SEANCE DU 5 NOVEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 61, adressée
à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Mme Michelle Demessine.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
souhaite appeler l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du
travail et de la solidarité sur la situation des salariés de l'entreprise
d'imprimerie SCIA, à La Chapelle-d'Armentières, qui ont été licenciés le 23
avril 2002.
Bien que cette entreprise ait trouvé un repreneur, grâce, notamment, à la
mobilisation des services de l'Etat et des salariés eux-mêmes, et que 70
d'entre eux aient été embauchés, 150 salariés ont été licenciés. La loi de
modernisation sociale du 17 janvier 2001, qui prévoyait le doublement des
indemnités en cas de licenciement économique, devait normalement s'appliquer à
eux, en attendant que l'entreprise se développe et que de nouvelles embauches
soient envisagées.
Or, aujourd'hui, l'AGS, l'association de garantie des salaires, s'appuie sur
une circulaire du ministère des affaires sociales relative à l'application de
cette loi pour décider de ne pas doubler cette prime, la date de licenciement,
le 23 avril 2002, étant antérieure à la date de parution du décret
d'application de la loi de modernisation sociale, soit le 5 mai 2002.
L'article 123 de la loi de modernisation sociale précise que l'article 113 est
applicable aux procédures de licenciement en cours à la date d'entrée en
vigueur de la présente loi, soit immédiatement, dès sa publication au
Journal officiel,
le 7 mars 2002, et que la circulaire, quant à elle,
devait normalement plutôt préciser les taux.
De plus, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt qui
pourrait, en la matière, faire jurisprudence. Celui-ci interprète l'article L.
122-9 du code du travail en distinguant, d'une part, le droit au bénéfice de
l'indemnité, qui s'apprécie effectivement à la date du licenciement, et,
d'autre part, le calcul du montant des indemnités, qui s'apprécie à la fin du
préavis. Dans ce cas précis, le préavis étant postérieur à la parution du
décret, les salariés pourraient bénéficier du doublement de leur prime.
Comme vous le voyez, cette jurisprudence laisse planer un doute sur
l'interprétation de la circulaire du ministère ainsi que sur l'application de
la loi, doute qui justifie aujourd'hui des éclaircissements.
Pour les salariés, monsieur le secrétaire d'Etat, ce doute est suffisant pour
qu'ils reprennent espoir. Je vous demande donc d'en faire bénéficier ces
salariés qui ont contribué, pendant trente ans pour certains d'entre eux, à
faire prospérer une entreprise, une activité, afin qu'ils ne se retrouvent pas
du jour au lendemain sans avenir professionnel et, pour une large majorité
d'entre eux, sans moyens de vivre décemment.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Madame la sénatrice, je comprends,
humainement, le désarroi de ces salariés.
La loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, a introduit, par son
article 113, une distinction dans le niveau légal d'indemnité suivant le motif
de licenciement, entre motif économique, d'une part, et motif inhérent à la
personne du salarié, d'autre part. Toutefois, la loi ne fixe aucun niveau.
Seul le décret n° 2002-785 du 3 mai 2002 augmente le niveau lié au motif
économique. Ce doublement ne peut donc prendre effet qu'à cette date. Seuls les
salariés licenciés pour motif économique après cette date ont droit à une
augmentation.
J'ajoute que c'est exactement ce que la circulaire du 23 janvier du
prédécesseur de M. François Fillon avait précisé. Elle rappelait en effet que,
pour l'article 113, il fallait attendre la sortie du décret qui préciserait un
niveau d'indemnité. Remarquons au passage que cela ne l'a pas empêché
d'attendre quatre mois pour publier le décret !
Les 150 anciens salariés de l'entreprise SCIA licenciés le 23 avril 2002 ne
peuvent donc pas prétendre au doublement de l'indemnité légale de
licenciement.
L'Association de garantie des salaires, qui leur a payé ces indemnités, a donc
eu pleinement raison de conserver les montants antérieurs.
M. le président.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine.
Monsieur le secrétaire d'Etat, un flou existe incontestablement entre les
dispositions de la loi et le texte de la circulaire. Il est vraiment dommage
que, pour quelques cas en France - la période transitoire ne doit sans doute
pas concerner un très grand nombre de salariés -, on n'ait pas précisé le
dispositif dans un sens favorable pour les salariés licenciés pendant la
période concernée. Cela aurait constitué une mesure d'équité sur le plan
social. Paradoxalement, les salariés protégés bénéficieront, quant à eux, du
doublement de la prime puisqu'ils ont été licenciés, comme le dispose la loi,
après les autres salariés. Cela crée une incompréhension. Les salariés, qui se
sentent aujourd'hui lésés, vont devoir engager une action en justice devant le
conseil des prud'hommes, ce qu'on aurait tout de même pu leur éviter !
RESPECT DU PRINCIPE DE LIBERTÉ SYNDICALE