SEANCE DU 6 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 7. - Il est inséré au titre XII de la Constitution un article 72-3 ainsi rédigé :
« Art. 72-3. - La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont régis par l'article 73 pour les départements et les régions d'outre-mer, et par l'article 74 pour les autres collectivités.
« Aucun passage de tout ou partie de ces collectivités de l'un à l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74 ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité intéressée, convoqués par le Président de la République sur proposition du Gouvernement, ait été préalablement recueilli. En ce cas, le changement de régime est décidé par une loi organique.
« La loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises. »
La parole est à M. Dominique Larifla, sur l'article.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le premier alinéa de l'article 7 énumère nominativement chacune des collectivités situées outre-mer : les actuels départements et territoires d'outre-mer.
Jusqu'à présent, le régime des premiers étant défini par la loi, leur statut pouvait être modifié par une loi ordinaire, et ce sans l'avis des populations. (M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, entre dans l'hémicycle et gagne le banc du Gouvernement. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Un sénateur socialiste. Il va nous informer !
M. le président. Monsieur Larifla, pardonnez-moi de vous interrompre.
Monsieur le ministre, le Sénat - notamment les membres de l'opposition - se réjouit de votre arrivée. (M. Alain Gournac applaudit.)
Veuillez poursuivre, monsieur Larifla.
M. Dominique Larifla. Je salue, moi aussi, l'arrivée de M. le ministre.
Je reprends mon propos. Il faut donc reconnaître le double mérite de ce projet qui inscrit chacune de ces collectivités dans la Constitution, en garantissant dans le même temps que soit recueillie la volonté de leur population en cas d'évolution, dans la continuité du processus engagé en 2000, avec la loi d'orientation pour l'outre-mer.
La rédaction actuelle prévoit, par ailleurs, la possibilité d'un changement de régime, donc du passage de l'identité législative à celui de spécialité législative, c'est-à-dire à l'autonomie.
On regrette toutefois le caractère manichéen de la rédaction actuelle.
Ainsi, après l'actuelle étape de l'identité législative resterait celle de l'autonomie, puis viendrait l'heure de l'indépendance.
Entre ces extrêmes, la collectivité unique régie par le principe d'identité législative serait une voie médiane.
Nous ne doutons pas, madame la ministre, de la validité de vos déclarations, consistant à assurer que cette collectivité unique demeurerait régie par l'article 73 de la Constitution, mais nos inquiétudes portent sur le risque des interprétations.
D'ailleurs, retrouver Saint-Pierre-et-Miquelon aux côtés des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution contribue à entretenir la confusion, car celui-ci est bien un département situé en outre-mer, mais érigé comme tel en application de l'article 72 de la Constitution. Je cite l'article 1er de la loi du 11 juin 1985, relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon : « L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon constitue, conformément à l'article 72 de la Constitution, une collectivité territoriale de la République française. Son organisation et son fonctionnement sont fixés par la présente loi. »
Aussi, à la lecture de l'article 7, on sent bien la volonté du Gouvernement d'apporter une réponse à chacune des aspirations des habitants de l'outre-mer, allant jusqu'à prendre en compte la particularité de la situation de l'île de Saint-Barthélemy, au sein de la revendication globale de l'archipel guadeloupéen.
De cette démarche consistant à satisfaire tout le monde vient sans doute une rédaction confuse d'un texte qui se veut général tout en étant très précis.
Cependant, l'évolution des départements d'outre-mer comporte deux dimensions : l'une, institutionnelle, qui porte strictement sur l'organisation administrative, et l'autre, qui se rapporte à la question du régime.
L'article 72-3 proposé ne vise, quant à lui, que la seconde, d'où l'amendement que je propose et que je défendrai tout à l'heure.
M. le président. Avant de donner la parole à l'orateur suivant, je salue la présence, dans la tribune officielle, de nos collègues députés Mme Vernaudon et M. Buillard. Nous sommes heureux de les accueillir. Je leur adresse, au nom du Sénat, mes souhaits de cordiale bienvenue.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, sur l'article 7.
M. Jean-Paul Virapoullé. Avec votre autorisation, monsieur le président, je salue M. Audifax, député de la Réunion, qui est également présent dans nos tribunes.
L'article 7 a une portée historique. Je le dis d'autant plus volontiers que, lorsque nous l'avons passé au crible, j'ai fait partie de ceux qui estimaient qu'il ne comportait pas suffisamment de verrous pour les départements français d'outre-mer.
Mais un travail d'analyse constructif a été engagé avec le Gouvernement. Au fil des jours, je me plais à constater - je tiens à le reconnaître ici - que ces départements d'outre-mer étaient des anciennes colonies. Comment sont-ils devenus départements d'outre-mer ? Par un simple texte législatif : la loi de 1946. Or, nous l'avons tous appris, ce qu'une loi fait, une autre loi peut le défaire.
La première portée historique que je reconnais à l'article 7 est l'inscription nominative, pour la première fois, des départements et des territoires d'outre-mer dans la Constitution française, qui efface d'un trait de plume le procès d'intention fait au Gouvernement à propos du prétendu « largage » de l'outre-mer français.
Mais là ne s'arrête pas l'innovation. La deuxième nouveauté - et je me plais ici à la souligner, car, si je ne l'avais pas vue à la première analyse, je la ressens pleinement aujourd'hui - réside dans le pouvoir de veto accordé au peuple avant tout changement de statut. Dans un premier temps, j'avais cru qu'il s'agissait d'un mandat impératif, qui donc aurait été nul ; cependant, l'analyse montre que la consultation préalable de la population doit être comprise non pas comme un mandat impératif, mais comme un veto liant aussi bien le Gouvernement que le Président de la République et le Parlement : ce dernier ne sera pas tenu de suivre le vote de la population, mais il ne pourra pas être saisi d'un éventuel projet de changement de statut sans son accord préalable.
Cette rédaction chasse de nos esprits toute interprétation qui pourrait susciter l'inquiétude quant au droit de passage de tout ou partie des collectivités concernées de l'un à l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74 de la Constitution. Ce droit de passage n'est pas une obligation de passage ; il est, en pratique, une interdiction de passage sans l'accord de la population.
Sur ce point, je veux souligner que l'article 7, tel qu'il est rédigé, donne satisfaction aux populations d'outre-mer, notamment à celles des départements d'outre-mer, et je tiens à en donner acte au Gouvernement.
Le dernier point qui me paraît important est que grâce à l'article 7, le débat institutionnel sortira du huis clos antidémocratique que constituait le Congrès. Au cours de la précédente législature, avait été confié à une majorité d'élus le soin de décider, à huis clos, de l'évolution statutaire des départements d'Amérique. La Réunion n'était par concernée, puisque, vous le savez, mon département avait refusé, avec votre soutien, mes chers collègues, la création du Congrès.
Dès lors que ce n'est plus une majorité d'élus locaux qui décide du sort de la population, dès lors que les populations de chaque département d'outre-mer possèdent un droit de veto qui interdit tout changement de statut sans leur accord, je tiens à remercier le Gouvernement, d'une part, d'avoir inscrit nominativement nos territoires et nos départements dans la Constitution, et, d'autre part, d'avoir donné ce droit de veto aux populations d'outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, sur l'article 7.
M. Robert Bret. La manière de traiter l'outre-mer dans le projet de réforme constitutionnelle est révélatrice de la précipitation de nos travaux et de la confusion qui prévaut dans l'élaboration de ce texte nous en avons eu un exemple il y a encore un instant.
Lors du débat sur la loi d'orientation pour l'outre-mer, votée dans cet hémicycle en juin 2000, nous avions rappelé qu'il était nécessaire de répondre aux aspirations des collectivités d'outre-mer à la responsabilisation et à l'autodétermination. Nous avions souligné qu'il fallait avoir des approches et des réponses différenciées. Nous avions insisté sur l'idée qu'il fallait procéder à des réformes donnant une plus large autonomie à chaque région, dans le cadre républicain, avec des objectifs de développement pour chaque territoire.
Notre groupe avait alors regretté que le texte reste en deçà de ces exigences et que les prérogatives du Congrès soient trop restreintes, alors qu'il aurait pu devenir un premier outil vers un réel pouvoir de décision et de participation des populations locales.
Tout en jugeant positif, aujourd'hui, le fait que ce gouvernement, comme le précédent, reconnaisse le droit et, implicitement, l'intérêt que peuvent retirer les DOM d'un processus d'évolution institutionnelle, ainsi que l'inscription dans la Constitution du principe de la consultation des populations concernées avant tout changement statutaire, nous trouvons discutable que la révision envisagée aboutisse à limiter les possibilités de choix laissées aux Domiens et ne permette pas de prendre en compte les propositions formulées, par exemple, par le Congrès des élus départementaux et régionaux de la Martinique et de la Guadeloupe.
La volonté du Gouvernement de faire adopter la réforme constitutionnelle dans des délais brefs fait fi de l'avis de ces populations et de leurs représentants, et la plupart des dispositions contenues dans le projet de loi constitutionnelle sont renvoyées à des textes ultérieurs dont, là non plus, nous ne connaissons pas le contenu.
De plus, le texte dont nous débattons comporte, nous semble-t-il, une contradiction : nombre de mesures proposées sont communes à la métropole et à l'outre-mer, alors que les situations sont différentes et appellent donc des réponses également différentes. En 2000, lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, il avait même été dit qu'il fallait faire du « cousu main ».
Ainsi, des dispositions susceptibles de répondre, au moins en partie, à la légitime volonté d'autonomie des collectivités d'outre-mer ne sont applicables à la métropole qu'au prix de reculs, et inversement. En procédant de la sorte, vous prenez, me semble-t-il, le risque de renvoyer dos à dos les populations de la métropole et celles de l'outre-mer.
Par ailleurs, aucune mesure de réparation à hauteur convenable n'est prévue pour ces départements, qui ont subi pendant de longues années le colonialisme et en supportent encore les séquelles. (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous pouvez protester, mes chers collègues, mais c'est une réalité tout à fait palpable lorsqu'on est sur place.
En tout état de cause, là comme en métropole, le danger de recul social, le danger de voir s'accroître les inégalités et les difficultés des collectivités est présent. Il l'est d'autant plus que les départements et les régions d'outre-mer sont, on le sait, particulièrement sensibles aux conséquences de la mondialisation libérale.
Enfin, nous ne soutiendrons aucune disposition visant, comme le propose M. Virapoullé par son sous-amendement n° 85 rectifié bis , à exclure un département, quel qu'il soit - je pense en particulier à la Réunion -, du champ d'application des mesures contenues dans le projet de loi constitutionnelle, par nature destinées à durer.
Mes chers collègues, depuis le début de l'examen du projet de loi constitutionnelle, tout nous montre qu'il aurait fallu travailler bien davantage sur ce texte et prendre le temps de consulter les populations et les assemblées délibérantes sur son contenu même. La réforme constitutionnelle aurait pu être l'occasion d'engager une véritable réforme en faveur des populations domiennes, en procédant comme le Gouvernement nous l'impose, au contraire, nous nous en éloignons.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Lise, Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 23, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-3 dans la Constitution, après les mots : "les régions d'outre-mer,", insérer les mots : "et pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l'article 73,". »
L'amendement n° 116, présenté par MM. Larifla, Othily et Désiré, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-3 de la Constitution, après les mots : "et les régions d'outre-mer,", insérer les mots : "ainsi que pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l'article 73,". »
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-3 de la Constitution.
« B. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 72-4. - Aucun changement, pour tout ou partie de l'une des collectivités mentionnées au premier alinéa de l'article 72-3, de l'un vers l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l'alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique.
« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation ou à son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un changement prévu à l'alinéa précédent et est organisée sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat. »
« C. - En conséquence, dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots : "un article 72-3 ainsi rédigé" par les mots : "deux articles 72-3 et 72-4 ainsi rédigés". »
Le sous-amendement n° 61 rectifié, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le B de l'amendement 24 rectifié pour insérer un article 72-4 dans la Constitution, remplacer les mots : "l'une des collectivités mentionnées" par les mots : "de la collectivité intéressée mentionnée".
« II. - En conséquence, dans la même phrase, remplacer les mots : "de la collectivité intéressée" par les mots : "de cette collectivité". »
Le sous-amendement n° 235 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le B de l'amendement n° 24 rectifié pour insérer un article 72-4 dans la Constitution, après le mot : "collectivité" insérer les mots : "ou de la partie de collectivité". »
Le sous-amendement n° 103 rectifié bis, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le B de l'amendement n° 24 rectifié pour insérer un article 72-4 dans la Constitution, faire suivre les mots : "ait été préalablement recueilli" par les mots : "pour avis".
« II. - Dans la première phrase du second alinéa dudit texte, après les mots : "peut décider de consulter", insérer les mots : "pour avis". »
L'amendement n° 104 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Au deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-3 de la Constitution, remplacer les mots : "le consentement" par les mots : "l'avis". »
L'amendement n° 214 rectifié, présenté par MM. Othily et Larifla, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-3 dans la Constitution, après les mots : "sur proposition du Gouvernement", insérer les mots : "et après que le Congrès ou les assemblées départementales et régionales réunies en Congrès aient adressé au Gouvernement une proposition de modification de régime". »
L'amendement n° 25, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le deuxième alinéa du texte prévu par cet article pour insérer un article 72-3 dans la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII. »
La parole est à M. Claude Lise, pour présenter l'amendement n° 158 rectifié.
M. Claude Lise. Cet amendement vise à supprimer purement et simplement l'article 7 du projet de loi, non parce que les départements d'outre-mer y sont nommés - s'il n'y avait que cela, je serais d'accord ! -, mais pour deux raisons importantes.
Premièrement, la rédaction de cet article introduit une ambiguïté concernant la position des départements et des régions d'outre-mer au regard de l'article 72 de la Constitution qui a déjà provoqué des discussions entre juristes et a donné lieu à des interprétations divergentes ; il importe donc de la lever.
Deuxièmement, cette rédaction affiche un clivage radical entre l'article 73 et l'article 74 de la Constitution, rendant nécessaire un choix fondamental, impératif, entre deux régimes législatifs s'excluant l'un l'autre. De ce fait, l'article 73 semble destiné à privilégier la proximité du droit commun, ce qui ressort d'ailleurs déjà clairement de l'appellation du régime législatif qu'il régit, puisque celui-ci est qualifié de régime d'« identité législative » ou encore d'« assimilation législative ».
Cela traduit, à l'évidence, une conception « très classique », pour employer un euphémisme, de l'article 73, qui n'est certainement pas celle sur laquelle se fondait le général de Gaulle au moment de l'inscription de cet article dans la Constitution de 1958, puisqu'il soulignait alors qu'il s'agissait de « pouvoir adapter les lois de la République aux nécessités locales ». En réalité, cette adaptation a été constamment menée de façon très restrictive par le Conseil constitutionnel.
La rédaction proposée pour l'article 73 tend à l'évidence à en limiter d'emblée « la vertu adaptative », si je puis dire, et à en restreindre sérieusement la portée. Elle réduit à coup sûr les possibilités de prévoir une réponse adaptée aux aspirations qui s'expriment dans certains départements d'outre-mer et dont la prise en compte nécessite de véritables dérogations au principe d'assimilation législative dans certains domaines, tels la culture, l'aménagement du territoire, l'urbanisme ou les transports, domaines sur lesquels portent les propositions formulées par les Congrès. Ceux-ci ne sont pas tenus à huis clos, monsieur Virapoullé. J'ai moi-même présidé le congrès de Martinique, dont les travaux ont été publics et ont été suivis avec passion par nos concitoyens.
Réclamer de telles dérogations parce qu'elles apparaissent dictées par des nécessités locales ne signifie aucunement que l'on veut opter pour un statut de territoire d'outre-mer, et l'on peut se demander s'il n'y a pas là comme une épée de Damoclès que d'aucuns voudraient insidieusement suspendre au-dessus de la tête de nos concitoyens des départements d'outre-mer pour mieux les pousser à adopter une interprétation quelque peu pusillanime de l'article 73. Quoi qu'il en soit, nombreux sont ceux qui le ressentent ainsi, et j'en fais partie.
J'ajoute, pour terminer, que le texte méconnaît tout simplement la réalité, à savoir l'existence de collectivités, telles que Mayotte ou Saint-Pierre-et-Miquelon, se situant dans une position intermédiaire, entre un statut relevant de l'article 73 et un statut relevant de l'article 74. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 23.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que dans le cas prévu par le dernier alinéa de l'article 73, c'est-à-dire la fusion d'un département et d'une région d'outre-mer, la collectivité ainsi créée restera régie par l'article 73 de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. Dominique Larifla, pour présenter l'amendement n° 116.
M. Dominique Larifla. Cet amendement vise à garantir aux départements et aux régions d'outre-mer la possibilité de se voir remplacer par une collectivité sans changer de régime, à l'instar de ce qui est possible pour les départements et les régions régis par l'article 72.
Il précise en outre que la nouvelle collectivité créée en lieu et place du département et de la région demeurerait bien régie par l'article 73 de la Constitution, traduisant ainsi les interprétations indiquées par Mme la ministre de l'outre-mer lors de son audition du 16 octobre 2002 devant la commission des lois du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié.
M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit de regrouper dans un article additionnel inséré dans la Constitution les dispositions de procédure relatives aux consultations prescrites en cas de changement de régime ou portant sur des questions relatives à l'organisation législative des collectivités situées outre-mer.
De plus, la consultation sans valeur décisionnelle serait étendue aux questions relatives à l'organisation ou au régime législatif d'une collectivité. Ainsi pourrait être décidée une consultation portant à la fois sur un changement de régime et sur l'organisation administrative ou sur les nouvelles compétences susceptibles d'être exercées par la collectivité, notamment en matière de réglementation.
M. le président. Le sous-amendement n° 61 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à Mme la ministre, pour défendre le sous-amendement n° 235 rectifié bis.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Le Gouvernement souhaite sous-amender la première phrase du texte proposé pour le premier alinéa de l'article 72-4 de la Constitution afin de préciser les modalités du changement de régime législatif, de façon que celui-ci puisse ne concerner qu'une partie des collectivités, par exemple l'île de Saint-Barthélemy. Il convient donc de préciser que seuls sont appelés à se prononcer les électeurs de la partie de la collectivité intéressée, et non ceux de l'ensemble de la collectivité.
Le choix du régime concernant Saint-Barthélemy nous paraît suffisamment important pour justifier que la population de l'île puisse se prononcer prioritairement, et le Sénat a déjà montré à plusieurs reprises tout son intérêt pour l'évolution du statut des îles du nord de la Guadeloupe.
Le Gouvernement souhaite donc cette légère correction de la proposition de la commission, afin que la population de Saint-Barthélemy, notamment - puisque c'est à cette île que nous pensons en présentant ce sous-amendement -, puisse voir ses intérêts pleinement pris en compte.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre le sous-amendement n° 103 rectifié bis et l'amendement n° 104 rectifié.
M. Michel Charasse. Il s'agit de préciser qu'il peut y avoir consultation des électeurs des collectivités concernées, mais que la décision finale appartient toujours au Parlement. Or - et M. Virapoullé vient de s'exprimer très clairement à ce sujet - l'expression « sans que le consentement des électeurs de la collectivité intéressée ait été préalablement recueilli », qui figure dans l'amendement de la commission, laisse penser que le Parlement serait privé du droit d'exercer la souveraineté nationale, une fois que les populations auraient voté.
Je comprends bien l'esprit de cet amendement, mais sa rédaction aboutirait en réalité à supprimer au Parlement français le droit de faire la loi, puisqu'une section du peuple pourrait s'attribuer, à elle seule, l'exercice de la souveraineté nationale.
En fait, il y a plusieurs manières d'interpréter le mot « consentement ».
On peut considérer qu'une fois que l'on a demandé le consentement des populations par un vote on fait ce qu'on veut ensuite. C'est cela, la souveraineté nationale.
On peut aussi considérer - c'est la position qu'a prise Mme Girardin lors de sa première audition par la commission des lois - que, si les populations ne sont pas d'accord, on ne fait rien.
Excusez-moi, madame la ministre, mais aucune section du peuple ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale ! Aucune section du peuple ne peut en bloquer l'exercice ! Par conséquent, je propose, avec mes amis, que la population ne soit consultée que pour avis et que l'avis qu'elle émettrait ne lierait pas la souveraineté nationale.
Bien entendu, j'entends par avance ce que pourront nous rétorquer nos collègues d'outre-mer. Il est bien évident que, si l'on n'est pas sûr de l'avis qu'émettront les populations, si l'on pense que celui-ci risque d'être contraire à ce que l'on espère, on ne consultera pas.
Il n'empêche, mes chers collègues, qu'il y a des principes à respecter ! Permettre que le vote local de dix mille, ving mille ou trente mille électeurs - peu importe le nombre d'ailleurs - prive le Parlement et le Gouvernement d'exercer les prérogatives de souveraineté qui sont les leurs, c'est donner le pouvoir à une section du peuple, c'est donc remettre en cause la forme républicaine du Gouvernement, laquelle forme, aux termes du dernier alinéa de l'article 89 de la Constitution, ne peut faire l'objet d'une révision.
A tout le moins, mes chers collègues, la formulation que vous propose la commission mérite d'être précisée.
Il n'est pas dans mon propos, évidemment, d'ennuyer nos collègues d'outre-mer - je suppose en effet que ce texte a fait l'objet de nombreuses discussions avec eux - mais je souhaite que les choses soient très claires, étant entendu que, si une population d'outre-mer est consultée sur un sujet donné, le Parlement et le Gouvernement devront naturellement tenir compte de l'opinion exprimée. On ne peut pas gouverner contre les gens ! Toutefois, des motifs d'intérêt national peuvent conduire la souveraineté nationale à ne pas suivre la souveraineté « locale ».
Quant à l'amendement n° 104 rectifié, qui modifie directement le texte du Gouvernement, il a le même objet que le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Georges Othily, pour défendre l'amendement n° 214 rectifié.
M. Georges Othily. Si une consultation de la population doit intervenir, il faudra bien que l'initiative en soit prise par les assemblées de la collectivité concernée. Je souhaite donc, par cet amendement, préciser que le Congrès ou les assemblées départementales et régionales devront saisir le Gouvernement pour qu'il propose la consultation. Je tiens à ce que Mme le ministre nous réponde sur ce point : à qui reviendra l'initiative de saisir le Gouvernement ?
Que le Président de la République convoque sur proposition du Gouvernement est une chose, mais il faudra bien que la population, les électeurs ou encore les élus, les partis politiques décident qu'un changement de statut doit intervenir dans le cadre de la République et dans l'intégration européenne.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 25 et pour donner l'avis de la commission sur les différents amendements et sous-amendements qui viennent d'être présentés.
M. René Garrec, rapporteur. L'amendement n° 25 tend à inscrire la Nouvelle-Calédonie dans le titre XII de la Constitution, cette collectivité située outre-mer étant la seule à ne pas y être mentionnée et donc à ne pas bénéficier des progrès de la loi.
L'amendement n° 158 rectifié tend à supprimer le texte proposé pour l'article 72-3 de la Constitution. Or ce dernier permet de faire figurer nominativement dans la Constitution les collectivités situées outre-mer et de déterminer la date de la promulgation de la loi pour les collectivités relevant de l'article 73 - les actuels départements et les régions d'outre-mer - et pour celles qui relèvent de l'article 74, soit toutes les autres.
L'article 73, en son alinéa 3, permettra, en outre, des dérogations au principe d'assimilation législative pour les collectivités relevant dudit article.
Cet amendement est donc contraire à la position de la commission, qui émet un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 116, il sera satisfait par l'amendement n° 23.
Le sous-amendement n° 235 rectifié bis est contraire à la position de la commission.
Il paraît en effet indispensable de recueillir le consentement de l'ensemble des électeurs de la collectivité concernée sous peine d'aboutir à une véritable balkanisation. La disposition qui nous est soumise, présentée comme étant spécifique à Saint-Barthélemy, pourrait également s'appliquer à l'évidence à d'autres collectivités comme les îles Marquises.
Le sous-amendement n° 103 rectifié bis est également contraire à la position de la commission. Les populations d'outre-mer sont très inquiètes au sujet d'une possible évolution statutaire. Il est donc indispensable de tenir compte de leur avis.
M. Michel Charasse. De tenir compte de leur avis, mais pas forcément de les suivre !
M. René Garrec, rapporteur. La commission est donc défavorable à ce sous-amendement.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 104 rectifié, qui a le même objet que le sous-amendement n° 103 rectifié bis.
Enfin, l'amendement n° 214 rectifié est, lui aussi, contraire à la position de la commission, qui privilégie le rôle de la représentation nationale et des électeurs, les membres des congrès ne détenant pas un mandat particulier au sujet d'une éventuelle évolution statutaire. Elle a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements et sous-amendements ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. S'agissant de l'amendement n° 158 rectifié, je dirai à M. Lise que, bien évidemment, le Gouvernement ne peut accepter la suppression du texte proposé pour l'article 72-3, qui, conformément à l'analyse particulièrement fine et tout à fait juste qu'en a faite tout à l'heure M. Jean-Paul Virapoullé, et contrairement à ce que prétendent les auteurs de cet amendement, met fin à l'ambiguïté et à la confusion actuelle du régime de l'outre-mer.
En effet, que signifie aujourd'hui encore la catégorie des territoires d'outre-mer ? Il y règne une telle hétérogénéité que cette catégorie n'a vraiment plus aucun sens. C'est la raison pour laquelle nous proposons de la supprimer.
Quels points communs peuvent avoir la Polynésie française, qui bénéficie d'un très large statut d'autonomie, Wallis-et-Futuna, qui n'a pas de commune, mais a trois rois coutumiers ou encore les terres australes et antarctiques françaises, où n'habite aucune population autochtone ? Quant à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, leur statut intermédiaire est source d'insécurité juridique, et nous souhaitons justement remédier à cette situation.
Le projet du Gouvernement consiste donc à regrouper les collectivités d'outre-mer dans deux grandes catégories : celles qui sont soumises au principe d'assimilation législative et celles qui sont soumises au principe de spécialité législative.
Ces deux régimes ont chacun leur logique, mais nous les assouplissons pour qu'à l'intérieur de chacun d'eux on puisse faire du sur-mesure.
Par conséquent, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le sénateur, notre rédaction n'est en rien une source de rigidité, bien au contraire.
L'adaptation législative de l'article 73 est assouplie, et la possibilité pour les DOM de déroger à la loi dans un nombre limité de matières pour tenir compte de leur spécificité est bien prévu dans notre projet, comme les différents secteurs issus des réunions du congrès sont parfaitement couverts par les dispositions de cet article.
Quant à l'article 74, il permettra à toutes les autres collectivités qui ne sont pas des DOM de bénéficier d'un statut particulier correspondant à leurs caractéristiques propres, qu'il s'agisse de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Mayotte ou des anciens TOM.
Je m'étonne donc que vous puissiez proposer la suppression de ces deux régimes législatifs que nous assouplissons, surtout si l'on songe - c'est là un point essentiel de notre réforme - que les changements entre ces deux régimes ne peuvent désormais intervenir qu'avec des garanties démocratiques très fortes. C'est une nouveauté importante, je le répète, par rapport à la situation actuelle, la Constitution n'interdisant pas un changement autoritaire, sans consultation, du régime d'une collectivité d'outre-mer.
Cette nouvelle disposition est évidemment particulièrement importante pour une collectivité d'outre-mer comme la Réunion, qui est très attachée à son statut départemental et qui se trouvera, de ce fait, tout à fait sécurisée.
Enfin, je voudrais rappeler que ce nouvel article 72-3 consacre l'appartenance solennelle des collectivités d'outre-mer à la République en les mentionnant nominativement dans la Constitution ; vous avez reconnu que ce n'était pas un point négatif.
Aussi le Gouvernement s'étonne-t-il que l'on veuille supprimer pareille disposition. Monsieur Lise, je connais très bien votre sens de l'Etat et votre attachement très fort à la République, et je sais que vous êtes sensible au fait que chaque collectivité d'outre-mer soit mentionnée dans ce qui est la loi suprême de la République.
Le Gouvernement est donc, bien entendu, défavorable à votre amendement.
Je voudrais maintenant remercier la commission des lois, qui, en présentant l'amendement n° 23, a levé une ambiguïté. Avec cet amendement, il sera désormais très clair que toutes les collectivités se substituant éventuellement à un département d'outre-mer, à une région d'outre-mer relèveront bien de l'article 73 du régime d'assimilation législative. C'était bien l'intention du Gouvernement. Mais, je le reconnais bien volontiers, la chose n'était sans doute pas suffisamment précisée. Nous approuvons donc avec beaucoup de plaisir cette proposition.
Le but visé par les auteurs de l'amendement n° 116 me paraît atteint par l'amendement n° 23.
S'agissant de l'amendement n° 24 rectifié, le Gouvernement est favorable à la transposition de certains éléments de la procédure référendaire de l'article 11 de la Constitution à la procédure de changement de régime instituée par l'article 72-4. Toutefois, comme je l'ai indiqué tout à l'heure en présentant le sous-amendement n° 235 rectifié bis, le Gouvernement souhaite que soit modifiée la première phrase proposée afin de préciser que le changement de régime peut ne concerner qu'une partie des collectivités comme, par exemple, Saint-Barthélemy. Dans ce cas, nous souhaitons que ce soit uniquement de cette partie de la collectivité concernée qu'il faille recueillir le consentement.
Le sous-amendement n° 103 rectifié bis vise à supprimer l'obligation d'obtenir le consentement des populations intéressées pour le passage de l'un vers l'autre des régimes institués par les articles 73 et 74 de la Constitution. Je ne vous étonnerai pas en vous disant que le Gouvernement considère cette disposition comme absolument inacceptable.
Je le rappelle, M. le Président de la République s'est solennellement engagé à faire enfin inclure dans notre Constitution des garanties démocratiques incontestables pour éviter des dérives statutaires non souhaitées par nos compatriotes d'outre-mer.
L'évolution d'un régime d'assimilation vers un statut de spécialité législative est trop importante pour les populations concernées pour qu'elle puisse être décidée sans que leur accord soit recueilli.
En tout état de cause, monsieur Charasse, le Parlement n'est en aucun cas contraint de décider un changement qui aurait été approuvé par les électeurs à une faible majorité et avec un taux de participation médiocre, par exemple. Le Parlement aura le dernier mot.
M. Michel Charasse. C'est bien le moins !
Mme Brigitte Girardin, ministre. En revanche, il est tenu de ne pas donner suite à un changement qui aurait été rejeté par les électeurs. Il n'y a là rien de choquant.
M. Michel Charasse. Ah bon ? Il n'y a tout simplement plus de souveraineté nationale !
Mme Brigitte Girardin ministre. C'est, au contraire, l'application des principes les plus élémentaires de la démocratie.
M. Michel Charasse. Donc, 300 000 habitants peuvent contraindre 63 millions d'habitants ! C'est cela, pour vous, la République ?...
Mme Brigitte Girardin ministre. Ces explications valent évidemment pour l'amendement n° 104 rectifié.
J'en viens à l'amendement n° 214 rectifié. Monsieur Othily, le Gouvernement n'a évidemment pas l'intention de s'auto-saisir ; il souhaite, en revanche, s'assurer, préalablement à toute proposition de consultation, qu'il existe un consensus local sur un éventuel changement de régime.
Cet amendement, qui vise à constitutionnaliser le Congrès des élus départementaux et régionaux, nous paraît d'autant plus inutile que cette institution pouvait être créée sans même l'intervention d'une loi. Vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur Othily, puisque, en se réunissant en congrès sans attendre la loi d'orientation, la Guyane a prouvé que point n'était besoin pour ce faire d'une disposition législative.
Nous sommes d'autant moins favorables à cet amendement que, selon nous, il convient de ne pas limiter la capacité d'initiative du Gouvernement en la subordonnant à la demande des assemblées locales. L'article 72-3 de la Constitution a vocation à s'appliquer à des collectivités où il n'existe pas de congrès, par exemple à Mayotte. Il est clair que, si Mayotte souhaitait un jour passer sous le régime de l'article 73 de la Constitution, votre amendement ne serait pas adapté à la situation.
L'amendement n° 25 de la commission de lois ne nous paraît pas revêtir la portée juridique qui lui est prêtée.
Personne ici ne peut douter que la Nouvelle-Calédonie soit une collectivité territoriale de la République. Elle est d'ailleurs brillamment représentée au Sénat, ce qui est bien l'une des caractéristiques du statut de cette collectivité territoriale. Cela dit, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 158 rectifié.
M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 116 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Michel Charasse, contre le sous-amendement n° 235 rectifié bis.
M. Michel Charasse. J'ai écouté les explications de Mme le ministre et celles du président de la commission sur ce sous-amendement du Gouvernement.
Au fond, le problème posé est simple.
Ou bien on considère que, comme l'a dit Mme Girardin tout à l'heure en s'exprimant sur mon sous-amendement n° 103 rectifié bis, le Parlement devra en tout état de cause s'incliner devant le vote d'outre-mer et, dans ce cas-là, le Gouvernement se réserve la possibilité de faire un découpage avec une paire de ciseaux pour mettre d'un côté ceux qui sont d'accord et de l'autre côté ceux qui ne le sont pas ; c'est la conséquence du fait qu'il n'y a plus de souveraineté nationale.
Ou bien on considère que la souveraineté nationale existe toujours et, alors, ce sous-amendement est inutile.
Comme je crains que ce sous-amendement ne s'inscrive en fait dans le droit-fil de la pensée de Mme le ministre, qui nous a redit plus longuement tout à l'heure ce qu'elle avait déjà dit devant la commission, je ne le voterai pas : il ne vise en effet, selon moi, qu'à tirer les conséquences de la suppression de la souveraineté nationale et de son transfert à une section du peuple dans les départements et territoires concernés.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 235 rectifié bis.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le sous-amendement.)
M. le président. La parole est à M. Claude Lise, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 103 rectifié bis.
M. Claude Lise. Même si je comprends les arguments juridiques avancés par mon ami Michel Charasse, je tiens à rappeler que, selon la procédure prévue dans la loi d'orientation - et j'y suis pour quelque chose -, la consultation des populations ne contrevient pas au principe qu'il vient de rappeler : le Parlement et le Gouvernement ne sont pas, dans cette procédure, juridiquement liés par la position exprimée par les populations consultées. Ils le sont, en revanche, politiquement, sauf à mettre en oeuvre une singulière conception de la démocratie.
Dans l'actuelle réforme de la Constitution, le Gouvernement propose de mettre ce qu'il appelle un verrou : il inscrit dans la Constitution l'impossibilité d'imposer un changement de statut politique qui ne serait pas souhaité par la population de l'un de nos départements. Je ne peux qu'approuver une telle disposition.
En effet, Mme le ministre l'a dit, les citoyens de nos départements sont très attachés à cette idée de consultation.
De plus, la possibilité généreusement offerte - si j'ose dire - aux départements d'outre-mer de basculer dans le statut de territoire d'outre-mer, ce qu'ils n'ont nullement demandé, suscite actuellement de l'inquiétude ; c'est bien pourquoi un verrou est indispensable.
Les citoyens des départements d'outre-mer sont inquiets non seulement parce qu'on leur propose quelque chose qu'ils n'ont pas demandé, mais aussi parce que ce nouveau dispositif semble bien remettre en cause - et ce que j'ai entendu tout à l'heure me le confirme - l'initiative locale d'évolution institutionnelle ; désormais, l'initiative d'évolution viendra d'en haut.
Mme le ministre nous dit que le Gouvernement n'a pas du tout l'intention de s'autosaisir, et je ne mets nullement sa parole en doute. Mais qui nous assure qu'un autre gouvernement ne va pas décider un beau matin de consulter la Réunion pour savoir si ses habitants veulent passer sous le régime de l'article 74 ? Voilà le danger !
Autrement dit, puisque l'on a créé des éléments d'insécurité, il devient absolument indispensable de mettre des verrous. C'est pourquoi, tout en partageant le point de vue juridique de mon collègue M. Charasse, je suis obligé de soutenir la position du Gouvernement : mettons en place les verrous qu'il nous propose pour nous préserver, entre autres choses, d'un risque que lui-même introduit dans la procédure.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. J'ai la faiblesse de penser que ce point est très important.
On nous dit en effet que, si les populations d'outre-mer, qui sont concernées par l'article 72-3 ou l'article 72-4, comme on voudra, ne donnent pas leur accord, le Parlement ne peut plus rien faire. C'est un transfert pur et simple de la souveraineté nationale à une section du peuple ! Lorsque le président Garrec nous explique qu'« il faudra tenir compte de leur avis », cela signifie que la souveraineté nationale ne s'exerce plus là-bas dans ces circonstances-là, c'est-à-dire si les populations ont dit « non », étant entendu que, si elles ont dit « oui », on ne pourra pas faire autrement que de suivre.
En votant le dispositif de l'amendement n° 24 rectifié tel qu'il nous est présenté, on prive le Parlement, c'est-à-dire un élément de la souveraineté nationale, de ses pouvoirs, de son droit d'exercer justement ladite souveraineté. Si, un jour, il faut aller contre, on ne pourra le faire que par un référendum prévu à l'article 11 de la Constitution puisque la décision prise ainsi par référendum est elle-même l'expression de la souveraineté nationale et n'est pas sousmise au contrôle du Conseil constitutionnel. Vous imaginez la situation !
Le problème est le suivant : le dernier alinéa de l'article 89 de la Constitution interdit de porter atteinte à la forme républicaine du Gouvernement. On ne révise pas la République !
Je me suis expliqué sur le contenu de la forme républicaine, je n'y reviens pas. Les ministres qui étaient alors présents au banc du Gouvernement, à savoir MM. Perben et Devedjian, ainsi que M. le rapporteur ont dit qu'en l'espèce on ne portait pas atteinte à la forme républicaine du Gouvernement. Si l'on considère, malgré ce qui a été dit, que l'on n'y porte pas atteinte, alors la révision est possible. Mais l'expression « si l'on ne porte pas atteinte » sera inopérante en la circonstance puisque aucune section du peuple ne pourra exercer la souveraineté nationale à la place de la souveraineté nationale elle-même !
Vous voyez la situation dans laquelle nous sommes : ou l'on porte délibérément atteinte et, dans ce cas, on ne peut pas réviser - et il faudra bien qu'une autorité tranche ce point ! - ou l'on ne porte pas délibérément atteinte et, dans ce cas, le consentement signifie que l'on demande l'avis de la collectivité, mais que l'on en fait ce que l'on veut. C'est ce que le Gouvernement nous a dit hier pour les référendums locaux sur l'initiative des collectivités locales : il s'agit d'un simple avis, par exemple sur les modifications de certaines limites territoriales ou sur d'autres sujets.
Sur ce point, le débat a été tranché, mais, en l'espèce, nous ne parvenons pas à obtenir de réponse claire.
C'est pourtant simple : si nous votons ce texte sans violer le dernier alinéa de l'article 89 de la Constitution, cela signifie que le consentement ne veut plus rien dire, que cela ne nous concerne pas et que l'on fera ce que l'on voudra ; si, en revanche, il s'agit d'une interdiction d'aller contre le vote local, alors nous portons atteinte à la forme républicaine du Gouvernement, et c'est insupportable à tous égards.
C'est la raison pour laquelle je me permets d'insister pour que l'on précise bien qu'il s'agit d'un simple avis, ou pour que le Gouvernement et le rapporteur nous disent que, tout bien réfléchi, on ne porte pas atteinte à la forme républicaine du Gouvernement : le patron, c'est la souveraineté nationale, et personne d'autre !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 103 rectifié bis.
M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. Michel Charasse. On a voté la suppression de la République !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 104 rectifié et 214 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.
M. Jean-Claude Peyronnet. Le groupe socialiste également.

(L'article 7 est adopté.)

Article additionnel après l'article 7