SEANCE DU 12 NOVEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 7. - Le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est ainsi
rédigé :
« 12° Fixer une superficie minimale des terrains constructibles qui ne peut
excéder deux fois la superficie moyenne par bâtiment de la zone considérée
lorsque celle-ci se trouve en site urbain constitué ; »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 46 est présenté par MM. Dauge, Mano et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 5, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Après les mots : "des terrains", rédiger ainsi la fin du texte proposé par
cet article pour le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : "dès
lors que celle-ci est justifiée par des objectifs d'urbanisme ou des objectifs
techniques ;". »
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 18.
Mme Odette Terrade.
Pas plus que les dispositions des six premiers articles de la présente
proposition de loi, les quatre articles portant modification du droit de
l'urbanisme n'apportent de progrès réels à la législation en vigueur.
La loi sur la solidarité et le renouvellement urbains avait, parmi ses effets
attendus, celui de permettre une prise en compte plus globale et plus
systémique des problèmes de développement urbain, dépassant la seule vision
empirique des élus locaux en relation avec leurs administrés, au travers de la
gestion de droits à construire plus ou moins rationnellement distribués.
Or les dispositions qui nous sont proposées ici ne consistent, dans les faits,
qu'à opérer un retour aux pratiques anciennes, sans que soit prise en compte
l'évaluation de ce que la loi SRU aurait pu ou a déjà permis de mettre en
oeuvre.
C'est une sorte de retour à l'urbanisme de circonstance qui nous est proposé
avec cet article 7, qui vise en fait à geler toute véritable initiative de
développement intégré des centres urbains.
Si l'on suit l'approche défendue par notre rapporteur, on se trouvera très
vite dans l'incapacité de mener une politique rationnelle et efficiente de
rénovation des centres urbains, enjeu pourtant essentiel de toute politique de
la ville et susceptible, dans le cadre d'une programmation équilibrée, de
permettre la création d'une offre diversifiée de logements.
L'aspiration de nombre de nos concitoyens à vivre dans les centres-villes
anciens, des travaux de remise aux normes actuelles de confort fussent-ils
nécessaires, est suffisamment réelle pour motiver le refus du choix opéré à
l'article 7.
De la même manière, si l'on suit l'orientation fixée par la proposition de
loi, il sera quasiment impossible de réaliser des logements collectifs, même
dans des immeubles à dimension humaine, dans les secteurs pavillonnaires
relativement denses.
C'est peut-être d'ailleurs l'une des motivations de la proposition de loi,
dont l'égoïsme transparaît dans l'exposé des motifs des six premiers articles,
que de donner une justification législative à une évolution du droit de
l'urbanisme rendant impossible la réalisation de tel ou tel programme locatif
ou collectif.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la même logique que celle qui
nous a animés lors de la discussion des six premiers articles, nous invitons
donc le Sénat à procéder à la suppression pure et simple de l'article 7 de la
proposition de loi.
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 46.
M. Yves Dauge.
On nous propose à l'article 7 de « fixer une superficie minimale des terrains
constructibles qui ne peut excéder deux fois la superficie moyenne par bâtiment
de la zone considérée lorsque celle-ci se trouve en site urbain constitué ».
Il faut éviter ce type de formule.
En effet, les efforts faits pour développer les plans locaux d'urbanisme ont
justement consisté à tourner la page, à abandonner cette approche à base de
chiffres et de coefficients, pour laisser place à une politique de projets
construite autour d'une autre vision de l'urbanisme.
Inutile, dès lors, de revenir à l'état antérieur en recourant à un mode de
calcul qui, je regrette de le dire, est totalement dépassé.
Par ailleurs, on peut parfaitement régler le problème en utilisant des
dispositifs existants, notamment dans le cadre des PLU ou de la loi « paysage
».
Je partage l'analyse quant au contenu, mais la formulation me gêne, étant
cependant précisé qu'en matière d'assainissement - c'est une exception - la
fixation d'une surface minimale peut s'imposer.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Jean-Paul Alduy.
Je ne suis pas plus que M. Dauge persuadé de l'utilité des formules
mathématiques. Je crois plutôt aux vertus des choses simples. Je vous propose
donc, à la fin du texte proposé par l'article 7 pour le 12° de l'article L.
123-1 du code de l'urbanisme, après les mots : « des terrains », d'ajouter les
mots : « dès lors que celle-ci est justifiée par des objectifs d'urbanisme ou
des objectifs techniques ; ».
En d'autres termes, laissons les maires choisir leur politique urbaine.
Laissons-leur, là la possibilité de réaliser une urbanisation aérée, ici celle
de conserver un rythme de façade, celle d'encourager les regroupements...
Les objectifs techniques doivent, certes, être respectés. Ainsi, les règles
relatives à la superficie minimale des terrains doivent, depuis l'entrée en
vigueur de la loi sur l'eau, être cohérentes avec les zones d'assainissement
non collectif.
Faut-il pour autant définir systématiquement une règle de surface minimale ?
Je n'en suis pas persuadé. Laissons aux communes la possibilité de déterminer
un périmètre, si elles le souhaitent, mais ne les enfermons pas dans des règles
mathématiques.
L'urbanisme doit se méfier des règles mathématiques trop complexes !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
La commission est défavorable aux amendements identiques n°s
18 et 46.
J'ai entendu, dans l'argumentaire présenté par Mme Terrade, des phrases que
j'avais pu lire dans la lettre que j'ai reçue du Syndicat national des
aménageurs-lotisseurs, lesquels souhaitent en effet construire partout et
toujours : ils sont, c'est vrai, à l'affût de la moindre petite parcelle, du
moindre petit bout de terrain.
Il est vrai que cela fait le bonheur de certains. J'ai d'ailleurs reçu un
important courrier contre cet amendement de la part de notaires - quoi que
ceux-ci soient un peu à part et souhaitent surtout se simplifier la vie - et de
tous les « bétonneurs ».
Mais quelle solution Mme Terrade apporte-t-elle aux maires ruraux, qui disent
qu'il est possible de densifier ? Je voudrais d'ailleurs la rassurer : dans les
centres urbains, nous continuons à densifier. La restructuration urbaine par
densification se fait tout à fait normalement. En revanche, j'ai reçu toute une
série de lettres, que je ne vous lirai pas, eu égard à l'heure tardive, émanant
de maires de village...
MM. Roland Muzeau et Guy Fischer.
Mais si !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Si vous le souhaitez, je vais le faire, d'autant que je sens
que votre demande vient du coeur.
(Sourires.)
A la question : « Etes-vous favorable à la suppression de la superficie
minimale ? », la réponse n'est pas non, c'est non, non, non ! Un véritable cri
du coeur...
« Etes-vous favorable à la suppression de la surface minimale des terrains
constructibles ? » Non, surtout pas, car on ne peut plus maîtriser l'évolution
de l'urbanisation et cela est source, dans nos villages, de conflits de
voisinage importants.
« Etes-vous favorable au rétablissement d'une disposition permettant aux
communes de fixer une superficie minimale des terrains constructibles ? » Oui,
naturellement, c'est une donnée très importante et facilement compréhensible
pour le public.
Les directeurs d'agence de l'urbanisme m'ont indiqué que les maires de toutes
ces communes leur demandent quel est le moyen d'aboutir aux mêmes résultats
qu'en instaurant une surface minimale. Les agences de l'urbanisme s'efforcent
de définir quinze ou seize paramètres, entre les prospects, les surfaces, les
distances par rapport aux voisins ou par rapport à une ouverture, afin de
pouvoir donner aux maires la solution à leurs problèmes.
Soyons donc réalistes : il s'agit ici de répondre à une vraie demande des
maires ruraux et non pas de sélectionner ou de faire du « tri social », comme
l'a prétendu M. Mano. Je reconnais bien là l'élu parisien que vous êtes, mon
cher collègue ! Dans nos communes, sachez-le, c'est le droit à construire que
l'on achète, et pour cette raison un terrain de 500 mètres carrés vaut le même
prix qu'un terrain de 800 mètres carrés. C'est le droit à construire qui a de
la valeur !
La situation est peut-être différente à Paris, j'en conviens, mais la mesure
que nous préconisons répond surtout aux voeux des élus du reste de la France,
et j'ai la faiblesse de croire que Paris n'est pas la France. La commission
émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques n°s 18 et 46.
En revanche, elle est favorable à l'amendement n° 5. Le rapporteur reconnaît
que la formulation qu'il avait retenue n'était pas la meilleure. Il faudra
cependant vérifier, au cours de la navette, qu'il n'existe aucun risque de
contentieux du fait de la rédaction présentée.
Par ailleurs, je souhaiterais, monsieur Alduy, que vous rectifiier votre
amendement en ajoutant, après les mots : « des terrains », le mot : «
constructibles ».
M. le président.
Monsieur Alduy, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Jean-Paul Alduy.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Alduy et
ainsi libellé :
« Après les mots : "des terrains constructibles", rédiger ainsi la fin du
texte proposé par l'article 7 pour le 12° de l'article L. 123-1 du code de
l'urbanisme : "dès lors que celle-ci est justifiée par des objectifs
d'urbanisme ou des objectifs techniques ;". »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
S'agissant des amendements identiques n°s 18 et 46, le
Gouvernement est sensible au souhait des auteurs de la proposition de loi et
entend donner le maximum de liberté aux élus locaux pour protéger le caractère
architectural ou paysager de leur commune.
Cependant, la faculté laissée aux communes de fixer une superficie minimale
pour les terrains constructibles a parfois pu donner lieu à des excès et à des
dérives, il faut quand même le reconnaître, contre lesquelles il faut se
prémunir.
Le Gouvernement estime, à cet égard, que la rédaction de l'article 7 ne
présente pas, en l'état, toutes les garanties nécessaires. L'amendement de M.
Alduy vise à encadrer la fixation par les communes d'une surface minimale des
terrains constructibles et à définir, avec beaucoup de pertinence, des critères
afin d'éviter, précisément, les dérives. Le Gouvernement y est favorable. Si le
Sénat adopte l'amendement n° 5 rectifié, le Gouvernement s'en remettra, sur
l'article 7, à sa sagesse et, bien sûr, à la volonté des élus locaux.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 18 et 46.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8