SEANCE DU 12 NOVEMBRE 2002
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion des conclusions du rapport de M. Dominique
Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la
proposition de loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet du
gouvernement Jospin et de son ministre Gayssot, devenu loi SRU, avait déjà fait
couler beaucoup d'encre dans cette maison, et M. de Rohan avait relevé que le
fait qu'un ministre n'osât pas donner son nom à une loi par lui proposée était
un bien mauvais présage...
Il ne s'était pas trompé et, depuis son adoption, la loi du 13 décembre 2000 a
suscité d'énormes difficultés d'application, notamment en zone rurale.
Rappelons que la loi SRU comporte plusieurs volets, dont un concerne le
logement, un autre l'urbanisme. Le premier est plus spécifiquement destiné aux
zones urbaines, le second a vocation à s'appliquer partout puisqu'il procède à
la refonte de l'ensemble des documents d'urbanisme en instaurant la carte
communale, le plan local d'urbanisme, les schémas de cohérence territoriale,
etc.
S'il est vrai qu'un toilettage et, surtout, une modernisation de nos documents
d'urbanisme étaient nécessaires, la réforme n'a pas, loin s'en faut, donné les
résultats escomptés.
Ainsi les craintes exprimées par le Sénat lors des travaux préparatoires
étaient-elles justifiées.
Devant l'Assemblée nationale, M. Gayssot avait été très clair, indiquant, le 8
mars 2000 : « Le xxie siècle sera celui de la civilisation urbaine. »
Lors de la présentation de son projet devant le Sénat, le 26 avril 2000, il
déclarait toutefois : « Ce n'est pas parce que ce projet concerne les villes
qu'il est contre les campagnes. »
La réalité a malheureusement démontré le contraire. En effet, la loi SRU s'est
révélée « ruralicide ». C'est pourquoi les élus ruraux ont appris avec beaucoup
d'intérêt et beaucoup d'espoir la décision du Sénat de créer une commission
d'évaluation de cette loi pour en proposer ensuite la révision.
Mais - je le dis en toute simplicité mais aussi avec beaucoup d'amitié à notre
collègue M. Braye, rapporteur des conclusions de la commission -, même si je
sais que sa mission n'est pas achevée, je suis un peu déçu, et bien d'autres le
sont avec moi.
Combien d'entre nous, mes chers collègues, ont posé depuis deux ans des
questions écrites ou orales sur les conditions d'application de ce texte ?
Combien de propositions de loi sont restées sans suite et ne sont pas reprises
ni même évoquées dans le rapport qui nous est présenté aujourd'hui ? De deux
choses l'une : soit le texte dont nous débattons a vocation à devenir une sorte
de « loi balai » - et dans ce cas pourquoi est-il elliptique s'agissant des
questions relatives au monde rural ? -, soit il ne concerne que les villes et
le logement - et alors pourquoi y avoir introduit un titre relatif à
l'urbanisme ? Je ne peux croire que cette méthode de travail soit la meilleure.
En tout cas, ce ne devrait pas être la nôtre.
Nous bénéficions certes d'une intéressante « niche » législative, mais
était-ce une raison pour présenter une proposition de loi qui risque, à mon
avis, de compliquer encore les choses, alors même que vous avez annoncé,
monsieur le ministre, votre intention de déposer, d'ici au mois de décembre, un
grand texte sur ce sujet et qu'aujourd'hui vous vous refusez, si j'ai bien
compris, à prendre en compte certaines de nos suggestions ?
Nous savons bien que, par le jeu des navettes, ces deux textes risquent de se
télescoper, à moins que le Gouvernement ne nous demande d'émettre un vote
conforme dans l'attente de la loi à venir... Mais alors, quel est véritablement
le rôle du Parlement ? D'ailleurs, un vote, fût-il conforme, ne réglera ni les
problèmes de cohérence ni les questions urgentes qui resteront en suspens.
En outre, nous avions annoncé aux élus locaux, dans nos départements
respectifs - parce que cela nous avait été promis -, que le texte portant
révision de la loi SRU allait donner lieu à une large concertation.
A l'heure où le Premier ministre et le ministre de l'intérieur, de la sécurité
intérieure et des libertés locales organisent, à juste titre d'ailleurs et à
grand renfort de publicité, des assises de la démocratie locale dans chacune de
nos régions, et alors que l'un des thèmes principaux en est l'aménagement du
territoire et l'urbanisme, pourquoi ne pas attendre que ces assises se soient
tenues pour légiférer en toute connaissance de cause ? Pourquoi légiférer
aujourd'hui, en hâte et de façon partielle ?
M. Jean-Pierre Sueur.
Très bien ! C'est le bon sens !
M. Daniel Goulet.
La loi SRU et, plus généralement, l'ensemble des textes relatifs à l'urbanisme
doivent faire l'objet d'une véritable refonte, pas d'un « colmatage ».
L'urbanisme en milieu rural constitue pour celui-ci l'élément majeur,
déterminant, la clef de sa survie, la clef d'un aménagement harmonieux du
territoire qui prenne en compte les spécificités de la ruralité, en respectant
le fragile équilibre du couple ville-campagne.
Plus de nouveaux habitants, plus d'écoles ; pas d'habitants, pas de DGF ; pas
de DGF, pas d'infrastructures ; pas d'infrastructures, plus de commerces et
plus d'habitants : bref, un cercle vicieux que chacun ici connaît
parfaitement...
Cette proposition de loi pourra-t-elle satisfaire les élus ruraux qui
subissent de plein fouet les effets des réformes ou des « réformettes » votées
ici, à Paris, où nous sommes parfois bien loin des réalités du terrain ?
Démunis de services techniques et de moyens financiers pour la plupart d'entre
eux, les maires ruraux sont désarmés devant un amalgame de textes plus
complexes les uns que les autres, qui s'ajoutent et se superposent, quand par
bonheur ils ne se contredisent pas.
Comment leur expliquer, à ces élus de la « France d'en bas », qu'un texte
portant modification de la loi SRU aura été voté par le Sénat et qu'il ne
comportera aucune disposition visant à mettre un terme au calvaire qu'ils
subissent depuis la mise en application de cette dernière ?
Tels sont les propos généraux et liminaires que je voulais tenir.
Si je comprends l'urgence qu'il y a, pour certains élus, à voir voter
certaines modifications du droit au logement tel qu'il résulte de la loi SRU -
je partage leur impatience -, je regrette vivement que le même empressement
n'ait pu s'appliquer à la proposition de loi n° 389 relative aux questions
d'urbanisme que j'avais déposée en juin 2001 et que nombre d'entre vous avait
signée, mes chers collègues, ou au texte élaboré par Henri de Richemont sur le
même sujet, texte repris par M. Aymeri de Montesquiou et moi-même et cosigné
par quatre-vingts sénateurs.
Il y avait urgence à régler certaines questions portant sur l'urbanisme en
milieu rural, et cette urgence demeure. Elle sera l'objet des amendements que
nous présenterons.
La notion d'urgence est donc relative. Comme le disait naguère un célèbre
humoriste, « tous les hommes sont égaux, mais certains sont plus égaux que
d'autres ». Toutes les urgences sont urgentes, mais certaines urgences sont, au
Parlement, manifestement plus urgentes que d'autres !
Pour conclure sur ce point, je tiens à ajouter que la fin de la période de
cohabitation donne au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, de nouvelles
responsabilités. Nous ne pouvons plus arguer de cette discordance ni de
majorités différentes à l'Assemblée nationale et au Sénat pour « accepter »,
faisant parfois contre mauvaise fortume bon coeur, des textes non conformes à
nos souhaits et à nos préoccupations.
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est vrai !
M. Daniel Goulet.
Nos élus « d'en bas », selon l'expression désormais consacrée, ont compris le
message des élections. La cohabitation a été rejetée pour donner au
Gouvernement toutes les chances de succès...
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est vrai !
M. Daniel Goulet.
... et nous l'aiderons !
Que ferons-nous de cette crédibilité et des espoirs suscités ? Je vous le dis
tout net, mes chers collègues : prenons garde à accomplir notre tâche de
législateur sans compromis et sans autosatisfaction, ayons un comportement
réaliste, car sinon les réactions seraient sans équivoque, et nous n'aurions
alors plus aucune excuse à faire valoir.
Venons-en maintenant au fond du texte présenté.
Je n'ai aucune observation à formuler concernant le titre Ier, relatif au
logement. En revanche, et au bénefice des observations générales que j'ai
faites précédemment, j'ai, avec quelques collègues, déposé plusieurs
amendements qui relèvent, monsieur le ministre, de l'urgence que j'évoquais à
l'instant.
Il s'agit tout simplement, pour le premier amendement, de remplacer le mot : «
et » par le mot : « ou ». C'est un cas d'école de loi interprétative, une
simple erreur de rédaction, sans aucun doute, mais aux conséquences dramatiques
puisqu'elle amène à geler toute construction nouvelle en milieu rural... à
moins que cette rédaction ne fût délibérée.
L'amendement qui sera défendu doit être adopté sans tarder et une circulaire
ministérielle demandant aux services des DDE une application plus souple, le
temps de la navette parlementaire, du texte existant doit être diffusée. Ce
serait, en la circonstance, bien nécessaire !
M. Charles Revet.
En effet !
M. Daniel Goulet.
Merci, cher collègue !
(Sourires.)
Le deuxième et le troisième amendements visent le financement des documents
d'urbanisme.
En effet, la loi SRU a laissé aux collectivités locales la charge des dépenses
liées à ces documents. La circulaire d'application de la loi du 13 décembre
2000 avait toutefois indiqué aux services des DDE qu'ils devaient une
assistance technique aux communes, à la condition que cela ne représente pas
plus d'une demi-journée de travail. Nous savons que ces services sont parfois
débordés, qu'ils manquent de personnel ; bref, comme le dit un vieux proverbe
italien, « entre le dire et le faire, il y a la moitié de la mer »...
L'amendement présenté a donc pour objet de corriger cette incohérence et, pour
tout dire, une injustice contraire à l'article 1614 du code général des
collectivités territoriales s'agissant d'une obligation légale non compensée
par des ressources équivalentes.
Le quatrième amendement aurait - j'ai bien employé, monsieur le rapporteur, le
conditionnel - pour objet de supprimer l'article 10.
En effet, si la règle des quinze kilomètres pour le périmètre du SCOT est
critiquable à bien des égards, la suppression pure et simple de cette règle
sans que des dispositions transitoires soient prévues constitue une incohérence
et, finalement, une prime aux élus qui n'ont pas respecté les lois de la
République en ne mettant pas en place des SCOT dans les délais fixés par des
textes normalement votés par le Parlement.
Quelles dispositions sont prévues, par exemple, pour les communes englobées
malgré elles dans un périmètre ? Quelles règles prévoir pour leur sortie ?
Faut-il supprimer cette règle sans avoir, au préalable, procédé à l'évaluation
de son application dans toute la France ?
Entendons-nous bien : je ne suis pas, pour autant, favorable au maintien de la
règle des quinze kilomètres, car je sais qu'elle peut contribuer à geler, dans
certains cas, les constructions, mais je suis persuadé que la formule
consistant à l'abandonner sans prévoir de dispositions transitoires représente
un grand risque et une injustice.
Mme Jacqueline Gourault.
Très bien !
M. Daniel Goulet.
En effet, dans nos départements ruraux, les préfets ont souvent poussé
certaines communes, un peu fort...
M. Henri de Raincourt.
Un peu trop fort !
M. Daniel Goulet.
... - et l'on connaît la vulnérabilité des élus devant la force de persuasion
de certains préfets -, à adhérer contre leur volonté à des SCOT.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Daniel Goulet.
Je pourrais citer quelques exemples à cet égard !
La circulaire d'application du 18 janvier 2001 précise qu'aucune commune ne
doit être exclue contre son gré. Mais
quid
des communes intégrées contre
leur gré ?
Quid
des communes qui sont aujourd'hui en phase d'élaboration
de SCOT, c'est-à-dire dans une phase de concertation ? Chacun connaît la liste
des procédures à suivre, et je souhaite beaucoup de courage aux communes
concernées, mais, Dieu merci ! je crois que cette règle ne s'appliquera plus
après que nous aurons voté ce texte.
La loi que nous sommes en train d'élaborer, mes chers collègues,
réglera-t-elle tous les problèmes de ces communes ? Certainement pas ; mais
elle peut être un signe très fort donné aux collectivités locales, qui n'en
peuvent plus.
C'est cette préoccupation qui m'a guidé lorsque j'ai déposé l'amendement de
suppression de l'article, car je souhaitais pouvoir au moins prendre la parole
sur ce sujet pour essayer, dans une manière de provocation, d'envisager des
solutions au problème que je viens d'évoquer.
En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais saisir l'occasion qui m'est
offerte pour vous dire combien les missions de vos représentants sur le
terrain, je veux parler des DDE, sont importantes dans les zones rurales.
Donnez donc à ces services déconcentrés les moyens de travailler au mieux et
d'assister les communes et les communautés de communes, qui sont en butte à des
réglementations de plus en plus complexes alors même qu'elles sont dépourvues
de moyens financiers. La qualité et les compétences de ces services sont tels
qu'il ne faut pas qu'ils soient remplacés par des bureaux d'études privés,
bureaux auxquels nos élus sont contraints d'avoir recours même lorsqu'ils ne
peuvent assumer la charge financière d'une telle procédure.
Au moment, monsieur le ministre, où s'ouvre un grand débat national sur la
décentralisation, votre ministère se trouve concerné au premier chef, tant pour
l'urbanisme que pour les transports et, par conséquent, pour cette équité que
nous recherchons tous entre les territoires, c'est-à-dire entre les hommes qui
y vivent et qui en sont les premiers acteurs.
Nous serons donc très vigilants, et vous nous trouverez à vos côtés lors de la
présentation de votre budget, qui, je l'espère, sera l'exact reflet des
promesses qui nous sont faites et, surtout, des nécessités du terrain, dont
vous ressentez bien vous-même toutes les attentes.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi SRU a
profondément modifié le droit du logement et le droit de l'urbanisme de notre
pays. Je considère néanmoins - comme nombre de mes collègues, et au-delà des
clivages politiques - que, au nom des sentiments les meilleurs de la première
loi SRU, le pire est arrivé.
En effet, loin que soient rééquilibrés, comme le souhaitait le précédent
gouvernement, les objectifs d'aménagement et de solidarité territoriale entre
les collectivités locales, un fossé s'est de nouveau creusé en France, dans nos
départements, entre les zones urbaines, d'une part, et les zones rurales et
périurbaines, d'autre part.
C'est pourquoi, dans mon bref propos, je soulignerai avec détermination trois
dysfonctionnements évidents, visibles sur le terrain. Le texte de notre
excellent collègue Dominique Braye nous permettra, je le souhaite, de les
corriger très rapidement et d'intégrer cette question dans le processus d'une
plus grande décentralisation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la première erreur commise avec la
loi SRU tenait, d'une part, à son caractère résolument « pro-urbain » et,
d'autre part, à l'extrême complexité de son application sur le terrain, pour
les élus.
Moins de deux ans après son entrée en vigueur, l'application du texte tel
qu'il a été adopté s'est heurtée à de nombreuses difficultés de compréhension,
sources d'insatisfaction générale.
Parlons franchement : la raison principale de cet état de fait tenait à la
trop grande technicité du texte, incompréhensible pour beaucoup ou laissant
trop souvent cours à des interprétations différentes selon les élus, mais
aussi, d'un département à l'autre, selon les responsables des DDE.
Loi globale et portant exclusivement sur la ville, je dirai même, loi «
globalisante de la ville », la « SRU première génération » a laissé sur le côté
de la route un monde rural dynamique qui ne demande qu'à vivre en harmonie,
dans l'équilibre et le respect des zones urbaines.
Monsieur le ministre, comment redonner de la cohérence au développement des
villes sans penser une seule seconde aux villages de nos provinces ? C'est en
confondant « urbanisation » et « décentralisation » que votre prédécesseur a
commis l'erreur idéologique de penser avec précipitation que le renouvellement
urbain pouvait se faire au profit de la décadence rurale en France.
Lors de la discussion du texte au Sénat, en janvier 2002, je m'étais déjà
opposé à cette vision trop « systémique » des choses, et je m'étais clairement
prononcé en faveur d'une plus grande volonté de simplification et d'accès
concerté à l'offre foncière dans notre pays.
Mes deux dernières critiques - qui, je l'espère, deviendront sans objet au
cours de la discussion des articles - portent tout particulièrement sur le
secteur de l'urbanisme et sur la nécessité de gérer avec équilibre l'extension
de l'urbanisation à proximité des agglomérations.
En effet, nous nous trouvons désormais dans l'impossibilité d'imposer des
surfaces minimales pour la construction par le biais des fameux PLU, les plans
locaux d'urbanisme. Je soutiens donc l'initative et le dispositif législatif
visant à rétablir cette faculté pour les communes.
Par ailleurs, au lieu d'atténuer et de simplifier les règles applicables aux
transferts des droits à construire en cas de division de terrains, la dernière
loi SRU n'a cessé de complexifier la procédure existante.
Enfin, et surtout, comment ne pas s'indigner de l'application unilatérale de
la règle dite des « quinze kilomètres » ? Ce dispositif, aberrant et
liberticide pour nombre de petites communes rurales, prévoit que, en l'absence
de schéma de cohérence territoriale, ou SCOT, les communes situées à moins de
quinze kilomètres d'une agglomération de plus de 15 000 habitants, ne peuvent
ouvrir de nouvelles zones à l'urbanisation.
Cette règle est inéquitable, car elle s'applique de la même façon autour des
villes centre de 15 000 habitants et des villes d'un million d'habitants. Elle
est coûteuse, car les études conduisant à l'élaboration des SCOT exigent de
fortes dépenses de la part de communes déjà dépourvues de moyens. Elle est
paralysante, enfin, parce qu'elle conduit à geler des territoires ruraux où
existent un vaste espace urbanisable et une faible pression foncière.
Dans les faits, les difficultés pour mettre des SCOT en place ne se sont pas
fait attendre,... ou plutôt, si, mes chers collègues : elles se sont fait
attendre. Monsieur le ministre, est-ce répondre rapidement à nos concitoyens et
à leurs élus quand la procédure d'élaboration d'un SCOT dure deux ans ? C'est
pourquoi la suppression de la règle des quinze kilomètres est aujourd'hui
vitale, et je la soutiens.
Enfin, je souhaite évoquer un sujet qui fait l'objet de très nombreux
amendements, je veux parler de l'épineux problème de la participation pour voie
nouvelle et réseaux, la PVNR, à propos de laquelle vous nous avez indiqué,
monsieur le ministre, que vous envisagiez de nous soumettre un projet de
loi.
En effet, aux termes du droit existant, les communes ne peuvent être aidées
financièrement pour une extension de réseau que si, et seulement si, elles
créent une voie nouvelle ou étendent une voie existante. Dans les faits, cette
disposition les oblige parfois à refuser les permis de construire parce
qu'elles ne disposent pas d'une capacité d'investissement suffisante, tandis
que les communes plus riches répondent trop souvent dans la précipitation, en
engageant des dépenses publiques inconsidérées.
Monsieur le ministre, je souhaitais vous interroger sur les réponses que vous
comptiez donner à ce problème, mais vous nous les avez fournies. J'espère que
les textes que vous nous proposerez pourront nous apporter des apaisements.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, fort du désir qui
pousse chacun d'entre nous à tenir compte en permanence de la richesse et de la
complexité des réalités locales et à réagir avec discernement, je soutiendrai
avec conviction la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui.
L'heure est venue de répondre rapidement aux difficultés croissantes des élus
locaux et de nos concitoyens en matière d'urbanisme. Nous avons besoin de lois
simples et applicables, à même de rendre aux élus leur capacité d'initiative et
de partenariat dans le temps. C'est pourquoi, défenseur du juste équilibre
entre ville et campagne, je voterai avec détermination cette proposition de
loi, qui résulte d'une observation pragmatique des difficultés que rencontrent
nos élus, tout particulièrement dans les secteurs que nous venons d'évoquer.
Son adoption permettra de redonner la parole aux élus des communes rurales et
périurbaines confrontés à la demande sans cesse accrue d'aménagement du monde
urbain, qui n'a jamais cessé d'être privilégié au détriment des « tout-petits
».
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano.
M. Jean-Yves Mano.
Après sept mois de gouvernement, la seule action que vous nous proposez en
faveur du logement, messieurs les initiateurs de cette proposition de loi, est
donc de détruire. Il y avait urgence, à vos yeux, à vider de son contenu -
certains diraient : à liquider - le volet de la loi relative à la solidarité et
au renouvellement urbains tendant à inciter les communes à créer des logements
sociaux et à favoriser la mixité sociale.
« Logement social », « mixité sociale » : ces mots vous font peur.
C'est par la procédure de la proposition de loi que vous vous attaquez à la
loi qui fonde le principe de solidarité urbaine. Vous avez tenté de le faire en
catimini, sans étude d'impact, sans saisine du Conseil d'Etat ; certes, la
procédure choisie vous le permet. Vous avez donc tenté de faire débattre le
Sénat de cette proposition de loi entre deux textes importants, à une heure
d'autant plus avancée de la nuit que tout semble montrer que nos discussions
vont se poursuivre longtemps.
Pour autant, doit-on être surpris ?
A priori,
non, car votre texte est
à l'image de ce que vous représentez, c'est-à-dire d'une droite sans complexe
et qui l'assume, se laissant aller à ses penchants naturels, bref, pour qui la
solidarité n'a plus sa place dans la société.
Tout cela est habilement présenté à partir des mots « contrat » ou « liberté
». Mais, me semble-il, c'est surtout la liberté de choisir d'accueillir qui
l'on veut, où l'on veut, que l'on découvre dans ce texte ; c'est la faculté de
sélectionner les populations désireuses de s'implanter dans les communes
concernées.
Parce que je reste persuadé que cette position ne fait pas l'unanimité sur
les travées de notre assemblée, je ne désespère pas, mes chers collègues, de
faire évoluer votre vision des choses.
Mais reconnaissons à M. Braye, rapporteur de la proposition de loi, de la
constance dans ses propositions ; car, dans le florilège des petites phrases
historiques du débat initial, au mois de décembre 2000, il s'était
particulièrement illustré en se souciant, notamment, de « ne pas pénaliser les
riches », ou bien en qualifiant la loi SRU de « socialisme et rabaissement
urbain. »
Vous me permettrez de procéder à un simple rappel : la loi SRU, dans son
article 55, vise à développer le logement social sur l'ensemble du territoire.
Ce sont 800 communes qui sont concernées, pour un objectif annuel de 20 000
logements.
Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, saisi
par la droite parlementaire, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif
? Il a même érigé en objectif d'intérêt général le principe de mixité sociale
!
Les arguments que vous avancez pour modifier ce mécanisme de solidarité sont
indéfendables. Vous faites état d'une mise en oeuvre difficile et d'une
obligation contestée par les élus locaux. Certes, on peut toujours trouver des
arguties juridiques, d'ordre financier ou technique, pour justifier la
non-volonté politique de développer le parc social. Pensez-vous pour autant que
le passage d'une loi instituant un mécanisme de solidarité entre communes à un
contrat de liberté entraînera l'adhésion des maires à une politique de
logements sociaux ? Hélas non ! Nous avons déjà essayé !
Le bleu budgétaire consacré au logement démontre que la loi est bien
appliquée. En 2001, dès la première année, 18 000 logements - sur un objectif
de 20 000 - ont été créés dans les communes concernées. Modifier la loi SRU,
c'est casser la dynamique en faveur du logement social, c'est casser ce qui
marche.
Avant d'évoquer le contenu de la proposition de loi, je voudrais vous poser
quelques questions, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues. N'êtes-vous pas troublés par l'émotion et, pour tout dire, par la
contestation émanant du monde associatif du logement, notamment de la Fondation
abbé Pierre, à l'annonce de votre projet ? N'êtes-vous par interloqués par le
rejet net de votre proposition de loi par le Haut comité pour le logement des
personnes défavorisées, présidé par Xavier Emmanuelli, ancien ministre d'Alain
Juppé ? Cette contestation est légitime, car les associations et le Haut comité
savent comme nous que, dans ce pays, plus d'un million de ménages attendent un
logement décent.
Dès le premier alinéa de l'article 1er de votre texte, vous éliminez du
dispositif 43 communes d'Ile-de-France en portant à 3 500 habitants le seuil de
population à partir duquel les communes auraient une obligation de construire
des logements sociaux.
Dois-je vous rappeler que la spécificité concernant les communes
d'Ile-de-France, voulue par le législateur, a été validée par le Conseil
constitutionnel ? Dois-je vous rappeler que 400 000 ménages sont en attente
d'un logement en Ile-de-France et que 70 % des ménages habitant cette région
sont potentiellement éligibles à un logement social, compte tenu de leurs
revenus ? Est-ce trop demander à ces 43 communes que de créer 288 logements par
an, soit de cinq à sept logements par commune ? Monsieur le rapporteur, les
besoins existent, y compris chez vos administrés, et vous refusez de créer cinq
à sept logements par an ! Voulez-vous faire de votre commune un musée, une
réserve que l'on visite ? Envisagez-vous de construire un mur vous mettant à
l'abri de la réalité sociale qui vous entoure ?
A ce stade, arrêtons-nous un instant sur ce qu'est un candidat locataire, et
M. le ministre lui-même le rappelait tout à l'heure : on est candidat à un
logement social lorsque l'on est un policier, une infirmière, un enseignant, un
éducateur et aussi, parfois, quand on rencontre des difficultés financières.
Cette mixité des populations est indispensable à l'équilibre de nos communes.
Il est donc de notre responsabilité de fournir un logement à la fois aux
personnes qui font vivre la ville et aux personnes en difficulté.
C'est à ce prix que nous pourrons garantir la quiétude et la sécurité de nos
concitoyens.
Et pourtant - c'est un fait encore plus pernicieux et représentatif de votre
volonté de négation de la mixité sociale -, vous souhaitez exempter de la
contribution de solidarité les communes appartenant à une communauté urbaine, à
une communauté d'agglomération ou à un EPCI ayant accepté à l'unanimité un
programme local de l'habitat et possédant globalement 20 % de logements
sociaux.
Cette proposition fige la répartition des logements sociaux, entérine les
déséquilibres actuels entre communes et paralyse toute initiative. En un mot,
les ghettos resteront des ghettos.
Dans l'article 2, la modification proposée exonère 35 communes importantes de
la contribution de solidarité instaurée par la loi SRU, et donc de l'incitation
à construire, en abaissant de 15 % à 10 % le seuil de déclenchement de la
contribution.
Sous une apparence anodine, cette proposition de loi entraînera une diminution
des engagements annuels de près de 2 000 logements. Des villes comme Nice,
Hyères, Grasse seront exonérées. Pourtant, dans ces communes, les besoins
existent et les capacités à construire sont incontestables.
Dans l'article 3, vous vous référez à un engagement triennal de réalisation de
logements locatifs sociaux qui doit être au moins égal, d'une part, au tiers du
nombre de logements réalisés sur le territoire de la commune au cours de la
période triennale à venir et, d'autre part, à 1 % du total des résidences
principales.
Après analyse de ces chiffres, je dirais que, si c'est une incitation, j'y
vois surtout, pour ma part, une incitation à ne rien faire. Qu'on en juge !
Comparé au système précédent dans lequel le rattrapage devait se faire en vingt
ans, les communes devront atteindre les objectifs en soixante ans. Est-ce
sérieux ?
L'ensemble de ces mesures auxquelles s'ajoutent diverses dérogations
minimisant les obligations auront un résultat catastrophique pour la
construction de logements sociaux, et, surtout, pour les familles qui les
attendent.
C'est
a minima
10 000 logements de moins qui seront construits dans
notre pays. M. Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire,
peut être rassuré : le budget du logement ne sera pas consommé.
Vous le comprendrez, compte tenu des conséquences négatives de ce texte, nous
ne pourrons bien évidemment le soutenir.
Ce texte est en effet incohérent, notamment avec la politique annoncée par
votre collègue, M. Borloo, ministre délégué à la ville. On ne peut à la fois
vouloir démolir 200 000 appartements et refuser de voir construire des
logements sur des espaces urbains moins denses et mieux répartis.
Monsieur le ministre, ce texte est contradictoire avec vos propos. Devant les
associations s'occupant des personnes défavorisées, vous affirmiez en effet
votre attachement au principe de la mixité sociale et au nécessaire
développement du logement social.
Ce texte est contradictoire avec les propos que vous avez tenus devant le
congrès de l'Union HLM, réunie en septembre dernier à Lyon : vous annonciez
alors votre volonté de garantir aux acteurs du logement social les moyens d'une
politique ambitieuse.
Ce texte va à l'encontre de la mixité sociale. Or, vous vous êtes prononcé
vous-même contre toute tentative de revenir sur ce principe.
Ce texte ne vous ressemble pas, monsieur le ministre. Il ne correspond pas à
votre image d'homme du centre, car c'est un texte d'exclusion sociale et de
ségrégation sociale qui ne respecte pas le droit au logement.
M. Hilaire Flandre.
N'importe quoi !
M. Jean-Yves Mano.
Compte tenu des conséquences dramatiques de ce texte, je vous demande,
monsieur le ministre, au nom du groupe socialiste, de solliciter vos amis
politiques au sein de cette assemblée pour qu'ils retirent leur proposition de
loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard.
Monsieur le ministre, comme vous-même, je m'inscris résolument dans la
démarche qui vise à élargir le champ de la mixité sociale dans notre pays.
Technicienne de la politique de la ville, je connais trop les situations
engendrées par la ghettoïsation de certains de nos quartiers pour ne pas
mesurer à quel point l'objectif de l'article 55 de la loi SRU est louable.
Cette lutte demeure la préoccupation première de tous les élus qui, dans leur
commune, se battent contre la pauvreté et l'exclusion.
M. Denis Badré.
Exact !
Mme Valérie Létard.
Mais certaines communes sont plus démunies que d'autres dans ce combat.
L'objet de mon propos est de rappeler ici leurs difficultés et de profiter de
ce débat, monsieur le ministre, pour appeler votre attention sur leur
situation.
Le 31 janvier dernier, lors d'une séance de questions d'actualité, j'avais
évoqué la situation de la commune de Maing - 3 800 habitants -, membre de la
communauté d'agglomération de Valenciennes. Cette commune ne remplissait pas
les critères fixés par la loi, son taux de logements locatifs sociaux étant
insuffisant, bien qu'elle héberge sur son territoire une communauté harkie
socialement très fragile. Le prélèvement au titre de l'article 55 dont elle est
redevable s'élève, en 2002, à 34 000 euros, somme considérable si l'on songe
que cette commune dispose d'un potentiel fiscal par habitant de 198 euros et
que 60 % des foyers fiscaux y sont non imposables.
C'est au nom des communes telles que Maing que je m'adresse à vous, monsieur
le ministre. Si elles se sont inquiétées d'une taxation supplémentaire, ce
n'est pas par opposition systématique à l'objectif de la loi ; c'est simplement
que leurs moyens sont si limités qu'une contrainte supplémentaire, ajoutée à
l'ensemble de leurs besoins, leur est apparue comme insupportable, tant est
difficile déjà leur situation financière et sociale.
Dans la réflexion engagée aujourd'hui, il me semble important de prendre plus
particulièrement en compte la situation de ce type de communes. Les
dispositions de l'article 55 allaient dans ce sens en prévoyant, à l'article L.
302-7, un seuil différent pour les communes éligibles à la dotation de
solidarité urbaine, la DSU. Toutefois, cette disposition ne va pas sans
soulever des questions, et ce pour deux raisons.
Premièrement ne sont éligibles à la dotation de solidarité urbaine que les
communes de plus de 5 000 habitants. Cela exclut toutes les communes plus
petites, comme la commune de Maing, dont les moyens sont pourtant extrêmement
faibles.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que l'on s'interroge sur la pertinence
de ce seuil de 5 000 habitants. Le développement de plus en plus rapide de la «
rurbanité » a entraîné de nombreuses communes à la périphérie de nos villes
dans une logique urbaine dont on n'a, à l'évidence, pas encore tiré toutes les
conséquences en matière de soutien financier. Pourquoi maintenir ce seuil
couperet alors que les difficultés de ces communes sont les mêmes, à 4 000
habitants comme à 5 000 habitants ? Ces communes ne pourraient-elles bénéficier
de l'éligibilité à la DSU au titre de leur appartenance à une communauté
d'agglomération ou à une communauté urbaine ?
Mais, au-delà du seuil, n'y a-t-il pas lieu aussi, dans un second temps, de
s'interroger sur le dispositif de la DSU tout entier ? Je rappellerai l'objet
de cette dotation inscrit à l'article L. 2334-15 du code général des
collectivités territoriales, qui est « de contribuer à l'amélioration des
conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de
leurs ressources et supportant des charges élevées ».
Si l'on se réfère strictement à cette définition, on s'attendrait à ce que les
moyens qui sont affectés à cette fin soient concentrés sur les communes dont la
situation est la plus difficile. Or, la DSU bénéficie de manière très large à
70 % des communes de plus de 10 000 habitants et au premier dixième des
communes entre 5 000 et 9 999 habitants. Comment, dans ces conditions, éviter
le saupoudrage de crédits qui ne profite vraiment à personne et, surtout, qui
empêche de concentrer les efforts sur les communes les plus en difficulté,
celles où le besoin d'un effet de levier puissant est le plus nécessaire ?
Où devons-nous concentrer notre effort ? Sur la ville de Nice - que mon
collègue Jacques Peyrat ne me tienne pas rigueur de la citer en exemple ! - ou
sur la commune de Maing ?
Au-delà de la seule problématique posée par l'application de l'article 55,
cette réflexion sur la DSU me paraît un prolongement logique de notre débat, et
je serai heureuse, monsieur le ministre, de recevoir, de votre part,
l'assurance que le Gouvernement a l'intention d'étudier prochainement cette
question.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est dans
la plus grande précipitation que la Haute Assemblée est amenée à débattre ce
jour de cette proposition de loi cosignée par M. Braye et plusieurs de nos
collègues, dont le président Larcher, tendant à modifier la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains.
Une telle démarche appelle au moins une première observation : n'est-ce pas,
en effet, pervertir quelque peu le principe de l'initiative parlementaire et
des journées consacrées à l'examen de l'ordre du jour réservé que de nous
proposer d'examiner, toutes affaires cessantes, cette proposition de loi dont
les attendus et les motifs sont plus que discutables ?
Pour étayer mon propos, je suis évidemment contraint de revenir sur le
contexte dans lequel nous nous situons depuis les élections du printemps
dernier.
En effet, depuis la constitution du nouveau gouvernement, nous remarquons
l'absence de secrétaire d'Etat au logement, comme l'atteste de manière
signifiante le fait que la question d'actualité que j'ai posée sur le sujet le
jeudi 7 novembre n'a trouvé de réponse qu'auprès de M. Bertrand, secrétaire
d'Etat au tourisme.
Nous entendons également un discours à géométrie variable, porté tant par M.
Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer, que par M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la
ville et à la rénovation urbaine, et qui consiste à faire croire que l'Etat va
puissamment s'engager dans une politique audacieuse du logement.
On annonce, ici, des chiffres ronflants, de vastes opérations de démolition et
de reconstruction, là, une démarche volontariste de mise aux normes de
qualité.
Mais que constate-t-on dans les faits ? Un budget qui baisse de 300 millions
d'euros, avec une utilisation habile des reports de crédits pour faire croire
au développement des dépenses d'équipement ; une remise en question des droits
des allocataires de l'aide personnalisée au logement ; l'annonce de la
suppression du parc social issu de la loi du 1er novembre 1948, et, surtout
l'abandon programmé de la priorité à la construction de nouveaux logements
sociaux, répondant aux besoins des populations.
C'est dans la discrétion des mois d'été que le ministère a procédé à une vaste
réforme des modalités d'attribution des aides personnelles au logement,
pénalisant singulièrement les salariés les plus modestes et les jeunes engagés
dans des parcours de formation, le plus souvent logés en foyers de jeunes
travailleurs.
De la même manière, ce gouvernement a décidé, dans le cadre de la loi de
finances, de revenir sur ses engagements de financement du fonds de solidarité
logement, destiné aux familles en difficulté.
Et tout cela se produit alors même que nous devons examiner à partir de demain
ce projet de loi liberticide sur la sécurité intérieure qui stigmatise des
populations particulièrement vulnérables et qui frappera notamment tous les
exclus du droit au logement que sont les sans-abri.
Tout cela nous ramène donc au texte de cette proposition de loi, dont on sent
fort bien qu'elle est inspirée par les conceptions ultra-libérales qui animent
aujourd'hui la politique du Gouvernement en matière de logement.
Cette proposition de loi, polarisée sur les questions de la construction de
logements sociaux, n'est - vous le savez fort bien, mes chers collègues -,
qu'un projet de loi honteux que le Gouvernement ne pouvait évidemment décemment
soutenir.
Elle a d'ailleurs reçu l'opposition du Haut Comité pour le logement des
personnes défavorisées, car elle va à l'encontre de deux objectifs majeurs
affirmés par la loi SRU : le droit au logement et la mixité sociale.
Je dois constater que cette question est embarrassante pour le Gouvernement :
nous ressentons en effet une certaine cacophonie entre les six signataires de
ce projet de loi et le Gouvernement.
De plus, on nous annonce pour le mois de décembre un projet de loi portant
diverses dispositions relatives à l'habitat et à la construction, dont on peut
s'attendre à ce qu'il ne soit qu'une remise en cause plus ou moins disparate
des dispositions de la loi SRU ou de la loi Besson de 1990.
Revenons donc à la proposition de loi qui comprend, en fait, deux grandes
parties.
Les six premiers articles de la proposition de loi portent sur les conditions
d'application de l'article 55 de la loi SRU. Les quatre articles suivants
portent, pour leur part, sur les modifications du droit de l'urbanisme et ne
répondent manifestement pas aux problèmes posés par le développement de
l'habitat dans notre pays.
Prétextant une consultation des professionnels pour motiver les dispositions
préconisées, la proposition de loi peut en fait être résumée de manière
relativement simple : d'une part, c'est un rejet forcené de la mixité sociale,
destiné à rendre inopérantes les dispositions de la loi SRU sur l'obligation de
réalisation de logements sociaux, rejet que l'on peut apparenter d'ailleurs à
un égoïsme de classe que nous combattons énergiquement ; d'autre part, c'est un
étonnant laxisme accordé aux élus locaux, aux promoteurs immobiliers et aux
lotisseurs, en particulier pour construire, tant au coeur des villes qu'en
zones périurbaines, à peu près n'importe quoi, sans se soucier des conséquences
sociales, économiques et environnementales.
Cette proposition de loi est donc clairement régressive, pour ne pas dire
réactionnaire, et ce n'est décidément pas un honneur pour la Haute Assemblée
que d'avoir à en débattre dans la précipitation...
Les questions de l'aménagement et du développement urbains nécessitent
d'autres choix que ceux qui guident cette proposition de loi.
Dois-je d'ailleurs rappeler ici aux auteurs de cette proposition de loi que
c'est à la grande époque du gaullisme, au coeur des années soixante, que l'on a
construit à la va-vite les grands ensembles de logements dont ils stigmatisent
aujourd'hui les travers ?
M. Guy Fischer.
Le général de Gaulle !
M. Yves Coquelle.
Dois-je encore rappeler que cette politique-là ne s'est jamais véritablement
souciée de la question des infrastructures, des lieux de vie et d'échange, et
que seules les années de lutte des populations concernées, relayées ensuite par
les gouvernements de gauche, ont pour partie répondu aux errements du passé
?
Je ne résiste pas, monsieur Braye, à la tentation de vous rappeler certains
des choix que vous aviez manifestés lors de la discussion de la loi Gayssot et
que votre proposition de loi reprend pour l'essentiel.
Vous aviez ainsi, selon vos propres termes, dénoncé dans l'article 55 du
projet de loi - l'article 25 du texte initial -, « un mécanisme technocratique,
autoritaire et profondément attentatoire à l'autonomie des communes » et vous
aviez assimilé les dispositions de cet article à « un retour au passé ».
Vous disiez encore, lors de cette séance du 27 avril 2000, en vous adressant
au ministre : « Ce désir, vous le niez par une définition trop étroite du
logement social, qui exclut le logement social de fait, le logement
intermédiaire et surtout l'accession sociale à la propriété. »
Monsieur Braye, vous et vos collègues vous opposerez-vous, le moment venu, à
l'abrogation de la loi de 1948 qui définit spécifiquement le logement social de
fait ?
La loi Gayssot, que vous combattez avec tant de force et d'énergie, pourquoi
le gouvernement précédent a-t-il dû la faire voter ? C'est à cette question
qu'il faudrait peut-être essayer de répondre ! S'il l'a fait, c'est tout
simplement, mes chers collègues, parce que, dans la plupart des municipalités
de droite, les portes sont verrouillées, cadenassées, aux populations
socialement les plus en difficulté.
(M. Hilaire Flandre s'exclame.)
Mme Jacqueline Gourault.
N'importe quoi !
M. Yves Coquelle.
Au fil des années, c'est dans les communes progressistes, et le plus souvent
communistes, que se sont concentrées ces populations en grande difficulté
sociale. Personne ne peut, honnêtement, nier cet état de fait.
D'ailleurs, lorsque l'on examine avec attention les propositions de loi que
vous souhaitez soumettre au Parlement, une évidence saute aux yeux : sans
ouvertement remettre en cause la loi Gayssot, vous avez le désir de protéger
vos amis, élus et gérants des municipalités de droite, en leur permettant de
détourner la loi, de ne pas l'appliquer.
Ainsi, une commune membre d'un EPCI dans lequel il existe 20 % de logements
sociaux ne sera pas tenue de respecter le seuil de 20 % sur son propre
territoire.
Plus grave encore, vous annoncez que les communes qui ne désirent pas
appliquer le quota paieront une amende.
En fait, monsieur le ministre, les communes riches préféreront payer pour
avoir le droit de ne pas accueillir des populations en difficulté. C'est
proprement scandaleux !
M. Hilaire Flandre.
C'est la loi Gayssot, celle de votre copain !
M. Jean Bizet.
Celle de votre « camarade » !
M. Yves Coquelle.
Votre proposition de loi, permettez-moi de vous le dire, mes chers collègues,
n'est pas destinée à substituer le contrat à la contrainte en matière de
réalisation de logements sociaux, elle n'est que l'illustration du plus parfait
égoïsme et la déclinaison d'une pensée guidée par la volonté d'exclure, de
diaboliser, de ne pas permettre la mise en oeuvre pleine et entière du droit au
logement.
Mme Jacqueline Gourault.
C'est vraiment n'importe quoi !
M. Yves Coquelle.
Et, s'agissant des problèmes sociaux plus généraux qui se traduisent dans nos
quartiers par le mal-vivre des populations, que faites-vous donc ?
M. Christian Demuynck.
Le mal-vivre, c'est vous qui l'avez créé !
M. Yves Coquelle.
Quand on vote des deux mains toutes les lois créant les conditions d'une
précarisation forcenée du travail, quand on vote toutes les lois qui écrasent
les salaires, au seul bénéfice du patronat, il ne faut pas s'étonner des
conséquences qui en résultent au plan social dans certains de nos quartiers.
En fait, si votre proposition de loi est adoptée, elle se résumera ainsi : les
logements sociaux, c'est bien et normal dans les municipalités de gauche mais
pas dans celles de droite !
Je ne développerai pas davantage la seconde partie de votre proposition de
loi, qui relève fondamentalement des mêmes attendus que la première et qui
consiste à anéantir les avancées de la loi SRU en termes d'approche renouvelée
de l'urbanisation.
Nous y reviendrons, notamment dans la présentation de la motion tendant à
opposer la question préalable, mais sachez d'ores et déjà que notre groupe
s'opposera sans la moindre ambiguïté à l'adoption des conclusions de la
commission des affaires économiques sur cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge.
Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé la présentation d'un projet de
loi concernant l'urbanisme dans les semaines à venir. J'espère que nous aurons
le temps d'y travailler sérieusement, car le sujet, on s'en rend compte, n'est
pas toujours simple.
Vous nous annoncez également une concertation qui peut être utile pour mettre
en cohérence, dites-vous, les trois lois Chevènement, Voynet et SRU.
D'ailleurs, je fais partie d'une délégation qui doit prochainement vous
rencontrer à ce sujet.
Il peut effectivement être utile de mettre en cohérence certains points.
Autant le faire dans un esprit positif sans s'engager dans une voie
systématiquement destructrice du travail législatif qui a été réalisé au cours
des dernières années !
Je ne pense pas que ce soit l'état d'esprit qui vous caractérise. Toutefois,
je ne peux m'empêcher de revenir sur l'événement de ce soir qui me paraît tout
à fait stupéfiant : nous travaillons dans une totale improvisation.
Tout le monde veut des lois simples, mais, alors que nous abordons un sujet
d'une immense complexité sur lequel on travaille depuis au moins une génération
pour essayer de résoudre les problèmes d'urbanisme, de développement urbain,
d'aménagement, tout à coup, un soir, on nous adresse des documents dans la
précipitation.
M. Guy Fischer.
A la veille de la Toussaint !
M. Yves Dauge.
On nous reproche souvent de légiférer dans l'urgence, mais ce soir, nous
battons tous les records ! C'est une attaque frontale, étonnante de la part de
gens qui sont censés être des « sages », sur deux aspects fondamentaux d'un
dispositif - dont on peut parler calmement par ailleurs - le fameux article 55
et les quinze kilomètres de protection à la périphérie urbaine.
Tous ceux qui ont travaillé sur la politique de la ville, tous ceux qui sont
concernés à des titres divers par ces questions savent que l'on est face à deux
enjeux majeurs : le désastre des périphéries urbaines auquel on assiste depuis
trop d'années, et la crise urbaine, celle des ghettos, des quartiers, qui est
devant nous encore pour de nombreuses années, deux sujets qui nécessitent que
soient prises des mesures radicales.
J'ose le dire : malheureusement, l'amendement Carrez, il y a quelques années,
a cassé, déjà, une loi d'orientation ! Vous ne reprenez pas, monsieur le
ministre, cette attaque, mais les sénateurs font un travail de destruction de
l'article 55 de la loi SRU qui est tout aussi dangereux et certainement plus
pernicieux.
Heureusement, monsieur le ministre, vous avez quelque peu recadré la
discussion tout à l'heure, en réaffirmant les grands principes. Vous mettez en
avant l'idée du contrat. Je ne suis pas contre, personne n'est contre, d'autant
que l'idée qui sous-tend le dispositif actuel, je me permets de le dire, c'est
également le contrat.
M. Hilaire Flandre.
C'est le contrat obligatoire !
M. Guy Fischer.
Sur vingt ans !
M. Yves Dauge.
A quoi bon se répandre en invectives qui, de toute façon, sont sans fondement
!
M. Hilaire Flandre.
C'est la réalité !
M. Yves Dauge.
Je connais la différence entre les deux dispositifs, figurez-vous : nous avons
compté année par année, et vous proposez de compter sur trois ans. Pourquoi
pas, d'ailleurs ? Mais, au bout de trois ans, il faudra savoir si les règles
que nous avions prévues en ce qui concerne le mode de calcul et les pénalités
seront les mêmes.
Certes, nous avons tous le droit d'être intelligents et d'améliorer les choses
! Mais ne croyez pas qu'hier il n'y avait pas de contrat et que demain il y en
aura un. C'est faux ! Vous n'avez qu'à lire les textes ! Et ceux qui ne veulent
pas adopter le dispositif ne le font pas !
Vous l'avez très bien dit, si le nouveau dispositif que vous préconisez ne
s'appliquait pas, on aurait alors recours à un système de sanctions. Il n'y a
donc pas de rupture entre ce que nous avions prévu et de que vous défendez.
Vous voulez mettre l'accent sur une philosophie, qui est celle du contrat :
nous partageons cette philosophie ! Mais le problème réside dans le mode de
calcul dont j'aimerais bien que nous discutions à nouveau sérieusement. En
effet, vous m'avez un peu surpris en annonçant le chiffre de 24 000 logements,
alors que nous n'en comptons que 20 000. Il faudra vérifier les modes de
calcul, mais on n'en est pas là !
Je suis surpris, monsieur le rapporteur, par votre attaque, qui sent la
revanche. L'opinion que vous exprimez n'est guère partagée. Ayant écouté avec
attention les orateurs qui se sont succédé, notamment Mme Létard, je constate
qu'entre les groupes de la majorité l'approche sur le sujet est différente.
Tant mieux !
Je crois donc qu'il faut se garder de radicaliser le sujet en voulant se faire
plaisir par quelques effets d'annonce et des discours véhéments, monsieur le
rapporteur, qui ne correspondent pas du tout à la réalité du sujet !
Vous allez déclencher des réactions très vives de la part de nombreuses
associations et militants de la cause qui ne sont pas particulièrement engagés
à gauche ou à droite. Ils sont sur le terrain, ils se battent comme des fous
pour essayer de régler des problèmes graves, tandis que vous lancez un appel à
la population à travers un discours selon moi un peu surprenant, car je pensais
que vous connaissiez mieux le sujet.
Monsieur le ministre, je conclus avec l'urbanisme. Il faut être clair. L'enjeu
majeur, c'est la périphérie urbaine. Il faut sauvegarder la règle des quinze
kilomètres. Ne remettons pas en cause cette règle...
M. Hilaire Flandre.
C'est n'importe quoi !
M. Yves Dauge.
... qui est fondamentale.
Etant maire d'une commune de 10 000 habitants, j'aurais aimé que le seuil soit
fixé à 10 000, parce que j'ai besoin de cette règle pour protéger ma
périphérie. J'ai absolument besoin que les abords de ma petite ville...
M. Hilaire Flandre.
Les services dans la ville et le désert autour, voilà votre idéal !
M. Yves Dauge.
... soient protégés par l'application de cette règle, qui est une règle de
sécurité. C'est une règle simple qui est parfaitement comprise. Je connais
bien, moi aussi, le monde rural, et je vois les maires s'impliquer fortement
dans la mise en place des SCOT.
Quelle révolution dénoncez-vous ? A quelle inapplicabilité faites-vous
allusion ? Je veux bien que l'on discute des mesures transitoires et des
interprétations que nous faisons de la loi s'agissant de ce qu'il est possible
de faire ou de ne pas faire pendant l'application de ces mesures transitoires,
je pense notamment à l'ouverture des zones d'aménagement. Le ministère a
d'ailleurs édicté des règles. Vous avez vous-même, monsieur le ministre,
répondu très clairement à des questions qui vous ont été posées sur ce
sujet.
Avant de réviser les lois, je vous demande simplement d'expliquer clairement
ce qu'elles prévoient. Nous vivons en effet dans la confusion.
Je veux bien reconnaître aussi que certaines directions, voire certains
préfets - et ce n'est pas mon habitude de critiquer l'Etat -, ont quelquefois
donné des explications qui ne correspondaient pas à la lettre et à l'esprit de
la loi. Disons-le, avant de nous lancer brutalement, ce soir, dans des
révisions improvisées, commençons calmement à essayer d'expliquer ce que
signifient les lois d'aujourd'hui.
De la sorte, nous réglerons 90 % des problèmes, monsieur le ministre. Cela
touche, par exemple, le financement des voies nouvelles. Les textes de votre
ministère sont, sur ce sujet, parfaitement clairs. Après tout, pourquoi ne pas
inscrire dans la loi les dispositions qui figurent dans les circulaires ?
Pourquoi ne pas clarifier ? En tout cas, ce n'est pas moi qui m'y
opposerai.
J'évoquerai un dernier point.
J'ai entendu dire, non pas au Sénat mais à l'Assemblée nationale, qu'à l'heure
de la décentralisation il fallait faire de la proximité, et donc faire sauter
les verrous. Allons-y ! C'est la décentralisation !
Chers amis, j'étais directeur de l'urbanisme au ministère de l'équipement
quand ont été votées les lois de décentralisation ; vous le savez vous aussi,
monsieur le ministre.
(Exclamations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Hilaire Flandre.
On comprend mieux les choses !
M. Guy Fischer.
Il sait de quoi il parle ! C'est un très grand spécialiste.
M. Yves Dauge.
Ecoutez-moi, mes chers collègues, car c'est un point très important. A cette
époque, les lois de décentralisation ont conféré aux maires beaucoup de
responsabilités dans l'élaboration des documents d'urbanisme. Mais nous avions
dit à ces maires que leur responsabilité consistait non pas à faire n'importe
quoi, mais à appliquer la loi.
Nous avons alors étoffé le contenu des lois parce que beaucoup de choses
étaient prévues par voie de circulaires et n'avaient donc pas force de loi.
Quand nous avons transféré la responsabilité aux élus, nous avons ainsi très
justement fait figurer dans la loi des éléments dont le contenu était porté par
des circulaires et, ce faisant, nous avons élevé le niveau de la loi.
Cela montre bien que, quand on décentralise, on n'est pas obligé d'abaisser le
niveau de la loi, ni de déréglementer.
(Exclamations sur les mêmes
travées.)
M. Hilaire Flandre.
C'est votre conception des choses ! Ce n'est pas nécessairement la nôtre !
M. Yves Dauge.
Je dirai même que l'on est obligé, si l'on veut être responsable, d'élever ce
niveau.
Chers amis, si vous ne faisiez qu'écouter les maires, comme vous le dites,
monsieur le rapporteur - moi aussi je suis maire -, en prétendant qu'ils sont
unanimes à dire qu'il ne faut plus de loi et à vouloir faire sauter les
verrous, vous n'auriez pas de loi sur les secteurs sauvegardés ni sur le
paysage, ni sur le littoral, ni sur la montagne.
Qu'est-ce que cette politique qui, au nom de la décentralisation, veut nous
laisser croire qu'il n'y a qu'à faire sauter les verrous et abaisser le niveau
de la loi ? Je regrette de vous le dire : c'est une grave erreur politique. Et
j'espère que, dans sa sagesse, cette assemblée saura éviter ce piège.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Hilaire Flandre.
Vous êtes resté un fonctionnaire !
M. le président.
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas
surprenant de voir apparaître cette proposition de loi de M. Braye et plusieurs
de ses collègues quelques mois seulement après l'application de la loi du 13
décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
En effet, comme nous l'avons dit à cette tribune de nombreuses fois, si, sur
le fond, ce texte était nécessaire pour assurer une meilleure mixité sociale et
une meilleure diversité des fonctions urbaines, périurbaines et rurales -
formule ajoutée par le Sénat -, la procédure d'urgence adoptée à l'époque
n'était pas compatible avec la complexité d'un tel sujet et de ses enjeux pour
l'organisation territoriale de nos collectivités.
Certes, pour atteindre l'objectif d'un nouvel équilibre social dans la ville
et à sa périphérie, une réforme du droit de l'urbanisme et de la politique du
logement social était parfaitement justifiée.
Pour y parvenir, nous avons défendu, ici, au Sénat, une démarche territoriale
respectueuse de la décentralisation et de la responsabilité de l'élu local.
Nous avons plaidé pour une démarche reconnaissant pleinement le rôle des
acteurs locaux, dans le cadre des nouveaux outils institutionnels favorisés par
la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale.
C'est dans ce sens que nous avons défini de nouveaux outils d'aménagement
fondés sur une approche territoriale de projet substituée à une logique trop
restrictive de zonage foncier dont on a pu mesurer depuis trente ans les
limites.
Dans le domaine du logement social, à la démarche coercitive retenue par le
gouvernement de l'époque, qui traduisait une suspicion marquée à l'égard des
collectivités locales et qui ne prenait pas suffisamment en compte la diversité
des situations locales, nous avons préféré, ici, une démarche volontaire dans
laquelle le contrat prévaut sur la contrainte, dans une logique de
décentralisation reposant sur un véritable dialogue et un partenariat
contractualisé entre l'Etat et les collectivités locales.
Ainsi, la notion de contrat d'objectif, reposant sur une réflexion non
seulement communale mais également intercommunale, est sans aucun doute plus
efficace et mieux adaptée à l'expression d'une mixité sociale au sein d'un
bassin de vie.
Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre,
qui sont aujourd'hui, dotés des compétences en matière d'habitat, sont bien les
garants d'une répartition équilibrée des logements sociaux sur ces
territoires.
C'est dans ce même esprit que M. Braye et plusieurs de nos collègues nous
proposent aujourd'hui un texte adapté aux réalités du terrain et à la nouvelle
organisation intercommunale du développement local à partir d'un nouveau
contrat de confiance entre les acteurs locaux et l'Etat, c'est-à-dire dans un
cadre décentralisé faisant appel à la responsabilité de l'élu local.
C'est pourquoi nous soutiendrons cette initiative très attendue et déjà
proposée dans ses grandes lignes par le Sénat il y a deux ans.
J'en viens aux dispositions relatives à l'urbanisme proposées par M. le
rapporteur.
Le principe de l'assouplissement qui résulte des mesures qui nous sont
soumises s'avère bien nécessaire au regard des nombreux blocages constatés sur
le terrain.
Néanmoins, donner plus de liberté aux communes pour fixer une superficie
minimale des parcelles à urbaniser devrait, à mon sens, être associé à des
justificatifs issus du projet urbain, notamment en matière de paysage,
d'environnement ou de fonctions urbaines spécifiques, pour ne pas compromettre
la mixité sociale de la ville.
En ce qui concerne le régime des divisions des parcelles, donner la
possibilité aux communes de répartir le solde des droits à construire sur des
terrains ayant fait l'objet de divisions successives - en prenant en compte le
calcul des droits à construire déjà utilisés - va dans le sens d'une meilleure
maîtrise de l'urbanisation.
Une telle adaptation permettra surtout de respecter l'esprit du projet urbain
dans un secteur identifié ayant fait l'objet d'un objectif moyen de
densification.
On évitera de cette manière une mauvaise maîtrise de l'urbanisation et une
surdensification des terrains, même si une évolution sera toujours possible par
une modification des documents d'urbanisme, dont les élus conserveront
évidemment la maîtrise.
J'en viens à l'abrogation du périmètre des quinze kilomètres autour des
agglomérations de plus de 15 000 habitants, dans lequel les communes ne peuvent
plus ouvrir de nouvelles zones à l'urbanisation si elles ne font pas partie
d'un schéma de cohérence et d'organisation territoriale. Ce fut l'un des points
de désaccord majeurs entre le Sénat et l'Assemblée nationale lors des débats
sur le texte initial.
Les conséquences d'un dispositif aussi rigide, nous pouvons les constater
aujourd'hui. Et je ne suis pas d'accord avec M. Dauge sur ce point. Combien de
projets sont bloqués dans de nombreux secteurs périurbains ou ruraux ! Combien
de situations conflictuelles entre les élus !
Quant aux périmètres, ils sont inadaptés du fait des nouvelles solidarités
intercommunales, et les risques de contentieux se multiplient.
Il paraît donc opportun de revoir cette règle, parfois arbitraire, car elle ne
correspond pas à la diversité de notre territoire, en particulier à la
spécificité de nos zones rurales.
Pour autant, la recherche d'un aménagement territorial cohérent est majeure
pour l'équilibre du développement local, car les micro-concurrences entre les
collectivités sont génératrices de dépenses publiques superflues et conduisent,
par exemple, à des déséquilibres économiques qui peuvent, à terme, provoquer
des friches industrielles.
Le cas des implantations commerciales ou de la surenchère des installations
d'entreprises illustre parfaitement ce propos.
C'est la raison pour laquelle, si nous décidions aujourd'hui de supprimer
cette disposition, il faudrait, à mon sens, opter pour une mesure de transition
qui devrait être suivie, très rapidement, d'un nouveau dispositif fondé sur la
libre administration des collectivités locales.
M. Roland Muzeau.
Ce n'est pas la France !
M. Pierre Jarlier.
A cette formule arbitraire - dont on mesure les conséquences désastreuses -
doit en effet être substituée la concertation entre les communes, comme l'avait
proposé le Sénat lors de la discussion du texte initial, une concertation
pouvant générer de nouvelles solidarités intercommunales et qui serait conduite
sur l'ensemble du territoire - agglomérations de plus de 15 000 habitants ou
pas - car le problème se pose tout autant autour des villes-centre qu'autour
des bourgs-centre des zones rurales.
Je souhaite enfin, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues, attirer votre attention sur deux points qui découlent de cette loi
et qui, parmi d'autres, appellent un nouveau débat rapidement.
Je veux parler de la fameuse participation au financement des voies nouvelles
et réseaux, qui impose aux communes de réaliser à la fois des travaux de voirie
et des travaux de réseaux, même quand les voiries existent, pour pouvoir
solliciter les contributions financières des demandeurs de permis de construire
dans les zones urbanisables.
Nous sommes là au coeur du problème posé par les interprétations extrêmement
restrictives de l'administration à l'égard des textes votés par le
Parlement.
Je veux également parler de l'indispensable adaptation des règles d'urbanisme
actuelles en montagne, qui provoquent l'indignation des élus et un blocage
quasi permanent des projets de développement.
Nous sommes tous favorables à la protection des zones de montagne, mais la
superposition de textes inadaptés, et parfois contradictoires, empêche
actuellement l'aboutissement de nombreux projets porteurs d'emplois ou
susceptibles d'accueillir de nouvelles populations, alors même que ces
territoires - notamment en moyenne montagne - connaissent des difficultés
majeures sur les plans économique et démographique.
Nous devons ouvrir ce débat pour obtenir un équilibre réel entre protection et
développement, objectif pourtant clairement affiché dans la loi Montagne de
1985.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues, il ne s'agit pas de remettre en cause les grands principes de mixité
sociale et de diversité des fonctions de l'urbanisme, en ville comme à la
campagne.
Nous souhaitons, comme nous l'avons déjà décidé ici, au Sénat, revoir la
méthode, privilégier la simplicité sur la complexité, la responsabilité et la
flexibilité sur la contrainte, l'initiative de terrain et la décentralisation
sur une recentralisation insidieuse.
Autrement dit, nous voulons faire confiance aux acteurs locaux en tenant
compte de la diversité de notre territoire, dans une démarche de projets, mais
contractualisée, en cohérence avec les nouveaux textes relatifs à
l'intercommunalité.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je répondrai rapidement aux différents orateurs.
M. Goulet s'est interrogé sur le rôle du Parlement en faisant état de deux
textes qui se télescopent : cette proposition de loi, qui concerne
essentiellement l'article 55 de la loi SRU et quelques dispositions en matière
d'urbanisme, et, comme je l'ai dit tout à l'heure, un projet de loi relatif à
l'urbanisme. Je vous confirme que ce projet de loi pourrait être soumis à
l'Assemblée nationale et au Sénat d'ici à la fin de l'année.
M. Goulet s'est beaucoup inquiété au sujet des services des DDE. Je l'assure
que je partage son souci. Nous sommes extrêmement attentifs à la bonne
efficacité des services déconcentrés, ainsi qu'à la clarté des consignes qui
leur sont données afin qu'ils agissent comme des soutiens, des assistants,
notamment auprès des élus locaux, et qu'ils ne soient pas, comme je l'entends
dire parfois, quelque peu restrictifs de crainte de prendre des initiatives
malheureuses. Il faut leur donner plus de liberté, et certainement des
consignes plus nettes.
M. Darniche a souligné que la règle dite des quinze kilomètres était mal
rédigée. Je partage totalement cette impression. Qu'il sache que nous y
remédierons dans le projet de loi consacré à l'urbanisme.
Je lui adresserai la même réponse à propos de la participation pour voie
nouvelle et réseaux.
Monsieur Dauge, vous admettez qu'une harmonisation est indispensable entre les
lois Voynet, Chevènement et Gayssot. Je suis sûr que vous travaillerez avec les
différents groupes qui vont se réunir, tout au long de l'année 2003, pour
essayer d'harmoniser ces lois dans le sens d'une simplification, comme le
souhaite le Premier ministre.
Vous vous êtes par ailleurs interrogé sur les 24 000 logements sociaux que
j'ai annoncés. Je puis vous rassurer, dans la mesure où l'article 55 maintient
ces objectifs, mais nous les réaliserons avec une méthode différente : le
contrat et non la pénalisation.
Je tiens à votre disposition la liste de chacune des communes sur lesquelles
nous prévoyons dix, vingt, cinquante, ou deux cents logements. Vous pourrez
constater que le total fait bien 24 200 logements sociaux, dans la mesure où
aucune disposition de la proposition de loi ne viendrait retirer de notre liste
certaines de ces communes.
Je vous rappelle que ces chiffres sont beaucoup plus importants que les
objectifs qui avaient été fixés par la loi actuellement en vigueur. Pour
l'année 2001, c'est 18 000 logements ; avec notre dispositif, ce sera au moins
6 000 logements de plus.
M. Jarlier demande à juste titre qu'une plus grande liberté soit accordée aux
communes, pour fixer notamment la taille des parcelles. Il a aussi raison quand
il dit que cette liberté doit être assortie de justifications : dans certains
cas excessifs, les parcelles contructibles risqueraient d'être si agrandies
qu'on n'arriverait plus à réaliser les fameuses maisons de ville qui
contribuent tellement à la mixité sociale.
M. Jarlier a également évoqué la règle des quinze kilomètres qui doit être,
selon lui, modifiée. Il a parfaitement raison, il faut revoir cette règle. Cela
ne signifie pas qu'il faille la supprimer. J'ai d'ailleurs bien compris l'appel
du Sénat et des auteurs de la proposition de loi. Ils proposent de supprimer
cette disposition, mais il s'agit d'un appel à la simplification. Nous aurons
l'occasion d'en reparler tout à l'heure.
M. Jarlier a précisé que nous avons également besoin de cohérence, non
seulement autour des villes-centres mais aussi autour des bourgs-centres. Cette
cohérence est, il est vrai, indispensable, sauf à constater une sorte de
développement anarchique autour de ces secteurs.
M. Jean-Yves Mano n'est pas d'accord pour relever le seuil de 1 500 à 3 500
habitants ; j'en ai pris acte.
Mme Valérie Létard, en demandant qu'on revoie la dotation de solidarité
urbaine, a pointé un aspect extrêmement important de la mixité sociale, et
au-delà, de la politique de la ville dans son ensemble.
Cette innovation qu'a constitué la DSU, je sais bien que la majorité
d'aujourd'hui, moi y compris, a certainement voté contre.
M. Jean-Pierre Sueur.
Certainement !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je reconnais qu'elle partait d'une bonne intention, mais je
constate en même temps qu'elle n'atteint pas ses objectifs.
Finalement, du fait de la dispersion des sommes en cause, cette dotation ne
permet pas de provoquer une discrimination suffisamment positive pour aider les
villes qui en ont vraiment besoin en matière d'équipement, de logement. Bref,
elle ne répond pas à la demande de la politique de la ville.
Sans m'engager, je peux affirmer que je suis très favorable à un réexamen des
règles d'attribution de la DSU, de façon qu'elle soit mieux ciblée, que ses
objectifs soient redéfinis.
Monsieur Coquelle, vous avez fait part de vos inquiétudes en matière de
politique du logement social. Vous n'avez pas à vous inquiéter sur ce point
!
Vous vous êtes aussi beaucoup inquiété des villes qui ne sont plus
communistes. Eh bien, si elles ne sont plus communistes, c'est parce que les
électeurs ont vu ce que donnaient les municipalités communistes. Et je suis
bien placé pour en parler.
Tout simplement, il faut savoir que la misère étendue dans la plupart de ces
villes gérées par des communistes a, dans un premier temps, fait peur à la
population, puis, dans un second temps, amené cette dernière à s'affranchir du
communisme, ce qui est une bonne chose.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. Hilaire Flandre.
Reste-t-il des villes communistes ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
J'aurai l'occasion de revenir sur chacun de ces points au cours
de la discussion des articles.
Enfin, monsieur le président, j'indique d'ores et déjà que le Gouvernement
demandera l'examen par priorité des amendements n°s 62, à l'article 1er, et 65,
à l'article 2.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable