenter, dans deux ou trois tribunaux d'instance,
l'échevinage entre juges professionnels et juges non professionnels. Je lui ai
répondu la vérité, à savoir qu'une telle expérimentation était impossible
aujourd'hui. Eh bien ! mesdames, messieurs les sénateurs, si vous adoptez ce
texte, je pourrai demain vous proposer une disposition législative permettant
une telle expérimentation, sous le contrôle du juge.
Tel est le sens de ce texte, qui me paraît très important. Je vous assure, en
tant que ministre de la justice, que, compte tenu des interrogations que nous
pouvons avoir les uns et les autres sur d'éventuelles évolutions des procédures
pénale ou civile, notamment, ce texte sera extrêmement utile. Je le rappelle,
il sera appliqué sous le contrôle du juge constitutionnel, s'il s'agit de la
loi, ou du Conseil d'Etat, s'il s'agit du règlement. Je demande au Sénat de
bien y réfléchir.
Je souhaite que ce texte puisse, comme un signal de la réforme de l'Etat, être
voté à la plus large majorité possible.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n°
127.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Cet amendement va tout à fait dans le sens des préoccupations que vient
d'exprimer M. le garde des sceaux, puisqu'il s'agit de préciser et d'encadrer
un peu plus le droit à l'expérimentation ; il ne semble pas que le Gouvernement
puisse s'y opposer !
Il s'agit, en effet, de préciser qu'on ne peut pas expérimenter sans fixer des
bornes, à la fois sur l'objet de l'expérimentation et sur sa durée. Nous
rappelons également, comme M. le garde des sceaux à l'instant, qu'une
évaluation est nécessaire avant la modification de l'expérimentation, son
abandon ou son extension.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Les amendements identiques n°s 125 et 173 sont contraires à
la position adoptée par la commission. En effet, nous considérons que le
recours à l'expérimentation constitue une irremplaçable méthode au service de
la modernisation de l'Etat.
L'expérimentation permet de tester une réforme à une petite échelle, afin d'en
mesurer les avantages et les inconvénients et d'en améliorer les dispositions
avant d'en généraliser l'application. Elle permet également de dissiper les
craintes et de lever les réticences que suscite souvent toute perspective de
changement. Mieux acceptée, la réforme peut être mise en place plus rapidement
et produire ses effets pleinement.
Indépendamment de son incontestable valeur symbolique, la révision
constitutionnelle est nécessaire pour qu'il soit possible d'entreprendre des
expérimentations, comme le disait M. le garde des sceaux tout à l'heure, dans
les domaines ayant trait aux libertés publiques, comme la justice, où le
Conseil constitutionnel veille au strict respect de l'égalité des citoyens.
La commission est donc défavorable aux amendements identiques n°s 125 et
173.
S'agissant de l'amendement n° 88, la commission a émis également un avis
défavorable.
La révision constitutionnelle a précisément pour objet d'éviter que
l'application du principe d'égalité des citoyens devant la loi, qui est très
stricte dans le domaine de la justice, ne puisse faire obstacle à des
expérimentations, par exemple en matière d'échevinage, que nous évoquions tout
à l'heure.
En revanche, le principe d'égalité continuera de s'appliquer dans le cadre de
chaque expérimentation.
Enfin, il n'est pas certain que la notion d'objectifs à valeur
constitutionnelle couvre l'ensemble des motifs pouvant justifier le recours à
l'expérimentation.
Les expérimentations recouvrent souvent des actions simples permettant de
tester une nouvelle action sur le terrain, et M. le garde des sceaux pouvait
sans doute fournir bien d'autres exemples encore. Personnellement, je crois
être suffisamment éclairé !
S'agissant de l'amendement n° 126, je dois dire que, par définition,
l'expérimentation entraîne une rupture d'égalité sur le territoire entre les
individus qui entrent dans le champ de l'expérimentation et ceux qui en sont
exclus.
En revanche, dans le champ même de chaque expérimentation, le principe
d'égalité devra toujours faire l'objet d'une application stricte.
Enfin, il faudra veiller à ce que ces expérimentations soient réversibles. La
commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 126.
Par l'amendement n° 234, le Gouvernement reprend nos positions, et je l'en
remercie. La commission a donc émis un avis favorable.
Enfin, l'amendement n° 127 est satisfait par l'amendement du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements
identiques de suppression n°s 125 et 173.
S'agissant de l'amendement n° 88 de M. Charasse, le Gouvernement - comme M.
Peyronnet - est d'accord sur l'objet et la durée limités. En revanche,
réaffirmer dans le même article le principe d'égalité, c'est annuler l'effet de
l'introduction de l'expérimentation.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 88.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 126.
Quant à l'amendement n° 127, nous estimons également qu'il est satisfait par
l'amendement n° 234 du Gouvernement.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 125 et 173.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 88.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 126.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, contre l'amendement n° 234.
Mme Marie-France Beaufils.
J'ai été très intéressée par les arguments donnés tout à l'heure par M. le
ministre. En effet, lorsque nous avons commencé à débattre de ce texte, nous
avons eu un échange sur ce qu'il fallait entendre par l'expression «
organisation décentralisée » qui nous était proposée à l'article 1er. Or
j'entends qu'il s'agirait aussi d'expérimenter dans le domaine des libertés
publiques, la justice en particulier.
Nous découvrons, en fait, au hasard d'un amendement, que le Gouvernement
réintroduit l'organisation décentralisée de la République, et non pas seulement
des collectivités territoriales.
Et nous étions hors sujet tout à l'heure ?
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Madame le sénateur, je ne peux pas vous laisser tenir
de tels propos sans répondre !
Je croyais l'avoir expliqué clairement tout à l'heure, il ne s'agit pas, pour
l'Etat, de se décentraliser lui-même : je ne vois d'ailleurs pas ce que cela
voudrait dire, puisqu'il ne pourrait se décentraliser que sur une collectivité
territoriale.
L'amendement n° 234, qui précise que l'expérimentation est décidée « pour un
objet et une durée limités », peut donc très bien viser une initiative qui
réponde à une définition autre que spatiale ; l'expérimentation ne s'entend pas
nécessairement par rapport à un territoire de l'administration d'Etat.
Dans ce cas de figure, il ne s'agit pas du tout de confier à d'autres une
compétence, l'Etat continue à l'assumer ; simplement, pour améliorer le
fonctionnement de l'administration d'Etat, il souhaite expérimenter telle ou
telle modalité d'action. C'est tout à fait autre chose, c'est une démarche
parfaitement naturelle mais qui peut se heurter au principe d'égalité, si l'on
s'en tient à une analyse juridique trop stricte. C'est la raison pour laquelle
nous souhaitons rendre possible ce type d'expérimentation.
Je le dis avec beaucoup de sincérité, madame le sénateur, c'est probablement
le moyen de préserver l'idée que nous nous faisons, en France, du service
public.
M. Jean Chérioux.
Bravo !
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
J'ai été, moi aussi, très intéressé par les propos qu'a tenus M. le garde des
sceaux quand il a présenté tout à l'heure l'amendement n° 234.
Il faut que les choses soient claires, d'autant plus que, sur le sujet du
principe d'égalité, les ministres ont manifesté une certaine différence
d'appréciation lorsque nous les avons auditionnés à l'occasion de la réunion
commune de la commission des lois et de la commission des finances, l'un nous
disant qu'il s'agissait de respecter le principe d'égalité - il a varié un peu
depuis -, l'autre nous disant que le principe d'égalité devait être un peu
assoupli.
Mes chers collègues, qu'est-ce donc qu'une application stricte du principe
d'égalité ? Excusez-moi, mais le principe d'égalité a toujours été appliqué
strictement par la jurisprudence, qu'elle soit constitutionnelle ou
administrative, lorsqu'il était réellement, profondément et véritablement en
cause. Et si, comme je le rappelais tout à l'heure, les juridictions - ou le
Conseil constitutionnel - ont toujours accepté le principe de
l'expérimentation, c'est parce qu'elles ont considéré que le principe d'égalité
n'était pas gravement, fondamentalement, irrémédiablement mis en cause !
Je suis de ceux qui pensent que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à
l'expérimentation : s'il y fait obstacle, c'est que le principe est
profondément en cause. Il n'y a donc pas de contradiction entre expérimentation
et principe d'égalité : on peut l'appliquer strictement si le dispositif est
temporaire, s'il est précis. Tel est d'ailleurs l'objet de l'amendement n°
234.
Lorsqu'il y a un objectif de valeur constitutionnelle, c'est-à-dire quand il y
va de l'intérêt général - ce peut être le principe de continuité de l'Etat, le
principe d'unité et d'indivisibilité, et je pourrais en énumérer quarante -,
alors on peut apporter des correctifs, parce qu'il s'agit de trouver un
équilibre entre des principes de valeur constitutionnelle : l'objectif de
valeur constitutionnelle, d'un côté, le principe d'égalité, également de valeur
constitutionnelle, de l'autre.
Je persiste donc à penser que ce dispositif n'est pas forcément utile,... sauf
si l'on veut aller plus loin !
Mme Nicole Borvo.
Ah !
Mme Marie-France Beaufils.
Qu'on le dise, alors !
M. Michel Charasse.
Là est la question ! Je dois dire que, bien que M. le garde des sceaux ait
fourni tout à l'heure des explications et des exemples qui seront extrêmement
utiles au titre des travaux préparatoires, il n'empêche qu'il y a des domaines
dans lesquels nous devons admettre, les uns et les autres, que le principe
d'égalité est intouchable.
Envisagerait-on, un jour, d'établir un régime des peines, c'est-à-dire un code
pénal, par région, et ainsi d'en revenir aux provinces de la royauté ?
Mme Nicole Borvo.
Ah !
Mme Marie-France Beaufils.
Ce serait le retour des féodaux !
M. Guy Fischer.
Des barons !
M. Michel Charasse.
C'est un domaine important !
Que certaines dispositions pratiques du code de procédure pénale, que les
méthodes d'investigation, par exemple, puissent faire l'objet de dispositions
spécifiques, à la limite... Il existe d'ailleurs déjà des différences entre
l'outre-mer et la France métropolitaine à cet égard. Mais le régime des peines
! Que les tribunaux relèvent de la puissance publique de l'Etat, dont c'est
l'une des attributions régaliennes, c'est une donnée que l'on ne peut pas
remettre en cause !
Pourrait-on envisager de confier une partie de la sécurité publique à des
agents ne relevant pas de l'Etat ? A l'heure actuelle, seule une catégorie
d'agents, tout en étant des agents de l'Etat, ne sont pas désignés par lui, ce
sont les maires et les adjoints. Mais, en dehors de ceux-là, tous les autres
agents relèvent de l'Etat.
Peut-on décider, demain, qu'il y aura plusieurs régimes de sécurité sociale ?
Peut-on décider, demain, de lancer des expérimentations en matière de retraite,
du genre : « en Bretagne un peu plus, ailleurs un peu moins » ? Et, pour
rassurer ceux d'entre vous qui pourraient être inquiets, mes chers collègues,
je mets naturellement la Corse à part puisque, comme tout le monde le sait,
elle a tous les droits.
Il nous faut donc être précis : on ne peut se cramponner au principe
intangible d'égalité lorsque l'intérêt national est en jeu et impose parfois de
le transgresser, modérément ou temporairement, sur des points précis, mais on
ne peut pas le transgresser si c'est simplement pour le plaisir de le
transgresser et de fabriquer une France à plusieurs vitesses !
Monsieur le garde des sceaux, si tel était le sens des propos que vous avez
tenus tout à l'heure - vous l'aurez peut-être mieux exprimé que je ne l'ai fait
- alors, évidemment, je suis quelque peu rassuré. J'espère simplement que,
derrière cette disposition que vous prévoyez d'introduire à l'article 37-1
nouveau, ne se dissimulent pas des arrière-pensées qui vont au-delà des propos
que vous avez tenus et au-delà de ce que je suis prêt, moi, à accepter.
L'intérêt national, cela existe aussi. Il existe, notamment, une loi de 1938
sur l'organisation de la nation en temps de guerre qui, si elle avait été
soumise au Conseil constitutionnel, aurait peut-être, à l'époque, été un peu
écornée. Il n'empêche qu'elle prévoit un certain nombre d'exceptions au droit
de propriété, au régime des réquisitions, etc., mais c'est en vertu de
l'intérêt national. L'intérêt d'une compagnie folklorique en Bretagne, en
Corse, en Auvergne ou ailleurs ne peut justifier, pour le plaisir temporaire de
quelques-uns, telle ou telle expérimentation.
L'amendement n° 234, qui rejoint d'ailleurs celui de M. Peyronnet, présenté
juste après, parce qu'il introduit dans l'article 37-1 la notion d'objet et de
durée limités - ce qui est un morceau, je le précise, de la jurisprudence
constitutionnelle en la matière, notamment la décision de 1993 par laquelle a
été annulée la proposition de loi présentée par M. Barrot sur les
expérimentations conduites dans le cadre des universités -, me satisfait donc
pleinement.
Toutefois, je crois que, dans le raisonnement, il faut être beaucoup plus
précis. On ne touche pas au principe d'égalité pour faire plaisir à
quelques-uns ; on y touche si c'est essentiel à la vie nationale et, dans ce
cas-là, on peut toujours en discuter. Mais s'il s'agit d'expérimenter pour le
plaisir, de satisfaire ici ou là un journal, une mode passagère, ou d'obliger
un ministre en visite, etc., moi, je vous avertis, je n'en suis pas. La
République, cela ne peut vraiment pas se manipuler comme cela !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Cela étant dit, je voterai, bien sûr, l'amendement n° 234.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau.
A partir de cette discussion sur le droit à l'expérimentation, nous touchons
au fond du débat que nous avons depuis hier et qui concerne à la fois le
principe d'égalité et le champ réel d'application de ce texte de loi.
Sur le principe d'égalité, je n'ai cessé d'affirmer - vainement, je le
reconnais - depuis le début de ce débat - et je ne suis d'ailleurs pas le seul
- que les inégalités de ressources entre collectivités locales étaient
considérables. Un récent classement effectué par
Le Monde
entre régions
métropolitaines en montre l'ampleur et indique, ce qui ne m'a pas étonné, que
l'Ile-de-France était en tête et ma région bonne dernière.
M. Jean-Jacques Hyest.
Non, et je vais vous donner des exemples !
M. Gérard Delfau.
Contrairement à ce que j'entends dire de temps en temps, toutes les
expériences qui sont menées montrent qu'une plus grande autonomie des
collectivités locales aggrave nécessairement les inégalités existantes.
D'où ma première réflexion : je voterai le texte de loi tel que vous nous le
présentez, à condition qu'il soit rééquilibré par la réaffirmation que l'Etat,
garant de la cohésion sociale et territoriale, consentira en contrepartie un
effort supplémentaire pour éviter que les écarts ne se creusent davantage et
que les collectivités locales ne voient pas leurs revenus diverger plus
gravement encore.
L'expérimentation - et j'en reviens à la première partie de mon raisonnement -
sera bien quand même, d'une certaine façon, messieurs les ministres, un luxe
pour les collectivités territoriales qui peuvent se l'offrir. On sait bien que
les collectivités territoriales qui disposeront d'une marge financière se
lanceront plus facilement dans ce type d'expérimentation et, au bout du compte,
se profile le risque majeur qu'elles n'arrachent ainsi de nouvelles
compétences.
Je prendrai un exemple simple : le problème de la forêt.
Une région qui bénéficie de forêts très productives voudra avoir la compétence
de la forêt. Or, si d'une façon ou d'une autre, il n'existe plus de gestion
nationale des forêts, les régions qui possèdent des forêts productives en
assumeront, à l'évidence, facilement les charges. Mais les autres, pour qui la
forêt est d'abord un lieu d'accueil et représente un risque d'incendie, comment
feront-elles pour assumer cette charge financière ?
Messieurs les ministres, je reviens donc à mon premier propos : je suis
personnellement convaincu qu'une nouvelle étape - et non pas une rupture - de
la décentralisation serait une bonne chose, à condition que vous nous donniez
les moyens d'équilibrer les effets pervers - qui sont inéluctables - de cette
disposition générale.
Mais le second problème qui se pose et qui, à mon avis, est plus important et
plus grave encore concerne le champ d'application.
Depuis le début du débat, monsieur le garde des sceaux, vous nous expliquez
que ce texte s'adresse aux collectivités territoriales et vous nous avez
demandé - nous ne l'avons pas tous accepté dans cette assemblée - d'inclure la
formule d'organisation décentralisée. Mais l'exemple que vous choisissez relève
de la compétence de l'Etat ! Il y a là une contradiction qui démontre que ce
texte n'est pas abouti, que ce texte est flou, confus, et ce n'est pas le
travail de la commission qui nous aidera à l'éclaircir.
Ce texte vise-t-il simplement à donner plus de pouvoirs aux collectivités
territoriales ou modifie-t-il au contraire substantiellement le fonctionnement
de l'Etat ?
Voilà une autre question, messieurs les ministres, pour laquelle nous
aimerions une réponse claire, car sinon les dispositions qui seront votées le
seront dans la confusion, et leur application comportera des risques majeurs.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc.
Bonne question !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest.
La disposition introduite dans cet amendement n° 234 est certainement une des
plus importantes de la réforme qui nous est proposée. D'ailleurs, on l'a bien
dit, à la décentralisation est liée la réforme de l'Etat.
Peut-on parler d'expérimentation quand, dans leur domaine de compétences
propres, on laisse aux collectivités la possibilité d'intervenir ? M. le garde
des sceaux a cependant donné de bons exemples dans lesquels la jurisprudence du
Conseil constitutionnel ou la jurisprudence administrative ne permettent pas
l'expérimentation. Des exemples d'innovations dans le domaine de la justice ont
même été donnés aujourd'hui, qui s'écartaient de la loi. Je pense ainsi aux
délégués du procureur, etc.
Monsieur le garde des sceaux, n'aurions-nous pu expérimenter les juges de
proximité dans un certain nombre de juridictions d'abord, et ensuite étendre
cette expérience ? Je pense que cela aurait été sage. Cela ne remet pas en
cause le principe d'égalité, mais je suppose que, si nous l'avions fait, le
Conseil constitutionnel nous aurait censurés.
C'est un bon exemple, mais l'on pourrait en trouver beaucoup d'autres. Cela
peut être un problème d'organisation de l'Etat, dans le cadre de son pouvoir
réglementaire.
Nous le savons tous, certains services de l'Etat, certains services de police
et de gendarmerie ont été organisés différemment et des expérimentations ont pu
être conduites. Tous les services doivent normalement être organisés de la même
manière dans notre pays, ce qui, selon moi, est un peu dommage. Je pense que
l'expérimentation est une voie extrêmement prometteuse...
M. Gérard Delfau.
Non !
M. Jean-Jacques Hyest.
... permettant d'engager des réformes de l'Etat et de les faire accepter. En
effet, à vouloir les faire toutes ensemble, on prend le risque de les voir
souvent se perdre dans les sables !
Des expérimentations bien conduites, puis généralisées si elles réussissent,
me paraissent extrêmement importantes dans le cadre de la réforme de l'Etat.
Mme Nicole Borvo.
Il faut modifier la Constitution pour cela !
M. Jean-Jacques Hyest.
Beaucoup le réclament depuis longtemps. Faut-il rappeler que l'Assemblée
nationale a même voté un texte dans ce domaine, il n'y a pas si longtemps ?
En résumé, oui à l'égalité, non à l'uniformité, qui, à mon avis, n'est pas
forcément la meilleure des choses. Convaincu qu'il s'agit certainement d'une
des dispositions les plus importantes de ce texte, bien entendu, je voterai
l'amendement n° 234.
M. le président.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat.
L'amendement n° 234 qui, au-delà du fait qu'il se situe juste avant dans
l'ordre de la discussion, présente une certaine familiarité avec l'amendement
de M. Jean-Claude Peyronnet appelle deux remarques.
Ce texte est relatif à l'organisation décentralisée de la République. M.
Devedjian a, à de multiples reprises, disqualifié une certain nombre
d'amendements au motif qu'ils ne se rapportaient pas au projet de loi.
Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre délégué, que la décentralisation
concernait les collectivités territoriales. Or, au sujet de cet amendement,
vous avez dit vous-même - je vous cite, je l'espère sans déformer vos propos :
« C'est l'Etat pour lui-même ». Si c'est l'Etat pour lui-même, c'est non pas de
la décentralisation, mais de la déconcentration. Dès lors, vous vous placez
dans une situation curieuse, celle de déposer vous-même un cavalier sans
rapport avec le texte que vous nous proposez puisqu'il porte sur l'organisation
décentralisée et que la décentralisation concerne, selon vous, les
collectivités territoriales. C'est un premier point : c'est un aspect dont on
n'arrive plus à discerner s'il relève de la déconcentration ou de la
décentralisation.
Je vous suis parfaitement quand vous dites qu'il faut expérimenter.
Effectivement, on peut admettre ce point de vue et j'ai relevé, dans le propos
de M. Hyest, de nombreuses idées fort pertinentes sur l'expérimentation. On est
bien là dans le domaine de l'organisation de l'Etat, et non pas dans celui de
l'organisation décentralisée.
Ma seconde remarque concerne le principe d'égalité, pour lequel vous avez un
respect si infini que, chaque fois qu'on vous le présente, vous l'écartez, ce
qui est un moyen, me semble-t-il, assez efficace pour ne pas le rencontrer.
Mais, à partir du moment où vous mettez en oeuvre une expérimentation, qui
n'est pas une décentralisation mais qui est une déconcentration, celle-ci
s'applique dans une zone géographique.
M. Jean-Jacques Hyest.
Pas forcément !
M. Bernard Frimat.
Elle peut, mon cher collègue, avoir une zone géographique d'application !
Dans l'exemple que M. le garde des sceaux a lui-même cité, qui concernait la
possibilité d'expérimenter l'échevinage dans certains endroits, on est bien sur
une zone territoriale. Dans cette zone territoriale d'application, monsieur le
garde des sceaux, que faites-vous du principe d'égalité ?
Peut-être aurait-il été préférable de le conserver - vous l'avez mis de côté,
allez-vous me dire, pour obéir aux principes généraux - parce qu'il est
contradictoire - contradiction intellectuelle, avez-vous dit - de le
réintroduire, puisque, à l'intérieur de votre champ territorial d'application,
il n'est pas imaginable un seul instant que vous n'appliquiez pas le principe
d'égalité.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur.
J'ai été extrêmement frappé par la grande netteté avec laquelle M. le garde
des sceaux a expliqué tout à l'heure qu'il y avait contradiction - je crois ne
pas trahir ses paroles - entre le principe d'expérimentation et le principe
d'égalité.
Vous nous avez expliqué, monsieur le garde des sceaux, que l'expérimentation
déroge, d'une façon ou d'une autre, même si elle est limitée, au principe
d'égalité.
Tout en soutenant votre amendement n° 234, je veux vous dire que nous ne
partageons pas votre point de vue sur ce point, car c'est l'idée qu'on se fait
de l'égalité qui est en cause.
Je m'adresse aussi à notre collègue M. Hyest. Si l'on se fait de l'égalité une
conception vétilleuse, relevant du nivellement, de la grisaille, de
l'uniformité, du « tous pareils », cette conception-là n'est pas la nôtre et
elle est en contradiction avec la décentralisation.
Qu'est-ce que la décentralisation depuis 1982 ? C'est l'attribution de
pouvoirs aux collectivités locales pour accroître leurs possibilités
d'initiative, de créativité, leur permettre de prendre davantage de risques.
Cela signifie pour elles une plus grande liberté.
Quand nous réaffirmons que, selon nous, le principe de l'égalité doit rester
vivant, vigoureux, au moment où l'on évoque l'expérimentation, c'est au regard
d'une conception plus générale et plus forte de l'égalité, qui doit être
garantie par la Constitution, selon une cohérence d'ensemble, qui implique des
droits égaux pour les collectivités, l'attribution de moyens analogues aux
différentes collectivités en fonction de leurs charges, l'introduction de
dispositions financières que nous allons examiner.
Loin de nous l'idée de nous opposer à une expérimentation qui peut servir ce
grand principe de l'égalité, lequel n'a rien à voir avec la caricature qui
s'attache à certaines conceptions sociales quelque peu archaïques, complètement
« uniformisatrices » et dans lesquelles personne ne se reconnaît plus
aujourd'hui.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Ah !
M. Jean-Pierre Sueur.
Soyons clairs ! Ayons une conception dialectique plutôt que de revenir à des
clivages qui n'ont plus de pertinence !
Enfin, M. Charasse a souligné quelques différences qui existaient entre
certains membres du Gouvernement. Pour ma part, j'ai lu avec intérêt la
déclaration suivante d'un de vos collègues, monsieur le garde des sceaux : « Il
ne faudrait pas aboutir à ce que les régions puissent choisir leurs compétences
à la carte. Si le RMI devait, par exemple, être transféré aux départements, il
le serait à tous les départements, sinon il n'y aurait plus d'unité de la
République. » L'avez-vous reconnu ?
M. Gérard Delfau.
M. Fillon !
M. Jean-Pierre Sueur.
En effet !
(M. Jean-Claude Peyronnet applaudit.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 234.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 127 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Le second alinéa de l'article 39 de la Constitution est complété
par la phrase suivante :
« Les projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des
collectivités locales, leurs compétences ou leurs ressources sont soumis en
premier lieu au Sénat. »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 128 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée.
L'amendement n° 174 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 89 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe
socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du texte proposé par cet article pour compléter
le second alinéa de l'article 39 :
« Les projets de loi dont le Conseil d'Etat a constaté qu'ils ont pour
principal objet. »
L'amendement n° 5, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Dans le texte proposé par cet article pour compléter le second alinéa de
l'article 39 de la Constitution, remplacer le mot : "locales", par le mot :
"territoriales". »
L'amendement n° 50, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Cantegrit,
Del Picchia, Durand-Chastel, Duvernois, Ferrand et Guerry, est ainsi libellé
:
« I. - Compléter le texte proposé par cet article pour compléter le second
alinéa de l'article 39 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
« Ces dispositions sont également applicables aux projets de loi relatifs aux
instances représentatives des Français établis hors de France. »
« II. - En conséquence, à la fin du premier alinéa de cet article, remplacer
les mots : "par la phrase suivante" par les mots : "par les deux phrases
suivantes". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n°
128.
M. Jean-Claude Peyronnet.
L'article 3 donne au Sénat la primauté d'examen des projets de loi ayant pour
principal objet la libre administration des collectivités locales. Je remarque
que le Conseil d'Etat a disjoint cet article des autres. Il n'a pas été très
convaincu par l'argumentation...
M. Jean-Jacques Hyest.
On ne connaît pas son avis !
M. Jean-Claude Peyronnet.
J'ai lu le journal !
Le Conseil d'Etat n'a pas été très convaincu par l'idée selon laquelle la
primauté d'examen serait justifiée par le fait que le Sénat représente les
collectivités territoriales, comme l'indique l'exposé des motifs.
On ne peut pas dire qu'un certain nombre de sénateurs représenteraient plus
les collectivités territoriales que d'autres. Tout dépend du mode de scrutin.
Nous ne sommes pas au Bundesrat ! La liaison avec les collectivités
territoriales n'est pas aussi nette que dans d'autres systèmes européens.
Je remarque, par ailleurs, que le rapport de la commission des lois souligne
toutes les difficultés d'application de cette disposition : « Fondée dans son
principe, une telle disposition risque de soulever des difficultés dans sa mise
en oeuvre. Il sera, en effet, peut-être délicat de définir quels sont les
projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des
collectivités locales, leurs compétences ou leurs ressources ». De plus, «
cette incertitude risque d'alimenter un important contentieux et de confier, en
définitive, au Conseil constitutionnel le soin de définir cette catégorie de
lois ». Cette rédaction suscitera des difficultés d'interprétation et donc,
nécessairement, un contentieux.
Nombre d'entre nous l'avaient remarqué, mais la commission des lois le précise
: il sera très facile à tel ou tel gouvernement, à telle ou telle majorité de
contourner ce qui pourrait apparaître à certains comme une contrainte à un
moment donné. Il suffira qu'à l'Assemblée nationale soit déposée une
proposition de loi, éventuellement suscitée par tel ou tel gouvernement, pour
que la procédure suive un cours différent.
Il s'agit en fait - on le comprend bien - d'un geste de courtoisie à l'égard
du Sénat de la part d'un ancien sénateur devenu Premier ministre. Nous y sommes
sensibles. Mais de mauvaises langues pourraient dire qu'il s'agit d'une simple
sucette parce qu'au bout du compte le pouvoir du Sénat sera limité. On peut
s'interroger tout de même sur certains aspects, notamment sur l'application de
l'article 40 de la Constitution.
La commission des lois est allée plus loin et propose que l'article 6 du
projet de loi soit adopté conforme par le Sénat et l'Assemblée nationale, ce
qui implique un droit de veto de la part du Sénat sur les dispositions
financières majeures contenues dans l'article 6. Cet article reprend d'ailleurs
un certain nombre de dispositions financières de la proposition de loi
présentée récemment, notamment par le président du Sénat, relative à
l'autonomie financière des collectivités. Cette position nous paraît
complètement inacceptable.
Tout en étant très attachés au bicamérisme, nous considérons qu'il ne peut
fonctionner que si des règles permettent à l'une des assemblées d'avoir le pas
sur l'autre, sauf à aboutir à un blocage total des institutions. Cette
situation ne nous convient vraiment pas.
Il s'agit là d'une sorte de cadeau de la part du Gouvernement qui espère,
peut-être, un « retour sur investissement » en obtenant la mise en oeuvre de la
démocratisation de notre assemblée, annoncée à grand bruit voilà quelques
mois.
Mais, à cet égard, qu'il s'agisse de la durée du mandat ou de l'élargissement
de la représentativité de notre assemblée, les choses ne semblent pas avancer.
Je suis curieux de savoir ce que la majorité aura à dire sur cette affaire !
Enfin, se pose le problème sérieux de l'utilisation de l'article 40 de la
Constitution.
L'article 40 est appliqué de façon extrêmement rigoureuse par l'Assemblée
nationale puisqu'elle n'examine pas les textes auxquels il s'applique.
Au Sénat, nous sommes plus tolérants...
M. Michel Charasse.
Plus libéraux ! Plus souples !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... ou plus libéraux, comme on voudra.
Autrement dit, l'article 40 de la Constitution n'est pas appliqué de manière
aussi rigoureuse par le Sénat que par l'Assemblée nationale et il se peut qu'au
bout du compte un certain nombre de gouvernements trouvent là des difficultés
extrêmes.
Au total, l'article 3 du projet de loi constitutionnelle me paraît être une
opération en trompe-l'oeil qui, au-delà du geste de courtoisie, n'a pas grand
effet et comporte le léger risque que j'ai évoqué à propos de l'article 40.
C'est au fond une disposition qui ne présente pas la hauteur de vue que
commande un texte constitutionnel.
C'est pourquoi nous souhaitons la suppression de l'article 3. Tel est le sens
de l'amendement n° 128.
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 174.
Mme Nicole Borvo.
Nous proposons également de supprimer l'article 3. Je souligne toutefois qu'il
n'est pas question pour nous, bien au contraire, de nier la spécificité du
Sénat, qui représente les collectivités territoriales aux termes de la
Constitution.
Cependant, nous estimons qu'il faudrait recentrer le rôle du Sénat sur cette
spécificité et nous faisons d'ailleurs des propositions dans ce sens.
Nous nous opposons à l'article 3 pour les mêmes raisons que celles que M.
Peyronnet vient de développer. Cet article nous semble beaucoup trop incertain.
Comment, en effet, définir à l'avenir les projet de loi qui seront soumis en
premier lieu au Sénat, sachant que les collectivités territoriales seront
touchées par tous les sujets avec la mise en oeuvre de la décentralisation ? De
plus, il serait inacceptable d'accorder des compétences telles à une assemblée
élue au suffrage universel direct qu'elle deviendrait prioritaire. La France
n'est pas un état fédéral ! Cela ne nous paraît donc pas logique.
Par ailleurs, le groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale, présidé
par vous-même, monsieur le président, et auquel nous avons participé a mené un
travail très intéressant. Nous avions cru comprendre que nous partagions l'idée
de réformer le Sénat, s'agissant notamment de la réduction du mandat, de l'âge
d'éligibilité et de la nouvelle répartition des sièges en fonction du
recensement.
Par conséquent, au moment où il est question de renforcer les compétences du
Sénat, il serait bon - et c'est ce que je proposerai - de réformer
l'institution elle-même.
(M. Pierre Mauroy applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 89
rectifié.
M. Michel Charasse.
Les propositions qui viennent d'être présentées par le groupe socialiste et
par le groupe communiste visent à supprimer l'article 3.
Mais si, d'aventure, le Sénat repoussait ces amendements de suppression
(Rires sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen),...
Mme Nicole Borvo.
Cela m'étonnerait !
M. Michel Charasse.
... il me semble utile de prévoir tout de même un dispositif assez précis sur
la manière de faire le tri.
En effet, dire simplement que les projets de loi dont le principal objet
concerne les collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat,
c'est - permettez-moi de vous le dire - facile. Quant à déterminer si un projet
de loi a vraiment, incontestablement, sans discussion possible, ce principal
objet, ce n'est pas si facile que cela.
J'ignore si, le moment venu, il sera opéré un décompte en nombre d'articles,
d'alinéas, de paragraphes ou de titres, compte tenu des différents cas qui
peuvent être assez délicats. J'ai surtout voulu, monsieur le président, attirer
l'attention du Sénat sur ce point. Il serait très fâcheux que l'interprétation
erronée de l'article 39 ainsi modifié conduise le Conseil constitutionnel à
annuler une loi pour un banal motif de procédure et que l'on soit obligé de
tout recommencer.
Le dispositif que je vous propose est très simple. Dans la mesure où, aux
termes de la Constitution, le Conseil d'Etat est saisi pour avis de tous les
projets de loi, pourquoi ne pas lui demander de se prononcer sur la nature d'un
texte afin de déterminer s'il concerne principalement ou non les collectivités
territoriales et s'il doit être soumis ou non en priorité au Sénat ?
Cela me paraît le seul moyen pour éviter des « chicayas » et des difficultés.
Certes, le Conseil constitutionnel pourra lui aussi être saisi, mais il sera,
non pas influencé parce que ce n'est pas le terme qui convient pour le Conseil
constitutionnel, mais intéressé par les motivations qui auront conduit le
Conseil d'Etat à décider qu'un projet de loi, compte tenu de sa nature, doit en
priorité être soumis ou non au Sénat. Et, même si le Conseil d'Etat considérait
que telle disposition ne concerne pas principalement les collectivités locales,
le Gouvernement conserve toujours la possibilité de déposer les projets de loi
sur le bureau de l'assemblée de son choix.
Mme Nicole Borvo.
Bien sûr !
M. Michel Charasse.
Ce mécanisme me paraît être une sage précaution, mais si une solution
meilleure est proposée, je suis prêt à m'y rallier. Je ne suis pas très
fanatique pour donner des pouvoirs à des assemblées telles que le Conseil
d'Etat ou à des juridictions non élues. Mais, après tout, comme le Conseil
d'Etat est obligatoirement saisi pour avis aux termes de la Constitution, il
peut, à l'occasion, être tenu de dire : « Je constate que, etc. »
Tel est l'objet de l'amendement n° 89 rectifié qui, vous l'avez compris, est
un amendement de repli.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 5.
M. René Garrec,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
La parole est à M. Christian Cointat, pour présenter l'amendement n° 50.
M. Christian Cointat.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne
veux pas vous importuner avec les Français établis hors de France, mais vous
l'avez bien compris, ce débat est très important pour nous.
En effet, le troisième alinéa de l'article 24 de la Constitution, qui
détermine les compétences du Sénat, dispose que celui-ci « assure la
représentation des collectivités territoriales de la République ». Il précise,
en outre, que « les Français de l'étranger sont représentés au Sénat ».
A partir du moment où il y a deux volets dans les compétences du Sénat, si le
Gouvernement décide - et c'est lui qui en fait la proposition ; nous ne sommes
pas demandeurs - de saisir en premier le Sénat pour les collectivités
territoriales, il doit aller jusqu'au bout des compétences de la Haute
Assemblée et proposer que le Sénat soit également saisi en premier lorsqu'il
s'agit des Français établis hors de France. C'est d'ailleurs ce qui s'est fait
dans la plupart des cas jusqu'à présent, puisque les Français établis hors de
France ne sont représentés qu'au Sénat.
Finalement, l'amendement qui vous est présenté est un amendement de cohérence,
qui reflète une position équilibrée. En effet, si cet amendement n'était pas
adopté, non seulement il y aurait inégalité de traitement, mais - fait beaucoup
plus grave ! - serait minimisée la deuxième partie de l'article 24 de la
Constitution relative aux Français établis hors de France. En effet, ceux-ci ne
seraient pas jugés suffisamment dignes pour que les textes qui les concernent
soient d'abord examinés au Sénat, alors même, et vous le savez bien, que les
constitutionnalistes reconnaissent que la Constitution ne permet pas aux
Français établis hors de France d'être représentés par des députés, au motif
que l'article 24 l'interdit dans sa rédaction actuelle.
Donc, s'il y avait une raison particulière pour saisir en premier le Sénat, ce
serait surtout pour les Français établis hors de France, qui sont représentés à
la fois comme entité - je n'oserai pas dire, pour ne pas effrayer nos
ministres, en tant que collectivité - mais également en tant qu'individus, en
tant que citoyens.
Mes chers collègues, cet amendement vise à assurer l'équilibre et l'égalité.
S'il n'en était pas ainsi, cela reviendrait également à mettre en péril la
position affirmée avec force par le Premier ministre selon laquelle le citoyen
est au centre des préoccupations du Gouvernement. En effet, nous ferions ainsi
passer le territoire avant le citoyen, ce qui, vous en conviendrez, ne serait
pas acceptable.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Les amendements identiques n°s 128 et 174 ne sont pas
compatibles avec la position de la commission. Le troisième alinéa de l'article
24, qui vient d'être évoqué par M. Christian Cointat, confère au Sénat le rôle
de représentant des collectivités territoriales de la République, ce qui
légitime cette nouvelle prérogative qui lui est attribuée, même si cela est
considéré comme une simple bonne manière.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
L'amendement n° 89 rectifié est intéressant car M. Michel Charasse cherche une
solution à un problème complexe. Il s'agit, par cet amendement, de conférer au
Conseil d'Etat le soin de définir la catégorie des projets de loi ayant pour
principal objet la libre administration des collectivités locales, leurs
compétences ou leurs ressources. La commission des lois a déjà mis en évidence
le fait que l'incertitude qui entoure cette définition risquait d'alimenter un
important contentieux, ce qui vient d'être rappelé, et de confier au Conseil
constitutionnel le soin d'en préciser les contours. Cette idée, qui est bonne,
comporte une limite. Elle n'est pas souhaitable dans la mesure où le Conseil
d'Etat n'a qu'un rôle d'avis auprès du Gouvernement, et il ne doit en aucun cas
le lier par sa décision.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Quant à l'amendement n° 50, il fait référence à l'article 24 de la
Constitution. Comme je l'ai dit tout à l'heure à M. Cointat pour ne pas perdre
la forte charge affective dont il m'avait couvert
(Sourires),
la
commission a décidé de s'en remettre à la sagesse de notre assemblée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
S'agissant des amendements n°s 128 et 174, le
Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable, pour les raisons évoquées
par la commission. En effet, l'article 24 de la Constitution prévoit que le
Sénat assure la représentation des collectivités territoriales. Par conséquent,
il est cohérent. On en tire simplement la conséquence qu'il doit être saisi en
premier.
L'amendement de repli n° 89 rectifié me paraît alourdir inutilement la
procédure et pose effectivement le problème de l'avis, qui ne lie pas le
Gouvernement. Donc, il est doublement inutile.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 5, qui est une
conséquence de ce que le Sénat a voté tout à l'heure.
Enfin, soucieux, bien sûr, des très bonnes relations entre M. Garrec et M.
Cointat et souhaitant ne rien faire pour nuire à ce climat de paix retrouvée
entre eux
(Nouveaux sourires)
, je m'en rapporte à la sagesse du Sénat
sur l'amendement n° 50.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur les
amendements identiques n°s 128 et 174.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Depuis vingt-cinq ans que je siège dans cet hémicycle, deux choses m'ont
toujours étonné, qui reviennent de manière récurrente.
La première, c'est la référence permanente au Conseil d'Etat et au Conseil
constitutionnel, comme si nous, législateur, nous avions en quelque sorte un
réflexe d'inquiétude et de timidité à l'égard de ces instances extraordinaires
qui sont chargées de dire le droit et de censurer ce que nous faisons.
Nous avons été élus pour élaborer la loi. Aujourd'hui, nous sommes dans une
phase constitutionnelle et, par conséquent, si le fait de savoir ce que pense
le Conseil d'Etat de tel ou tel sujet me paraît tout à fait intéressant pour
l'esprit, cela ne va pas plus loin. Je suis surpris d'entendre tous les
orateurs qui se sont succédé depuis une heure sur ces problèmes juridiques
répéter que le Conseil d'Etat dit que..., qu'il pense que..., et que la
jurisprudence du Conseil constitutionnel... Non ! Nous examinons un projet de
loi constitutionnelle, prenons nos responsabilités !
Le second élément qui m'a toujours beaucoup étonné, c'est que nous semblons
oublier que nous sommes dans une assemblée politique. Nous ne sommes pas au
Conseil d'Etat, mes chers collègues ! Nous ne sommes pas encore au Conseil
constitutionnel !
M. Michel Charasse.
Il n'y a pas beaucoup de places !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade.
Peut-être certains d'entre vous y finiront-ils leur carrière, pour
éventuellement censurer ce qu'auront fait leurs anciens collègues.
Nous devons nous adresser à ceux qui constituent le tissu essentiel de la
décentralisation, à savoir les 500 000 élus locaux. Et, pour les 500 000 élus
locaux que nous sommes chargés de représenter ici, il est logique que,
parallèlement au fait que l'Assemblée nationale est saisie en priorité des
projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité
sociale, le Sénat de la République soit saisi en premier lieu des textes
relatifs aux compétences ou aux ressources des collectivités locales. Je n'y
vois aucun inconvénient ; j'y vois un signal fort donné aux 500 000 élus
locaux.
Je souhaiterais, mes chers collègues, que nous quittions un peu l'échelon des
problèmes juridiques ou du pinaillage sur ce qu'a pu penser tel ou tel
conseiller d'Etat ou tel ou tel membre du Conseil constitutionnel pour nous
préoccuper enfin de ceux qui constituent la trame de la décentralisation, ceux
qui vont mettre en oeuvre les décisions que nous allons prendre, c'est-à-dire
l'ensemble des élus locaux. C'est la raison pour laquelle je voterai sans
aucune arrière-pensée l'article qui nous est proposé.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Mauroy, pour explication de vote.
M. Pierre Mauroy.
En ce qui concerne le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat, je ne puis
accepter vos arguments, monsieur Fourcade. On dit que c'est une fleur du
Gouvernement.
Le Gouvernement ferait, dit-on, une fleur au Sénat en permettant à celui-ci
d'être saisi en premier. Or, dans la mesure où le Sénat a des compétences
particulières vis-à-vis des collectivités territoriales, il me paraît tout à
fait normal que la préférence lui soit accordée.
Alors, vous allez me rétorquer : pourquoi ne votez-vous pas cette disposition
? Je vais vous répondre. Je l'ai déjà répété cent fois, gentiment. Tous les
socialistes peuvent également vous le dire, et même tous ceux qui siègent dans
cet hémicycle sur les travées de la gauche. Que vous vouliez faire, comme on
nous le dit, une petite révolution dans la décentralisation et que vous y
participiez gaiement, comme les choeurs de l'Opéra, soit ! Mais, selon nous,
vous devriez faire votre propre révolution et le Sénat devrait, vous le savez
bien, trouver l'occasion de supprimer ce qui paraît tout de même anormal aux
Français dans le mode d'élection des sénateurs et dans la durée de leur
mandat.
Mme Nicole Borvo.
Effectivement !
M. Pierre Mauroy.
Si vous vous leviez en disant : « On ajoute ces articles-là à cette loi »,
comme le dit M. le Premier ministre, ça aurait de la gueule !
(Sourires.)
A vous d'en décider !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur plusieurs travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Bien entendu, je voterai les amendements de suppression, non pas parce que,
sur le fond, je suis contre la priorité qu'on propose d'accorder au Sénat, mais
parce que j'ai des doutes - surtout après l'intervention du président de la
commission des lois - sur la pratique.
Cela étant dit, je ne peux pas ne pas réagir aux propos de M. Fourcade, pour
lequel j'ai de l'estime depuis fort longtemps. Cher ami, nous passons notre
temps à légiférer pour confirmer ou infirmer la jurisprudence de la Cour de
cassation, du Conseil d'Etat et de quelques autres tribunaux !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Pas là !
M. Michel Charasse.
En général ! Donc, la question qui consiste à savoir ce qu'ils pensent ou ce
qu'ils penseraient fait hélas ! partie de notre réflexion. A de nombreuses
reprises, nous nous sommes fait « ramasser » par le Conseil constitutionnel sur
plusieurs points. Nous ne sommes jamais allés à la révision constitutionnelle,
sauf en 1993 sur l'affaire du droit d'asile.
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui !
M. Michel Charasse.
Et, si le Conseil constitutionnel est désormais tellement présent dans nos
débats, c'est parce qu'un président du Sénat, Gaston Monnerville, l'a saisi en
1962, en vain, parce qu'un autre président du Sénat, Alain Poher, l'a saisi,
avec succès, en 1971, et, enfin, parce qu'un Président de la République, que
vous connaissez bien et que vous avez servi, M. Giscard d'Estaing, a donné le
droit à une minorité de le saisir, et les minorités ne s'en privent pas !
Donc, comment voulez-vous que nous ne soyons pas préoccupés par les
perspectives de cette éventuelle jurisprudence, d'aujourd'hui ou de demain ?
Et permettez-moi de vous dire - mais c'est la méchanceté finale - qu'il y en a
une qui est comme la ligne bleue des Vosges - on y pense toujours mais on n'en
parle jamais -, c'est la jurisprudence de la Cour de cassation sur les abus de
bien sociaux. Cela fait vingt ans que l'on essaie de trouver une solution pour
s'en sortir, et on n'y arrive pas !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Si !
M. Michel Charasse.
Par conséquent, si vous n'êtes pas trop préoccupé par la jurisprudence, cher
ami Fourcade, moi, je le suis toujours un peu. Je pense que la République a eu
tort de donner trop de marge de manoeuvre à ses tribunaux et à ses magistrats,
mais c'est une autre paire de manches !
(Sourires sur de nombreuses travées.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 128 et 174.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages | 161 |
Pour l'adoption | 105 |
Contre | 215 |
Je mets aux voix l'amendement n° 89 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 50.
M. Michel Charasse. L'amendement n° 50 vise, au fond, à étendre la priorité reconnue au Sénat pour les projets de loi sur les collectivités locales à d'autres catégories de textes intéressant les Français de l'étranger.
Je ne reviendrai pas sur mon amendement n° 89 rectifié, qui vient d'être repoussé. Je veux néanmoins dire au Gouvernement que, s'il est peut être très lourd de prévoir dans la loi que le Conseil d'Etat donne un avis sur le sujet, rien n'interdit au Premier ministre, président en exercice du Conseil d'Etat, de demander désormais à ce dernier - la procédure devant les sections administratives relève en effet de la compétence du pouvoir exécutif - de se prononcer systématiquement sur la question de la priorité dans son avis. Cela ne liera pas plus le Gouvernement, mais, au moins, cela donnera une indication pour éviter des chicayas ultérieures.
Je demande donc au Gouvernement de donner les instructions nécessaires au Conseil d'Etat pour obliger ce dernier à se prononcer sur ce point, de façon qu'il y ait des règles d'application de la priorité conférée aux lois sur les collectivités qu'on vient de voter et, éventuellement, à celles proposées par M. Cointat, sans être obligé de faire figurer une telle disposition dans le texte, comme je le proposais.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.
(L'amendement est adopté.)
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
M. le président.
L'amendement n° 176, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle,
Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme
Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 24 de la Constitution est complété par trois alinéas ainsi rédigés
:
« Le Sénat, saisi par les collectivités territoriales et les citoyens des
initiatives d'ordre législatif, les examine.
« Il transmet à l'Assemblée nationale les dispositions éventuellement
adoptées.
« Saisi par l'Assemblée nationale ou le Gouvernement d'un projet ou d'une
proposition de loi portant sur l'organisation ou les compétences des
collectivités territoriales, le Sénat le transmet à ces dernières pour examen.
Une loi organique établira les conditions d'examen par le Sénat des amendements
adoptés par les collectivités concernées. »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le ministre, je pense que notre proposition va vous plaire !
Notre groupe défend depuis longtemps l'idée d'une réforme du Sénat, et nous
avons d'ailleurs eu l'occasion de le dire lors des travaux du groupe de
réflexion sur l'institution sénatoriale, présidé par M. Hoeffel.
Nous avons apprécié positivement, à l'époque, le constat qui était fait d'une
nécessaire évolution de notre assemblée et regretté que les propositions, même
si certaines nous paraissaient significatives, ne modifient pas davantage
l'institution.
Aujourd'hui, plutôt que de vouloir grappiller quelques compétences
supplémentaires, la révision de la Constitution aurait pu être l'occasion
d'engager un débat de fond sur une conception nouvelle du Sénat dont le rôle,
il faut bien le dire, n'apparaît pas toujours clairement à nos concitoyens ;
certains en souhaitent d'ailleurs la suppression, ce qui serait dommage. Pour
notre part, nous proposons que le Sénat leur soit directement utile, ainsi
qu'aux collectivités territoriales, dont il est le représentant. Nous pourrions
ainsi nous appuyer sur l'exigence de démocratisation du processus législatif
pour donner à la Haute Assemblée un rôle essentiel afin de permettre
l'initiative et la participation des citoyens et des collectivités
territoriales à l'élaboration de la loi.
Ainsi, la concrétisation des propositions que nous faisons dans l'amendement
n° 176 permettrait au Sénat de jouer un rôle que nous pourrions qualifier d'«
interface » entre, d'une part, l'activité parlementaire et, d'autre part, les
initiatives des citoyens et des collectivités territoriales décentralisées.
Vous le voyez, cette proposition pourrait revaloriser véritablement le Sénat,
et ce dans l'intérêt du travail législatif.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet
amendement.
Mme Hélène Luc.
Il est clair que tout le monde va le voter !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement conduirait à remettre en cause les droits du
Parlement et à réduire le rôle du Sénat à celui d'une chambre des collectivités
territoriales.
Or, aux termes de l'article 3 de la Constitution, « la souveraineté appartient
au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice
».
A mon grand regret, madame Borvo, la commission ne peut donc émettre qu'un
avis défavorable.
Mme Hélène Luc.
Ça alors !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Je dois avouer, madame Borvo, que ce que vous avez dit
hier sur votre idée de la République, sur les dangers d'une certaine
décentralisation, sur le fait qu'il ne fallait pas que les collectivités
territoriales interviennent dans le processus de définition de la loi, etc., je
ne comprends plus ! Je ne vois vraiment plus la cohérence de vos observations
!
Sur le fond, le Gouvernement est, bien sûr, défavorable à l'amendement n°
176.
M. Robert Bret.
Vous n'avez pas écouté nos arguments !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 176.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 177, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade etM. Vergès, est
ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 24 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La juste représentation du corps électoral par les deux chambres qui
composent le Parlement est garantie par une adaptation régulière à l'évolution
de la population. »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Cet amendement vous invite à suivre le conseil que vous donnait M. Mauroy : si
vous vous proposez, en effet, de renforcer les compétences du Sénat, la moindre
des choses serait d'accepter de le rénover. Cette remarque vaut également pour
l'Assemblée nationale puisque les circonscriptions législatives sont fondées
sur le recensement de la population de 1982. Le Sénat, lui, représente une
France de 1975. Plus d'un quart de siècle s'est écoulé !
Il est temps d'assurer l'adaptation de notre assemblée à la réalité
démographique du pays - ce serait assez démocratique -, et il serait utile,
pour éviter qu'à l'avenir une telle situation, tout de même assez cocasse, ne
se reproduise, d'inscrire dans le texte de la Constitution ce principe
d'adaptation aux évolutions démographiques qui me paraît respectueux des
citoyens.
Concernant notre amendement précédent, je me suis sans doute mal fait
comprendre ; pourtant, le texte était clair : nous proposons que les
collectivités territoriales et les citoyens eux-mêmes puissent faire des
propositions en matière législative. Vous le voyez, nous sommes très favorables
à la démocratisation de la vie publique.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement suit de près la relation entre la démographie
et les élus, mais il est malheureusement sans rapport avec les dispositions du
projet de loi. L'avis de la commission est donc défavorable.
Mme Hélène Luc.
Mais ce n'est pas vrai !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
L'avis du Gouvernement est défavorable pour les mêmes
raisons que la commission, et aussi, peut-être, parce que cet amendement
introduit la notion de mandat impératif, évidemment incompatible avec la
Constitution.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 177.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 175, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au début du premier alinéa de l'article 25 de la Constitution, il est
ajouté deux phrases ainsi rédigées :
« La durée des pouvoirs de l'Assemblée nationale est de cinq ans, celle du
Sénat, de six ans. Est éligible au Parlement tout Français ayant vingt-trois
ans.
« II. - Dans le même alinéa, les mots : "La durée des pouvoirs de chaque
assemblée," sont supprimés. »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
J'avoue ne pas avoir compris l'allusion au mandat impératif...
Monsieur le président, « Neuf ans, c'est trop long. »
M. Michel Charasse.
Sauf pour le cognac !
Mme Nicole Borvo.
C'est en ces termes que commençait votre développement sur la durée du mandat
dans le rapport du groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale que j'ai
précédemment évoqué.
Il me paraît temps de tirer les conclusions de cette remarque. Nous estimons
possible d'intégrer la durée des mandats parlementaires dans la Constitution, à
l'instar du mandat présidentiel ; ce serait en effet un juste équilibre. Pour
ce qui concerne le Sénat, le groupe communiste républicain et citoyen propose
depuis très longtemps de ramener le mandat à six ans. Il serait utile d'adopter
enfin aujourd'hui une telle disposition.
M. le président.
J'ai noté le rappel...
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
C'est un amendement intéressant, mais personne n'oblige un
sénateur à aller jusqu'au terme de son mandat de neuf ans !
(Rires.)
M. Gérard Longuet.
C'est vrai ! C'est très libéral ! C'est expérimental !
M. René Garrec,
rapporteur.
On peut toujours s'arrêter avant !
(Applaudissements sur
certaines travées de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer.
Démago !
M. René Garrec,
rapporteur.
Cela dit, cet amendement n'a pas de rapport avec le projet de
loi constitutionnelle. La commission y est donc défavorable.
Mme Nicole Borvo.
Alors là, franchement...
M. Robert Bret.
Il faut donner l'exemple !
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas très sérieux, et même pas sérieux du tout !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Comme la commission, et pour les mêmes raisons, le
Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, contre l'amendement.
M. Michel Charasse.
Je ne discuterai pas le fond. Je voudrais simplement faire observer à nos
collègues du groupe communiste républicain et citoyen que les circonstances
peuvent nous obliger à modifier légèrement la durée des pouvoirs des
assemblées. Ce fut le cas, par exemple, lorsque, du fait d'une date que nous
n'avions pas choisie - celle du décès du Président Pompidou - il nous a fallu
reporter de quelques mois les dates d'élections à l'Assemblée nationale. Nous
ne pouvons quand même pas nous réunir en Congrès, à Versailles, tous les jours
pour voter des modifications mineures et purement de circonstance pouvant être
purement provisoires et valables une seule fois !
Par conséquent, autant un accord de fond très large sur le principe d'un
mandat sénatorial d'une durée de six ans existe très certainement du côté
gauche de cet hémicycle - M. le président du Sénat, lui-même, y est d'ailleurs
très favorable -, autant il ne serait à mon avis pas prudent d'inscrire une
telle disposition dans la Constitution, la procédure de modification de la
Constitution étant trop lente et trop lourde pour permettre de réagir très vite
si les circonstances l'exigent.
On peut toujours discuter du fond, mais nous ne devons pas nous lier les
mains. Dans certaines circonstances exceptionnelles, on peut avoir besoin de
modifier une loi organique pour s'adapter en quelques jours à une situation
précise. Voilà les raisons pour lesquelles je ne voterai pas cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod, pour explication de vote.
M. Paul Girod.
Je ferai simplement observer que l'adoption de ce texte aboutirait à supprimer
le droit du Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 175.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Tous trois sont présentés par M. Vasselle.
L'amendement n° 69 est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré au titre V de la Constitution un article 47-2 ainsi rédigé
:
« Art. 47-2. -
Le Parlement vote les projets de loi ayant pour
principal objet la libre administration des collectivités territoriales, leurs
compétences ou leurs ressources dans les conditions prévues par une loi
organique.
« Ces projet de loi ne peuvent faire l'objet d'une déclaration d'urgence.
« La procédure prévue aux trois premiers alinéas de l'article 45 est
applicable.
« Si la commission mixte ne parvient pas à l'adoption d'un texte commun ou si
ce texte n'est pas adopté dans les conditions prévues au troisième alinéa de
l'article 45, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par le Sénat et
par l'Assemblée nationale, demander au Sénat de statuer définitivement. En ce
cas, le Sénat peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte,
soit le dernier texte voté par lui, modifié, le cas échéant, par un ou
plusieurs des amendements adoptés par l'Assemblée nationale. »
L'amendement n° 70 est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré au titre V de la Constitution un article 47-2 ainsi rédigé
:
« Art. 47-2. -
Le Parlement vote les projets de loi ayant pour
principal objet la libre administration des collectivités territoriales, leurs
compétences ou leurs ressources dans les conditions prévues par une loi
organique.
« Ces projets de loi ne peuvent faire l'objet d'une déclaration d'urgence.
« La procédure prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article 46 est applicable
à ces textes. »
L'amendement n° 71 est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré au titre V de la Constitution un article 47-2 ainsi rédigé
:
« Art. 47-2. -
Le Parlement vote les projets de loi ayant pour
principal objet la libre administration des collectivités territoriales, leurs
compétences ou leurs ressources dans les conditions prévues par une loi
organique.
« Ces projets de loi ne peuvent faire l'objet d'une déclaration d'urgence.
« La procédure prévue au troisième alinéa de l'article 46 est applicable à ces
textes. »
Ces amendements ne sont pas soutenus.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - L'article 72 de la Constitution est ainsi rédigé :
«
Art. 72
. - Les collectivités territoriales de la République sont les
communes, les départements, les régions et les collectivités d'outre-mer régies
par l'article 74. Toute autre catégorie de collectivité territoriale est créée
par la loi. La loi peut également créer une collectivité à statut particulier,
en lieu et place de celles mentionnées au présent alinéa.
« Les collectivités territoriales ont vocation à exercer l'ensemble des
compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à l'échelle de leur
ressort.
« Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent
librement par des conseils élus. Pour l'exercice de leurs compétences, elles
disposent, dans les mêmes conditions, d'un pouvoir réglementaire.
« Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en
cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un
droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales peuvent,
lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre
expérimental, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent
l'exercice de leurs compétences.
« Lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs
collectivités territoriales, la loi peut confier à l'une d'entre elles le
pouvoir de fixer les modalités de leur action commune.
« Dans le ressort des collectivités territoriales de la République, le
représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a
la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des
lois. »
La parole est à Mme Josiane Mathon, sur l'article.
Mme Josiane Mathon.
L'article 4, qui vise, selon la commission des lois, à « donner davantage de
substance au principe de libre administration des collectivités territoriales
», ne nous convient pas vraiment, non pas dans l'énoncé de ce principe, mais en
raison de son contenu.
Bien évidemment, nous sommes d'accord s'agissant de l'intégration de la région
dans la liste des collectivités locales reconnues par la Constitution. Les
régions n'ont acquis une légitimité démocratique que depuis 1986 et nombre
d'entre elles ont été - il faut bien le dire - des constructions contestables
au regard d'une certaine cohérence historique ou sociologique. Mais elles ont
acquis une place incontournable et irréversible dans le paysage institutionnel
de notre pays. Elles jouent un rôle important dans l'aménagement du territoire
et dans différents domaines d'activité, rendant des services essentiels à la
population. C'est pourquoi nous avons mentionné la région dans notre
proposition de rédaction de l'article 72 de la Constitution.
Au-delà de cette précision, comme je viens de le dire, le contenu de l'article
4 ne nous convient vraiment pas. Cela ne vous surprendra pas, puisque, au
travers des différents alinéas de cet article, c'est toute la conception
gouvernementale de la décentralisation qui est mise en oeuvre, une conception
libérale, qui fait de l'éclatement du territoire un principe
constitutionnellement garanti.
Cet article consacre la construction d'une France où le statut particulier, où
la norme dérogatoire, la situation spécifique deviennent une règle fondamentale
et irréversible, sauf à réviser à nouveau la Constitution, ce qui ne se fait
pas tous les jours !
Il est, bien entendu, indispensable de reconnaître les diversités, qui sont
une des richesses de notre pays, et d'en tenir compte, qu'elles soient de
nature historique, culturelle, économique ou géographique. Mais cela n'oblige
pas, et surtout cela n'autorise pas, à fragmenter notre pays et à diviser les
citoyens ! Cela n'oblige pas et n'autorise pas à aggraver les inégalités !
C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas de la création de
collectivités dites « à statut particulier », qui permettra de faire
disparaître, sans que cela soit dit clairement, celles qui sont pourtant
réaffirmées dans le même alinéa : la commune et le département.
De même, nous ne souhaitons pas voir se constituer, par fusion, de grandes
régions à l'échelle européenne. Ce serait le chemin du fédéralisme. Notre
crainte est fondée, car le candidat Jacques Chirac déclarait, à propos des
régions, le 10 avril dernier : « Certains regroupements seraient probablement
utiles pour atteindre la taille européenne ».
C'est pourquoi nous sommes contre le principe de subsidiarité qui nous est
proposé, dans la mesure où c'est l'Etat qui deviendrait subsidiaire et ne
serait plus en mesure d'assurer la cohésion nationale. Nous sommes favorables à
la reconnaissance du droit des citoyens à gérer eux-mêmes leurs propres
affaires là où les problèmes se posent. Mais cela doit se faire dans le cadre
du maintien d'une responsabilité de l'Etat, lequel doit mettre en commun les
moyens qui sont les siens, qu'ils soient matériels, scientifiques, techniques
ou politiques, et être - je le répète - le garant de la cohésion et de la
cohérence nationales.
C'est aussi pourquoi nous ne souhaitons pas que les collectivités
territoriales disposent d'un pouvoir réglementaire qui ne soit pas mieux
défini. S'il ne l'était pas, on ouvrirait des portes vers l'inconnu.
De même, nous émettons de profondes réserves quant aux dérogations prévues à
la loi et au règlement, mais nous reviendrons sur certains de ces aspects lors
de l'examen de nos amendements.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Cet article 4 - chacun le sait - est le pivot institutionnel des collectivités
territoriales. Le Gouvernement a été sage, d'une part, de faire figurer les
régions et, d'autre part, de prévoir dans quelle mesure d'autres collectivités
territoriales pourraient éventuellement être créées par la loi.
Notre collègue M. Alfonsi dira certainement un mot à propos d'une collectivité
particulière que j'ai l'honneur de bien connaître pour en avoir rapporté tous
les statuts particuliers : la Corse.
Certains, en effet, pourraient craindre que l'article tel qu'il sera
maintenant inséré dans la Constitution n'aboutisse à ce que les collectivités
territoriales à statut particulier qui ont été créées avant cette révision
constitutionnelle ne soient, de ce fait, pratiquement annulées et que nous ne
soyons obligés de recréer les statuts particuliers antérieurs.
Ce qui me semble très important, c'est tout ce qui concerne les
expérimentations, tout au moins les dérogations, mais aussi ce que l'on appelle
couramment « le chef de file ».
En ce qui concerne les dérogations, autant je comprends que l'on puisse
prévoir que la loi autorise une collectivité territoriale à déroger à des
dispositions réglementaires dans la mesure où celles-ci sont prises par le
Premier ministre en application de la loi, de manière uniforme, sur l'ensemble
du territoire et peuvent s'avérer inadaptées à telle ou telle partie du
territoire national, autant j'ai beaucoup de mal à concevoir que l'on puisse
envisager des dérogations, sur l'initiative de collectivités territoriales,
même autorisées par la loi, à des dispositions législatives.
Il y a là une brèche qui peut trouver sa justification dans le fait que nous
avons tous, gouvernements, législateurs, truffé nos lois d'un certain nombre de
dispositions à caractère réglementaire. Je pense que ce sont celles-là que vise
le Gouvernement.
Toutefois, ouvrir une brèche de cette largeur me semble imprudent.
Enfin, en ce qui concerne le concept de collectivité chef de file, dont nous
parlons depuis très longtemps, je pense que sa mise en oeuvre permettra, petit
à petit, aux collectivités territoriales, par un accord général ou par la loi,
de confier à l'une d'entre elles le soin d'emmener les autres.
En tout cas, je me permets d'appeler l'attention sur le fait que l'une des
collectivités devra assumer les frais de fonctionnement. Il semblerait logique
que ce soit celle qui sera chef de file dans une opération quelconque qui
assure le fonctionnement de cette dernière. En effet, si l'on confie à une
collectivité le soin de lancer une réalisation dont une autre devra supporter
le fonctionnement, il s'ensuivra des dissensions entre collectivités que l'on
règlera très difficilement.
M. le président.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi.
Les propos de M. Paul Girod me rappellent que notre rôle de précurseur, si
j'ose dire, s'achève avant même d'avoir commencé, puisque le texte voté en
janvier avait déjà traité des problèmes d'expérimentation.
Les difficultés qui apparaissent au moment où nous devons cerner ces concepts
extrêmement difficiles sont, bien entendu, les prémices du débat qui aura lieu
demain, au cours duquel j'aurai l'occasion de dire exactement ce que je pense
de ce dossier.
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge.
Je veux intervenir sur le quatrième alinéa du texte proposé par l'article 4
pour l'article 72 de la Constitution de façon à attirer l'attention de M. le
ministre sur la différence qu'il faut faire entre ce qui relève du pouvoir
réglementaire et ce qui ressortit au domaine législatif car, dans ce texte, les
deux notions se mêlent comme s'il s'agissait d'un problème identique.
S'agissant du pouvoir réglementaire, dans le cadre de la législation actuelle,
il est possible de prévoir des adaptations au profit des collectivités locales
; cela ne nécessite donc pas une révision constitutionnelle.
Concernant ce problème, je pense beaucoup aux lois Littoral et Montagne, qui
m'intéressent plus particulièrement.
Pour bien me faire comprendre, je vais prendre un exemple concret. Ainsi, pour
les constructions à la périphérie des lacs de montagne, la loi prévoit un recul
obligatoire sur une distance de trois cents mètres à compter de la rive. Or la
loi pourrait très bien ne donner qu'une fourchette et laisser aux collectivités
locales un pouvoir d'adaptation à l'intérieur de celle-ci. Les collectivités
locales pourraient profiter de cette possibilité pour tenir compte de leurs
caractéristiques géographiques.
Toutefois, en l'occurrence, il s'agit non pas de dérogations mais simplement
d'un pouvoir d'adaptation ; autrement dit, on permet à des collectivités
locales de s'exprimer, à travers le pouvoir réglementaire, dans des conditions
que la loi définit.
Pourquoi alors parler de « dérogations » et pourquoi vouloir créer une
disposition constitutionnelle pour faire ce qu'il est déjà possible de faire
?
Au demeurant, si on parle de « dérogation législative », le problème change
alors complètement de nature. Disons-le clairement, on donne alors un pouvoir
législatif à une collectivité locale qui se trouve, de par la loi, appelée à
exercer non pas un pouvoir réglementaire dans le sens que je viens de
développer, mais un pouvoir législatif.
Disons-le franchement - M. Alfonsi en parlera mieux que moi - c'est ce qui
avait été prévu pour la Corse. Un dispositif de ce type avait été adopté, mais
il a été censuré par le Conseil constitutionnel.
L'opposition de l'époque s'était opposée au projet de loi. Nous avions
nous-mêmes exprimé certains désaccords sur ce dispositif, puis le Conseil
constitutionnel nous a sanctionnés. Nous en avons pris acte.
Aujourd'hui, on procède par réforme constitutionnelle. C'est dire que l'on
s'engage dans une démarche aux conséquences importantes. Sans me prononcer sur
le fond, je constate que nous ouvrons à des collectivités la possibilité de
participer à l'exercice du pouvoir législatif dans des conditions définies par
la loi.
Nous avions prévu un tel dispositif pour la Corse, mais le présent projet de
loi constitutionnelle étend cette possibilité aux collectivités territoriales,
sans autre précision. Quelles collectivités sont, au juste, concernées ? Les
communes sont-elles incluses ? Seulement certaines d'entre elles ? Les
départements ? Les régions ? La Corse ? Nous l'ignorons ! Ce point mérite tout
de même quelques éclaircissements.
Quoi qu'il en soit, l'étape de l'expérimentation ne me paraît pas utile. Soit
on crée un droit, soit on ne le crée pas, qu'il s'agisse du pouvoir
réglementaire ou du pouvoir législatif. Il ne me paraît pas possible d'ouvrir
ce droit, dans la Constitution, à titre dérogatoire.
Enfin, il s'agit de savoir si le Parlement sera appelé à valider ce qui aura
été décidé à l'échelon local. Il me semble que l'intervention du Parlement
a
posteriori
constituerait tout de même une garantie.
M. le président.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 72 évoque les « compétences
qui peuvent le mieux être mises en oeuvre » à l'échelle du ressort des
collectivités territoriales. Cela nous conduit à nous interroger sur les
compétences actuelles des collectivités territoriales, mais aussi sur leurs
compétences futures, donc sur les évolutions à attendre, sur les besoins
nouveaux des citoyens et aussi sur ce qui constitue l'un des thèmes forts de ce
projet de loi : le souci de la proximité.
A cet égard, force est de constater que l'intercommunalité est
particulièrement bien placée pour répondre au mieux au besoin de proximité.
Compte tenu des compétences croissantes exercées par l'intercommunalité, nous
ne pouvons pas l'exclure de nos réflexions sur la décentralisation.
En effet, aujourd'hui, tous les départements comptent au moins un EPCI - un
établissement public de coopération intercommunale - à fiscalité propre. Sur
cent départements, cinq sont en totalité ou en quasi-totalité couverts par des
groupements à fiscalité propre : la Martinique, la Réunion, le Finistère,
l'Ille-et-Vilaine et le Maine-et-Loire. Dans quatre-vingts autres départements,
plus de la moitié de la population est regroupée en EPCI.
Le constat est identique pour les communes, qui sont maintenant 26 845 sur 36
679 - soit trois communes sur quatre - à s'être structurées autour de 2 174
EPCI, compte tenu d'une augmentation de 40 % en trois ans.
Au total, aujourd'hui, trois Français sur quatre vivent dans une
intercommunalité. De 1999 à 2002, la population couverte par une structure
intercommunale est passée de 34 millions à 45 millions d'habitants.
Ces chiffres montrent à quel point l'intercommunalité est un fait bien présent
dans l'administration de nos territoires et dans la prise en charge des
compétences nouvelles.
Ce développement s'est accompagné d'une très forte et très rapide extension
des compétences prises en charge par l'intercommunalité. On constate d'ailleurs
que 53 % des communautés envisagent actuellement d'étendre leur champ d'action,
en particulier dans le domaine du développement économique, mais aussi en
matière de développement touristique, de sport, de culture, de gestion des
ordures ménagères, etc.
Eu égard à cette situation, il est assez étrange que, dans le texte de
l'article 4, les collectivités territoriales de la République soient uniquement
les communes, les départements, les régions et les collectivités d'outre-mer.
Il peut paraître opportun d'y ajouter les communautés à fiscalité propre. C'est
la justification essentielle des amendements qui ont été déposés par le groupe
socialiste sur cet article.
Je rappelle que toutes garanties sont d'ores et déjà acquises pour ce qui est
de la représentativité au sein de ces institutions intercommunales. En effet,
les conseils communautaires sont chacun composés d'élus au second degré.
Ces conseils sont chargés de mettre en oeuvre des politiques couvrant des
domaines très étendus, comme on l'a vu. Pour ce faire, les groupements lèvent
l'impôt au titre de leur étage fiscal, à l'instar des différentes strates de
collectivités territoriales.
Par ailleurs, ils votent leurs dépenses, regroupées dans des budgets qui
représentent des volumes financiers parfois considérables. Toutes les études
qui sont faites sur les investissements des collectivités montrent que
l'intercommunalité est en train de prendre progressivement la première place
dans le montant des investissements réalisés dans notre pays.
Dans ces conditions, comment ignorer dans ce projet de loi constitutionnelle
ce qui est en train d'émerger et de devenir l'institution première, tant dans
la vie quotidienne de nos concitoyens et dans l'action de proximité que dans le
développement économique, à travers des investissements importants et la mise
en oeuvre d'équipements au service des citoyens ?
Compte tenu du rôle déterminant que jouent dès à présent les structures
intercommunales, rôle qui est encore appelé à se développer, il nous paraît
essentiel qu'elles soient mentionnées dans l'article 4.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc.
Le problème des financements croisés est évidemment au coeur de cet article.
Il est vrai que la multiplication des compétences sur un même domaine aboutit
aujourd'hui souvent à des désordres et à des contradictions. Or les citoyens
ont besoin de savoir qui est responsable.
Par exemple, les départements, les communes et les groupements de communes
interviennent, en plus de la région, dans le domaine du développement
économique. Je peux citer, en particulier, le cas du Val-de-Marne, que je
connais bien, et celui de la Seine-Saint-Denis.
Le Gouvernement propose qu'une collectivité soit désignée pour prendre en
charge la coordination des projets qui feront l'objet d'un partenariat. Je
suis, bien entendu, favorable à de telles actions menées en partenariat. Mais
faut-il vraiment inscrire dans la Constitution qu'une collectivité se voit
confier par la loi le « pouvoir de fixer les modalités » de l'action commune ?
Je ne le pense pas. L'expérience a montré que, en la matière, les choses se
faisaient d'elles-mêmes. A partir du moment où les collectivités travaillent
ensemble, elles savent trouver la meilleure solution pour coordonner leur
action.
Si nous voulons vraiment laisser les collectivités territoriales prendre des
initiatives, allons jusqu'au bout de la démarche ! Elles sont responsables et
elles n'ont pas besoin d'une disposition constitutionnelle pour s'organiser
entre elles.
M. le président.
Mes chers collègues, tous ceux qui souhaitaient intervenir sur l'article 4
s'étant exprimés, nous allons maintenant interrompre nos travaux.
Je vous rappelle qu'il reste, sur ce projet de loi constitutionnelle, 197
amendements à examiner.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Dominique Braye, Gérard Larcher, Charles Revet, Jean
François-Poncet, Georges Gruillot et Michel Mercier une proposition de loi
portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement
urbains.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 37, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Pierre Laffitte et Georges Othily une proposition de loi
visant à permettre l'inscription des naissances auprès de l'officier de l'état
civil du lieu de résidence des parents.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 38, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi relative à la
circulation et au stationnement des nomades.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 39, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
8
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le
rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives
relatives à l'application des principes de bonnes pratiques de laboratoire et
au contrôle de leur application pour les essais sur les substances
chimiques.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2125 et distribué.
9
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Patrick Courtois un rapport fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale sur le projet de loi pour la sécurité
intérieure (n° 30, 2002-2003).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 36 et distribué.
10
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui jeudi 31 octobre 2002, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 24 rectifié,
2002-2003) relatif à l'organisation décentralisée de la République ;
Rapport (n° 27, 2002-2003) de M. René Garrec, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Scrutin public à la tribune sur l'ensemble du texte.
Délai limite pour des inscriptions de parole
et pour le dépôt d'amendements
Projet de loi pour la sécurité intérieure (n° 30, 2002-2003).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 4 novembre 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 4 novembre 2002, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 31 octobre 2002, à zéro heure
vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et
d'enseignement supérieur :
Lors de sa séance du mercredi 30 octobre 2002, le Sénat a désigné :
M. Daniel Eckenspieller pour siéger en tant que membre titulaire au sein de
l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et
d'enseignement supérieur, en remplacement de M. Pierre Martin ;
Mme Annie David pour siéger en tant que membre suppléant au sein de ce même
organisme, en remplacement de Mme Hélène Luc.
Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche :
Lors de sa séance du mercredi 30 octobre 2002, le Sénat a désigné M.
Jean-Léonce Dupont pour siéger en tant que membre titulaire au sein du Conseil
national de l'enseignement supérieur et de la recherche, en remplacement de M.
Jacques Valade.
NOMINATION DE RAPPORTEUR
Commission des affaires sociales :
M. Jean-Louis Lorrain a été nommé rapporteur de la proposition de loi n°
33 (2002-2003) de M. Nicolas About relative à la responsabilité civile
médicale.
COMMUNICATION RELATIVE À LA CONSULTATION
DES ASSEMBLÉES D'OUTRE-MER
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 25 octobre 2002, relative à la consultation de l'assemblée de la
Polynésie française, du congrès de la Nouvelle-Calédonie et de l'assemblée
territoriale de Wallis-et-Futuna sur le projet de loi pour la sécurité
intérieure, n° 30 (2002-2003).
Ce document a été transmis à la commission compétente.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Organisation de la construction publique
et perspectives de réforme
79.
- 30 octobre 2002. -
M. Auguste Cazalet
expose à
M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat
que, si de remarquables réussites architecturales ont couronné le succès de la
construction publique en France, nombre de malfaçons ou de défauts de
conception affectent musées, bibliothèques, lycées ou hôpitaux de la République
et que l'on attribue en général ces problèmes aux insuffisances du maître
d'ouvrage public. Selon la Cour des comptes, en effet, trop de projets
immobiliers se caractérisent par leur imprécision et leur instabilité, une
défaillance dans la programmation et une maîtrise financière insuffisante des
opérations. Il est souvent reproché au code des marchés publics et aux règles
de la comptabilité publique d'enserrer les différents intervenants dans une
complexité inutile et handicapante. Il souhaiterait attirer son attention sur
de récentes études qui ont par ailleurs démontré comment le cloisonnement des
tâches et la dilution des responsabilités induits par les règles de la commande
publique viciaient le système. Celui-ci aurait donc besoin d'une plus grande
souplesse, d'une intégration accrue des compétences et de pouvoir désigner un
unique responsable pour l'ensemble d'un projet. Le recours au partenariat
public privé (PPP), dont il existe des exemples réussis à l'étranger et même en
France, permettrait d'y parvenir. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer
les mesures qu'il envisage de prendre afin de faire évoluer le cadre juridique
et les pratiques de l'organisation de la construction publique.
Organisation de la collecte sélective des déchets ménagers
80.
- 30 octobre 2002. -
M. Yves Détraigne
appelle l'attention de
Mme la ministre de l'écologie et du développement durable
sur les menaces qui pèsent actuellement sur le développement de la collecte
sélective des déchets ménagers. La loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifié par
la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 a fixé le cadre de la politique française
en matière de déchets en retenant notamment, comme objectif prioritaire, la
valorisation des déchets, et notamment, une valorisation matière. En
application de cette loi, le décret n° 92-377 du 1er avril 1992 a confié à des
organismes agréés, tel qu'Eco Emballages, la mission de favoriser le
développement des collectes sélectives d'emballages ménagers par les
collectivités en les aidant financièrement à leur mise en oeuvre et en
garantissant la reprise des matériaux triés. Le dispositif ainsi mis en place a
obtenu un grand succès puisque aujourd'hui plus de 40 millions de Français
trient leurs déchets et que ce nombre ne cesse d'augmenter. Malheureusement,
dix ans après la mise en place de ce dispositif, la société Eco Emballages
vient d'écrire aux collectivités qui ont développé la collecte sélective avec
son concours pour les informer que, près d'un tiers des papiers cartons
collectés n'étant pas d'origine ménagère et n'ayant pas fait l'objet d'une
contribution financière de la part des sociétés les ayant produits auprès d'Eco
Emballages, elle mettait en place un « programme d'actions permettant de
revenir rapidement à une situation normale et légitime ». Cette prise de
position d'Eco Emballages, explicable au regard des risques de déséquilibre
financier que fait courir à cette société son propre succès, inquiète
légitimement les élus qui redoutent de voir baisser l'aide financière qu'ils
reçoivent avec le risque, quasiment certain, de démobiliser bon nombre d'entre
eux et de casser l'élan qui avait permis à nos concitoyens de trier leurs
déchets. Aussi il demande au Gouvernement ce qu'il envisage de faire face à
cette situation et, notamment, s'il envisage de faire contribuer les
producteurs de journaux, magazines et prospectus qui envahissent nos boîtes aux
lettres au financement de leur recyclage.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 30 octobre 2002
SCRUTIN (n° 13)
sur la motion n° 39 présentée par Mme Nicole Borvo et plusiers de ses
collègues, tendant à opposer la question préalable au projet de loi
constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la
République.
Nombre de votants : | 312 |
Nombre de suffrages exprimés : | 224 |
Pour : | 22 |
Contre : | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour :
22.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Contre :
14.
Abstentions :
6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin,
Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Nicolas Alfonsi.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Contre :
93.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Abstention :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Contre :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Contre :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
François Autain
Jean-Yves Autexier
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Yves Coquelle
Annie David
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Gérard Le Cam
Paul Loridant
Hélène Luc
Josiane Mathon
Roland Muzeau
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Ont voté contre
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Rodolphe Désiré
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Marie-Christine Blandin
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Adnot, Nicolas Alfonsi, Philippe Darniche, Mme Sylvie
Desmarescaux, MM. Hubert Durand-Chastel, Bernard Seillier, Alex Türk, Paul
Vergès, Christian Poncelet, président du Sénat.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 311 |
Nombre des suffrages exprimés : | 224 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 113 |
Pour : | 22 |
Contre : | 202 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 14)
sur la motion n° 215 présentée par M. Robert Bret et plusieurs de ses
collègues, tendant au renvoi en commission du projet de loi constitutionnelle
relatif à l'organisation décentralisée de la République.
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 311 |
Pour : | 104 |
Contre : | 207 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour :
22.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Contre :
13.
Abstentions :
6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin,
Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Nicolas Alfonsi, Fernand
Demilly.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Contre :
93.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Pour :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Contre :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Contre :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Contre :
6.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Rodolphe Désiré
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François
Fortassin et Dominique Larifla.
N'ont pas pris part au vote
MM. Nicolas Alfonsi, Fernand Demilly, Paul Vergès et Christian Poncelet,
président du Sénat.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 318 |
Nombre des suffrages exprimés : | 312 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 157 |
Pour : | 104 |
Contre : | 208 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 15)
sur l'amendement n° 124 présenté par M. Jean-Claude Peyronnet et les membres du
groupe socialiste et rattachée, et l'amendement n° 167 rectifié présenté par
Mme Nicole Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen
tendant à supprimer l'article 1er du projet de loi constitutionnelle relatif à
l'organisation décentralisée de la République.
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Pour : | 105 |
Contre : | 208 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour :
22.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Pour :
2. _ MM. Nicolas Alfonsi et Gérard Delfau.
Contre :
14.
Abstentions :
5. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin,
François Fortassin et Dominique Larifla.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Contre :
93.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Pour :
81.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Bernard Angels, qui présidait la
séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Contre :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Contre :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Contre :
6.
Ont voté pour
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Rodolphe Désiré
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, François Fortassin et
Dominique Larifla.
N'ont pas pris part au vote
MM. Paul Vergès, Christian Poncelet, président du Sénat, et Bernard Angels,
qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 315 |
Nombre des suffrages exprimés : | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 158 |
Pour : | 107 |
Contre : | 208 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 16)
sur l'article 1er du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation
décentralisée de la République.
Nombre de votants : | 314 |
Nombre de suffrages exprimés : | 312 |
Pour : | 207 |
Contre : | 105 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre :
22.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Pour :
13.
Contre :
1. _ M. Gérard Delfau.
Abstentions :
2. _ MM. Nicolas Alfonsi et Jean-Michel Baylet.
N'ont pas pris part au vote :
5. _ MM. André Boyer, Yvon Collin,
Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
93.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Contre :
82 dont M. Bernard Angels, qui présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Pour :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Pour :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Pour :
6.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Michèle André
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Bernard Angels, qui présidait la séance.
Abstentions
MM. Nicolas Alfonsi et Jean-Michel Baylet.
N'ont pas pris part au vote
MM. André Boyer, Yvon Collin, Rodolphe Désiré, François Fortassin, Dominique
Larifla, Paul Vergès et M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 315 |
Nombre des suffrages exprimés : | 313 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 157 |
Pour : | 208 |
Contre : | 105 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 17)
sur l'amendement n° 128 présenté par M. Jean-Claude Peyronnet et les membres du
groupe socialiste et rattachée, et l'amendement n° 174 présenté par Mme Nicole
Borvo et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l'article 3 du projet
de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la
République.
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 319 |
Pour : | 105 |
Contre : | 214 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Contre :
21.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Contre :
93.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Pour :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Contre :
53.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Daniel Hoeffel, qui présidait la
séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Contre :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Contre :
6.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Nicolas Alfonsi
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
André Boyer
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Yvon Collin
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Gérard Delfau
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Rodolphe Désiré
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
François Fortassin
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 320 |
Nombre des suffrages exprimés : | 320 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 161 |
Pour : | 105 |
Contre : | 215 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.