SEANCE DU 6 NOVEMBRE 2002
M. le président.
Madame, monsieur le ministre, mes très chers collègues et amis, nous voici
parvenus au terme de la discussion de ce projet de loi constitutionnelle,
discussion passionnante et parfois passionnée d'un texte essentiel.
Avant que nous ne procédions au vote à la tribune, permettez-moi, mes chers
amis, de vous faire un aveu : ce soir, le président du Sénat est un homme
heureux.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du
groupe CRC.)
M. Michel Charasse.
Oh, il peut !
M. Jacques Blanc.
Nous le sommes aussi !
M. Robert Bret.
Il faut peu de chose à votre bonheur !
M. le président.
Oui, un homme heureux, car le débat qui vient d'avoir lieu restera gravé dans
nos mémoires comme un moment fort dans la vie de notre institution,...
M. Michel Charasse.
Fort de café !
M. le président.
... assemblée parlementaire à part entière, mais aussi, et c'est un plus,
représentant des collectivités territoriales de la République.
Vous avez tous - je dis bien tous, mes chers collègues, quelles que soient les
travées sur lesquelles vous siégez -, vous avez tous contribué à enrichir nos
débats et à nourrir les « travaux préparatoires », auxquels le Conseil
constitutionnel saura fort utilement se référer pour forger sa nouvelle
jurisprudence.
La passion n'a pas obscurci la raison, les péroraisons enflammées n'ont pas
altéré le travail de fond, les effets de manche n'ont pas nui à la sérénité ni
au sérieux de nos débats républicains.
Soyez-en tous remerciés, mes chers collègues, de même que MM. les
vice-présidents, qui m'ont secondé dans la conduite de nos débats.
Oui, disais-je, je suis un président heureux, car le Sénat, fidèle à sa
vocation d'avocat de la décentralisation - qui pourrait le contester ? Pas
vous, en tout cas, monsieur Mauroy ! - a pleinement joué son rôle.
Il est vrai que le Sénat, émanation des collectivités territoriales, connaît
les préoccupations des élus locaux et mesure les enjeux de la nécessaire
relance de la décentralisation, qui ne saurait être un prétexte - madame,
monsieur le ministre, j'insiste particulièrement auprès de vous - pour renoncer
à l'indispensable réforme de l'Etat, qui doit être concomitante de celle que
nous sommes sur le point de voter.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Hyest.
Absolument !
M. le président.
Ce rôle de défenseur de la gestion de proximité, dans le respect d'un Etat
unitaire, monsieur Charasse, le Sénat l'a joué tout d'abord en amont, comme
aiguillon de la pensée gouvernementale. Telle était la finalité des deux
propositions de loi constitutionnelle présentées par le Sénat, dont l'objet
était de « muscler » le principe de libre administration des collectivités
territoriales.
Ces deux textes ont à l'évidence - qui pourrait le contester ? - inspiré la
rédaction du projet de loi. Je ne sais si leur influence a été « prépondérante
»,...
M. Patrick Devedjian
ministre délégué.
... mais elle a été prédominante !
M. le président.
... mais je suis certain qu'elle a été « prédominante » !
(Sourires.)
Ensuite, le Sénat a contribué, par ses amendements, à l'amélioration du
texte.
Au titre des avancées obtenues, je citerai l'introduction dans notre loi
fondamentale du principe de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité
territoriale sur une autre. Cette consécration permettra de mieux définir les
contours de la notion de chef de file, madame, monsieur le ministre.
Je pense également aux précisions apportées aux conditions et aux modalités
d'exercice du droit à l'expérimentation.
Je pense aussi au principe de la compensation financière des compétences
créées et dévolues
ab initio
aux collectivités territoriales.
Je pense enfin aux utiles précisions apportées au volet « outre-mer » du
projet de loi.
D'une manière générale, je voudrais remercier M. le Premier ministre d'avoir
entendu notre appel, une sorte « d'appel de Strasbourg »... à rebours, monsieur
Hoeffel.
Je voudrais également remercier de leur disponibilité de tous les instants, de
leur compétence éclairée et de leur courtoisie républicaine les ministres qui
ont eu la responsabilité de porter ce texte et de le mener à bon port. Je pense
à Mme la ministre de l'outre-mer, à M. le garde des sceaux, à M. le ministre
délégué aux libertés locales, à M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le
Parlement, sans oublier leurs collaborateurs.
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
Pour terminer, je dirai que j'ai la faiblesse - vous me la pardonnerez - de
penser que, toutes et tous, nous avons fait oeuvre utile et que le texte adopté
par le Sénat tiendra la route.
M. Robert Bret.
Il prend déjà l'eau !
M. le président.
Madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, chers amis, un Etat fort,
c'est-à-dire un Etat recentré sur ses missions régaliennes, sur son rôle de
stratège et sur sa fonction de garant de l'égalité des chances entre les
territoires et entre tous les citoyens, doit se conjuguer avec des
collectivités territoriales fortes. C'est ma propre conviction, je sais que
vous la partagez, et je vous en remercie.
Puisse cet ancrage constitutionnel, préalable indispensable à l'ouverture de
l'acte II de la décentralisation, contribuer à donner naissance à une France
moderne, dynamique et solidaire, ainsi qu'à une République revivifiée et
revigorée par une démocratie locale renforcée !
(Nouveaux applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je
donne la parole à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Pour de nombreuses raisons, nous voterons contre ce texte. Ce n'est pas une
surprise. Nous avions annoncé nos réserves lors de la discussion générale, et
le débat ne nous a rassurés ni sur la forme ni sur le fond, qui souvent se
rejoignent.
La forme, c'est l'article 1er. Associer l'organisation décentralisée aux
grands principes républicains d'unité, de liberté, d'égalité, c'est rabaisser
le texte fondateur au rang d'un texte banal. Un humoriste disait l'autre jour à
la radio que c'était comme si l'on rédigeait la Déclaration des droits de
l'homme de la façon suivante : « Les hommes naissent et demeurent libres et
égaux en droits et se lavent les dents tous les matins. » C'est à peu près du
même niveau et on peut le regretter, mais c'est surtout très dangereux.
La conception de l'Etat qui sous-tend ce mélange étrange de concepts est à
l'opposé de ce que nous pensons. En fait, on voit une logique s'imposer entre
cet article ainsi complété et les alinéas qui comportent les principes de
subsidiarité ou d'expérimentation, une logique souterraine mais que nous
croyons implacable, celle d'une conception fédéraliste de l'Etat. Vos
dénégations pour nous convaincre que ce n'était pas le cas ont été vaines.
A cette logique fédérale s'ajoute ce que je qualifierai d'un terme que je n'ai
pas employé dans la discussion générale et qui ne vous plaira pas, appliqué à
cette matière : une logique libérale. Le Premier ministre prétend vouloir
mettre en mouvement les territoires, je crains qu'il ne les mette surtout en
compétition. Les affirmations de M. le garde des sceaux que nous avons
entendues hier soir et dans la nuit le confirment : je veux parler de
l'affirmation de l'inégalité et de la compétition entre les territoires comme
élément consubstantiel à la décentralisation, mais aussi du refus d'introduire
dans la Constitution l'intéressante formule concernant les territoires proposée
par Mme Blandin : « l'Etat est le garant de la solidarité ».
Nous ne sommes pas contre l'expérimentation, bien au contraire, nous l'avons
pratiquée et sommes favorables à son extension. Mais l'expérimentation que vous
proposez est celle de l'inégalité, on ne peut l'accepter sans un certain nombre
de précautions. Nous ne voulons pas d'une France avec vingt-six lois
différentes ou vingt-six types de règlement.
D'autres enjeux sont apparus, et, comme les débats ont été assez approfondis à
cet égard, je veux vous faire part de mes inquiétudes.
Inquiétudes sur la subsidiarité et sa logique.
Inquiétudes sur la notion de chef de file.
Vous prétendez, messieurs, que l'affirmation de l'interdiction de la tutelle
d'une collectivité sur une autre serait une garantie absolue. Je ne le crois
pas : c'est une affirmation sans suite, parce que la collectivité « chef de
file » peut toujours faire à peu près ce qu'elle veut pour organiser la mise en
oeuvre de la compétence qu'elle a obtenue. Je vous rappelle que M. Charasse
avait proposé un amendement visant à préciser que la compétence pourrait se
mettre en oeuvre par accord entre les collectivités. Vous avez refusé une telle
disposition : vous pensez donc bien que la compétition sera effective et qu'une
collectivité exercera sa tutelle sur une autre.
Inquiétudes, enfin, sur la suppression de niveaux de collectivités dans tel ou
tel secteur de la République. On pourra supprimer les deux départements
d'Alsace par exemple ; on pourra aussi, éventuellement, supprimer des communes
dans tel ou tel département ou décider que, dans tel département, les
communautés de communes sont suffisamment efficaces pour qu'on les remplace par
des collectivités à statut particulier qui seront - comme par hasard -
identiques aux EPCI en question.
Vous me dites : c'est la loi qui décidera ! Est-ce rassurant ? Non, parce
qu'une majorité pourra toujours en décider autrement - et, en disant cela, je
ne fais aucun procès d'intention à la majorité actuelle. Mais, en l'occurrence,
ou bien on joue à l'apprenti sorcier, ou bien on a un double langage, l'un
n'excluant pas l'autre.
Ce texte est mal ficelé. Il fait la part trop grande au juge et il entraînera
des contentieux. Il est également frileux. Vous avez accepté - c'est bien - de
reconnaître dans la Constitution le statut de collectivité territoriale à part
entière à la région. Vous avez en revanche refusé d'y inscrire les communautés
de communes à fiscalité propre, ce qui aurait pourtant donné de l'ampleur à
votre projet de loi, au motif qu'elles n'ont pas encore fait leurs preuves. Or
les communautés urbaines sont plus vieilles que les régions ! Elles ont 37 ans
! Si elles n'ont pas fait leurs preuves aujourd'hui, je ne suis pas sûr
qu'elles puissent le faire jamais.
Je passe sur le refus d'inscrire dans la Constitution le droit de vote des
étrangers, ce qui aurait également eu un peu d'allure.
Bref, ce texte nous semble dangereux, surtout parce qu'il n'est pas
clair,...
M. Jacques Mahéas.
Il est bâclé !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... parce qu'il n'est pas étayé par les éléments qui auraient pu nous être
apportés sur les lois organiques qui seront prochainement soumises au
Parlement. Cela a d'ailleurs donné lieu à un bref incident et à une suspension
de séance en début d'après-midi.
Dans l'état actuel des choses, nous sommes donc amenés à voter fermement
contre ce projet de loi constitutionnelle.
(Applaudissements sur les travées
du groupe socialiste, sur celles du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily.
Tout compte fait, il fallait bien se décider à aller plus loin dans la
décentralisation. Ce n'est pas parce que c'est difficile que l'on n'ose pas,
c'est parce que l'on n'ose pas que c'est difficile ; Sénèque avait raison.
Ce texte, il faut le reconnaître, est arrivé sur le bureau du Sénat parsemé
d'ambiguïtés, de flous, d'imprécisions, voire d'incohérences.
Il était donc de notre devoir de sénateur de le rendre lisible, de le mettre
droit, car il s'agit de la loi fondamentale de notre République, de la loi des
lois.
Lorsque le Parlement aura adopté définitivement ce projet de loi
constitutionnelle, notre Constitution sera, pour la seizième fois, révisée.
Vingt ans après les lois Mauroy et Defferre de 1982, l'acte II de la
décentralisation est enfin lancé : il était temps ! « L'organisation
décentralisée » de notre République, nécessité pratique pour une gouvernance
moderne, est sur le point de devenir une réalité constitionnelle, et c'est tant
mieux !
Les collectivités d'aujourd'hui et les élus ont été transformés, modelés par
le temps et la dure réalité de la vie. Plus de responsabilités, plus
d'autonomie, il a fallu s'adapter et souvent se remettre en question pour mieux
gérer son territoire, pour satisfaire les exigences de plus en plus vives de
nos concitoyens.
Le grand chantier de la décentralisation a donc bien commencé. Son maître
d'ouvrage, le Premier ministre, s'est fixé cent cinquante jours, nous a-t-il
dit lors de la discussion générale : cent cinquante jours depuis le dépôt de ce
projet de loi constitutionnelle sur le bureau de notre assemblée, cent
cinquante jours pour édifier la « République des proximités », celle-là même
que les Français réclament et attendent depuis plusieurs années maintenant. Le
compte à rebours des grands travaux de la décentralisation a donc commencé. Le
Sénat et, en son sein, le groupe du RDSE ne peuvent que s'en féliciter.
Certes, l'affirmation, à l'article Ier de notre Constitution, du principe
selon lequel la France a une organisation décentralisée a ému, choqué, voire
troublé certains. Qu'à cela ne tienne ! La sagesse des sénateurs a prévalu et
les constituants que nous sommes ont adopté. L'avenir nous dira quelle
utilisation les praticiens du droit et les acteurs des collectivités feront de
ce nouveau principe.
Alors, y a-t-il eu rupture avec l'acte Ier de 1982 ? Je ne le crois pas : plus
que d'une rupture entre hier et aujourd'hui, entre la gauche et la droite,
c'est d'un progrès qu'il s'agit !
En effet, la décentralisation est enfin relancée, elle s'apprête à franchir
une nouvelle étape, étape qu'appelait de ses voeux le groupe du RDSE, au mois
de juin dernier, en livrant des propositions concrètes en la matière.
Le texte que nous nous apprêtons à voter aujourd'hui s'inscrit dans les
engagements pris par le Président de la République pendant la campagne
électorale du printemps dernier. Ce projet de loi ne sort pas des limitations
énoncées à Rouen par le candidat Chirac, et chacun ici, mes chers collègues,
sur quelque travée qu'il siège, ne peut que s'en réjouir.
C'est bel et bien dans le cadre de la République que s'inscrit ce projet de
loi constitutionnelle, dans le cadre d'une République qui demeure indivisible,
qui reste laïque et sociale, qui renforce son caractère démocratique, à l'aide
notamment du référendum local et du droit de pétition, mais - et c'est là, à
mon sens, toute sa force et toute sa modernité - dans une République dont
l'organisation est décentralisée.
Concrètement, le droit à l'expérimentation est consacré dans la Constitution,
de même que l'autonomie financière. A cet égard, je me dois de saluer la
compétence et l'expérience de notre excellent collègue Jean-Pierre Fourcade,
qui, lors du débat, n'a pas manqué d'éveiller l'attention des législateurs que
nous sommes.
Tout compte fait, il fallait agir.
Aussi, il importe, avant le vote, d'exprimer nos sentiments de reconnaissance
à notre président-rapporteur, René Garrec, pour l'excellent travail qu'il a
effectué. L'expérience, la clarté de jugement et la rigueur dans l'analyse dont
il a fait preuve tout au long de la discussion nous ont permis d'appréhender
avec sérénité ce texte difficile, dont les nuances et les rédactions fines se
sont imposées à nous tous à travers les amendements proposés et adoptés par la
commission des lois.
Qu'il me soit aussi permis de remercier les collaborateurs de la commissions
des lois, qui n'ont pas ménagé leur peine pour nous faciliter la tâche.
S'agissant de l'organisation de notre travail, problème que nous avons soulevé
maintes fois, vous comprendrez aussi que nous ne pouvons qu'être satisfaits.
Le passage de l'article 72 à l'article 73 sera subordonné à la consultation
préalable des électeurs de la collectivité d'outre-mer concernée. C'est
pourquoi, monsieur le président, il importera que, lors de la discussion des
lois organiques, les élus d'outre-mer se montrent extrêmements vigilants. Nous
devons en prendre conscience dès maintenant.
Dans l'attente de ces lois organiques à venir, le groupe du RDSE, dans sa très
grande majorité, votera le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc.
Madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, devant un président
heureux, permettez-moi de dire qu'il y a aussi des sénateurs heureux
(Rires sur les travées du groupe socialiste) ...
M. Jacques Mahéas.
Il y a aussi des imbéciles heureux !
M. Jacques Blanc
... et même fiers. Les membres du groupe des Républicains et Indépendants sont
de ceux-là. Ils sont peut-être un peu plus fiers parce que c'est un des leurs
qui, quelque peu imprégné de la vie sénatoriale, a, en tant que chef du
Gouvernement, incontestablement imprimé sa volonté politique.
Ils sont fiers parce que c'est un des leurs, le président-rapporteur, René
Garrec, qui, grâce à un travail acharné, a su montrer, madame, monsieur le
ministre, que le Gouvernement pouvait trouver au Sénat des interlocuteurs qui à
la fois discutent, dialoguent, proposent. Le débat qui vient d'avoir lieu me
paraît, à cet égard, exemplaire.
Permettez-moi de dire que, pour un sénateur qui n'est pas dans cette maison
depuis très longtemps, c'est une grande fierté que de voir le Sénat saisi en
premier - on ne peut que se féliciter du choix du Gouvernement - travailler
sérieusement et en profondeur, dans la sérénité, même si nous n'étions pas tous
d'accord, mais cela c'est le jeu de la vie démocratique !
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. Jacques Blanc.
Nous avons la conviction de vivre un moment un peu historique car, pour la
première fois, dans notre Constitution sera affirmée, sans que soit jamais
remis en cause son caractère indivisible ni son unité, l'organisation
décentralisée de notre République. C'est un acte de confiance très fort en la
démocratie, mais aussi dans le peuple de France, qui aura désormais la capacité
de s'exprimer grâce au droit de pétition et qui pourra être consulté par la
voie de référendums locaux.
C'est également un signe fort de confiance en direction de ces multiples élus
locaux qui, dans leur immense majorité, sont au service de la population, que
ce soit au niveau des communes, des départements, des régions ou des
collectivités territoriales d'outre-mer, de ces élus qui portent les ambitions
de leur collectivité.
Permettez à un président de région de se réjouir de voir désormais figurer
dans la Constitution, au rang de collectivité territoriale, le niveau régional,
sans que cela se fasse aux dépens des communes ou des départements.
C'est aussi le propre du Sénat que de trouver cette synthèse entre des
démarches qui, au départ, peuvent paraître contradictoires, mais qui, en
réalité tendent à répondre aux vrais problèmes des femmes et des hommes de
notre temps.
Le monde bouge : il fallait que la Constitution, sans que son socle soit
aucunement remis en cause, puisse s'adapter à ce mouvement, aux nouvelles
exigences des femmes et des hommes de France. Ceux-ci doivent savoir que, sous
l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement a engagé une vraie
réforme. On en parlait depuis trop longtemps. Elle est aujourd'hui en marche.
Dans 150 jours, nous la concrétiserons.
Merci au Gouvernement, merci à vous, monsieur le président, et merci au Sénat
de nous permettre de participer au remodelage de la France.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Merci à vous, mon cher collègue, qui avez été longtemps député, de mettre
ainsi en relief toutes les qualités du Sénat.
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Nous avons connu, avec ce texte, un curieux débat parlementaire.
Vous venez de le dire, monsieur le président, il s'agit d'un texte essentiel.
C'est en tout cas ce que M. Raffarin a martelé depuis qu'il est Premier
ministre, à tel point qu'il a envisagé d'engager sa responsabilité sur ce
texte.
Permettez-moi de ne pas être satisfaite de la façon dont notre assemblée a
travaillé sur ce projet de loi constitutionnelle.
Des préoccupations, voire des craintes, se sont exprimées, sur toutes les
travées de cet hémicycle, devant le flou ou les ambiguïtés du texte. Mais elles
ont vite été mises sous le boisseau et, à mon sens, ce qu'il est advenu du
travail de la commission des lois n'est pas acceptable. Cela étant, ce n'est
pas à moi de parler pour la majorité de la commission des lois !
Quant aux avis et propositions de l'opposition, ils ont été purement et
simplement balayés.
Pourtant, la République est notre bien commun. Nous en sommes, à chaque
génération, responsables, et l'on sait ce qu'il en a coûté, en d'autres temps,
de ne pas la protéger.
Modifier profondément l'organisation de la République exige donc beaucoup de
prudence, de réflexion. Il s'agit de bien peser ce que nous faisons, d'en
mesurer les effets probables, d'imaginer les dérives possibles. Hélas ! Il n'en
a rien été : le texte devait « passer » à toute vitesse, sans véritable
discussion.
Alors, décentralisateurs contre anti-décentralisateurs ? Certainement pas !
Girondins contre Montagnards ? Allons donc ! D'abord, les lois de
décentralisation de 1982, la droite ne les avait pas votées !
M. Didier Boulaud.
Eh non !
Mme Nicole Borvo.
C'est encore suffisamment récent pour qu'il ne soit pas besoin de remonter aux
Girondins et aux Montagnards.
M. Bernard Angels.
Ils ont vraiment la mémoire courte !
Mme Nicole Borvo.
Pour nous, une décentralisation sans démocratisation peut surtout déboucher
sur des féodalités et des pouvoirs tout aussi éloignés des citoyens que l'est
l'Etat.
Ce qui caractérise votre texte, c'est une modification profonde de ce qui
fonde l'égalité et la solidarité dans notre société. Plusieurs d'entre nous ont
parlé, au cours du débat sur l'article 1er, de fracture de la République, «
République en morceaux », ai-je entendu dans vos rangs, mesdames, messieurs de
la droite. Cela mérite tout de même réflexion. Il ne suffit pas de dire que
c'est n'importe quoi, comme M. de Rohan se plaît à le faire.
M. Josselin de Rohan.
Mais c'est n'importe quoi !
Mme Nicole Borvo.
Vous le direz à vos amis !
Croyez-vous vraiment que nos concitoyens, y compris ceux qui ont voté au
premier tour pour M. Chirac, ont voulu que l'Etat ne soit plus le garant de
l'égalité entre les citoyens ? En tout cas, vous avez repoussé un amendement
qui tendait à le réaffirmer.
M. Hilaire Flandre.
Textuellement, ce n'était pas tout à fait ça !
Mme Nicole Borvo.
Nos concitoyens veulent-ils des régions pauvres à côté de régions riches, des
services publics pauvres à côté de services publics riches ? Sûrement pas !
Le débat sur les finances a été tout aussi édifiant. Franchement, les élus
locaux, au nom desquels vous affirmez si souvent parler, veulent-ils de
l'augmentation des impôts locaux qu'ils sont obligés de décider ? Et nos
concitoyens sont-ils prêts à supporter cet alourdissement de la fiscalité
locale ?
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Roger Karoutchi.
C'est votre faute !
Mme Nicole Borvo.
Les élus locaux veulent-ils affronter les mécontentements ?
Si vous en aviez réellement eu la volonté, il aurait été possible d'engager
d'abord une vraie réforme fiscale !
M. Louis de Broissia.
Vous êtes des tartuffes !
Mme Nicole Borvo.
Or, de cela, il n'est pas question !
Il y a donc, dans ce texte, une partie visible et une partie invisible. Pour
toutes ces raisons, nous sommes résolument contre.
(Applaudissements sur les
travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers
collègues, après un président heureux, après des sénateurs fiers, vous avez
devant vous un sénateur confiant, issu d'une région où l'on sait bien quels
peuvent être les désavantages du centralisme.
Depuis des temps presque immémoriaux, le centralisme a éloigné notre région du
pouvoir et donc des décisions dont dépendait son avenir.
J'ai entendu, parfois avec beaucoup de surprise, souvent avec un certain
intérêt, les critiques qui ont été opposées au texte qui nous est soumis.
M. Jacques Mahéas.
Même celles de Jean-Louis Debré ?
M. Josselin de Rohan.
A Rennes, je me fais reprocher par l'opposition de gauche d'être un président
de conseil régional trop frileux, de manquer d'audace, de me montrer timoré
parce que la région ne revendique pas la gestion des hôpitaux, celle des ports,
celle des aéroports, celle des routes, celle des écoles, que sais-je
encore...
Je suis même taxé de jacobinisme, ce qui, dans mon cas particulier, ne manque
pas de sel car, en d'autres époques, la fréquentation des Jacobins aurait pu se
révéler dangereuse !
(Rires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
Le texte dont nous achevons la discussion est jugé tantôt trop frileux tantôt
trop audacieux, tantôt trop flou tantôt trop précis. En fait, on l'a bien
compris, il n'a aucune espèce de qualité aux yeux de ceux qui ont beaucoup
parlé de décentralisation, qui s'en sont fait un monopole mais qui n'ont pas su
passer à l'étape suivante, tout simplement parce qu'il n'a pas été présenté par
eux. Ils nous reprochent aujourd'hui ce qu'ils n'ont pas su faire hier !
(Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Nous, nous pensons que, grâce à la réforme que nous nous apprêtons à voter,
nous allons vers une République plus moderne, plus proche et plus solidaire,
quoi que certains en aient dit.
Ce sera incontestablement une République plus moderne, d'abord, parce que
l'Etat se concentrera sur ses missions régaliennes...
M. Claude Estier.
Nous verrons !
M. Josselin de Rohan.
... et que les collectivités locales pourront gérer ce qui ne relève pas
intrinsèquement du domaine de l'Etat. L'Etat pourra concentrer son action sur
des actions essentielles, qui n'ont pas toujours été bien soutenues ces
derniers temps.
Une République plus moderne aussi parce que de nouveaux espaces de liberté
s'ouvrent à nous grâce à l'expérimentation. Celle-ci permettra de vérifier que
de nouvelles compétences peuvent être exercées convenablement à l'échelon le
plus proche. De nouvelles coopérations pourront également être mises en place
grâce à la notion de collectivité chef de file.
Une République plus moderne, enfin, parce que nous allons mettre un terme à
l'uniformité totale qui a été si longtemps la caractéristique de notre
République. Une République peut être unie tout en abritant divers statuts.
C'est ce qui se passera avec les collectivités à statut particulier ou avec les
évolutions prévues pour les collectivités d'outre-mer.
Nous allons par ailleurs vers une République plus proche parce que s'y
exercera le principe de la subsidiarité, sur lequel on a beaucoup glosé. La
subsidiarité signifie en fait que le service public pourra être mieux rendu aux
échelons les plus proches, de manière plus efficace et souvent moins
coûteuse.
Des droits nouveaux sont, en outre, ouverts à nos concitoyens. J'espère que
l'usage raisonnable du droit de pétition et l'usage raisonné du référendum
permettront aux populations de s'exprimer.
Nous allons, enfin, vers une République plus solidaire. On nous a reproché de
vouloir briser la République et de rompre la solidarité entre les territoires.
J'ai entendu hier un excellent collègue stigmatiser le fait que les territoires
soient mis en concurrence. Mais nous savons tous très bien que les territoires
sont d'ores et déjà en concurrence et qu'il existe entre eux de profondes
inégalités. Précisément, il faut faire en sorte que cette concurrence constitue
une émulation entre les territoires, en vue du meilleur développement
possible.
Quant à l'Etat, sa tâche consistera plus que jamais à réduire les inégalités,
grâce aux dispositions qui sont contenues dans ce texte.
Le simple fait que l'Etat ait à établir la péréquation entre les régions
riches et celles qui le sont moins montre bien qu'il joue sont rôle à cet
égard.
C'est donc un sénateur confiant qui s'apprête à voter ce texte. Celui-ci sera
surtout ce que nous en ferons. Nous sommes bien décidés à le faire vivre, à
faire en sorte que s'ouvre une nouvelle page pour nos collectivités locales,
porteuse de modernité et d'une plus grande efficacité.
Vous n'avez pas voulu nous suivre sur cette voie, mesdames, messieurs de
l'opposition, et je le regrette pour vous. Nous, nous sommes convaincus que la
page nouvelle qui s'ouvre sera prospère, heureuse et féconde pour la
République.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Mauroy.
M. Pierre Mauroy.
M. Jean-Claude Peyronnet s'est exprimé au nom du groupe socialiste. Vous me
permettez, monsieur le président, de m'exprimer en tant qu'ancien Premier
ministre, et je vous en remercie.
Je remercie également tous ceux qui ont bien voulu rappeler ces années
1981-1983 au cours desquelles a été élaborée une décentralisation qui fait
aujourd'hui l'unanimité. Je ne peux manquer, en cet instant, d'évoquer le
souvenir de Gaston Defferre, qui a beaucoup ferraillé dans cette enceinte pour
faire aboutir les lois de décentralisation.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Comme nous !
M. Pierre Mauroy.
L'histoire est ainsi ! Il y a vingt ans, nous nous sommes opposés sur l'idée
même de décentralisation. Depuis, tout le monde l'a adoptée.
M. Hilaire Flandre.
Ce sera pareil avec cette loi !
M. Pierre Mauroy.
Voilà quelques années, le gouvernement précédent a souhaité que je préside une
commission réunissant autant de représentants de la gauche que de représentants
de la droite, et la consigne du Premier ministre, Lionel Jospin, était de
dégager des lignes de consensus sur une évolution de la décentralisation.
Je ne pouvais donc qu'aborder ce débat avec une certaine confiance.
Monsieur le président, vous affirmez être heureux de tout ce qui s'est passé ;
d'autres disent qu'ils sont eux aussi des sénateurs heureux. Eh bien, moi, je
ne suis pas un sénateur heureux !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Protestations
amusées sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Non, je ne suis pas heureux de ce qui s'est passé dans cet hémicycle, et je
vais vous dire en deux mots pourquoi.
Nous avons beaucoup discuté autour de la décentralisation, mais jamais nous ne
nous sommes opposés sur les principes constitutionnels entre Montagnards ou
Girondins : nous avons essayé de résoudre d'autres problèmes.
Une opposition pouvait se faire jour, c'est normal. Mais il n'était pas tout à
fait normal, en revanche, qu'autant de flou, autant d'incertitudes, autant de
difficultés surviennent, à propos d'une idée aussi lumineuse, dans la conduite
des débats.
(M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
Les Français souhaitent une décentralisation simple, lisible. Ne nous
avez-vous pas, quelquefois, reproché une absence de lisibilité dans nos textes
?
Or vous aurez réussi ce tour de force - oui, il fallait le faire ! -, avec
l'article 1er, de poser un problème essentiel au plus haut sommet de la
République : les plus hautes autorités de l'Etat ont ainsi été obligées de se
consulter - je ne sais pas exactement ce qu'ils se sont dit -, et,
manifestement, cette idée de République décentralisée, même rectifiée, a fait
couler beaucoup d'encre.
Nous avons en tout cas raison d'être fiers de vivre dans une République
unitaire, avec un Etat centralisé - parfois trop -, et nous avons tout autant
raison de souhaiter que l'organisation territoriale soit, elle,
décentralisée.
Quant à l'expérimentation, c'est une belle idée.
Nous avions, quant à nous, dégagé les élus de la casquette des préfets.
M. Pierre Hérisson.
Des commissaires de la République !
M. Pierre Mauroy.
Les élus sont devenus libres de leur gestion. Alors, expérimenter est une
bonne idée, mais à expérimenter à haute dose et sans précaution nous risquons
de voir apparaître des inégalités dans les territoires.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Nous en reparlerons !
Enfin, j'évoquerai l'intercommunalité.
Vous parlez de proximité, de subsidiarité. Mais, finalement, l'instance de
proximité et de subsidiarité la plus naturelle n'est-elle pas la commune ou les
regroupements de communes ? Indépendamment du clivage entre la gauche et la
droite, ce sont manifestement les maires qui ont résisté le mieux !
Franchement, vous auriez pu honorer beaucoup mieux l'intercommunalité en en
faisant véritablement le fer de lance du projet de loi sur lequel nous allons
maintenant nous prononcer. Je regrette profondément que vous ne l'ayez pas
fait.
Dans un discours à Marseille, le Premier ministre nous annonçait récemment une
avancée significative pour les communautés urbaines. Mais, à Paris, on ne l'a
pas suivi ! Je le regrette profondément.
J'espère en tout cas qu'il ne faudra pas vingt ans pour vous convaincre, comme
cela a été le cas pour les lois de 1981 et 1982. Mais nous aurons à reprendre
la mise en place de la décentralisation, sans idée de rupture, toutefois :
n'est-ce pas une drôle d'idée que d'imaginer une décentralisation pour les uns
et une décentralisation différente pour les autres ?
Quant à nous, nous sommes, au sein de la République, favorables à une grande
décentralisation qui honore nos territoires ainsi que toutes les instances de
notre pays. Voilà pourquoi nous voterons contre ce texte, et continuerons notre
combat en faveur de la décentralisation.
(Applaudissements sur les travées
du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Au terme de ce débat qui aura été long, riche et divers, je tiens à vous faire
part de la satisfaction des membres du groupe de l'Union centriste.
Ce débat nous a satisfaits par son existence même. C'est la première fois,
sous la Ve République, qu'une révision constitutionnelle va au-delà d'une
simple révision technique. Au cours de ces deux semaines, on nous aura en effet
demandé de créer le droit constitutionnel des collectivités locales.
C'est aussi - il faut nous en rendre compte - la première fois depuis
cinquante-six ans que le Parlement est appelé à créer véritablement tout un pan
de notre droit constitutionnel. Cela nécessitait, évidemment, du temps, et nos
débats auront, je crois, honoré notre assemblée. Avoir donné une base
constitutionnelle forte à la décentralisation, cela compte !
Nous l'avons vu au cours de ces dernières années, personne ne remet en cause
le travail effectué par M. le Premier ministre Pierre Mauroy en 1982.
Toutefois, la belle construction de 1982, à l'usage du temps, n'a pas toujours
bien résisté. La volonté décentralisatrice a pu, parfois, disparaître, et
l'Etat est revenu, en certaines occasions, sur la décentralisation.
Le présent projet de loi empêchera l'exercice d'une décentralisation en yoyo.
Désormais, et nous nous en réjouissons, le principe de l'organisation
territoriale décentralisée de la République sera garanti par la
Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest reviendra dans quelques instants sur le fond. Je me
contenterai de rappeller à M. le ministre les engagements forts qu'il a pris
devant le Sénat s'agissant de la notion de file et du respect du principe
essentiel de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité territoriale sur
une autre.
S'agissant des finances locales, il nous restera, lors de la discussion du
projet de la loi organique, à donner tout leur sens aux efforts que nous avons
faits. Ce soir, nous avons bâti la maison ; avec le projet de loi organique, il
nous appartiendra de donner véritablement corps à une République territoriale,
à une République fière de ses territoires, à une République qui s'appuie sur
eux et sur la reconnaissance de leur diversité, sur les pouvoirs accordés aux
collectivités territoriales pour construire la vraie égalité entre tous les
citoyens de notre pays.
Nous pourrons alors aborder une seconde étape : la décentralisation ne devra
pas, en effet, rester une affaire de spécialistes ou d'élus, et nos discussions
du printemps prochain sur l'organisation de l'exercice des compétences devront
être l'occasion d'ancrer la décentralisation dans la culture de notre pays.
Alors, grâce à une nouvelle organisation de la République, l'Etat, dont les
Françaises et les Français attendent beaucoup, sera désormais capable de
remplir toutes ses missions et les collectivités pourront offrir à nos
concitoyens tous les services dont ils ont besoin.
Telles sont les raisons pour lesquelles les sénateurs de l'Union centriste,
qui ont très largement construit leur groupe autour de l'idéal d'une République
décentralisée, voteront ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Monsieur le président, vous nous avez dit avec le sourire que vous étiez un
homme heureux. Nous nous en réjouissons sincèrement.
(Ah ! sur les travées
du RPR.)
Cependant, vous en conviendrez, mes chers collègues, nous sommes tous ici pour
veiller à ce que tous les Français puissent être heureux. Ce texte va-t-il leur
apporter des réponses ?
La décentralisation, c'est une quête d'efficacité de l'action publique, avec
pour avantages l'écoute des habitants, la cohérence au plus près du territoire,
l'allégement des procédures inadaptées. Mais cet allégement ne passe pas -
surtout pas ! - par un allégement des droits des citoyens ou par un allégement
des solidarités.
Le 21 avril, le doute s'est exprimé sur la capacité des pouvoirs publics à
résister à la férocité de la mondialisation. Alors, nous nous devons tous de
trouver les meilleurs lieux pour agir, de savoir qui fait quoi en Europe, à
Paris, dans les régions, dans les intercommunalités, dans les quartiers.
Mais, dans ce deuxième souffle de la décentralisation, on ne trouve que ce qui
existait déjà sans problème : les régions, l'expérimentation, le passage
possible par priorité d'un texte au Sénat en première lecture.
Quelques innovations, comme le droit de pétition des habitants, sont passées
du droit d'obtenir au droit de demander. Ni la vraie reconnaissance des
intercommunalités, ni le juste droit de vote local des étrangers non européens
n'ont eu droit de cité.
Quant à la solidarité, plus le Gouvernement s'est expliqué, plus il a refusé
les garanties qu'offraient nos amendements et plus il s'est imposé à
l'observateur attentif que deux déterminismes ont façonné ce texte : d'une
part, la précipitation hasardeuse et, d'autre part, l'inspiration libérale.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Le refus de l'inscription dans la Constitution du principe selon lequel «
l'Etat est le garant de la solidarité nationale » est éloquent !
Ajoutons à cela une gestion rigide du débat, une commission des lois aux
ordres, une opposition négligée, et l'on aura tous les ingrédients d'une
Constitution malmenée.
Oh, certes, le contexte ne nous rassurait pas : baisse des impôts nationaux,
stratégie fondée sur une croissance qui s'essouffle, suppression de postes,
baisse des budgets de la culture et de la recherche. Mais là, la méthode a
accru le trouble. La loi constitutionnelle sans regard sur les lois organiques,
c'est comme un contrat d'assurance dont on aurait fait disparaître les petites
lettres.
Je garde mes convictions pour la décentralisation, et je vais plus loin. A la
différence de mes collègues, ni la géométrie variable, ni même le fédéralisme,
ni même l'Europe des régions ne me font peur. Mais plus vous vous expliquiez,
madame, monsieur le ministre, plus nous partagions une défiance croissante sur
votre façon de voir les choses.
Nombre de vos réponses ont dévoilé des contenus tacites masqués par le flou, à
commencer par votre cri du coeur sur la rupture. Et bien non ! on ne peut pas
construire la décentralisation avec ceux qui jugent superflues les garanties,
avec ceux qui jugent inutile la mention des engagements internationaux de la
France, ou encore avec ceux qui se méfient des habitants.
Nous, nous préférons la coopération à la concurrence, nous ne mettons pas les
gens en rivalité. Nous sommes des décentralisateurs de la solidarité, et non du
libéralisme féroce.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, je comprends votre bonheur, puisque le Sénat avait
présenté des propositions en faveur d'une République décentralisée. Vous avez
beaucoup oeuvré pour cela, et votre excellente explication de vote de tout à
l'heure aurait sans doute été suffisante à l'issue de ce débat, sauf, bien sûr,
pour nos collègues de l'opposition.
J'y ajouterai cependant quelques mots. Comme l'a dit Michel Mercier, la
nécessité d'une révision constitutionnelle est une évidence dans la mesure où,
bien souvent, l'article 72 n'a pas suffi pour prendre des dispositions
nouvelles en matière d'expérimentation ou dans certains autres domaines.
C'est une grande joie pour tous ceux qui sont attachés depuis toujours au
principe de subsidiarité, et je me réjouis que nous ayons fait des émules. En
effet, les problèmes sont traités là où ils doivent l'être, c'est-à-dire à
proximité. C'est une bonne illustration d'un principe qui devrait être général
et qui ne concerne pas seulement les collectivités et l'Etat puisqu'il
s'applique aussi aux personnes par rapport aux communautés.
L'action d'une personne n'est pas forcément une obligation imposée par le
groupe. Cela aussi, c'est un aspect du principe de subsidiarité. Je rends
attentifs certains de nos collègues à l'intérêt de cette notion
philosophique.
L'expérimentation est également un volet fondamental. Elle ne concerne pas
seulement les collectivités territoriales : elle s'applique aussi aux actions
de l'Etat.
J'ai déjà dit que, pour la mise en place de certains dispositifs d'Etat,
notamment dans le domaine de la justice, il serait utile d'expérimenter avant
de généraliser sur l'ensemble du territoire. Or c'est impossible
aujourd'hui.
Ces deux thèmes rendraient nécessaire une révision constitutionnelle.
Je suis par ailleurs très heureux, bien sûr, qu'on ait permis aux
collectivités d'outre-mer, en fonction de leurs possibilités, de leur histoire
passée et de leur environnement, de trouver les voies et moyens pour rester
dans la République, tout en ayant plus d'autonomie.
Nous l'avons fait pour la Nouvelle-Calédonie, dans un contexte particulier.
Nous souhaitions le faire pour la Polynésie française ; mais je crois que notre
collègue M. Gaston Flosse a obtenu satisfaction sur l'essentiel.
Néanmoins, nous permettons aussi aux départements qui le veulent de rester
dans le cadre qui a été conçu dès 1946.
Tout cela forme une République toujours unie, mais qui tient compte des
diversités, à condition, bien sûr, monsieur le président, mes chers collègues,
que l'Etat conserve ses responsabilités, mais aussi assure et fasse respecter
l'égalité des chances entre les collectivités et non pas cet égalitarisme que
j'ai trop souvent entendu prôner sur certaines travées.
L'égalitarisme n'est pas l'égalité. L'égalité, c'est l'égalité des chances, et
c'est à l'Etat de la faire respecter.
Tout ce que nous avons dit sur la solidarité financière et sur les
péréquations nous fera avancer dans la décentralisation puisque cela permettra
aux collectivités de faire mieux là où l'Etat est souvent incapable de faire
bien.
Une profonde réforme des institutions de l'Etat doit bien évidemment prolonger
ce processus de décentralisation.
Monsieur le président, nous sommes heureux de voter ce texte.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers
collègues, des assises qui se termineront une fois le débat parlementaire clos,
un mépris affiché pour les élus de l'opposition,...
(Protestations sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants)
auxquels vous refusez
ce que vous accordez à vos amis, c'est-à-dire le droit, tout simplement, de
connaître ce sur quoi ils sont appelés à se prononcer, décidément, la
démocratie vous fait sans doute très peur !
(Vives protestations sur les
mêmes travées.)
Toute notre discussion a eu pour seul objectif de faire avaliser, dans la
précipitation et dans une confusion extrême, le projet gouvernemental. C'est
effarant !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Vous avez rejeté tous nos amendements tendant à favoriser la démocratie à tous
les niveaux, à rapprocher les citoyens des décisions, ce qui est pourtant,
dites-vous, votre objectif. En réalité, votre conception de la « proximité »
consiste à laisser aux citoyens les questions qui seront traitées au niveau
local - aussi importantes soient-elles pour leur vie quotidienne - et à les
déposséder de toute intervention sur les choix politiques, les enjeux
complexes. Le couplage Etat - région d'un côté, département - commune de
l'autre en est une illustration.
Nous avons rappelé notre attachement aux communes et aux départements, qui
jouent un rôle réel en mettant en oeuvre des mécanismes de solidarité. Mais
vous avez maintenu toutes les dispositions susceptibles de les faire
disparaître.
Vous avez fermé la porte au vote des étrangers non communautaires, au prix
d'arguments particulièrement fallacieux.
(Protestations sur les mêmes
travées.)
Une révision constitutionnelle ne se fait pas tous les jours. Elle devrait
être l'occasion d'engager de grandes réformes pour moderniser le paysage
institutionnel français dans un sens démocratique.
Mais avec les dispositions que vous souhaitez voir adopter, notre pays va
connaître un véritable bond en arrière vers de nouvelles féodalités.
(Oh !
sur les mêmes travées.)
M. Eric Doligé.
Pensez à M. Hue !
Mme Josiane Mathon.
J'espérais que votre réaction serait vive. Elle ne l'est pas trop !
(Sourires.)
Pour ce qui nous concerne, nous refusons que nos concitoyennes et nos
concitoyens payent ainsi le prix fort pour la construction d'une France
fédérale dans une Europe libérale.
Privatisation des services publics avec bientôt l'aide des collectivités
territoriales, attaques contre la sécurité sociale et les retraites, contre le
logement social, l'éducation, votre Gouvernement remet systématiquement en
cause tous les outils de la solidarité et de l'égalité. Vous démolissez
méthodiquement ce que les constituants de 1946 avaient su réaliser ; vous
mettez à bas les avancées de ces dernières années et décennies.
Il y a une grande cohérence dans votre politique.
(Ah ! sur les mêmes travées.)
Le projet de loi constitutionnelle en est une pièce importante, qui, s'il est
voté, marquera l'avenir d'une manière négative. En retirant ses amendements,
devant l'insistance du Gouvernement, la commission des lois y aura
contribué.
S'aligner sur le Gouvernement, cela devient d'ailleurs une habitude ! Déjà,
cet été, le travail de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs
avait été jeté par dessus bord, lors du vote de la loi d'orientation et de
programmation sur la justice.
Notre conception de la décentralisation n'est pas la vôtre...
MM. Eric Doligé et Josselin de Rohan.
Heureusement !
Mme Josiane Mathon.
Nous voulons une décentralisation solidaire, respectueuse de l'égalité des
citoyens, qui se fixe pour objectif de répondre à leurs besoins et non de
mettre les régions françaises en concurrence pour répondre aux exigences
européennes.
C'est pourquoi nous refusons de voir apparaître dans la Constitution une
conception de la République fondée sur une multitude de statuts particuliers,
de normes particulières.
Nous voulons une décentralisation qui soit synonyme de déconcentration et de
démocratisation. Nous en sommes bien loin et nous nous sommes efforcés de le
démontrer tout au long du débat. Nous n'avons pas été entendus. Mais il n'est
pas trop tard...
M. Eric Doligé.
Mais si : il est trop tard !
Mme Josiane Mathon.
... pour leur donner tous les éléments, contenu, enjeux, pour juger en toute
connaissance de cause du projet dans ses aspects publics comme cachés et pour
organiser un grand débat national débouchant sur un référendum.
En attendant, nous voterons résolument contre ce texte.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur celles du groupe
socialiste.)
M. Eric Doligé.
Heureusement !
M. le président.
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille.
Le scrutin du 21 avril dernier a bien montré combien les Français étaient
insatisfaits du fonctionnement actuel de nos institutions. A l'évidence, une
grande part des électeurs ne s'est pas sentie concernée par les processus de
décision tels qu'ils ont fonctionné durant la période la plus récente.
En rapprochant le lieu de décision du citoyen, le Gouvernement a choisi la
bonne voie pour réveiller leur participation et leur permettre de s'intéresser
à nouveau, de manière positive, à la vie politique.
Pour préparer cette évolution indispensable, vous avez opté pour une révision
de la Constitution. Il convient effectivement d'ouvrir de nouvelles
possibilités à l'expérimentation, mais aussi d'encadrer dans des dispositions
de principe les transferts de compétences, ce qui n'avait pas été fait jusqu'à
présent.
L'opposition sénatoriale a reproché à ce texte de ne pas contenir ce qui
n'avait pas été fait dans les précédents textes de décentralisation. Entre
autres, l'affirmation constitutionnelle de l'autonomie financière et de la
libre administration des collectivités territoriales devient un principe
constitutionnel désormais sanctionnable par le Conseil constitutionnel.
Bien sûr, il existe une marge d'appréciation. Elle est d'ailleurs
indispensable si l'on ne veut pas aboutir à des blocages. Mais quel progrès
!
La compensation financière à l'occasion des transferts de compétences devient
également un principe constitutionnel sanctionnable. Quel progrès, après
l'expérience de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, et celle des
collèges !
L'expérimentation devient possible mais pour une durée et un objet limités, ce
qui permet ou son abandon en cas d'échec, ou au contraire sa généralisation en
cas de succès. Là encore, quel progrès par rapport aux dispositions qui nous
étaient proposées pour la Corse !
Nos collègues ont choisi de s'opposer à ce nouvel espace de liberté.
Nous avons entendu de vibrantes défenses du centralisme, censées garantir la
stricte égalité entre les territoires, pour s'opposer à tout transfert nouveau.
Il a même été question de fédéralisme.
Mais une question vient aussitôt à l'esprit : la situation actuelle, même
après cinq ans de gestion de la gauche plurielle, assure-t-elle cette égalité
des territoires ? Toutes les régions, tous les départements, toutes les
communes sont-ils satisfaits du montant de leurs ressources, des crédits
déconcentrés de l'Etat ? Pourquoi feindre aujourd'hui de croire que les crédits
décentralisés au profit des collectivités territoriales seront moins bien
répartis que les crédits déconcentrés ?
Il ne faut pas oublier que le centralisme n'est nullement une garantie
d'égalité entre les territoires.
De même, comment ne pas être sidéré par les critiques de nos collègues sur
l'article 4, alinéa 3, relatif au principe dit de subsidiarité ?
Refuser d'accorder aux collectivités territoriales les compétences qu'elles
peuvent mieux exercer que l'Etat ne tient pas de la défense de la République
mais de la politique du roi Ubu.
C'est vouloir à toute force confier à des technostructures irresponsables ce
dont il est manifeste que les élus locaux, par leurs connaissances du terrain,
sont le mieux à même de traiter, et de manière plus performante.
Ce texte n'est ni aléatoire ni inutile. Au contraire, il offre un bon
équilibre entre le pouvoir local et le pouvoir central et s'en tient, comme la
logique le commande pour un texte constitutionnel, au niveau des principes.
Il permettra de répondre au sentiment de découragement des Français au regard
du fonctionnement de leurs institutions et de moderniser les rapports entre
l'Etat et les collectivités territoriales en vue d'une meilleure efficacité.
Dans les semaines qui viennent, les assises des libertés locales vont
permettre de définir un premier train de mesures. Mais la révision de la
Constitution n'est pas une mesure de circonstances. Les règles que nous fixons
s'appliqueront dans la durée à bien d'autres situations que nous ne pouvons
aujourd'hui prévoir sans nous lancer dans des spéculations hasardeuses.
Le souhait de nos collègues de connaître par avance toutes les dispositions
des lois organiques n'est pas une attitude de constituant.
Appelée de ses voeux par le Président de la République durant la campagne
électorale, cette réforme est plus que nécessaire, elle est aujourd'hui
indispensable pour permettre à notre République de redémarrer, de repartir de
l'avant.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues,
personnellement, j'ai apprécié que ce projet de loi vienne d'abord en
discussion au Sénat plutôt qu'à l'Assemblée nationale.
Je voudrais aussi, en tant que nouveau sénateur, dire à un autre nouveau
sénateur - originaire, lui aussi, de « la grande bleue » - que je suis
satisfait, compte tenu des discours qu'il tenait il y a vingt ans, de voir
combien son évolution a été positive en matière de décentralisation. Peut-être
la maturation a-t-elle été un peu longue ! Mais, en définitive, il a fait
preuve d'enthousiasme et de sérénité. Mais là n'est pas mon propos !
Je voudrais surtout dire qu'il y a un certain nombre de choses que nous ne
pouvons qu'apprécier. Ainsi, il est clair que, lorsqu'on nous parle de réformer
les structures administratives, de revivifier la vie politique et la
République, lorsqu'on nous parle d'organisation décentralisée, de péréquation,
d'expérimentation, nous ne pouvons nier, bien entendu, que tout cela fait
partie de l'héritage de la gauche. Par conséquent, mes chers collègues, si vous
vous y ralliez, j'y verrais là un signe extrêmement encourageant qui prouverait
tout simplement que vous avez bien évolué et que nous avions peut-être raison
avant vous !...
(Murmures sur les travées du RPR.)
Je mettrai toutefois un bémol à l'évolution dont je parlais. Il est des
éléments que j'aurais personnellement voulu voir figurer dans le texte, ou au
moins esquisser. Par exemple, sur le plan intellectuel, tout le monde est
d'accord avec l'expérimentation. Mais si on ne la cadre pas - et, pour
l'instant, nous ne savons rien -, je crains que seules les collectivités aisées
- aucune collectivité ne peut être riche en cette période ! - ne puissent
s'offrir toutes les expérimentations, et que les collectivités démunies ne
parviennent, en définitive, qu'à faire face à leurs obligations légales,
c'est-à-dire à leurs compétences obligatoires. C'est une inquiétude d'autant
plus grande que nous sommes très attachés à la solidarité territoriale, qui va
bien au-delà de la solidarité sociale.
M. Roger Karoutchi.
C'est la sagesse !
M. François Fortassin.
Quant à la péréquation, si elle doit être fondée sur le principe actuel de la
DGE et de la DGF, à l'évidence, elle ne va pas donner satisfaction. Ce sera un
coup d'épée dans l'eau et, paraphrasant mon grand-père, je dirai que, dans
cette République nouvelle qui s'esquisse, mieux vaut être riche et bien portant
que pauvre et malade !
(Rires.)
Cette idée de péréquation manque donc
singulièrement de précision. Nous aurions souhaité...
M. Hilaire Flandre.
Des sous !
M. François Fortassin
... l'inscription dans le texte que l'Etat est garant de l'unité nationale.
D'autres éléments me laissent perplexe.
Tout d'abord, je trouve qu'il y a quelque incohérence à parler d'unicité de la
République et de République décentralisée.
M. Josselin de Rohan.
Ah bon !
M. François Fortassin.
Il faudra que vous m'expliquiez.
N'y aura-t-il pas une fonction publique territoriale à plusieurs vitesses ?
Enfin, quand on connaît les débats qui sont organisés par les préfets sur les
libertés locales, on ne peut qu'être dubitatif quant à la portée réelle des
différentes discussions qui nous attendent maintenant !
M. Didier Boulaud.
Il a totalement raison !
M. François Fortassin.
Dans les déclarations qui émanent tant de l'opposition que de la majorité et
qui font état d'un texte « mal ficelé », d'un « projet bâclé », voire d'une «
République en morceaux », je me demande s'il n'y a pas un petit fond de
vérité.
M. Didier Boulaud.
Il a raison !
M. François Fortassin.
Quand j'ai écouté, lors des dernières assises des conseillers généraux, le
discours du président de l'Assemblée nationale,...
M. Hilaire Flandre.
Il va s'abstenir !
M. François Fortassin.
... j'ai cru entendre...
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste.
« Le bazar ! »
M. François Fortassin.
... son père, lui dont on ne peut quand même pas dire que le jacobinisme était
la dernière des qualités !
(Vives exclamations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Par ailleurs, je vous en donne acte,
monsieur le président, j'ai apprécié votre discours, je le dis très
clairement.
M. Didier Boulaud.
On a compris !
M. François Fortassin.
Par conséquent, si j'ai envie de voter le texte des deux mains
(Exclamations sur les mêmes travées),
en raison du flou artistique qui
subsiste sur tous ces différents points...
M. Henri de Raincourt.
Toujours le radicalisme !
M. François Fortassin.
... et que vous n'avez pas dissipé au cours des débats, je ne peux pas vous
donner de chèque en blanc, ...
M. Hilaire Flandre.
Il va s'abstenir !
M. Robert-Denis Del Picchia.
Il va voter d'une seule main !
M. François Fortassin.
... même si je ne mets pas en doute la volonté du Premier ministre et de la
majorité sénatoriale de mener à bien une telle réforme. Je suis beaucoup plus
inquiet de ce qui va se passer à l'Assemblée nationale !
(Exclamations sur
les travées du RPR.)
MM. Jacques Pelletier et Paul Girod.
Très bien !
M. Louis de Broissia.
Ils vont s'abstenir !
M. le président.
Avant de donner la parole à M. Gélard, j'adresse au président-rapporteur de la
commission des lois, au vice-président et à tous les membres de la commission,
élus et fonctionnaires, mes félicitations pour le travail extrêmement important
qu'ils ont réalisé, je dois le reconnaître, dans des conditions assez
difficiles. Ils méritent, par conséquent, les uns et les autres, que nous les
complimentions.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
Vous avez la parole, monsieur Gélard.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Monsieur le président, vous venez de me
couper l'herbe sous le pied ! Je voulais en effet commencer par remercier le
président Garrec pour le rapport qu'il a fait au nom de la commission des lois
sur ce projet de loi constitutionnelle.
(Bravo ! et applaudissements sur les
mêmes travées.)
Il a eu une mission difficile,...
M. Jean-Pierre Sueur.
Très !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
... complexe, dans un domaine où nous
n'avions pas encore expérimenté de révision constitutionnelle.
Je tiens aussi à saluer l'opposition
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste),
même si nous n'avons retenu aucun de ses amendements
!
(Rires sur les mêmes travées. - Protestations sur les travées du groupe
socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Claude Carle.
C'est trop fort !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Même s'ils ont parfois voulu - c'était
Halloween ! - nous faire peur en évoquant le fédéralisme, le démantèlement de
la République, l'atteinte à la souveraineté, ce débat aura été riche, et les
propositions qui ont été faites, même si elles n'étaient pas dans la ligne que
nous avions choisie au nom de la majorité de la commission des lois,
intéresseront ceux qui, par la suite, étudieront la façon dont ce texte a été
adopté.
Mme Hélène Luc.
La postérité !
M. Jacques Mahéas.
Quel dédain !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
J'ajoute que nous avons innové, sur le
plan constitutionnel, dans toute une série de domaines.
Mme Nicole Borvo.
Vous avez cafouillé !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Nous avons innové en inventant la
décentralisation constitutionnalisée. Il y avait déjà le régionalisme
constitutionnalisé, le fédéralisme constitionnalisé, mais il n'y avait pas
encore la décentralisation constitutionnalisée. C'est chose faite.
Vous verrez aussi, à l'usage, que toute une série des principes que nous avons
dégagés perdureront et marqueront profondément à l'avenir.
Le débat que nous avons mené, longuement, avec passion, avec quelques
chausse-trappes aussi...
M. Jean-Pierre Sueur.
Beaucoup !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
... ainsi que quelques prolongations qui
n'avaient peut-être pas tout à fait leur place, a au moins permis d'apporter
une réponse à une demande constante de la part des Français : un Etat plus
proche de leurs préoccupations. Ce sera la décentralisation.
Nous avons tenu les engagements pris par le chef de l'Etat dans son discours
de Rouen, par le Premier ministre lors de sa déclaration d'investiture. Nous
sommes dans la lignée de ce pour quoi nous avons été élus et nous continuerons
dans cette voie !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
M. Didier Boulaud.
Ce n'est pas normal ça ! Après le vote !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
C'est la première fois que l'honneur m'a été fait de venir
défendre un texte dans votre assemblée. J'en ai été évidemment à la fois émue
et heureuse, d'autant qu'il s'agit d'une réforme que je considère comme une
grande réforme pour l'outre-mer et qui est, me semble-t-il, la traduction
juridique très fidèle du discours - qui a été qualifié de fondateur - que M. le
Président de la République a prononcé à Madiana, en Martinique, en mars
2000.
Même si nos débats ont montré que, entre la Polynésie et la Réunion par
exemple, il y avait une palette importante de nuances - mais c'est cela aussi
la France, avec sa diversité et ses richesses grâce aux collectivités
d'outre-mer - nous avons réussi à élaborer un texte équilibré, qui ancre
davantage nos dix collectivités d'outre-mer dans la République. Au-delà de ce
lien juridique très fort, n'oublions pas que c'est surtout le lien du coeur
entre la métropole et l'outre-mer qui est important !
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
En outre, je tiens tout particulièrement à vous remercier,
monsieur le président, de l'efficacité avec laquelle vous avez dirigé les
travaux qui me concernent tout particulièrement. Je veux surtout adresser à M.
le président Garrec et à M. Gélard des remerciements très chaleureux pour la
manière dont nous avons très longuement travaillé ensemble, et j'y associe bien
sûr tous leurs collaborateurs. Grâce à la commission des lois, nous avons
amélioré avec intelligence la partie du texte relative à l'outre-mer, car ses
membres nous ont fait penser à des subtilités qui nous avaient échappé. Ce
texte a donc été amélioré grâce au travail très intense que vous avez fourni,
mesdames, messieurs les sénateurs.
M. Didier Boulaud.
Passe-moi le poivre !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Je remercie aussi les sénatrices et les sénateurs, de la
majorité comme de l'opposition, de l'accueil à la fois compréhensif et courtois
qu'ils ont bien voulu me réserver. Nos débats, qui ont été parfois animés, ont
été de toute façon très enrichissants pour les uns et les autres. Je vous
adresse, je le répète, à vous toutes et à vous tous mes remerciements les plus
sincères et les plus vifs.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
(Applaudissements sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le texte qui vous est soumis est très important et il doit beaucoup
au Sénat car, vous l'avez dit, monsieur le président, le Sénat, au cours de ces
débats, a été non seulement un aiguillon permanent, mais aussi un
inspirateur,...
M. Didier Boulaud.
Un aspirateur !
(Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
Monsieur Boulaud, voyons !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
... notamment à travers vous qui vous êtes engagé
depuis longtemps dans cette réforme de la décentralisation.
Rassurez-vous, monsieur le président, je connais M. Boulaud : il était aussi
perturbateur à l'Assemblée nationale qu'il l'est au Sénat !
Un sénateur du RPR.
Il ne s'améliore pas !
M. Henri de Raincourt.
La maladie est chronique dans la Nièvre !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Le Gouvernement s'est largement inspiré des travaux
préparatoires du Sénat, en particulier de votre proposition de loi, monsieur le
président. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, le Gouvernement a tenu à
ce que ce projet de loi soit soumis en priorité au Sénat. Il s'agit non
seulement d'un acte de courtoisie à l'égard de la Haute Assemblée, mais aussi
d'une adresse à des spécialistes des collectivités territoriales.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Patrick Devedjian
ministre délégué.
Cela va éclairer les débats à venir pour l'ensemble du
Parlement et permettra sans doute d'avancer avec plus d'efficacité dans le
débat juridique.
M. Laurent Béteille.
Très bien !
Mme Nicole Borvo.
C'est pour cela que vous n'avez retenu aucun amendement !
M. Patrick Devedjian
ministre délégué.
Ce texte doit beaucoup aussi à la commission des lois
du Sénat
(Vives exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste),
à ses collaborateurs, qui ont apporté un concours technique
très efficace, à M. René Garrec en particulier, qui, en plus de ses qualités de
fin juriste, qu'il a acquises sans doute ailleurs mais aussi dans cette
assemblée, a su ne jamais se départir d'une subtilité souriante et d'un grand
art diplomatique.
M. Patrice Gélard a su, lui, recentrer le débat sur l'essentiel lorsque le
droit et les notions fondamentales du droit étaient en cause.
La commission des lois a été critiquée ; j'ai entendu, à son sujet, des mots
désagréables : elle a dû « se coucher »,
(Oh ! sur les travées du groupe
socialiste et sur celle du groupe CRC),
elle a été aux ordres... Or, avec
le sourire, M. Garrec a su faire accepter trente-quatre amendements. Pour des
gens qui marchent aux ordres, ce n'est pas mal !
Très souvent, monsieur le rapporteur, vous avez su convaincre le Gouvernement
de la pertinence de votre approche par rapport à la sienne et nous vous en
sommes reconnaissants.
M. Jean-Pierre Sueur.
Quelle vision de l'histoire !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Ce projet de loi crée des instruments nouveaux, qui
transformeront progressivement le paysage administratif de notre pays.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je les rappelle,
car ils sont nombreux et l'on pourrait avoir tendance à les oublier en raison
d'un excès de polémique.
Ce texte institue le statut particulier, l'expérimentation, la subsidiarité,
le référendum local, le chef de file, la reconnaissance d'un droit
réglementaire des collectivités territoriales et son assise constitutionnelle ;
la liberté des collectivités territoriales est garantie ; il n'y a pas de
tutelle d'une collectivité sur l'autre ; il n'y a plus et il ne pourra plus y
avoir de tutelle financière de la part de l'Etat
(Rires sur les travées du
groupe socialiste et sur celles du groupe CRC)
; la péréquation devient une
obligation constitutionnelle - elle était un thème de discours, elle devient un
droit - ; la région fait son entrée dans la Constitution - elle se trouve enfin
à égalité avec les deux autres collectivités locales - ; le statut de
l'outre-mer est rénové ; enfin, ce projet de loi marque une amplification
considérable par rapport à la réforme de Gaston Defferre de 1982.
Si vous le permettez, monsieur Mauroy, je dirai que cette réforme constitue un
changement de méthode.
D'abord, c'est une réforme qui est demandée par les collectivités locales, et
non pas octroyée par l'Etat. C'est une grande différence !
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les
travées du groupe socialiste.)
Ensuite, c'est une réforme qui est constitutionnalisée, si bien qu'elle est
juridiquement protégée contre les retours en arrière et contre la reprise fibre
à fibre des libertés qui ont été concédées.
(M. Bernard Piras
s'exclame.)
C'est également une réforme permanente. Les instruments qui figureront dans la
Constitution permettront de continuer à décentraliser d'année en année. La
réforme ne s'arrêtera pas à un moment donné. Elle n'est pas occasionnelle.
(Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, monsieur Mauroy, cette réforme est emblématique, et non pas
circonstancielle. C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à ce qu'elle
soit inscrite à l'article 1er de la Constitution. Elle représente en effet une
volonté permanente d'aborder autrement les relations entre l'Etat et les
collectivités territoriales.
(M. Jacques Mahéas s'exclame.)
Face à l'importance de ce projet de loi, les critiques de la gauche que j'ai
entendues, et qui ont été rappelées lors de vos explications de vote, me
paraissent être des prétextes d'une grande légèreté.
(Vives protestations
sur les travées du groupe socialiste.)
L'unité de la République n'est pas menacée : elle est garantie par l'article
1er et par l'article 3 de la Constitution.
(M. Jacques Mahéas s'exclame de
nouveau.)
J'ai entendu l'accusation de « fédéralisme ».
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Il est vrai - et cela fait la richesse de notre débat -
que l'histoire est à l'arrière-plan de tout ce que nous disons. Les malheureux
Girondins qu'on envoyait à la guillotine étaient déjà accusés de « fédéralisme
» : c'était le crime suprême dont on accusait ceux qui voulaient décentraliser.
Ce reproche existe encore aujourd'hui. Il s'agit évidemment d'un archaïsme,
mais c'est significatif.
L'égalité, avez-vous dit, serait menacée.
Mme Hélène Luc.
Bien sûr qu'elle est menacée !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Or jamais les inégalités n'ont été aussi fortes
qu'aujourd'hui. Regardez la carte de notre pays, regardez ces provinces en
jachère
(Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et sur
celles du groupe CRC),
abandonnées, éloignées des axes de communication :
tous les TGV, toutes les autoroutes, toutes les lignes aériennes convergent
vers Paris ! Croyez-vous que c'est cela l'égalité ?
(Bravo ! et vifs
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Vous nous avez dit que notre projet était flou. Mais le propre d'une
Constitution est d'énoncer des droits. Et ceux qui, dans un droit, ne voient
que du flou sont mûrs, effectivement, pour toutes les subversions.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe
CRC.)
C'est la loi organique qui organise le droit et c'est la Constitution qui
l'énonce !
Vous nous avez reproché de ne pas avoir inscrit l'intercommunalité dans le
projet de loi. Nous vous avons répondu que nous tenions autant que vous à
l'intercommunalité, qu'effectivement c'était l'avenir, et que pour préserver le
processus d'expérimentation, qui est actuellement en plein développement, il
fallait sans doute ne pas le bousculer, mais le laisser s'achever avant de
marquer une étape supplémentaire.
Monsieur Mauroy, la promesse du Premier ministre à Marseille est tenue : il
avait promis que les intercommunalités pourraient bénéficier de
l'expérimentation. Eh bien ! c'est fait : c'est inscrit dans le projet de
loi.
J'ai également entendu parler de « féodalité ». C'est oublier que la
décentralisation est inscrite dans le droit et que le droit est contrôlé. Les
préfets continueront à exercer le contrôle de légalité, et il n'y aura pas plus
de féodalité demain qu'il n'y en a eu hier.
(Exclamations sur les travées du
groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
Enfin, car il faut évidemment employer tous les arguments, j'ai entendu parler
de « libéralisme ». On se demande ce que cela vient faire !
(Mme Nicole
Borvo s'exclame.)
Il s'agit d'organiser autrement la puissance publique. Il n'est nulle part
question de privatisation. La puissance publique restera toujours responsable
du service public.
Je comprends que la gauche, qui a des problèmes, essaie de ressouder son
unité.
(Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et sur
celles du groupe CRC.
) Mais il me semble que, par ces considérations
tactiques un peu subalternes, vous avez oublié vos propres convictions et,
finalement,...
(Les protestations s'amplifient jusqu'à couvrir la voix de
l'orateur.)
La liberté consiste à laisser parler celui qui a la parole ! La
démocratie aussi !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Brouhaha sur les
travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
... et,
finalement, vingt ans après Gaston Defferre, vous nous avez dit aujourd'hui que
vous étiez d'accord avec les idées de Michel Debré.
M. Jean-Claude Peyronnet.
On n'a jamais dit cela !
M. Patrick Devedjian
ministre délégué.
C'est une satisfaction mitigée pour un gaulliste comme
moi.
(Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud.
Que les gaullistes lèvent le doigt !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
En tout cas, pour vous, c'est un singulier
renoncement.
Après cinq ans d'un gouvernement Jospin qui a recentralisé à marche forcée en
remplaçant la tutelle des préfets par la tutelle financière, il fallait que
nous arrivions pour rétablir la liberté des collectivités locales.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Ce ne sont pas vos cris, ni votre obstruction, qui feront avancer
l'histoire !
En définitive, la gauche bégaye. En 1969, vous vous êtes opposés à la
décentralisation du général de Gaulle. En 1982, nous avons fait l'erreur de
nous opposer à votre décentralisation. Aujourd'hui, vous vous opposez à la
nôtre. L'histoire avance à reculons avec vous, et je le regrette. Pourtant, ce
débat a été très riche, utile, et il portera ses fruits.
Demain, nous aurons à examiner la loi organique. Ce débat a jalonné son
contenu grâce à ce qui s'est passé aujourd'hui tant à gauche qu'à droite. Nous
savons déjà un peu mieux comment devra être écrite la loi organique.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
L'Assemblée
nationale nous aidera à préciser davantage les choses, mais c'est déjà très
avancé.
Nous commençons à savoir aussi, grâce à ce débat, ce que devra être la réforme
fiscale : ce sera inévitablement l'application des principes inscrits dans la
Constitution.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
C'est
dur d'entendre la vérité !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les
travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
Mais c'est
seulement en affrontant la vérité que l'on peut guérir !
M. Didier Boulaud.
Vous ne nous ferez pas taire !
M. Patrick Devedjian
ministre délégué.
A défaut de vous avoir convaincus, il nous reste à
expliquer aux Français que cette réforme est pour eux : elle n'est pas pour la
gauche ou pour la droite ; elle n'est pas pour les fonctionnaires ; elle n'est
pas pour les élus locaux ; elle n'est pas pour les élus nationaux. Elle est
pour les citoyens, pour qu'ils aient un meilleur service public, un service
public de qualité, de proximité,...
Mme Hélène Luc.
Vous voulez privatiser !
M. Patrick Devedjian
ministre délégué.
... et dont les élus soient responsables.
Tel est le sens de la réforme : un meilleur service public pour tous les
citoyens.
(Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE. - Huées et sifflets sur les travées du groupe socialiste et
sur celles du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud.
C'est ce que l'on appelle un discours de trop !
M. le président.
Le Sénat va procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi
constitutionnelle.
En application de l'article 60
bis
, alinéa 1, du règlement, il va être
procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par
l'article 56
bis
du règlement.
J'invite Mme Gisèle Printz et M. Jean-Claude Carle, secrétaires du Sénat, à
venir superviser les opérations du scrutin.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.
(Le sort désigne la lettre Q.)
M. le président.
Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.
(L'appel nominal a lieu.)
M. le président.
Le premier appel nominal est terminé.
Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
(Le nouvel appel nominal a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
Mme et M. les secrétaires vont procéder au dépouillement.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 305 |
Nombre de suffrages exprimés | 302 |
Majorité absolue des suffrages | 152 |
Pour l'adoption | 197 |
Contre |
105 |
Le Sénat a adopté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
5