SEANCE DU 13 NOVEMBRE 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Communication du Conseil constitutionnel (p. 1 ).

3. Organismes extraparlementaires (p. 2 ).

4. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 3 ).

5. Communication du Gouvernement (p. 4 ).

6. Rappel au règlement (p. 5 ).
Mme Nicole Borvo, MM. le président, Dominique Braye, Michel Dreyfus-Schmidt.

7. Sécurité intérieure. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 6 ).
Discussion générale : M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Mme Janine Rozier, représentante de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ; MM. Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Robert Bret, Jacques Peyrat, Paul Girod, Bernard Plasait, Alex Türk, Michel Dreyfus-Schmidt, François Zocchetto, François Autain, Roger Karoutchi, Aymeri de Montesquiou.

Suspension et reprise de la séance (p. 7 )

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

M. Ladislas Poniatowski, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Pierre Hérisson, André Vallet, Mme Françoise Henneron, M. Jean-Claude Carle.
Clôture de la discussion générale.
MM. le ministre, Jacques Mahéas.

Exception d'irrecevabilité (p. 8 )

Motion n° 258 rectifié de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. Roger Karoutchi, le rapporteur. - Rejet par scrutin public.

Question préalable (p. 9 )

Motion n° 165 de M. Louis Mermaz. - MM. Louis Mermaz, Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois ; Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet par scrutin public.
Renvoi de la suite de la discussion.

8. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 10 ).

9. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 11 ).

10. Dépôt de rapports (p. 12 ).

11. Ordre du jour (p. 13 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

COMMUNICATION
DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 8 novembre 2002, les observations du Conseil constitutionnel sur l'élection présidentielle des 21 avril et 5 mai 2002.
Acte est donné de cette communication.
Ces observations du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel , édition des lois et décrets.

3

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein :
- du Conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers ;
- du Conseil d'administration de l'Établissement public de financement et de restructuration ;
- du Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite les commissions des affaires économiques, des finances et des lois à présenter des candidatures. Les nominations au sein de ces organismes auront lieu ultérieurement.

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l'Etat actionnaire pour 2002, établi en application de l'article 142 de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

5

COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 13 novembre 2002, relative à la consultation de l'assemblée de la Polynésie française sur le projet de loi pour la sécurité intérieure.
Acte est donné de cette communication.
Ce document a été transmis à la commission des lois.

6

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Mme Nicole Borvo. Mon rappel au règlement est relatif à l'organisation de nos travaux.
A cinq heures, ce matin, la majorité sénatoriale a obtenu à l'arraché l'adoption d'un texte que je qualifierai de « revanchard », tendant à remettre en cause l'objectif de mixité sociale dans les zones urbaines fixé par l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU ».
La proposition de loi présentée par la majorité sénatoriale et rapportée par M. Dominique Braye vise en effet à supprimer la disposition de la loi SRU incitant les communes situées en zone urbaine à construire des logements locatifs sociaux afin d'atteindre le seuil de 20 % ou de 25 %, selon la taille et la localisation de la collectivité territoriale, par rapport à l'ensemble du parc.
Cette loi tendait notamment, monsieur le ministre, à apporter des solutions pour les ghettos de misère, de pauvreté et de violence sociale où prospère la mal-vie.
M. Charles Revet. C'est vous qui l'organisez !
Mme Nicole Borvo. L'attitude de la droite, sur la question du logement, est révélatrice d'une volonté de désigner les pauvres, les gens dans le besoin comme des menaces pour les autres. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. C'est ridicule !
Un sénateur du RPR. Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
Mme Nicole Borvo. Au nom de quelle légitimité les élus locaux s'arrogeraient-ils le droit de choisir les habitants des communes qu'ils administrent ? Il s'agit aujourd'hui d'un problème majeur pour notre société, d'un élément incontournable de toute reconstruction des zones urbaines et du tissu social.
Aussi le débat d'hier soir était-il inacceptable, en particulier sur le plan formel. En effet, comment tolérer que le Sénat débatte d'un sujet si important dans une telle précipitation, sans concertation préalable avec les intéressés ?
Un sénateur du RPR. C'est faux !
Mme Nicole Borvo. Le Gouvernement, la majorité sénatoriale vont-ils poursuivre longtemps cette marche forcée qui fait fi des principes élémentaires des discussions démocratiques ? (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Nous avons constaté cette accélération des débats hier lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, ce matin à l'occasion de l'examen de la proposition de loi portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, et nous la constaterons peut-être au cours de la discussion du projet de loi pour la sécurité intérieure, pour lequel l'urgence a été déclarée. (M. Jean Chérioux s'exclame.)
M. Henri de Raincourt. Il y a urgence, effectivement !
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, le Parlement de notre pays ne peut être réduit à jouer ce rôle, de plus en plus caricatural, de chambre d'enregistrement. Vous invoquez souvent la nécessité de contre-pouvoirs dans le jeu institutionnel : où sont-ils aujourd'hui si l'opposition parlementaire, et même le Parlement dans son ensemble, est ainsi mis devant le fait accompli ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Philippe François. Et il ne l'a jamais été auparavant, peut-être ?
Mme Nicole Borvo. Sur le fond, je souhaite souligner que l'attitude de la droite sénatoriale sur la question du logement social met en évidence l'effet d'affichage que vous cherchez à obtenir, monsieur le ministre, au travers du projet de loi que nous nous apprêtons à examiner.
En effet, comment pourrions-nous croire que vous voulez lutter contre l'insécurité, en particulier quand elle atteint les plus pauvres de nos concitoyens, alors que vos amis remettent en cause ici même toute tentative d'apporter une solution de fond en poussant à la pérennisation et au renforcement des ghettos de pauvreté ? (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Monsieur le président, je tenais, par cette intervention solennelle, à protester contre ces méthodes de travail qui visent à faire adopter à la sauvette de graves mesures de régression sociale. La conférence des présidents devrait se réunir afin de mettre en place une organisation plus acceptable de nos débats parlementaires. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame Borvo.
La parole est à M. Dominique Braye, pour un rappel au règlement.
M. Dominique Braye. Je m'attendais à cette mise en cause.
Nous avons travaillé toute la nuit ; l'examen du texte s'est achevé ce matin à cinq heures et je remercie tous les collègues qui ont participé à ce débat.
J'ai été mandaté par la commission des affaires économiques, voilà plus de six mois, procéder à l'évaluation de l'application des quatre lois Voynet, Chevènement, Gayssot et Vaillant...
M. Jean Chérioux. Elles sont catastrophiques !
M. Dominique Braye. ...et essayer de les mettre en cohérence. Il y a du travail !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. Henri de Raincourt. Et avec Mme Borvo, c'était un rappel au règlement ?
M. Dominique Braye. Le rapporteur que je suis a donc tout simplement proposé (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) qu'un certain nombre de blocages évidents - et l'article 55 de la loi SRU en était un - soient levés le plus rapidement possible.
La droite sénatoriale a souhaité remplacer la logique de la contrainte et de la sanction de la loi SRU par la politique du contrat et de la confiance. (Applaudissements sur plusieurs travées du RPR.)
M. Guy Fischer. Vous punissez les pauvres !
M. Dominique Braye. Certes, la loi SRU a entraîné un petit dynamisme dans le logement social, mais elle atteignait déjà ses limites et il fallait lui redonner du souffle.
Mme Nicole Borvo. Elle est bien bonne celle-là !
M. Robert Bret. C'est pour cela que vous l'amputez !
M. Dominique Braye. L'objectif que s'était fixé votre rapporteur et qui a été partagé cette nuit par les membres de la majorité sénatoriale, c'était de faire en sorte que l'on redonne un nouveau souffle à la mixité sociale,...
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Dominique Braye. ... à l'accès au logement pour tous, notamment aux personnes les plus modestes. Nous y sommes parvenus.
M. Gérard Le Cam. Péniblement ! Vous n'étiez même pas d'accord avec le Gouvernement !
M. Dominique Braye. Tout le monde, et le ministre lui-même,...
M. Robert Bret. Même le ministre était gêné !
M. Dominique Braye. ... a reconnu que le chiffre de logements construits serait supérieur si toutes les communes s'engageaient dans le nouveau dispositif.
Nous faisons confiance aux élus locaux pour contractualiser avec l'Etat, en sachant que ceux qui ne voudront pas le faire seront bien sûr soumis aux dispositions de l'ancienne loi SRU.
Je terminerai par deux chiffres. Avec l'ancienne loi SRU, au mieux 20 000 logements étaient construits par an.
M. Jean-Pierre Sueur. Quel rapport avec le règlement ?
M. Dominique Braye. Si toutes les communes s'engagent dans le nouveau dispositif, ce seront 24 000 logements qui seront construits ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE. Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Et nous avons demandé qu'au terme d'une période triennale soit dressé un bilan de la construction des logements sociaux, qui fera l'objet d'un rapport devant le Parlement.
Mme Nicole Borvo. Vous l'avez déjà dit hier !
M. Dominique Braye. J'ai hâte d'être dans trois ans, et je donne rendez-vous à nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le rapport établi par la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le projet de loi que nous examinerons dans un instant, rapport auquel le Gouvernement a prêté le plus grand intérêt, si j'ai bien lu les derniers sous-amendements qu'il a présentés ce matin, commence ainsi : « Votre délégation tient d'abord à exprimer son vif regret de n'avoir disposé que de très peu de temps - quelques jours - pour se prononcer sur un dispositif pourtant essentiel. Son rapporteur n'a pu procéder qu'à un petit nombre d'auditions, alors qu'une consultation de tous les services, organismes et associations concernés par ce dossier aurait été évidemment souhaitable. Elle exprime donc avec force le voeu que puissent prévaloir à l'avenir des conditions d'examen des textes législatifs moins précipitées. »
Un sénateur socialiste. Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. Braye vient de nous expliquer ce qui s'est passé cette nuit. Apparemment, il avait encore des choses à dire... Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce matin, à cinq heures, il n'y avait plus beaucoup de monde dans l'hémicycle. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. Détrompez-vous !
M. Hilaire Flandre. Vous n'étiez pas là pour le voir !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai moi-même jeté l'éponge à deux heures. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) D'autres l'ont fait à trois heures. Nous aurions aimé que nos collègues assistent à ce débat, comme nous aimerions qu'ils assistent à tous les débats, mais ce n'est pas possible compte tenu des conditions dans lesquelles on nous fait travailler. Elles ont été dénoncées, à juste titre, par Mme Borvo, et la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes, dont les membres appartiennent en majorité à la droite sénatoriale, est du même avis.
M. Philippe Darniche. Ici, ce ne sont pas les 35 heures !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est sur ce point que je souhaitais intervenir, monsieur le président. Nous ne devions plus avoir de séance de nuit. Or, maintenant, il y en a tous les jours.
M. Hilaire Flandre. C'est une des conséquences des 35 heures !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes des êtres humains, nous ne pouvons pas tout suivre. Or nous le voudrions. Nous vous remercions, monsieur le président, de demander à la conférence des présidents d'en tenir le plus grand compte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

7

SÉCURITÉ INTÉRIEURE

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 30, 2002-2003) pour la sécurité intérieure. [Rapport n° 36 (2002-2003) et rapport d'information n° 34 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d'être de nouveau devant vous pour présenter un projet de loi qui répond tout à la fois à la préoccupation prioritaire des Français, celle de la sécurité, aux leçons qu'il nous fallait tirer des deux derniers scrutins présidentiel et législatif, à la stupeur des Français et, plus encore, de nos partenaires étrangers devant la présence du leader d'extrême droite au second tour de l'élection présidentielle, à la crise de la représentation politique qui, selon nos concitoyens, ne se préoccupe pas assez de la vie réelle et se préoccupe trop de sa représentation virtuelle, et, enfin, à l'appel de nos concitoyens en faveur du rétablissement de valeurs républicaines fondamentales, dont ils pensent, à une immense majorité, qu'elles ont été délaissées.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. En juillet dernier, vous avez approuvé, à une large majorité, la politique de sécurité que le Gouvernement vous a proposée pour les cinq années à venir.
Le projet de loi de finances pour 2003 permet d'ores et déjà de garantir que 40 % des moyens prévus dans la LOPSI, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, seront effectivement engagés.
Même si c'est loin de me satisfaire, car c'est à un recul et à un recul durable auquel je veux aboutir, les premiers résultats, les tout premiers résultats de notre politique se font sentir. Certes, ils demandent à être confirmés et, surtout, à être amplifiés. Mais chacun peut noter que la progression de la délinquance est désormais stoppée. Depuis le mois de mai, c'est un fait, la délinquance n'augmente plus dans notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste),...
M. Jacques Mahéas. Les statistiques, c'est du pipeau !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... alors que, de janvier à avril 2002, sur les seuls quatre premiers mois de l'année, elle augmentait de 5 %. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Nicole Borvo. Alors, à quoi le présent projet de loi sert-il ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et je ne doute pas que si les résultats avaient été inverses l'opposition se serait manifestée, à juste titre, pour me reprocher cette augmentation qu'elle n'a pas pu constater. (Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Aujourd'hui, il faut poursuivre cette action. Les dispositions que je vais vous proposer ont pour objet d'améliorer l'efficacité des forces de l'ordre et d'apporter une réponse pénale à des comportements que l'Etat actuel de notre droit ne permet pas de prendre en compte. Nos concitoyens les plus modestes, ceux qui ne peuvent compter que sur l'Etat pour les défendre, ne supportent plus d'être les victimes expiatoires d'un système politique qui ne les écoute pas et qui ne leur donne jamais la parole. Ce texte, que le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a l'honneur de vous présenter, c'est d'abord le texte de la France des oubliés, de la France dont on n'a jamais tenu compte tout au long de ces dernières années.
M. Jean Chérioux. Effectivement !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est d'eux, d'abord, que nous souhaitons nous faire comprendre ; c'est pour eux, d'abord, que nous vous proposons d'agir.
Les dispositions que je vous présente ne sont pas marquées du sceau de l'idéologie. Elles sont simples, pragmatiques, équilibrées et, de surcroît, profondément respectueuses des droits de l'homme. Elles apportent des réponses précises à des situations précises. Chacun sera en mesure de les comprendre et de porter un jugement. Il n'y aura ni tabous ni périphrases. Ces mesures sont d'abord motivées par deux préoccupations qui les transcendent toutes : celle de l'attention que nous devons aux victimes d'aujourd'hui et celle de l'efficacité que nous devons pour éviter les victimes de demain.
Le débat qui s'ouvre est important.
M. Gérard Le Cam. Moins de gendarmes en milieu rural !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Permettez-moi de souhaiter qu'il soit exemplaire par la volonté que nous pourrions tous, quelles que soient nos sensibilités politiques, y mettre à parler vrai, à voir les problèmes en face, à ne pas faire dire aux mots ce qu'ils ne disent pas, et à tenter de nous rassembler sur des sujets que nos concitoyens considèrent comme prioritaires et sur lesquels ils attendent non pas une réponse de la droite ou une réponse de la gauche, mais une réponse de la France à une situation quotidienne inadmissible. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je serai le premier à reconnaître que la droite n'a pas le monopole de la sécurité pour peu qu'une certaine gauche veuille bien abandonner des postures...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Des attitudes !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... qui l'ont fait perdre dans un passé récent et qui risqueraient de la ridiculiser tant l'outrance de certains propos a été caricaturale. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela vous va bien ! Chassez le naturel...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai dit : « une certaine gauche », ne se sentent visés que ceux qui sont concernés ! (Sourires et applaudissements sur les mêmes travées.) J'ai en effet observé que tous, à gauche, ne pensaient ni de façon outrancière, ni de façon qui pouvait être déplacée par rapport à la réalité que connaissent nos concitoyens.
Soyons réalistes ! Cessons de tout excuser à force de tout vouloir expliquer, y compris l'inexcusable, et donc l'inexplicable.
Mme Nicole Borvo. C'est votre interprétation !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Arrêtons de croire que la violence est un phénomène passager, qui disparaîtra avec le retour de la croissance économique. De surcroît, ne méprisons pas ceux de nos concitoyens qui souffrent quotidiennement de l'insécurité en les accusant de devenir sécuritaires, intolérants, victimes des aléas de mesures statistiques ou, pis, du sentiment d'insécurité. Ne dénions pas aux Français le droit d'avoir peur s'ils ont peur. Ne leur disons pas qu'ils ont tort d'avoir peur si c'est ce qu'ils ressentent.
Un sénateur du RPR. Bien sûr !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Au nom de quel droit et en vertu de quelle supériorité devrait-on donner des leçons à ceux de nos compatriotes qui habitent dans les quartiers où la situation de la violence est inadmissible, en leur disant en plus : vous devez subir cette violence, ne rien dire et, de surcroît, vous excuser d'avoir peur ? Ce n'est pas comme cela que l'on réconciliera nos concitoyens avec les valeurs de la République ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La réalité est malheureusement simple. La délinquance, notamment celle qui concerne les actes les plus violents, a augmenté dans des proportions considérables ces dernières années, au point de bouleverser la vie de certains de nos compatriotes. Oui, ayons le courage de reconnaître que l'Etat a été défaillant dans sa mission première,...
Un sénateur du RPR. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... qui consiste à défendre les plus modestes. Et dans une singulière inversion des valeurs, il faudrait qu'en plus ces derniers, les plus modestes, s'excusent de demander à se plaindre d'une situation qui est inacceptable et qui leur est imposée.
Nous avons le devoir de leur rendre la quiétude à laquelle ils aspirent, comme nous avons le devoir de les détourner de l'intolérance et des choix extrêmes.
Mme Nicole Borvo. Idéologiques !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et je ne suis pas de ceux qui pensent que 5 500 000 Français qui s'expriment pour Jean-Marie Le Pen après cinq années de gouvernement de Lionel Jospin, c'est la marque d'un très grand succès. (Applaudissements sur les mêmes travées et protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Gérard Le Cam. Vous avez passé des alliances avec Le Pen !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Car ces concitoyens qui s'expriment pour eux-mêmes, ce sont les plus modestes, ceux que vous auriez dû écouter, entendre, défendre et représenter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Mahéas. C'est un peu court !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et c'est à ceux-là que nous voulons, nous, nous adresser ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Oui, je l'affirme, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter et que je vous demande, par vos remarques et par vos amendements, d'améliorer, c'est d'abord celui des plus pauvres, des plus modestes, de tous ceux dont la vie quotidienne est devenue un enfer - et je n'hésite pas à employer ce mot car c'est celui qui est utilisé dans les innombrables courriers que je reçois chaque jour.
Ce projet de loi est conçu pour protéger les plus démunis, ceux dont le travail est le plus pénible, ceux de nos compatriotes dont les temps de trajet dans les transports en commun sont les plus longs, ceux qui vivent au sein des cités les moins agréables et dans les appartements les moins confortables.
Mme Nicole Borvo. Et la loi SRU !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est d'eux que je souhaite d'abord être compris, c'est d'eux que je réclame d'abord le soutien, c'est d'abord d'eux que le Gouvernement aspire à être le représentant ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées. - Mme Nicole Borvo éclate de rire.)
Ils apprécieront les rires et les quolibets comme il se doit ! Nos compatriotes les plus modestes comprennent mieux que vous ne l'imaginez les réactions politiciennes et partisanes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous les connaissons mieux que vous !
Mme Nicole Borvo. Discours idéologique !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je précise que ceux qui ont critiqué ce projet de loi sur la sécurité en l'assimilant à un projet contre les pauvres se sont montrés particulièrement insultants pour les plus modestes de nos concitoyens.
M. Jacques Peyrat. Bien sûr !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ces critiques, en effet, - c'est un comble ! - assimilent, ni plus ni moins, pauvreté et délinquance. Elles semblent considérer que l'on est délinquant parce que l'on est pauvre !
Mme Nicole Borvo. C'est absurde !
M. Jean-Pierre Masseret. C'est du populisme !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est là une vision caricaturale de la pauvreté, et je me fais un plaisir de rappeler à ces professionnels de la pétition qu'il y a autant de délinquants chez les riches que chez les pauvres ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo. Ils ne sont pas visés par ce projet, les riches ; c'est ce qui est formidable !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. En revanche, on compte plus de victimes parmi les pauvres que parmi les riches. (Bravo ! et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées. - Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Ces victimes se trouvent dans les cités où il est plus difficile de respecter la loi que de l'enfreindre ; ces victimes se trouvent parmi d'honnêtes gens qui ont peiné une vie durant pour s'acheter une voiture et la voient brûlée par des voyous ; ces victimes se trouvent parmi les plus démunis, jetées sur le trottoir comme une marchandise sur un étal de marché, esclaves de proxénètes ou de réseaux mafieux.
Mme Nicole Borvo. Où sont les mesures contre les délinquants riches ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Assimiler la quête d'une plus grande sécurité à une agression contre les droits de l'homme est un contresens absolu : que sont les droits de l'homme sans droit à la sécurité ?
Sauf pour ceux qui, ne connaissant pas l'insécurité dans leur vie quotidienne, s'étonnent que ceux de leurs concitoyens qui ne bénéficient pas du même confort n'éprouvent pas les mêmes préciosités. Les « précieuses ridicules » sont ainsi réinventées ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo. Quelle honte !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le combat pour les droits de l'homme est une exigence profondément respectable, à condition que l'on ne se trompe pas d'époque, ni de lieu, ni de sujet. Assimiler la France de 2002 à une dictature est indigne !
Mme Nicole Borvo. Qui a dit cela ?
M. Guy Fischer. Personne n'a dit cela !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Accuser ce projet de loi d'être liberticide est grotesque ; croire qu'il met notre démocratie en danger est stupide.
Mme Nicole Borvo. Qui a dit cela ?
M. Jean Chérioux. C'est ridicule !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il y a une différence entre cette conception des droits de l'homme et la nôtre. Les auteurs d'actes délictuels, ou ceux qui sont soupçonnés d'en être les auteurs, doivent bien évidemment bénéficier de toutes les garanties pour assurer leur défense et faire reconnaître leur innocence. C'est une exigence impérieuse.
Mais, lorsque je pense aux droits de l'homme, je pense qu'il faut avant tout prendre en compte ceux de la victime et, dois-je le dire, avant même ceux de l'accusé. Or je ne suis pas sûr que la priorité, ces dernières années, ait toujours été donnée aux droits de la victime. Le doute est permis. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Allons donc !
Mme Nicole Borvo. Ces droits existent !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il est tout de même temps de se souvenir que le code pénal est d'abord fait pour dissuader du crime et pour le sanctionner.
Liberté et sécurité ne sont pas contradictoires. Liberté et sécurité riment parfaitement.
Mme Nicole Borvo. Ah bon ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Peyrefitte !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. La police et la gendarmerie doivent voir leurs pouvoirs encadrés.
Mme Nicole Borvo. Ne fermez pas les commissariats, alors !...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'y veille quotidiennement, et je n'hésiterai pas à sanctionner sévèrement le moindre écart par rapport au droit qu'il me serait donné de connaître.
Mais j'avoue ne pas comprendre et ne pas accepter ces procès a priori dressés aux hommes et aux femmes qui composent nos forces de l'ordre républicaines. Ils font leur travail avec courage, avec dévouement, avec abnégation.
Mme Nicole Borvo. Ils ne sont pas tous contents du projet de loi !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ces procès en sorcellerie sont inacceptables. Ce sont d'abord la délinquance et l'insécurité qui portent atteinte aux droits et aux libertés des autres ! Et ce n'est pas en privant des moyens juridiques dont ils ont besoin les policiers et les gendarmes, qui, malgré les difficultés de leur mission, agissent dans le strict respect des lois de la République, que nous leur permettrons de préserver la première des libertés de nos concitoyens : la sécurité !
Mme Nicole Borvo. Ils ne sont pourtant pas tous contents de voir fermer leurs commissariats !
Mme Hélène Luc. Nous ne vous avons pas attendus pour rendre hommage à la police !
Mme Nicole Borvo. Vous n'en avez pas le monopole !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Améliorer l'action des services de police et de gendarmerie, ce n'est ni plus ni moins que renforcer la prévention.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Encore récemment, à Strasbourg, un éducateur se plaignait auprès de moi de ne plus pouvoir travailler dans le quartier de Hautepierre, et il soulignait qu'il en serait ainsi aussi longtemps que la sécurité n'y serait pas rétablie.
C'est là une évidence. Le discours de la prévention n'a aucun sens dans un quartier où devenir trafiquant de drogue est sans risque.
Mme Nicole Borvo. Alors, poursuivez les trafiquants de drogue et ceux qui en profitent !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. On ne négocie pas pour rétablir la loi républicaine, on ne demande pas aux délinquants le droit de rétablir l'Etat de droit : on le rétablit, puis on discute. C'est dans cet ordre que les choses doivent se passer, et non dans un autre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Ayons enfin la volonté de parler des questions que le projet de loi aborde sans travestir son contenu, avec le réalisme et la hauteur de vue qu'elles exigent. Voyons les choses en face : les sujets traités méritent qu'il en soit ainsi.
Je n'accepterai aucun amalgame à propos de ce texte. J'ai voulu mettre un terme à des comportements inacceptables pour nos concitoyens,...
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... mais j'ai pris toutes les précautions pour qu'aucune catégorie de population ne soit désignée dans sa globalité. (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
Ainsi, aucune mesure n'est dirigée, si peu que cela soit, contre les jeunes. Il est d'ailleurs temps de changer de vocabulaire. Lorsque des individus agressent, pillent, volent, ce sont des voyous, pas des jeunes.
Mme Paulette Brisepierre. Bravo !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Aucune mesure, dans le présent projet de loi, n'est destinée à empêcher les mendiants de mendier.
Mme Nicole Borvo. Et pourtant !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Aucune mesure ne vise à interdire aux gens du voyage le mode de vie qui est le leur.
Mais n'assimilons pas toutes ces catégories aux comportements d'une minorité qui, depuis trop d'années, se croit tout permis et à qui on a laissé faire n'importe quoi ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nous allons dire tous ensemble que cela a trop duré, que cela suffit !
M. Hilaire Flandre. Il faut agir !
Mme Hélène Luc. On dirait vraiment que rien n'a été fait avant que vous arriviez !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Désormais, la police disposera des moyens nécessaires pour disperser les groupes qui exercent une pression insupportable sur les passants pour leur demander de l'argent en les menaçant, en les bousculant, en les provoquant.
Désormais, il sera possible de sanctionner pénalement l'occupation illégale de propriétés privées ou publiques.
Mme Nicole Borvo. C'est déjà prévu !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais fallait-il ignorer ces comportements ? Fallait-il prolonger l'impuissance publique qui faisait qu'un maire devait attendre parfois des semaines, voire des mois, avant que ne soit mis un terme à la violation d'une propriété privée ou communale ?
M. Michel Doublet. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je précise que les dispositions qui sont présentées vont en même temps permettre une accélération de la construction d'aires d'accueil pour les gens du voyage.
Mme Nicole Borvo. Ah bon ? Des communes sont volontaires ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ainsi, vous comprenez l'esprit de ce texte : sévérité et générosité ne sont plus des valeurs virtuelles ; elles deviennent bien réelles. Il n'était que temps !
Je souhaite vraiment que nous ayons un débat à la hauteur des attentes, que nous ne sombrions pas dans le discours de caricature. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)
M. Gérard Delfau. Cela commence mal !
Mme Nicole Borvo. On nous accuse avant que nous ayons parlé !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Légiférer au bénéfice des plus faibles, c'est finalement la façon la meilleure et sans doute la plus efficace de combattre l'extrémisme sous toutes ses formes. Rétablir l'ordre républicain, c'est aussi donner toutes leurs chances à la politique de la jeunesse, à la politique de la ville, à la politique de l'éducation, qui seront d'autant plus efficaces que la règle sera rappelée, que la règle sera respectée, que la règle sera incarnée.
Mme Nicole Borvo. Où est le projet de loi ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Notre débat dépasse les clivages politiques. Si l'Etat est trop fragile pour assurer sa première mission, l'ensemble de la République vacillera. Si nous apportons encore des réponses théoriques, empreintes de grands théorèmes, mais parfaitement inadaptées aux réalités, nous pérenniserons cette image d'un Etat technocratique, d'un Etat inefficace, d'un Etat aveugle, livré au totalitarisme du faussement « bien-pensant ».
Mme Nicole Borvo. Venons-en au projet de loi !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le texte que je vous présente aujourd'hui s'organise en 57 articles, regroupés en six titres.
Premier titre : améliorer l'efficacité des services de sécurité intérieure.
Deuxième titre : éviter que des armes ne soient détenues par des déséquilibrés.
Troisième titre : donner aux polices municipales les pouvoirs correspondant aux compétences des maires.
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quatrième titre : assainir et rendre transparent le monde des activités de sécurité privée.
Cinquième titre : mettre un terme à la progression constante des agressions à l'encontre des représentants de l'Etat et de leurs familles.
Le dernier titre, enfin, prévoit les conditions d'application de ce projet de loi à l'outre-mer.
L'idée-force du projet de loi est de redonner du crédit à la parole publique et de l'efficacité à l'action publique. Pas un centimètre carré de la République ne doit être considéré comme une zone de non-droit.
Le texte prévoit donc d'améliorer l'action des services de sécurité pour que les victimes n'aient plus le sentiment que « la police ne fait rien ».
Je ne détaillerai pas les premiers articles, qui confient aux préfets la direction des actions de sécurité intérieure dans les départements : c'est le prolongement logique de la réorganisation nationale qui place policiers et gendarmes sous l'autorité opérationnelle du ministre chargé de la sécurité intérieure.
Je soulignerai, pour lever toute ambiguïté, que dorénavant la gendarmerie, comme la police, obéira aux instructions du préfet, de façon que ces deux forces soient mieux coordonnées.
Les compétences des officiers de police judiciaire seront élargies, car les délinquants se moquent de nos subtilités administratives.
J'en viens aux pouvoirs des policiers municipaux. Depuis 2000, ils ont pour mission de faire respecter la plupart des dispositions du code de la route sans avoir pour autant les pouvoirs correspondants. Comment expliquer qu'ils puissent dresser des contraventions mais n'aient pas le droit de consulter le fichier des véhicules volés ? Ce projet de loi leur permettra d'exercer pleinement leur mission en leur donnant accès aux informations permettant d'identifier le propriétaire d'un véhicule, ou encore en leur conférant le pouvoir d'ordonner la mise en fourrière d'un véhicule sans mobiliser un fonctionnaire de la police nationale pour l'assister.
Cependant, l'un des principaux objectifs du texte est d'améliorer les moyens d'action de la police et de la gendarmerie.
Il faut que les services d'investigation disposent des moyens les plus modernes.
La sécurité n'est pas menacée par les services de l'Etat : la sécurité est menacée par les criminels, par les délinquants, par les voyous.
En premier lieu, seront autorisées les visites de véhicules, plus généralement appelées « ouverture des coffres ».
Nous avons souhaité mettre un terme à la jurisprudence selon laquelle la voiture est un espace privé où même la loi ne peut entrer.
M. Pierre Fauchon. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski. C'est de bon sens !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Un coffre de voiture, chacun peut en convenir, n'est pas un domicile.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et je ne vois pas en quoi le fait d'ouvrir son coffre de voiture représenterait une atteinte aux droits de l'homme !
M. Ladislas Poniatowski. Mais bien sûr, c'est très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le ridicule a ses limites ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
En revanche, on peut tout à fait imaginer que dans un coffre de voiture se trouvent des armes, de la drogue, le produit d'un cambriolage. C'est du reste ce qu'observent les services de police quand ils ont la possibilité de procéder à des contrôles : les véhicules sont des cachettes ambulantes bien pratiques, et rien ne justifie qu'elles restent fermées aux lois de la République.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Toujours plus !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ajoute qu'il est étrange que les douaniers aient la possibilité d'ouvrir les coffres de voiture. Et cette possibilité, qui n'est pas attentatoire aux droits de l'homme lorsque c'est un douanier qui l'utilise, le deviendrait lorsqu'il s'agit d'un policier ou d'un gendarme ? (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Aussi proposons-nous d'étendre les cas de visites de véhicules à la recherche d'infractions de vol et de recel, aux cas de flagrant délit, ou pour prévenir une atteinte à l'ordre public.
Personne ne doit craindre d'être intempestivement arrêté. Hormis les cas de crimes et de délits flagrants, il est clairement établi que ces contrôles ne pourront avoir lieu que sur décision du procureur, ou avec l'accord du propriétaire.
Dans le même esprit, nous avons voulu moderniser et fiabiliser les moyens techniques au service des enquêteurs, je veux parler de la question des fichiers.
La protection de la vie privée n'est pas incompatible avec celle de la vie d'autrui. Au contraire, ce texte précise les données personnelles qui pourront être contenues dans les fichiers des services de police et de gendarmerie. Notre objectif n'est pas, bien sûr, de « ficher » soixante millions de Français ! A quoi, d'ailleurs, cela pourrait-il bien servir ?
Mme Nicole Borvo. Cela pourrait toujours être utile !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est certainement pas sur les travées de la majorité sénatoriale que l'on a jamais eu l'idée de ficher tout le monde, si vous voyez ce que je veux dire, par référence à une autre époque, à d'autres pays, à d'autres traditions ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Un sénateur socialiste. Lesquels ?
MM. Eric Doligé et Adrien Gouteyron. Très bien !
Mme Hélène Luc. Il faut regarder l'avenir, monsieur le ministre !
Mme Nicole Borvo. Heureusement que nous étions là, contre la délation !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nous ajoutons simplement aux fichiers existants les noms de ceux qui sont interdits de séjour ou soumis à des mesures particulières dans le cadre du contrôle judiciaire.
Chacun mesure-t-il le pathétique de la situation actuelle ? Prenons l'exemple d'une personne qui est interdite de stade parce qu'elle a été condamnée par la justice. Elle peut y retourner, puisque, même si elle est contrôlée, la police ne peut avoir connaissance de la décision prise ! L'extension des informations contenues dans les fichiers de police permettra, d'abord, de mieux faire respecter les décisions de justice qui ne se trouvent pas aujourd'hui dans le fichier et d'améliorer le travail des enquêteurs.
Mais il est également proposé que certains services administratifs aient accès à une partie des informations. Cette ouverture est limitée aux enquêtes les plus sensibles concernant les installations prioritaires de la défense et l'accès aux emplois relevant de la sécurité ou de la défense.
Le texte prévoit également que ces fichiers puissent être consultés par exemple avant de délivrer un titre de séjour...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Evidemment !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... ou la nationalité française. Là encore, la situation actuelle n'est rien moins que grotesque. Les grands principes nous empêchent ainsi de vérifier qu'un candidat au poste d'agent de sécurité d'une centrale nucléaire n'est pas soupçonné d'avoir participé à des attentats. (Mme Nicole Borvo s'exclame.) La nationalité française ou un titre de séjour peut aujourd'hui être accordé à une personne impliquée dans un trafic de drogue,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, suspectée !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... faute de le savoir. Vous percevez rapidement l'intérêt de ces dispositions. Et c'est sans doute moins leur contenu que leur absence jusqu'à présent qui doit être critiquée.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Dans le même esprit, il est proposé d'étendre les informations contenues dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Créé par qui ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... pour y inclure les personnes condamnées ou objectivement soupçonnées des actes les plus graves tels que les délits de violence contre les personnes ou mettant en danger l'ordre public. Là encore, ces dispositions sont non pas l'annonce d'un Etat policier, mais la fin d'un Etat aveugle. Le fichier des empreintes génétiques est au xxie siècle ce que le fichier des empreintes digitales était au siècle dernier. A quoi peut-il servir s'il comporte simplement, comme en France, un millier de noms...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il vient d'être créé !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... alors qu'au Royaume-Uni il en comporte 1 700 000 ?
Est-il choquant de pouvoir identifier des personnes soupçonnées de viols (Mme Nicole Borvo s'exclame) alors que l'on connaît le taux de récidive des délinquants sexuels ? Est-il choquant de pouvoir identifier des personnes soupçonnées de proxénétisme ? Je ne le crois pas.
En revanche, j'ai été meurtri lorsque j'ai reçu les familles de ces trois pauvres victimes de la Somme et leur ai annoncé qu'il serait difficile de retrouver l'assassin ou les assassins de leurs filles, faute de disposer d'un fichier adapté.
Savez-vous qu'au Royaume-Uni le fichier des empreintes génétiques a été consulté en 2001 à 60 000 reprises ? (Mme Nicole Borvo s'exclame.) Pourquoi refuser aux familles des victimes d'aujourd'hui ou, hélas ! à celles des victimes de demain le droit pour la police et la gendarmerie de bénéficier des progrès de la science afin d'être plus efficaces ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et en Suisse ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Telle est la question que nous devons nous poser.
Loin de porter atteinte aux droits et libertés, ce projet de loi les affermit. Je vais le prouver : nous allons enfin...
Mme Nicole Borvo. « Enfin » !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... donner un cadre législatif aux fichiers et, ainsi, satisfaire une demande ancienne de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL.
Toutes les dispositions qui vous sont présentées répondent à un principe essentiel du droit des fichiers : le principe de finalité. En d'autres termes, les enregistrements sont autorisés dans le seul souci d'améliorer l'efficacité des services de sécurité intérieure. Ils ne sont accessibles, et sous condition, qu'à cette fin.
Nous avons également voulu que ce texte affirme plusieurs principes essentiels du droit des fichiers. Je pense d'abord au droit à l'oubli. Les données ne sont conservées que sur une période donnée et effacées dès la relaxe ou le non-lieu.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un progrès !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je pense également à l'interdiction des interconnexions automatiques entre les différents fichiers des services publics. Enfin, le contrôle par l'autorité judiciaire...
M. Jacques Mahéas. Ah !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et les conditions d'accès à ces fichiers sont clairement posées dans le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter.
M. Jacques Mahéas. Non, pas clairement !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Par exemple, il n'est pas question d'ouvrir à quiconque l'accès aux fichiers dans le cadre d'enquêtes administratives.
Mme Nicole Borvo. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL, fixera les catégories de personnes qui ont accès à l'information, les conditions dans lesquelles les informations pourront être communiquées ou les conditions dans lesquelles une victime pourra s'opposer à ce que des informations la concernant soient conservées. De même, les informations inscrites dans le fichier des empreintes génétiques seront celles qui sont données au procureur, lequel aura ainsi un droit de contrôle sur son contenu, le juge des libertés et de la détention pouvant ordonner l'effacement de données à la demande des personnes.
Nous avons ainsi mis fin à tout risque d'arbitraire et d'anarchie, en clarifiant les conditions d'utilisation des fichiers de police. D'ailleurs, la CNIL, que le Gouvernement n'a pas consultée préalablement - il n'avait pas à le faire et il considère que le Parlement a tout autant qualité qu'une autorité indépendante pour se prononcer sur ces sujets -, mais qui s'est autosaisie de ce dossier, n'a relevé aucune atteinte aux libertés individuelles.
Cette information est, me semble-t-il, de nature à clore le débat sur ce point.
Un sénateur du RPR. Absolument !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Elle n'est pas d'accord avec votre texte !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous le constatez, l'objectif est bien d'être plus efficace pour que la loi soit réellement appliquée. C'est aussi pourquoi il est proposé que les services de police ou de gendarmerie puissent utiliser certains biens saisis. Il n'y a pas de raison que les grosses cylindrées si utiles aux délinquants ne puissent pas servir également aux représentants de la loi, sur décision judiciaire. Cela voudra dire que, comme dans toute bonne histoire, il y aura une morale ! La morale, c'est que les gros véhicules serviront aux policiers et aux gendarmes ! Je ne doute pas que cette initiative soit approuvée sur toutes les travées de la Haute Assemblée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Ce projet de loi doit aussi combler des lacunes du droit. Trop d'événéments récents ont montré que la législation en vigueur ne permet pas de prévenir de façon satisfaisante les risques pour la sécurité de nos concitoyens. Je suis, pour ma part, convaincu que la pire des politiques consiste à attendre un drame pour réagir avant d'agir. Nous devons penser aux possibles victimes de demain, nous devons anticiper, prévenir, protéger. C'est notre devoir, et nous devons l'assumer.
Le premier risque est évident : il concerne le terrorisme. C'est pourquoi, nous vous proposons de proroger jusqu'en décembre 2005 certaines dispositions de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, présentée par M. Vaillant. Elles permettront par exemple aux officiers de police judiciaire de contrôler les personnes, leurs bagages, les aéronefs dans les aéroports ou les navires dans les ports.
Le second risque est malheureusement bien connu : il s'agit des armes. Nous ne voulons pas faire peser de contrainte sur les chasseurs et les tireurs sportifs sous prétexte de réglementer pour réglementer. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, et M. Philippe François. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais, nous avons le devoir de trouver une solution rapide pour mettre un terme à un réel danger, celui que certains acquéreurs d'armes n'aient pas l'état mental que nécessite leur détention. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Les exemples récents en France et à l'étranger montrent que la question n'est pas sans fondements. Exiger un certificat médical des détenteurs d'armes semble de bon sens. En Espagne, en Grèce, au Portugal et, demain, en Belgique...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Enfin du droit comparé !
M. Nicolas Sarkozy, ministre ... ce certificat médical est exigé pour toute détention d'arme. Il est également logique qu'un professionnel de la santé puisse signaler que l'un de ses patients n'est pas sain d'esprit alors même qu'il avait connaissance de la possession d'une arme par celui-ci. (Mme Nicole Borvo s'exclame.) Aussi est-il proposé d'autoriser la levée du secret médical pour préserver la vie d'autrui. N'est-ce pas la finalité même du métier de médecin que de protéger la vie ?
Le texte prévoit encore un nouveau régime administratif des armes. Il n'a pas pour ambition de corriger les innombrables défauts de la classification actuelle des armes. Ce chantier sera engagé prochainement avec les professionnels. Ce projet vise seulement à mieux contrôler la diffusion de certaines armes, notamment les carabines 22 long rifle. Et il donne les moyens aux préfets d'engager les procédures utiles pour qu'une personne notoirement déséquilibrée ou dangereuse soit dessaisie de son arme.
Il vous est également proposé de mieux encadrer les activités des sociétés de sécurité. Nous ne pouvons pas ignorer les enjeux liés à ce secteur. Savez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il existe en France autant d'agents de sécurité privés chargés de prévenir les actes de malveillance que de policiers ? C'est un marché libre, en plein essor, qui touche des secteurs aussi sensibles que la protection des banques ou la surveillance de sites sensibles. Aussi, le projet de loi définit précisément les tâches de ces sociétés, renforce leur professionnalisation et les conditions d'agrément ou d'autorisation. Il faut que chaque entreprise soit autorisée, que l'exercice à titre individuel soit agréé et que les embauches soient, par-dessus tout, déclarées.
Mon objectif est que personne n'attende un drame pour découvrir que l'agent de sécurité était un malfaiteur ou un terroriste. Mon objectif est aussi de lutter contre le travail clandestin, trop souvent répandu. Là encore, vous constaterez que c'est non pas l'excès mais plutôt l'insuffisance du droit existant qui était une réelle menace pour la sécurité et pour les libertés individuelles.
Enfin, nous comblons une lacune du droit dont beaucoup de Français ont déjà fait les frais. Jusqu'à présent, rien n'obligeait les opérateurs à bloquer les téléphones portables volés. Or, les solutions techniques existent. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Je vous propose qu'elles soient désormais obligatoires. Cela devrait fortement limiter l'intérêt des voleurs pour les téléphones portables et, par conséquent, réduire le nombre de vols à l'arraché dont les conséquences psychologiques et parfois physiques sont très lourdes pour les victimes. Je ne doute pas que, sur toutes les travées de cette assemblée, on voudra bien considérer que l'on doit pouvoir faire un bout de chemin ensemble...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout de suite ! Aujour- d'hui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... sur une mesure qui n'est que de bon sens. J'ai d'ailleurs l'intention, dans les mois à venir, de vous proposer des mesures qui s'en inspirent, s'agissant du vol de véhicule qui devient véritablement un problème considérable. En effet, le vol de véhicule, c'est le premier pas vers les vols par voiture-bélier ou le transport de drogue. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Le projet de loi qui vous est soumis a pour ambition de combler le vide juridique qui empêche toute action efficace contre de nouvelles formes de délinquance. C'est sans doute un sujet difficile, mais nous nous sommes posé la question de savoir comment répondre à l'exaspération des Français qui ne supportent plus l'impuissance de la puissance publique face à l'insécurité quotidienne. Ne fermons plus les yeux, sans pour autant sombrer dans je ne sais quelle exagération sécuritaire ! La République, toute la République, mais rien que la République. Tel est bien l'enjeu !
Je vous propose des solutions républicaines et réalistes. Vous le verrez, nos cibles n'ont rien à voir avec les caricatures habituelles d'une intelligentsia qui parle beaucoup d'une France qu'elle connaît bien mal ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Robert Bret. C'est de l'abbé Pierre que vous parlez ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Elle lui est si différente qu'elle finit par lui être étrangère.
Mme Nicole Borvo. De qui parlez-vous ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. D'abord, le développement de la prostitution,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... sujet très douloureux qui ne se prête à aucune plaisanterie ni aucune légèreté.
M. Robert Bret. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nous savons que la prostitution, de nos jours, c'est d'abord l'exploitation d'êtres humains sous la contrainte...
Mme Nicole Borvo. Très juste !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... parfois, pis, l'exploitation de mineurs. Ce n'est ni plus ni moins que de l'esclavagisme.
C'est ensuite une activité lucrative.
Mme Nicole Borvo. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et si le proxénète prospère, c'est parce que le ou la prostitué est autorisé sur le trottoir.
Mme Nicole Borvo. Pas seulement, monsieur le ministre !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'aimerais que l'on m'explique au nom de quoi on dirait que le proxénétisme c'est de l'esclavagisme et on en tirerait la conclusion qu'il faut tolérer la prostitution qui nourrit le proxénète.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce sont des victimes !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si le proxénétisme, c'est de l'esclavagisme, alors il faut en tirer toutes les conséquences...
Un sénateur du RPR. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... sur la conséquence première qui est la prostitution sur nos trottoirs.
Mme Nicole Borvo. Lâchez les prostituées !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Plus de 60 % des prostituées sont aujourd'hui de nationalité étrangère.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Des victimes !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Or, bien sûr, les dispositions existantes sont à l'évidence inadaptées.
Monsieur Michel Dreyfus-Schmidt, si elles ne sont que des victimes pour vous, je me demande pourquoi vous avez accepté pendant tant d'années que le racolage actif soit un délit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout le monde l'a accepté ! Vous aussi !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le racolage actif est un délit, la prostituée est une victime ; vous l'avez accepté, et vous n'avez rien changé à cette réalité ! Et c'est une tartuferie que de considérer les prostituées comme des victimes, de dire que le racolage actif est un délit, et, dans le même temps, de fermer les yeux sur le racolage ! Nos compatriotes ne supportent plus tous ces bons sentiments de gens qui passent Porte de Clichy dans des voitures bien fermées (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame), ... qui regardent les prostituées dehors au travers des vitres fermées de leur véhicule...
Mme Nicole Borvo. Rouvrons les maisons closes, comme le demande Mme de Panafieu ! C'est plus propre !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... en disant : « Oh les pauvres ! », et qui s'en vont dîner en oubliant ce qu'ils viennent de voir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Ils doivent se reconnaître !
Mme Nicole Borvo. Cachez ces prostituées que je ne saurais voir !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Les dispositions existantes sont à l'évidence inadaptées. Qui peut croire que les prostituées, dont le racolage est autorisé, ont vraiment aujourd'hui la possibilité de dénoncer leur proxénète qui lui-même est hors la loi ?
Je vous propose un peu de réalisme. Le racolage ne sera plus actif ou passif : il sera interdit, car délictuel.
Un sénateur socialiste. Il va y avoir du boulot !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. De surcroît, dès lors que le racolage sera le fait de personnes étrangères en situation de court séjour, elles seront reconduites dans leur pays d'origine.
Certains affirment que nous sanctionnons les victimes alors qu'il faudrait viser les coupables, c'est-à-dire les proxénètes et les clients. Je vous rassure : les coupables seront directement visés. Le délit d'exhibition sera réhabilité...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il existe !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et une prostituée en situation irrégulière qui dénonce son proxénète pourra se voir attribuer, outre la protection des forces de l'ordre, un titre de séjour, ce qui sera la meilleure façon - j'allais dire la seule - de l'arracher au réseau qui l'a amenée dans un pays dont elle ne parle pas du tout la langue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Jusqu'au jugement !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Dans le même esprit, j'ai décidé de doubler les effectifs des services de police spécialisés dans la lutte contre les filières de prostitution.
Cela étant, nous n'avons pas créé un délit dans l'optique de punir des malheureuses qui, c'est vrai, sont plus souvent victimes que coupables. Si nous avons créé un délit, c'est, au contraire, pour les protéger ; l'argument est lumineux dans sa simplicité.
Mme Nicole Borvo. Pas tellement !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si l'on veut que l'exploitation de la prostitution cesse, nous devons réduire le phénomène de la prostitution lui-même.
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est cette réduction qui mettra un terme aux activités des proxénètes.
Pourquoi voulez-vous que les proxénètes albanais, bulgares, roumains, africains...
Mme Nicole Borvo. Français !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... se gênent pour faire venir des prostituées en France, pratiquant ainsi une véritable traite d'êtres humains, tout à fait comparable à l'esclavagisme, à partir du moment où cela ne coûte rien de mettre ces malheureuses sur le trottoir ?
J'aimerais que l'on m'explique comment dissuader ces six frères albanais de Lyon, que nous avons arrêtés, d'utiliser, de frapper, de violenter ces filles s'ils peuvent les mettre sur le trottoir sans encourir aucun risque ! Ils vivaient dans une chambre d'hôtel et l'ensemble de leurs biens se trouvaient en Albanie ! J'aimerais que l'on m'indique comment éradiquer ce phénomène sans s'attaquer à la prostitution !
M. Jacques Peyrat. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas cela que nous vous reprochons, monsieur le ministre !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si l'on veut que l'esclavage des prostituées étrangères cesse, nous devons organiser leur retour systématique dans leur pays d'origine. Depuis dix ans, la prostitution envahit nos villes. Il faut que cela cesse !
Je souhaite notamment que, sur le terrain, les liens entre les associations qui aident les prostituées et les préfectures soient renforcés. Il faut que les prostituées aient enfin un avenir autre que la perspective, soir après soir, d'une activité dégradante et de rencontres sordides.
Dans le même temps, nous devons être attentifs aux préoccupations de ceux qui vivent dans les quartiers où la vie est devenue impossible parce que la prostitution s'y est développée de façon exponentielle.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Tous ceux qui me demandent de fermer les yeux sur la prostitution de rue, qu'ont-ils à dire aux habitants de ces quartiers où, à la tombée de la nuit, on ne peut plus rentrer chez soi sans croiser des proxénètes, des clients, des détraqués et des prostituées ?
En vérité, ceux qui plaident pour le statu quo sont ceux qui résident dans des quartiers préservés !
M. Jacques Peyrat. Absolument !
M. Dominique Braye. Comme pour tous ces problèmes !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ceux qui vivent avec ce phénomène n'en peuvent plus !
J'ai voulu que, pour une fois, on entende la voix de ceux qui souffrent.
Le même raisonnement conduit à considérer que des mesures doivent être prises contre la minorité des gens du voyage qui s'installe de force sur des propriétés privées ou communales sans respecter aucune des règles minimales de la vie en société. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Murat. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pour autant, les gens du voyage ne doivent pas non plus être victimes d'amalgames qui seraient scandaleux, inadmissibles. Mais, lorsque l'un d'eux se comporte mal, il n'y a aucune raison qu'on doive le taire.
De fait, la situation actuelle se résume à l'impossibilité de faire respecter le droit de propriété. Vous connaissez bien le schéma, vous qui êtes les représentants des communes de France : un groupe arrive, avec des véhicules et des caravanes. Il s'installe sur un terrain, de préférence propre et bien situé, se branche sur les réseaux d'eau et d'électricité et repart en laissant aux propriétaires un amas de détritus ou un champ saccagé.
Pendant ce temps, le propriétaire engage une procédure civile, mais celle-ci, même s'il a saisi le juge des référés, ne peut en aucun cas, précisément parce qu'il s'agit d'une procédure civile, aboutir avant le départ du campement.
Je le répète, il ne s'agit nullement de stigmatiser les gens du voyage, qui sont, dans leur grande majorité, honnêtes. J'irai même plus loin : ils ont choisi un mode de vie qu'il nous appartient de respecter et de protéger, car ce mode de vie est une liberté.
En revanche, que certains enfreignent la loi, rendant la vie impossible à d'autres, et que l'on soit dans l'incapacité légale d'intervenir efficacement est proprement inadmissible et doit cesser. C'est pourquoi le Gouvernement propose de créer un nouveau délit, afin de donner un cadre juridique permettant à la police et à la gendarmerie d'intervenir immédiatement et, si nécessaire, d'enlever les véhicules, de suspendre le permis de conduire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Plus six mois de prison !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Loin de porter atteinte aux droits des gens du voyage, ce texte doit au contraire conforter les plus honnêtes. Il est ainsi, à l'évidence, de nature à accélérer l'aménagement d'aires d'accueil dans les communes.
En effet, si ce nouveau délit protège toutes les propriétés privées, il ne protégera les territoires communaux que dans les communes qui ont effectivement respecté leurs obligations vis-à-vis de la loi Besson. Car, il faut le savoir, cette loi que la gauche défend si ardemment n'est véritablement appliquée que dans vingt-quatre départements sur cent. Je n'ai donc que peu de leçons à recevoir...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Des leçons, vous en donnez sans arrêt !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... de la part de ceux qui ont si peu fait pour les gens du voyage et pour les installations. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, que vous ayez le ministère de la parole au moment où vous êtes dans l'opposition, c'est normal, mais c'est en vérité le seul que vous ayez réellement exercé avec brio, s'agissant des gens du voyage, lorsque vous aviez la majorité ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Vous le voyez, il est proposé de trouver un juste équilibre entre la nécessité de donner aux gens du voyage des conditions d'accueil correspondant à leur mode de vie et l'impératif de ne pas fermer les yeux sur des violations outrancières de la loi.
Et que dire des regroupements hostiles de personnes dans les espaces communs des immeubles d'habitation ?
Je ne vous le cache pas, je suis choqué que certains aient pu assimiler, sur ce point, mon projet à une volonté de réprimer les jeunes. Comme si les jeunes, dans leur ensemble, occupaient les cages d'escalier, rendaient la vie impossible dans les immeubles ou se préparaient à être des délinquants ! C'est, là encore, un amalgame que je n'accepterai pas.
Ce qui est en cause, ce n'est pas une catégorie de la population, ce sont des comportements qui rendent la vie impossible. En l'occurrence, l'occupation des halls d'immeubles est un vrai problème.
Il n'est pas facile de subir le bruit dans un hall d'immeuble ou une cage d'escalier lorsque l'on cherche un peu de repos après sa journée de travail. Il n'est pas facile de devoir passer, jour après jour, au milieu d'un groupe plus ou moins hostile pour rentrer chez soi, éventuellement sous les quolibets.
Il n'y a aucune raison pour qu'un homme ou une femme qui a travaillé toute sa vie doive baisser la tête parce que des individus qui, eux, ne travaillent pas, veulent l'empêcher de rentrer dans son immeuble ! Il est inacceptable que cette réalité soit encore celle de notre pays ! (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Or les moyens mis en oeuvre pour faire cesser ces comportements ne sont pas, aujourd'hui, à la hauteur du problème.
Daniel Vaillant avait parfaitement raison de proposer, en novembre 2001, dans son projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, que la police puisse intervenir dans les immeubles lorsque des groupes en entravent les accès ou nuisent à leur tranquillité. En revanche, je ne comprends pas pourquoi il avait oublié de prévoir la sanction qui permet de réprimer de tels comportements. Peut-on imaginer attitude plus hypocrite ? A quoi bon donner à la police la possibilité d'entrer dans les halls d'immeubles pour les évacuer si le délit ainsi constitué n'est pas punissable ?
Comment, dans ces conditions, s'étonner que la police, appelée par des habitants des immeubles dont la vie était ainsi perturbée, refuse de se déplacer en invoquant précisément l'absence de sanction prévue par la loi ?
M. Dominique Braye. Voilà !
Mme Nicole Borvo. Quelle démagogie !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Dorénavant, si la Haute Assemblée accepte d'adopter ce projet de loi, une sanction sera prévue, et elle sera appliquée.
Plusieurs sénateurs socialistes. La prison !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Enfin, les élus locaux font énormément pour pallier l'insuffisance du nombre de salles dans les quartiers. L'Etat, de son côté, appuiera autant qu'il le pourra les initiatives des élus locaux pour permettre le financement de salles communes dans les quartiers qui n'en disposeraient pas, de façon que toute présence hostile disparaisse des halls d'immeubles. On doit s'assurer que, dans ces quartiers, des salles existent pour que, à toute heure, certains jeunes puissent s'y retrouver.
Mme Nicole Borvo. Chez M. Braye, il y en aura sûrement beaucoup !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Tel est l'esprit du projet : la fermeté d'un côté, l'ouverture de l'autre.
L'exploitation de la mendicité a également été un sujet de polémique. Nous savons que des personnes démunies, parfois handicapées, parfois mineures, sont exploitées comme des marchandises pour fournir des rentes de situation à des délinquants sans scrupules.
Faut-il laisser faire ? Faut-il fermer les yeux ? Faut-il qu'une fois encore le politique démissionne ? Faut-il une fois encore renoncer au courage le plus élementaire pour répondre à une situation qui exaspère nos concitoyens ? La France doit-elle devenir un lieu accueillant pour cette autre nouvelle forme d'esclavage ? Je ne le crois pas !
Nous nous attaquerons à ce phénomène, en faisant en sorte que les personnes qui encadrent, transportent, utilisent les mendiants et finalement récupèrent les sommes ainsi collectées soient déférées devant la justice. Je n'imagine pas une seconde que puisse exister un différend entre nous sur ce sujet.
Dans le même esprit, nous proposerons de prendre en compte une forme de mendicité qui s'est beaucoup développée, qui s'apparente à de l'extorsion de fonds : il s'agit, dans le projet de loi, de la « demande de fonds sous contrainte », qui consiste, pour plusieurs individus, à se rassembler autour d'une personne, de façon agressive, éventuellement avec des chiens démuselés, et à lui demander de l'argent avec une insistance telle que la victime a le sentiment de ne pouvoir résister à cette pression.
Là encore, le droit existant n'est guère compréhensible pour les victimes : il faut qu'il y ait eu violence à l'encontre de la personne avant que la police puisse intervenir ! Je pense, moi, qu'il est indispensable que les services de police puissent intervenir, avant la commission de l'acte violent, et non après, de manière à protéger la victime, parce que c'est elle qui est au coeur du projet de loi que je vous soumets. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. La mendicité agressive constituera dorénavant un délit identifiable par des critères objectifs.
Vous le constatez, on est bien loin de la caricature faisant des mendiants traditionnels les cibles de la police. Il ne s'agit en aucun cas de poursuivre un mendiant qui tend la main. Rien dans la loi ne le permettra. Alors pourquoi mentir ? Pourquoi travestir la réalité ? Pourquoi vouloir nous condamner à l'immobilisme ? Je laisse les spécialistes réfléchir sur cette question !
Quant à moi, je considère qu'il est temps d'agir et je mets quiconque au défi de nous apporter le moindre début de commencement de preuve sur le fait que le mendiant traditionnel est la cible de ce projet de loi. En vérité, il ne faut pas confondre la mendicité et le racket.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est de l'extorsion de fonds !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je n'ai aucune compassion, et encore moins de faiblesse, pour ceux qui réclament de l'argent agressivement, en groupe ou à l'aide de chiens. Ce n'est rien de moins que du racket déguisé en mendicité !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. De l'extorsion de fonds !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quel grand principe justifierait que l'on tolère le racolage, la violation de propriété, l'intimidation des habitants, l'exploitation de la misère et la mendicité agressive ?
Je sais que vous serez d'accord avec moi pour estimer que plus un seul de nos concitoyens ne doit se croire obligé de baisser la tête face à un délinquant parce que l'Etat serait impuissant.
Enfin, si nous voulons que les valeurs de la République aient un sens, il faut établir clairement que le respect de la loi ne se négocie pas.
Je considère que, lorsque l'on est invité dans un pays étranger, son premier devoir est d'en respecter les lois. Sinon, c'est le signe évident que l'on n'a pas l'intention d'en respecter les valeurs. Or il est actuellement impossible d'expulser les personnes étrangères qui ont une carte ou un titre de séjour inférieur à un an pour des faits tels que le racolage, le proxénétisme ou l'exploitation de la mendicité. Ce ne sont pourtant pas des infractions mineures ! Le texte complète le droit existant en permettant à l'autorité administrative de mettre un terme au droit de séjour de ces personnes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Avant jugement !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Au demeurant, il me paraît plus normal de procéder à l'expulsion de prostituées qui ne parlent pas un mot de français, qui ne sont que depuis quelques mois ou quelques semaines présentes sur notre territoire et que l'on peut faire échapper aux réseaux en les raccompagnant dans le pays où elles sont nées, dont elles parlent la langue, que d'infliger une double peine qui est parfaitement inapplicable s'agissant de personnes qui sont en France depuis trente ans, qui ont une femme française, et des enfants nés en France. C'est cela la vraie générosité, et je ne parviens pas à comprendre pourquoi certains qui parlent tant des droits de l'homme n'ont pas eu, en cinq ans, le temps de réformer la double peine. Voilà la logique de notre projet ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quel rapport ?
Mme Nicole Borvo et M. Robert Bret. Alors, vous allez accepter nos amendements !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. En second lieu, nous ne pourrons faire respecter les lois qu'en affichant clairement notre volonté de ne tolérer strictement aucune atteinte à ses représentants.
Les agressions à l'égard de policiers, de gendarmes, de sapeurs-pompiers et de leurs familles ont augmenté de 135 % en vingt ans !
Je ne resterai pas passif face aux voyous qui appellent les sapeurs-pompiers pour leur tendre un guet-apens, pour les « caillasser », les blesser et les injurier. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je ne fermerai pas les yeux sur les tentatives d'intimidation des familles de gendarmes par quelques caïds qui veulent imposer leur loi dans une cité. Ces faits ne sont pas des jeux d'enfants, ce ne sont pas les risques du métier. Ils signifient simplement que des bandes considèrent aujourd'hui que l'Etat est si faible et si peu crédible qu'ils peuvent essayer d'intimider et de faire reculer ses représentants. Ces faits signifient que, dans certains quartiers, la loi de la force a remplacé la force de la loi, et cette situation est inacceptable ! (Applaudissements sur les mêmes travées - murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le texte du Gouvernement renforce la protection des représentants de l'Etat. Il supprime notamment l'exigence d'une menace réitérée ou matérialisée dont la preuve ne pouvait jamais être rapportée.
Au-delà, il étend la protection de l'Etat à de nouvelles catégories : aux adjoints de sécurité, auxquels il convient de rendre hommage tant leur travail est remarquable, aux gendarmes adjoints volontaires, aux douaniers, aux agents de police municipale qui, pas plus que les policiers ou les gendarmes, n'ont à être injuriés ou frappés...
M. Jacques Peyrat. Et les élus !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... à l'ensemble des sapeurs-pompiers, aux agents investis d'une mission de service public, aux conducteurs d'autobus ou même aux gardiens d'immeuble dont nous avons impérativement besoin.
Nous voulons que toutes ces catégories puissent habiter de nouveau dans les cités où leur présence est nécessaire.
Notre devoir, c'est de les protéger. Cette protection sera donc étendue à leurs familles pour qu'elles puissent vivre normalement là où elles le souhaitent, dans toutes les villes de France.
Enfin, j'estime normal que les frais de procédure soient pris en charge par l'Etat lorsque les fonctionnaires déposeront plainte.
Permettez-moi de dire à la majorité sénatoriale que c'est un beau message que nous adressons à l'ensemble du secteur de la fonction publique.
Nous, nous ne parlons pas, avec des trémolos dans la voix, des fonctionnaires et de la fonction publique ! Mais nous disons aux fonctionnaires que, lorsqu'ils seront injuriés ou frappés dans l'exercice de leur mission, nous assumerons les frais de procédure et d'avocat que nous leur devons ! (Bravo ! Et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Nicole Borvo. Ne parlez pas au nom des fonctionnaires ! Laissez-les s'exprimer eux-mêmes !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, les fonctionnaires et le monde de la fonction publique ont toute leur place dans le projet gouvernemental...
M. Jacques Mahéas. Vous enfoncez des portes ouvertes !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et dans les attentions de la majorité sénatoriale. Sans doute, pendant cinq ans, le gouvernement précédent a beaucoup aimé les fonctionnaires, mais il a oublié de répondre à cette revendication ancienne et parfaitement équitable de surcroît ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cette disposition figure dans la loi depuis longtemps !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, l'objectif du Gouvernement, vous l'avez compris, n'est pas, et ne sera jamais, d'établir un ordre moral ; il est de garantir l'ordre public.
Ne nous accommodons pas de l'impuissance. Ne restons pas passifs. Rester passif serait une faute à l'égard de la France des oubliés, trop longtemps ignorés, une faute à l'égard des délinquants qui seraient ainsi incités à poursuivre dans une voie qui ne mène pour eux qu'à l'échec. Les délinquants n'écouteront le langage de la prévention qu'en ayant la certitude qu'ils n'auront plus d'avenir dans la délinquance.
Les valeurs de la République ne se négocient pas. Ce sont elles que le Gouvernement entend défendre avec votre soutien, en apportant aux Français et plus largement à tous ceux qui vivent dans notre pays plus de tranquillité, plus de bonheur paisible, plus de liberté, plus de sécurité dans le strict respect des droits de l'homme.
C'est là une grande ambition que le Gouvernement vous invite à partager. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Mmes et MM. les sénateurs du RPR et des Républicains et Indépendants se lèvent.)
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
VICE-PRÉSIDENT


M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. « La sécurité est l'un des droits les plus fondamentaux de nos concitoyens. » La formule est connue. Elle a été maintes et maintes fois répétée par presque tous, au point même d'être vidée de sa substance.
Les uns la mettaient au frontispice de leurs programmes électoraux pour mieux l'oublier ensuite, assurant qu'ils avaient bien compris les préoccupations des Français, sans rien faire, néanmoins, pour endiguer l'insécurité croissante dans notre pays.
Les autres la fustigeaient, faisant des procès en démagogie à ceux qui osaient parler de l'indicible- comme si le meilleur remède à ce mal contemporain était l'aveuglement -, réinventant la formule de Knock par la négation et par l'absurde : « Tout malade est un bien-portant qui s'ignore ! »
C'est dans ce contexte, et nous vous en savons gré, monsieur le ministre, que vous avez, avec courage et détermination, ouvert la voie qu'avait tracée le Président de la République durant la campagne électorale.
Sans outrance ni démagogie, vous avez évité la facilité de limiter votre politique à un seul aspect qui n'aurait été que répressif.
Sans compromission, vous avez échappé au modèle de certains de vos prédécesseurs qui, arrivés à la Place Beauvau, dressaient la liste de toutes les bonnes raisons, d'ordre institutionnel, juridique ou sociétal, pour lesquelles ce qui devait être fait ne pouvait l'être.
Le 30 juillet dernier, à cette même tribune, considérant qu'il n'y avait pas de fatalisme à l'insécurité, je vous invitais au volontarisme pour apporter à chaque problème la réponse la plus appropriée.
Les réponses ne se sont pas fait attendre. La sécurité intérieure a fait l'objet depuis mai dernier d'une véritable refondation. Ainsi, en quelques mois, le Gouvernement n'a pas ménagé sa peine pour lancer ce signal fort à l'opinion publique et lui faire comprendre qu'elle avait été entendue.
Dès la session extraordinaire de cet été, conformément aux engagements du Président de la République, un grand chantier législatif a été lancé.
Le premier acte en fut la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, qui a fixé le programme d'action pour les cinq ans à venir des forces de sécurité intérieure dans notre pays.
En ce sens, le coup d'arrêt à l'augmentation des chiffres de la délinquance démontre à ceux qui justifiaient leur inaction par l'irréversibilité de ces phénomènes que la volonté politique peut décanter bien des situations.
Le projet de loi de finances pour 2003 en est le deuxième acte puisque celui-ci traduit scrupuleusement les engagements de la LOPSI en matière de crédits.
De considérables moyens financiers supplémentaires sont accordés à la police et à la gendarmerie nationales. Le budget de la police progresse ainsi de 5,8 % et celui de la gendarmerie de 8,4 %.
Par ailleurs, dans un contexte de réduction globale des effectifs de la fonction publique, le recrutement de 1 900 policiers et de 1 200 gendarmes met en lumière la détermination sans précédent de ce gouvernement en matière de sécurité intérieure.
Le premier acte fut celui des orientations. Le deuxième est celui des moyens financiers. Le troisième, qui nous réunit aujourd'hui, est celui des moyens juridiques.
En effet, malgré la volonté retrouvée, malgré les moyens déployés, l'action au service de nos concitoyens des forces de sécurié intérieure se heurte, dans de nombeux cas, à l'absence de moyens juridiques adaptés.
Le présent projet de loi n'a d'autre objet que de leur donner ces moyens dont elles sont souvent aujourd'hui privées.
Ceux-ci s'articulent en cinq axes : le renforcement des pouvoirs des préfets pour rendre plus cohérentes les actions menées par les forces de sécurité intérieure ; l'amélioration de l'efficacité de la police judiciaire, négligée depuis trop d'années ; la préservation de la sécurité des Français par l'apport de réponses concrètes à de nouvelles formes de délinquance ; la mise en place de moyens permettant un contrôle plus strict des acquisitions et détention d'armes ; l'encadrement de l'exercice des activités de sécurité privée.
Le premier axe du projet de loi tend à parachever la nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure prévue par la LOPSI.
Celle-ci est organisée au niveau national autour du conseil de sécurité intérieure présidé par le chef de l'Etat, du Gouvernement et du ministre de l'intérieur. Cette organisation nationale est transposée au niveau départemental où le préfet assurera la coordination de l'ensemble du dispositif de sécurité intérieure. A tous les échelons, tout concourt à une mobilisation optimale des acteurs de la sécurité et les premiers résultats sont, à ce titre, concluants.
Les conférences départementales de sécurité présidées par le préfet et le procureur de la République, se réunissent régulièrement pour décliner au niveau local les objectifs fixés au niveau national. Elles définissent notamment les cibles des groupes d'intervention régionaux, les GIR.
Les résultats spectaculaires obtenus par ces groupes d'intervention régionaux sont emblématiques de l'efficacité sur le terrain de la collaboration des différents services de l'Etat aux actions de sécurité intérieure.
Le GIR de Nantes, par exemple, a démantelé au début du mois d'octobre un réseau de cambrioleurs et de voleurs à la tire impliquant une centaine de Roumains qui sévissait dans le département de la Loire-Atlantique et les départements limitrophes. Deux cent soixante-quatorze policiers et gendarmes ont ainsi participé à cette opération.
Les premiers conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, qui sont, eux, présidés par les maires, ont vu le jour. Ils permettront de mieux associer les élus locaux à la définition des politiques locales de sécurité.
Le texte qui nous est soumis prévoit de renforcer le rôle du préfet en affirmant son caractère prépondérant dans l'animation et dans la direction des actions de sécurité, afin d'améliorer la cohérence et l'efficacité de l'action de l'ensemble des forces de sécurité intérieure.
Ainsi, en premier lieu, l'autorité du préfet sera renforcée dans le département à l'égard des services déconcentrés, puisque ce dernier dirigera l'action de la police et de la gendarmerie en matière d'ordre public et de police administrative et qu'il pourra faire appel, en tant que de besoin, à des services dépendant des ministères des finances ou de l'emploi.
En second lieu, les préfets de zone de défense obtiendront un rôle de coordination en matière d'ordre public, et la coordination des forces de sécurité sur l'ensemble des transports ferroviaires d'Ile-de-France sera confiée au préfet de police.
Le deuxième axe de ce projet de loi vise à renforcer les capacités d'action de la police judiciaire, la PJ.
En effet, depuis de nombreuses années, la PJ est le parent pauvre de la procédure pénale en France. De nombreuses mesures ont été adoptées pour renforcer les droits de la défense, alors que, dans le même temps, rien n'a été entrepris pour permettre à la police judiciaire de mener ses investigations. Ce déséquilibre de la procédure pénale est préjudiciable à son efficacité.
A ce titre, les mesures proposées dans le projet de loi faciliteront les investigations en matière de recherche des auteurs d'infractions.
Ces mesures ne portent en rien atteinte aux libertés individuelles puisque, parallèlement, les droits de la défense sont garantis. Notre justice a tout à y gagner : une procédure pénale forte pour notre pays, reposant sur une police judiciaire forte et efficace et des droits de la défense forts et garantis.
Ainsi, il est proposé d'étendre la compétence territoriale des officiers de police judiciaire. L'extension de ce ressort est justifiée par la mobilité accrue des délinquants, le cadre actuel étant trop étroit pour lutter contre une délinquance opérant habilement aux frontières des différents ressorts et utilisant à son profit les failles de notre système.
Surtout, il sera donné une base légale aux traitements automatisés de données personnelles mis en oeuvre par la police et la gendarmerie. Ces fichiers pourront notamment être consultés au cours d'enquêtes administratives ou de missions de sécurité.
A ce titre, rendre plus utiles les fichiers de recherche criminelle, surtout le fichier national des empreintes génétiques, est un véritable enjeu de notre politique en matière d'investigations judiciaires. Ce fichier ne compte que 1 200 empreintes en France alors qu'outre-Manche il en comporte plus de 1 700 000.
Certains ont beaucoup glosé ces derniers temps sur l'atteinte aux libertés individuelles que constituerait ce fichier. Encore faut-il signaler que les empreintes génétiques ne sont ni plus ni moins au xxie siècle ce que furent au xxe les empreintes digitales.
Pour qui souhaite que ce fichier ait une véritable efficacité, l'insertion des suspects dans ce document paraît parfaitement logique, d'autant que les segments d'ADN utilisés sont dits « non codants » et ne peuvent, de la sorte, fournir aucune information sur l'état de santé présent ou futur d'une personne.
Il semble pour autant utile de pousser la logique de ces nouvelles dispositions à leur terme afin d'empêcher que l'on ne puisse exploiter ces fichiers en raison d'effacements trop systématiques de données essentielles.
En effet, le texte prévoit un effacement systématique des données personnelles en cas de relaxe et d'acquittement, tandis qu'un décret devrait déterminer le sort des données dans le cas d'un non-lieu ou d'un classement sans suite.
Une telle différence de traitement n'apparaît pas pleinement justifiée. En outre, les relaxes et les acquittements recouvrent des situations très diverses - découverte du véritable auteur, annulation de la procédure, charges insuffisantes, irresponsabilité de la personne poursuivie pour cause de démence au moment des faits - qui peuvent faire l'objet de traitements différents.
Il est sans doute préférable de prévoir, en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, de conférer au procureur de la République le rôle d'ordonner l'effacement des données personnelles dont la conservation ne serait plus justifiée au regard de l'objet du fichier.
Le troisième axe de ce projet de loi comporte, conformément aux engagements pris dans la LOPSI, de nombreuses dispositions, notamment d'ordre pénal, relatives à la tranquillité et à la sécurité publiques.
Ces mesures sont guidées par un principe simple : le réalisme. Il s'agit de mieux appréhender les nouvelles formes de délinquance et de ne pas laisser démunies les forces de sécurité intérieure. Celles-ci, malgré leur détermination, qu'il convient de souligner, à combattre sans relâche les réseaux mafieux, sont le plus souvent privées des moyens juridiques nécessaires au démantèlement de ces bandes organisées.
Ces dispositions ont donné lieu à d'abondants commentaires, le plus souvent caricaturaux, trahissant parfois les propos mêmes du projet de loi. Ils sont de trois ordres.
Les premiers, coutumiers du fait, hurlent avec les loups au retour de l'Etat policier. Pétris d'une idéologie permissive et libertaire, ils considèrent les délinquants comme les victimes et l'Etat comme le bourreau.
D'autres, embarrassés, veulent sans doute masquer l'absence de doctrine de leur camp sur ces questions qui préoccupent au quotidien nos concitoyens, en schématisant des mesures pourtant essentielles.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Rapportez au lieu de polémiquer !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il est vrai que contester le fond de ces mesures leur est difficile puisqu'ils les ont défendues eux aussi durant la campagne présidentielle. Le seul moyen dont ils disposent, c'est donc de les caricaturer.
Les derniers, enfin, vivent dans l'aveuglement et persistent à croire que l'insécurité n'est qu'un sentiment, d'autant plus diffus, il est vrai, que l'on vit éloigné de nos concitoyens qui la subissent au quotidien. Pour notre part, il ne nous semble pas inutile de lutter contre des phénomènes qui ne paraissent anodins qu'à ceux qui, coupés du réel, ne les vivent pas.
On a voulu faire passer ce projet de loi pour une déclaration de guerre aux pauvres et aux minorités. Il convient de balayer ici quelques lieux communs.
Concernant la prostitution, tout d'abord, il ne s'agit pas de stigmatiser les prostitués, mais au contraire de lutter contre les réseaux mafieux qui organisent cet abominable esclavage. La pénalisation du racolage passif n'a pas d'autre objet.
Ceux qui s'insurgent contre ces mesures, faisant croire que le Gouvernement souhaiterait remplir nos prisons de prostitués, ne comprennent pas la réalité de la détresse de ces personnes. Ceux-ci, dénonçant le retour à l'ordre moral, s'insurgent contre le fait que des prostitués puissent être placés en garde à vue, mais ne proposent aucune solution pour sortir ces femmes et ces hommes de leur esclavage.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Qu'est-ce qui est liberticide ? Placer ces personnes en garde à vue quelques heures afin de démanteler le réseau de leurs proxénètes ? Ou les laisser, des années durant, sur les trottoirs de nos villes, exercer sous la contrainte la prostitution ?
Concernant l'incrimination de certains attroupements dans les parties communes d'immeubles. Il n'est pas juste de faire croire qu'il s'agirait de viser de paisibles groupes d'adolescents discutant dans une cage d'escalier.
Les maires sont bien placés pour savoir que certains individus font régner une véritable terreur dans des immeubles habités, le plus souvent, par les plus modestes de nos concitoyens.
Le Sénat ne peut que se réjouir que ce problème donne enfin lieu à la recherche de véritables solutions. A ce titre, il me faut rappeler que notre excellent collègue M. Jean-Pierre Schosteck avait, le premier, proposé la création d'une telle infraction en tant que rapporteur du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
M. Nicolas Sarkozy ministre. Tout à fait !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. De la même manière, la création d'une incrimination d'exploitation de la mendicité s'avère particulièrement utile face au développement de réseaux qui vivent de l'exploitation de la misère.
Quant à l'incrimination de l'occupation sans titre d'un terrain, son dispositif est particulièrement judicieux. En effet, d'une part, il permettra de lutter plus efficacement contre certains comportements inacceptables d'envahissement de propriétés privées ou de terrains communaux. D'autre part, il devrait accélérer la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, l'infraction ne devant être constituée, en cas d'occupation d'un terrain communal, que si la commune respecte les obligations qui lui incombent pour l'accueil des gens du voyage.
Ces mesures sont donc bien éloignées des caricatures qu'on a voulu dresser d'elles. La commission des lois proposera, par ailleurs, de compléter le dispositif proposé.
Au-delà de la répression de ces formes de délinquance, il s'agit également d'appréhender, dans toute sa dimension, la nécessaire protection des victimes. Qu'il s'agisse des victimes directes de ces violences, parce que leurs fonctions les conduisent à y être confrontées ou de ceux qui sont exploités par ces réseaux.
En premier lieu, constatant que les infractions créées par le projet de loi visaient des comportements qui sont souvent commis dans le cadre de réseaux organisés, il s'agira de créer une infraction de traite des êtres humains et de renforcer les instruments de lutte contre le proxénétisme et l'exploitation de toutes les formes de misère.
Ces dispositions seront le juste corollaire des mesures proposées, conformément à la proposition de loi renforçant la lutte contre les différentes formes de l'esclavage aujourd'hui, adoptée par l'Assemblée nationale en janvier 2002.
Elles permettront de renforcer la lutte contre le proxénétisme en permettant, d'une part, la confiscation de tout ou partie des biens des personnes condamnées pour proxénétisme et, d'autre part, de prévoir une procédure de saisie conservatoire des biens des personnes poursuivies pour cette infraction. En second lieu, dans un souci de protection des victimes du proxénétisme il sera proposé de compléter les dispositions du projet de loi prévoyant la possibilité d'attribuer une autorisation provisoire de séjour à l'étranger portant plainte contre un proxénète.
Il s'agit de permettre à ces personnes de bénéficier d'un titre de séjour jusqu'à l'achèvement de la procédure judiciaire pour prévoir la possibilité d'attribuer à cet étranger une carte de résident en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause.
En effet, le renvoi contre son gré dans son pays d'origine d'un étranger dont le témoignage a permis la condamnation de proxénètes pourrait avoir des conséquences dramatiques pour cette personne.
Ensuite, il s'agira de mieux prendre en compte la difficulté des missions exercées par les gardiens d'immeubles sociaux, en aggravant les peines encourues en cas de violences ou de meurtre commis à l'encontre de ces personnes.
Enfin, pour répondre aux violences subies par les proches de policiers, de gendarmes ou de fonctionnaires de l'administration pénitentiaires, des aggravations de peines en cas de meurtre ou de violences seront prévues si elles sont commises contre les familles de personnes chargées d'une mission de service public, lorsque ces infractions sont commises en raison des fonctions exercées par ces personnes.
Concernant le volet de ce projet de loi relatif à la circulation des armes, les mesures proposées sont de nature à satisfaire l'impératif de renforcement de leur contrôle.
Les événements dramatiques survenus au printemps dernier à Nanterre et à Chambéry, ou, le 14 juillet dernier, lorsqu'un fanatique a tenté d'attenter à la vie du chef de l'Etat, justifient à eux seuls la nécessité d'améliorer le contrôle des armes en circulation et de limiter leur usage par des personnes en proie à des troubles psychiatriques.
Toutefois, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un point très précis. Dans un contexte où le trafic d'armes en provenance de l'étranger augmente, il ne semble pas prioritaire de soumettre à des formalités administratives contraignantes les 1 400 000 chasseurs qui n'ont d'autre intention que de se livrer paisiblement à leur sport.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il faut à ce titre souligner que l'administration n'aurait d'ailleurs pas les moyens de faire face à un afflux important de nouvelles déclarations. Il semble donc préférable qu'elle s'attache en priorité à mieux contrôler les armes soumises à autorisation.
Il est à noter que l'autorisation de détention d'armes du responsable de la tuerie de Nanterre était périmée depuis deux ans.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, obtenir l'assurance du Gouvernement que l'affirmation de principe de la déclaration des armes de chasse, sous réserve d'exceptions, ne sera pas suivie par une modification réglementaire imposant la déclaration d'armes de chasse dont la détention n'est pas, à ce jour, soumise à cette procédure.
En tout état de cause, l'efficacité de la réglementation dépendra de l'effectivité de son application par les préfectures. En effet, le fichier national des armes, AGRIPPA, ne devrait être opérationnel qu'en 2004, et les agents de préfectures sont, à ce jour, encore mal formés.
Le renforcement de la réglementation doit impérativement s'accompagner d'un renforcement des moyens de contrôle et d'une lutte contre les trafics d'armes internationaux.
Enfin, le projet de loi vise à proposer un meilleur encadrement de la sécurité privée.
Les nécessités de la lutte antiterroriste ont accru le recours à ces sociétés qui sont de plus en plus souvent appelées à intervenir en complément ou en collaboration avec les forces de police de l'Etat et ont contribué à l'accroissement des prérogatives confiées à leurs agents.
De la sorte, les agents de sécurité portuaires et aéroportuaires, ainsi que les agents de sécurité exerçant sur la voie publique sont notamment autorisés à procéder à la fouille des bagages à main et à des palpations de sécurité.
Les garanties d'honorabilité des professionnels, de transparence des entreprises et les exigences de qualification professionnelle des agents sont, en conséquence, le juste corollaire de l'extension des prérogatives accordées à ces sociétés.
Or, à ce jour, ces garanties ne sont pas obtenues alors que cette profession est appelée à jouer un rôle de plus en plus important en complément des forces de sécurité de l'Etat.
La simple production d'un bulletin n° 2 du casier judiciaire n'est pas satisfaisante pour garantir l'honorabilité de ces personnels. L'origine des capitaux peut être douteuse, et le recours à la sous-traitance illicite ou au travail au noir est une pratique trop répandue.
En ce sens, les dispositions de ce projet de loi seront de nature à garantir, en quelque sorte, l'établissement d'une réelle déontologie de cette profession.
Je conclus, mes chers collègues, en insistant sur deux points qui me semblent tout à fait essentiels. Ce projet de loi a le double mérite de redonner du crédit à la parole publique, parce qu'il parachève l'édifice institutionnel du Gouvernement en matière de sécurité intérieure, et de protéger les plus modestes.
Là où certains détracteurs n'ont voulu voir que des promesses électorales qui n'avaient d'autre but que de surfer avec démagogie sur les peurs des Français, nous avons la démonstration que le Gouvernement met tout en oeuvre pour garantir la sécurité de nos concitoyens, qu'il s'agisse des moyens organisationnels, financiers ou juridiques.
Si une politique se juge à l'aune de ses résultats, je ne doute pas de la réussite de ce grand projet.
Ce texte a pour objet de protéger les plus modestes, parce qu'ils ont enfin été entendus. Ceux qui ont voulu faire croire que ce projet de loi était une guerre engagée contre les pauvres n'ont pas su ou n'ont pas voulu comprendre, nantis et enfermés dans leur tour d'ivoire, que ce texte s'adressait en priorité à ceux de nos compatriotes, les plus modestes, qui vivent dans les quartiers difficiles et sont à ce titre les plus vulnérables.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons déjà entendu cette chanson !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce sont eux qui ressentent avec le plus d'acuité qu'ils ne peuvent compter que sur l'Etat pour jouir de la sécurité à laquelle ils ont droit. Ils ont été entendus, et je me réjouis que tout son sens ait été redonné à l'action publique.
Au bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements soumis, je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de la commission des lois, d'adopter le présent projet de loi dont les dispositions sont de nature à donner aux forces de sécurité intérieure les moyens juridiques dont elles ont besoin pour garantir la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Jeanine Rozier. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Janine Rozier, représentante de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le rapport sur l'autorité parentale c'est, cette fois encore, comme membre de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes que j'ai, pour la deuxième fois, l'honneur de m'exprimer à cette tribune.
Je remercie la commission des lois et son président, M. Garrec, d'avoir souhaité recueillir l'avis de la délégation sur les articles 18, 28 et 29 de ce projet de loi relatif à la sécurité intérieure qui visent la prostitution et de suggérer d'éventuelles modifications aux importantes mesures qui vont être soumises à notre vote.
On dit que la prostitution « prospère systématiquement sur un fond d'ignorance et d'indifférence ». Je le pense aussi et je le regrette. Et je souhaite que le rapport qui retrace le travail la délégation puisse être lu de tous. Il est suffisamment complet pour permettre de mesurer l'étendue des ravages causés par l'exploitation de la prostitution. Il renseigne sur l'étendue du fléau en France et sur ses ramifications européennes et internationales. Il montre la détresse d'hommes et de femmes complètements perdus, qui s'enfoncent chaque jour un peu plus dans la misère. Il condamne ceux qui font de l'argent avec cette misère et souhaite les voir punis.
Il n'a pas été question, pour notre délégation, de se poser en censeur, de juger en bloc le monde de la prostitution, ni d'attenter à la liberté de tel ou telle. Nous nous sommes émus à l'évocation des victimes et des exploités envers qui nous avons un devoir de secours.
Personne ne peut rester insensible au fait que de très jeunes femmes étrangères, venant surtout des pays de l'Est et du continent africain soient jetées en pâture, souvent par la violence et la menace, sur les trottoirs de nos grandes villes.
Personne ne peut rester insensible au fait que des enfants, la plupart du temps déracinés, souvent violés et battus, le soient aussi.
Personne ne peut rester insensible au fait que des êtres faibles, exploités en raison de cette faiblesse, soient livrés à la prostitution, que des profits en soient tirés et que des réseaux maffieux en soient les bénéficiaires impunis.
Pour y remédier, pour venir en aide à tous ces malheureux, il faut prendre des mesures.
Nous avons étudié en détail, monsieur le ministre, le texte que vous nous présentez, et nous l'approuvons.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous l'avez étudié rapidement !
M. Josselin de Rohan. On peut aller vite !
Mme Janine Rozier, représentante de la délégation. Nous avons organisé, au titre de notre délégation, plusieurs auditions et nous avons notamment reçu des représentants d'associations qui apportent un secours certain aux victimes du monde de la prostitution.
A propos de l'article 18, qui traite du racolage actif et passif, nous nous étions interrogés sur la dimension vestimentaire de ce racolage. Mais vous avez répondu par anticipation à notre interrogation, monsieur le ministre, en proposant la suppression des mots « tenue vestimentaire ». Nous vous en remercions.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas par anticipation, c'est après !
M. Jacques Mahéas. Postérieurement !
Mme Janine Rozier, représentante de la délégation. Nous aurions pu craindre, autrement, une atteinte à notre légitime souci de la mode, qui va de pair avec notre féminité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
L'article 28, quant à lui, vise à contrecarrer l'internationalisation des réseaux de proxénétisme développés par la présence d'étrangers souvent en situation irrégulière et qui viennent troubler l'ordre public. Notre délégation préconise que le devoir de secours soit systématiquement pris en compte pour que celle qui en est victime dans notre pays ne devienne pas martyre dans le sien.
M. Jean-Jacques Hyest. Absolument !
Mme Janine Rozier, représentante de la délégation. L'article 29, qui permet l'obtention d'un titre de séjour aux victimes qui dénoncent leur proxénète, nous paraît une mesure conforme au devoir de protection. Il permet aux témoins de trouver refuge en France, mais nous nous devons également de leur offrir des outils de réinsertion.
Toutes ces mesures fortes que vous nous proposez, monsieur le ministre, seront critiquées par certains, mais je suis sûre que les Français, ceux dont vous avez parlé, ceux de la majorité silencieuse qui ne se répandent ni dans la presse ni à la télévision,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas lui !
Mme Janine Rozier, représentante de la délégation. ... ceux qui ont manifesté lors des dernières élections leurs attentes impératives en matière de sécurité et de tranquillité dans la vie de chaque jour, ceux-là sauront véritablement les apprécier et verront leurs effets se manifester dans la durée.
Notre délégation s'est surtout préoccupée de l'accompagnement social qui doit nécessairement compléter l'application de ces mesures.
Il sera impérieux de prévoir un accueil, une écoute et, le cas échéant, de mettre à l'abri toutes les personnes vulnérables et toutes les victimes afin de leur permettre de sortir du réseau infernal dans lequel on les a enfermées. Il faudrait prévoir, tout d'abord, des lieux pour les sécuriser, ensuite des structures pour relayer les décisions des juges...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà !
Mme Janine Rozier, représentante de la délégation. ... et leur faciliter ainsi le recours à toute la gamme des sanctions alternatives à la prison afin de leur permettre une réinsertion dans la dignité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà qui est très bien ! Mais ce n'est pas dans la loi...
M. Jacques Mahéas. C'est mieux !
Mme Janine Rozier, représentante de la délégation. Dans cette optique, je me félicite que notre délégation préconise l'institution d'un défenseur des victimes de l'exploitation sexuelle sur le modèle juridique du défenseur des enfants, c'est-à-dire une autorité indépendante. Comme Mme Claire Brisset est devenue une entité, notre défenseur le deviendrait.
Cette autorité indépendante pourrait avoir pour mission d'être un référent permanent, une écoute, un soutien et un interlocteur attentif des associations qui font un travail remarquable sur le terrain, un interlocuteur aussi des services sociaux, des services de police et de justice qui sont confrontés à la prostitution. Les victimes doivent pouvoir trouver un abri sûr, avant, pendant et après leur jugement si nous voulons les aider et peut-être les sauver.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien encore, mais ce n'est pas non plus dans la loi.
Mme Janine Rozier, représentante de la délégation. C'est avec fermeté et avec l'espoir d'être entendue que notre délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes formule ce voeu.
Et si je peux me permettre une remarque personnelle, monsieur le ministre, je dirai que les mesures vigoureuses et rigoureuses que vous préconisez doivent être expliquées à notre jeunesse à travers l'éducation que nous nous devons de lui transmettre. Il nous faut travailler au mieux-être d'aujourd'hui, mais aussi préparer la France de demain. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les traves du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous auriez pu citer le rapport de Mme Dinah Derycke !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 57 minutes ;
Groupe socialiste, 52 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 34 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 25 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Mahéas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'interviens aujourd'hui dans ce débat, c'est notamment parce que j'ai le bonheur d'être depuis vingt-cinq ans le maire de Neuilly. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Mais, attention ! Ne confondons pas fleuve et rivière...
M. Dominique Braye. Facile !
M. Jacques Mahéas. Non pas le maire de Neuilly-sur-Seine, le Neuilly « d'en haut » où se croisent principalement les gens aisées - 1,3 % de logements sociaux, soit 375 logements.
M. Dominique Braye. Beaucoup d'hommes de gauche habitent Neuilly-sur-Seine !
M. Hilaire Flandre. Il y a beaucoup de bobos !
M. Jacques Mahéas. ... mais celui de Neuilly-sur-Marne. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Evidemment, vous êtes venus soutenir, mesdames, messieurs les sénateurs, le maire de Neuilly-sur-Seine.
M. Dominique Braye. Il n'a pas besoin de nous, vous l'avez remarqué !
M. Jacques Mahéas. ... qui devait, selon la loi SRU, construire 807 logements par période de trois ans !
Un sénateur du RPR. On est contre les caricatures !
M. Jacques Mahéas. Or, avec votre loi, monsieur Braye, le maire de Neuilly-sur-Seine - je ne parle pas de M. Sarkozy lui-même, bien évidemment - n'aura à construire que 288 logements...
M. Dominique Braye. La suite !
M. Jacques Mahéas. ... ou à payer comme la municipalité le fait depuis des années.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est là qu'on voit ceux qui s'occupent des pauvres !
M. Jacques Mahéas. Je suis le maire de Neuilly-sur-Marne, le Neuilly du « neuf trois », banlieue estampillée « sensible », où résident des classes sociales moyennes ou peu favorisées, et qui attire souvent, malheureusement, l'attention des médias par ses difficultés socio-économiques et ses problèmes d'insécurité.
M. Josselin de Rohan. Pauvre Neuilly !
M. Dominique Braye. Vous avez toujours tiré profit de la misère !
M. Jacques Mahéas. Aussi je n'éprouve nul besoin de faire des visites ponctuelles en zones « chaudes », bardé de micros et de caméras, pour appréhender la réalité de l'insécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il n'y a pas de risque !
M. Dominique Braye. Ce n'est pas gentil pour Daniel Vaillant !
M. Claude Estier. Monsieur Braye, vous avez eu toute la nuit pour parler, alors laissez maintenant s'exprimer les autres !
M. Jacques Mahéas. Si mes collègues ne veulent pas que je m'exprime...
M. le président. Monsieur Mahéas, il y a des interrupteurs sur toutes les travées. Laissez-moi diriger les débats, s'il vous plaît, et veuillez poursuivre !
M. Jacques Mahéas. Ma commune, je côtoie ses difficultés au quotidien et je peux donc m'exprimer, fort d'une réelle expérience de terrain qui n'a pas grand-chose à voir avec d'hypothétiques conversations mondaines à la terrasse du café de Flore.
M. Dominique Braye. Vous êtes un bobo complexé !
M. Jacques Mahéas. Cela dit, vous comprendrez, monsieur le ministre, que j'aie du mal à accepter le mépris dans lequel vous englobez les adversaires de votre projet de loi. J'estime, pour ma part, ne pas avoir de leçons à recevoir, car je connais assez bien cette « France des oubliés » dont vous vous faites apparemment l'ardent défenseur.
Compte tenu de mon expérience, j'ai le regret de trouver votre projet de loi particulièrement médiocre, même si, monsieur le ministre, vous avez habilement abandonné les mesures les plus scélérates. Je ferai d'ailleurs une brève parenthèse : comment faire du squat un délit quand on refuse la construction de 20 % de logements sociaux dans sa propre commune ou dans celle de ses amis politiques ?
Quelle philosophie transparaît dans ce texte ?
Une philosophie explicitement et exclusivement répressive. Certes, tout ministre de l'intérieur est amené à adopter des mesures d'ordre répressif et, contrairement à certaines allégations, le gouvernement de M. Jospin n'a nullement failli en la matière en renforçant, notamment, les moyens en effectifs de la police, de la gendarmerie et de la justice. Seulement la sanction participait naguère d'un système équilibré qui reposait également sur la prévention et sur l'éducation.
Ministères de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale et de la ville travaillaient de concert pour créer des dispositifs et des nouveaux services répondant à de véritables besoins et avaient su recréer du lien social. Il en était ainsi des emplois-jeunes, du programme TRACE pour les jeunes en grandes difficultés, des CES, des CEC, de l'objectif de 20 % de logements sociaux... La répression n'était pas absente, mais elle n'intervenait pas a priori .
Si les mesures de prévention ne sont jamais tapageuses et ne peuvent être que longues à porter leurs fruits, elles sont néanmoins essentielles. Alors pourquoi abandonner tout ce travail accompli en coopération ? Pourquoi les entreprises d'insertion ou les clubs de prévention ont-ils désormais de grosses difficultés pour pérenniser leurs subventions ? Faute de cette coopération, on peut se demander désormais si le ministère de la justice n'est pas devenu un secrétariat d'Etat du ministère de l'intérieur !
J'en viens aux mesures de ce projet de loi.
Nous ne rejetons pas en bloc toutes les dispositions que vous nous proposez, monsieur le ministre. (Exclamations sur les travées du RPR.) Nous pensons, par exemple, qu'il est bon de se doter d'une législation stricte sur les armes et les munitions, conformément à une politique déjà engagée par M. Joxe, ou encore d'encadrer les activités de sécurité privée en imposant une formation. Il me paraît également logique d'aggraver les peines de ceux qui profèrent des menaces à l'encontre des représentants de l'ordre ou des gardiens assermentés d'immeubles.
En revanche, s'il est parfaitement légitime de répondre à l'exigence républicaine de sécurité, notamment en luttant contre la délinquance de voie publique, il me semble choquant d'axer tous les efforts sur une visible reprise en main de la rue, en faisant mine de croire qu'on s'attaque là à l'insécurité la plus grave. Restons sérieux !
Pour n'évoquer que des drames récents, c'est l'insécurité ménagère qui a tué cinq jeunes pompiers à Neuilly-sur-Marne,...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'était à Neuilly-sur-Seine ! Quand on veut faire de l'esprit...
M. Jacques Mahéas. ... à Neuilly-sur-Seine, et c'est l'insécurité routière qui a causé la mort de trois jeunes à Neuilly-sur-Marne. Et que dire des menaces terroristes qui doivent appeler toute notre vigilance.
Face à ces réalités, « nettoyer » la rue participe de la plus grande tartufferie. En effet, il s'agit ni plus ni moins que d'éliminer ceux qui peuvent gêner en renvoyant une image jugée déplaisante de notre société : prostituées, mendiants, gens du voyage, étrangers délinquants, groupes de jeunes dans les halls d'immeubles ou vendeurs d'aliments à emporter.
Notons au passage que cet inventaire hétéroclite - bien qu'il ne comprenne pas de raton laveur ! - dessine en filigrane ce qu'est un « bon » citoyen, un citoyen « normal ». On donne ainsi l'illusion d'agir en se débarrassant à bon compte de populations socialement fragiles, aux comportements jugés déviants.
Je ne méconnais pas l'exaspération que peut susciter localement telle ou telle situation, mais pénaliser ainsi les désordres de voie publique reviendra simplement à déplacer les problèmes... tout en encombrant grandement institution judiciaires et prisons.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jacques Mahéas. Certes, les rassemblements dans les halls d'immeuble et les cages d'escalier sont un souci pour les habitants concernés, surtout lorsqu'il s'agit, en réalité, d'effectuer du commerce illicite. Mais lorsque les motivations sont plus innoncentes, ne pensez-vous pas que les jeunes en question souffrent avant tout de désoeuvrement ? Leur offrir des lieux d'accueil - j'ai noté vos propositions à cet égard - et des activités encadrées par des éducateurs, résout bien souvent les difficultés. Ce n'est pas de l'angélisme, car cela fonctionne ! J'en atteste.
S'agissant des gens du voyage, vos mesures sont tout à fait inapplicables. Je m'interroge sur l'opportunité des plans départementaux et non communaux. Je m'interroge également sur les différences chiffrées d'un département à l'autre : 800 places d'accueil de caravanes en Seine-Saint-Denis, soit beaucoup plus que dans les Hauts-de-Seine. Pourquoi ?
M. Claude Estier. Bonne question !
M. Jacques Mahéas. Franchement, monsieur le ministre, lorsque quatre cents nomades arrivent dans votre commune - cela a été le cas à Neuilly-sur-Marne voilà deux ans -, comptez-vous saisir tous les véhicules ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. On ne fait rien !
M. Jacques Mahéas. A part la négociation, à part des possibilités de dialogue avec les propriétaires de quatre cents caravanes, je pense que, dans ce cas-là, votre loi sera totalement inapplicable.
Par ailleurs, priver des gens du voyage de leur véhicule et, partant, de leur lieu d'habitation ou de leur permis de conduire pour une durée pouvant aller jusqu'à trois ans, n'est-ce pas stigmatiser - et même empêcher - un certain choix de vie ? (M. Philippe Nogrix s'exclame.) Je note votre évolution à ce propos.
Evoquons encore le sort réservé à la prostitution. Croyez-vous vraiment que les prostituées, notamment les jeunes étrangères, au français plus qu'approximatif, tiraillées entre le double écueil de la prison et de la reconduite à la frontière, viendront en masse, au péril de leur vie, dénoncer leur proxénète ? Non, bien évidemment !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. On ne fait rien !
M. Jacques Mahéas. On tend là à une prohibition qui ne dit pas son nom, alors que la France est liée par des engagements internationaux de type abolitionniste. Je vous rappelle, monsieur le ministre, car vous avez l'air de contester ce point, qu'il s'agit d'une convention de l'ONU du 2 décembre 1949 que nous avons ratifiée en 1960. Cela ne date donc pas d'hier !
M. Philippe Nogrix. C'est un devoir de protéger les enfants mineurs !
M. Jacques Mahéas. Ces femmes entreront en clandestinité ou seront envoyées sur les trottoirs d'un autre pays. En attendant, l'affichage sera réussi : le bois de Boulogne, qui jouxte Neuilly-sur-Seine, aura retrouvé sa verte tranquillité !
M. Dominique Braye. Caricature, toujours !
M. Jacques Mahéas. Je vous sens très gênés, mes chers collègues !
M. Dominique Braye. Il nous en faudrait beaucoup plus !
M. Josselin de Rohan. Je suis plutôt gêné pour vous !
M. Philippe Nogrix. Ce qui gêne, c'est le raisonnement !
M. Jacques Mahéas. Enfin, je voudrais dire un mot des différents fichiers - police, empreintes génétiques - pour affirmer que le traitement automatisé de données si sensibles me paraît absolument impensable sans la garantie d'un contrôle judiciaire strict. L'inconvénient, voyez-vous, c'est que, en tant que maire de Neuilly-sur-Marne, je sais de quoi je parle ! (M. Dominique Braye et M. Jean-Jacques Hyest s'exclament.)
Quant au sentiment d'insécurité et à la contre-éducation, au-delà des remarques que je viens de formuler, si je trouve aussi peu d'intérêt à ce texte, c'est qu'il manque son objet en traitant non pas d'insécurité, mais de sentiment d'insécurité. (Exclamations sur les travées du RPR.)
L'exposé des motifs de ce projet de loi comprend, en ouverture, la constatation suivante : « L'insécurité est une réalité inquiétante. Le sentiment d'insécurité qu'elle nourrit est encore plus grand. Ces deux phénomènes doivent reculer. » (M. Dominique Braye s'exclame.)
Je ne me laisserai pas ici entraîner dans un débat galvaudé : je ne nie pas l'existence de l'insécurité, ni ses conséquences dramatiques.
M. Jean Chérioux. Mais qu'avez vous fait ?
M. Jacques Mahéas. En revanche, je ne veux pas croire qu'une importante partie de nos concitoyens se soient, en avril dernier, réfugiés dans un vote extrême, parce qu'ils souffraient personnellement de l'insécurité.
M. Dominique Braye. Mais si !
M. Jacques Mahéas. Sinon, comment expliquer ce type de vote dans des villages totalement paisibles ?
Non, ce qui participe du sentiment d'insécurité, que vous qualifiez vous-même de plus grand que l'insécurité elle-même, c'est aussi la façon dont tout cela est médiatiquement orchestré et amplifié.
D'ailleurs, ces derniers temps, les faits divers sordides ne manquent pas, même si leur écho semble plus faible, de l'attentat dont a été victime M. Delanoë, à la jeune fille brûlée vive par un ex-compagnon, en passant par les incendies de voitures, le « caillassage » des pompiers à Strasbourg et les attentats en Corse. (M. Philippe Nogrix s'exclame.)
Gageons toutefois que la logique de résultat sera bonne : les chiffres de la délinquance vont baisser. Les techniques de montage des statistiques sont très subtiles et parions que les préfets, traités comme de bons ou de mauvais élèves, auront à coeur d'offrir d'honorables résultats ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
Nous connaissons tous des exemples où les commissariats préfèrent déjà les mains courantes au dépôt de plainte ! Personnellement, j'en connais deux exemples flagrants à Neuilly-sur-Marne.
Un sénateur du RPR. Ce n'est pas un bon exemple !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. On a les commissariats qu'on mérite !
M. Jacques Mahéas. Là encore, monsieur le ministre, vous me paraissez manquer votre objectif en vous attaquant à ce qui est le plus visible, aux conséquences plutôt qu'aux causes. Or ces causes sont plutôt a rechercher du côté de ce que j'appellerai une « contre-éducation », dont les manifestations sont diverses : la télévision et ses films violents ; les jeux vidéos ou il faut éliminer l'adversaire en usant de réflexes et non de réflexion ; les rubriques de certains journaux avec leurs faits divers abjects ; la logique de consommation érigée en valeur par la publicité omniprésente ; l'argent roi, gagné facilement et parfois gaspillé par nos édiles, industriels, politiques et sportifs ; la rue, ses phénomènes de bandes et son commerce parallèle ; l'alcool, dont on mésestime trop souvent les graves dégâts ; le milieu carcéral ; enfin, l'intégrisme religieux ou coutumier.
M. Dominique Braye. Qu'est-ce que vous avez fait depuis cinq ans ?
M. Jean Chérioux. Cinq ans à ne rien faire et à dormir !
M. Jacques Mahéas. Ce constat, loin de nous conduire à une dérive sécuritaire, nous inviterait plutôt à poursuivre les actions éducatives entamées et à accélérer la consolidation du lien social.
La droite, elle, se gargarise et raille les « droits-de-l'hommiste ». Mais pensez-vous réellement que l'abbé Pierre puisse être rangé dans une telle catégorie ?
M. Roger Karoutchi. Voilà, on y est !
M. Jacques Mahéas. Chacun connaît son engagement sur le terrain et il n'est d'ailleurs pas anodin que les premières communautés d'Emmaüs aient vu le jour à Neuilly-sur-Marne et à Neuilly-Plaisance. (Rires sur les través du RPR.)
M. Claude Estier. Il n'y a pas de quoi rire !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas risible !
M. Jean Chérioux. On ne va pas pleurer !
M. Jacques Mahéas. Or l'abbé Pierre s'inquiète au point de nous soumettre un amendement sur une insécurité qui vous aura échappé, monsieur le ministre : celle des exclus.
Comme à Sangatte, vous allez déplacer les problèmes, et non pas les résoudre. Ce projet de loi pour la sécurité intérieure donne l'apparence d'une grande activité ministérielle, avec une connotation très droitière. (Exclamations sur les travées du RPR) Vous présentez, monsieur le ministre, un ersatz d'une politique souhaitée par des Français qui flirtent avec l'extrême-droite ! (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. C'est le catéchisme !
M. Jacques Mahéas. Non, décidément, monsieur le ministre, nous ne pouvons en aucun cas soutenir une loi à courte vue, dont la philosophie, explicitement et uniquement répressive, néglige le fond du problème pour ne s'attaquer qu'à ses apparences matérielles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Bernard Murat. Avec cela, le Front national est tranquille ! Il continuera de progresser !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat a adopté, au mois de juillet dernier, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Le texte qui nous est aujourd'hui soumis décline une partie très importante des orientations que nous avons alors approuvées, monsieur le ministre, et qui font de la sécurité l'une des priorités de l'action de l'Etat.
Contrairement à ce que vient d'indiquer M. Mahéas, l'ancien ministre de l'intérieur aurait souhaité pouvoir faire voter ces dispositions (M. Dominique Braye s'exclame.) , mais on ne lui en a donné ni les moyens ni les outils ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Messieurs de l'opposition, vous avez fait voter, au mois de janvier dernier, en catastrophe, un certain nombre de dispositions...
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. ... dont l'esprit était, je le rappelle, dans la droite ligne de celles qui sont proposées aujourd'hui. (Marques d'approbation sur les travées du RPR.) Il est donc inutile de continuer de parler de ceux qui sont généreux et de ceux qui sont sécuritaires ! La sécurité, c'est un bien qui est commun ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
Comme l'a noté la commission des lois, on ne peut que se féliciter de la mise en oeuvre rapide des engagements pris en ce qui concerne tant les moyens matériels et humains - bien entendu, ils se développeront au cours des prochaines années et nous aurons l'occasion d'en reparler, monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de loi de finances - que les instruments juridiques nécessaires à la conduite d'une politique efficace.
A l'évidence, il ne saurait être question, dans le cadre de la discussion générale, de développer une appréciation détaillée de chacun des aspects importants du projet de loi.
Notons que, contrairement à ce qui s'était produit pour la loi d'orientation de 1995, qui a, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, largement inspiré le dispositif actuel - c'était une grande loi ! -, mais dont beaucoup d'éléments avaient été abandonnés en chemin, on ne peut qu'apprécier le respect des orientations approuvées par le Parlement.
Je constate néanmoins que l'insécurité routière, qui est aussi l'un des fléaux de notre société, fait l'objet d'un projet de loi en cours d'élaboration.
Tout d'abord, le projet de loi vise à assurer une meilleure cohérence de l'action en matière de sécurité intérieure en ce qui concerne tant la direction, sur le terrain, des forces de police et de gendarmerie, que les dispositions en matière de police judiciaire, le traitement automatisé d'informations et le renforcement des moyens de la police technique et scientifique.
Sur le premier sujet, il me paraît important que, sans remettre en cause l'unité de commandement nécessaire des forces de sécurité intérieure, soit précisée la spécificité de la gendarmerie nationale, dont le statut militaire s'accompagne de contraintes qui apparaîtraient vite insupportables si l'on voulait trop rapprocher ce statut de celui de la police nationale. Nous reviendrons sur cette question lors de l'examen des articles.
Mais l'amélioration de l'efficacité des forces de police et de gendarmerie passe aussi par des mesures qui relèvent non pas de la loi, mais de l'organisation de l'Etat.
Qu'il s'agisse des tâches dites « indues », de la meilleure utilisation des forces mobiles, de la suppression d'un certain nombre de gardiens de la paix ou de gendarmes, qui attendent paisiblement devant la porte d'une ambassade ou d'un ministère, de l'externalisation des tâches logistiques (M. Jacques Mahéas s'exclame) , elles contribuent à une véritable réforme de l'Etat, comme bien sûr le problème récurrent de la meilleure répartition des forces de police et de gendarmerie sur le territoire. Je n'en dirai pas plus, mais je sais que vous avez l'intention de poursuivre cette réforme.
Quel que soit l'effort de recrutement, il ne doit pas être consacré à maintenir des inégalités criantes et se briser sur le conservatisme et le corporatisme souvent masqués par la défense de grands principes. Nous l'avons trop vu dans ce domaine.
A ce sujet, et s'il faut donner une priorité à la police de proximité et lui octroyer les moyens de lutter efficacement contre l'insécurité quotidienne, la grande criminalité, les réseaux mafieux qui alimentent les trafics d'êtres humains ou de stupéfiants, la délinquance itinérante nécessitent la coopération efficace de divers services et un renforcement des moyens et des outils de la police judiciaire. Au fil des ans, celle-ci avait perdu beaucoup de moyens, ce qui explique son efficacité relative.
C'est dire que tout ce qui concerne le dispositif relatif aux investigations policières ne peut qu'être approuvé, bien que je sois un peu dubitatif sur l'efficacité de la création d'une réserve civile de la police nationale. Est-ce pour faire un peu comme les gendarmes ?
Quant aux fichiers qui n'avaient pas, jusqu'a présent, d'encadrement législatif, et sous contrôle de l'autorité judiciaire garante des libertés publiques, il y a lieu de saluer l'effort de clarification, de même que doivent être approuvées toutes les dispositions sur la fouille des véhicules et les dispositifs de contrôle des données signalétiques de véhicules, qui figuraient déjà dans la loi du 17 janvier 1995.
En revanche, on ne s'étonnera pas que l'article 4 du projet de loi me laisse plus perplexe compte tenu des débats que nous avions eu à l'occasion de l'examen de la loi du 4 mars 2002. Je continue à préférer « les indices faisant présumer » à la notion très ambiguë de « raisons plausibles de soupçonner », d'un anglicisme peu fréquent dans notre culture juridique.
Si nous en venons aux dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, elles se situent dans la droite ligne de ce que nous avons adopté en février 2002, tant la menace du terrorisme continue à être présente.
En ce qui concerne le chapitre VI, qui a trait aux dispositions relatives à la tranquillité et à la sécurité publiques, il s'agit de la création de nouvelles infractions pénales.
Il n'y a rien à dire des articles 20 et 21, qui visent à renforcer la protection des personnes exerçant une fonction publique ou assimilée et de leurs familles. Vous avez raison, monsieur le ministre, car nous, c'est-à-dire l'Etat et les collectivités locales, nous avons le devoir de protéger nos fonctionnaires. Simplement, il arrive bien souvent que nos dépôts de plainte et nos constitutions de partie civile n'aient aucune suite.
En revanche, je m'arrêterai sur les articles 19, 21, 22 et 23. Ils correspondent bien à l'attente de nos concitoyens et des services de police, ces derniers étant impuissants devant des phénomènes tels que le racolage, l'occupation illicite de terrains par les gens du voyage, la mendicité agressive et l'exploitation de la mendicité, sans parler des attroupements dans les halls d'immeubles.
Certes, nos services ont besoin d'armes juridiques pour combattre ces comportements qui alimentent le sentiment d'insécurité. Cependant, la question qui se pose toujours en matière de création d'infractions nouvelles est de savoir si, en fait, elles ne « doublonnent » pas des infractions existantes.
Il existe déjà, il est vrai, de nombreuses incriminations pour troubles de voisinage et troubles à l'ordre public mais, à la limite, je préfère des dispositions pénales précises à des arrêtés municipaux dont la légalité est aléatoire, et dont les services de police et la justice ont tendance à ne pas tenir compte, quand ils ne s'en moquent pas totalement !
Sur le problème des gens du voyage, nous avions déploré les insuffisances du texte dit « Besson » dans ce domaine. Cela étant, le dispositif qui nous est proposé ici, outre le fait que l'on oblige les communes concernées à assumer leurs responsabilités légales pour bénéficier des dispositions de l'article 19, ne résoudra pas tous les problèmes, notamment ceux qui nous sont signalés périodiquement par les chefs d'entreprise et par les agriculteurs - nous sommes très touchés dans nos départements de grande couronne -, qui sont régulièrement confrontés au stationnement sauvage de groupes importants de caravanes. Mais mon excellent collègue M. Pierre Hérisson évoquera plus complètement ce dossier.
Quant au racolage passif dont il est proposé de faire un délit - il a retenu l'attention de certains médias plus que toutes les autres dispositions importantes du projet de loi - rappelons qu'il fut d'abord une contravention et que, compte tenu de son inefficacité, à l'époque, cette contravention fut supprimée.
Lors d'un débat récent - c'était au mois de février -, nous avions toutefois accepté d'incriminer le fait pour les clients d'avoir recours à des prostituées mineures, compte tenu du développement du fléau que constitue l'exploitation de mineures venant d'Afrique ou d'Europe de l'Est.
Aujourd'hui, on va plus loin. Instituer un nouveau délit de racolage passif permettra, selon ce que vous nous en avez dit, monsieur le ministre, ainsi que les services de police, de permettre la remontée de filières de prostitution mafieuses, par la mise en garde à vue des prostituées. En fait, c'est le but.
D'autres craignent que, loin de les faire diminuer, le nouveau délit ne rende simplement ces trafics plus souterrains, et donc plus dangereux pour des prostituées qui demeurent des victimes plus que des délinquantes.
Encore faut-il que le dispositif soit précis. C'est d'ailleurs pourquoi la rédaction de l'article 225-10-1 nouveau du code pénal a dû être améliorée (M. le ministre acquiesce) , des précisions inutiles pouvant, sinon, donner lieu à des interprétations erronées.
Bien sûr, il faut soutenir avec beaucoup de force les dispositions qui concernent les prostituées vulnérables, de même que celles qui permettent de protéger ceux qui dénonceront les proxénètes dont elles sont victimes. A condition, toutefois, monsieur le ministre, que cette protection soit réelle et efficace.
M. Jean-Pierre Godefroy. Rappelez-vous Toulouse !
M. Jean-Jacques Hyest. On a pu voir, dans le passé que, parfois, la protection s'arrêtait à la porte du commissariat.
Il faut vraiment organiser une protection efficace si l'on veut que ces personnes soient effectivement protégées.
M. Claude Estier. C'est tout le problème !
M. Jean-Jacques Hyest. Il faut mettre les moyens ! Ce n'est pas une question de lois et de règlements nouveaux.
Rien ne sert de créer chaque année, comme nous le faisons à un rythme accéléré, bon an mal an, cinquante ou soixante infractions nouvelles. Ce qui importe, c'est non pas l'abondance des textes, mais bien la certitude de leur application. (M. Charles Gautier s'exclame.) Nous l'avons constaté, le caractère aléatoire de la répression des infractions et l'engorgement des juridictions laissent craindre que, demain comme hier, la chaîne pénale ne souffre vite de paralysie.
C'est l'un des grands enjeux aussi de la loi d'orientation et de programmation pour la justice que nous avons votée cet été, car les dispositifs dissuasifs que vous nous proposez, monsieur le ministre, doivent être accompagnés d'une réelle politique pénale.
Si la délivrance d'une autorisation de séjour à l'étranger qui dépose plainte est une mesure utile et protectrice, il faut saluer l'initiative prise par notre rapporteur et la commission des lois pour compléter le dispositif du Gouvernement par le texte de la proposition de loi concernant la traite des êtres humains, votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
La lutte contre le trafic d'être humains doit demeurer une priorité, ce qui exige que les moyens policiers et judiciaires nécessaires y soient affectés. Monsieur le ministre, nous aimerions savoir si l'office central pour la répression de la traite des êtres humains bénéficie et bénéficiera de moyens accrus, car la meilleure manière de lutter contre la prostitution est de remonter à la source de ces trafics.
Je passe volontairement sur les dispositions relatives aux armes et aux munitions, tant ce problème semble être, pour les services chargés du contrôle des armes, l'équivalent du travail de Pénélope. Certes, les événements récents, tout à fait horribles, justifient l'amélioration du dispositif de limitation très stricte d'acquisition et de détention d'armes, quelles qu'elles soient, toutes étant dangereuses. Mais les préfectures sont-elles en mesure d'assumer la fiabilité du dispositif prévu, comme du dispositif actuel ?
Dernier volet de ce texte et non le moindre, à nos yeux, le titre concernant la réglementation de la sécurité privée. J'aurais envie de dire : « Enfin ! ». Cette réglementation remise par deux fois, demandée par les entreprises sérieuses et qualifiées, ayant fait l'objet de nombreuses consultations, est une nécessité tant le secteur de la sécurité privée se développe. Compte tenu de son rôle croissant dans notre société, l'Etat ne saurait se désintéresser de cette activité qui doit donner des garanties en termes de compétence, de déontologie et de protection des libertés publiques. Ce projet de loi, même s'il pourrait faire l'objet de quelques précisions, notamment en ce qui concerne le convoyage de fonds, marque bien que le Gouvernement ne se désintéressera pas de ce secteur.
A ce propos, où en est l'application des dispositions de la loi du 15 novembre 2001 ? Je pose la question, car il semble y avoir des difficultés d'application, notamment pour un certain nombre d'établissements bancaires.
La sécurité, qui est la garantie pour tous les citoyens, où qu'ils se trouvent, de vivre en « sûreté », justifie parfaitement ce projet de loi compte tenu du développement de la délinquance violente de voie publique notamment.
Dans une démocratie, la sécurité doit s'accompagner d'une attention toute particulière portée au respect et à la protection de la liberté individuelle et, globalement, des libertés publiques. Le législateur doit aussi y veiller, sans nuire à l'efficacité des services qui, chargés de la sécurité, doivent à tout moment faire l'objet d'une bonne formation et témoigner d'un grand discernement.
Surtout, la Constitution confie à l'autorité judiciaire le soin d'être la gardienne de la liberté individuelle.
L'ensemble doit se situer dans un vaste programme de prévention. Il faut encore féliciter le Gouvernement de la promptitude et de la cohérence de sa démarche, mais la discussion de ce texte ne saurait faire oublier la nécessité de politiques de la ville, de l'éducation et de la justice cohérentes. Nous savons que c'est aussi la volonté du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne ne conteste aujourd'hui - surtout pas nous, parlementaires communistes, élus de villes populaires - la réalité de la montée de la délinquance dans notre pays, dont les auteurs sont de plus en plus jeunes et de plus en plus violents.
La lutte contre l'insécurité, qui touche au premier plan les populations les plus démunies et aggrave leurs difficultés de vie, est devenue une priorité qu'il convient de prendre très au sérieux.
Cependant, traiter la délinquance nécessite de prendre des mesures sur le court, le moyen et le long terme, des mesures qui soient appropriées et proportionnées au résultat recherché. Ce n'est certainement pas en déclarant l'urgence, à la dernière minute, sur ce texte, monsieur le ministre, que vous améliorerez le traitement de l'insécurité. Et c'est bien là que le bât blesse et que nous ne pouvons pas, nous, parlementaires communistes, accepter vos réponses, monsieur le ministre.
Je précise que mon collègue François Autain interviendra un peu plus tard pour exposer la position des sénateurs du Pôle républicain sur ce texte.
Avec ce projet de loi, vous affichez, monsieur le ministre, l'ambition de garantir la sécurité des Français, et d'abord celle des plus pauvres d'entre eux. Bien ! Qui pourrait s'y opposer ? Personne, évidemment.
Votre texte doit, selon vous, répondre à une triple ambition : améliorer l'efficacité des forces de sécurité intérieure dans la recherche des auteurs de crimes et de délits ; moderniser notre droit afin de mieux appréhender certaines formes de délinquance ; enfin, renforcer l'autorité et la capacité des agents publics concourant à la restauration de la sécurité.
C'est sans aucun doute le rôle du ministre de l'intérieur.
Cependant, à y regarder de plus près, votre projet de loi, bien qu'il ait été allégé des quelques fameuses dispositions empiétant notamment sur les prérogatives de votre collègue de la justice, affiche une conception de l'ordre public fondée sur l'exclusion et la répression. Je m'explique et je vais essayer de le faire sans polémique et sans caricature.
Votre « brouillon » initial - comme vous l'avez vous-même nommé - vous aura, en réalité, permis de tester l'ensemble de votre arsenal répressif auprès de l'opinion publique pour voir jusqu'où vous pouviez aller en la matière, en d'autres termes, pour voir ce que les Français étaient prêts à supporter au nom de cette fameuse lutte contre l'insécurité.
Le premier texte comprenait quatre-vingt-neuf articles, dont la sanction de l'absentéisme scolaire et tout un pan de réforme de la procédure pénale, avec, notamment, la remise en cause de la présence de l'avocat dès la première heure de la garde à vue et de la durée de cette garde à vue, le fait que celle des mineurs soit désormais calquée sur celles des majeurs, et la sanction du squat.
Devant le tollé - le mot n'est pas trop fort - que ces mesures ont soulevé dans les milieux scolaire, judiciaire, associatif ou politique, vous avez fait officiellement machine arrière.
Je pense, par exemple, à la mobilisation du DAL, qui vous a obligé à retirer de votre texte la sanction de l'utilisation d'un bien immobilier sans autorisation.
Ainsi, monsieur le ministre, quand des organisations et des associations se mobilisent, vous regardez à deux fois avant de créer de nouvelles incriminations !
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. Robert Bret. Je constate, pour ma part, que votre action s'attache davantage à lutter non pas contre l'insécurité elle-même, mais contre le sentiment d'insécurité qu'elle nourrit.
J'en veux pour preuve l'exposé des motifs du projet de loi, dans lequel vous indiquez clairement que « le sentiment d'insécurité est plus grand que la réalité inquiétante de la sécurité ».
Votre texte répond donc bien à une volonté d'affichage politique, et non à la volonté de lutter contre les causes profondes de cette insécurité. C'est bien cela que nous vous reprochons !
Vous nous répondez, monsieur le ministre, que vous agissez selon la volonté des Français pour rétablir les valeurs républicaines. Mais qui peut croire un seul instant que les Français auraient voté pour une restriction de leurs libertés ou encore pour une criminalisation de la pauvreté ? (Exclamations sur les travées du RPR.)
Depuis la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, c'est bien le soupçon, la répression et la détention qui prévalent sur la présomption d'innocence et la liberté.
Avec ces dispositions, nous assistons à un véritable recul de la fonction de juger, fonction qui perd de sa substance avec votre projet de loi.
La procédure pénale est profondément révisée en faveur des policiers. La règle devient la systématisation de la comparution immédiate, avec les conséquences que cela entraîne : les droits de la défense sont amenuisés - les juges n'auront que quelques minutes pour juger - alors que l'on constate déjà une augmentation du nombre des peines lourdes prononcées à l'issue de ces audiences.
En juillet dernier, dans les deux lois d'orientation qu'il nous a présentées, le Gouvernement a principalement pris pour cible la jeunesse, plutôt d'origine étrangère et issue de milieux modestes ; aujourd'hui, il « récidive » avec les nouvelles « classes dangereuses » que constituent les catégories les plus soumises à la pauvreté et à la violence de notre société.
Nous assistons à un véritable durcissement de notre droit pénal là où des réponses sociales sont nécessaires et font défaut.
C'est non seulement dangereux mais, surtout, monsieur le ministre, inefficace et contre-productif.
En effet, les premières victimes de violences, ce sont les jeunes. Cette violence, qui se retourne souvent contre eux-mêmes, s'exprime par le racket, les viols collectifs, l'utilisation abusive d'alcool ou le recours à la drogue.
Mais la violence se retourne également contre les populations marginalisées, les prostituées, les SDF, le plus souvent en lutte pour la délimitation des territoires de chacun.
Franchement, est-ce l'arsenal répressif qui fait défaut aujourd'hui ? Ou bien n'est-ce pas plutôt le tissu social qui manque ? Je pense ici à une police réellement proche, aujourd'hui absente des quartiers, et plus encore aux moyens d'accompagnement social, d'insertion et de réinsertion.
La solution ne peut consister à augmenter le nombre des arrestations, des condamnations pénales et donc, à terme, celui des incarcérations.
Que se passera-t-il lorsque ces incarcérations auront atteint des proportions que nous ne sommes pas en mesure de prévoir aujourd'hui ?
Vous savez d'ailleurs pertinemment que, si l'emprisonnement éloigne les personnes délinquantes de la société et fait baisser les chiffres de la délinquance, une fois les peines purgées, l'insertion n'est pas au rendez-vous. Que proposerez-vous comme projet de réinsertion à ceux qui sortent de prison ?
Elles ne seront pourtant pas coupables de délinquance à vie. Vous devrez les aider à un moment ou à un autre, alors pourquoi ne pas le faire avant qu'il ne soit trop tard ?
D'ailleurs, ce texte ne prend pas plus en compte l'aide aux victimes que le traitement de la récidive. Pourtant, vous n'hésitez pas à indemniser, avant même d'avoir examiné précisément les cas, et surtout devant les caméras, les personnes qui ont vu leur voiture incendiée à Strasbourg le mois dernier.
Or, prévoir une aide juridictionnelle efficace participe aussi, monsieur le ministre, à la lutte contre l'insécurité.
En bref, vous souhaitez ni plus ni moins mettre sous tutelle policière et pénale des personnes qui sont déjà marginalisées par leur mode de vie.
Alors que vous vous présentez comme le défenseur des Français les plus pauvres, vous les considérez en réalité comme des citoyens de seconde catégorie qu'il faut soumettre à un contrôle qui deviendra permanent puisque, de par leur statut, ils sont soupçonnés par avance de déviance morale et criminelle. Avec vous, les pauvres sont devenus coupables de l'être !
En résumé, votre texte criminalise la différence en rejetant de la société ceux qui en étaient déjà partiellement écartés.
Vous décidez de fermer les yeux sur ceux qui ont délibérément choisi la délinquance, qui doivent être distingués de ceux qui rencontrent la délinquance sans l'avoir choisie, le plus souvent pour une question de subsistance.
Ce sont les premiers qu'il faut sanctionner, alors que les seconds doivent être accompagnés dans un processus de socialisation et de retour à une vie normale.
Par votre texte, monsieur le ministre, vous faites le choix délibéré de substituer le policier au juge et à l'éducateur, alors même que notre pays a besoin d'une véritable politique de prévention de la délinquance et de la récidive.
Or, l'on sait - et vous le premier - que le taux de récidive est moins important chez les condamnés qui ont bénéficié d'une libération conditionnelle que chez ceux qui ont purgé la totalité de leur peine.
C'est bien la preuve que la prison n'est pas la solution pour enrayer la délinquance et l'insécurité.
Monsieur le ministre, pourquoi procédez-vous à une telle surenchère pénale alors que les parquets n'utilisent que 200 des 12 000 infractions qui sont actuellement répertoriées dans le code pénal ? Pourquoi ne pas exploiter correctement l'arsenal juridique dont nous disposons, monsieur le ministre ? Est-il vraiment nécessaire de créer de nouvelles infractions ?
Je pense plutôt qu'il convient en priorité de donner à la justice les moyens d'accomplir ses missions en utilisant correctement les infractions qui sont à sa disposition. Cela s'impose d'autant plus que la justice est déjà encombrée par le développement de la judiciarisation dans notre pays.
Vous n'hésitez pas à étendre le champ d'application des fichiers de police et des empreintes génétiques de façon démesurée, les conditions d'entrée et de sortie n'étant pas définies de façon claire, monsieur le ministre.
Il est possible d'être fiché à n'importe quel âge, y compris en cas de non-lieu. Nous avons déposé un amendement afin de modifier ces dispositions.
Par cette extension de l'utilisation des fichiers, vous rendez inexistant le contrôle de la justice sur l'action d'une police dont le pouvoir d'investigation est bien trop vaste.
Tous les citoyens sont concernés et non pas simplement les plus démunis. Croyez-vous qu'ils accepteront, parce qu'ils seront simplement soupçonnés dans une affaire ou, pire, entendus comme simple témoin, d'être fichés, y compris génétiquement, sans avoir jamais été reconnus coupables ? Je ne le pense pas.
Le pouvoir donné à la police dans ce domaine est disproportionné par rapport aux libertés publiques, au droit de chacun et au respect de la vie privée.
Par ailleurs, le principe de la présomption d'innocence est mis à mal dans ces dispositions. Mais cela ne vous dérange certainement pas, monsieur le ministre, vous qui ne cessez de stigmatiser la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence, qui serait, selon vous, un frein à l'investigation policière.
Nous émettons les mêmes doutes et les mêmes critiques à l'encontre des dispositions facilitant la fouille des véhicules. Encore une fois, le citoyen lambda ne sera plus protégé par notre droit puisque son véhicule pourra être immobilisé pendant trente minutes au bord de la route au seul motif qu'une infraction a eu lieu dans ce périmètre. C'est la porte ouverte à tous les arbitraires !
Nous avons déposé des amendements tendant à la suppression pure et simple de la possibilité donnée à la police de fouiller les véhicules dans les conditions prévues par le texte.
Ce ne sont pourtant pas les seules dispositions critiquables de ce projet de loi.
Le chapitre VI, qui traite de la tranquillité et de la sécurité publiques, prévoit pêle-mêle des dispositions à l'encontre des prostituées, des gens du voyage, des mendiants, des jeunes se rassemblant dans les halls d'immeubles.
A croire que ce sont des personnes dangereuses et que, pour préserver la tranquillité et la sécurité, il n'est pas d'autre moyen que de les mettre en prison ! Vous avouerez, monsieur le ministre, que c'est un traitement social de la misère quelque peu réducteur !
En effet, les mesures dirigées contre les prostituées sont en totale contradiction avec le travail qu'effectuent les associations dans ce domaine. Vous le savez.
Seules les personnes qui se prostituent sont visées par votre texte, qui punit le racolage de 6 mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.
Les personnes qui, par leur tenue vestimentaire ou par leur attitude, se livrent au racolage sont visées. L'amendement que le Gouvernement a déposé ce matin ne prévoit pas, à ce sujet, une véritable amélioration. La caractérisation de l'infraction sera bien difficile à établir, monsieur le ministre !
Les prostituées seront les nouvelles victimes des policiers, qui choisiront arbitrairement d'arrêter une fille, selon qu'ils considéront qu'elle porte, ou non, une tenue provocante.
Par ailleurs, ne vous trompez pas de cible, monsieur le ministre, ce ne sont pas les prostituées qu'il faut mettre en prison : le trottoir en est souvent déjà une, qui leur est imposée par leur proxénète.
Ce sont ces derniers qu'il faut poursuivre. Malheureusement, une simple action au niveau national n'est pas suffisante, vous l'avez dit tout à l'heure. Pourquoi n'instaurez-vous pas une coopération européenne afin de lutter non pas contre une vague d'immigration que vous semblez redouter, mais contre ces proxénètes qui dirigent le plus souvent leurs réseaux depuis les pays de l'Est ?
Pourquoi criminaliser des personnes qui sont déjà marginalisées et le plus souvent victimes des violences de leurs souteneurs, bien sûr, mais aussi des autres prostituées ? Leur réinsertion est déjà délicate à mettre en oeuvre, elle le sera encore davantage après un séjour en prison.
Nous nous opposons au traitement que vous voulez infliger aux prostituées. Nous défendrons un amendement tendant à la suppression de ces dispositions.
Quant aux gens du voyage, les sanctions proposées sont également synonymes de rejet, même si les communes ne peuvent engager de poursuites que si elles se sont conformées à la loi Besson, ce qui doit être remarqué. Il est encore une fois prévu des sanctions là où une politique d'accueil correctement appliquée aurait constitué un point de départ à l'intégration des populations nomades.
Faut-il rappeler, par ailleurs, qu'il est déjà possible d'agir en cas de violation d'une propriété ou de dégradations commises sur celle-ci, monsieur le ministre ? Pourquoi créer de nouvelles infractions là où il en existe déjà ? Vous nous répondez que cette mesure incitera les maires à se mettre en conformité avec la loi Besson, c'est-à-dire que l'on ajoute des dispositions au code pénal pour que les élus appliquent la loi Besson ! Où va-t-on ?
La même critique peut être formulée à l'encontre les dispositions relatives à la mendicité. Le maire, en tant que détenteur d'un pouvoir de police administrative, peut déjà intervenir en cas de trouble à l'ordre public dans sa commune, à condition d'édicter un arrêté dont la portée soit adaptée et proportionnée aux risques et que celui-ci ne contienne pas d'interdiction générale et absolue, au regard des nécessités de l'ordre public.
S'agissant de sanctionner « la demande de fonds sous contrainte », comment qualifier objectivement l'agressivité, monsieur le ministre ?
Cette mesure ouvre largement la voie à l'arbitraire policier. C'est d'autant plus inadmissible dans un Etat de droit que l'extorsion s'applique déjà à ce genre de situation, puisqu'elle consiste, aux termes de l'article 312-1 du code pénal, à obtenir par la violence, par la menace de violences ou par la contrainte, notamment la remise de fonds.
Voilà qui peut répondre au souci de sanctionner la mendicité agressive et qui est de nature à montrer que votre article concernant la demande de fonds sous contrainte n'a pas beaucoup de sens.
En ce qui concerne les rassemblements de jeunes dans les halls d'immeubles, depuis la loi Vaillant sur la sécurité quotidienne - que les parlementaires communistes n'ont d'ailleurs pas votée - les policiers peuvent intervenir à la demande des bailleurs pour dégager les parties communes d'immeubles, ce qui se solde généralement par une procédure pour outrage à policier et rébellion.
Mais, le plus souvent, ce sont les élus locaux qui se trouvent démunis face aux nouvelles formes de délinquance.
Les élus locaux et leurs concitoyens, particulièrement ceux que je connais le mieux, sont aux prises avec les difficultés sociales et ils constatent de surcroît les trafics en tous genres, l'économie parallèle, la violence, la drogue. Ils attendent une politique concertée, monsieur le ministre.
Cette politique doit mettre en oeuvre des outils appropriés contre les trafics, qu'il s'agisse de la police et de la justice, au niveau nécessaire. Elle requiert une police de proximité formée et insérée dans les quartiers, des mesures éducatives et de prévention pour les jeunes et une prise en charge effective, dans la durée, de ceux qui sont les plus marginalisés, pour favoriser l'insertion et la dignité des populations les plus fragilisées.
Nous avons d'ailleurs déposé des amendements qui tendent à supprimer les sanctions mal adaptées aux situations rencontrées par les gens du voyage, les mendiants et les jeunes.
Autrement dit, chers collègues, nous estimons que ce texte affiche une politique de répression, d'enfermement et d'exclusion dont les conséquences peuvent être graves, y compris pour les policiers, monsieur le ministre, alors que la prévention et le traitement en sont absents.
Mais est-ce si surprenant ? Cette politique pénale répressive n'est-elle pas le corollaire de la politique économique et sociale ultralibérale que le Gouvernement est en train de mettre en place avec les privatisations, la baisse des impôts et des charges sociales, la remise en cause de la solidarité nationale dans le financement de la sécurité sociale, la diminution de postes dans la fonction publique, la suppression des services publics de proximité, les licenciements, la réforme des retraites, la suppression des emplois-jeunes ?
Votre gouvernement a décidé de s'occuper des populations dites « à problèmes », c'est-à-dire celles qui ne se soumettent pas docilement à l'impératif du travail flexible, par la voie pénale.
Nous assistons à la mise en place d'une gestion sécuritaire et policière de l'Etat dont les fonctions régaliennes sont réduites à leur plus simple expression : police, défense et justice.
Voilà l'investissement de l'Etat dans la société que la République propose désormais aux citoyens ! Nous sommes bien loin de l'Etat providence, monsieur le ministre.
Pour accompagner la lutte contre la délinquance, les crédits accordés au ministère de l'intérieur dans le projet de budget pour 2003 augmentent de manière significative, de même que ceux qui sont alloués aux ministères de la justice et de la défense.
En 2003, les moyens de la police nationale atteindront 5,45 milliards d'euros, soit une hausse de 5,8 % par rapport à 2002 ; ceux de la gendarmerie s'élèveront à 4,26 milliards d'euros, soit une progression de 8,4 %.
Les maires sont cependant inquiets. J'ai reçu une lettre du préfet des Bouches-du-Rhône indiquant que deux gendarmeries et quatre commissariats étaient visés par le projet de restructuration et de redéploiement que vous envisagez. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec des maires qui pensent au contraire qu'ils risquent de se trouver encore plus démunis face à l'insécurité.
Les budgets des trois domaines régaliens privilégiés par le Gouvernement sont en forte hausse, alors que les budgets à caractère éducatif ou social qu'il s'agisse de l'éducation nationale, de la protection sociale, du logement ou de la politique de la ville, sont en diminution.
Or il faudrait par exemple créer de nouvelles structures d'accueil et d'hébergement pour les sans-domicile fixe, les prostituées et les gens du voyage - notamment pour les grands rassemblement qui sont de la responsabilité de l'Etat - et de nouveaux centres de vie au sein des quartiers dits « sensibles ».
Ces derniers auraient vocation à accueillir des jeunes, le plus souvent déscolarisés et sans repères, ceux-là mêmes qui se réunissent dans les halls d'immeubles et que vous préférez mettre en prison, monsieur le ministre !
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. Robert Bret. Il aurait été également préférable de créer des programmes efficaces d'insertion et d'alphabétisation.
Les populations visées nécessitent avant tout des réponses sociales en termes de logements sociaux, ou encore d'aides sociales pour les sans-logis, réduits à la mendicité.
Monsieur le ministre, conformément à l'engagement pris par le Parlement dans la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, « la lutte contre les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la nation ».
Le Gouvernement décide pour sa part d'apporter des réponses pénales en aval, telles que la prison, plutôt que de privilégier, en amont, la prévention de la délinquance et de la récidive.
Dans ces conditions, vous comprendrez que les sénateurs communistes refusent de s'associer à un texte qui relève plus de la stigmatisation, de l'affichage politique, de la démagogie pour rassurer les Français que d'une réelle volonté de s'attaquer de manière efficace et en profondeur au problème de l'insécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations ironiques sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la liste des formes de délinquance et de criminalité auxquelles l'Etat doit faire face dans sa mission de maintien de l'ordre, de la sécurité, de la tranquillité publics est longue : proches de nous, le drame de Nanterre ou celui de Chambéry, les tentatives d'assassinat du Président de la République et du maire de Paris, l'agression de policiers, de pompiers, de convoyeurs de fonds, de conducteurs de bus, la prolifération de la prostitution et du proxénétisme, l'exploitation de la mendicité, les agressions verbales et physiques, les agressions, parfois mortelles, de jeunes filles.
Se contenter d'effectifs et de moyens matériels et financiers supplémentaires n'aurait pas suffi à enrayer le processus de délinquance croissante dans lequel notre pays s'est engouffré.
Je me félicite donc des orientations de ce projet de loi qui visent non seulement à permettre d'appréhender plus efficacement la délinquance et certaines formes de criminalité, mais qui s'attachent également à restaurer l'autorité de l'Etat et à prendre en considération les risques liés au terrorisme et aux armes à feu.
Depuis un certain temps, des voix s'élèvent et ce que nous appelons, dans le comté de Nice, le « festin des reproches » se développe, alimenté par différents collectifs politiques, syndicaux, de défense, voire parfois confessionnels et d'associations.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'abbé Pierre !
M. Jacques Peyrat. Mais notre devoir, je crois, consiste à dire les choses telles que nos concitoyens les ressentent majoritairement dans le pays et à provoquer les changements susceptibles de répondre à leur attente et, partant de là, outre le fait de satisfaire celle-ci, de réconcilier les Français avec la vie publique.
Je pense, bien évidemment, à la majorité de notre population telle qu'elle s'est exprimée aux dernières élections présidentielles et législatives, même si je comprends que se dressent des opposants, quelques minorités, des groupes de pression et de vertueux moralistes.
Les atermoiements du gouvernement qui a précédé le vôtre, monsieur le ministre, impliquaient un changement radical. Ce changement, vous l'insufflez à travers le projet de loi que vous nous proposez.
Il y a quelques jours, un quotidien nous révélait que, à l'occasion d'un colloque judiciaire organisé par des avocats d'un barreau prestigieux, certains d'entre eux, et même des magistrats et des professeurs, avaient révélé puiser, « dans l'acharnement primitif qui se donne libre cours dans la société française, des raisons d'inquiétude, craignant une surenchère pénale lourde d'effets pervers ».
Le rédacteur de l'article mentionnait dans son propos Montesquieu : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. »
Peut-être étiez-vous visé, monsieur le ministre, peut être était-ce le sens - pour partie tout au moins - de l'intervention de celui qui m'a précédé à cette tribune. Aussi me suis-je posé la question suivante : quelles sont les lois nécessaires ?
Assurément, ce sont celles qui permettent aux citoyens de vivre ensemble, toutes origines, toutes conditions sociales, tous âges confondus, dans les hameaux, les villages, les villes, les agglomérations qui composent le territoire national.
Ceux qui, comme la plupart d'entre nous, ont pour charge d'administrer nos communes savent bien les atteintes de nature diverses, nombreuses, réitérées, qui menacent, jour après jour, la sécurité et, partant de là, la liberté de ceux qui y résident, perturbant la tranquillité de leur vie quotidienne, entravant l'éducation des enfants, la vie professionnelle, l'épanouissement de la vie conjugale et familiale, les loisirs et la retraite de leur fin de vie.
L'accroissement considérable de la délinquance qui a été constaté dans nos villes d'abord et l'est maintenant dans nos campagnes vient bouleverser la vie de chacun, de la simple agression verbale ou de la contrainte physique jusqu'à l'homicide, voire à l'attentat terroriste, en passant par la menace, le vol, le racket, le lynchage, le viol, qui n'épargnent ni le domicile, ni l'école, ni les commerces, ni les services des urgences de l'hôpital, ni même, hélas ! le cimetière, paisible lieu de recueillement dans le souvenir des disparus.
Les maires comme les présidents d'agglomération ou de communauté assistent dans les communes, surtout lorsqu'il s'agit de villes, voire de grandes villes, non seulement à une progression inquiétante de la délinquance, qui se mesure à l'augmentation statistique des crimes et délits, mais aussi au développement et à l'aggravation d'agissements qui portent atteinte à la tranquillité et à la sécurité publiques, agissements qui font l'objet des dispositions du chapitre VI du présent projet de loi.
C'est sur les articles 18 à 29 qui composent ce chapitre que je souhaite poursuivre mon intervention.
Les responsables locaux constatent le développement inquiétant de la prostitution dans les artères de leurs villes, où non seulement le racolage le plus intempestif se déroule sous leurs yeux,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Outrage public !
M. Jacques Peyrat. ... mais où les ébats dans les voitures et les résultats apparents de ceux-ci sur les trottoirs, sur les pelouses et dans les squares provoquent l'indignation - sauf la vôtre, monsieur Dreyfus-Schmidt - et le malaise des habitants.
« Parlez vrai », avez-vous dit tout à l'heure, souffrez, monsieur le ministre, un arrêt sur image.
M. Charles Gautier. Quel théâtre !
M. Jacques Peyrat. Dans la seule ville de Nice, 47 360 délits ont été constatés en 2001, soit une augmentation de 11,85 % en un an, bien supérieure à celle - plus 6,1 % - qu'a connue le département et plus élevée que la moyenne nationale, qui s'est établie à 7,69 %.
A Nice, la délinquance touche chaque année, 10 000 visiteurs étrangers, qui représentent 20 % des victimes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et que fait le maire ?
M. Jacques Peyrat. Quant à la prostitution, la direction centrale des affaires sociales et de la santé publique de la ville de Nice, que je dirige, en symbiose avec le service de prévention et de réadaptation sociale, a répertorié 443 prostituées sur le territoire communal.
Mme Nicole Borvo. Combien de clients alors ?
M. Jacques Peyrat. Quatre-vingts sont françaises, 322 proviennent de l'Est ; la Bulgarie, dont vous parliez tout à l'heure, monsieur le ministre, étant la championne avec 132 ressortissantes.
Mme Nicole Borvo. Il doit y avoir plus de clients qu'à Paris !
Mme Hélène Luc. On dirait qu'il découvre ça aujourd'hui !
Mme Nicole Borvo. A Nice, en plus !
M. Jacques Peyrat. Un tiers sont des hommes ou des travestis, deux tiers sont des femmes. Remarque qui revêt une importance particulière, nos services sociaux ont rencontré depuis le début de cette année 245 nouvelles prostituées.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Eh bien !
M. Jacques Peyrat. Il ne s'agit là que des formes que revêt cette activité sexuelle. Un débat sur la prostitution s'ouvrira peut-être un jour mais, d'ores et déjà, on peut se demander si une loi n'est pas nécessaire.
Les maires assistent, impuissants, au « caillassage » des véhicules de police municipale ou de police nationale dans leurs missions de maintien de l'ordre, ou des véhicules de sapeurs-pompiers dans leurs missions de secours, et même des véhicules du SAMU, des infirmiers, des sages-femmes, des médecins, ainsi que des chauffeurs de bus dans leur mission de transport.
Une loi n'est-elle pas nécessaire ?
Les maires le savent, certains habitants quand ils rentrent chez eux à la fin d'une journée de travail doivent subir de la part de jeunes dans le hall de leur immeuble sarcasmes, insultes, brimades, menaces d'agression, puis monter à pied dans les étages, l'ascenseur ayant été détraqué pour entreposer de la drogue au fond de la cage.
Une loi n'est-elle pas nécessaire ?
M. Charles Gautier. Pas pour réparer l'ascenseur !
M. Jacques Peyrat. Les maires doivent-ils continuer d'accepter, ainsi que les propriétaires privés de terrains, qui sont souvent des travailleurs de la terre, l'invasion inopinée de leur propriété par des nomades qui saccagent leurs plantations et leurs barrières, se branchent sur leurs compteurs électriques ou leur bouche d'eau, salissent, ravagent, puis repartent avec leurs caravanes et leurs véhicules, souvent rutilants d'ailleurs, pour revenir quelques mois après, quant tout aura été réparé ?
Une loi n'est-elle pas nécessaire ?
Les maires ne peuvent endiguer dans les rues, les squares, les jardins, la venue de marginaux, souvent jeunes, avec des chiens, en provenance de l'Europe de l'Est...
M. Marcel Debarge. Les chiens ?
M. Jacques Mahéas. Le danger vient toujours de l'Est !
M. Jacques Peyrat. ... pratiquant une mendicité violente et agressive avec parfois l'apport de pauvres handicapés « importés » et surveillés par des réseaux mafieux d'exploiteurs de la détresse et de la générosité des hommes.
Une loi n'est-elle pas nécessaire ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !
M. Jacques Peyrat. Pour aider les présidents de club à lutter contre les bandes de marginaux qui viennent polluer les rencontres sportives en jetant des bouteilles, des projectiles de toute nature, des pétards et provoquent des bagarres qui pourrissent ces manifestations, ne faudrait-il pas que ces marginaux soient contrôlés, fouillés, palpés s'il le faut, par les services de sécurité ?
Une loi n'est-elle pas nécessaire ?
Les braves gens qui vivent normalement leur vie de couple dans la cité, qui prennent le risque de faire des enfants, qui travaillent, qui payent leurs impôts grâce auxquels vivent et se développent les collectivités et la nation toute entière, n'ont-ils pas plus que ceux qui les importunent, les menacent, les salissent, les angoissent, les agressent, droit à la tranquillité et à être protégés ?
Une loi n'est-elle pas nécessaire pour garantir la vie collective et communautaire sur tout le territoire de la République ?
Je réponds si, bien entendu.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Nous aussi !
M. Jacques Peyrat. Paraphrasant Montesquieu, à mon tour, je pourrais dire que les contestations inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
Nous vous savons gré, monsieur le ministre, de votre fermeté et de votre opiniâtreté, nous savons gré au gouvernement auquel vous appartenez, dans lequel vous assurez les fonctions difficiles de ministre de l'intérieur, de son courage à afficher une volonté différente de celle du gouvernement qui l'a précédé. Ne vous préoccupez pas de ceux qui vous reprocheront sans doute de faire précisément ce qu'ils auraient dû faire mais qu'ils n'ont pas voulu mettre en oeuvre !
Dans la préface de L'homme révolté , Albert Camus écrivait : « Le jour où le crime se pare des dépouilles de l'innocence, par un curieux renversement des valeurs propres à notre temps, c'est l'innocence qui est sommée d'avoir à fournir ses justifications. »
Mme Nicole Borvo. Oh là là !
M. René Garrec, président de la commission. On n'est pas obligé d'aimer Camus...
M. Jacques Peyrat. Il n'en sera plus ainsi. Grâce à votre projet de loi, que nous voterons avec soulagement et enthousiasme, chacun retrouvera sa place, l'honnête citoyen, enfin protégé par la loi,...
Mme Nicole Borvo. Les bons pauvres et les mauvais pauvres !
M. Jacques Peyrat. ... comme celui qui l'enfreint, soumis à la rigueur des nouvelles règles qui, je l'espère, seront mises le plus vite possible en application par le Gouvernement et appliquées avec fermeté par nos tribunaux. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas ainsi qu'il faut lire Camus !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'aurait pas été content d'être cité par vous !
M. Jacques Peyrat. Vous criez dans le désert ! Et je n'ai pas de leçon à recevoir de vous dans le domaine de la lecture !
Mme Nicole Borvo. Nous non plus !
M. Jacques Peyrat. Décidément, cela ne leur plaît pas ! Je ne sais pourquoi d'ailleurs...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On est contre Le Pen depuis longtemps !
M. le président. La parole est à M. Paul Girod !
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, votre projet de loi comporte, me semble-t-il, deux aspects assez différents, dont l'un - il vient d'en être assez largement question dans les interventions précédentes - attire l'attention des foules et des médias, et suscite, çà et là, des polémiques dont je ne crains pas de dire qu'elles sont assez largement artificielles ou convenues.
M. René Garrec, président de la commission. Tout à fait !
Mme Nicole Borvo. Ah bon ?
M. Paul Girod. Pour ma part, monsieur le ministre, j'approuve pleinement cet aspect du projet de loi.
M. René Garrec, président de la commission, et M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Très bien !

M. Paul Girod. Donner à la puissance publique, qui reçoit ses pouvoirs du peuple, les moyens de protéger celui-ci contre les agissements agressifs, intimidants, dolosifs ou dégradants de voyous trop longtemps protégés par la culture de l'excuse me semble normal.
Cela doit même être encouragé, car cette culture de l'excuse, qui a régné pendant des années, a eu pour résultat de terroriser la société, de paralyser la police et la justice, de désespérer les victimes, lesquelles n'osent même plus porter plainte. Bref, elle a été le terreau de ces réseaux parallèles dominés par de petits caïds - parfois lieutenants de grands caïds - que l'on doit aujourd'hui briser sans pitié.
Or, si j'ai bien compris les événements du jour, monsieur le ministre, nous assistons, dans une localité du nord de la France, à la lutte terminale de caïds ayant prospérés pendant fort longtemps et qui, privés de leur capacité de nuisance, organisent l'opposition au retour à l'ordre normal.
C'est précisément la caricature de ce à quoi vous entendez vous attaquez, monsieur le ministre. (M. le ministre acquiesce.)
Je vous soutiendrai sans faiblesse, sous une seule réserve, mais elle est essentielle.
Les forces de l'ordre doivent se garder de toute dérive et être en permanence guidées par l'éthique. Le soutien général qui leur est accordé ne doit en aucun cas être prétexte à des abus de pouvoir. Cela irait à l'encontre de la remise en ordre de notre société que nous appelons de nos voeux.
Nous vous connaissons d'ailleurs assez, monsieur le ministre, pour ne pas douter que vous serez aussi intraitable sur ce point que sur les autres et, d'avance, je vous en remercie ; nous serons néanmoins très vigilants.
D'autres aspects de votre texte sont passés plus inaperçus aux yeux des médias et n'ont pas fait l'objet de procès d'intention - cela s'explique d'ailleurs aisément : je veux parler du volet ayant trait à la lutte contre le terrorisme, problème sur lequel mes responsabilités de président du Haut Comité français de défense civile m'amènent à me pencher depuis plusieurs années déjà.
J'ai constaté avec une certaine satisfaction, monsieur le ministre, que vous vous étiez fortement attaché à faire en sorte que cette lutte contre le terrorisme ne soit pas marquée du sceau de la précarité. Cela ressort notamment des dispositions de l'article 13 concernant la consultation des traitements automatisés de données personnelles et la protection des secteurs de sécurité des installations prioritaires de défense et de celles de l'article 17, qui reprend en partie la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, laquelle présentait l'inconvénient de n'être applicable que jusqu'en 2003, alors que nous savons bien que, malheureusement, la lutte contre le terrorisme se prolongera bien au-delà. Que cela plaise ou non à nos compatriotes, la France est potentiellement une nation agressée. Il faut que nous le sachions !
Cela m'amène, monsieur le ministre, à m'attarder un instant sur l'article 17 de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959, qui décrit le rôle du ministre de l'intérieur en matière de défense civile. On confond souvent la défense civile et la sécurité civile, or il s'agit de deux notions totalement différentes.
En effet, la sécurité civile, c'est la protection des populations, c'est peut-être le bras armé de la défense civile, mais ce n'est pas la défense civile. La défense civile, c'est la nation en éveil, sous la conduite du ministre de l'intérieur, comme le dispose l'article 17 de l'ordonnance de 1959, que vous connaissez sûrement par coeur, monsieur le ministre !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Sûrement ! (Sourires.)
M. Paul Girod. Permettez-moi, à l'occasion de ce débat, d'exprimer le souhait que, parallèlement aux mesures de remise en ordre de la société courante, vous preniez, dans les mois à venir, des initiatives visant à la remise en ordre intellectuelle de cette même société. Il convient de lui rappeler qu'elle est menacée en permanence, que sa défense est son affaire et celle de tous les citoyens et que les moyens de protection que vous êtes chargé de mettre en oeuvre ne peuvent être efficaces que dans la mesure où vous remplissez, au sein du Gouvernement, le rôle de coordination qui incombe au ministre « pilote » de la défense civile.
Monsieur le ministre, nous parlons beaucoup de sécurité intérieure : la défense civile en est l'un des aspects, et je souhaite donc que, dans les mois à venir, d'autres textes viennent compléter, à cet égard, le dispositif que vous nous présentez aujourd'hui. Dans la pratique, nous devons devenir une nation adulte, où l'on ne renonce pas à organiser des exercices préventifs de protection sous prétexte que cela risquerait d'affoler les populations. C'est précisément en se masquant la vue devant la réalité de la dérive criminelle que l'on a abouti à la situation actuelle en matière de délinquance : souhaitons que l'on n'adopte pas la même attitude face aux menaces que nous avons à affronter. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le ministre, je trouve vraiment étonnant que vous ayez réussi à faire mentir Voltaire.
M. Jean-Pierre Sueur. Voltaire, dites-vous ?
M. Bernard Plasait. « Le secret d'ennuyer est celui de tout dire », disait-il, or vous avez réussi, monsieur le ministre, à tout dire tout en nous passionnant jusqu'au bout. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. La brosse à reluire !
M. Bernard Plasait. Bravo, et merci ! En effet, cette performance m'a conduit à supprimer de nombreux passages de mon texte, par lesquels j'aurais bien voulu dire la même chose que vous, mais en termes trop peu éloquents pour que je puisse les conserver ! Mes collègues y gagneront, puisque je parlerai moins longtemps. (Marques d'amusement sur les mêmes travées.)
Cela étant, je voudrais dire ma stupeur devant l'accueil que certains ont cru devoir réserver à vos initiatives, monsieur le ministre.
Face à la cohérence et à l'équilibre du dispositif que vous avez élaboré pour restaurer la sécurité des biens et des personnes dans notre pays, je croyais que les vieilles lunes du passé n'étaient plus de mise. C'était, hélas ! une erreur.
En effet, la nouvelle opposition et ses relais médiatiques poussent des cris d'orfraie depuis qu'un grand quotidien du soir a, le 27 septembre dernier, jugé urgent de divulguer un « brouillon » d'avant-projet de loi pour la sécurité intérieure auquel les services de votre ministère travaillaient. Verdict immédiat, en forme de réflexe de Pavlov : « Toutes ces mesures en direction des prostituées, squatters, gens du voyage, étrangers, jeunes trop bruyants ou élèves trop absents, en pénalisant des comportements déviants, témoignent d'un renoncement à régler autrement que par la répression les petits désordres de voie publique. » Et ce journal de conclure son éditorial par un avertissement jupitérien : « Avec ce projet, qui procède d'une vision policière de la société, ce sont bel et bien les libertés individuelles qui se trouvent menacées. »
M. Charles Gautier. Eh oui !
M. Bernard Plasait. Vision policière, liberté menacée : les « gros mots » sont lâchés, voici revenus les délires d'antan sur le « tout répressif » !
Pourtant, la France qui souffre, celle des victimes anonymes et silencieuses de l'insécurité, ne doute pas qu'il est grand temps de rétablir le règne de la loi. Ce que demande le peuple, c'est que l'on arrête la violence en arrêtant les violents, que l'on mette fin au scandale de l'impunité en rétablissant la sanction.
Depuis des dizaines d'années, l'idéologie dominante rêvait d'un modèle préventif qui permettrait, croyait-on, d'éviter toute répression. La grande habileté du diable, c'est de faire croire que le mal n'existe pas, que l'individu ne doit pas être puni, puisque ce sont les autres, la société, qui sont responsables de tout. On mesure aujourd'hui les dégâts de cette utopie. Quand la violence est partout, c'est que la prévention de la violence a échoué, et il faut trouver des remèdes, sauf à être dur aux faibles, c'est-à-dire injuste, en faisant preuve de trop de sollicitude pour les violents. Quand le feu est à la maison, il faut penser d'abord aux victimes ! Le traitement social des pyromanes peut attendre un peu !
Mais peut-on, sans être traité de brute épaisse, faire l'éloge raisonné de la sanction ? Peut-on faire un éloge de la répression - voyez ma témérité, j'ose le mot ! - un éloge posé, aussi ferme que mesuré, qui s'inscrirait dans le droit fil d'une vérité trop longtemps négligée, qu'énonçait déjà ce cher Montesquieu, que l'on cite beaucoup à cette tribune, un Montesquieu au demeurant peu suspect de dérives fascisantes ? « Dans les Etats modérés, évrivait-il, l'amour de la patrie, la honte et la crainte du blâme sont des motifs réprimants qui peuvent arrêter bien des crimes. »
Je pourrais m'interroger, à cet instant, sur les raisons pour lesquelles la France a, depuis si longtemps, renoncé à enseigner à ses jeunes citoyens l'amour de leur pays, mais je me bornerai à envisager la validité, si peu démentie par les faits, de ces « motifs réprimants qui peuvent arrêter bien des crimes ». En effet, quelle meilleure définition pourrait-on donner de la prévention si nécessaire, mais dont aucune des conditions de mise en oeuvre efficace n'est plus remplie aujourd'hui ?
Mais Montesquieu, pour être un esprit supérieur, n'avait point prévu les ravages de la gauche plurielle sur le sens commun et l'appréhension de la réalité. A la honte et à la crainte du blâme, on est donc forcé d'ajouter, au sortir de cinq années d'impunité généralisée, l'assurance absolue d'une sanction proportionnée pour toute personne responsable ayant manqué à la règle commune.
Les meilleurs auteurs, et cela ne date pas d'hier, ont tout dit sur le sujet. Pour l'un, la punition est la première des préventions ; pour l'autre, la sanction fait partie de l'éducation ; pour un autre encore, un délit généralisé devient bientôt un droit : on pourrait multiplier les exemples... Tous ces propos, bien sûr, n'expriment jamais que des évidences, qu'il semble vain de rappeler.
Pourtant, à peine aviez-vous entrepris, monsieur le ministre, de vous attaquer sans faiblesse aux nouvelles filières mafieuses de l'esclavage moderne - prostitution, mendicité agressive organisée... - et de remettre un peu d'ordre dans la vie de nos cités que les beaux esprits clamaient leur indignation. Selon les uns, votre projet viserait à déclencher une forme de guerre sociale contre les pauvres. Selon les autres, il s'agirait d'un véritable dispositif liberticide, dirigé d'abord contre les populations les plus démunies. Quant au Parti communiste français, toujours aussi nuancé, il épingle à votre revers, monsieur le ministre, l'anathème commode de « maniaco-répressif », pour mieux disqualifier d'emblée votre démarche, mais surtout pour mieux s'exonérer de toute autocritique.
Que, à de rares exceptions près, la nouvelle opposition reste empêtrée dans sa « culture de l'excuse », c'est une évidence, mais une chose a changé : chance inespérée, le « ras-le-bol » aidant, son terrorisme intellectuel, coutumier s'agissant des questions de société, a de moins en moins de prise, y compris sur sa clientèle traditionnelle, et tourne de plus en plus à vide face à l'inflation du nombre des victimes de l'insécurité. Les résultats d'un sondage réalisé par l'IPSOS, publiés le 7 octobre dernier et indiquant que 72 % des Français et 63 % des sympathisants de la gauche parlementaire estiment pour l'essentiel « justifiées compte tenu de la situation en France » les mesures présentées dans ce projet de loi pour la sécurité intérieure, en sont une illustration sans appel.
Oui, monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous soumettez va dans la bonne direction. Je ne reprendrai pas le détail des mesures qu'il comporte, celles-ci ayant été brillamment exposées par M. le rapporteur, notre excellent collègue Jean-Patrick Courtois. Je voudrais simplement souligner que, grâce à ce texte, les personnels concourant à la sécurité intérieure verront leur autorité renforcée, ce qui constitue le préalable indispensable à l'élargissement de leurs moyens d'action.
En effet, restaurer l'autorité de l'Etat, c'est avant tout restaurer celle de ses agents. Pour ce faire, il était indispensable de renforcer leur protection juridique, tant il est insupportable de voir se développer sans réagir les agressions et menaces à l'encontre des agents qui incarnent l'autorité publique...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La réaction est là !
M. Bernard Plasait. ... ou des agents qui assument des missions de service public, par exemple les sapeurs-pompiers. Juridiquement mieux protégés, les personnels concourant à la sécurité intérieure n'en seront pas moins tenus d'oeuvrer dans le strict respect des prescriptions légales et réglementaires. Cela est élémentaire, mais vous avez tenu à le rappeler, monsieur le ministre. Vous avez ainsi très opportunément réaffirmé les contraintes de la déontologie et manifesté votre souci d'éviter les débordements, en prévenant que vous considéreriez les bavures comme une véritable trahison.
Enfin, parmi les moyens d'action plus étendus que vous entendez donner aux agents pour une plus grande efficacité, je relève avec satisfaction les nouveaux moyens de police technique et scientifique. Le fichier national automatisé des empreintes génétiques, placé sous le contrôle d'un magistrat, permettra une lutte plus efficace contre la criminalité.
Monsieur le ministre, j'approuve pleinement ce projet de loi, comme j'approuve les propositions de la commission des lois du Sénat. Je voterai votre texte avec une grande satisfaction, notamment parce qu'il constitue un acte politique majeur de restauration de l'autorité républicaine, c'est-à-dire un signal, celui d'une remise en ordre qui ne pourra qu'inquiéter les délinquants et rassurer les honnêtes gens.
Dans Pile ou Face , le regretté Michel Audiard résumait d'un clin d'oeil farceur le bon sens français : « La justice, c'est comme la Sainte Vierge : si on ne la voit pas de temps en temps, le doute s'installe. » (Sourires.) Sa prochaine réapparition, aujourd'hui bel et bien programmée, devrait sonner comme une vraie bonne nouvelle pour nos compatriotes.
M. Marcel Debarge. Il a des visions !
M. Bernard Plasait. N'en déplaise à tous ceux qui continuent à nier l'évidence, rien de tel que la fin de l'impunité pour faire reculer l'insécurité. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alex Türk.
M. Alex Turk. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai deux séries d'observations : la première est relative aux fichiers et la seconde, plus générale, concerne l'esprit de ce texte.
S'agissant des fichiers, je m'exprime ici bien sûr en tant que membre de cette assemblée et non en tant que vice-président de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Cependant, comme je ne peux me dissocier, ce que je vais dire est forcément inspiré par ce que j'entends dans cette autre enceinte.
Première remarque : pour bien mesurer la portée du texte en matière de fichiers, il faut distinguer ce qui constitue une différence de degré et une différence de nature avec les textes précédents. Il faut toujours avoir présent à l'esprit la fait que les textes précédents, en particulier celui qui est relatif à la sécurité quotidienne, avaient apporté de nombreuses innovations, et que vous avez souhaité simplement apporter des modifications, des extensions, parfois en les cristallisant. C'est important de le signaler car il est toujours judicieux d'éviter de s'égosiller quand cela n'est pas nécessaire.
Je prendrai l'exemple, qui me paraît le plus aigu, de l'article 13, lequel soulève le plus de réflexions. Les décrets d'application que devra prendre le Gouvernement ne seront pas soumis à la procédure d'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et on ne peut que le regretter. Je rappelle toutefois qu'il en est déjà ainsi. Aussi, nous perdons notre temps en débattant sur ce point, puisque la précédente majorité avait déjà procédé de cette manière, et donc acté cette procédure. C'est d'autant plus cocasse, d'ailleurs, que nous serons prochainement saisis d'un projet de loi visant à réformer l'ensemble du processus de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Les avis formulés par la CNIL seront non plus conformes, mais simplement motivés et publiés. Or cette disposition a déjà été adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, et par l'ancienne majorité ! Il ne faut donc pas faire de procès lorsque cela n'est pas nécessaire. En l'occurrence, s'agissant des fichiers, on peut écarter ce premier argument.
Le second critère qui permet d'évaluer un texte comme celui qui nous est soumis concerne le fond. Chacun le sait, dès que l'on touche aux libertés publiques, on revient au principe de proportionnalité, si cher au Conseil d'Etat et au Conseil constitutionnel. Simplement, il faut savoir, et vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur le ministre, que, au fond, l'autre forme que prend le principe de proportionnalité en matière de fichiers, c'est le principe de finalité.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Effectivement !
M. Alex Türk. A chaque fois qu'en séance plénière, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, nous avons un doute, nous tentons de nous orienter en nous référant au principe de finalité, car nous n'avons pas une réponse juridique précise et objective à chaque question qui se pose sur des sujets qui évoluent tant. (M. le ministre opine.) C'est ainsi que nous devons procéder. C'est ainsi que je voudrais procéder vis-à-vis de votre texte, monsieur le ministre.
D'abord, il convient de relever les progrès qui pourront être accomplis par votre texte et par les amendements que vous voudrez bien accepter et qui ont été proposés par M. le rapporteur et acceptés par la commission des lois.
L'énumération à laquelle je vais procéder pourra sembler technique, mais il est important de voir d'où l'on vient.
Premièrement, ce texte donne une base légale aux fichiers de police judiciaire.
Deuxièmement, la finalité du système de traitement des infractions constatées, le STIC, est exprimée. Ce n'est pas sans intérêt car c'est nouveau. En effet, sous l'ancienne majorité, le STIC fonctionnait sans que la finalité soit exprimée objectivement et expressément. Désormais, elle est exprimée : il s'agit de la constatation des infractions pénales, du rassemblement des preuves de ces infractions, de la recherche de leurs auteurs, de l'exploitation de ces informations à des fins statistiques. Comme on le dit parfois : cela va mieux en le disant.
Troisièmement, l'entrée - pour reprendre le jargon habituel, que je regrette - des victimes dans le fichier sera désormais prévue, au terme de la collaboration qui se noue entre la commission et vous-même, monsieur le ministre - elle ne l'était pas jusqu'à présent et c'était sans doute un oubli -, alors que seule la sortie était expressément prévue.
Quatrièmement, un décret en Conseil d'Etat précisera la liste des contraventions susceptibles de donner lieu à l'inscription des informations dans les traitements automatisés.
Cinquièmement, l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés sera requis sur le décret devant préciser la durée de conservation des données relatives aux véhicules volés. Sixièmement, le procureur de la République ordonnera l'effacement des données personnelles concernant les individus mis en cause si leur conservation n'est plus justifiée.
Septièmement - et c'est un sujet que je connais particulièrement - en matière de coopération internationale, on relève l'inscription dans notre droit positif du principe des garanties équivalentes. Cela signifie que chaque fois que nous transmettrons des données vers l'extérieur, c'est-à-dire vers des services de police étrangers ou des organismes internationaux de police, nous devrons avoir l'assurance que le niveau de protection sera équivalent. C'est une question essentielle. Elle nous agite, nous les Européens, depuis près d'un an par rapport aux Etats-Unis : c'est dire son importance !
Restent, monsieur le ministre, quelques questions qu'il m'appartient de vous poser.
Premièrement, à l'article 9, nous ne trouvons pas de référence explicite à la loi de 1978. Nous pourrions ouvrir un débat juridique, qui nous occuperait toute la soirée, sur le point de savoir si c'est bénéfique ou néfaste. Pour ma part, je souhaiterais simplement vous poser la question suivante : les mécanismes en question sont-ils, comme je le crois, soumis aux dispositions de la loi de 1978 ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui !
M. Alex Turk. Vous avez d'ores et déjà répondu !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est un point important !
M. Alex Turk. Pour quelles raisons éprouvez-vous, me semble-t-il, une réticence à voir précisées, dans le corps même de l'article 9, les conditions dans lesquelles les informations peuvent être communiquées dans le cadre de missions de police administrative ? Cette question nous préoccupe. Sincèrement, je vois mal ce qui pourrait vous gêner dans le fait d'apporter cette précision. C'est pourquoi il me paraît utile de le faire.
J'en viens à ma troisième question. Le texte qui nous est soumis procède à l'élargissement de l'accès aux fichiers STIC et JUDEX à des fins d'enquêtes administratives. Cela pose le problème du droit à l'oubli, qui a été évoqué à plusieurs reprises aujourd'hui, et notamment, par vous-même, monsieur le ministre. Cela pose aussi le problème d'un éventuel glissement vers une utilisation sur le modèle casier judiciaire.
Là encore, pouvez-vous nous donner des assurances quant à l'ouverture d'une réflexion sur cette question ? En effet, et chacun le comprend bien, l'évolution de ces dossiers est telle que nous devrons reconsidérer le problème du casier judiciaire.
S'agissant du fichier des empreintes génétiques, je vais m'efforcer de vous faire comprendre la réflexion de la CNIL à cet égard. A partir du moment où il est prévu à la fois d'étendre l'accès à ce fichier aux officiers de police judiciaire et d'assouplir les critères d'entrée dans le fichier, ne serait-il pas possible, pour éviter une situation trop tendue, de jouer sur l'un ou l'autre de ces critères ? Je présenterai tout à l'heure un amendement sur ce point.
Enfin, s'agissant de la coopération internationale, je souhaitais formuler un certain nombre de remarques mais, afin de ne pas prolonger le débat, je les exprimerai à l'occasion de l'examen de votre projet de budget, monsieur le ministre.
Je terminerai sur une réflexion que je me suis faite en lisant Montesquieu, qui a l'avantage d'avoir écrit beaucoup et qui est souvent cité.
M. Claude Estier. Il est effectivement beaucoup cité !
M. Alex Turk. C'est d'une incroyable modernité, qui vous dépasse : « La liberté politique consiste dans la sûreté ou, du moins, dans l'opinion que l'on a de sa sûreté », disait Montesquieu. Aussi, il est totalement absurde de se demander s'il y a réellement un manque de sûreté. En effet, il y a bien sûr un manque de sûreté. Cependant, si la population croit qu'elle n'est pas en sécurité, elle se prive de la possibilité d'exercer sa liberté. Dans notre droit, en matière de libertés publiques, chaque fois que l'on touche à une liberté, on fixe un régime juridique clair qui détermine des autorisations ou des interdictions, et chaque citoyen sait ce qu'il peut faire ou ne pas faire. Lorsqu'il n'y a pas de sûreté, les citoyens sont dans l'incapacité d'exercer des libertés publiques, alors qu'ils ne savent pas pourquoi, par le seul fait qu'il y ait une menace ou un doute sur un éventuel danger. Cette réflexion, qui est suscitée par Montesquieu...
M. Jacques Mahéas. Encore Montesquieu !
M. Alex Turk. ... mais qui nous agite de manière beaucoup plus moderne,...
M. Jean-Pierre Sueur. Quelle littérature !
M. Alex Turk. ... devrait suffire à écarter cet aspect du débat. Dès lors, peu importe qu'il y ait ou non insécurité comprise, reconnue objectivement, si nos concitoyens ont peur d'exercer leur liberté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
Mme Nicole Borvo. C'est très ambigu !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux,...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est fini !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... pardon, monsieur le ministre de l'intérieur, mes chers collègues, le temps n'est plus où le préfet Louis Lépine pouvait affirmer : « La France est un pays policé qui réalise ce phénomène de ne pas avoir de police. »
Ce temps n'était déjà plus quand, voilà un demi-siècle, le professeur Jacques Donnedieu de Vabres citait cette phrase à ses étudiants de l'Institut d'études politiques de Paris en ajoutant, non sans humour : « Proposition devenue fausse dans ce qu'elle affirme comme dans ce qu'elle nie. »
Avec votre projet de loi, monsieur le ministre, la situation risque de s'aggraver singulièrement.
D'humour, vous n'en manquez certes pas non plus puisque vous avez bien voulu me faire porter, comme sans doute à l'ensemble des membres de la commission des lois, en « très très urgent » et « sans attendre », le mardi 22 octobre 2002, le texte de l'avant-projet de loi que vous deviez présenter en conseil des ministres le lendemain, c'est-à-dire le mercredi 23 octobre. Cela, nous avez-vous écrit - et je dois bien sûr vous en remercier vivement - « afin de permettre au Sénat de travailler dans les meilleures conditions ». (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Parlons-en ! En fait, les conditions que, avec la complicité de la majorité du Sénat, vous nous avez imposées pour préparer le débat que nous abordons maintenant sont les pires que l'on puisse imaginer.
Elles sont indignes d'une démocratie parlementaire digne de ce nom. Elles bafouent le Parlement et nous nous devons de les dénoncer. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Il vous a fallu six mois pour préparer ce projet de loi pour « la sécurité intérieure » et, s'il faut en croire la presse - et comme nous l'avons ensuite constaté - vous n'avez cessé, jusques et y compris le mercredi 23 octobre, que dis-je, jusques et y compris aujourd'hui d'en supprimer, d'y ajouter ou d'en modifier de nombreuses dispositions.
Or le mercredi 23 octobre, précisément, le président Garrec présentait à la commission des lois son rapport sur le projet, pour le moins important, portant réforme constitutionnelle et « organisation décentralisée de la République » sur lequel les débats en séance publique ont commencé le mardi 29 octobre au matin, l'après-midi et le soir, pour se poursuivre dans les mêmes conditions jusqu'au mercredi 6 novembre, faute d'avoir pu se terminer, comme il était présomptueusement prévu, le jeudi 31 octobre !
Quant au rapport sur le projet de loi concernant la sécurité intérieure, son auteur, notre collègue M. Jean-Patrick Courtois, l'a présenté en commission des lois le mercredi 30 octobre.
C'est mardi 5 novembre, date fixée à l'origine pour le début des débats, que l'ensemble de nos collègues, au lendemain du pont de la Toussaint, ont pu obtenir du service de la distribution les 325 pages du rapport écrit dans lequel ne figure d'ailleurs pas le compte rendu des auditions auxquelles a procédé le rapporteur en présence de quelques rares sénateurs, puisqu'il n'en a pas été établi de procès-verbal ! - alors que la date limite de dépôt des amendements était fixée au lundi 4 novembre à dix-sept heures.
On ne peut donc pas y lire, par exemple, qu'un représentant du syndicat de police « Synergie officiers » a demandé que « les juges soient mis au pas » !
En revanche, on perd son temps à y lire les trente-deux pages de la prétendue étude d'impact : si l'on se demande, par exemple, combien coûte l'analyse d'une empreinte génétique - puisque le fichier en question serait formidablement étendu -, on en est pour ses frais, car, à la rubrique « Impact économique et budgétaire » concernant cette extension, on peut lire : « La mesure proposée doit être accompagnée de dotations budgétaires adaptées, étalées sur cinq ans (2003/2007) ». On est bien renseigné !
Mes chers collègues, le projet de loi pour la sécurité intérieure est un texte fleuve.
Si le projet de loi de réforme constitutionnelle comporte 11 articles qui ont donné lieu à douze auditions par la commission elle-même, dont les comptes rendus figurent au rapport -, il est vrai, lui aussi mis en distribution le jour même où s'ouvrait le débat - celui dont nous débattons présentement n'en comporte pas moins de 57, souvent longs, difficiles à apprécier dans leur portée, nécessitant une étude minutieuse.
Ces 57 articles, répartis en 6 titres et en 2 chapitres, portent, sauf erreur ou omission, pour les modifier, les supprimer ou les remplacer, sur 14 articles du code de procédure pénale, 13 articles du code pénal, 6 articles du code des postes et télécommunications, 5 articles du décret du 18 avril 1939 relatif aux armes et munitions, 4 articles du code de la route, 24 articles de la loi du 12 juillet 1983 relative aux activités de sécurité privée, 3 articles du code général des collectivités territoriales, 2 articles de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, 1 article du code de la consommation, 1 article du code de la construction et de l'habitation, 1 article de la loi relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives du 16 juillet 1984 enfin, sur quelques lois diverses, notamment la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, et sur la loi sur la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001.
Excusez du peu !
Nous sommes ainsi invités à renforcer singulièrement l'inflation des textes législatifs, mais aussi réglementaires, que chacun prétend dénoncer et qui, à la « sécurité » tout court, à la sécurité « quotidienne » et à la sécurité « intérieure », ajoute, ô combien ! l'insécurité juridique.
En définitive, nous avons appris mercredi dernier au soir que les débats ne s'ouvriraient pas aussitôt. Peut-on, en effet, imaginer M. le ministre de l'intérieur monter à la tribune du Sénat à vingt-deux heures ? C'est trop tard pour la presse du lendemain !
M. Jacques Mahéas. C'eût été un crime de lèse-majesté !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est donc seulement aujourd'hui, mercredi 13 novembre, que commence la discussion du projet de loi. Il reste que nous avons dû rédiger nos amendements dans la précipitation pour pouvoir les déposer avant la date limite, fixée au lundi 4 novembre. Enfin - cerise sur le gâteau ! -, nous avons appris la semaine dernière que le Gouvernement avait demandé l'urgence sur ce texte, qui comprend cinquante-sept articles. C'est évidemment tout à fait inadmissible.
Nous vivons, mes chers collègues, des heures extraordinaires ! C'est le ministre de l'intérieur qui s'occupe de la procédure pénale, et un texte comme celui-là ne connaîtra qu'une seule lecture !
Voilà donc rappelées les « bonnes conditions » dans lesquelles nous avons dû travailler et travaillons encore.
Sous ces réserves, j'en arrive, monsieur le ministre, au mauvais procès que vous ne cessez de faire à vos devanciers, comme à l'opposition tout entière.
Hormis, peut-être, les criminels et les délinquants, il n'est personne en France, il n'est personne au sein des assemblées parlementaires, bien évidemment, qui ne veuille absolument que chacune et chacun puisse vivre en sécurité quel que soit l'endroit où il vit. Et vous me permettrez d'avoir une pensée émue, en cet instant, pour notre ancien collègue Louis Virapoullé, récemment décédé dans de tragiques conditions à la suite de l'agression dont il a été l'objet au coeur du xvie arrondissement.
Vous présentant en novateurs, vous ne cessez, monsieur le ministre, avec vos collègues, de répéter à l'envi la formule selon laquelle ce sont les plus modestes qui souffrent le plus de ne pas jouir de cette liberté essentielle que constitue le droit à la sécurité. Vous n'avez pas le droit de feindre d'ignorer que vos devanciers, et singulièrement Lionel Jospin, en sont les inventeurs, et ce dès les premiers temps de la formation du gouvernement de M. Jospin, dès octobre 1997, à l'occasion du colloque de Villepinte.
M. Josselin de Rohan. Mais ils n'ont rien fait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'avez pas non plus le droit de feindre d'ignorer que c'est le gouvernement de Lionel Jospin qui a mis en place les contrats locaux de sécurité et la police de proximité, qui a fait un effort budgétaire considérable, quantitativement et qualitativement, en matière de police, de gendarmerie, et, last but not least , de magistrats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Josselin de Rohan. Cela n'a pas empêché la délinquance !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce rappel, nous ne cesserons de vous le faire aussi souvent qu'il sera nécessaire, en particulier chaque fois que vous adopterez à notre égard, sans répondre courtoisement à nos courtoises questions, un ton polémique qui nous est de plus en plus insupportable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Il paraît, à lire l'« entretien » que vous avez accordé à trois journalistes de ce qu'il est convenu d'appeler un grand quotidien du soir - entretien « relu et amendé » par vous-même -, que vous traitez vos opposants, entre autres aménités, de « tartuffes ».
Dire ce que l'on pense n'a rien d'hypocrite, et vous l'avez encore rappelé tout à l'heure à propos de votre prédécesseur, Daniel Vaillant.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas vrai !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous relirez vos propos !
Ce qui est hypocrite, c'est de feindre d'ouvrir de fausses fenêtres en laissant quelques chevau-légers de votre majorité se dire sensibles à la double peine ou au vote des résidents étrangers aux élections municipales, alors que la droite n'a cessé et ne cesse de réclamer l'une et de s'opposer à l'autre !
Ce qui est hypocrite, c'est aussi d'annoncer des mesures, telles la suppression de la présence de l'avocat à la première heure ou la pénalisation des squatters, puis de les retirer du projet de loi en suggérant que des amis pourraient déposer au cours des débats des amendements tendant à les introduire de nouveau.
J'en arrive maintenant au contenu même de votre texte, m'en tenant à quelques-uns seulement de ses aspects, faute de temps, car le groupe socialiste ne dispose que de cinquante-deux minutes,...
M. René Garrec, président de la commission. C'est beaucoup !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... c'est-à-dire de beaucoup moins de temps que vous n'en avez pris tout à l'heure, monsieur le ministre, votre temps de parole n'étant pas limité...
M. Jean-Jacques Hyest. C'est la règle, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'évoquerai ce que vous prétendez faire de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ; les fichiers automatisés, auxquels sont consacrés plusieurs articles ; vos propositions de modification du code pénal.
Votée par vous et par nous, socialistes, la loi relative à la sécurité quotidienne était et demeure clairement une loi d'exception, proposée par le précédent gouvernement pour lutter contre le terrorisme au lendemain des considérables événements survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001.
Une limite était fixée à l'application de ses dispositions, celle du 31 décembre 2003, précision étant apportée qu'avant cette date le Gouvernement doit présenter un rapport d'évaluation sur l'application de l'ensemble des dispositions de la loi.
Or il est d'ores et déjà proposé, sans qu'aucun rapport d'évaluation ne soit présenté, de proroger l'ensemble des dispositions de la loi relative à la sécurité quotidienne jusqu'au 31 décembre 2005, tandis que certaines d'entre elles seraient purement et simplement pérennisées !...
J'en viens aux fichiers automatisés, auxquels plusieurs articles du projet de loi sont consacrés.
Nous ne disconvenons pas que des fichiers automatisés soient nécessaires à l'identification rapide d'auteurs d'infractions graves.
En revanche, nul ne peut ne pas voir le danger pour les libertés que pourrait représenter un fichier, dressé par des policiers au stade de l'enquête préliminaire, dans lequel figureraient toutes les personnes concernées, c'est-à-dire des suspects de crimes, de délits et même de contraventions de cinquième classe, ce même fichier pouvant être consulté librement par d'innombrables policiers, fussent-ils qualifiés d'« habilités ».
Ficher de simples suspects, « quel que soit leur âge », c'est à l'évidence porter atteinte au principe de la présemption d'innocence, le même fichier recensant non seulement des criminels et des délinquants, mais également, je le répète, des suspects, et étant consultable y compris avant des décisions administratives de recrutement, mais aussi pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française, de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers, ou encore... pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux !
Ces réflexions concernent aussi bien le fichier d'informations nominatives visé, avec de nombreux autres, à l'article 9, que le FNAEG, le ficher national automatisé des empreintes génétiques, dont l'article 15 propose une singulière extension.
Ce dernier fichier concernerait non plus seulement les personnes condamnées pour des délits graves, mais également celles qui paraissent suspectes à la police, ainsi que les condamnés et suspects dans des affaires relatives à une kyrielle de nouveaux délits ; le prélèvement pourrait, en matière de flagrant délit, être décidé par un policier seul, le refus de prélèvement constituant un délit passible de six mois de prison et de 7 500 euros d'amende, sans possibilité de confusion ! Il faut noter que de tels excès n'étaient en rien prévus dans l'annexe de la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure du 29 août 2002 !
Evidemment, on pourrait ficher tout le monde : on pourrait, comme jadis pour le BCG, faire un prélèvement sur tous les nouveau-nés ! Seulement, les fichiers sont dangereux, car, vous le savez bien, les progrès de la science sont tels qu'on pourra bientôt y lire les maladies dont les gens sont atteints, ce qui permettra aux banques de refuser des prêts et aux compagnies d'assurances de refuser d'assurer les personnes concernées.
A l'évidence, plus les fichiers nécessaires - les fichiers autorisés - sont étendus, plus il est indispensable que l'autorité judiciaire, gardienne des libertés aux termes mêmes de la Constitution, intervienne à tous les stades.
Soyez assurés qu'au cours de nos délibérations nous serons vigilants, vigilants comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, que vous n'avez pas même consultée et qui a dû se saisir elle-même - alors que la loi l'a créée précisément pour veiller à ce que l'informatique ne piétine pas les libertés ! -, vigilants comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui, elle aussi, a dû se saisir d'office !
Quant à vos propositions de modification du code pénal, je prendrai trois exemples relatifs aux prostitués, aux mendiants agressifs et en réunion, enfin, à ceux que vous appelez à tort les « gens du voyage ». Il est vrai que vous n'êtes pas les premiers à les désigner ainsi, je vous le concède.
M. Josselin de Rohan. Ah bon ? C'est pourtant comme cela qu'on les appelle !
M. Roger Karoutchi. Comment les appellerait-on, alors ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A l'évidence, il s'agit de s'en prendre non pas - je vous le concède aussi - à la pauvreté, car il y a, hélas ! d'autres pauvres, mais à la marginalisation, à ceux qui suivent « une autre route » que les braves gens, comme l'eût dit Brassens : à ceux dont le comportement se voit et, nous n'en disconvenons pas non plus, dérange.
Ce que vous voulez faire disparaître, c'est précisément et principalement ce qui se voit dans la rue. Et le projet de loi, en vérité, porte non pas sur la sécurité intérieure, mais sur la tranquillité publique. Vous parliez tout à l'heure de la grande criminalité, monsieur le ministre : elle n'est pas visée ici, sauf en ce qui concerne les réseaux, mais nous y reviendrons.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et les fichiers !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'agissant de la prostitution, revoici Tartuffe à la lettre : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir ! », puisque la seule tenue vestimentaire constituerait un racolage ! (Rires. - M Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est vous, monsieur le ministre, qui êtes un racoleur, mais, vraiment, j'en aurais envie !...
M. Jacques Mahéas. C'est la France d'en bas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qui plus est, le racolage serait non plus une contravention de cinquième classe, passible au maximum d'une amende de 10 000 francs, mais un délit, passible au maximum, excusez encore du peu, de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende - seulement, puisque vous vous êtes repris et avez réduit l'amende de moitié !
Que faites-vous du principe de proportionnalité des peines, qui doivent être, comme la déclaration des droits de l'homme l'impose, « strictement et évidemment nécessaires » ?
Pour en revenir à la tenue vestimentaire, monsieur le ministre, si vous étiez suivi - si je puis dire ! -, il risquerait d'y avoir encore plus de monde que vous ne l'imaginez en garde à vue, sinon en prison, et même du beau monde si l'on considère les collections printemps-été 2003 de la plupart de nos grands couturiers (Sourires.), ainsi présentées par les médias, photos à l'appui, voilà moins d'un mois (M. Michel Dreyfus-Schmidt brandit les photographies en question.) : « Vêtements échancrés, voiles complètement transparents : les créateurs du prêt-à-porter printemps-été 2003 se lâchent... »
M. Jacques Peyrat. Ils ne sont pas sur la promenade des Anglais !
M. Georges Gruillot. Tout cela n'est pas très sérieux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je continue : « 2003, année érotique ? » Ou encore : « Eté torride pour Dior, où strass et sexe riment avec soleil » ; « Tom Ford découvre les seins dans sa collection rive gauche » ; « La jupette bouffante à ras des fesses, la culotte ou le short servant de faire-valoir à la veste... » Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la presse !
Si vous n'avez pas eu le temps de voir cela, monsieur le ministre, je vous offre ces quelques photos. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Refusez, monsieur le ministre !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Huissier, auriez-vous l'obligeance de les remettre à M. le ministre ? (M. le ministre marque son refus.)
Nous avons appris ce matin que, finalement, vous renonceriez aux mots : « tenue vestimentaire ». Il est vrai que certains se demandaient si l'absence totale de tenue vestimentaire était ou non une tenue vestimentaire !
Il reste entendu que l'atteinte à la pudeur figure dans le code pénal depuis très longtemps et qu'il suffit au ministre de l'intérieur de faire appliquer les textes existants.
Vous remplaceriez, nous dit-on, les termes : « tenue vestimentaire » par les mots : « par tout moyen, y compris l'attitude même passive », c'est-à-dire que n'importe qui pourrait être arrêté !
M. Josselin de Rohan. Il ne faut pas exagérer !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à l'heure, vous avez dit qu'il était honteux que le code pénal ait supprimé le racolage passif. Mais vous avez voté le code pénal, monsieur le ministre, comme tous ceux, droite et centre compris, qui siègent sur ces travées, du reste. Vous ne pouvez tout de même pas tout mettre sur le dos de vos prédécesseurs, si j'ose dire !
Est-il pensable de prévoir de telles peines - six mois de prison - pour l'exercice d'une activité qui n'est pas illégale et alors que chacun s'accorde à penser que la pire solution de ce difficile problème serait, comme votre initiative y conduirait à coup sûr, de contraindre la prostitution à devenir clandestine ? Si vous faites disparaître, comme vous le dites, la pointe de l'iceberg, nul ne voit plus rien, et la clandestinité est ce qui peut arriver de pire en termes tant de sécurité que de santé publique.
Mme Nicole Borvo. Cachons les prostituées au fond des maisons closes !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Combattre, comme vous le proposez par ailleurs, les réseaux mafieux, que ce soit en matière de proxénétisme ou de mendicité organisée, j'imagine que nous en serons tous d'accord ; mais, de grâce, ne confondons pas les criminels et leurs victimes !
Quant aux mendiants menaçant en réunion et avec chien méchant, vous savez parfaitement que vous n'avez pas besoin de créer un nouvel article du code pénal pour les poursuivre : le texte existant sur l'extorsion simple suffit parfaitement pour ce faire, même s'ils agissent seuls et pas en réunion !
On ne voit pas dans la rue ceux qui commettent des extorsions aggravées ! Par conséquent, même s'ils sont étrangers, il faudra attendre leur condamnation pour pouvoir éventuellement les reconduire à la frontière.
Je dis donc bien que c'est à ce qui se voit que vous voulez vous en prendre.
Mme Nicole Borvo. Il vaut mieux ne rien voir !
M. Hilaire Flandre. C'est cela qui nous pourrit la vie !
Mme Nicole Borvo. La grande criminalité ne pourrit pas la vie, on le sait bien ! Laissons les mafieux tranquilles sur la Côte d'Azur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'évoquez que les mendiants menaçant en réunion. Mais s'il n'y en a qu'un, est-ce que cela ne vous pourrit pas la vie tout autant ?
Quant à ceux qui sont désignés à l'article 19 comme des « gens du voyage » - ce sont d'ailleurs non pas eux qui sont visés stricto sensu mais d'autres caravaniers -, vous ne les ferez certainement pas partir en saisissant leurs véhicules (Mme Nicole Borvo rit) jusqu'à ce que le tribunal correctionnel ait prononcé la confiscation,...
Mme Nicole Borvo. Ils partent en courant !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... pas plus qu'en suspendant leur permis de conduire !
Ainsi Gribouille se jetait-il à l'eau pour éviter de se mouiller !
Et quand le procureur de la République de la deuxième ville de France, Marseille, demande en vertu de quel critère le parquet « va-t-il poursuivre une personne A plutôt qu'une personne B, dans une communauté d'une soixantaine d'individus ? » - et il peut y en avoir beaucoup plus, comme nous le savons bien dans le Territoire de Belfort -, le directeur adjoint de votre cabinet répond ceci, ainsi que la presse l'a rapporté : « L'objectif de cet article 19 est de ne servir à rien. Il suffit qu'il soit dissuasif. »
De même, quand on s'étonne de voir une contravention devenir un délit, M. le rapporteur ici présent nous répond en commission que c'est seulement pour faire passer un message, ce fameux message que vous avez entendu, dites-vous, dont vous tirez la leçon,...
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je n'ai pas dit cela !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et dont l'un de nos collègues qui nous vient du Front national s'estime parfaitement satisfait (protestations sur les travées du RPR), c'est-à-dire qu'il pense que vous avez entendu ce message-là ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Comme si le code pénal était un moyen de communication ! Comme si les marginaux, quand ils ne sont pas illettrés, lisaient la presse, le Journal officiel ou le code pénal !
En revanche, si vous cherchez à faire appliquer tous ces textes, vous allez considérablement augmenter la charge et le travail déjà excessifs des magistrats et des policiers, ainsi que la surpopulation de nos prisons dont récemment, même si c'était avant les dernières élections présidentielle et législatives, les sénateurs unanimes considéraient, en demandant que cela cesse, qu'elles sont « une humiliation pour la France ».
J'en arrive à ma conclusion.
Quelles sont les sources de l'accroissement de l'insécurité que l'on constate partout dans le monde, y compris en Europe ?
Plus que jamais la pauvreté, la misère, l'exclusion ; plus que jamais l'ignorance ; plus que jamais l'oisiveté ; plus que jamais l'inégalité sociale ; plus que jamais la discrimination !
Vous ne guérirez pas la France de ce mal dont tous risquent, en effet, d'être frappés et qui s'appelle l'insécurité si vous n'en combattez pas les causes. (MM. Robert Badinter et Jean-Pierre Sueur applaudissent.)
Les sommes considérables que vous prétendez consacrer à la répression, à la seule répression, ne laissent rien pour les éducateurs de rues, rien pour les surveillants que vous supprimez déjà dans les lycées et collèges, rien pour la santé en général et la médecine scolaire en particulier, rien pour la lutte contre les plans sociaux de vos amis du MEDEF et le chômage accru qui en découle, rien pour le logement social...
Ont le droit de vous le dire ceux qui ont mis en place le revenu minimum d'insertion, le RMI, la couverture maladie universelle, la CMU, et les emplois-jeunes.
Ecoutez, au lieu de les stigmatiser, ceux qu'avec mépris vous osez appeler « les droits-de-l'hommistes ».
Ecoutez le Secours populaire, le Secours catholique et les autres organisations non gouvernementales qui, elles, sur le terrain, s'en prennent aux causes de l'insécurité.
Ecoutez la Ligue des droits de l'homme, la LICRA et le MRAP !
Ecoutez la CNIL et la commission consultative des droits de l'homme.
Ecoutez ce « droits-de-l'hommiste », dont chacun fête cette année le deux centième anniversaire de la naissance, particulièrement dans ce Palais du Luxembourg - nous le faisions encore ce matin, en évoquant les « communards » réprimés comme on sait - où sa voix a si souvent retenti, fréquemment au milieu des quolibets de la droite, écoutez Victor Hugo lorsqu'il dit :
« Je rêve l'équité, la vérité profonde,
« L'amour qui veut, l'espoir qui luit, la foi qui fonde,
« Et le peuple éclairé plutôt que châtié. » (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. FrançoisZocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce soir est très important à double titre : d'une part, parce que, pour nous, il concrétise les engagements pris par l'actuelle majorité lors de la campagne électorale ; d'autre part, parce que ces engagements portent sur le problème majeur de la société française, à savoir la lutte contre l'insécurité.
Contrairement à ce que disent certains, l'insécurité est bien une réalité. C'est une évidence ! Ce n'est pas un simple sentiment ou un enjeu politicien, comme on voudrait nous le faire croire.
Mme Nicole Borvo. Qui a dit cela ?
M. François Zocchetto. Alors que la sécurité est un droit naturel et imprescriptible consacré par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, elle n'est plus assurée de manière égale sur l'ensemble de notre territoire.
Qui peut nier que la délinquance progresse régulièrement depuis de nombreuses années,...
Mme Nicole Borvo. Personne !
M. François Zocchetto. ... rendant la vie quotidienne de nos concitoyens intolérable ?
Mme Nicole Borvo. C'est vrai !
M. François Zocchetto. Il s'agit donc bien d'un problème dont l'ampleur et la gravité sapent les bases de notre démocratie,...
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. François Zocchetto. ... et, au premier chef, le principe d'égalité sur lequel la République s'est construite.
Mme Nicole Borvo. Très juste !
M. François Zocchetto. Je rappelle que le droit à la sûreté est un concept républicain et égalitaire.
M. Robert Bret. C'est vrai !
Mme Nicole Borvo. Tout à fait !
M. François Zocchetto. A ce titre, l'égalité de nos concitoyens est insupportable. Qui peut rejeter le fait - cela a pourtant été redit tout à l'heure - que ce sont les citoyens les plus modestes qui sont particulièrement touchés par la délinquance ?
Mme Nicole Borvo. Personne n'a dit le contraire !
M. Robert Bret. Vous enfoncez des portes ouvertes !
M. François Zochetto. Vous savez bien que l'insécurité, c'est d'abord avoir peur pour soi et ses proches. Toutes les études montrent que la peur au domicile augmente dans les quartiers en difficultés.
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. François Zocchetto. L'insécurité fait davantage peur quant elle paraît liée aux conditions de vie d'un quartier qu'on ne peut quitter faute de ressources suffisantes.
Cela rend cette situation encore plus inacceptable et nous impose bien sûr de mener de façon urgente une politique volontariste sans équivoque.
L'insécurité se place au premier rang des problèmes à résoudre, car il s'agit d'une problématique de service public. Je répète qu'elle n'est pas une idéologie mais qu'elle est bien la prise en compte de la réalité sociale.
Mme Nicole Borvo. Ah !
M. François Zocchetto. Le vote des électeurs du printemps dernier va plus loin que ce simple constat. Il s'analyse bien comme une injonction de faire aux pouvoirs publics, ce qui implique souvent - c'est vrai, même si ce n'est pas satisfaisant pour nous tous - une injonction de sanctionner. Faire une bonne politique de sécurité, celle qui est souhaitée par les Français, c'est faire réellement et sensiblement baisser l'insécurité sur le terrain, c'est-à-dire sanctionner réellement les délinquants, ce qui implique une collaboration sans faille de la police, de la gendarmerie et de la justice.
Le texte que nous examinons répond à mon avis à cette exigence démocratique. Il fait suite à la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Conformément à ce texte, nous observons dans le projet de loi de finances pour 2003 que des moyens matériels seront donnés, monsieur le ministre, à votre politique.
Aujourd'hui, nous examinons des moyens juridiques supplémentaires pour améliorer l'efficacité de votre action.
Je note, pour m'en féliciter, que l'action du Gouvernement apparaît, dans ce domaine comme dans d'autres d'ailleurs, rapide et efficace. La preuve en est - vous l'avez rappelé tout à l'heure - que la délinquance commence à se stabiliser sur le terrain et que les groupes d'intervention régionaux ont enregistré de notables réussites.
Il faut aussi rappeler que les dispositions que nous allons étudier s'inscrivent souvent dans la droite ligne de la loi du 15 novembre 2001 et de celle du 4 mars 2002 que le précédent gouvernement avait tenté d'élaborer. Il est donc très étonnant de constater que ceux qui soutenaient hier une certaine politique s'acharnent subitement à la combattre. (M. Roger Karoutchi s'exclame.)
Sur le calendrier supposé serré des travaux du Sénat et en particulier de la commission des lois, je voudrais témoigner de deux choses.
Tout d'abord, le texte ne présente pas d'innovations d'un caractère technique tel...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui !
M. François Zocchetto. ... que les trois semaines qui viennent de s'écouler ne permettaient pas à chaque sénateur de se forger une idée sur lui.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Très juste remarque !
M. François Zocchetto. Ensuite, l'année 2001 a été bien pire sur les mêmes sujets.
Plusieurs mesures du projet de loi retiennent particulièrement notre attention. Evidemment, nous nous réjouissons du rôle prépondérant des préfets et de l'amélioration des capacités d'actions de la police judiciaire ; cela facilitera la recherche des auteurs d'infractions.
Mais il ne s'agit bien entendu pas - je tiens à le souligner - de porter atteinte aux libertés individuelles. A cet égard, les précisions sur le traitement automatisé de données personnelles que la commission des lois a proposées et que notre collègue M. Alex Türk a rappelées tout à l'heure respectent cette exigence.
Cependant, monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous confirmiez, s'agissant de l'article 4 du projet de loi que les « raisons plausibles de soupçonner » - cela constitue encore pour nous une notion imprécise jusqu'à ce ce jour - s'entendent bien, de près ou de loin - mais si possible de près ! - comme des « indices », notion, quant à elle, parfaitement définie par la pratique et la jurisprudence.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument ! (M. Michel Dreyfus-Schmidt applaudit.)
M. François Zocchetto. La majorité sénatoriale s'était déjà émue de ce changement de terminologie voulu par le gouvernement précédent. Nous avons donc besoin de quelques précisions sur ce sujet.
On ne peut que souscrire au souhait du texte de mieux protéger contre les menaces les agents chargés d'une mission de service public et leur famille.
Par ailleurs, la création par la commission des lois d'une infraction de traite des être humains ainsi que le renforcement des instruments de lutte contre le proxénétisme et l'exploitation de toutes les formes de misère constituent un progrès important.
L'article 18 du projet de loi a lui aussi suscité de vives polémiques - M. Dreyfus-Schmidt vient d'ailleurs d'en parler - et donné lieu à des débats, en commission et ailleurs, qui méritent, je le pense, d'être repris à nouveau.
Nous sommes bien sûr très favorables à la lutte contre les réseaux mafieux et contre le proxénétisme, et, à ce titre, notre groupe ne voit pas d'objection au rétablissement de l'incrimination pour racolage passif.
Cependant, il ne nous paraît pas judicieux - nous avons déjà eu l'occasion de le dire - de définir cette notion au regard de « la tenue vestimentaire ». D'une part, cette précision n'est pas utile dès lors que le texte précise déjà « par tous moyens ». D'autre part, chacun sait que l'habit ne fait pas le moine et que l'appréciation d'une tenue vestimentaire ne peut être que subjective et ne présente aucun caractère juridique permettant de retenir la notion dans le code pénal.
La délégation aux droits des femmes du Sénat, sous la plume de notre collègue madame Rozier, nous met d'ailleurs clairement en garde contre ces risques de discrimination au détriment des femmes et entre les femmes elles-mêmes, s'interrogeant « à propos de l'instauration, dans le code pénal, d'une notion de racolage vestimentaire, sur les modalités permettant de manier cet outil juridique avec suffisamment de précautions pour prévenir tout risque d'atteinte aux droits des femmes ».
Aussi, monsieur le ministre, je vous remercie de nous proposer, par un amendement, le retrait de cette référence à la notion de « tenue vestimentaire ». C'est bien la preuve, d'ailleurs, puisque certains en doutent, que le travail parlementaire, et en particulier celui du Sénat, est pris en considération dans l'élaboration de ce texte.
Une mesure trouve un écho particulier dans cette assemblée : la pénalisation de l'occupation sans titre d'un terrain.
Cependant, une question reste posée : cette pénalisation permettra-t-elle de rendre les expulsions plus rapides ?
Je suis un peu dubitatif, comme un certain nombre de mes collègues, car, en pratique, cela nous semble difficile. Je souhaite que vous puissiez nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et doit-il nécessairement y avoir condamnation ?
M. François Zocchetto. En conclusion, il faut se féliciter de la prompte mise en oeuvre des engagements pris dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, en ce qui concerne tant les moyens matériels, que nous examinerons dans quelque temps, que les moyens juridiques, que nous allons, je l'espère, décider dès cette semaine.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que la véritable lutte contre l'insécurité se joue sur le terrain, avec les outils fournis par la loi. Après le vote de ce texte, la balle sera dans le camp de la police, de la gendarmerie et de la justice, qu'il ne faut pas oublier. Notre majorité doit garder à l'esprit que, si elle a été élue sur des engagements, elle sera jugée sur des résultats. Nous avons donc non seulement une obligation de moyens mais aussi, vous le savez bien, monsieur le ministre, une obligation de résultats. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Vous reconnaîtrez sûrement avec moi, monsieur le ministre, que la sécurité est à la base du contrat social. Sans elle, aucune liberté individuelle ou collective n'est possible. C'est le premier droit du citoyen, celui qui garantit tous les autres.
Il n'est donc pas étonnant que la sécurité soit au coeur du débat public. Les attentes des Français en matière de sécurité sont d'autant plus fortes qu'ils ont le sentiment d'une impuissance croissante des pouvoirs publics face à un phénomène qui progresse et prend de nouvelles formes.
Ses causes sont profondes et multiples. Comment ne pas lier cette progression de la petite et moyenne délinquance, qui nourrit le sentiment d'insécurité, à la dégradation de la situation économique et sociale ? Lorsque la société continue d'exclure, lorsque les inégalités sociales se développent, que reste-t-il du contrat social ? La pauvreté, le chômage, l'absence de perspectives d'insertion pour des populations démunies, souvent concentrées dans les banlieues.
Cependant, à mes yeux, la délinquance tient d'abord à la perte des repères et témoigne d'une véritable crise de civilisation : dilution des liens sociaux ou familiaux, grande difficulté de nos institutions à transmettre les valeurs qui fondent notre société de droit et à rappeler l'existence de règles intangibles.
Ma conviction est qu'il faut, en matière de sécurité, éviter deux écueils aussi redoutables l'un que l'autre.
Le premier, que j'appellerai l'angélisme, et que je connais bien puisque j'en viens, se caractérise par beaucoup de laxisme et aboutit souvent à l'opposé de l'effet recherché, la vie de nos concitoyens se transformant en un véritable enfer quotidien.
Le second, que je connais moins bien mais que certains ici connaissent beaucoup mieux, consiste à verser dans la démagogie sécuritaire et conduit à s'en remettre exclusivement à la répression.
Entre ces deux dangereuses dérives, il existe un espace dans lesquel une politique républicaine de sécurité peut être mise en oeuvre. Elle doit associer une réponse sociale forte, restaurer une école recentrée sur ces missions originelles, s'engager résolument ans le démantèlement de ghettos qui sont devenus de véritables zones de non-droit, où se concentrent tous les problèmes.
Mais ces actions seront d'autant plus soutenues et mieux comprises par nos concitoyens que les sanctions seront appliquées avec à la fois discernement et fermeté. Chaque institution, qu'il s'agisse de l'école, des collectivités locales, de la famille ou de l'Etat, à la place qui lui est dévolue, se doit de participer à ce rappel aux règles ; en démocratie, il convient de ne jamais l'oublier, c'est la loi qui libère.
Monsieur le ministre, globalement, votre projet de loi s'inscrit, comme vous l'avez rappelé, dans la continuité de la politique conduite par le gouvernement précédent en matière d'insécurité. C'est pourquoi il nous est difficile de le rejeter en bloc sans nous déjuger et sans courir le risque de ne pas être compris par nos concitoyens les plus modestes, qui sont aussi souvent les plus touchés par le fléau de l'insécurité.
Toutefois, je ne vous le cache pas, je m'interroge sur certaines dispositions du texte qui nous est soumis, non parce qu'elles seraient liberticides, comme il a pu être dit abusivement ici où là, mais bien parce qu'elles me semblent superflues. En effet, le code pénal, dans sa forme actuelle, permet déjà de réprimer les infractions qu'elles visent. Je pense notamment aux articles 18, 20 ou 22.
Il reste que nous relevons des aspects positifs, comme l'extension du fichier national automatisé des empreintes génétiques. Vous avez, à juste titre, rappelé que les Britanniques nous avaient précédés dans ce domaine, pour le plus grand bien des habitants du Royaume-Uni.
Le volet du texte qui concerne les gens du voyage est un autre point positif.
Nombre de mes collègues qui exercent des fonctions de maire sont trop souvent confrontés à des occupations intempestives, malgré les efforts importants réalisés par le gouvernement précédent pour l'accueil des gens du voyage.
Mon collègue Paul Loridant, maire des Ulis, et qui n'a malheureusement pas pu être présent ce soir,...
M. Roger Karoutchi. Dommage !
M. François Autain ... me faisait récemment part de son inquiétude à la suite du départ de nombreuses entreprises de la zone industrielle de Courtaboeuf, que vous connaissez bien, monsieur le ministre,...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. En effet !
M. François Autain. ... lassées par notre incapacité à faire respecter la loi sur ce point.
De même, nous sommes sensibles aux nouveaux pouvoirs attribués à la police municipale en matière de mise en fourrière, car le triste spectacle de voitures abandonnées est fort dégradant pour le cadre de vie quotidien de nos habitants.
Enfin, nous ne sommes pas choqués par les dispositions visant à mettre un terme aux regroupements dans les cages d'escalier, d'autant que le code pénal, là aussi, dans sa rédaction actuelle, permettrait de les réprimer. Encore faudrait-il que les forces de police et de gendarmerie soient en mesure de le faire. Car je crains que les nouvelles dispositions que vous nous proposez ne se heurtent aux mêmes difficultés, sauf si vous parvenez à mobiliser les moyens qui font aujourd'hui défaut.
Ainsi, sous réserve, bien entendu, que votre volonté de rétablir l'ordre public se manifeste par des moyens et des actes, et aussi sous réserve que la majorité sénatoriale ne fasse pas sombrer votre projet de loi dans la démagogie sécuritaire - mais les choses ont plutôt l'air de bien se présenter -, les quatre sénateurs membres du pôle républicain ou apparenté s'abstiendront sur ce texte. (M. le président de la commission des lois, M. le rapporteur et M. Patrice Gélard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout va bien !
Mme Nicole Borvo. Personne n'a dit cela !
M. Roger Karoutchi. Si !
Mme Nicole Borvo. Mais non ! Ecoutons-nous donc les uns les autres ! Ça, c'est de la polémique pure !
M. Roger Karoutchi. Je vous en prie, madame, j'ai écouté les intervenants de gauche dans le silence !
Tout va bien, donc, ce pays nage dans la sérénité, on se promène. C'est Amélie Poulain dans les communes !
M. Robert Bret. N'importe quoi !
Mme Nicole Borvo. Pas un sénateur n'a dit cela !
M. Roger Karoutchi. C'est ce que j'ai entendu tout à l'heure !
Nous avons eu un Premier ministre qui, candidat à l'élection présidentielle, a reconnu lui-même à la télévision qu'il avait été naïf en pensant que le simple fait de lutter contre le chômage ferait baisser l'insécurité.
Quant à M. Georges Frêche, maire socialiste de Montpellier, il affirme : « Si la gauche avait fait la moitié de la loi Sarkozy, Jospin aurait été élu. »
M. Hilaire Flandre. Heureusement qu'elle ne l'a pas fait ! (Sourires sur les travées du RPR.)
M. Roger Karoutchi. Et M. Jean-Marie Bockel, maire de Mulhouse, de dire : « La loi Sarkozy n'est pas une loi contre les pauvres. Les couches populaires, y compris celles issues de l'immigration, sont les premières victimes de l'insécurité. »
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Eh oui !
M. Roger Karoutchi. Je pourrais encore citer des déclarations de Manuel Valls, de Jean-Christophe Cambadélis et d'autres.
Mme Nicole Borvo. Ils ne sont pas là !
M. Roger Karoutchi. Certes !
M. Jacques Mahéas. On peut aussi citer Pierre Fauchon !
M. Roger Karoutchi. Mais vous avez eu tout le temps de le faire !
Est-ce l'opinion de toute la gauche que celle qui consiste à considérer que ce texte est un texte contre les pauvres, contre les exclus ? Non, bien entendu ! Outre ceux que j'ai cités, un certain nombre d'élus et de responsables politiques de gauche, estiment que ce texte va dans le bon sens.
Au demeurant, si l'on en croit les sondages parus dans la presse, 70 % des Français considèrent que la politique désormais conduite en matière de sécurité est la bonne.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !
M. Roger Karoutchi. Sur l'ensemble des politiques gouvernementales, elle serait même celle qui est la plus appréciée par les Français !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et par les 20 % de lepénistes !
M. Roger Karoutchi. Je vous en prie !
Au moment du débat sur la LOPSI, au mois de juillet dernier, la gauche affirmait que le texte était trop général, que ce n'était qu'une loi de programme de cinq ans, demandant où étaient les mesures concrètes, susceptibles de démontrer les crédits qui démontraient qu'une nouvelle politique de sécurité allait être mise en place.
Eh bien, nous y voilà ! Les premières mesures concrètes, au-delà des mesures budgétaires, elles nous sont présentées aujourd'hui dans ce texte qui permet effectivement d'aller de l'avant.
Je sais bien que certains à gauche - l'orateur qui m'a précédé, par exemple - étaient conscients, dès avant les mois d'avril et de mai, des besoins en matière de sécurité.
Je me souviens que, durant la précédente législature, alors que je réclamais la création d'une police régionale des transports en Ile-de-France, M. Daniel Vaillant m'avait répondu : « Monsieur Karoutchi, par pitié ! Nous avançons, nous évoluons, mais ne me demandez pas tout d'un coup ! Je ne peux pas révolutionner en un jour les mentalités des uns et des autres ! »
Il était conscient, probablement parce qu'il occupait à l'époque la place qui est aujourd'hui la vôtre, monsieur le ministre, que l'insécurité était un vrai problème pour tous les Français. Il était conscient du vrai défi qu'elle constituait pour tous les républicains, qu'ils soient de gauche, de droite ou du centre. Il avait compris que le moment était venu d'accomplir, dans ce domaine, une révolution culturelle.
Que chacun se souvienne du programme de campagne du candidat Jospin, sur bien des points, il allait bien plus loin que ce que dit la gauche aujourd'hui. Il demandait des mesures que vous qualifieriez aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, de mesures répressives ou excessives parce qu'il était probablement lui aussi conscient que l'insécurité était un vrai défi pour tous et qu'il fallait le relever.
Nous objecterons aujourd'hui que tout celà, c'est l'expression d'une lutte contre les pauvres, ce n'est pas bien.
Vouloir proroger les dispositions qui visent à renforcer la lutte contre le terrorisme jusqu'en 2005 ou demander l'ouverture des coffres de voiture, qui pourra peut-être éviter un attentat, une agression contre les pauvres ? Ne serons-nous pas alors fiers des forces de police ?
Est-ce une agression contre les pauvres que de vouloir l'élargissement du fichier national des empreintes génétiques qui compte aujourd'hui 1 200 empreintes alors qu'au Royaume-Uni, patrie des droits de l'homme, il en compte 1,7 million. (Mme Nicole Borvo s'exclame.) Et ce sont 60 000 indentifications génétiques qui étaient demandées au fichier britannique l'année dernière.
Est-ce une agresion contre les exclus que de faire en sorte que, en France, nous nous dotions des moyens modernes de ce fichier génétique ? En quoi serait-ce répréhensible si cela peut éviter la répétition des viols, si cela peut permettre l'arrestation de délinquants sexuels ?
En quoi protéger les familles de ceux qui, tous les jours, prennent des risques pour notre sécurité serait s'en prendre aux pauvres.
Il ne s'agit nullement de lutter contre les exclus, de les marginaliser, de les écarter de la société. Il s'agit de défendre une vertu républicaine, en protégeant ceux qui défendent la République et qui ont le droit d'être respectés.
Est-ce encore lutter contre les pauvres que de se battre contre les réseaux de proxénétisme, contre l'exploitation des êtres humains ? Cela a été tourné en dérision. Mais, très franchement, comment pouvez-vous, mesdames et messieurs les sénateurs de l'opposition, sérieusement penser, après tous les débats à la télévision, à la radio, dans la presse sur la prostitution, que prendre des mesures contre les réseaux de proxénétisme serait lutter contre les exclus ?
Mme Nicole Borvo. On ne parle pas des réseaux ! On parle des prostitués !
M. Roger Karoutchi. Pensez-vous sincèrement que les souteneurs, les proxénètes, les mafias qui exploitent des êtres humains ont une conscience morale, éthique ?
M. Jacques Mahéas. Vous ne nous avez pas entendus !
M. Roger Karoutchi. Mais, si, je vous ai entendus !
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas dans le texte !
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler l'orateur !
M. Jacques Mahéas. Monsieur Karoutchi, nous avons dit le contraire !
M. Roger Karoutchi. Bien sûr ! Vous avez toujours raison !
Le fait de ne pas interdire la prostitution implique-t-il de ne rien faire, de laisser faire ?
Monsieur le ministre, chacun comprend qu'il faut aider les exploités en étant intransigeant avec les profiteurs de la misère humaine. C'est à quoi tend votre projet de loi. Et chacun sait bien à quoi s'en tenir.
Certains disent : il y a déjà des textes ! C'est exact, mais si ces textes suffisaient, chacune et chacun d'entre nous le sauraient.
L'application des textes, c'est vrai, doit être juste, équilibrée. Pourquoi ne serait-elle pas plus équilibrée demain qu'hier ?
Les forces de sécurité sont des forces républicaines ! Elles ne vont pas changer. Elles vont appliquer la loi et faire en sorte que cette loi soit la mieux appliquée pour chacun de nous. Pourquoi, d'un coup d'un seul, basculerions-nous dans l'excès et dans l'inacceptable ?
A propos de la lutte contre la mendicité agressive avec des menaces, on a dit tout à l'heure qu'il existait déjà un délit d'extorsion simple. Mais nous savons tous que ce délit est très difficile à caractériser et que si un texte supplémentaire doit-être adopté, c'est que nous avons besoin d'une loi plus claire, plus complète.
Si le projet de loi qui est examiné aujourd'hui n'est qu'un complément ou un substitut d'un texte déjà existant, c'est donc que nous avions tous accepté ce texte.
Ce texte permet aujourd'hui d'aller de l'avant, de faciliter le travail des forces de police afin qu'elles puissent assurer la sécurité de chacun.
Qui est derrière cette mendicité agressive ? Ce sont les réseaux, les mafias qui provoquent l'exaspération croissante de nos concitoyens, à commencer, chacun peut le vérifier en prenant le métro, par tous les utilisateurs des transports publics.
Les mesures prises pour sécuriser les halls et les entrées d'immeubles signifient-elles, encore et toujours, qu'on lutte contre les exclus ou les pauvres ? Vous avez parfaitement raison de le dire, monsieur le ministre, les mesures prises ne concernent pas directement les immeubles bourgeois des quartiers résidentiels. Elles visent, pour les plus modestes, le premier droit, le droit à une vie plus sûre, plus sereine, le droit de ne pas être agressés dans leur propre immeuble. C'est un droit élémentaire.
Nous avons tous reçus, dans nos communes, des gens qui se plaignent d'une situation invivable à partir de 18 heures. Nous avons tous reçu des gardiens d'immeubles qui nous disent que les policiers constatent qu'il n'y a pas délit, puis repartent. Les gens, eux, restent et le gardien, lui, après, a quelques problèmes.
Il faut, à certains moments, convenir que des mesures ne sont pas excessives, qu'elles sont nécessaires pour que la sécurité et la sérénité de chacun soient respectées.
Monsieur le ministre, je crois que, depuis le début de ce débat, vous avez été à l'écoute de nos concitoyens. Vous avez été à l'écoute pendant l'élaboration de ce texte.
Nous verrons ce qui se passera au cours du débat parlementaire, mais nous savons que vous avez reçu les représentants des associations, et qu'ils vous ont convaincu de modifier votre texte, notamment sur les squats.
C'est la démonstration que le ministre n'est pas fermé et qu'il écoute.
Lors du débat parlementaire, des améliorations seront peut-être encore apportées mais, selon moi, très franchement, comme vous l'avez dit vous-même tout à l'heure, à juste titre, monsieur le ministre, la sécurité ne devrait être ni de gauche ni de droite. Nous l'avions déjà dit à Daniel Vaillant à l'époque : la sécurité est un droit éminent pour chacun, du plus modeste au plus privilégié. Les effets de la nouvelle politique, ils se voient déjà, qu'on le veuille ou non : les chiffres les plus récents sur la délinquance montrent l'inversion des tendances.
Bien sûr, cette inversion doit être confirmée. Mais l'inversion est là ! La hausse n'est plus inéluctable. L'insécurité n'est plus perçue comme un mal contre lequel personne ne peut rien.
On avait l'impression, depuis plusieurs années, et ce n'est pas un reproche que j'adresse spécifiquement à la gauche, que l'augmentation de la délinquance était un mal dans l'air du temps et contre lequel on ne savait plus très bien que faire. On ne savait d'ailleurs même pas s'il fallait faire quelque chose.
Vous l'avez dit dans votre intervention, monsieur le ministre, la prévention est évidemment l'un des fondements de votre politique et de la politique globale du Gouvernement. Mais chacun sait qu'elle a d'autant plus de portée que la lutte contre les réseaux, les mafias et la délinquance violente obtiendra de vrais résultats.
La sécurité est une affaire de mesure : il ne faut ni laxisme ni excès. Le laxisme conduit à l'affadissement de la République, l'excès à la remise en cause de la République. Nos concitoyens méritent mieux que les querelles subalternes autour de votre projet de loi, monsieur le ministre. Agir pour la sécurité, pour rassurer tous nos concitoyens, c'est faire oeuvre utile pour la République et pour tous les Français. C'est parce que nous vous faisons confiance monsieur le ministre, c'est parce que vous allez continuer inlassablement en ce sens qu'un jour, je l'espère, la sécurité sera pour chacun et pour chacune de nous une valeur commune et ne fera plus l'objet d'un débat, ni dans la rue ni au Parlement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans leur vie quotidienne, certains Français avaient peur : ils ne se sentaient pas protégés contre l'insécurité. Depuis l'adoption de la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, voilà à peine quelques mois, chacun a pu constater les changements intervenus tant dans l'organisation des services chargés de la sécurité intérieure que dans les esprits. Vos réformes, monsieur le ministre, ont pour fondement le bon sens. Elles sont donc lisibles pour l'ensemble des citoyens. Elles ont pour résultat une plus grande efficacité des services et pour objectif une recherche constante de la performance dans leurs actions.
La mise en place de la coordination entre la police, la gendarmerie et les services des douanes, en particulier dans le cadre des groupements d'intervention régionaux, commence à porter ses fruits sur le terrain.
Pour un certain nombre de missions, la simple mise en oeuvre de ce bon sens permet d'économiser d'importants effectifs de policiers pour renforcer les moyens déployés au service de la sécurité des biens et des personnes sur la voie publique. Il en va désormais ainsi de la surveillance des ambassades et des autres bâtiments publics protégés à Paris, qui générait un sous-emploi des forces de police. Je souhaite que prochainement il en soit de même pour le convoyage des détenus vers les palais de justice, auquel devrait se substituer le déplacement des juges dans les prisons.
La prochaine mise en oeuvre de la réforme de la carte des zones police et gendarmerie permettra enfin de rationaliser, avec des effectifs accrus, le déploiement de notre dispositif de sécurité intérieure et de l'adapter à l'évolution des menaces qui pèsent sur nos concitoyens.
Le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui s'inscrit dans un contexte international marqué par la multiplication des actes terroristes et la diversification des menaces. Les attentats tragiques qui ont visé des ressortissants français à Karachi, puis un pétrolier français au large du Yémen montrent que notre pays est une cible pour les organisations terroristes. Le récent attentat particulièrement meurtrier à Bali rappelle que le terrorisme n'a plus de frontières, pas plus que de limites dans la barbarie.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, l'ensemble du monde occidental a pris conscience de l'importance des services de renseignement pour la prévention des actes terroristes. L'inefficacité des services américains, s'appuyant trop sur l'électronique, et le constat d'une insuffisante coordination entre les différentes structures chargées du renseignement, ont mis en relief a contrario la performance qu'il convient de saluer des services français, reposant beaucoup plus sur la qualité des hommes.
Cependant, face à un terrorisme à la fois mal connu et multiple, notre pays ne peut se reposer sur un calme aléatoire. Il doit adapter son dispositif à l'évolution des menaces extérieures et intérieures, afin de renforcer la prévention et, chacun peut l'espérer, épargner nos compatriotes et notre territoire national.
Les services de renseignement, la direction centrale des renseignements généraux et la direction de la surveillance du territoire se distinguent par des savoir-faire et des réseaux propres, tout en accomplissant des missions qui se recoupent en partie. La mise en commun des moyens de ces deux directions, que l'on pourrait imaginer souhaitable dans un souci de rationalisation administrative, m'apparaît cependant comme pouvant être contre-productive. En effet, l'existence de deux services distincts permet de multiplier les sources d'information et de croiser les regards et les analyses sur les menaces qui s'adressent à notre pays.
Les informations recueillies par ces deux services doivent pouvoir être mises en commun et comparées, afin de fournir au pouvoir politique la réflexion la plus précise et la plus étayée possible pour la préparation des décisions. A cette fin, il est indispensable de favoriser les synergies et les échanges d'informations ainsi que, cela va de soi, de mettre fin aux détestables rivalités entre services - mais je connais, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, votre détermination, monsieur le ministre, - pour mettre fin aux guerres internes, d'autant plus consternantes qu'elles sont pérennes.
Face à une menace terroriste complexe, il faut absolument transcender les frontières administratives existantes et s'appuyer sur l'ensemble des expertises disponibles au sein des administrations - ministère de la défense, ministère des affaires étrangères, ministère de l'intérieur - et, le cas échéant, à l'extérieur de celles-ci. La mise en place d'une structure de coordination entre les services spécialisés des ministères concernés semble indispensable. Elle permettrait en effet de mutualiser les hypothèses et les conclusions afin d'accroître considérablement la connaissance de la menace et donc la sécurité.
Je le souligne, croiser les regards et les analyses est indispensable en matière de lutte contre le terrorisme, dès lors qu'il s'agit de prospective. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, personne ne peut écarter une hypothèse sous prétexte que « l'invraisemblable est impossible » puisque l'invraisemblable a eu lieu.
La diversification des sources et des études doit permettre à la France de mettre tous les atouts de son côté pour déceler, à un stade précoce, les menaces terroristes. La création d'une véritable filière du renseignement, ouverte sur les profils les plus divers et dotée d'un programme de formation spécifique, serait un apport utile dans la poursuite de cet objectif, en particulier au niveau des langues : il est indispensable de comprendre certains prêches.
Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous ayez à coeur de développer toutes les synergies au service de la lutte contre le terrorisme. La prévention constitue l'essentiel de ce travail.
Dans le cadre de cette prévention, prenons en compte le fait que les attaques terroristes sont souvent ciblées sur des objectifs permettant de médiatiser l'horreur. Les aéroports sont le siège de contrôles rigoureux qui devraient, je pense, être étendus à d'autres lieux, en particulier aux gares et aux trains. Comme vous venez de le dire, il ne faut pas attendre qu'il y ait des victimes pour agir.
En ce qui concerne la répression, je souhaite que soient adoptées prochainement l'imprescriptibilité des crimes terroristes, ainsi que l'incompressibilité des peines prononcées à ce titre. La frontière entre les crimes contre l'humanité et les crimes terroristes semble s'estomper, tant les actes terroristes ont franchi, au cours des derniers mois, une nouvelle étape dans la barbarie et dans l'horreur. J'estime qu'il convient aujourd'hui de tirer toutes les conséquences qui s'imposent face aux nouvelles menaces, que ce soit en matière de prévention ou de répression.
Monsieur le ministre, votre détermination a été essentielle pour changer l'état d'esprit d'une police, souvent découragée par un pouvoir politique qui s'interrogeait plus sur la conformité de son action avec son idéologie que sur la mise en échec des délinquants. Je rappellerai cette phrase éloquente prononcée en ces lieux : « Nous voterons la loi sur la sécurité intérieure, mais c'est contre notre culture ».
Votre culture, monsieur le ministre, c'est celle du résultat. Votre volonté est d'assurer à tous la même sécurité, en particulier aux plus faibles d'entre nous, qui sont les plus exposés. C'est une action qui nécessite du temps, qui connaîtra des périodes difficiles mais, soyez-en certain, votre détermination a rendu aux Français l'espoir d'une vie plus paisible. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour la sécurité intérieure.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en tant que président du groupe chasse et pêche de notre assemblée que je souhaite intervenir dans ce débat (Ah ! sur diverses travées.),...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La pêche ne pose pas de problème ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski. ... même si le sénateur de l'Eure que je suis ne peut que se réjouir de voir le Gouvernement dans son ensemble, et vous plus particulièrement, monsieur le ministre, se mobiliser pour faire reculer cette insécurité qui menace, aujourd'hui plus qu'hier, les habitants de nos villes et de nos villages, sans exception.
L'insécurité est une bien triste réalité, qui frappe de plus en plus de nos concitoyens partout, dans nos petites villes de province comme dans nos campagnes.
Les derniers chiffres fournis par la gendarmerie parlent d'eux-mêmes : la délinquance en milieu rural a augmenté de près de 77 % pour l'année 2001.
Il est donc urgent de prendre conscience de ce fléau et de mobiliser toutes les forces vives de notre pays, comme le Gouvernement nous y engage depuis août 2002 avec la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et maintenant avec le texte qui nous est proposé en première lecture.
L'économie générale de ce projet de loi me convient parfaitement, monsieur le ministre, car il vise en priorité à renforcer l'efficacité générale des forces de police et de gendarmerie dans la conduite de leurs actions, tout en renforçant le rôle des maires dans cette lutte contre l'insécurité.
Je ne fais pas partie, monsieur le ministre, de ceux qui dénoncent votre texte comme une loi contre les pauvres. Les nouvelles incriminations que l'on trouve dans votre texte sur les nomades ou les prostituées ne nuiront pas aux pauvres, qui sont plus souvent victimes des violences qu'ils n'en sont les acteurs.
Comme vous l'avez rappelé lors de votre visite à Strasbourg et à nouveau en début d'après-midi, les droits de l'homme s'appliquent aussi aux victimes.
En fait, votre loi a le mérite de photographier les formes nouvelles de l'incivilité et de la criminalité organisée. Elle permettra surtout à la police et à la gendarmerie d'intervenir là où les textes surannés les paralysaient. (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
Il est indispendable de mettre un terme à la naïveté qui a prévalu pendant les cinq dernières années et qui a révolté bon nombre de nos concitoyens ; ils n'ont pas manqué, d'ailleurs, de l'exprimer à l'occasion des dernières élections présidentielle et législatives.
Cela étant, monsieur le ministre, il ne faudrait pas que nous nous trompions de cible, comme l'avait fait l'an dernier votre prédécesseur Daniel Vaillant en prenant les chasseurs, les tireurs sportifs et les collectionneurs pour les mauvais élèves d'une société dans laquelle la simple possession d'une arme ferait de son détenteur un délinquant en puissance.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Hélas !
M. Ladislas Poniatowski. Le Premier ministre de l'époque avait soutenu cet acharnement anti-chasse, afin de donner un peu de grain à moudre à sa majorité plurielle, avant, vous vous en souvenez, mes chers collègues, de reculer devant le tollé provoqué par ce véritable catalogue d'interdictions, toutes plus inutiles les unes que les autres.
De nombreux parlementaires de l'actuelle majorité avaient critiqué ces mesures, reprochant au Gouvernement d'alors de préférer se focaliser sur les armes de chasse dans les campagnes plutôt que de s'intéresser aux armes de guerre qui circulent dans les banlieues.
C'est la raison pour laquelle j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur le titre II de votre projet de loi qui fait référence aux dispositions relatives aux armes et aux munitions.
Votre approche est, certes, pragmatique et les articles proposés sont de toute évidence très éloignés du catalogue d'interdictions de votre prédécesseur. La mise en oeuvre des mesures prévues par certains articles est même urgente si l'on veut éviter qu'une tuerie comme celle qui a eu lieu à Nanterre ne se reproduise. Il s'agit des articles 31, 33 et surtout 35, qui faciliteront la consultation des fichiers et permettront aux professionnels de la santé de fournir des informations à l'administration.
Néanmoins, les articles 30 et 32 provoquent une profonde vague d'inquiétude parmi les 1,4 million de chasseurs.
Après cinq longues années de harcèlement législatif et réglementaire de la part du précédent gouvernement et une certaine lenteur dans les réformes envisagées par la ministre de l'écologie, les chasseurs acceptent mal des contraintes nouvelles, alors qu'ils ne sont en rien responsables de la délinquance.
Les chasseurs, les tireurs sportifs, les collectionneurs et les armuriers nous ont fait savoir, monsieur le ministre, qu'ils appréciaient la méthode de concertation que vous avez engagée personnellement, afin de mettre en place des mesures acceptables pour les deux millions d'utilisateurs légaux d'armes à feu. C'est pourquoi vous ne devez pas vous tromper de cible. Il est nécessaire de ne pas rendre obligatoire la déclaration pour toutes les armes de 5e catégorie.
De la même façon, il me paraît raisonnable que la présentation d'un certificat médical soit rendue obligatoire lors du passage de l'examen du permis de chasser. C'est d'ailleurs déjà le cas pour les tireurs sportifs lors de l'obtention de la première licence.
Mais est-il réaliste de vouloir imposer un certificat médical attestant de la bonne santé physique et psychique lors de l'achat d'une arme ou lors de la validation du permis de chasser ? Sincèrement, je ne le crois pas ! Indépendamment du coût que cela représenterait pour la sécurité sociale, comment vont réagir les médecins généralistes qui devront encore une fois engager leur responsabilité à propos de la détention d'une arme par leurs patients ?
Je tiens à remercier notre rapporteur Jean-Patrick Courtois d'avoir déposé des amendements de bon sens en la matière, lesquels, j'en suis sûr, apaiseront certaines inquiétudes.
Je suis certain que de telles mesures, plus adaptées, seront acceptées par les chasseurs, qui savent mieux que quiconque qu'une arme est un instrument dangereux à tout instant.
Les fédérations départementales de chasseurs mènent d'ailleurs, depuis plusieurs années, des campagnes permanentes d'information sur la sécurité et obtiennent d'excellents résultats, tant dans le comportement à la chasse que lors du rangement des armes et des munitions au domicile.
J'ajoute, monsieur le ministre, que le monde de la chasse pourrait être une force de proposition en matière de renforcement de la gendarmerie, afin de mettre en place une véritable police rurale, par exemple, plaçant une partie de l'actuelle police de la chasse, dont l'utilisation est plus que discutable, sous la tutelle du ministère de l'écologie.
M. Philippe François. C'est très important !
M. Ladislas Poniatowski. Voilà, monsieur le ministre, une autre façon d'associer les chasseurs à des missions d'intérêt général en sortant des sentiers battus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la répression du crime, du vol, des conduites agressives est nécessaire à la vie commune des habitants, mais elle n'est que l'ultime réponse aux conduites deviantes quand la République a mis en oeuvre la justice sociale et environnementale ainsi que l'égalité des chances.
Or votre gouvernement se désengage chaque jour de la solidarité ; il rogne les budgets des emplois aidés et de tous ceux qui oeuvrent pour les plus pauvres. Il oublie la prévention spécialisée et criminalise les populations en souffrance. Et, s'agissant de la sécurité, au-delà des accroissements des moyens de la police et de la justice, justifiés mais mal affectés, vous ne prévoyez rien en faveur des victimes, rien pour la réinsertion.
Seuls comptent à vos yeux non pas la nature des délits, par ailleurs déjà condamnables, mais la stigmatisation et l'éloignement de groupes, de populations qui se sentent considérés par essence suspects : « Cachez cette misère que je ne saurais voir. »
Mais je ne paraphraserai pas Molière ! Ecoutons plutôt la chanson ironique d'Alain Souchon :
« On peut pas être gentils tout le temps.
« On peut pas aimer tous les gens.
« Y a une sélection. C'est normal.
« (...)
« Mais comprenez-moi : c'est une migraine,
« Tous ces campeurs sous mes persiennes. »
Les gens du voyage que vous ne voulez plus voir sont de ceux-là. L'amalgame est total : roms, tziganes, gitans, réfugiés de l'Est et caravaniers de la misère. La responsabilité collective est à nouveau à l'ordre du jour d'un texte français. Un voleur... tous suspects ! Vous vous en prenez à deux éléments fondateurs de la culture des non-sédentaires, qu'ils le soient par choix ou par obligation : le lieu et le véhicule.
La majorité des communes assujetties à la loi Besson ne possèdent pas de terrain d'accueil : vous ne commencez pas par faire en sorte de donner aux maires les moyens d'appliquer la loi. En revanche, parce que vous connaissez cette carence, vous exonérez de sanction celui qui transgresse la loi dans une ville où la loi Besson n'est pas appliquée. Monsieur le ministre, au-delà du probable et souhaitable effet stimulant, est-ce une façon républicaine de dire le droit ? Diriez-vous, en tant que père, à votre enfant qu'il peut sécher les cours sans sanction au motif que l'effectif légal n'est pas respecté dans sa classe ? Ou bien vous mobiliseriez-vous, comme parent d'élève, pour que la règle soit appliquée ?
La priorité eût été que vous répondiez à la question que je vous ai posée au mois de juillet dernier : quelle est la place, en France, des gens du voyage et comment rattrape-t-on le retard pour les aires d'accueil des nomades ? Faute de ce courage, vous imaginez des mesures iniques, d'avance discréditées par leur peu de réalisme.
Saisir les véhicules ? Est-ce à la sédentarisation dans les lieux où ils sont pris en infraction que vous voulez les condamner ?
Les emprisonner ? Oui, mais qui ? Un au hasard ? Les quatre cents qui viennent d'arriver ? Les hommes ? Les femmes ? Et qu'avez-vous prévu comme lieu carcéral ? Qu'avez-vous prévu pour les enfants qui resteront seuls ? Comment distinguez-vous les réfugiés des gitans, des demandeurs d'asile et des pauvres en caravane expulsés du quartier voisin ?
Reconduite à la frontière, disent certains de vos amis ! Mais beaucoup sont Français !
Vous venez de nous dire, aujourd'hui même, que vous n'aviez pas de population cible. Pourtant, ils se sont tous reconnus dans votre texte. Et l'on n'a pas vu de manifestation de « camping-caristes » à la porte du Sénat !
Votre loi met en scène tous ceux qui, par leur simple présence dans l'espace public, vous dérangent, ceux qui, depuis des siècles, sont caricaturés par les conteurs et colporteurs pour gagner un public facile : ces prostituées « qui détournent le brave père de famille ». Ces miséreux « pas propres sur eux, qui ont sûrement des poux ou la gale » ; ces gitans « voleurs de poules et d'enfants ». (Exclamations sur les travées du RPR.)
Voilà ce que l'on disait jadis, chers collègues, et que l'on ne dit plus. Et pour cause : aujourd'hui, il n'y a plus de colporteurs, et les risques que l'on agite avec démagogie ont été actualisés.
M. Philippe François. Ringard !
Mme Marie-Christine Blandin. Aujourd'hui, ce sont les prostituées qui « ramèneraient le sida par les préservatifs usagers sur le trottoir » ; les pauvres « sûrement agressifs - vous avez vu leurs chiens ! » ; les roms « qui ont de trop belles caravanes pour ce qu'ils gagnent »...
M. Philippe François. Vous avez un siècle de retard !
Mme Marie-Christine Blandin. Cette mise en scène n'est pas digne du pays des droits de l'homme. Elle ne répondra ni aux propriétaires des voitures qui brûlent, ni aux filles agressées ou aux femmes violées.
Elle ne répondra pas aux sédentaires et aux élus choqués de voir, derrière des camps de nomades, s'accumuler déchets et résidus de démontage dans l'espace de vie commun.
Elle ne répondra pas aux gens du voyage qui ne trouvent ni adduction d'eau potable ni source d'énergie.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Donc, on ne fait rien !
Mme Marie-Christine Blandin. Elle ne répondra pas aux responsables de ces mêmes adductions, légitimement choqués de voir des vannes brisées ou des branchements électriques périlleux. Elle inscrira la crainte et le malentendu dans la durée.
Vous avez évoqué les dernières élections, monsieur le ministre. Certains ont compris, à cette occasion, qu'il fallait que le politique travaille plus et mieux avec ceux qui souffrent. Vous, vous avez fait le choix de renforcer les préjugés, de désigner des boucs émissaires.
M. Roger Karoutchi. Mais ne c'est pas possible !
Mme Marie-Christine Blandin. Ce n'est pas ainsi que l'on construit une société apaisée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Ladislas Poniatowski. C'est un raccourci simpliste !
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du débat relatif à la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, je suis intervenu sur le problème de l'insécurité quotidienne, véritable source d'inquiétude et d'exaspération pour nos concitoyens et, plus particulièrement, pour nos 500 000 élus locaux qui représentent une force de notre démocratie.
Le stationnement illégal et prolongé des gens du voyage est devenu un problème difficile à surmonter pour eux tous.
A l'époque, vous nous aviez promis, monsieur le ministre, des mesures concrètes et normatives devant permettre de régler cette question grâce, notamment, à l'octroi aux forces de l'ordre de nouveaux moyens juridiques. Je constate avec satisfaction que, par le texte que vous soumettez au Sénat, vous tenez cette promesse en comblant une lacune juridique. Mais vous avez la réputation, monsieur le ministre, de tenir vos promesses.
M. Jean-Claude Carle. C'est vrai !
M. Pierre Hérisson. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il n'existe pas, aujourd'hui, dans le code pénal d'incrimination délictuelle pour les faits consistant à s'installer de force sur un terrain appartenant à autrui, c'est-à-dire sans l'autorisation du propriétaire, en vue d'y établir une habitation. Les procédures civiles sont longues et exaspérantes, les contraintes pesant sur les pouvoirs publics, bien trop lourdes. Il en résulte, pour nos concitoyens, ce sentiment profond que le droit de propriété, droit fondamental s'il en est, n'est plus protégé par la loi, par la justice ou par les forces de l'ordre qui sont chargées de l'appliquer.
L'article 19 du projet de loi tend donc à créer un délit spécifique qui permettra de sanctionner toute occupation non autorisée d'un terrain appartenant à autrui d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende, ainsi que de la saisie du véhicule lorsqu'il a servi à l'installation non autorisée. Le projet de loi prévoit également deux peines complémentaires : la suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus et, le cas échéant, la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l'infraction.
M. Jean-Claude Carle. Absolument !
M. Pierre Hérisson. En outre - c'est un point très important pour les élus locaux - le texte vise l'installation sur un terrain appartenant à une commune qui s'est conformée aux obligations lui incombant en application de la loi Besson du 5 juillet 2000.
A ce point de mon propos, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que ce texte, particulièrement son article 19, s'appliquera à l'ensemble des communes figurant dans le schéma départemental dès lors qu'elles appliquent la loi Besson. Or, sur les 36 000 communes que compte notre pays, 32 000 ont moins de 2 000 habitants et, à quelques exceptions près, ces communes ne seront pas visées dans le schéma départemental. Que se passera-t-il donc si ces collectivités ont pris librement l'initiative de créer un terrain d'accueil en application de la jurisprudence Ville de Lille , permettant ainsi l'accueil des gens du voyage ?
C'est pour moi l'occasion de dire ici ce que j'ai rappelé déjà à plusieurs reprises à la tribune du congrès de l'Association des maires de France : toutes, je dis bien « toutes » les communes de France doivent l'accueil et le stationnement aux gens du voyage. Simplement, seules les communes de plus 5 000 habitants doivent obligatoirement figurer dans le schéma départemental.
Derrière cette obligation d'accueil qui s'impose à toutes les communes, il faut voir que c'est la liberté d'aller et venir qui est en cause. L'information a malheureusement été insuffisante, et beaucoup trop de maires en sont restés à l'idée que l'obligation concernait les seules communes de plus de 5 000 habitants.
Toutefois, sur le point particulier des 32 000 communes de moins de 5 000 habitants qui n'auront pas été visées dans les schémas, l'article 19 ne s'appliquera pas et les terrains communaux ne seront pas protégés.
Il y a donc lieu de réfléchir et de trouver éventuellement par amendements une solution, afin que les maires qui prennent des initiatives en ce domaine puissent bénéficier de la loi. L'attente est, je crois, très forte, monsieur le ministre. J'ai d'ailleurs constaté, en parcourant les amendements, que certains d'entre nous s'interrogent également sur ce problème.
Les dispositions que vous nous proposez me semblent être le complément nécessaire à la loi Besson qui - bien entendu - doit être maintenue, bien qu'elle ait montré ses limites. Nous devons disposer aujourd'hui, pour traiter efficacement les problèmes d'itinérance, d'un texte qui soit suffisamment dissuasif.
Il s'agit d'un problème humain, mais également d'un problème de sécurité qui doit être envisagé comme tel. Il s'agit pour nous de rétablir l'Etat de droit sur le territoire national, et ce en relation avec les pays de l'Union européenne et, au-delà, avec les pays de l'Est. Il en va de notre responsabilité, mais aussi de la responsabilité de l'Europe.
Vous le savez, monsieur le ministre, les élus locaux, et plus particulièrement les maires, sont très sensibles au renforcement des sanctions applicables aux gens du voyage qui stationnent illégalement sur les propriétés publiques ou privées, notamment la possibilité de saisir les véhicules.
Un récent sondage montre que 80 % des élus refusent d'accepter la présence prolongée de gens du voyage sur le territoire de leur commune.
On note, par ailleurs, une forte différence d'opinion suivant la taille des communes. Ainsi, 43 % des maires des villes de plus de 30 000 habitants sont prêts à accepter la présence prolongée de gens du voyage, contre 14 % seulement pour les maires des communes de moins de 2 000 habitants. Cette différence montre bien, s'il en était besoin, le désarroi et le dénuement des maires des petites communes face à de tels phénomènes. Ils ne disposent ni de moyens en personnels ni de moyens matériels pour assurer le respect de l'ordre sur le territoire de leur commune.
Ces pourcentages démontrent également qu'il est nécessaire de répondre aux problèmes d'accueil dans le cadre de la loi Besson. L'une des principales conclusions du colloque organisé à Marseille le 24 octobre dernier par l'Association des maires de France est claire : les communes vont devoir créer plus de 20 000 emplacements de caravanes pour les gens du voyage d'ici à 2005 si elles veulent utiliser les moyens législatifs contre le stationnement sauvage. Aujourd'hui, on estime que 30 000 à 35 000 caravanes circulent en France, alors qu'il n'existe que 5 000 à 10 000 emplacements légaux, dont seulement la moitié serait de nature à recevoir, dans de bonnes conditions, les gens du voyage.
Je rappelle que le principe de la loi du 5 juillet 2000 est simple : le texte renforce les obligations des communes en matière d'accueil et d'habitat des gens du voyage en prévoyant la réalisation et la gestion d'aires d'accueil. En contrepartie, les communes doivent bénéficier de moyens juridiques et financiers renforcés pour lutter contre le stationnement illicite.
Monsieur le ministe, j'attire votre attention sur le fait que la loi Besson prévoit une aide financière de 70 % pour la création d'un emplacement dont le coût est évalué à 100 000 francs. Or les estimations dont nous disposons aujourd'hui démontrent à l'évidence que, pour respecter les dispositions proposées par la Commission nationale consultative des gens du voyage, le coût moyen d'un emplacement est plutôt du double, ce qui revient, dans la réalité, à ramener le montant de l'aide financière de l'État à 35 %. Se pose donc là un problème financier que je tenais à souligner dans la mesure où les communes qui sont chargées de réaliser ces équipements ne disposent pas toujours de budgets importants pour tenir leurs obligations.
Les aires d'accueil permanentes que les communes doivent réaliser et gérer ainsi que les communes où elles doivent être implantées sont déterminées par un schéma départemental. La loi distingue les communes de plus de 5 000 habitants, qui doivent obligatoirement réaliser les aires d'accueil dans un délai de deux ans, de celles de moins de 5 000 habitants, qui n'y sont pas tenues, sauf exceptions précisées dans la loi.
J'attire également votre attention, monsieur le ministre, sur le fait qu'il est nécessaire, dès lors qu'une commune ou une intercommunalité - puisque la loi donne la possibilité de transférer cette compétence à l'intercommunalité - s'est engagée, que votre loi s'applique. Dès lors que les engagements sont pris, il ne faut pas attendre que les travaux soient terminés et que l'aire d'accueil soit disponible, quitte à ce que les communes qui ne respectent pas la loi soient pénalisées si le délai est dépassé.
En contrepartie du respect de ces principes, le texte proposé par le Gouvernement met entre les mains des maires une disposition pénale qu'est l'article 19. Comme toutes les armes, cependant, cette disposition ne vaut que si l'on n'a pas à s'en servir !
L'article 19 permet la dissuasion, et c'est bien cela que les maires attendent, parce qu'ils ont besoin d'avoir une garantie qui leur permette de rassurer les populations des communes qui sont les plus concernées. L'objectif est donc bien de dissuader, c'est-à-dire d'utiliser la crainte que le dispositif ne soit mis en oeuvre.
Enfin, dans leur grande majorité, les maires estiment que la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure votée lors de la session extraordinaire de l'été est de nature à mieux assurer la sécurité au quotidien. L'attente des élus locaux est donc très forte.
Monsieur le ministre, la sécurité est aujourd'hui leur principale préoccupation. Ils sont souvent, pour ne pas dire toujours en première ligne face à leurs concitoyens. Ils sont là, présents au nom de l'intérêt général et au nom de l'Etat parce que cela relève de leurs responsabilités. Je pense que ce texte leur apportera des solutions dans la nécessaire coproduction de la sécurité qu'exigent l'état actuel de notre société et la forte attente de nos concitoyens. L'accueil des gens du voyage doit se faire dans le respect d'un certain mode de vie mais également dans le respect de règles opposables à chacun des citoyens de notre pays, notamment lorsqu'il s'agit de la propriété.
Pour terminer, je voudrais remercier ici plusieurs personnes, et tout d'abord vous, monsieur le ministre, qui avez tenu les promesses et les engagements que vous aviez pris à cette même tribune.
Je tiens également à saluer et à remercier M. Daniel Canepa, votre directeur adjoint de cabinet, qui est venu à Marseille et a participé à notre débat avec les maires du sud de la France.
Je voudrais également saluer le courage de notre collègue Maryse Joissins-Masini, députée-maire d'Aix-en-Provence qui, après avoir expliqué comment elle gérait ce problème à Aix-en-Provence et rappelé quelles étaient les obligations des maires - ainsi que celles de l'Etat à l'égard des maires -, a conclu en ces termes : « Un maire qui n'a pas d'aire n'a qu'à se taire ! » (Sourires.)
Monsieur le ministre, la conclusion des maires de France, c'est, en quelque sorte, donnant, donnant : d'un côté, nous appliquons la loi Besson dans son intégralité, avec toutes les difficultés que cela implique ; en contrepartie, vous nous garantissez le retour à l'Etat de droit. Ainsi, nous retrouverons la considération de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été dit à maintes reprises, 4 millions de crimes et de délits ont été constatés en France en 2001. C'est non seulement intolérable mais insupportable pour les victimes.
Mme Nicole Borvo. C'est sûr !
M. André Vallet. Ce sont ceux qui éprouvent le plus de difficultés pour s'insérer socialement, avec leur famille, qui sont les plus touchés.
Ce sont ceux qui ont crié leur colère, en se réfugiant parfois dans l'abstention à l'occasion des dernières consultations électorales. Leur colère était teintée de tristesse et de désarroi face à un Etat républicain qui leur semble défaillant.
On ne comprendrait pas que le Président de la République, le Gouvernement, les parlementaires de la majorité ne respectent pas les engagements prioritaires présentés, en ce domaine, aux Français et ratifiés largement par les électeurs.
Je vous sais gré, monsieur le ministre, de tenter de répondre par ce texte à l'angoisse quotidienne de nos concitoyens, même s'il appelle de ma part quelques remarques.
Votre projet de loi sera voté, largement approuvé, mais pas assez tout de même à mon gré. Il aurait pourtant mérité un consensus républicain, ...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est vrai !
M. André Vallet. ... qui aurait adressé un signal fort à la nation, mais aussi aux auteurs d'actes de délinquance qui croient agir dans une quasi-impunité.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Tout à fait !
M. André Vallet. Je suis sidéré lorsque je lis certaines déclarations, lorsque j'entends certains propos devant les caméras de télévision, qui diffèrent totalement de ce que peuvent nous dire sur le terrain, la population et les élus.
Mme Janine Rozier. C'est vrai !
M. André Vallet. Il n'est pas, dans mon département, une rencontre avec un maire, de droite ou de gauche, sans que soient évoqués - parfois en termes passionnés - les problèmes liés à l'insécurité.
Les maires sont souvent exaspérés, car l'hôtel de ville, plus encore que le commissariat ou la gendarmerie, est le réceptacle de la colère des citoyens.
M. Jacques Peyrat. Tout à fait !
M. André Vallet. J'entends même des maires de gauche qui n'hésitent pas à braver les mots d'ordre de leur parti pour approuver votre projet, monsieur le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ils ont raison !
M. André Vallet. Le maire de Mulhouse a été cité.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. De Montpellier, d'Evry...
M. André Vallet. Ainsi, le maire de Montpellier a déclaré que les socialistes feraient mieux de se taire plutôt que de critiquer le projet de M. Sarkozy. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Ce n'est pas moi qui le dis, c'est M. Frêche, maire de Montpellier !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Parole d'évangile !
M. André Vallet. C'est aussi le cas de votre prédécesseur, monsieur le ministre, qui connaît bien la situation insécuritaire de notre pays...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Eh oui ! C'est cruel, on est trahi que par les siens !
M. André Vallet. ...et qui vous reproche sans sourire ce qu'il avait lui-même prévu de faire. C'est également le cas des sénateurs du Pôle républicain qui, sans aller jusqu'à un vote favorable, ont annoncé leur désir de s'abstenir. Je me réjouis, monsieur le ministre, de votre volonté de « faire de la sécurité une réalité concrète et quotidienne pour protéger et renforcer les droits de l'homme et les libertés individuelles ». Je ne comprends pas ceux qui ne veulent pas admettre - peut-être parce que c'est vous qui le dites - que la sécurité est la première des libertés.
Comment s'opposer à l'extension du fichier des empreintes génétiques, à la visite de coffre de voiture, à la lutte contre les réseaux d'exploitation d'êtres humains, à la lutte contre ceux qui terrorisent au pied des immeubles ceux qui n'ont pas la chance d'habiter dans des quartiers plus chics ? Comment ne pas refuser la mendicité méchante, agressive et souvent organisée ? Comment ne pas sanctionner l'occupation illicite de propriétés privées ? Comment ne pas être d'accord avec un contrôle plus strict des armes ?
Monsieur le ministre, 1968 est loin, bien loin. « Il est interdit d'interdire » a montré ses limites, j'allais même dire sa stupidité. Je préférerai que nous admettions, tous ensemble, que « sans interdits il n'y a pas de libertés ».
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est vrai !
M. André Vallet. Votre texte appelle néanmoins quelques remarques.
La première, que personne n'a évoquée, concerne l'information du maire. Voulez-vous limiter l'action des maires à la présidence de comités Theodule où s'expriment de sympathiques généralités, où certaines associations semblent s'intéresser plus aux délinquants qu'aux victimes, sans que ne soient jamais traités les véritables problèmes de la cité ?
Les maires doivent être informés de ce qui se passe sur leur territoire. Monsieur le ministre, il faut que vous donniez des instructions pour que le commissaire de police ou l'officier de gendarmerie rencontre régulièrement les élus locaux, afin d'évoquer concrètement les actes de délinquance qui sont commis sur leur commune.
M. Jacques Mahéas. Cela, c'est vrai !
M. Philippe François. Tout à fait d'accord ! C'est très important.
M. André Vallet Votre texte, par ailleurs, ne précise pas suffisamment, de mon point de vue, la liaison entre la police municipale, la police nationale et la gendarmerie. Monsieur le ministre, si la police municipale n'a pas à s'immiscer dans le déroulement d'une enquête - tout le monde le comprendra - , c'est une source de renseignements qu'il serait stupide de négliger et je constate hélas ! encore beaucoup trop de réticences de la part des fonctionnaires d'Etat à leur égard. Il faudra, monsieur le ministre, clarifier leurs relations.
En outre, vous aviez prévu, à l'article 18, le délit de racolage, y compris par la tenue vestimentaire. Je crois savoir qu'un amendement a été déposé pour modifier cette rédaction.
Elle me paraissait en effet imprécise, maladroite et susceptible d'entraîner de mauvaises interprétations par les services tant de la police que de la justice.
S'agissant du proxénétisme, j'approuve la possibilité, ouverte à l'article 18 du projet de loi, de donner une carte de résident à une prostituée qui dénonce son proxénète. Mais, de grâce, monsieur le ministre, accordez-lui l'anonymat sans lequel cette mesure sera inefficace !
Je conclurai ce propos par une question qui nourrit l'actualité du jour, je veux parler des menaces terroristes qui pèsent sur la France et de la publication du rapport dit « confidentiel » des renseignements généraux dans un journal daté du 8 novembre.
Monsieur le ministre, comment ce rapport est-il parvenu à la presse ? Si l'on voulait qu'il soit rendu public, pourquoi ne pas avoir privilégié l'information du Parlement ? Enfin, et c'est la question la plus grave, celle qui hante tous les esprits, il suffit de regarder les journaux télévisés pour s'en convaincre : la France constitue-t-elle vraiment une cible privilégiée du terrorisme ?
Je voterai votre projet de loi avec la majorité du groupe du RDSE. Il vous appartiendra demain de l'appliquer avec la vigilance républicaine qui caractérise votre action. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Henneron.
Mme Françoise Henneron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à l'idée que tentent d'accréditer les professionnels du prêt-à-penser et du conformisme, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui n'est pas l'acte premier du complot réactionnaire visant au retour de l'ordre moral. Non ! Il est la conséquence directe du choix des Français et de la défaite au premier tour des élections présidentielles de ces bonnes consciences autoproclamées. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Carle. C'est vrai !
Mme Françoise Henneron. Il est curieux d'entendre ces soi-disant progressistes vous accuser d'attenter aux libertés publiques, eux qui ne sont jamais à court d'idées pour restreindre la liberté d'expression.
Mais on atteint des sommets quand les mêmes se regroupent à trente pour vous accuser de déclarer la guerre aux pauvres !
Voilà, le grand mot est lancé. Pour peu qu'ils se sentent en confiance, ils vont nous refaire le coup de la lutte des classes. (Exclamations amusées sur plusieurs travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mais ces pauvres, ces damnés de la terre, dont ces grands esprits découvrent l'existence quand ils ne sont plus aux affaires, ils ne les écoutent plus.
Mme Nicole Borvo. C'est affligeant !
Mme Françoise Henneron. Il n'est que de voir le résultat des élections présidentielles pour s'en convaincre.
M. René Garrec président de la commission. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je suis d'accord !
Mme Françoise Henneron. La leçon du 21 avril, c'est aussi et surtout cela ! Les pauvres, les laissés-pour-compte ont massivement recherché chez les extrémistes des deux rives ce que la gauche gouvernementale ne leur proposait plus depuis longtemps.
M. Jean-Claude Carle. C'est vrai, elle a raison.
Mme Nicole Borvo. L'UMP, c'est 19 % !
M. Robert Bret. Faites attention au retour de manivelle.
Mme Françoise Henneron. Oui, mes chers collègues, et nous le comprenons tous, en vérité, ce dont nous débattons aujourd'hui, ce n'est ni plus ni moins que de l'avenir de notre société.
Allons-nous permettre que la loi du plus fort s'impose aux plus faibles de nos concitoyens ?
M. Philippe Nogrix. Non !
Mme Françoise Henneron. Allons-nous permettre que des sauveageons imposent la terreur dans des quartiers livrés à eux-mêmes ?
M. Philippe Nogrix. Non !
Mme Françoise Henneron. Allons-nous permettre que l'Etat, garant de notre pacte social, soit méprisé, ridiculisé et agressé au travers de ses agents ?
Entrons dans le vif du sujet. (Rires sur plusieurs travées.)
Monsieur le ministre, si votre projet de loi fait autant de vagues dans les cercles très restreints de la pensée unique et s'il est à ce point caricaturé, c'est qu'il est excellent ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vos détracteurs ne forceraient pas autant le trait, au risque de prendre les Français pour des imbéciles, s'ils n'avaient vu dans vos propositions un moyen efficace de lutter contre la délinquance.
Leur inaction a placé le pays au bord du gouffre.
Et c'est en s'appuyant sur leur incapacité à régler ces questions qu'ils vous refusent le droit d'agir, qu'ils dénaturent vos intentions et vous peignent sous les traits d'un ennemi de la liberté.
Mais de quelle liberté parlons-nous ? Celle de se pencher avec commisération sur la misère humaine, comme savent si bien le faire nos professeurs de morale ?
Qu'ils se rassurent, ces esprits des beaux quartiers, leurs élucubrations seront toujours aussi accessibles et généreusement diffusées.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Françoise Henneron. Non, leur crainte, c'est bien plutôt de voir exposé le cynisme qui leur tient lieu de doctrine.
Ils sont terrorisés à l'idée de ne plus pouvoir donner de leçons à la terre entière. (Exclamations consternées sur les travées du groupe socialiste.)
Comment peuvent-ils asséner leur vision des droits de l'homme à l'humanité et laisser s'entasser, dans le même temps, dans des hangars, de pauvres gens qui, poussés par l'espoir d'un monde meilleur, sont venus s'échouer à quelques encablures de leur eldorado supposé ?
Mme Nicole Borvo. Oh !
Mme Françoise Henneron. Telle est la terrible réalité de Sangatte. Pas moins de 28 000 étrangers ont transité par ces installations en deux ans, qui pouvaient accueillir jusqu'à 1 800 personnes, alors qu'elles étaient prévues pour 800. Le nombre de clandestins interpellés a augmenté de 134 % sur la seule commune de Fretin entre mars et avril 2002.
Mme Nicole Borvo. Quelle caricature !
Mme Françoise Henneron. Tel est le bilan du gouvernement précédent. Et on vient aujourd'hui vous reprocher de fermer le centre alors que vos services mettent tout en oeuvre pour que ces malheureux ne restent pas dehors !
Mme Nicole Borvo. Quelle honte !
Mme Françoise Henneron. On tente de faire croire le contraire à l'opinion. Dans quel but et pour quelle raison ?
Il y a, d'un côté, les professionnels de la générosité et de la contrition qui font de tout un événement propre à médiatiser leur bonne conscience. Il y a surtout, de l'autre, ces mafias de passeurs qui sont les seules à tirer un bénéfice du regroupement en un même lieu des candidats à l'immigration outre-Manche.
En fermant Sangatte et en démantelant avec efficacité leurs réseaux, vous leur avez porté un coup dur. Ce n'est pas étonnant qu'ils tentent de vous le faire payer.
Rien ne sert de disserter à l'infini sur la dynamique des fluides appliquée aux migrations humaines. Au risque d'enfoncer des portes ouvertes, rappelons que la Grande-Bretagne est une île et que rien ne l'obligera à ouvrir ses ports aux demandeurs d'asile.
Il vaut mieux soustraire ces derniers à l'avidité des trafiquants...
Mme Nicole Borvo. Et des patrons !
Mme Françoise Henneron. ... et trouver avec leurs pays d'origine les moyens de les rapatrier. Toute autre solution n'est que vaine gesticulation, qui ne fera qu'attirer de nouveaux clandestins.
Cette politique, vous avez commencé à la mener, monsieur le ministre, et ce, je vous l'assure, à la grande satisfaction de nombre d'habitants du Pas-de-Calais ; au regard des autres voies qui s'ouvrent à nous, je ne vois pas au nom de quoi on viendrait vous le reprocher.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
Mme Françoise Henneron. J'entends vos adversaires se répandre sur votre passion supposée pour la répression et juger « liberticide » votre projet de loi.
Que contient d'effrayant ce texte ?
Il vise à rendre fonctionnel le fichier des empreintes génétiques : quelle épouvantable perspective ! Il a pour objet d'empêcher de paisibles voyous de s'approprier les halls d'immeuble : voilà bien une audace qui frise le racisme anti-jeunes ! Il tend à lutter contre la violation de propriété, le squat et la prostitution : folie liberticide ! Il permettra la fouille des coffres de voiture : quelle inadmissible atteinte au droit de « traficoter » en paix !
Mme Nicole Borvo. C'est vraiment extraordinaire !
Mme Françoise Henneron. Il permettra de mettre un terme à l'exploitation de la mendicité : vous n'aimez pas les pauvres, monsieur le ministre, c'est évident ! Enfin, il protégera plus efficacement les membres des forces de l'ordre et leurs familles : voilà qui est démagogique et superflu !
En fait, on vous reproche, monsieur le ministre, de balayer, par le biais de ce projet de loi, vingt ans d'application d'une fructueuse politique de prévention ! Cela fait vingt ans, en effet, que, entre prévention et répression, l'on tranche systématiquement en faveur de la première, sans remettre une seule fois en question le dogme de l'excuse sur lequel elle est fondée.
Voilà bien le noeud du problème : à force de tout excuser au nom de la culpabilité de la société, on rend la prévention illusoire et vide de sens. Que reste-t-il à prévenir, puisque l'on absout d'avance ? La responsabilité individuelle des délinquants se dissout dans la responsabilité collective d'une société qui n'offre, c'est bien connu, aucun espoir, et qui ne sait que rejeter les différences. La réussite est suspecte, et l'échec est élevé au rang d'art majeur ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo. De qui parle-t-elle ?
Mme Françoise Henneron. Dans ces conditions, allons-y : pourquoi se priver, puisque faute non assumée est déjà pardonnée ?
Nous avons été unanimes, sur ces travées, à condamner les drames qui ont frappé nos collègues de Nanterre et le maire de Paris. En avons-nous saisi l'exacte portée et tiré les conséquences ? Ce n'est pas certain.
Il a été décidé de renforcer notre législation relative à la détention d'armes, qui est l'une des plus restrictives qui soit. Fort bien ! Ne croyez-vous pas, mes chers collègues, que, pour lutter contre la soudaine prolifération des armes - celles-ci, soit dit en passant, sont loin d'être toutes achetées chez des armuriers patentés -, il faudrait tout d'abord se préoccuper de la sécurité des Français ?
En effet, c'est lorsqu'on a le sentiment que la sécurité n'est plus assurée par l'Etat que survient la tentation de l'assurer soi-même ; c'est lorsqu'on n'a plus confiance en la justice qu'on l'exerce soi-même.
Prenons garde, mes chers collègues, à ne pas exaspérer les victimes à force d'excuser les criminels : les droits ne sont pas d'un côté de la barre et les devoirs de l'autre. Rien n'est plus grave, pour l'Etat, qu'ignorer et abandonner une victime, dont il est bien souvent le seul et ultime recours.
Je voudrais enfin mettre l'accent sur le volet de votre projet de loi, monsieur le ministre, que j'estime fondamental.
Souvenez-vous, mes chers collègues, que, voilà un an, les fonctionnaires de police et de gendarmerie étaient dans la rue. Nombre d'entre eux avaient été agressés, et certains lâchement assassinés. Oui, je dis bien assassinés, et non abattus, comme s'il s'était agi d'un hasard malencontreux.
En effet, la culture de l'excuse qui nous a fait tant de mal est aussi véhiculée par le vocabulaire. Il me semble donc important et préférable d'appeler un chat un chat.
C'est parce que vous savez qu'il est essentiel de ne rien laisser passer afin de prévenir les grandes catastrophes que vous nous proposez, monsieur le ministre, de punir sévèrement celles et ceux qui menaceront les policiers, les gendarmes, les pompiers, les gardiens d'immeuble et les agents chargés d'une mission de service public, ainsi que leurs familles.
Tous ceux qui ont fait le choix de mettre leur vie au service de leurs concitoyens, tous ceux qui sont détenteurs d'une part de l'autorité de l'Etat seront protégés spécifiquement, ainsi que leurs familles, j'insiste sur ce point.
Votre souci d'étendre cette protection aux familles de ces personnes fait honneur à votre bon sens, monsieur le ministre. Cela permettra de surcroît à ces familles, j'en suis sûr, de se sentir soutenues par l'Etat, et, au-delà, par la nation.
M. Philippe François. Bravo !
Mme Françoise Henneron. Certaines d'entre elles ont tant eu à souffrir des sacrifices que leur a coûtés le choix fait par l'un des leurs de servir la communauté que cette reconnaissance législative est le minimum que nous puissions leur accorder.
En conclusion, je me réjouis de ce texte, qui marque le début du lent processus de guérison de ce cancer qu'est la délinquance, mal dont souffre depuis tant d'années notre pays, tant en milieu urbain qu'en milieu rural. (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
Oui, mes chers collègues, c'est bien entre les mois d'avril et de juin 2002 que nous avons changé de siècle.
M. Paul Loridant. Ah bon !
Mme Françoise Henneron. Au seuil de ce nouveau millénaire, il nous faut balayer les scories idéologiques qui font que, au nom de principes éculés, on voit le monde, non pas tel qu'il est, mais tel que l'on voudrait qu'il fût.
Mme Nicole Borvo. Formidable !
Mme Françoise Henneron. En 1968, des nantis en rupture de ban décrétaient qu'il était interdit d'interdire. Qu'ils permettent à une femme qui, comme certains d'entre eux, avait vingt ans alors, de leur dire qu'ils n'ont cessé de faire fausse route ! Alors qu'ils prétendaient agir au nom des travailleurs pour faire sauter leur chaînes, j'ai pu mesurer, moi qui étais depuis trois ans déjà, l'un de ces travailleurs, le fossé me séparant de ces idéologues. Tout n'était pas rose pour la jeune employée d'alors, mais je n'étais l'esclave de personne, je vous le garantis !
Mme Nicole Borvo. C'est sûr !
Mme Françoise Henneron. Après trente-quatre ans de sommeil, passés à rêver un monde qui n'existait pas, il est grand temps qu'ils se réveillent ! Le monde a bougé, une crise est survenue, un mur s'est effondré et des fous sanguinaires ont précipité deux avions et leurs passagers sur deux tours jumelles.
Les schémas qui avaient cours en 1968 étaient peut-être généreux en théorie, mais ils se sont révélés calamiteux en pratique. Le reconnaître n'est pas se renier et ne rendra personne plus vieux ou plus bête.
Mme Nicole Borvo. Cela, c'est sûr !
Mme Françoise Henneron. C'est tout simplement évoluer ! Cette évolution, les Français l'ont appelée de leurs voeux en renvoyant la gauche à ses chimères.
M. Jean-Claude Carle. C'est vrai !
Mme Françoise Henneron. Ce projet, le Président de la République l'a porté, le Premier ministre s'est donné les moyens de l'élaborer ; il nous revient, monsieur le ministre, de vous permettre de le mettre en oeuvre. (Applaudissements, sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR. - « Bis ! » sur les travées du groupe CRC.)
M. Paul Loridant. Debout, les damnés de la terre !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
Mme Nicole Borvo. Qu'il fasse aussi bien !
M. Robert Bret. Il va falloir qu'il se surpasse !
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de cette discussion générale, je serai extrêmement bref, d'autant que j'interviendrai lors de la discussion des amendements.
Je tiens simplement à vous remercier, monsieur le ministre, et cela pour trois raisons.
La première raison, c'est que vous avez souhaité que ce projet de loi soit d'abord discuté au Sénat. Cela marque votre attachement à la Haute Assemblée et, à travers elle, à tous les élus locaux qui vivent au quotidien les problèmes d'insécurité, d'incivilité, de délinquance, et vers lesquels se tournent en premier lieu les victimes et la population. Il est donc indispensable de leur donner les moyens juridiques et matériels d'assumer leur mission.
La deuxième raison tient à la méthode, celle-ci étant souvent un gage d'efficacité.
Ce projet de loi pour la sécurité intérieure vient compléter la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et que nous avons adoptée en juillet dernier ; il en précise les modalités de mise en oeuvre. Cela est très important, car l'on peut bien avoir les meilleures idées et les meilleurs principes, cela n'a de sens que si l'on peut les mettre en oeuvre dans la pratique.
Enfin, la troisième raison est liée à l'objet et à la teneur mêmes de ce texte.
Ce projet de loi, monsieur le ministre, est celui du coeur et de la raison, car il conjugue éthique et réalisme.
C'est en effet la seule voie qui puisse permettre l'amélioration durable d'une situation grave, qui reste la première des préoccupations de nos compatriotes, même si, depuis quelques mois, elle s'est amendée. Vous évitez ainsi l'écueil sur lequel ont buté vos prédécesseurs, qui, au nom de l'éthique, ont, pour certains d'entre eux, feint d'ignorer la réalité.
Cette réalité, au début de l'année, révélait qu'un crime ou un délit était commis toutes les sept secondes dans notre pays, ces délits étant, pour une part, le fait de mineurs de plus en plus jeunes commettant des actes de plus en plus graves, et, pour une autre part, de bandes organisées, voire de systèmes mafieux.
Ceux qui, aujourd'hui, persistent à vouloir vous donner des leçons de morale, monsieur le ministre, ne sont pas qualifiés pour le faire, car ils ont totalement échoué. Certains d'entre eux l'ont d'ailleurs très bien compris et le reconnaissent, comme le maire de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, qui déclarait que « l'inspiration de l'appel - il s'agit de l'appel à critiquer votre texte - n'est pas celle d'une gauche pragmatique, mais d'une gauche qui a complètement perdu contact avec la réalité vécue par les gens ».
En oubliant cette réalité que vivent au quotidien bon nombre de nos compatriotes, ils ont fait le lit de ceux qui, eux, se servent de ces seules réalités pour susciter chez nos concitoyens des sentiments de peur, voire de haine, qui sont à l'origine de l'avertissement sans précédent du 21 avril dernier.
C'est aussi le texte du coeur et de la raison s'agissant des clandestins, des prostituées et des gens du voyage, qui, comme vous l'avez fort justement dit, ne peuvent être déplacés comme de vulgaires objets, mais doivent être traités avec humanité, respect et dignité. Mais cela a un corollaire : en retour, ils doivent respecter nos lois. Nous sommes dans un Etat de droit, et notre devoir, votre devoir, monsieur le ministre, est d'assurer la sécurité des Françaises et des Français.
Permettez-moi de saluer votre volonté d'assurer la première des libertés qu'est la sécurité et d'avoir le courage de renoncer à cette vision éculée, que je qualifierai de « post-soixante-huitarde », qui oppose, à longueur de discours moralisateurs, à longueur de colonnes faussement moralisatrices, éducation et sanction, prévention et répression, alors que, au contraire, notre société, qui connaît trop souvent l'insuffisance ou la défaillance des cercles de proximité que sont la famille, l'école et la ville, exige que l'on conjugue éducation et sanction, prévention et répression.
C'est le sens de votre texte, c'est le sens de votre action. Le groupe des Républicains et Indépendants vous apporte son total soutien et votera ce texte, amélioré par le travail du rapporteur, Jean-Patrick Courtois. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier M. Jean-Patrick Courtois de son approche équilibrée et lucide de ce projet de loi, ainsi que du travail important que la commission des lois et lui-même ont effectué pour l'améliorer. J'indique d'ailleurs tout de suite à la Haute Assemblée que le Gouvernement retiendra nombre des amendements présentés.
Il faut bien reconnaître que la paternité de ce texte revient en très grande partie à M. le rapporteur et aux membres de la commission des lois du Sénat, qui ont bien voulu consacrer de nombreuses heures à son examen et ont fourni un travail minutieux et précis.
J'ai notamment relevé une formule que vous avez employée, monsieur Courtois, et que j'espère ne pas travestir : « Une procédure pénale forte pour des droits de la défense forts ». Elle me paraît parfaitement résumer ce que nous avons voulu faire.
Aujourd'hui, l'équilibre évoqué par cette formule n'existe pas. Toutes les incriminations créées que vous avez décrites, monsieur le rapporteur, ont pour objet de permettre d'agir afin de prévenir. C'est, finalement, toute la nouvelle stratégie des forces de l'ordre.
Nous voulons en effet traquer la délinquance avant qu'elle ne se manifeste, grâce notamment aux GIR où à la préposition des forces de police et de gendarmerie. Nous voulons agir avant le drame plutôt que réagir après qu'il est survenu. Et chaque fois que c'est possible, c'est ça qui doit être, me semble-t-il, la stratégie offensive. Nous aurons l'occasion de parler de vos amendements au cours de la discussion.
Vous n'avez pas été le seul à avoir évoqué la question des armes. En effet, M. Ladislas Poniatowski et bien d'autres en ont parlé, avec beaucoup de justesse. Je pense aux formalités demandées aux chasseurs et aux tireurs sportifs. M. Poniatowski a rappelé que je les avais rencontrés. Je les ai rencontrés longuement. Un membre de mon cabinet, Mme Emmanuelle Mignon, les a reçus à plusieurs reprises. Dans le cadre de la discussion, on essaiera d'améliorer les choses. Mais, d'abord, l'amalgame qu'on me demande de ne pas faire, à juste raison, avec les nomades, je ne dois pas le faire avec les chasseurs et les tireurs sportifs. J'entends en effet un certain nombre d'autorités dire : « Attention, ne faites pas d'amalgame avec les nomades, avec les prostituées, avec la mendicité agressive... » Mais que dire sur les chasseurs et les tireurs sportifs, qui ne sont absolument pas visés par ce texte ? Vous avez vous-même ouvert cette porte, ce chemin, monsieur le rapporteur, et vous aussi, monsieur Poniatowski.
En s'attelant au problème du permis de chasse, on doit pouvoir trouver une solution au certificat médical. (M. Philippe François s'exclame.)
Un mot simplement sur la question des médecins. Il ne s'agit pas de demander à un médecin de prendre la responsabilité de dire que son patient sera sain de corps et d'esprit ad vitam aeternam. Il s'agit d'apporter témoignage que, dans son livret médical, le patient n'y a pas d'antécédent psychiatrique qui le rendrait incapable d'acheter une arme ou d'obtenir un permis. C'est non pas un engagement pour l'avenir, mais une preuve pour le passé. En effet, il va de soi que nul ne peut prédire l'évolution de la santé organique, mentale ou psychiatrique de tel ou tel individu. Je suppose que nous en reparlerons. Mais je voulais le dire à M. le rapporteur.
Madame Janine Rozier, je me félicite du travail excellent de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. (Mme Nicole Borvo sourit.) Moi, les droits des femmes, cela ne me fait pas sourire,...
Mme Nicole Borvo. C'est le mot « délégation » qui me faisait sourire !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... car je pense que c'est une question essentielle. Pendant des années, cela a été un sujet de gaudriole. Or ce n'est pas un sujet de plaisanterie.
Mme Nicole Borvo. Effectivement !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est une question très importante.
Comme vous le savez, le Gouvernement a lu votre rapport et a repris nombre de ses dispositions, notamment sur la question de la prostitution. La délégation a fait un travail très utile, en particulier en ce qui concerne la définition du délit de racolage passif. J'ai apprécié les conclusions du rapport et, comme vous, je pense que les prostituées sont d'abord des victimes. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Quant à instituer un défenseur spécifique pour les prostituées, je comprends parfaitement l'esprit de votre proposition, mais il nous faut considérer que l'appareil républicain est au service de toutes les victimes sans en privilégier aucune. Nous aurons bien sûr l'occasion d'en reparler.
Ah ! monsieur Mahéas,...
M. Jacques Mahéas. Je sens votre impatience, monsieur le ministre !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... hélas ! vous ne méritez pas que je m'occupe de vous de façon trop approfondie. (Sourires sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Mahéas. Cela vous gênerait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre, Il y a des choses tellement outrancières dans ce que vous avez dit que ce serait vous faire beaucoup d'honneur de passer trop de temps à y répondre.
M. Jacques Mahéas. Toujours le même mépris !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Un mot cependant, monsieur Mahéas, car il y avait quelque chose de touchant dans votre intervention,...
M. Jacques Mahéas. C'est que j'ai touché juste !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... comme une forme d'aveu, qui m'a inspiré pour vous une certaine sympathie. Vous vous êtes plaint, devant la Haute Assemblée, et j'ai compris là l'ampleur de la déception, de ne pas susciter l'intérêt des micros et des caméras. (Sourires.)
M. Jacques Mahéas. Je ne les recherche pas, monsieur Sarkozy !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Visiblement, c'était un regret ! Vous avez dit : « les micros et les caméras, monsieur le ministre, s'intéressent beaucoup à vous, pas assez à moi ». Je dois dire qu'après vous avoir entendu je pourrais avoir une explication pour cette situation somme toute assez normale ! (Rires et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Mahéas. C'est petit !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. M. Dreyfus-Schmidt vous le dirait, je ne suis pas un mauvais garçon. Si un jour vous voulez m'accompagner, micros et caméras s'occuperont de vous. (M. Jacques Mahéas s'exclame.) Finalement, partager est parfois bien agréable. Il est dommage qu'un tel talent reste à ce point inconnu, malgré tant d'efforts ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous élevez le débat !
M. Jacques Mahéas. Je l'ai dit : c'est petit !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous l'avez cherché, monsieur Mahéas. Vous connaissez la règle : quand on cherche, on trouve toujours. (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Vous avez proposé une stratégie. D'abord, monsieur Mahéas, il est parfaitement exact - et c'est normal - que l'on puisse avoir des désaccords. Je ne détiens bien sûr pas la vérité...
Mme Nicole Borvo. On en a l'impression ici !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et le Parlement, c'est le lieu du débat. Autrement dit, si jamais, dans votre discours, il y avait eu une proposition, j'aurais été heureux de procéder à une confrontation. Je l'ai dit : je viens devant la Haute Assemblée avec l'idée d'enrichir le texte d'un certain nombre d'amendements, y compris - pourquoi pas ? - de la gauche.
M. Jacques Mahéas. Nous défendrons des amendements !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais il est une chose, monsieur Mahéas, que je ne ferai pas, parce que cela fait trop d'années qu'on le fait, c'est, comme vous me le conseillez, la stratégie de l'immobilisme.
Vous avez décrit, avec beaucoup de talent, puisque vous nous avez dit, avec une modestie dont je ne peux pas dire si elle vous honore, que vous, vous saviez de quoi vous parliez. Le problème, c'est que vous ne savez que parler ! Car quand vous décrivez les quatre cents caravanes, vous me regardez avec des yeux tout ronds en disant : « Alors, qu'est-ce qu'on en fait de ces quatre cents caravanes ? » Puis vous passez aux rassemblements dans les halls des immeubles, et vous me regardez, avec le même regard sympathique et vous dites : « Alors, qu'en fait-on de ces rassemblements dans les immeubles ? »
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Enfin, vous parlez des prostituées et vous dites : « Qu'en fait-on des prostituées ? »
M. Bruno Sido. C'est un comble ! (Sourires.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Eh bien, vous le voyez, monsieur Mahéas, en vous entendant j'ai tout compris ! Voilà pourquoi Jospin n'a rien fait ! Avec une majorité pareille, il était difficile d'avancer ! Ne me condamnez pas à la même peine, cela serait trop triste ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Mahéas. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le président, avant que vous ne donniez la parole à M. Mahéas, ce que j'accepte bien volontiers - puisque, visiblement, une réaction ne suffit pas, il y en aura donc une seconde ! (Sourires sur les mêmes travées) -, je tiens à préciser que lorsque M. Mahéas s'est exprimé, je l'ai, pour ma part, écouté, je l'ai respecté,...
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et j'ai attendu qu'il termine son discours.
M. Gérard Braun. C'est cela la politesse !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je ne pense pas que M. Mahéas ait pris beaucoup de précautions à mon endroit, ce qui était parfaitement son droit. J'accepte bien volontiers que, lorsque j'aurai terminé de répondre aux orateurs, il me réponde à nouveau. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.) Mais, après avoir écouté pendant environ quatre heures trente les différentes interventions des sénateurs, il n'est pas anormal que le ministre de l'intérieur, à qui l'on a posé des questions, puisse répondre ! Cela étant dit, monsieur le président, par courtoisie pour M. Mahéas, j'accepte bien volontiers d'être interrompu.
M. Ladislas Poniatowski. Si M. Mahéas reste courtois !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, lorsque j'ai parlé des caravanes, vous m'avez interrompu en disant : « On ne fait rien ! » Cela figurera dans le compte rendu des débats. Mais vous faites preuve de mauvaise foi. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président. Poursuivons dans le calme, mes chers collègues !
M. Jacques Mahéas. En effet, lorsque j'ai parlé des jeunes et des possibilités qui peuvent leur être offertes, vous avez dit : « On ne fait rien ! » Vous aviez proposé, vous-même, de mettre en place, par le biais de subventions, un certain nombre d'équipements et de salles pour les jeunes. J'ai alors indiqué que votre proposition était positive. Il est donc malvenu de me reprocher des choses que j'ai attestées, et dont je vous ai félicité.
Un sénateur du RPR. C'est un début !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le président, je vous remercie.
Avec un argument, j'ai donc deux compliments de M. Mahéas : il a dit une fois du bien de mon texte, il a tenu à le préciser une nouvelle fois. Je vous en donne acte, monsieur Mahéas, et je m'en félicite.
M. Jacques Mahéas. Soyez de bonne foi, monsieur le ministre !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Mahéas, vous me permettrez de dire que, selon moi, votre argumentation sur le sentiment d'insécurité ne tient pas la route, et je vais illustrer mon propos par une image. C'est exactement la situation du médecin qui reçoit un malade. Celui-ci lui dit : « Je souffre, j'ai mal, la douleur est persistante. » Le médecin lui répond : « Mon vieux, c'est une douleur psychologique ! » La douleur est peut-être psychologique, mais elle fait mal ! J'aimerais que l'on m'explique en quoi la douleur psychologique est différente de la douleur organique. Ce qui compte, ce n'est pas que la douleur soit psychique, organique ou idéologique, c'est qu'elle soit !
M. Robert Bret. La réponse n'est pas la même !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Tout à l'heure, M. Roger Karoutchi y a insisté, avec des mots très justes.
Donc, qu'il y ait un sentiment d'insécurité, monsieur Mahéas - pourquoi pas ? - ou une réalité de l'insécurité, ce qui compte pour celui qui vit cela, c'est la douleur qu'il ressent. Nous n'avons pas le droit de nous substituer à lui pour lui dire qu'il se trompe parce qu'il croit avoir mal,...
Mme Nicole Borvo. Personne n'a dit cela !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... alors que lui seul sait qu'il souffre et qu'il a mal. Monsieur Mahéas, dans le courant de la discussion, nous aurons sans doute l'occasion d'en débattre de manière plus approfondie...
M. Jacques Mahéas. Absolument !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et je serai heureux de le faire avec vous.
M. Jean-Jacques Hyest est un parlementaire qui connaît ces questions depuis longtemps et qui, me semble-t-il, s'est donné la peine de lire le texte avec beaucoup d'attention.
M. Robert Bret. C'est un bon élève !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Hyest, vous avez raison, nous faisons la même lecture des positions de M. Daniel Vaillant. A plusieurs reprises, ce dernier a dit : « Sarkozy me copie. » J'ai trouvé le jugement cruel, mais je le prends comme tel. Il me paraît curieux, d'un côté, que mon prédécesseur - que je respecte par ailleurs sur le plan humain - dise : « Attention ! mon successeur me copie », et, de l'autre, d'entendre des membres du groupe socialiste, même s'il n'est pas lui-même membre de la Haute Assemblée, attaquer mon texte en m'accusant de faire la guerre aux pauvres. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.) Car je ne peux imaginer que M. Vaillant ait jamais eu cette idée. Il faut, une fois pour toutes, que l'on se mette d'accord : ou bien je fais tout comme les socialistes, comme un copieur - c'est cruel, mais je l'accepterais -, ou bien je suis liberticide et je fais la guerre aux pauvres.
Mais faire les deux à la fois, cela me semble complexe. Le parti socialiste doit faire un petit travail d'harmonisation idéologique. (Sourires sur les mêmes travées.)
S'agissant de l'insécurité routière, vous avez mille fois raison, monsieur Hyest, mais elle ne relève pas du projet de loi, c'est une priorité du Président de la République.
Le statut des gendarmes, nous le conserverons. Vous le savez, c'est une utilisation pour emploi au ministère de l'intérieur.
En ce qui concerne le renforcement de la police judiciaire, vous avez également mille fois raison. C'est un point essentiel de la stratégie qui doit être la nôtre.
Restait un petit point de désaccord ou d'incompréhension : la réserve civile. Si vous le permettez, monsieur Hyest, je vous donnerai deux arguments. Le premier : certains fonctionnaires en retraite - car, vous le savez, dans la police on part tôt à la retraite non pas par rapport à la dureté du métier, mais par rapport à d'autres situations - peuvent avoir le désir de se rendre encore socialement utiles au titre du volontariat. Aussi, je pose la question : pourquoi s'en passer ? Honnêtement, ce sont des gens à qui on permettrait d'avoir une activité rémunérée. Je pense notamment à ce que nous a dit excellemment M. Paul Girod : c'est toute la question de la défense civile.
Imaginons que la France soit confrontée à des événements dramatiques et qu'il faille assurer la garde non seulement des centrales nucléaires, mais également d'un certain nombre d'autres bâtiments sensibles. Nous serions peut-être alors contents de pouvoir compter sur une force expérimentée et immédiatement mobilisable qui s'appellerait la « réserve civile ».
On ne peut pas me dire : « Attention ! la défense civile a été délaissée » et ne pas en tirer a contrario la conclusion que la réserve civile doit être mobilisée. Je livre cela à votre réflexion. Il s'agit donc d'un problème important, et j'accepterais bien volontiers que nous l'évoquions.
En ce qui concerne les armes, monsieur Hyest, les préfectures pourront consulter les fichiers des antécédents judiciaires et des hôpitaux psychiatriques. Donc, il y aura un meilleur contrôle des demandes. Nous mettons en place un fichier national de gestion des détentions d'armes. Mais, vous avez parfaitement raison, il faut un effort de mobilisation et de travail des préfectures en la matière. (M. Jean-Jacques Hyest opine.) Disons les choses comme elles sont : s'il fallait que je plaide coupable, je le ferais bien volontiers, étant responsable des employés de préfecture. Des délais - MM. Poniatowski et Jean-Patrick Courtois pourraient en porter témoignage - sont beaucoup trop longs. C'est un problème auquel nous allons nous attaquer.
Monsieur Bret, lorsque vous avez commencé votre intervention, je vous ai écouté en ayant à l'esprit la citation entre guillemets - mais peut-être avait-elle été tronquée ? - qui vous avait été prêtée dans un grand journal du soir. (Sourires sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.) Je me disais qu'il allait être intéressant de voir comment M. Bret allait décliner son discours. Je ne veux pas vous gêner, mais vous voyez à quoi je fais allusion, monsieur Bret ?
M. Robert Bret. Oui !
Mme Nicole Borvo. Citation tronquée ! M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'était pas la vôtre, madame ! Je m'adressais à M. Bret ; je ne vous avais pas confondus. M. Bret disait grosso modo ceci : Attention ! soyons tranquilles sur le projet de loi « sécurité » car nombre de nos compatriotes peuvent le comprendre.
Monsieur Bret, d'abord, vous avez approuvé l'objectif. J'ai trouvé que c'était déjà une première étape intéressante. Sur l'objectif au moins, soyons d'accord.
M. Robert Bret. Bien sûr !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. D'ailleurs, qui pourrait être contre ? J'ai donc trouvé que cette partie de votre exposé était intéressante. Vous n'avez pas cherché - en tout cas jusqu'aux deux tiers de votre intervention - la caricature. Cela s'est un peu gâté sur la fin (Rires sur les travées du RPR), en tout cas vu de mon point de vue !
M. Robert Bret. Vous me rassurez !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais je me suis dit : « Dans le fond, les deux tiers du discours, c'était M. Bret lui-même, le dernier tiers, c'était pour l'« organisation » ! (Rires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) Enfin, c'est ainsi que je l'ai considéré. Peut-être me suis-je trompé ? En tout cas, n'y voyez pas malice, car je ne voulais surtout pas être désagréable. Toujours est-il que j'ai trouvé beaucoup de choses intéressantes dans les deux premiers tiers de votre exposé, me demandant même si on ne pourrait pas faire un bout de chemin ensemble. Evidemment, la langue de plomb, c'était pour le dernier tiers !
Il y a cependant un point sur lequel je ne peux pas vous laisser dire certaines choses : je veux parler de l'affaire du DAL, ...
M. Robert Bret. Point positif !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et je veux m'en expliquer devant la Haute Assemblée.
Oui, monsieur Bret, j'ai reçu le DAL - vous m'en avez donné acte - à deux reprises. Savez-vous ce que m'a déclaré le président du DAL quand il est venu me voir avec sa petite délégation ? « Monsieur Sarkozy, je veux d'abord vous dire que c'est la première fois qu'un ministre de l'intérieur nous reçoit au ministère de l'intérieur » !
M. Robert Bret. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai été touché par ces propos. Les membres de la délégation sont venus me voir avec une préoccupation : la question des squats. Ils m'ont demandé si j'avais dans l'idée de pouvoir expulser plus rapidement des gens qui sont en situation de dénuement complet et qui se trouveraient à la rue si l'on pénalisait la procédure au sens du droit pénal. Je leur ai promis d'étudier la question.
J'ai pris huit jours pour réfléchir, et j'ai repris le texte avec mes collaborateurs. J'ai considéré que la formule que j'avais proposée pouvait susciter des malentendus. Voyez-vous, monsieur Bret, cela ne me gêne pas de reconnaître que, sur ce point, cette formule n'était pas adaptée. J'ai donc préféré la retirer. Je le reconnais bien volontiers, pensant que seuls les faibles n'admettent pas s'être trompés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Par ailleurs, monsieur Bret, quelle idée peut-on avoir d'un ministre qui, devant le Parlement, affirmerait que son texte est gravé dans le marbre et qu'il ne reculera pas ou n'acceptera aucune modification ?
Mme Nicole Borvo. On a connu cela, pourtant !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas cela, la démocratie ! Par conséquent, revoyant les représentants du DAL, je leur ai expliqué cela. Je dois dire qu'ils étaient quelque peu étonnés, peut-être même dans le bon sens ! Voyez-vous, monsieur Bret, j'étais content de leur montrer que l'on pouvait aussi discuter avec un ministre de droite et qu'ils n'étaient pas condamnés à un tête-à-tête avec le parti communiste. (M. Robert Bret s'exclame.) Je me suis fait un petit plaisir en leur montrant cela ! (Sourires.)
Finalement, monsieur Bret, cela a évité un malentendu. Cela a peut-être évité aussi que vous vous serviez d'un argument !
Enfin, nous avons un vrai point de désaccord qu'il nous faut purger. Vous m'avez dit devant la Haute Assemblée : « Le danger, c'est le pouvoir que vous allez donner à la police. » Eh bien nous, nous n'avons pas la même conception de la police républicaine. (M. Robert Del Picchia applaudit.)
M. Gérard Larcher. Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est votre choix et non le mien ! Je ne pense pas que la gendarmerie nationale, que la police républicaine aient jamais, si peu que cela soit, mis en cause la République et la démocratie, en tout cas depuis le lendemain de la guerre.
J'ajoute que je ne dirai pas aux organisations syndicales de la police ce que vous avez laissé entendre !
M. Robert Bret. C'est dans le Journal officiel !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Elles risqueraient en effet, y compris la CGT, de ne pas comprendre pourquoi certains élus communistes craignent de voir s'accroître les pouvoirs confiés à la police. (M. Robert Bret s'exclame.) Entre les délinquants et les forces de l'ordre, j'ai tranché, et sans état d'âme ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Nous aurons l'occasion d'évoquer la question des fichiers. Beaucoup de choses ont déjà été dites. Je suis prêt à approfondir le débat avec vous...
M. Robert Bret. Il ne fait que commencer !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et - pourquoi pas ? - à retenir certaines de vos propositions.
Monsieur Peyrat, il m'est difficile de répondre à votre intervention parce que, grosso modo, je suis d'accord sur tout ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ce n'est pas un drame !
M. Robert Bret. Il a ciré les pompes !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. A certaines heures, après avoir écouté certains discours, cela fait plaisir d'en entendre d'autres !
M. Robert Bret. C'est un baume au coeur !
Mme Nicole Borvo. Suivons l'exemple de la Côte d'Azur, alors !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ajoute que le maire de Nice a beaucoup de choses à nous expliquer, car cette ville de Nice a longtemps été sinistrée du point de vue de la délinquance tant elle était abandonnée par les autorités de l'Etat.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Absolument !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai beaucoup apprécié et ai été très intéressé par la description extrêmement précise et argumentée qu'a faite M. Peyrat du nombre des prostituées, de leur origine, du comportement et de la situation que cela engendrait dans sa ville.
M. Robert Bret. Il a oublié les réseaux mafieux !
Mme Nicole Borvo. La mafia de la Côte d'Azur !
M. Jacques Peyrat. La mafia, c'est éculé ! Arrêtez un peu !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Face aux témoignages du terrain, il y a toujours deux réactions.
Soit on ne veut pas retenir ce que dit le maire, on ne le croit pas, cela gêne ! C'est Nice, c'est Jacques Peyrat, c'est la droite !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'extrême droite !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il ne faut alors pas se dire représentant des communes de France.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Exactement !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Soit la Haute Assemblée est à l'écoute du témoignage des élus, mais de tous les élus dans leur diversité et dans leur authenticité.
Quand le maire de la cinquième ville de France tient le propos qu'il a tenu, on est quand même en droit de tenir compte de ce qu'il dit. Quand il déclare que les Niçois ne peuvent plus supporter d'être envahis, comme ils le sont depuis quelques années, par des prostituées venant systématiquement de l'étranger et qu'il s'adresse au ministre de l'intérieur, ce dernier est dans son rôle en disant qu'il va proposer une solution, au moins pour endiguer l'inflation exponentielle du nombre des prostituées d'origine étrangère.
C'est, me semble-t-il, une façon de faire de la politique et d'être au Gouvernement qui tranche heureusement avec les pratiques d'un passé qui n'était d'ailleurs pas que récent. Nous aussi avons connu des périodes où nous avions le sentiment de ne pas toujours nous faire entendre. Nous savons où cela nous a menés, et nous constatons que cela vous conduit au même endroit ! (Rires ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas gentil pour Pasqua !
M. Robert Bret. Et Pandraud, le pauvre ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai apprécié que Paul Girod fasse allusion à Sangatte, dossier particulièrement complexe et difficile.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je ne prétends pas du tout avoir trouvé la solution. Simplement, je sais qu'il serait catastrophique de continuer dans l'immobilisme, et que la seule façon de traiter humainement Sangatte c'est d'agir.
L'immobilisme, depuis quatre ans, a en effet conduit à une forme de catastrophe humanitaire dont on constate aujourd'hui les impasses, notamment, comme l'a très bien et très courageusement dit le président de la Croix-Rouge. Je veux une nouvelle fois rendre hommage au dévouement des quatre-vingts permanents de la Croix-Rouge qui, depuis quatre ans, ne parlent pas de Sangatte mais gèrent ce dossier au quotidien. Comme l'a déclaré, à juste raison, le président de la Croix-Rouge, M. Gentilini, dans une dépêche tombée cet après-midi, certaines associations - pas toutes, naturellement - utilisent la misère du monde pour la manipuler. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Ce ne sont d'ailleurs pas des choses que la droite peut penser. Je veux rendre hommage à l'attitude du maire communiste de Calais, M. Jacky Hénin, qui a une position parfaitement responsable et respectable sur le sujet, comme Jack Lang et Michel Delebarre.
Quand je vois ces malheureux, enfermés dans ce qui n'est même plus une église, puisqu'elle est désaffectée, et poussés par quelques-uns à rester contre toute évidence dans cet endroit,...
M. Michel Charasse. Enfermés dans une église, c'est horrible ! (Sourires.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... je me dis que la différence entre les irresponsables et les responsables - je n'accuse personne ici, bien sûr - se fait rapidement.
Bien sûr, monsieur Girod, il ne faut pas faire preuve d'indulgence pour les abus de pouvoir ! Comme je l'ai dit, je n'accepterai aucune bavure. La défense civile doit être une priorité.
Bernard Plasait a fait une démonstration - de mon point de vue éloquente et compétente - reprenant tous les arguments déployés contre le texte et démontrant leur parfaite inanité, qu'il s'agisse de l'accusation de liberticide ou de l'accusation contre les pauvres. Il m'a assuré qu'une large majorité des Français approuvait les mesures ; je crois pouvoir dire que nombreux sont ceux qui le pensent.
Alex Türk nous a fait une démonstration magistrale ...
M. Jean-Jacques Hyest. Et excellente !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... sur la question des fichiers. Le président Dreyfus-Schmidt ne m'en voudra pas de dire qu'une grande partie de ce qui pouvait lui être répondu sur la question des fichiers tient dans la démonstration extrêmement compétente de M. Türk : vous avez lu le texte, vous l'avez compris et analysé au titre de vos participations à d'autres instances parce que vous connaissez la question des fichiers. Les grands principes de finalité, de proportionnalité et de droit à l'oubli sont des principes cardinaux que j'ai intégralement repris dans le texte.
Sur l'application de la loi de 1978, oui, nous nous inscrivons dans le cadre des principes de cette loi.
S'agissant du droit à l'oubli, nous le respectons, et les décrets d'application sur les fichiers de police prévoiront les durées, notamment les durées maximales, de conservation. Nous aurons l'occasion de parler du casier judiciaire dans le cadre de la discussion. C'est vrai, entre les fichiers et le casier judiciaire, certaines procédures doivent être harmonisées.
J'en viens à l'intervention de M. Dreyfus-Schmidt. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je ne vais pas me laisser aller parce que je connais votre talent et votre technique !
Parfois, vous employez des arguments auxquels vous ne croyez pas vous-même, simplement en espérant que votre interlocuteur va un peu sortir de ses gonds, faire « monter la mayonnaise ». Je m'en voudrais de compliquer une discussion qui partait si bien ! Ne comptez pas sur moi pour polémiquer ! (Sourires sur les travées du RPR.) Nous réalisons un travail sérieux.
J'évacue donc d'un revers de main tout ce qui a manifestement dépassé votre pensée. (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) C'est ainsi, quand on a du talent, on se laisse parfois aller - cela m'est arrivé, monsieur Dreyfus-Schmidt ! (Cela oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je l'accepte bien volontiers de votre part. Je n'y répondrai donc pas parce que le piège qui m'était tendu est si accueillant que je n'ai nullement l'intention de m'y laisser prendre. (Sourires.)
En revanche, la déclaration d'urgence mérite une explication, et je m'en voudrais de ne pas vous la donner.
Vous êtes choqué par le recours à la déclaration d'urgence. C'est votre droit. Mais, monsieur Dreyfus-Schmidt, j'imagine qu'un homme de conviction comme vous est choqué par l'urgence non parce que c'est moi qui l'ait demandée mais par principe !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui ! Je le suis toujours.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Toujours et en tout temps ! Vous l'êtes par principe, parce que l'urgence, ce n'est pas bien ! Alors, expliquez-moi un peu pourquoi l'urgence a été déclarée par M. Jospin à quarante-huit reprises pour quarante-huit projets de loi au cours de ces cinq dernières années. (Eh oui ! sur les travées du RPR.)
M. Michel Charasse. Il ralait de la même manière.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais, mieux que cela, en cinq ans, le gouvernement Jospin a présenté dix-sept textes sur la sécurité.
M. Jacques Mahéas. Beaucoup a été fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai plaisir à rappeler à M. Dreyfus-Schmidt, qui ne m'en voudra pas, que, sur les dix-sept textes proposés par ses amis, onze l'ont été avec la procédure de l'urgence ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) On est donc à 65 %.
M. Hilaire Flandre. Quelle honte !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Sur les deux textes que j'ai proposés, un seul l'a été avec la procédure de l'urgence : cela fait une moyenne de 50 %. Monsieur Michel Dreyfus-Schmidt, c'est mieux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et avant ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous connaissez ce proverbe : quand je m'ausculte, je m'inquiète ; quand je me compare, je me rassure. Grâce à vous, je termine bien la soirée ! (Sourires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Et il s'agit non pas de polémique, mais de faits !
M. Michel Dreyfus-Schmidt m'a exhorté à être de bonne foi. M. Mahéas me l'a également dit, m'invitant à reconnaître ce que la gauche a fait, parce que - M. Michel Dreyfus-Schmidt l'a rappelé également - la gauche a fait des choses. Il faut avoir le courage de le reconnaître.
Et parmi les exemples de ce que la gauche a fait, il est possible de relever un exemple probant : M. Michel Dreyfus-Schmidt attire mon attention sur un point dont je me demande encore comment j'ai pu l'oublier, à savoir le colloque de Villepinte ! (Rires sur les travées du RPR.)
Oui, je vous en donne acte : Lionel Jospin a organisé le colloque de Villepinte !
M. Ladislas Poniatowski. Et après ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est un fait incontestable. Mais on s'en est tenu là ! Monsieur Michel Dreyfus-Schmidt, j'ai essayé de ne pas être plus sévère avec Lionel Jospin qu'il ne l'avait été lui-même avec lui-même !
Qui a dit : « J'ai été naïf avec la délinquance » ?
Qui a dit : « Je me suis trompé, je pensais qu'avec le retour de la croissance et la création des emplois la délinquance reculerait» ?
C'est M. Jospin, à la télévision, qui a fait cet aveu extrêmement émouvant - et c'est à son honneur - dans un moment d'une grande authenticité.
Alors, M. Dreyfus-Schmidt, j'aimerais qu'on m'explique pourquoi, alors que le candidat socialiste a reconnu lui-même son échec patent sur la question, six mois après, vous voudriez, vous, avocat de talent, lui faire dire ce que lui-même ne pensait pas de son propre bilan ! Comment celui qui a été associé à une action peut-il juger cette action plus favorablement que celui-là même qui l'a conçue et qui a reconnu devant les Français qu'il s'était trompé ?
Votre discours aurait été, me semble-t-il, plus percutant si vous aviez déclaré : « Oui, nous nous sommes trompés. Maintenant, c'est à vous d'essayer. Nous vous accompagnerons lorsque nous serons d'accord ; nous vous combattrons lorsque nous ne serons pas d'accord. » Si vous aviez dit cela, nous pourrions engager la discussion sur de meilleures bases.
Pour le reste, je dois dire que j'ai peu goûté votre passage sur la prostitution parce que, à mes yeux, ce n'est pas un sujet qui prête à rire.
Je n'ai pas trouvé d'une élégance extraordinaire la lecture que vous avez faite des articles de mode et la comparaison complaisante que vous avez établie entre le drame de l'esclavage que vivent des filles, à qui l'on impose des rencontres sordides, et la frivolité des défilés de mode, chez Dior ou chez Karl Lagerfeld. Franchement, je ne vois pas le rapport, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous l'expliquerai !
M. Jacques Mahéas. Le rapport, c'est votre texte qui le suggère.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je pense d'ailleurs, monsieur Dreyfus-Schmidt, que vous vous êtes laissé emporter par le feu de votre discours.
Alors, je me suis demandé comment le remarquable parlementaire que vous êtes, toujours assidu aux débats, comment l'avocat qui connaît parfaitement ces questions pouvait se laisser aller à une telle violence verbale. Car vous ne pouvez tout de même pas croire une minute à ce que vous dites sur mon texte !
J'ai réfléchi et j'ai finalement compris !
Il n'est pas facile en effet, mes chers amis, d'être l'orateur du groupe socialiste lorsqu'on a en tête que le porte-parole de Lionel Jospin lui-même, le maire d'Evry, M. Manuel Valls, a déclaré à un grand journal : « Ce que fait Sarkozy, nous aurions dû le faire ! ».
Il n'est pas facile d'être l'orateur du groupe socialiste quand on sait que le dernier ministre de l'intérieur socialiste, proche parmi les proches de Lionel Jospin, a déclaré : « Sarkozy me copie ! »
Il n'est pas facile d'être l'orateur du groupe socialiste - et il faut y penser avec un peu de charité ! (Rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste) - quand le maire socialiste d'une grande ville, M. Frêche, dit : « Si nous avions fait 10 % de ce que fait Sarkozy, Jospin aurait gagné. »
Et comment n'évoquerais-je pas aussi le maire de Mulhouse, M. Bocquel ? Vous ne l'aimez peut-être pas mais, parmi les maires socialistes, il a fait partie de ceux qui ont été réélus !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'a pas été réélu député !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quand il m'a invité à Mulhouse, il m'a avoué : « Sur la mendicité agressive, vous avez raison. Sur la prostitution, vous avez raison. »
Evidemment, de telles contradictions peuvent expliquer une certaine violence dans le propos !
Cela ne m'empêchera pas, monsieur Dreyfus-Schmidt, d'étudier les amendements du groupe socialiste avec beaucoup d'intérêt, d'autant que, dans votre discours, il y a un passage que j'ai beaucoup apprécié. Si c'était pour être gentil, pour me faire plaisir, c'est réussi ! « Dans le fond, m'avez-vous dit, votre texte n'est pas un texte sur la sécurité, c'est un texte sur la tranquillité publique. »
Si vous préférez « tranquillité » à « sécurité », pourquoi pas ? (Nouveaux rires et applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo. Ce ne serait pas juste !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est déjà pas si mal ! Cela voudrait dire que, selon vous, sur certains points, nous ne sommes pas assez efficaces, mais qu'au moins un certain nombre de mesures vont permettre de rétablir la tranquillité publique.
Par ailleurs, monsieur Dreyfus-Schmidt, vous me reprochez de m'attaquer à ce qui se voit. Ça, c'est extraordinaire ! Voulez-vous dire que ce qui se voit n'existe pas ? (Rires sur les mêmes travées.) Parce que s'attaquer à ce qui se voit, si cela existe, ce n'est pas si mal ! (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
Et pourquoi voudriez-vous que je m'attaque à ce qui ne se voit pas ? Est-ce que, dans votre esprit, ce qui ne se voit pas existe plus que ce qui se voit ? (Nouveaux rires sur les mêmes travées.) Quel étrange raisonnement !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est du Devos !
M. Jacques Mahéas. Vous jouez l'ingénu ! C'est très drôle !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais, monsieur Mahéas, cela me permet de vous démontrer que j'ai gardé une fraîcheur qui vous a fait un peu défaut dans votre intervention ! (Nouveaux rires et applaudissements sur les mêmes travées.)
Quoi qu'il en soit, monsieur Dreyfus-Schmidt, monsieur Mahéas, j'aurai un très grand plaisir à continuer à discuter avec vous au cours du débat ! (Sourires.)
Monsieur Zocchetto, merci de souligner la cohérence entre la LOPSI et la LSI. Merci aussi de reconnaître que les délais d'examen étaient suffisants.
Permettez-moi une remarque sur la question de l'« indice faisant présumer », qui fait l'objet de l'article 4 du projet de loi. Il faut, me semble-t-il, la régler une fois pour toutes !
M. Jean-Jacques Hyest. Et pour cause !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. M. Hyest en a parlé aussi.
L' « indice faisant présumer » était le critère qui permettait la garde à vue. Cette notion a également été utilisée pour d'autres dispositions de procédure, comme les contrôles d'identité.
Or elle est incontestablement moins forte que celle d'« indice grave ou concordant », qui est le critère, entre autres, de la mise en examen.
La loi du 4 mars 2002, dite « loi Lebranchu », a déjà remplacé la notion ...
Mme Nicole Borvo. Hélas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Sénat était contre à l'unanimité !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Rassurez-vous, je défendrai modérément Mme Lebranchu ! (Sourires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) Si c'était votre crainte, n'ayez plus aucun doute sur le sujet ! (Rires sur les mêmes travées.)
La loi du 4 mars 2002, disais-je, a déjà remplacé la notion d'« indice faisant présumer » - que l'on appelle aussi « indice simple », par opposition aux indices « graves et concordants » - par la notion de « raisons plausibles de soupçonner », cette fois-ci pour la garde à vue.
Pour ma part, je pense qu'il faut se montrer logique et poursuivre ce toilettage du code de procédure pénale chaque fois que le problème se pose. Cela revient en effet à reprendre la même notion que celle qui est inscrite à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. (Eh oui ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il s'agit d'un glissement sémantique qui ne change pas la portée du droit en pratique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est ce que disait Mme Lebranchu !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas, je l'avoue, sans une certaine malice que, puisqu'on me reproche de ne pas respecter les droits de l'homme, je vous renvoie à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme ! Il ne faudrait pas que vous rejetiez cette convention quand elle ne vous arrange pas et que vous vous en réclamiez quand vous pensez qu'elle pourrait me gêner ! Mais nous aurons, là aussi, l'occasion de reprendre ce débat lors de la discussion des articles.
Monsieur Autain, ...
M. Jacques Mahéas. Mention bien ! (Sourires.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mieux que cela, monsieur Mahéas ! Car il ne s'agit pas d'accorder une simple récompense scolaire à un homme qui a fait preuve de courage.
M. Jacques Mahéas. Vous distribuez des bons points et des mauvais points !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Non, monsieur Mahéas ! Voyez-vous, quand M. Autain monte à la tribune de la Haute Assemblée pour dire qu'il est vrai que l'angélisme a existé à gauche, pour reconnaître qu'il l'a connu et admettre qu'il a fait fausse route, eh bien, la fonction politique en sort grandie !
M. Jacques Mahéas. Cela vous arrange !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas parce que cela va dans mon sens que c'est courageux. C'est courageux tout simplement parce que c'est rare.
Vous dites, monsieur Autain, qu'il y a un espace entre l'angélisme et le tout-sécuritaire. Je vous réponds oui et le Gouvernement vous propose que nous nous engagions ensemble dans cet espace. En effet, si la sécurité est, aux yeux des Français, la première des priorités, chacun d'entre nous a intérêt à trouver la bonne solution. Ainsi, à l'issue de cette discussion à la Haute Assemblée, ce n'est pas la droite qui aura gagné sur la gauche, c'est l'ensemble des élus qui auront gagné parce qu'ils auront, pour une fois, tenu compte des problèmes des Français tels que ceux-ci qu'ils les expriment.
Par conséquent, monsieur Autain, le Gouvernement prend votre abstention comme un encouragement, et j'espère que nous pourrons, dans le cours de la discussion, aller plus loin sous forme de précisions que vous nous demanderiez, vous et vos amis du Pôle républicain, au nom duquel vous êtes intervenu.
Ce n'est pas parce que nous sommes certains de la parfaite unité de la majorité que, sur des questions aussi importantes, nous boudons des soutiens qui pourraient venir d'ailleurs, esquissant ainsi les bases d'un consensus.
D'ailleurs, monsieur Mahéas, même pour vous, il y aurait une petite place si jamais vous reveniez à de meilleurs sentiments ! (Rires.)
M. Jacques Mahéas. Quelle générosité !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A-t-il droit à une mention bien ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ah non, il ne l'a pas encore méritée ! (Nouveaux rires.)
Monsieur Karoutchi, vous avez, me semble-t-il, admirablement démontré les incohérences d'une certaine gauche, non pas de toute la gauche.
Je pense que votre argumentation était particulièrement pertinente et utile, parce que nos compatriotes ne doivent pas mettre toute la classe politique dans le même sac. Nombreux sont ceux qui nous regardent pour voir si nous allons être à la hauteur du défi. Votre intervention était à cette hauteur. Je voudrais vous dire combien je l'ai appréciée. Je vous en remercie et je vous recommande, si vous me le permettez, de diffuser ce message le plus largement possible.
M. de Montesquiou nous demande d'aller plus loin sur les gardes statiques. Pour Paris, les chiffres sont impressionnants : nous allons, avec 300 fonctionnaires en unité mobile, faire davantage que ce que nous faisions avec 1 000 fonctionnaires.
MM. Jean-Jacques Hyest et Philippe Nogrix. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ainsi dans le ressort de la préfecture de police de Paris, ce sont 700 fonctionnaires qui, à terme, au lieu de s'abêtir avec des gardes statiques inutiles et nullement valorisantes,...
M. Philippe Nogrix. Exact !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ...vont pouvoir être réaffectés à la sécurité quotidienne.
Dimanche dernier, j'ai installé les vingt premiers fonctionnaires de cette unité mobile. Ils correspondent à 150 postes de garde statique.
Ce matin encore, je recevais les représentants d'organisations syndicales de la police : ils étaient unanimes à considérer qu'on ne s'engage pas dans la police pour faire des gardes statiques.
Faut-il que les magistrats se déplacent lorsqu'il s'agit de détenus particulièrement dangereux à transporter ?
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nous sommes un certain nombre à penser que ce serait intéressant. Cela pose d'autres problèmes, et je souhaite que nous puissions en parler de façon très sereine.
M. de Montesquiou me demande s'il y a des guerres internes aux services de police. Est-ce que, depuis six mois, vous avez entendu parler d'une guerre des chefs ou d'une guerre des services ? Avant, oui ! Plus maintenant !
Du reste, vu la situation grave dans laquelle se trouvent actuellement toutes les démocraties, une quelconque guerre des chefs ou des services serait parfaitement irresponsable.
Nous allons renforcer les services de renseignement. M. de Montesquiou a déposé un amendement demandant la fusion de la DST, la direction de la surveillance du territoire, et de la DCRG, la direction centrale des renseignements généraux. Vous comprendrez certainement que ce n'est pas à l'occasion de la discussion d'un projet de loi au Parlement que l'on va fusionner des services de renseignement, surtout dans la période actuelle.
Cela dit, je suis à la disposition de la Haute Assemblée pour réfléchir sur les responsabilités respectives de la DGSE, la direction générale de la sécurité extérieure, de la DST ou de la DCRG.
M. Michel Charasse. C'est du domaine réglementaire !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui, mais cela peut tout de même intéresser les parlementaires.
Monsieur Ladislas Poniatowski, merci de votre soutien.
Oui, les pauvres sont les victimes. Je crois vous avoir répondu sur les chasseurs et sur les tireurs sportifs. Nous aurons l'occasion, lors de la discussion des articles, de retenir un certain nombre d'amendements déposés par M. le rapporteur sur toutes les questions que vous avez opportunément soulevées.
Madame Blandin, pardonnez-moi mais, par moments, on a bras et jambes sciés par la mauvaise foi !
Vous affirmez que ma politique, c'est : « Je ne veux plus voir les nomades ! ». Eh bien, je tiens à vous le dire bien en face, c'est un mensonge !
Madame Blandin, ce n'est pas la peine de répéter que les femmes ont un discours plus pragmatique, plus transparent, plus honnête, plus vrai, moins partisan pour vous laisser aller à une caricature de cette nature !
La parité, moi, j'y crois tellement que je vais vous répondre comme si vous étiez...
Mme Marie-Christine Blandin. Un mec !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... un homme, oui, bien sûr, parce qu'il n'y aucune différence à faire !
Madame Blandin, où avez-vous vu que j'ai stigmatisé les nomades ?
Mme Marie-Christine Blandin. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont eux qui le disent.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Madame Blandin, je les ai reçus peut-être plus souvent que vous ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jacques Mahéas. A Neuilly-sur-Seine ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Attention, monsieur Mahéas !
Savez-vous ce qu'on dit à la campagne ? La grêle peut tomber deux fois de suite, et sur les mêmes têtes ! (Rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) A Neuilly-sur-Marne, on ne connaît peut-être pas ce proverbe, mais je peux vous le servir !
Madame Blandin, pour moi, être nomade, c'est avoir un certain mode de vie, un mode de vie qui est un patrimoine.
Ils s'appellent « roms », « gitans », ou « gens du voyage ». Entre eux, il y a des différences, mais la dénomination « gens du voyage », ils ne la ressentent pas comme blessante. Leur mode de vie, c'est un patrimoine, c'est une liberté. Nous devons les protéger, nous devons les respecter.
J'ai même prévu que la loi Besson, qui a pourtant été votée par une autre majorité que la nôtre, serait renforcée. En tirer la conclusion que nous voudrions, nous, Gouvernement, ne plus voir les nomades, c'est un mensonge éhonté, c'est une caricature partisane, et je ne veux pas vous laisser dire cela ! (M. Michel Charasse s'exclame.)
Vous pouvez être en total désaccord avec la politique que nous proposons, mais ce désaccord ne vous autorise pas, madame Blandin, à travestir à ce point la vérité. (Mme Marie-Claude Beaudeau proteste.)
Et ce n'est certainement pas aux Verts que je vais demander comment garantir la sécurité de nos concitoyens...
M. Josselin de Rohan. Ni aux trotskistes !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... ni en France ni ailleurs.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est inadmissible !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Hérisson, j'ai trouvé que votre intervention, qui renvoie à celle de Mme Blandin, était pleine d'humanité.
Vous dites : « Les communes doivent l'accueil ». Vous avez parfaitement raison. C'est d'ailleurs l'esprit de ce texte, comme vous l'avez noté.
Vous nous proposez de parler de la question du soutien financier, notamment (M. le ministre s'étonne que Mme Marie-Christine Blandin converse avec ses collègues dans les travées.) ...
Mme Marie-Christine Blandin. Vous en avez profité pendant que je parlais, alors je me permets également quelques distractions !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ne protestez pas quand cela fait mal (Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Jacques Mahéas. Un peu de courtoisie, monsieur Sarkozy !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. A propos des nomades, des gens du voyage, la question du soutien financier aux petites collectivités se pose effectivement, monsieur Hérisson. Et c'est justement parce que nous voulons sanctionner des comportements irresponsables que nous voulons protéger les autres. (Mme Nicole Borvo s'esclaffe.)
Et il est vrai que beaucoup de membres des associations de nomades, de roms que j'ai reçus étaient blessés. Ils avaient en effet le sentiment, au travers des déclarations des responsables politiques, mais surtout dans la représentation politico-médiatique, d'être tous mis dans le même sac.
Ils m'ont dit : « On ne peut plus trouver d'emplacements. On ne nous reçoit pas. »
Je leur ai alors posé la question : « Mais, messieurs, - puisqu'en l'occurrence c'étaient des hommes - si la situation que vous vivez depuis cinq ans était si parfaite, pourquoi vous trouvez-vous en butte à cet amalgame ? Pourquoi craindre ma loi, alors que c'est l'immobilisme lié à l'application de la loi actuelle qui vous met dans cette situation ? »
Nous voulons sanctionner, punir, décourager ceux qui ne respectent pas la loi et nous voulons que ceux qui la respectent puissent être considérés comme des hommes et des femmes, avec tous les droits qui s'attachent à leur personne. (Mme Marie-Claude Beaudeau proteste. - Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Il ne devrait pas être difficile, autour d'un objectif comme celui-là, de se rassembler.
M. Jacques Mahéas. Améliorez le texte !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. D'ailleurs, monsieur Dreyfus-Schmidt, l'été dernier, j'ai été saisi d'autant de demandes de maires socialistes ou de maires communistes...
M. Michel Charasse. Absolument !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... que d'élus de l'UMP.
Ce n'est tout de même pas une question socialiste ou une question UMP ! C'est une question de bon sens !
Ne pouvons-nous pas tous ensemble trouver la solution aux problèmes que posent les gens du voyage ? Ce n'est pas si difficile que cela !
Ce projet de loi comporte peut-être des imperfections, améliorez-le ! Mettez-nous au défi d'accepter nos propositions ! (M. Jacques Mahéas et Mme Nicole Borvo s'exclament.)
Mais, de grâce, laissons de côté les procès d'intention sur cette question parce qu'ils ne sont pas à la hauteur du dialogue que nous engageons.
La formule de M. Pierre Hérisson me paraît excellente : c'est le donnant-donnant. De chaque côté, on donne. Un contrat exige d'ailleurs le respect d'obligations réciproques, sinon il est léonin, donc illégal.
Monsieur Vallet, vous avez commencé votre intervention en soulignant que personne ne comprendrait qu'on ne respecte pas l'engagement du Président de la République.
Mme Nicole Borvo. Ah bon !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est sûr ! La sécurité a fait l'objet d'un débat unanime pendant la campagne électorale. La sécurité et le chômage ont été les deux questions majeures.
Mme Nicole Borvo. Pour l'instant, on s'est beaucoup occupé de la sécurité !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais il y a une différence entre les deux : le chômage dépend beaucoup de la situation économique internationale, alors que la sécurité dépend de notre volonté de prendre des décisions. Et personne n'aurait pu comprendre qu'on perde du temps pour traiter de la sécurité !
Par ailleurs, monsieur Vallet, selon vous, ce projet de loi aurait mérité de recueillir un consensus. Pour ma part, je ne désespère pas que, sur certains articles au moins, on puisse faire un bout de chemin ensemble.
J'ai pris l'exemple, lors de mon intervention liminaire, des portables volés. Je ne vois vraiment pas pourquoi la majorité et l'opposition devraient s'opposer sur ce thème.
Mme Marie-Claude Beaudeau. On l'a dit !
M. Jacques Mahéas. Absolument !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je suis persuadé qu'il y aura d'autres sujets sur lesquels nous vous rejoindrons...
M. Jacques Mahéas. On va y arriver !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... peut-être même sur les armes !
Après le drame de Nanterre - et je profite de cette occasion pour rendre hommage au comportement remarquable de Mme Fraysse, son maire communiste - il a été question des armes. Je ne crois pas que ce soit un sujet qui oppose la droite à la gauche.
C'est un sujet sur lequel nous pouvons être unanimes, dans vos circonscriptions, que vous soyez de gauche ou de droite, vous êtes interrogés par les uns et les autres, par les chasseurs ou les tireurs sportifs. Nous devons pouvoir ensemble formuler sur ces questions des propositions de bon sens.
Monsieur Vallet, vous m'avez interrogé sur l'action des maires. C'est peut-être notre seul point de désaccord, mais je m'opposerai - je l'ai toujours pensé - à toute municipalisation de la police nationale.
M. Jean-Claude Carle. Bien sûr !
Mme Nicole Borvo. On est au moins d'accord sur un point !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je ne dis pas que c'est ce que vous demandez, monsieur le sénateur, mais je veux vraiment que ce soit clair.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je n'y crois pas. Dans un pays qui compte 36 000 communes,...
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... il n'est pas concevable d'imaginer, si peu que cela soit, la municipalisation de la police nationale. (M. Pierre Hérisson applaudit.)
En revanche, il y a beaucoup à faire, et c'est l'objet de toute la partie du texte portant sur les pouvoirs de la police municipale, avec la reconnaissance de nouveaux pouvoirs aux maires et de moyens pour les policiers municipaux.
J'ajoute que j'ai donné des instructions très fermes, prévues dans le cadre de la LOPSI, pour que vous bénéficiiez de ces informations dont il est scandaleux que les maires n'aient pas été destinataires systématiquement.
Cela a existé dans certaines communes parce que le maire avait exercé des responsabilités, ou parce qu'il entretenait de bons rapports avec le commissaire, mais pas partout.
Vous avez demandé si la France était une cible du terrorisme. Oui, hélas !
Est-elle une cible particulière ? Non ! la France est une cible du terrorisme comme toutes les démocraties. Nous aurons l'occasion, hélas ! de reparler de ce sujet.
Madame Françoise Henneron, je dois dire qu'à cette heure tardive, entendre des idées fortes émises par une personnalité authentique, qui monte à la tribune donner sa part de sincérité, cela fait grand plaisir. (Rires sur les travées du CRC.)
Je ne vois pas pourquoi certains rient, parce que toutes les sincérités sont respectables.
Mme Nicole Borvo. Mais pas les caricatures !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Reconnaître la passion que quelqu'un met dans son combat politique c'est primordial. Je suis de ceux qui pensent depuis bien longtemps que se reconnaître de la droite républicaine et modérée, il n'y a aucune raison d'en être complexé. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE.)
Madame Henneron, votre témoignage était éminemment touchant, car il vient d'une personne qui vit au milieu de ses concitoyens...
Mme Nicole Borvo. Ce que nous n'acceptons pas, c'est votre prêchi-prêcha.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et qui est bien décidée à ne pas se laisser intoxiquer par le prêchi-prêcha d'un petit milieu qui, trop longtemps, a confisqué nos élites et est responsable de l'éloignement d'une partie de nos compatriotes à l'égard du monde politique.
Je voudrais rappeler qu'un Français sur deux ne vote pas et que, s'il y avait plus de témoignages aussi authentiques que ceux de Mme Henneron, cela changerait peut-être.
Je ne sais si ce que vous avez dit fait plaisir à tout le monde mais, à moi, cela m'a fait très plaisir.
Enfin, monsieur Carle, je vous remercie de votre soutien et votre remarque m'offre une belle conclusion : « C'est le projet du coeur et de la raison ».
Que l'on m'aime ou que l'on ne m'aime pas, le problème n'est pas là,...
Mme Nicole Borvo. L'amour n'a rien à voir !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ...que l'on juge ce texte pertinent ou non, que l'on ait son idée sur la sécurité ou non, je voudrais que chacun comprenne que ces idées que je suis venu défendre devant vous, j'y crois profondément.
J'y crois si fortement que je suis prêt à en débattre et à les amender. Je suis en effet persuadé que ce que nous faisons ici est plus important que le projet de loi lui-même, plus important que la situation d'un ministre ou d'une majorité. C'est quelque chose de fort, car il s'agit de prouver la capacité de responsables politiques à répondre à un cri de détresse lancé par des millions de Français.
C'est une noble mission ; j'aimerais tellement que nous soyons au rendez-vous de cette attente en essayant de construire un débat qui fasse non pas honte, mais honneur à chacun de nous. J'aimerais tellement entendre demain les gens dire qu'il s'est passé quelque chose à la Haute Assemblée, et que nous avons été capables de discuter sérieusement d'un sujet prioritaire. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Exception d'irrecevabilité



M. le président.
Je suis saisi, par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, d'une motion n° 258 rectifié, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi pour la sécurité intérieure (n° 30, 2002-2003.) »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, vous avez transformé l'hémicycle en salle de réunion électorale (M. le ministre sourit.)
M. François Trucy. Lui, au moins, il a du talent !
Mme Nicole Borvo. Cela a du bon à cette heure tardive, mais cela ne doit pas nous détourner de l'essentiel.
Si nous défendons cette motion d'irrecevabilité, monsieur le ministre, c'est que votre texte nous paraît déroger sur certains points - mais pas sur tous - à des principes fondamentaux de notre droit et à des règles dont la Communauté européenne ou internationale s'est dotée, principes et règles qui touchent aux droits élémentaires de la personne.
J'ai entendu ici et là, et quelquefois de façon caricaturale ici même, railler les « droits de l'hommistes ». Mais quand, aujourd'hui même, au xxie siècle, tant de droits sont bafoués dans le monde - le droit de se nourrir, de se soigner, de vivre en paix, d'être un enfant, d'avoir une opinion - quand, dans notre pays, le droit d'avoir un toit et un travail sont ignorés, quand tant de femmes et d'hommes donnent leur vie pour que libertés et droits soient reconnus et respectés, ces railleries n'inspireraient que le mépris si elles n'étaient le signe d'une évolution inquiétante.
Nous savons bien, monsieur le ministre, l'histoire le montre - que, si les droits sociaux, la perspective de justice sociale, les solidarités reculent, ce sont la répression et l'ordre moral qui tiennent lieu de « politiques ».
Pour notre part, nous sommes profondément attachés aux principes de la liberté individuelle et de l'égalité des citoyens devant la loi, à la présomption d'innocence et au refus des discriminations.
De ce point de vue, plusieurs dispositions de votre texte posent des problèmes et contredisent les principes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, notre Constitution ou encore les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme.
Ainsi, concernant les gens du voyage, l'égalité devant la loi contenue dans les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est bafouée puisque c'est le nombre d'habitants qui déterminera la compétence de la justice. Pour un même fait, les règles de procédure et les sanctions ne seront pas les mêmes. Les 32 000 communes de moins de 5 000 habitants, non soumises à la loi Besson, saisiront le juge civil et les 4 000 autres le juge pénal. Les gens du voyage auront intérêt à se renseigner sur le nombre d'habitants avant de s'installer ! Je ne suis pas sûre que ce soit un avantage pour les petites communes.
Qu'en est-il, par ailleurs, du principe de droit pénal de la personnalisation des peines. Qui va-t-on poursuivre ? Celui qui joue le rôle, souvent bien utile, d'interlocuteur des autorités locales ou chaque nomade en particulier ? Et pourquoi ne poursuivrait-on pas les enfants, qui sont désormais responsables pénalement dès l'âge de dix ans ? La loi ne précise rien à ce sujet.
Quant aux prostituées, le projet de loi accorde le droit au bénéfice d'un titre de séjour à celles qui dénonceront leur proxénète. C'est la première fois que, dans la législation française, l'octroi d'un droit serait soumis à des conditions de délation. De plus, c'est contraire à l'article 6 du protocole de Palerme, signé et ratifié par la France le 5 décembre dernier, qui recommande la protection des victimes. Je rappelle qu'il s'agit de femmes en danger pour elles-mêmes et pour leurs proches.
Pour les contrôles d'identité, vous proposez, dans l'article 4, de remplacer les termes : « indice faisant présumer » par : « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner ».
Je ne développe pas l'argumentaire ; nous aurons l'occasion d'en parler sur l'article lui-même. D'ailleurs, vous avez vous-même évoqué la question. Je préciserai seulement que M. Schosteck, au nom de la commission des lois, avait refusé cette proposition, craignant qu'elle n'autorise « toutes les interprétations et donc n'enlève de la sécurité juridique ». De son côté, la Cour de cassation a eu l'occasion de dire que le contrôle d'identité devait s'effectuer sur la base « d'éléments objectifs déduits de circontances extérieures à la personne même de l'intéressé ». Vous conviendrez qu'une « raison plausible » est une notion subjective et susceptible de faire l'objet de nombreuses interprétations.
Vous étendez la fouille des véhicules au-delà de la loi du 15 novembre 2001. Mais les pouvoirs des officiers et agents de police judiciaire et la portée des contrôles sont généraux et flous. La liberté individuelle ne saurait s'en accommoder. Vous permettez des fouilles préventives sans que la réalité d'une infraction soit établie et, dans ce cas, c'est la police administrative qui a le pouvoir d'agir. Cette confusion entre police administrative et police judiciaire viole le principe de la protection de la liberté individuelle par le juge judiciaire.
De même, le temps durant lequel peuvent s'exercer les pouvoirs de la police en matière de fouille est bien trop imprécis : vingt-quatre heures, mais renouvelables combien de fois ? Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 12 janvier 1997, Fouilles des véhicules , avait pourtant exigé une restriction dans le temps. On constate la même imprécision concernant les lieux possibles des fouilles : qu'entend-on par « lieux accessibles au public » ? Cette définition comprend-elle les parkings, par exemple ?
D'autres dispositions portent atteinte à la liberté individuelle et au respect de la vie privée. Ce sont les fouilles de bagages et palpations effectuées par des agents de sécurité privés, qui ne sont dépositaires d'aucune autorité publique et qui ne sont pas membres de la police judiciaire, dans des circonstances mal définies, particulières et liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique.
Les fichiers informatiques et d'empreintes génétiques justifient également nos inquiétudes au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui édicte que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
L'article 9 du projet de loi prévoit que les fichiers de données nominatives pourront contenir des informations sur les personnes « présumées » avoir participé à une infraction. Quelles informations ? Dans quelles limites ? Sur la seule personne « présumée » ? Sur son entourage ? Rien, dans le texte, n'est dit du droit de contrôle prévu par l'article 1er de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et au rôle de la CNIL.
Ces fichiers sont également discutables quant au principe de la présomption d'innocence. L'article 9 prévoit l'effacement des données personnelles en cas de relaxe ou d'acquittement. En cas de non-lieu ou de classement sans suite, il faut un décret en Conseil d'Etat. Seront donc susceptibles de figurer dans ces fichiers pour une durée indéterminée des personnes n'ayant commis aucune infraction, voire des personnes extérieures à l'enquête, mais dont le nom apparaîtrait, par exemple, dans un ordinateur saisi lors de cette enquête.
Quant aux fichiers d'empreintes génétiques, là aussi, il suffira de « raisons plausibles de soupçonner » quelqu'un pour qu'il y figure, sans même que les conditions de sortie du fichier soient clairement définies. En effet, les données seront effacées sur instruction du procureur de la République, agissant d'office ou à la demande de l'intéressé, quand leur conservation n'apparaîtra plus nécessaire au regard de la finalité du fichier. Sur quels critères et comment l'intéressé en sera-t-il informé ?
J'ajoute que la sanction du refus de se soumettre à un prélèvement biologique porte atteinte à la présomption d'innocence.
Vous proposez, monsieur le ministre, une extension des pouvoirs de police. Pour nous, seule une situation exceptionnelle peut la justifier. Elle ne saurait donc être que provisoire, dûment encadrée et placée sous le contrôle du Parlement. Lors de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, dans le contexte de l'après 11 septembre 2001, nous avions demandé la limitation de telles mesures à un an, avec rapport d'étape à mi-parcours. Les dispositions de cette loi ayant été adoptées avec effet jusqu'en décembre 2003, nous avons refusé de les voter. Nous avons donc de la suite dans les idées.
Avec votre texte, vous aggravez encore la situation, puisqu'il n'y a plus de limitation de temps pour un certain nombre d'articles et que l'exception devient la règle. Cela n'est pas sans lien avec vos déclarations du week-end dernier concernant les risques terroristes qui menacent les démocraties, particulièrement notre pays.
Monsieur le ministre, combattre durablement et résolument le terrorisme, oui. Hélas ! le problème est d'une autre ampleur. Et puis, franchement, les forces de police, de gendarmerie, de renseignement, les juges antiterroristes que vous avez félicités pour avoir permis l'arrestation de trois suspects en lien avec l'attentat de Djerba n'ont pas eu besoin de votre texte pour agir !
De façon plus générale, votre texte introduit une rupture du principe d'égalité devant la loi, et donc devant la sanction pénale, par la stigmatisation de certaines catégories de personnes - excusez-moi d'y revenir -, à savoir les jeunes qui se rassemblent dans les halls d'immeubles, les mendiants, les prostitués, les gens du voyage. Comme si le fait d'appartenir à ces catégories constituait une présomption de délit ! Oui, en quelque sorte, vous créez une présomption de délit.
Notre arsenal pénal permet de punir les infractions que semble viser votre texte : tapage nocturne, dégradation de biens, violation de la propriété, remise de fonds sous contrainte ou violences, outrage à policier, rébellion, etc.
Alors, quels sont les objectifs recherchés par le durcissement de la législation pénale que vous proposez ?
Monsieur le ministre, les auteurs d'infraction pénale doivent être sanctionnés. La loi doit être respectée par tous. Mais la délinquance prend des formes diverses ; évidemment, on trouve plus de délinquance financière et fiscale chez les riches et de délinquance de rue chez les pauvres. Votre texte est malheureusement ciblé. Il désigne les pauvres.
D'ailleurs, concernant l'exploitation dont sont victimes certains d'entre eux par d'autres - mendicité ou prostitution -, il est curieux de constater que les moyens de lutter contre la corruption, le blanchiment de l'argent de la drogue ou de la prostitution - comme la transparence bancaire, la levée du secret là où il existe encore - ne sont pas évoqués.
Monsieur le ministre, les violences et les actes qui en découlent à l'égard des biens et des personnes sont, hélas ! en hausse depuis des décennies. Je me permets une remarque. Vous avez dit et redit ces derniers jours que, depuis votre arrivée, la délinquance recule.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est vrai !
Mme Nicole Borvo. Si c'est un fait avéré, je constate qu'il n'y avait pas besoin de créer de nouvelles infractions et de modifier la législation pour y parvenir. Mais je voulais faire remarquer que MM. Caresche et Pandraud ont travaillé sérieusement pour proposer une clarification des statistiques policières. Il serait utile de prendre en compte ce travail, avant d'exhiber des chiffres sujets à caution.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons un amendement !
Mme Nicole Borvo. En tout état de cause, les actes de violence, voire de barbarie, sont inquiétants : c'est vrai. Je m'insurge contre ceux qui ont dit ici que d'aucuns ignoraient la réalité de la délinquance. Nous la connaissons !
Les infractions, les incivilités accroissent le mal-vivre de populations déjà accablées par des difficultés économiques et sociales.
Nos concitoyens et les élus ont besoin que les pouvoirs publics se donnent les moyens de faire appliquer la loi - existante -, s'attaquent courageusement aux phénomènes qui génèrent la violence - exclusion durable, économie parallèle -, permettent aux institutions - que ce soit la famille, l'école, les travailleurs sociaux, la police de proximité - d'assumer leurs missions de prévention, de suivi, de réinsertion, etc. C'est ce que j'avais cru entendre dans la bouche du candidat président à la présidence de la République pendant sa campagne électorale. Hélas ! jusqu'ici, vous avez choisi une seule voie, celle de la répression, du durcissement du dispositif pénal. Jusqu'où irez-vous ?
Aux Etats-Unis, partout où les lois ont été aggravées, la criminalité n'a pas baissé, au contraire : violence sociale, peur de l'autre, racisme entretiennent la violence.
M. Patrick Gélard, vice-président de la commission. C'est faux !
Mme Nicole Borvo. Je vous conseille, si vous ne l'avez pas fait, d'aller de voir le film Bowling for Columbine . Vous comprendrez ce qu'est la violence dans un pays comme les Etats-Unis !
Permettez-moi de citer Victor Hugo, que M. le président Poncelet a encore honoré ce matin et que, sur tous les bancs ici, tous les sénateurs se sont plu à louer le 20 février 2002. Victor Hugo apostrophait ainsi vos prédécesseurs : « Je ne suis pas de ceux qui croient qu'on peut supprimer la souffrance en ce monde (...) mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu'on peut détruire la misère (...). Détruire la misère ! Oui, cela est possible. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n'est pas fait, le devoir n'est pas rempli ».
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est exactement ce qu'on fait !
Mme Nicole Borvo. Mme Geneviève Anthonioz de Gaulle, dans son combat inlassable contre l'exclusion, nous disait, il y a évidemment quelque temps : « La confiance de beaucoup de personnes en difficulté s'est altérée. Elles doutent de leur égale dignité d'êtres humains lorsqu'on les jette à la rue sans relogement, lorsqu'on leur prend leurs enfants sans leur avoir apporté le soutien suffisant pour les élever, elles-mêmes, lorsque l'ouverture d'un droit se transforme en contrôle de la vie privée, lorsqu'on les enferme dans des emplois précaires qui ne leur permettent ni de vivre décemment ni de faire des projets d'avenir (...). Nous avons besoin de regagner cette confiance. Pour cela, les plus démunis doivent être assurés que notre pays se remettra sans cesse en question tant que les droits fondamentaux ne seront pas effectifs pour tous. »
Ces paroles ont servi de drapeau à toutes les associations et organisations qui se sont mobilisées pendant des années pour une loi de lutte contre les exclusions. Cette loi, votée en 1998, était un début. Aujourd'hui vous foulez aux pieds tous ses principes.
Permettez-moi de citer encore - vous l'avez fait vous-même - le maire de la ville populaire de Calais, Jacky Hénin, qui a refusé de mettre dos à dos les Calaisiens et les réfugiés qui se voient refoulés de Sangatte. Il disait le week-end dernier : « Tant qu'il existera à la porte de la Communauté européenne des gens n'ayant pas de quoi vivre convenablement, ils chercheront le bonheur ailleurs. »
Pour notre part, c'est cette idée de la France que nous défendons : celle des principes fondamentaux contenus dans nos textes, celle de la solidarité, celle qui refuse la division.
Pour toutes ces raisons, les sénatrices et les sénateurs communistes vous demandent d'adopter leur motion tendant à reconnaître l'inconstitutionnalité de ce projet de loi, en l'état, relatif à la sécurité intérieure. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, contre la motion.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèges, nous allons, pour notre part, éviter les polémiques et les excès. Sur ce texte, nous sommes décidés à progresser positivement, comme l'a dit M. le ministre tout à l'heure, à débattre des amendements, qu'ils soient issus de la commission, des rangs de la gauche ou de ceux de la droite, afin d'en améliorer la rédaction.
Pour cette raison, je ne reprendrai pas les différents éléments évoqués par Mme Borvo. Je lui dirai seulement ainsi qu'au groupe communiste, que le système de pensée qui consiste à tenter d'opposer la sécurité et la liberté est dépassé. Je veux dire par là que la sécurité et la liberté non seulement ne s'opposent pas systématiquement mais sont compatibles.
Il est extrêmement dangereux de commencer à imaginer ou de continuer d'imaginer que chaque fois que des mesures supplémentaires pour la sécurité de tous les Français sont sur le point d'être prises cela porte forcément atteinte, ou bien à une liberté individuelle, ou bien à la liberté d'une collectivité ou d'une communauté à l'intérieur de la communauté nationale ; car cela légitime l'immobilisme.
Madame Borvo, vous dites que, dans leur rapport, MM. Caresche et Pandraud proposent une autre manière de faire les statistiques. Peut-être. Mais, aujourd'hui, chacun sait que la délinquance baisse, et les données sur lesquelles on s'appuie pour l'affirmer sont les mêmes que celles qui étaient utilisées lorsque M. Vaillant était ministre et que les statistiques augmentaient !
Nous verrons par la suite s'il faut réformer la manière dont sont faites les statistiques. En attendant, si des textes supplémentaires sont nécessaires aujourd'hui, c'est simplement pour conforter cette baisse, comme vous l'avez vous-même souhaité tout à l'heure, et cela pour le plus grand bien de tous.
Je crois sincèrement que les parlementaires ici présents, quelle que soit leur appartenance politique, ne permettraient pas que l'on augmente la sécurité en réduisant la liberté. N'opposez pas ces deux termes. Pour nous, la République, c'est la liberté dans la sécurité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les auteurs de la motion considèrent que ce projet de loi porte atteinte à certaines libertés publiques et individuelles garanties par la Constitution. En fait, ce n'est pas le cas. Au contraire, il pérennise ou prolonge nombre de dispositions de la loi relative à la sécurité quotidienne ! D'ailleurs, à ce propos, nous ne nous souvenons pas que le groupe CRC ait déposé une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité sur la loi relative à la sécurité quotidienne.
Par ailleurs, le texte a été examiné par le Conseil d'Etat. Si celui-ci l'avait jugé inacceptable, son avis aurait nécessairement été connu, comme cela a été le cas pour le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République. Or rien n'a été fait !
En fait, si on examine ce texte en détail, on se rend compte qu'aucun pouvoir n'est donné sans que soit instauré un encadrement judiciaire destiné à éviter toute difficulté.
Ce texte est nécessaire. Il est attendu par nos compatriotes et, à ce titre, il doit être examiné. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 258 rectifié tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant, l'une de la commission, l'autre du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 32:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 107
Contre 206

Question préalable



M. le président.
Je suis saisi, par M. Mermaz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, d'une motion n° 165, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi pour la sécurité intérieure (n° 30, 2002-2003).»
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Louis Mermaz, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers de ce projet de loi, le Gouvernement entend traiter de sujets très divers. Ce texte a été précédé par une campagne de communication, quelques fuites, le recours à une formule bizarre - Mme Borvo vient de parler des « droits-de-l'hommistes » -, des brocards sur les intellectuels, je croyais que le Gouvernement comptait quelques intellectuels... peut-être même M. le ministre de l'intérieur est-il un intellectuel, ...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Non, non ! (Sourires.)
M. Louis Mermaz. ... et probablement, pour brouiller les pistes, une musique de fond humanitaire : quelques annonces sur le réexamen de la situation des sans-papiers, au cas par cas, il est vrai, ou sur le réexamen de la double peine, annonces que l'on aimerait voir se réaliser rapidement. Car si le Gouvernement, dans ces deux domaines, fait mieux que ses prédécesseurs, nous lui en donnerons immédiatement acte sans le traiter de « droit-de-l'hommiste ».
Comment ne pas dire un mot ce soir sur Sangatte ? Il se trouve que j'y ai passé de nombreuses heures pour la commission des lois de l'Assemblée nationale en octobre 2000 et en juin 2001. Sangatte avait été ouvert avant 1997. D'ailleurs, c'était une solution tout à fait acceptable et préférable au fait de laisser les réfugiés errer dans les espaces publics de la ville de Calais. Mais la fermeture qui vient d'être décidée, et dont la date a été avancée par le Gouvernement, a quelque chose d'improvisé aucune solution de rechange n'ayant été prévue. Quelles initiatives internationales avez-vous prises ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et la Grande-Bretagne ?
M. Louis Mermaz. Il y a eu un voyage à Bucarest concernant les Roumains, je le sais, mais quelles initiatives internationales avez-vous prises en direction des pays d'où viennent les réfugiés ?
Pour ce qui est du projet de loi, le Gouvernement a réussi à produire un texte qui, sauf sur certains points particuliers - dispositions relatives aux armes et aux munitions, encadrement des activités de sécurité privée, lutte contre le proxénétisme, dispositions qui réunissent ici l'assentiment de tous -, est fondé sur un paradoxe car inutile, inapplicable et cependant dangereux pour les libertés ?
N'est-ce pas un projet de loi inutile ? Plusieurs mesures proposées ne recouvrent-elles pas des articles qui figurent déjà dans le code pénal et qu'il suffit d'appliquer : menaces, violences, actes agressifs, extorsions de fonds, etc. ?
Ce projet de lois ne serait-il pas non plus inapplicable ? Ne conduirait-il pas en prison un nombre considérable de personnes ? Là, on serait dans l'absurdité ! Nous connaissons l'état horrible de nombreuses prisons. J'ai présidé la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la situation dans les prisons française. Il y a eu une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissement pénitentiaires en France. Nous avons constaté le surpeuplement, le nombre insuffisant de surveillants et d'éducateurs dans les prisons.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Exactement !
M. Louis Mermaz. D'ailleurs, le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Pascal Clément, de l'UMP, s'est interrogé, pas plus tard que jeudi dernier, lors de l'examen des crédits de la justice pour 2003, et il a déclaré que les mesures prises pour limiter la surpopulation carcérale étaient indispensables et que les nouvelles sanctions prévues par le projet de loi de Nicolas Sarkozy risquaient d'engendrer une surpopulation.
Dans le même sens - cela concerne toujours la justice -, Dominique Barella, président de l'Union syndicale des magistrats, reçu par le ministre Dominique Perben pour l'étude des contrats d'objectifs, déclarait ceci : « Dans le seul domaine pénal, nous sommes saisis de 5,3 millions de procédures par an, pour des capacités de traitement qui sont d'environ 500 000 dossiers. »
Ce texte, difficile à appliquer et probablement inutile sur de nombreux points, n'est-il pas également dangereux pour les libertés ? En effet, il sera compris comme ciblant certaines catégories de personnes et, quoi que le Gouvernement en ait, il aboutit déjà à les frapper d'un certain ostracisme. Ainsi, avant même d'être votée et appliquée, la future loi a déjà des effets nocifs : elle risque d'accroître les tensions, donc les phénomènes d'insécurité.
Ensuite, même si la loi est souvent redondante avec le code pénal, même si, pour des raisons matérielles ou financières, elle est inapplicable - je citerai un exemple : vous voulez faire partir d'un terrain des gens du voyage, mais vous commencez par leur confisquer leur voiture et leur permis de conduire... ! - il n'en demeure pas moins que la loi existera et qu'elle pourra toujours être appliquée au cas par cas, à qui l'autorité exécutive le décidera, quand elle le voudra, ce qui est la définition même de l'arbitraire.
M. Eric Doligé. Caricature !
M. Louis Mermaz. Non !
Appliquée ou bien utilisée comme moyen de pression, la loi sera cruelle aux exclus, à ceux dont la situation est déjà très précaire.
Les dispositions sur la prostitution placeront en fait les prostituées, plus que jamais refoulées à la périphérie des agglomérations, ou réduites à la clandestinité, dans des situations souvent atroces, les mettant à la merci de toutes les formes de violences, à commencer par celles des proxénètes, leur faisant courir, ainsi qu'à leurs clients, des risques sanitaires évidents.
Même si le projet de loi prévoit d'accentuer - au demeurant, de façon insuffisante - la lutte contre le proxénétisme et les réseaux mafieux internationaux, comme le réclamait avec davantage de force la proposition de loi renforcant la lutte contre les différentes formes de l'esclavage aujourd'hui, qui a été adoptée le 24 janvier dernier, à l'unanimité, par l'Assemblée nationale, il n'en reste pas moins qu'il va créer de graves déséquilibres avec la pénalisation immédiate des prostituées, alors qu'il reste tant à faire pour combattre le trafic des êtres humains et ses corollaires, la corruption et le blanchiment d'argent.
Je viens d'évoquer la situation des gens du voyage, menacés de façon démesurée de prison et d'amendes. De prison ? Mais avez-vous fait le compte des personnes qui pourraient être visées ? Et les enfants? Qu'en ferez-vous ? Il y a une autre façon de s'y prendre ! D'ailleurs, partout où les maires aidés par les autorités de police ou de gendarmerie savent s'y prendre, on arrive à réduire ce phénomène.
Bien sûr, on ne peut pas laisser n'importe qui s'installer n'importe où et la propriété doit à l'évidence être respectée. Mais je pense qu'il existe d'autres moyens que de brandir des menaces d'emprisonnement.
J'en viens à l'atteinte à la libre circulation dans les immeubles. Je vous invite à relire le code pénal, qui sanctionne les menaces et les voies de fait. N'y a-t-il pas d'autres moyens - la prévention, la présence de gardiens, l'intervention de la police, le dialogue social, la réinsertion, la création d'emplois - que de brandir la menace de la prison ?
Quant à la mendicité agressive, là aussi, les extorsions de fonds et les menaces sont sanctionnées par le code pénal. S'il y a vraiment agressivité, que l'on applique les lois ! En revanche, il faut prévoir, bien sûr, de punir très sévèrement l'exploitation de la mendicité. Du reste, les amendements que les groupes de l'opposition défendront iront dans ce sens.
Par ailleurs, l'extension des pouvoirs de la police, sans l'intervention préalable ou concomitante des magistrats dans la gestion des fichiers devenus, en fait, des fichiers de suspects, est contraire au principe de la présomption d'innocence.
Toutes les associations de magistrats l'ont affirmé ! Leur utilisation étendue à certaines administrations pose également un réel problème. La Commission nationale de l'informatique et des libertés et la Commission nationale consultative des droits de l'homme se sont clairement exprimées sur ce point après s'être autosaisies de la question.
Que dire, enfin, de cet article 28 qui résume, hélas ! à lui seul, toute la philosophie du texte. Il donnerait en effet le pouvoir à la seule autorité administrative de retirer sa carte de séjour temporaire à l'étranger soupçonné de faits pouvant entraîner des poursuites pénales. Là aussi, que devient la présomption d'innocence ? Pourquoi cette éviction du magistrat, qui doit être le garant du droit et des libertés ?
Bref, le projet de loi va donner plus de pouvoir à l'exécutant réduit à s'appuyer sur des textes flous et ambigus, comme le montrera la discussion des articles. En cas de dérapage, le responsable sera le dernier des exécutants, à savoir le policier, qui n'aura pas été suffisamment initié aux règles de la déontologie. La victime sera le plus fragile des citoyens ou de ceux qui vivent dans ce pays parce qu'ils appartiennent à une minorité ou bien parce qu'ils sont marginalisés économiquement et socialement.
Chacun s'accordera à penser que la sécurité des personnes et des biens est un droit fondamental dont l'Etat est le garant. Tous les élus de France sont d'accord sur ce point. Pour autant, la sécurité n'est pas une valeur antinomique par rapport aux libertés individuelles. Encore faudrait-il que les textes, et les actes, aillent bien en ce sens.
Je pense profondément que la sécurité sera d'autant mieux assurée et durable que les libertés seront scrupuleusement respectées.
Guérir les maux de la société, porter assistance aux plus faibles et leur garantir protection, éduquer, prévenir pour ne réprimer que lorsque le reste a échoué et que cela devient absolument nécessaire, ...
M. Hilaire Flandre. Le reste a échoué !
M. Louis Mermaz. ... voilà ce que devrait être la politique du Gouvernement. Alors, pourquoi réduire les emplois-jeunes ? Pourquoi supprimer pour la rentrée prochaine des postes de surveillant et d'aide-éducateur dans les collèges et les lycées ?
Face à ce projet de loi d'un autre âge, le Gouvernement ne voudrait-il pas ressouder une majorité en proie aux premières difficultés (Rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste), aux premières dissensions « humaines, trop humaines » ?
Satisfaire, dans la précipitation, une opinion que l'on s'est employé à affoler...
M. Roger Karoutchi. Non !
M. Louis Mermaz. ... et à laquelle on n'a pas finalement apporté davantage de sécurité là où il y avait pourtant nécessité, n'est-ce pas de cela qu'il s'agit ?
C'est vrai que nous sommes nombreux à demander la création d'un observatoire national de la délinquance. Il serait bienvenu !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pour observer, on est fort !
M. Louis Mermaz. Je pense que nous devrions tous nous accorder sur ce sujet. Cet observatoire permettrait de dissiper l'ambiguïté et corriger le caractère souvent approximatif de statistiques brandies de façon très politicienne.
M. Eric Doligé. Qu'avez-vous fait ?
M. Jean-Pierre Vial. Oui, qu'avez-vous fait, vous ?
M. Louis Mermaz. On ne va pas toujours vivre sur ce que l'on a fait ou ce que l'on n'a pas fait ! (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Eric Doligé. Vous n'avez rien fait !
M. Louis Mermaz. La France vient de loin et la France ira loin ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Chers collègues, à quel jeu tactique se livre-t-on depuis un certain nombre d'années avec ces « Qu'avez-vous fait ? » (Protestations sur les mêmes travées.) A ce compte-là, on ne fera jamais rien ! C'est un jeu vraiment enfantin !
M. Philippe Nogrix. Zéro plus zéro égale zéro !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Bref, personne ne fait rien !
M. Louis Mermaz. D'ailleurs, ce « Qu'avez-vous fait ? » me fait rire ! C'est vraiment enfantin que de jouer à ce jeu-là ! En somme, nous n'avons rien fait, vous ne faites rien, et personne ne fait rien ! Non, évitons ce langage qui fait rire tout le monde dans le pays ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Eric Doligé. Mais non !
M. Bruno Sido. Cela fait rire jaune !
M. Louis Mermaz. Hormis certaines dispositions techniques sur lesquelles tout le monde s'accorde, ne faudrait-il pas, mes chers collègues, se donner le temps de la réflexion et les moyens de combattre les causes profondes de l'insécurité ? Là est la condition de l'efficacité que chacun attend.
M. Hilaire Flandre. On repart pour un tour !
M. Louis Mermaz. Tel est le sens de cette question préalable : je me demande si ce texte sécuritaire sur lequel on essaie de focaliser l'attention du pays n'a pas pour objet de masquer les rudes échéances que la politique économique et sociale du Gouvernement ne nous prépare pas vraiment à affronter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Adopter cette motion signifierait qu'il n'y a pas lieu de débattre. En d'autres termes, on nous demande ici de ne strictement rien faire en matière de sécurité ! Or, M. le Président de la République a été élu sur un programme qui traitait de la sécurité.
Mme Nicole Borvo. Ah bon ?
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Les députés ont été élus sur le même programme et, au mois de juillet, je le rappelle, nous avons adopté le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure dont ce projet de loi n'est que le prolongement. Comme, pour notre part, nous voulons agir pour la sécurité, nous demandons au Sénat de rejeter cette motion. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons rappelé la position de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes qui nous a expliqué, en début de séance, qu'elle n'avait pas eu le temps de travailler.
C'est également vrai pour nous tous. Par exemple, il existe un rapport sur la prostitution, rapport de notre regrettée collègue Dinah Derycke, ancienne présidente de cette délégation, qui est extrêmement intéressant. On y trouve, notamment, des analyses de droit comparé des différents pays d'Europe. Un document rédigé par les services du Sénat fait d'ailleurs état de cette comparaison.
Dans le texte de notre rapporteur, en revanche, il n'y a rien sur le droit comparé. Or, il est évident que, pour parvenir aux meilleures solutions, comme le disait M. le ministre tout à l'heure, il faut pouvoir travailler dans de bonnes conditions et de manière approfondie.
La proposition qui vient d'être faite par notre ami Louis Mermaz rejoint tout à fait cette préoccupation.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que d'ores et déjà la délinquance a baissé. Je ne sais d'ailleurs pas comment cela a été calculé ; peut-être les commissariats ont-ils reçu des ordres de ne pas prendre toutes les plaintes (Protestations sur certaines travées du RPR), je n'en sais rien, cela peut arriver.
Cela prouve que vous n'avez pas besoin de cette loi pour parvenir à réduire la délinquance : il a suffi que vous la brandissiez, sans doute ! Si c'est le cas, cela nous donne une raison supplémentaire de prendre le temps nécessaire à une discussion véritablement approfondie.
Vous l'avez vu, M. le ministre a, aujourd'hui même, modifié certaines de ses propositions. Il nous a expliqué en détail, et nous l'en remercions, comment il avait pu se tromper, qu'il avait reçu les représentants de l'association Droit au logement, le DAL, et qu'il s'était rendu compte, après avoir réfléchi pendant huit jours, qu'ils avaient raison.
Ce qui a été vrai sur ce point, à notre avis, devrait l'être sur beaucoup d'autres. J'ai donc là une nouvelle raison d'approuver cette question préalable.
Cela étant, monsieur le président, il nous a été dit tout à l'heure que, à l'issue de la discussion générale et du vote sur les deux motions, on renverrait la discussion des articles à demain. Or, voilà que, tout à coup, on nous distribue un certain nombre d'amendements.
M. le président. Je vous rassure, mon cher collègue, c'est uniquement pour votre information et nous comptons bien lever la séance après avoir statué sur cette question préalable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes d'accord !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 165, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 33:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 107
Contre 206

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

8

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Aymeri deMontesquiou une proposition de résolution, présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit aux consommateurs (n° E 2103).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 60, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2131 et distribué.

10

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de MM. Alain Vasselle, Jean-Louis Lorrain et Dominique Leclerc un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (n° 47, 2002-2003).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 58 et distribué.
J'ai reçu de M. Ladislas Poniatowski un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution (n° 44, 2002-2003) présentée en application de l'article 73 bis du règlement par MM. Ladislas Poniatowski, Henri Revol et Gérard Larcher sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 96/92/CE et 98/30/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité (n° E 1742).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 59 et distribué.

11

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 14 novembre 2002 :
A neuf heures trente :
1. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 30, 2002-2003) pour la sécurité intérieure.
Rapport (n° 36, 2002-2003) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Rapport d'information (n° 34, 2002-2003) de Mme Janine Rozier, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
A quinze heures et le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (n° 47, 2002-2003) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 15 novembre 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat sur l'assurance maladie : lundi 18 novembre 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 18 novembre 2002, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 14 novembre 2002, à zéro heure vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





COMMUNICATION RELATIVE À LA CONSULTATION
DES ASSEMBLÉES D'OUTRE-MER

M. le président du Sénat a reçu, le 13 novembre 2002, de M. le Premier ministre, la délibération relative à l'avis de l'assemblée de la Polynésie française sur le projet de loi n° 30 (2002-2003) pour la sécurité intérieure.
Ce document a été transmis à la commission compétente.

DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT D'AMENDEMENTS À
UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

En application de l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, la commission des affaires économiques et du Plan examinera le jeudi 21 novembre 2002, à 9 h 30, le rapport de M. Jean-François Le Grand et les amendements éventuels sur la proposition de résolution n° 325 (2001-2002), présentée en application de l'article 73 bis par M. Jacques Oudin, sur les textes n°s E 1851 et E 1852 concernant le ciel unique européen.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au mercredi 20 novembre 2002, à 12 heures. Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission.
(Il est rappelé que, conformément à l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, les amendements dont aucun des auteurs n'appartient à la commission saisie au fond sont présentés devant celle-ci par leur premier signataire. La présente publication vaut, à leur égard, convocation à la réunion de la commission.)

NOMINATION DE RAPPORTEURS

Commission des affaires économiques et du Plan :
M. Ladislas Poniatowski a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 44 (2002-2003), de MM. Ladislas Poniatowski, Henri Revol et Gérard Larcher, sur la proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 96/92/CE et 98/30/CE concernant les règles communes pour les marchés intérieurs de l'électricité et du gaz naturel et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité (n° E 1742).
Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :
M. Lucien Lanier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 11 (2002-2003), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants, dont la commission des lois est saisie au fond.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 13 novembre 2002


SCRUTIN (n° 32)



sur la motion n° 258 rectifiée, présentée par Mme Nicole Borvo et plusieurs de ses collègues, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet de loi pour la sécurité intérieure (urgence déclarée).


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 313
Pour : 106
Contre : 207

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 18.
Abstentions : 4. _ MM. François Autain, Jean-Yves Autexier, Pierre Biarnès et Paul Loridant.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la séance.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :

Pour : 6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla

Contre : 13.
Abstentions : 2. _ MM. Nicolas Alfonsi et Rodolphe Désiré.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Contre : 93.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Pour : 82.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :

Contre : 54.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Contre : 41.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (6) :

Contre : 6.

Ont voté pour


Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour


Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich


Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Abstentions


MM. Nicolas Alfonsi, François Autain, Jean-Yves Autexier, Pierre Biarnès, Rodolphe Désiré et Paul Loridant.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat et Guy Fischer, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre des suffrages exprimés : 313
Majorité absolue des suffrages exprimés : 157
Pour : 107
Contre : 206

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 33)



sur la motion n° 165 présentée par M. Louis Mermaz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à opposer la question préalable au projet de loi pour la sécurité intérieure (urgence déclarée).


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 313
Pour : 106
Contre : 207

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 18.
Abstentions : 4. _ MM. François Autain, Jean-Yves Autexier, Pierre Biarnès et Paul Loridant.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la séance.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :

Pour : 6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.

Contre : 13.
Abstentions : 2. _ MM. Nicolas Alfonsi et Rodolphe Désiré.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Contre : 93.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Pour : 82.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :

Contre : 54.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Contre : 41.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (6) :

Contre : 6.

Ont voté pour


Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour


Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich


Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Abstentions


MM. Nicolas Alfonsi, François Autain, Jean-Yves Autexier, Pierre Biarnès, Rodolphe Désiré et Paul Loridant.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Fischer, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre des suffrages exprimés : 313
Majorité absolue des suffrages exprimés : 157
Pour : 107
Contre : 206

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.