SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
1
).
3.
Loi de finances pour 2003.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
2
).
Articles de la première partie (p. 3 )
M. le président.
Article 1er. - Adoption (p.
4
)
Article 2 (p.
5
)
M. Thierry Foucaud.
Amendements n°s I-57 de M. Gérard Miquel, I-93 rectifié de M. Michel Moreigne
et I-130 de M. Thierry Foucaud. - MM. François Marc, Thierry Foucaud, Philippe
Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Lambert,
ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Jean-Pierre Masseret,
Denis Badré, Michel Charasse, Henri de Raincourt. - Rejet des trois
amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 2 (p. 6 )
Amendement n° I-131 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° I-102 rectifié de M. Jacques Oudin. - MM. Jacques Oudin, le
rapporteur général, le ministre délégué, Jean-Pierre Masseret, Thierry Foucaud,
Jean-Philippe Lachenaud, Paul Loridant. - Irrecevabilité.
Amendement n° I-108 de M. Serge Franchis. - Mme Anne-Marie Payet, MM. le
rapporteur général, le ministre délégué, Denis Badré, Jean-Pierre Masseret,
Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Jacques Oudin. -
Retrait.
Amendements n°s I-22 de M. Philippe François et I-114 rectifié de M. Henri de
Raincourt. - MM. Jacques Oudin, Henri de Raincourt, le rapporteur général, le
ministre délégué. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° I-132 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° I-133 de M. Thierry Foucaud. - Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. le
rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° I-134 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° I-135 de M. Thierry Foucaud. - Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. le
rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° I-80 de M. Bernard Joly. - MM. Bernard Joly, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendements n°s I-58 de M. Bernard Angels et I-136 de M. Thierry Foucaud. - MM.
François Marc, Paul Loridant, le rapporteur général, le ministre délégué, Jean
Chérioux, Michel Mercier. - Rejet des deux amendements.
Amendements n°s I-59 de M. Gérard Miquel et I-137 rectifié de M. Thierry
Foucaud. - MM. Jean-Pierre Masseret, Thierry Foucaud, le rapporteur général, le
ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Amendement n° I-138 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendements n°s I-43 de M. Jean Chérioux, I-121 de M. Roland du Luart et I-207
de M. Michel Mercier. - MM. le rapporteur général, le ministre délégué. -
Réserve des trois amendements.
Article 3 (p. 7 )
Amendement n° I-61 de M. Gérard Miquel. - MM. Jean-Pierre Masseret, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 3 (p. 8 )
Amendements n°s I-1 à I-4 de la commission et I-140 de M. Thierry Foucaud. - MM. le rapporteur général, Thierry Foucaud, le ministre délégué.
Suspension et reprise de la séance (p. 9 )
Rectification des amendements n°s I-1 à I-4. - MM. le rapporteur général, le
ministre délégué, Jean-Pierre Masseret, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Jean
Chérioux. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement n° I-1 rectifié
bis
insérant un article additionnel ; adoption des amendements n°s I-2
rectifié
bis
à I-4 rectifié
bis
insérant trois articles
additionnels, l'amendement n° I-140 devenant sans objet.
Amendement n° I-103 de M. Jacques Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Retrait.
Article 4 (p. 10 )
Amendements identiques n°s I-62 de M. Gérard Miquel et I-141 de M. Thierry
Foucaud ; amendements n°s I-122 de M. Jean Chérioux, I-142 de M. Thierry
Foucaud et I-63 de M. Gérard Miquel. - MM. Jean-Pierre Masseret, Thierry
Foucaud, Jean Chérioux, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait
de l'amendement n° I-122 ; rejet des amendements n°s I-62, I-141, I-142 et
I-63.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 4 (p. 11 )
Amendement n° I-213 rectifié de M. Philippe Adnot. - MM. Jacques Oudin, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° I-143 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur
général, le ministre délégué, le président de la commission. - Rejet.
Amendement n° I-124 de M. Jacques Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° I-214 rectifié de M. Philippe Adnot. - MM. Jacques Oudin, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° I-215 rectifié de M. Philippe Adnot. - M. Jacques Oudin. -
Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion.
4.
Ordre du jour
(p.
12
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport du conseil
d'administration du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, établi en
application de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la
sécurité sociale pour 2001.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
3
LOI DE FINANCES POUR 2003
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2003 (n° 67, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 68
(2002-2003).]
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles de la première partie.
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous aurons, mardi 26 novembre, à
seize heures, un débat sur les recettes des collectivités locales.
La commission des finances propose qu'à l'issue de ce débat nous examinions
l'ensemble des articles et des amendements tendant à insérer des articles
additionnels se rapportant aux finances locales.
Les articles et les amendements concernés sont les suivants :
- Amendements n°s I-26 et I-60, tendant à insérer des articles additionnels
après l'article 2 ;
- Articles 12 et 13 ;
- Amendements n°s I-126 rectifié, I-86 et I-87, tendant à insérer des articles
additionnels après l'article 13 ;
- Article 14 ;
- Amendements n°s I-209, I-118 rectifié, I-176, I-177, I-117 rectifié, I-41,
I-72, I-42, I-52, I-14, I-88, I-175, I-89, I-179, I-120, I-178, I-15, tendant à
insérer des articles additionnels après l'article 14 ;
- Articles 14
bis
et 29 ;
- Amendements n°s I-94, I-95, I-191, I-192 et I-193, tendant à insérer des
articles additionnels après l'article 29 ;
- Article 30 ;
- Amendement n° I-79 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après
l'article 30 ;
- Articles 31, 31
bis
et 32 ;
- Amendements n°s I-18, I-98, I-197, I-199 et I-198, tendant à insérer des
articles additionnels après l'article 32.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES
DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. - IMPÔTS ET REVENUS AUTORISÉS
A. - Dispositions antérieures
Article 1er
M. le président.
«
Art. 1er.
- I. - La perception des impôts, produits et revenus
affectés à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics
et organismes divers habilités à les percevoir continue d'être effectuée
pendant l'année 2003 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de
la présente loi de finances.
« II. - Sous réserve de dispositions contraires, la loi de finances s'applique
:
« 1° A l'impôt sur le revenu dû au titre de 2002 et des années suivantes :
« 2° A l'impôt dû par les sociétés sur leurs résultats des exercices clos à
compter du 31 décembre 2002 ;
« 3° A compter du Ier janvier 2003 pour les autres dispositions fiscales. »
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté).
B. - Mesures fiscales
Article 2
M. le président.
«
Art. 2.
- I. - Le I de l'article 197 du code général des impôts est
ainsi modifié :
« 1. Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu
qui excède 4 191 EUR le taux de :
« - 7,05 % pour la fraction supérieure à 4 191 EUR et inférieure ou égale à 8
242 EUR ;
« - 19,74 % pour la fraction supérieure à 8 242 EUR et inférieure ou égale à
14 506 EUR ;
« - 29,14 % pour la fraction supérieure à 14 506 EUR ert inférieure ou égale à
23 489 EUR ;
« - 38,54 % pour la fraction supérieure à 23 489 EUR et inférieure ou égale à
38 218 EUR ;
« - 43,94 % pour la fraction supérieure à 38 218 EUR et inférieure ou égale à
47 131 EUR ;
« - 49,58 % pour la fraction supérieure à 47 131 EUR. » ;
« 2° Au 2, les sommes : "2 017 EUR", "3 490", "964 EUR" et "570 EUR" sont
remplacés respectivement par les sommes : "2 051 EUR", "3 549 EUR", "980 EUR"
et "580 EUR" ;
« 3° Au 4, la somme : "380 EUR", est remplacée par la somme : "386 EUR".
« II. - Au deuxième alinéa de l'article 196 B du même code, la somme : "3 824
EUR", est remplacée par la somme : "4 137 EUR." »
La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 2
du projet de loi de finances, comme c'est souvent le cas, porte sur le barème
de l'impôt sur le revenu.
Le barème, tel qu'il se présente dans le cadre de cet article, intègre
pleinement les effets de la ristourne sur facture accordée à l'issue de la
promulgation du collectif de cet été, effets quelque peu majorés par un coup de
pouce supplémentaire affectant les taux d'imposition.
Une certaine presse ne s'y est d'ailleurs pas trompée, en évoquant clairement
le fait que le taux d'imposition de la tranche supérieure du barème passait
sous la barre des 50 %.
Cela étant dit, l'autre barre des 50 % n'est pas, pour sa part, aussi souvent
évoquée : la moitié des foyers fiscaux, c'est-à-dire des millions de
contribuables, sont en effet, en raison d'une insuffisance manifeste de
ressources, exonérés d'impôt.
De fait, l'orientation fixée par l'article 2 du présent projet de loi de
finances présente plus d'un défaut.
Elle contribue à réduire à la portion congrue l'impôt progressif, laissant une
place de plus en plus grande aux droits indirects.
Elle contribue également à faire de la contribution sociale généralisée, la
CSG, le véritable impôt sur le revenu, proportionnel au demeurant, touchant
plus largement chaque contribuable et pour un rendement autrement plus
spectaculaire que celui qui résulte de l'impôt progressif, puisqu'il s'en faut
désormais de 10 milliards d'euros pour que les cotisations perçues soient
équivalentes.
A force de polariser l'attention sur le barème de l'impôt, on en oublie le
véritable débat : celui qui porte sur l'assiette même de l'impôt et qui, de
fait, en restreint dangereusement le rendement.
Quand à peu près 85 % de l'assiette de l'impôt sur le revenu sont constitués
par les salaires ou revenus assimilés et les pensions et retraites, chacun
mesure aisément que toute baisse des taux du barème n'est pas une avancée de la
justice sociale et fiscale !
Aussi, agir sur les taux ne suffit pas.
Il convient de poser, encore une fois, la question de la prise en compte des
revenus du capital et du patrimoine dans l'assiette de l'impôt, dans un
véritable respect du principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.
Nous pourrions être ouverts à toute réduction des taux d'imposition,
respectant, au demeurant, la progressivité et l'efficacité de l'impôt, si, dans
le même temps, des efforts étaient accomplis pour une extension de son
assiette, mettant notamment fin au principe des prélèvements libératoires qui
sont autant de niches fiscales fort coûteuses, qui ne profitent d'ailleurs qu'à
proportion de ce que chaque contribuable peut consacrer aux placements
concernés.
C'est pourquoi nous sommes partisans d'une pause dans le mouvement de
réduction des taux du barème et nous proposerons, autour de cet article 2, de
substituer à la mesure préconisée un certain nombre de mesures ciblées, plus en
prise avec les exigences de la justice fiscale et de l'efficacité
économique.
Telles sont les quelques observations que nous souhaitions formuler à
l'occasion de l'examen de cet article 2, qui porte sur l'impôt sur le
revenu.
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-57, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste, est ainsi libellé :
« A. - Rédiger comme suit le texte proposé par le 1° du I de cet article pour
le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu
qui excède 4 191 EUR le taux de :
« - 7,5 % pour la fraction supérieure à 4 191 EUR et inférieure à 8 242 EUR
;
« - 21 % pour la fraction supérieure à 8 242 EUR et inférieure à 14 506 EUR
;
« - 31 % pour la fraction supérieure à 14 506 EUR et inférieure à 23 489 EUR
;
« - 41 % pour la fraction supérieure à 23 489 EUR et inférieure à 38 218 EUR
;
« - 46,75 % pour la fraction supérieure à 38 218 EUR et inférieure à 47 131
EUR ;
« - 52,75 % pour la fraction supérieure à 47 131 EUR. »
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter
cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes pour l'Etat résultant de la modification du
barême de l'impôt sur le revenu prévu au 1 du I de l'article 197 du code
général des impôts est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-93 rectifié, présenté par MM. Moreigne, Miquel, Massion,
Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban, Courteau et les
membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« I. - Remplacer les taux prévus au 1° du I de cet article respectivement par
les taux suivants : "7,13 %, 19,95 %, 29,45 %, 38,95 %, 44,41 %, 50,11 %".
« II. - Après le II de cet article, ajouter un paragraphe additionnel ainsi
rédigé :
« ... - La dotation globale de fonctionnement des départements est majorée en
2003 de 500 millions d'euros. Ce montant évolue à compter de 2004 et les années
suivantes comme la dotation globale de fonctionnement. Il est réparti entre les
départements dans les conditions déterminées au II de l'article L. 232-21 du
code de l'action sociale et des familles. »
« III. - Compléter
in fine
cet article par un paragraphe additionnel
ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes éventuelles résultant de la majoration de la
dotation globale de fonctionnement des départements, en dépit de la suppression
de l'allègement de l'impôt sur le revenu, sont compensées à due concurrence par
la création d'une taxe additionnelle au droit de consommation sur les tabacs
visé à l'article 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-130, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit les deux derniers alinéas du 1° du paragraphe I de cet
article :
« - 48 % pour la fraction supérieure à 38 218 EUR et inférieure à 47 131 EUR
;
« - 54 % pour la fraction supérieure à 47 131 EUR ; ».
La parole est à M. François Marc, pour présenter les amendements n° I-57 et
I-93 rectifié.
M. François Marc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la
baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu votée dans le collectif budgétaire de
2002, le Gouvernement propose une nouvelle baisse de 1 % dans le projet de loi
de finances pour 2003.
A nos yeux, ces baisses d'impôt sur le revenu proposées et mises en oeuvre par
le Gouvernement sont socialement injustes et économiquement inefficaces. Alors
qu'elles ont un coût budgétaire supérieur à 4,6 milliards d'euros, elles ne
concernent que la moitié des ménages fiscaux redevables de cet impôt et les
ménages les plus aisés.
En fait, l'objet principal, éminemment symbolique, de ces mesures
gouvernementales est de faire passer le taux applicable à la dernière tranche
de l'impôt sur le revenu en dessous de 50 %. Mais, si ce symbole est
régulièrement mis en avant par la droite pour tenter de faire croire aux
Français qu'ils sont soumis à des prélèvements supérieurs à la moitié de leurs
revenus, rien n'est plus faux, puisque le taux de 50 % ne s'applique qu'à la
tranche supérieure des revenus. Contrairement à ce qui est souvent affirmé,
l'impôt sur le revenu est, en France, loin d'être le plus élevé par rapport aux
autres pays.
De plus, comme ces baisses d'impôt s'adressent à la partie de la population
qui a une tendance à épargner supérieure à la moyenne et qu'elles s'inscrivent
dans un contexte budgétaire difficile - vous êtes bien placé pour le savoir,
monsieur le ministre -, elles ne viendront soutenir la consommation des ménages
que très marginalement, alors qu'il faudrait, au contraire, la stimuler
franchement pour relancer la croissance économique.
La nécessité de la baisse d'impôt proposée par ce projet de loi de finances
est d'autant moins grande qu'une baisse différenciée de l'ensemble des tranches
de l'impôt sur le revenu est intervenue sur trois ans à compter de 2001 et
qu'elle avait été intégrée dans le plan de réforme et d'allégement de la
fiscalité qui comprenait également la baisse de nombreux prélèvements pesant
sur les personnes non imposables et la mise en place de la prime pour
l'emploi.
Et je ne parle pas du fait que, cette baisse étant uniforme, elle nuit à la
progressivité de l'impôt, qui est, jusqu'à nouvel ordre, l'un des principes
fondamentaux de la fiscalité républicaine.
En conséquence, nous vous proposons de mettre fin à ces nouveaux allégements
fiscaux au profit de mesures visant plus spécifiquement à assurer le
financement des dépenses de l'Etat en faveur des ménages modestes.
J'en viens à l'amendement n° I-93 rectifié, qui aborde la question du
financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA. Présenté sur
l'initiative de Michel Moreigne, sénateur de la Creuse, cet amendement tend à
supprimer la baisse de 1 % de l'impôt sur le revenu et, en contrepartie, à
compenser aux départements la moitié du surcoût de l'APA par rapport aux
prévisions.
Le principe du financement de l'APA repose sur une participation à parts
égales - 50-50 - entre l'Etat et les départements. Les départements versent
l'APA aux personnes âgées dépendantes et sont ensuite remboursés d'une partie
de ces dépenses par l'Etat.
Sous le gouvernement de Lionel Jospin, particulièrement soucieux de
l'équilibre des finances des départements, l'Etat s'était engagé à financer, à
parité avec les départements, tout surcoût éventuel de l'APA par rapport aux
prévisions initiales. Cet engagement doit être respecté aujourd'hui. Dans le
cas contraire, l'APA devrait être remise en cause, au moins partiellement. Or
chacun s'accorde à considérer qu'il s'agit d'une avancée sociale formidable, et
singulièrement justifiée au regard du vieillissement de la population. En
outre, les impôts des départements qui - je n'apprends rien à personne - sont
injustes et archaïques devraient être considérablement augmentés.
Le Gouvernement et la droite veulent nous faire croire que le financement de
l'APA n'était pas assuré. C'est absolument faux. C'est le Gouvernement qui,
aujourd'hui, en allégeant l'impôt sur le revenu, supprime une partie de la
participation de l'Etat au financement de l'APA.
La mesure de baisse de l'impôt sur le revenu aura un coût d'environ 500
millions d'euros en 2003, et je ne parle pas des 2,55 milliards d'euros de la
baisse de 2002. Or, pour respecter son engagement envers les départements,
l'Etat devrait y consacrer à peu près 500 millions d'euros. Le Gouvernement
nous fait de grands discours sur la décentralisation et l'autonomie financière
des collectivités, mais ses propos ne sont pas en cohérence avec ses actes.
Afin de respecter les promesses « mirobolantes » - je cite M. François Bayrou -
du candidat Chirac, le Gouvernement baisse l'impôt sur le revenu et fait
directement porter le coût de cette baisse sur les départements en leur
refusant les financements auxquels ils ont droit.
Si cet amendement n'était pas adopté, les départements devraient créer un «
impôt Raffarin » pour financer la baisse de l'impôt sur le revenu décidée par
le Président de la République.
En outre, la baisse de l'impôt sur le revenu, qui est un impôt juste, car
principalement payé par les Français les plus aisés, serait compensée par une
hausse des impôts locaux qui, eux, sont particulièrement injustes, car
dégressifs par rapport aux revenus.
Tels sont les arguments qui justifient le dépôt de cet amendement, dont
l'objet est d'apporter une aide au financement de l'APA par les départements.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-130.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement répond à deux exigences : d'une part, la réduction du déficit
de l'Etat et, d'autre part, la justice fiscale et sociale. En effet, en
proposant, comme nous le faisons, de geler les taux d'imposition des deux
tranches les plus élevées du barème progressif, nous permettons de dégager
quelques marges de manoeuvres financières pour l'Etat, susceptibles d'être
utilisées à bon escient et de favoriser, par exemple, la poursuite de telle ou
telle politique de solidarité nationale. En effet, il ne faut pas le cacher, la
mesure que nous préconisons est susceptible de réduire sensiblement le coût de
la baisse de l'impôt pour les finances publiques et donc de dégager sans doute
des marges de manoeuvre de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.
Au-delà de l'examen de notre proposition, ce qui est en question, c'est bel et
bien le fait que l'impôt sur le revenu est profondément marqué, dans notre
pays, par une forte concentration des revenus imposables sur les plans tant
sociologique que géographique, notamment. J'en veux pour preuve que plus de 50
% des contribuables sont aujourd'hui exonérés de toute imposition et que ce
taux est même supérieur à 60 % dans nombre de départements, de villes ou de
quartiers de notre pays. Ainsi, d'après mes renseignements, plus de quinze
départements, y compris des départements fortement urbanisés, comptent
aujourd'hui moins de 40 % de contribuables effectivement imposés.
Quand on y regarde de plus près, on constate que l'impôt sur le revenu est un
impôt assez nettement parisien, comme peuvent l'être la taxe professionnelle,
la taxe sur la valeur ajoutée ou l'impôt sur les sociétés. En effet, sept des
huit départements de la région d'Ile-de-France sont en tête du classement pour
l'importance du revenu moyen par foyer fiscal.
S'agissant maintenant de la baisse de l'impôt, elle est assez fortement
concentrée sur le million de contribuables, ou peu s'en faut, qui acquittent un
montant d'impôt supérieur à 7 500 euros et qui ont été et seront les principaux
bénéficiaires de la mesure. Rassurez-vous, monsieur le ministre, mes chers
collègues, nous ne préconisons pas de peser de manière excessive sur le fruit
du travail de chacun. Mais force est de constater que les efforts du
Gouvernement ne visent qu'une infime partie des assujettis, ceux dont le revenu
total comporte souvent bien d'autres éléments que le simple revenu
d'activité.
Cependant, nous estimons que la réalité de l'impôt sur le revenu appelle
clairement d'autres solutions que celle qui consiste à en écraser le caractère
redistributif, comme le prévoit la rédaction actuelle de l'article 2. De
surcroît, ainsi que nous l'avons déjà indiqué, nous croyons, en la matière, à
des mesures plus ciblées, portant par exemple sur l'assiette - que ce soit sur
son extension ou sur sa redéfinition -, plutôt qu'à une mesure générale qui ne
profite, finalement, qu'à quelques centaines de milliers de contribuables.
Tel est donc le sens de l'amendement n° I-130.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
La commission émet évidemment un
avis défavorable sur ces trois amendements.
Chers collègues du groupe socialiste et du groupe CRC, vraiment, vous nous
semblez être de mauvais perdants !
(Exclamations sur les travées du groupe
socialiste.)
La politique qui avait vos faveurs a été expérimentée pendant
cinq années. Alors, souffrez que l'on utilise d'autres voies, que l'on
s'exprime différemment et que l'on affiche d'autres priorités !
Le débat sur l'impôt sur le revenu a eu lieu pendant la discussion du
collectif budgétaire de l'été dernier. Pourquoi le recommencer ? Tous les
arguments nécessaires d'ordre économique et social en faveur de la politique de
baisse des prélèvements obligatoires, et plus particulièrement de l'impôt sur
le revenu, vous ont déjà été donnés.
Selon la majorité de la commission, les mesures que prend le Gouvernement vont
dans le bon sens, celui de la baisse des prélèvements obligatoires et de la
motivation de ceux qui, dans l'économie, peuvent, par leur comportement et par
la confiance qu'ils sont susceptibles d'avoir dans l'évolution de notre
économie et dans le potentiel de notre pays, faire bouger les choses et être à
l'origine de décisions positives pour l'emploi et pour l'investissement. Telle
est la véritable justification, de nature psychologique, de cet ajustement en
baisse pour 2003 de l'impôt sur le revenu.
La mesure dont il s'agit, vous le savez, pérennise la décision prise dans le
collectif budgétaire de l'été dernier et l'améliore à la marge, c'est-à-dire
seulement de 1 %.
En ce qui concerne l'amendement n° I-93 rectifié, qui mêle l'appréciation de
la politique fiscale à la préoccupation justifiée des départements quant au
financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, la commission souhaite
interroger le Gouvernement, mais rappelle qu'un groupe de travail réunissant
les représentants de l'Etat et des conseils généraux vient d'être mis en place
pour savoir quelles perspectives tracer.
Voilà quelques jours, dans cet hémicycle, lors du débat sur le projet de loi
de financement de la sécurité sociale, la question de l'évolution de
l'allocation personnalisée d'autonomie a été posée. M. Hubert Falco, secrétaire
d'Etat aux personnes âgées, s'est exprimé. De nombreux sénateurs ont fait part
de leurs inquiétudes au sujet tant des finances locales que de la situation
sociale dans notre pays.
Vouloir mêler, par un amendement dans lequel figurent des éléments de nature
extrêmement différente, votre appréciation politiquement défavorable - ce que
je comprends, c'est votre droit ! - de la baisse de l'impôt sur le revenu et la
prise en compte des difficultés réelles que rencontre chaque département pour
le financement de l'APA, c'est, à mon avis, procéder à un amalgame assez
douteux.
L'allocation personnalisée d'autonomie va certainement dans le sens d'une
attente du corps social. Néanmoins, nous sommes fondés à considérer qu'elle a
été mise en place sans véritable effort de prévision et sans qu'aient été
correctement anticipées toutes ses conséquences.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Très juste !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si les choses avaient été correctement faites par la
précédente majorité, sans doute ne rencontrerions-nous pas les difficultés que
nous connaissons aujourd'hui, notamment dans les départements les plus pauvres
du point de vue du potentiel fiscal. Je pense en particulier au département de
la Creuse, dont M. Moreigne est l'un des élus et que la commission a évoqué ce
matin au cours de sa réunion.
Des élus de toutes tendances, en effet, mes chers collègues, observent
aujourd'hui que l'allocation personnalisée d'autonomie perturbe
considérablement les perspectives financières de leur collectivité. Mais sans
doute ne le constateraient-ils pas si, à l'époque de la création de cette
allocation, on avait eu une vue plus responsable de l'évolution de nos finances
publiques.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Ma réponse portera
dans un premier temps sur les deux amendements qui traitent de l'impôt sur le
revenu et, dans un second temps, sur l'amendement qui vise l'APA. Ce faisant,
je répondrai également à M. Thierry Foucaud, qui s'est exprimé sur un plan plus
général.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'honneur de la politique est de ne pas
esquiver les différences. Or il y a à l'évidence une différence totale entre
l'appréciation que peuvent porter les groupes socialiste et CRC sur l'impôt sur
le revenu et la nôtre.
Après M. le rapporteur général - et moins bien que lui, ce dont je vous prie
de m'excuser -, je voudrais vous dire que je suis intimement convaincu, et le
Gouvernement avec moi, que le poids des prélèvements obligatoires dans notre
pays est l'un des freins à son développement, l'un des freins à l'emploi. Il
faut donc assumer cette conclusion dès lors qu'on l'a tirée et travailler à la
baisse de l'impôt sur le revenu.
Cette baisse de l'impôt sur le revenu, dites-vous, serait injuste. Avez-vous
conscience, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, que le
gouvernement que vous avez soutenu a accru de manière excessive la
progressivité de l'impôt sur le revenu ? La politique qu'il a menée en la
matière était quasiment une invitation à l'expatriation adressée à ceux de nos
compatriotes qui, parce qu'ils avaient acquis une formation, parce qu'ils
avaient acquis une compétence, parce qu'ils avaient acquis une grande
efficience, disposaient en effet d'un niveau de revenus que chacun ici peut
envier.
La politique du Gouvernement est exactement contraire à celle que vous avez
soutenue : elle invite tous ceux qui veulent entreprendre dans notre pays, tous
ceux qui veulent réussir, tous ceux qui veulent créer des emplois, tous ceux
qui sont porteurs de développement, à rejoindre bien vite notre territoire pour
l'aider à se développer, pour l'aider à réussir, pour l'aider à créer de la
richesse, seul gage du progrès social.
M. Denis Badré.
Très bien !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Dès lors, mesdames, messieurs les sénateurs, le
Gouvernement assume, et avec fierté, ses choix politiques, ce qui me conduit à
émettre sans ambiguïté un avis défavorable sur ces deux amendements, puisque
j'ai conscience que je ne peux décemment proposer à leurs auteurs de les
retirer.
S'agissant de l'équité - valeur qui nous habite tous, et tous pareillement,
j'en suis convaincu -, je vous ferai remarquer que cette baisse s'applique aux
seuls revenus du travail et que, pour cette raison, ses modalités n'ont pas été
prévues, par exemple, pour les plus-values ou pour les revenus de placements
financiers - M. le rapporteur général le soulignait à l'instant. Je crois que
tous les Français, quand bien même ils ne sont pas redevables de l'impôt sur le
revenu, comprennent que cette baisse est souhaitable.
J'émets donc un avis défavorable sur les amendements n°s I-57 et I-130.
J'en viens à l'amendement n° I-93 rectifié. Je sais à quel point l'allocation
personnalisée d'autonomie est un sujet sensible, et je ne peux, étant moi-même
élu local, ignorer les conséquences de cette disposition.
Vous proposez, si je ne déforme pas votre amendement, mes chers collègues, de
majorer de 500 millions d'euros la dotation globale de fonctionnement, ou DGF,
des départements pour compenser partiellement le coût qui résulte, pour les
collectivités, de la mise en place de l'APA, coût qui, soit dit en passant, fut
assez mal estimé lorsque cette allocation fut instaurée. Je le précise à
l'intention de François Marc, qui, avec la délicatesse et la courtoisie qui
sont les siennes, semblait vouloir en faire reposer la responsabilité sur le
présent gouvernement. Celui-ci, s'il assume toutes ses responsabilités,
souhaite simplement que le précédent gouvernement veuille bien également
reconnaître que, dans ses estimations du coût de l'APA, il n'a pas tout à fait
« tapé dans le mille », comme l'on dit dans mon pays. Soit dit entre nous, il a
plutôt tapé à côté et, malheureusement, dans le mauvais sens pour les
collectivités locales !
Les départements sont confrontés à des difficultés financières considérables.
Le Gouvernement en est tout à fait conscient, au point que le Premier ministre
a souhaité que le ministre des affaires sociales engage une concertation avec
les représentants des conseils généraux pour définir les modalités de
financement du surcoût de l'APA, et il serait sans doute prématuré de préjuger
les résultats de ces discussions. C'est en me fondant sur ce dernier aspect -
puisque les deux premiers nous séparent de manière irrémédiable - que je vous
demanderai de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, d'autant que
cette question pourra être de nouveau évoquée mardi, lors du débat sur les
finances locales.
En tout état de cause, la répartition entre le département et l'Etat des
charges résultant de l'APA ne peut pas être résolue, et vous le savez bien, par
l'impôt sur le revenu. En revanche, je comprends que vous ayez exprimé votre
préoccupation à ce sujet.
Je vous propose donc de retirer l'amendement n° I-93 rectifié ; à défaut, je
serai obligé d'émettre un avis défavorable.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote sur
l'amendement n° I-57.
M. Jean-Pierre Masseret.
Je soutiendrai les deux amendements que vient de présenter François Marc, mais
je répondrai également à Philippe Marini et au ministre.
Monsieur le rapporteur général, nous avons bien pris acte du résultat des
élections des mois de mai et juin derniers, car nous sommes d'excellents
démocrates. Pour autant, faut-il que nous fassions silence sur certains sujets
qui nous préoccupent ? Nous avons bien le droit de dire au Gouvernement que
nous sommes en désaccord avec sa proposition de réduire l'impôt sur le revenu
!
Nous pensons, en effet, que ce choix n'est pas un bon choix. Nous ne sommes
pas convaincus par les arguments que vous avancez pour le justifier, notamment
par celui que vous développez avec le plus de force : le risque d'assister à
une fuite des cerveaux, et donc le handicap que représenterait l'impôt sur le
revenu pour la compétitivité de la France. Vous nous avez accusés d'avoir, au
cours des dernières années, accru la pression fiscale, notamment sur le revenu.
Nous observons cependant que le taux de croissance de la France a été, dans le
même temps, supérieur à celui qu'ont enregistré nos voisins et compétiteurs les
plus proches. Cet argument n'est donc pas probant.
Par ailleurs, nous considérons qu'il est plus urgent pour la société française
que cet argent soit utilisé pour financer, par exemple, la formation
professionnelle, l'insertion professionnelle, le développement du logement, la
politique de la ville, la politique des sports, plutôt que pour réduire la
participation d'une petite fraction de nos concitoyens aux dépenses d'intérêt
général. Nous maintenons donc notre orientation et notre jugement.
S'agissant de l'APA, que voulons-nous dire à travers cet amendement ? Nous
constatons que le coût réel de l'allocation est supérieur aux prévisions. Mais,
monsieur le ministre, j'ai eu moi-même l'occasion, dans une vie antérieure
encore assez récente, d'être confronté à ce genre de situation. Lorsque,
secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, je préconisais telle mesure
présentant un intérêt financier pour ses bénéficiaires, on me répondait
fréquemment qu'elle ne concernerait probablement que 2 000 ou 3 000 personnes.
Mais, au moment de sa mise en oeuvre concrète, c'étaient 10 000 ou 12 000
personnes qui étaient concernées ! Il n'est donc pas anormal que l'estimation
du coût de la dépense n'ait pas été précise ni parfaite. Il en va toujours
ainsi, me semble-t-il !
Pour ce qui est de l'APA, le précédent gouvernement a repris le coût du
dispositif antérieur et a voulu partager également le surcoût entre les
collectivités et l'Etat. Notre amendement vise uniquement à mettre ce
dispositif en oeuvre.
Jean-Marc Pastor, sénateur du Tarn, me faisait remarquer à l'instant que la
mise en place de l'APA avait représenté dans son département une augmentation
de la pression fiscale de 27 %. On peut donc comprendre que la charge soit
importante pour les départements. Il est par conséquent légitime que ce surcoût
soit équitablement partagé entre l'Etat et les départements. C'est ce qui nous
conduit à soutenir que, sans la baisse de l'impôt sur le revenu, les finances
locales auraient plus facilement pu prendre en compte cette juste répartition
des charges.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le
rapporteur général, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles le groupe
socialiste a défendu - et maintiendra - ces deux amendements.
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré.
Mes chers collègues, il ne vous étonnera pas que je m'oppose aux amendements
déposés par le groupe socialiste et défendus avec le talent qu'on leur connaît
par MM. Marc et Masseret.
Je suis intervenu hier, dans la discussion générale, pour souligner que servir
la compétitivité de la France était le meilleur service à rendre aux Français
et à l'emploi des Français. Aujourd'hui, j'y insiste. Je rappelle que M. Michel
Charzat, dans le rapport qu'il a déposé à la demande du gouvernement précédent,
a abouti aux mêmes conclusions que le rapport sénatorial sur la mondialisation,
et je pense qu'il avait raison.
Le gouvernement précédent, alors qu'il en aurait peut-être davantage eu les
moyens, alors que les marges de manoeuvre existantes étaient un peu plus
importantes il y a encore un an, n'a pas su s'engager dans la voie de la baisse
de l'impôt sur le revenu. Aujourd'hui, bien que la situation soit plus
difficile, le Gouvernement nous propose de faire un premier pas dans ce sens.
C'est un signe qu'il adresse aux Français - aux Français de France, aux
étrangers qui pourraient être tentés de travailler en France, aux Français de
France qui auraient la tentation de quitter leur pays - pour montrer sa réelle
volonté de servir la compétitivité du pays.
Je rappelle que les socio-démocrates allemands eux-mêmes ont modifié dans ce
sens leur barème de l'impôt sur le revenu. Je rappelle également que l'on
entend fréquemment que « trop d'impôt tue l'impôt ». Pour être pragmatique, je
dirai que, lorsque le seuil de l'imposition devient intolérable au point de
faire partir un contribuable, ce dernier ne paie plus rien. Il est donc
préférable de ne pas lui demander cet effort supplémentaire plutôt que de
l'inciter à ne rien payer du tout et, pis, à partir à l'étranger avec sa
capacité à créer de l'activité et de l'emploi, donc à susciter d'autres
emplois, de la consommation, de l'activité qui, elle-même, serait productrice
de toute une série d'autres impôts...
C'est pourquoi, de façon évidente et sans état d'âme, je m'oppose aux
amendements socialistes et me tourne de nouveau vers le Gouvernement pour
réaffirmer que cet article va dans le bon sens. Je souhaiterais même qu'à
l'avenir on puisse aller le plus loin possible dans cette voie.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Je suis naturellement d'accord avec les arguments développés par mon groupe à
l'appui de ces amendements.
Toutefois, je voudrais dire un mot de la baisse des impôts elle-même, sans
aborder l'APA, qui a été traitée par mon ami Jean-Pierre Masseret.
Monsieur le ministre, je vous l'ai dit souvent en d'autres circonstances : ne
vous faites pas d'illusions, la politique de baisse des impôts ne rapporte rien
politiquement. C'est une illusion que de croire le contraire parce que,
lorsqu'on baisse l'impôt, ce n'est jamais assez, c'est toujours trop tard, et
ceux qui n'ont rien sont furieux parce qu'ils n'ont rien. On se souvient
toujours plus des 100 francs supplémentaires qu'on a réclamés un jour que du
franc supplémentaire qu'on a un jour remboursé !
(Sourires.)
Je crois que baisser l'impôt sur le revenu, baisser un impôt d'ailleurs,
baisser les impôts en général, avec des déficits qui s'accroissent ou qui
menacent - je ne vous fais pas grief de ne pas essayer de les contenir,
monsieur le ministre -, cela laisse les Français dans l'illusion qu'on peut
diminuer les prélèvements sans leur demander les sacrifices qu'impose la
réduction des déficits et donc des dépenses publiques.
M. Badré a évoqué, voilà un instant, la perte de compétitivité, qui est un
vrai problème.
Est-ce parce qu'il y a trop d'impôts ?
Non, c'est parce qu'il y a trop de dépenses pour une si faible croissance. Ce
n'est pas la même chose.
M. Denis Badré.
Ce sont les deux à la fois !
M. Michel Charasse.
L'impôt et les prélèvements, mes chers collègues, ne sont que la conséquence
et non la cause. Nous qui sommes quasiment tous élus locaux dans cette
assemblée, nous savons bien que, lorsque nous établissons nos budgets locaux,
nous terminons toujours par le vote de l'impôt pour équilibrer les dépenses et
les recettes.
Dès lors, monsieur le ministre, cher ami Alain Lambert, je suis
philosophiquement contre ce type de démarche quand elle se place dans le
contexte difficile que nous connaissons actuellement et qu'elle ne s'accompagne
pas par ailleurs des tours de vis qui sont nécessaires.
Pour autant, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas ! Je sais très bien
que, dans une période où les recettes fiscales s'effondrent, il est très
difficile de tenir les équilibres et le déficit. Je dis d'ailleurs en passant
que la seule obligation légale du Gouvernement est de tenir le déficit. En
effet, lorsque nous votons la loi de finances, nous votons des plafonds de
dépenses qui sont des autorisations de dépenses, mais pas des obligations de
dépenses.
M. Henri de Raincourt.
Le ministre l'a opportunément rappelé hier !
M. Michel Charasse.
D'ailleurs, si nous étions dans un système d'obligation de dépenses, nous
serions obligés les uns et les autres de saturer tous nos budgets locaux,
c'est-à-dire de vider tous nos chapitres budgétaires.
En revanche, le Gouvernement a un devoir sacré, celui de contenir le déficit
tel que nous le votons et même de le faire baisser. Je ne lui fais pas de
procès ; je fais simplement remarquer que j'ai toujours été contre la baisse
des impôts.
Pour conclure, je dirai que, lorsque j'étais moi-même en charge des
responsabilités qui sont celles d'Alain Lambert aujourd'hui, sous le
gouvernement de Pierre Bérégovoy, nous avons baissé de plus de 100 milliards de
francs la TVA, en réajustant les taux notamment. Cela ne nous a pas empêchés
d'être piteusement battus aux élections en 1993 !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il est heureux que notre discussion budgétaire
commence sur des sujets aussi fondamentaux et que nous exposions ainsi nos
convictions respectives.
M. Charasse nous dit que la baisse des impôts ne rapporte rien.
M. Michel Charasse.
Politiquement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais, mon cher collègue, le Gouvernement n'a pas une
démarche électoraliste !
(Exclamations sur les travées du groupe
socialiste.)
Il n'y a pas d'élections demain matin. La politique de baisse des prélèvements
obligatoires s'inscrit dans une politique structurelle.
M. Claude Estier.
C'était bien une promesse électorale !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un processus de transformation qui est en train
de se mettre en oeuvre, difficilement, certes, parce que les marges de
manoeuvre sont réduites, mais c'est avant tout un processus de transformation
des états d'esprit.
Vous nous dites, monsieur Charasse, que, tant qu'il y a un déficit, il
faudrait laisser s'accroître la matière fiscale et augmenter les taux des
impôts, si j'ai bien compris votre propos.
M. Michel Charasse.
Pas s'accroître !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Disons qu'il ne faudrait envisager aucune baisse
d'impôt tant qu'il y a un déficit.
M. Michel Charasse.
Voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ne croyez-vous pas, cher collègue, compte tenu de
l'approche de rigueur qui est la vôtre en matière de dépenses publiques, qu'une
bonne façon de contraindre les dépenses publiques consiste à réduire les
recettes ? En effet, si l'on s'engage à réduire les recettes de façon
méthodique, pas à pas, dans le cadre d'une politique de baisse des prélèvements
obligatoires sur la durée et si, par ailleurs, on contient, comme nous le
ferons, le déficit, tout naturellement on en vient à réduire, dans la durée
mais substantiellement, la dépense publique.
Vous savez comme moi et comme tous ceux qui gèrent des budgets que l'on ne
fait de gestion correcte que sous contrainte. Lorsque l'on peut faire des
largesses, lorsque les conditions de l'équilibre sont relativement faciles ou
lorsque l'on s'accorde des moyens en puisant dans la poche des différentes
catégories de contribuables, on ne fait pas d'effort pour réformer ou pour
réorganiser.
Je crois donc que c'est l'honneur du nouveau gouvernement que de se placer
dans cette dynamique, assortie de cette discipline. Voici un gouvernement qui,
oui, choisit la difficulté par la politique qu'il engage, mais ce choix me
paraît être porteur de réformes, porteur d'améliorations et porteur de
compétitivité pour notre pays.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
L'intervention de Michel Charasse mérite que l'on y
fasse écho. Lorsqu'on a l'expérience de la vie locale - nous sommes nombreux à
la partager -, on sait très bien que la baisse des impôts n'a pas de valeur
électorale garantie. La démarche du Gouvernement - je confirme sur ce point les
propos de M. le rapporteur général - ne s'inscrit absolument pas dans cette
voie.
Si j'ai souhaité reprendre la parole, c'est pour parler de la dépense. Vous
avez eu raison de souligner que les prélèvements ne sont que le reflet -
insuffisant, d'ailleurs, puisque nous sommes en déficit - de la dépense. Cela
fait écho aux sujets qui ont été évoqués tout à l'heure à propos de l'APA, et
je sais à quel point cette question préoccupe Henri de Raincourt.
Cela me conduit à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Sénat
doit se fixer comme but d'être le rempart contre la dépense. C'est le plus
éminent service qu'il pourra rendre à la France.
Comme M. le rapporteur général vient de le dire, si nos méthodes visent en
permanence à décider des dépenses nouvelles sans que nous nous préoccupions de
savoir comment elles seront couvertes, le niveau des prélèvements obligatoires
ne restera pas longtemps acceptable par ceux qui acquittent l'impôt.
Le Sénat se doit d'être, si j'ose dire, l'instituteur de la République. Il
doit en permanence analyser la dépense, la passer au scanner afin de
l'optimiser et faire en sorte qu'un véritable service soit rendu aux Français
en contrepartie. A défaut, les prélèvements continueront à s'accroître et le
pays perdra la place qui est la sienne dans le monde.
J'insiste sur ce point parce que, au cours des dernières années, nombre de
droits nouveaux ont été ouverts à nos compatriotes. Il aurait fallu à ce
moment-là dire aux Français que, chaque fois qu'on leur ouvre un droit
supplémentaire, celui-ci doit être financé par le contribuable. Ce déficit
d'information, à mon avis, a beaucoup contribué à la dégradation de nos
finances publiques.
Je pense qu'à un moment donné il faut décider qu'on ne prélèvera pas davantage
et même que l'on va s'engager progressivement vers une baisse des
prélèvements.
Cela implique que toute la sphère publique s'adapte à cette réduction afin que
l'argent prélevé soit mieux employé et que les Français en aient pour leur
argent. Tel n'est pas le sentiment qu'ils ont pour l'instant.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Excellent !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-57.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Monsieur Marc, maintenez-vous l'amendement n° I-93 rectifié ?
M. François Marc.
M. Michel Moreigne, qui n'a pu être parmi nous aujourd'hui, aurait
certainement souhaité maintenir cet amendement en discussion dans la mesure où
le département de la Creuse, qu'il représente, devrait connaître en 2003 une
augmentation d'impôt de 60 %, faute d'ajustement de la part de l'Etat.
Cela justifie donc la mobilisation de notre groupe pour venir en aide aux
départements les plus modestes de notre pays.
Vous avez dit, monsieur le ministre, qu'il n'était pas normal d'imputer à
l'actuel gouvernement les prévisions plus ou moins justes réalisées l'an passé.
Bien entendu !
En revanche, monsieur le ministre, le gouvernement en place a la
responsabilité de gérer les problèmes du moment. Or le problème du moment est
le succès tout à fait inattendu et qui était impossible à anticiper de l'APA.
En une année, nous avons dû supporter des réalisations correspondant à cinq
années de prévision. Il s'agit d'un phénomène tout à fait inattendu, qui est
allé beaucoup plus vite qu'on ne pouvait le prévoir. C'est pour répondre à cet
état de fait que le Gouvernement est sollicité.
Deux raisons justifient le maintien de cet amendement.
La première découle de ce que je viens d'expliquer : c'est l'urgence. Un
problème important se pose ; il faut tenter de le résoudre. Or l'Etat, compte
tenu de ses prérogatives, doit s'efforcer d'apporter une réponse à ce genre de
question.
La deuxième raison tient à la justice fiscale.
Si c'est la fiscalité locale qui est mise à contribution, l'imposition est
injuste. En revanche, si c'est la fiscalité nationale, à travers l'impôt sur le
revenu, qui est mise à contribution, la charge répartie est nettement plus
juste.
C'est pourquoi il nous paraît opportun que les 500 millions d'euros qui sont
nécessaires soient prélevés par le biais d'un impôt national plutôt qu'à
travers une fiscalité locale archaïque, obsolète, que chacun s'accorde à
dénoncer comme totalement inadaptée. Or celle-ci va être mise à contribution
dans des proportions tout à fait irrecevables ; j'ai cité le chiffre de 60 %
pour la Creuse.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement
n° I-93 rectifié.
M. Thierry Foucaud.
Je voudrais tout d'abord préciser, en écho aux propos qu'a tenus hier soir M.
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que, lorsque nous
parlons de l'APA, cela concerne tout de même des personnes qui ont créé des
richesses ! Je n'insiste pas : celles et ceux qui ont participé à nos débats,
hier, me comprendront.
Quant à l'amendement n° I-93 rectifié, il ne manque pas d'une certaine vertu
pédagogique : en effet, si j'ai bien compris, il vise à remettre en cause la
baisse de l'impôt sur le revenu aux fins de majorer la dotation globale de
fonctionnement, ce qui permettrait une prise en charge de l'allocation
personnalisée d'autonomie des personnes âgées.
Nous aurons l'occasion - pas seulement, d'ailleurs, lors de l'examen de
l'article relatif aux collectivités territoriales - de débattre à nouveau de ce
sujet.
Je voudrais dire par ailleurs que, si elle a un effet, la baisse des impôts ne
profite qu'à certains, car, en la matière, le choix de la majorité sénatoriale
et du Gouvernement est vite fait. Je rejoins sur ce point mon collègue
socialiste : le Gouvernement préfère mille fois accroître la réduction d'impôt
pour emploi à domicile, ce qui profitera de manière exclusive aux revenus les
plus élevés, singulièrement aux personnes âgées les plus fortunées, plutôt
qu'augmenter les moyens de financer l'APA en en transférant la charge là où
elle devrait être, c'est-à-dire dans les comptes de la protection sociale.
En clair, la majoration de la réduction d'impôt couvrira, pour les retraités
les plus aisés, la réduction de l'APA. Pendant ce temps, les retraités les plus
modestes ne bénéficiant pas de la réduction d'impôt - ils sont non imposables
pour 60 % d'entre eux, ne l'oublions pas - devront, eux, supporter les
conséquences de l'augmentation du ticket modérateur.
Ces quelques raisons, mes chers collègues, justifient notre soutien à
l'amendement n° I-93 rectifié, quand bien même nous sommes partisans d'un autre
type de financement de cette allocation.
M. le président.
La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.
M. Henri de Raincourt.
Je crois que la situation que nous connaissons aujourd'hui correspond à ce qui
avait été prédit en cette même enceinte, au moment de la mise en oeuvre de
cette nouvelle allocation. Peut-être le calendrier est-il allé un peu plus vite
que ce qui avait été imaginé, mais les dispostions présidant à l'attribution de
l'APA, à elles seules, nous ont conduits inéluctablement à la situation dans
laquelle nous nous trouvons actuellement.
Il serait quand même gênant, pour ne pas dire plus, de remédier à une partie
des effets pervers de la mise en place de l'APA par un alourdissement de la
fiscalité sur le revenu. Ce serait assez paradoxal au moment où le Gouvernement
s'est engagé à examiner et à proposer, d'ici au 15 décembre, un certain nombre
de dispositions allant dans le sens de la maîtrise de la dépense. Nous sommes
là en quelque sorte au coeur de la philosophie fiscale que nous entendons
mettre en oeuvre.
Je suis en total désaccord sur ce point avec mon ami Michel Charasse, mais il
me le pardonnera : en effet, je crois profondément à la vertu de la baisse de
l'impôt. Cela ne rapporte peut-être rien d'un point de vue électoral, mais la
mise en place de prestations ou d'avantages sociaux nouveaux non plus.
M. Michel Charasse.
Effectivement !
M. Henri de Raincourt.
Nous avons vu que la mise en place de la couverture maladie universelle, de
l'allocation personnalisée d'autonomie, des 35 heures n'empêchaient pas de
perdre une élection.
Au fond, tout s'équilibre. Nos compatriotes, dans leur sagesse, déterminent
leurs choix et leurs convictions selon des critères beaucoup plus subtils que
ce qui s'apparente à de l'arrangement électoral.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
Sur cette question de l'APA, monsieur le ministre - je vous le dis avec toute
l'amitié et le respect que je vous porte -, nous ne nous en sortirons à terme -
je ne dis pas en 2003 ! -, comme vient de le dire notre collègue Thierry
Foucaud, qu'en faisant figurer cette allocation dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale et en mettant en place, de façon
concomitante, une cotisation dépendance. Sinon, nous continuerons, année après
année, à « galérer » avec des bouts de ficelle, sans régler ce problème de
société.
Dernière suggestion amicale que je me permets de faire à M. le ministre : à
partir du moment où l'on a supprimé le recours sur succession pour l'APA, il
serait, me semble-t-il, équitable que celui qui a gagné à la mise en oeuvre de
cette disposition, c'est-à-dire l'Etat, rende aux départements l'argent qu'il
encaisse à ce titre, puisque c'est lui qui perçoit les droits de succession,
alors que les départements, eux, continuent à payer.
M. Michel Charasse.
Il fallait voter mon amendement l'année dernière !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-93 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-130.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président.
L'amendement n° I-131, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du dernier alinéa du 1 de l'article 6 du code
général des impôts, les mots : "de l'imposition des revenus de l'année du
troisième anniversaire" sont remplacés par les mots : "du jour".
« II. - Dans le premier alinéa du III de l'article 779 du même code, l'année :
"2002" est remplacée par l'année : "2003", et le nombre : "57 000" est remplacé
par le nombre : "80 000".
« III. - Le dernier alinéa du III de l'article 779 du même code est
supprimé.
« IV. - Pour compenser les pertes de recettes résultant des I à III ci-dessus,
les deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu sont relevées à due
concurrence. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
La loi du 15 novembre 1999 relative au PACS, le pacte civil de solidarité,
avait donné lieu, chacun s'en souvient ici, à une vive controverse, certains
craignant, sans doute à tort, qu'elle ne finisse par porter atteinte à l'une
des valeurs fondatrices de notre société, la famille.
Quelques années d'application permettent de constater qu'il n'en est rien.
La possibilité de signer un PACS n'a pas été aussi massivement utilisée qu'on
le redoutait dans certains milieux particulièrement hostiles à toute prise en
compte des évolutions sociologiques. Elle a surtout conféré à plusieurs
dizaines de milliers de nos compatriotes une certaine sécurité juridique.
Cette sécurité juridique et cette reconnaissance juridique de certaines formes
de vie commune constituent incontestablement des acquis de la loi.
Pour autant, demeure clairement posée la question du traitement fiscal des
personnes pacsées, qui ne nous paraît pas équitable et que cet amendement vise,
par conséquent, à corriger.
En effet, en ce qui concerne la fiscalité locale, les deux personnes vivant
sous le même toit sont assimilées à un seul et même foyer fiscal, et le revenu
de référence global tient compte des revenus dont disposent les deux foyers
fiscaux. Cela n'est pas sans incidence, notamment quand l'une des personnes
pacsées ne dispose que de peu de revenus, situation qui pourrait lui valoir
d'être assez largement dispensée d'aquitter les impôts locaux.
Ce qui est admis pour le calcul des impôts locaux devrait l'être pour l'impôt
sur le revenu, d'autant que, dans bien d'autres domaines, le PACS est
effectivement reconnu, qu'il s'agisse de la protection sociale ou, par exemple,
du droit à mutation dans la fonction publique.
L'impôt sur le revenu semble être ainsi le dernier « bastion » où le PACS
n'est pas reconnu pour ce qu'il est, c'est-à-dire la marque d'une vie commune
durable entre deux personnes, fussent-elles de même sexe.
Nous proposons donc de corriger cette anomalie en ouvrant droit à imposition
commune des revenus dès la signature du pacte civil de solidarité.
La règle appliquée aujourd'hui - qui conduit à attendre la troisième année -
est, en effet, de notre point de vue, une assez étrange immixtion dans la vie
privée des individus et, en ce sens, elle semble plus procéder d'une mise à
l'épreuve que d'une reconnaissance objective des faits. Il est donc temps de
revenir sur ce principe, qui n'a plus sa place dans notre législation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait défavorable, monsieur le président. Le
PACS n'est pas le mariage et ne peut donc pas ouvrir droit au même régime
fiscal.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Contrairement à ce que pense Thierry Foucaud, le délai
de trois ans n'a aucun caractère discriminatoire et n'implique aucune
suspicion. C'est tout simplement l'élément d'équilibre global qui avait été
institué lorsque la loi relative au PACS a été adoptée par le Parlement
Je rappelle que le PACS peut être en effet dissous sur la seule initiative - «
initiative unilatérale », disent les juristes - de l'un des contractants et par
simple lettre recommandée. Par conséquent, il faut tout de même un minimum de
stabilité pour justifier une imposition commune.
Par ailleurs, les déclarations communes de ceux qui se sont engagés dans un
PACS en 1999 seront souscrites pour la première fois au titre des revenus de
2002. Il ne nous paraît donc pas excessif d'examiner ce qui va se produire.
Je crois sincèrement que cette demande n'est pas justifiée, monsieur Foucaud,
et je ne peux qu'inviter le Sénat à rejeter cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-131.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-102 rectifié, présenté par M. Oudin, Mme G. Gautier, MM.
Demilly, Doublet, Gérard, Le Grand, Natali, de Richemont, Trillard et Godefroy,
est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré un article 39
novedecies
dans le code général des
impôts ainsi rédigé :
«
Art. 39
novedecies - I. - Les artisans pêcheurs soumis à un régime
réel d'imposition et qui ont souscrit une assurance couvrant les risques
climatiques, économiques et sanitaires, dans des conditions définies par
décret, peuvent, sur option, déduire de leur bénéfice une somme plafonnée soit
à 3 000 euros, soit à 40 % de ce bénéfice dans la limite de 12 000 euros. Ce
plafond est majoré de 20 % de la fraction de bénéfice comprise entre 30 000
euros et 76 000 euros. L'option est valable pour l'exercice au titre duquel
elle est pratiquée et pour les quatre exercices suivants. Elle est irrévocable
durant cette période et reconductible.
« Pour les sociétés de pêche artisanale qui n'ont pas opté pour le régime
fiscal des sociétés de capitaux, et pour les copropriétés de navires, qui ont
souscrit une assurance couvrant les risques climatiques, économiques et
sanitaires, dans des conditions définies par décret, la limite de la déduction
visée au premier alinéa est multipliée par le nombre des associés ou
copropriétaires exploitants sans pouvoir excéder trois fois les limites visées
au premier alinéa.
« Cette déduction s'exerce à la condition que, à la clôture de l'exercice,
l'artisan pêcheur ait inscrit à un compte d'affectation ouvert auprès d'un
établissement de crédit une somme provenant des recettes de l'exploitation de
cet exercice au moins égale au montant de la déduction. L'épargne
professionnelle ainsi constituée doit être inscrite à l'actif du bilan de
l'exploitation.
« La déduction est pratiquée après application de l'abattement prévu à
l'article 44
nonies.
« Les sommes déposées sur le compte peuvent être utilisées au cours des cinq
exercices qui suivent celui de leur versement pour l'acquisition ou la création
d'immobilisations strictement nécessaires à l'exploitation, pour l'acquisition
ou la souscription de parts de sociétés coopératives maritimes ou en cas
d'intervention de l'un des aléas d'exploitation dont la liste est fixée par
décret.
« Lorsque les sommes déposées sur le compte sont utilisées pour l'acquisition
ou la création d'immobilisations amortissables, la base d'amortissement de
celles-ci est réduite à due concurrence.
« Lorsque ces sommes sont utilisées pour l'acquisition ou la souscription de
parts sociales de coopératives maritimes, la déduction correspondante est
rapportée par parts égales au résultat de l'exercice qui suit celui de
l'acquisition ou de la souscription et des neuf exercices suivants. Toutefois,
le retrait de l'adhérent ou la cession de parts sociales entraîne la
réintégration immédiate dans le résultat imposable de la fraction de la
déduction qui n'a pas encore été rapportée.
« Lorsque les sommes déposées sur le compte sont utilisées en cas
d'intervention de l'un des aléas d'exploitation mentionnés au cinquième alinéa,
la déduction correspondante est rapportée au résultat de l'exercice au cours
duquel le retrait est intervenu. Les sommes retirées sont réputées correspondre
en priorité à la déduction la plus ancienne.
« Lorsque les sommes déposées sur le compte ne sont pas utilisées au cours des
cinq exercices qui suivent celui de leur versement, la déduction correspondante
est rapportée aux résultats du cinquième exercice suivant celui au titre duquel
elle a été pratiquée.
« Lorsque des sommes déposées sur le compte sont utilisées à des emplois
autres que ceux définis ci-dessus au cours des cinq exercices qui suivent celui
de leur dépôt, l'ensemble des déductions correspondant aux sommes figurant sur
le compte au jour de cette utilisation est rapporté au résultat de l'exercice
au cours duquel cette utilisation a été effectuée.
« II. - L'apport d'une exploitation individuelle dans les conditions visées au
I de l'article 151
octies
à une société de pêche artisanale par un
artisan pêcheur qui a pratiqué la déduction au titre d'un exercice précédant
celui de l'apport n'est pas considéré pour l'application du I comme une
cessation d'activité si la société bénéficiaire de l'apport en remplit les
conditions et s'engage à utiliser les sommes déposées sur le compte au cours
des cinq exercices qui suivent celui au titre duquel la déduction
correspondante a été pratiquée dans les conditions et sous les limites définies
au I.
« III. - Le compte ouvert auprès d'un établissement de crédit est un compte
courant qui retrace exclusivement les opérations définies au I.
« II. - Les dispositions du présent article s'appliquent pour la détermination
des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2003. »
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement concerne la pêche artisanale, qui, en France, vous le savez,
connaît une situation extrêmement difficile. Les choses vont peut-être se
dénouer dans quelques semaines, lors du prochain Conseil des ministres de
l'agriculutre et de la pêche, à Bruxelles, où il s'agira de réformer la
politique commune de la pêche, mais nous craignons que ce ne soit pas dans le
bon sens.
Quelles que soient les décisions qui seront prises ce jour-là, la pêche est et
restera un métier à risques, au sens où ceux qui le pratiquent non seulement
risquent leur vie mais sont en outre confrontés à de très forts aléas.
Sans vouloir faire excessivement vibrer la corde sensible, je tiens à rappeler
que, au cours des deux dernières années, plus de trente pêcheurs sont morts en
mer.
On pense, bien sûr, d'emblée aux risques climatiques. Ce qui s'est passé
récemment pendant la Route du Rhum, même s'il ne s'agissait pas de marins
pêcheurs, a encore montré combien la mer est dangereuse.
Pour les pêcheurs, il y a aussi le risque biologique, qui est considérable.
L'évolution de la ressource suscite un grand débat.
Les marins pêcheurs ont manifesté. On peut les comprendre quand on sait que
l'on annonce la réduction, du jour au lendemain, et dans des proportions
importantes, des taux admissibles de capture et des quotas pour le cabillaud,
pour la sole, etc., avant même d'avoir pu déterminer de manière précise
l'évolution des espèces concernées.
Je veux aussi dire quelques mots du risque systémique, qui tient aux cours du
pétrole et aussi à la pollution.
Il n'y a pas un secteur, en dehors du transport routier, qui soit plus
dépendant du cours du pétrole brut que celui de la pêche. A cet égard, en
2000-2001, les pouvoirs publics ont instauré un système d'aide directe à la
pêche, mais ce système est aujourd'hui condamné par l'Union européenne.
S'ajoute le risque sanitaire, qui est extrêmement médiatisé. Je laisse de côté
les métaux lourds, les produits contaminants, mais il faut savoir que ce risque
augmente, notamment avec les pollutions.
S'agissant du risque écologique, on considère parfois que la mer est en danger
en raison de certaines pratiques de pêche, alors même qu'il n'en est rien.
J'évoquerai ici l'interdiction par Bruxelles du filet maillant dérivant qui a
brutalement tué la pêche au thon à l'île d'Yeu. Le filet maillant dérivant
était accusé de mettre en péril les ressources des dauphins. Or ce n'était
absolument pas le cas. Mais Greenpeace était derrière tout cela et on a voulu
donner des gages à cette organisation.
Chacun peut imaginer ce que sont, pour les marins pêcheurs, les risques du
marché. Ils tiennent notamment au fait qu'il n'existe pas, pour la pêche, une
organisation commune des marchés comme il en existe une pour l'agriculture. Or
les variations des cours des produits de la pêche sont tout à fait
considérables.
Enfin, il y a les risques personnels et familiaux. En effet, le régime social
de l'ENIM, Etablissement national des invalides de la marine, ne fait guère de
place à la prévoyance.
Pour toutes ces raisons, le monde de la pêche est soumis à des difficultés qui
sont aggravées par les plans d'orientation pluriannuels, instruments de cette
politique systématique de casse des navires demandée par Bruxelles pour tenter
de limiter la pression sur la ressource, alors que l'on pourrait, beaucoup plus
simplement, s'appuyer sur une politique raisonnable de taux admissible de
capture.
Hélas ! on n'en est pas là. Dans ces conditions, il faut faire quelque chose
pour sauver nos quelques entreprises artisanales de pêche qui existent encore,
car nous avons perdu des milliers de marins et des milliers de bateaux.
Cet amendement, qui a d'ailleurs été examiné par l'ensemble du groupe d'études
de la mer, que j'ai l'honneur de présider, et cosigné par une grande partie de
ses membres, vise à réduire les risques liés à la pêche.
Le mécanisme qu'il propose s'apparente à celui qui a été introduit par
l'article 82 de la loi de finances pour 2002 pour offrir une alternative à la
déduction pour investissement, ou DPI, qui était déjà en vigueur dans
l'agriculture. Ce serait, je le crois, une mesure de justice et d'équité.
Le faible nombre d'entreprises concernées - 1 000 environ - ne rend pas cette
mesure coûteuse. En outre, l'intérêt national impose de maintenir une activité
de pêche, avec les 20 000 marins que compte encore notre pays.
Le coût budgétaire, si la déduction moyenne était de 10 000 euros, compte tenu
d'un taux moyen de 32 %, atteindrait 3,2 millions d'euros. Certes, dans le
contexte budgétaire actuel, ce n'est pas négligeable.
Les sommes que représenterait cette déduction pour aléas, ou DPA, seraient
affectées à un fonds mutualisé et pourraient constituer la base d'un système
d'assurance professionnelle, avec un fonds de garantie. Ce système permettrait
d'intégrer les contrats d'assurance ou de réassurance négociés avec les grandes
compagnies et créerait un cadre permanent d'exploitation. Les artisans pêcheurs
pourraient ainsi se sentir un peu plus libres d'esprit et être garantis dans
leur métier, qui est un métier dangereux mais dont nous avons absolument
besoin.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission est reconnaissante à Jacques Oudin de
poser ce problème, et ce qu'il nous dit doit retenir notre attention.
Pour avoir, mais beaucoup moins que lui, l'occasion de parler à des artisans
pêcheurs, dans le petit port corse où je me rends de temps en temps, je crois
pouvoir attester de la réalité des différents risques qu'il évoque.
Notre collègue propose de calquer, au bénéfice des artisans pêcheurs, le
dispositif de la déduction pour aléas d'exploitation institué par la loi de
finances pour 2002 au profit des agriculteurs.
La création de ce dispositif, qui a résulté d'une réflexion menée pendant
plusieurs années sur le sujet de l'assurance récoltes, a tenu compte, je le
souligne, des conditions d'activité spécifique des agriculteurs.
Pourquoi ne pas étendre le même raisonnement aux artisans pêcheurs ? Cette
question est opportunément posée ici.
Par ailleurs, votre amendement, mon cher collègue, précise que les artisans
pêcheurs doivent souscrire une assurance couvrant les risques climatiques,
économiques, sanitaires dans des conditions définies par décret. Or beaucoup
d'assureurs refusent aujourd'hui de couvrir ce genre de risques, considérés
comme non assurables. La définition des risques à couvrir est donc
juridiquement trop imprécise, contrairement à ce qui est prévu pour la
profession agricole.
Je ne sous-estime pas, monsieur le ministre, le coût budgétaire que pourrait
avoir ce nouveau régime pour les finances publiques. Mais nous aimerions vous
entendre pour connaître votre approche de ces questions. Quoi qu'il en soit,
nous souhaitons que soit pris le temps nécessaire pour réfléchir à ce que
pourrait être une bonne mesure en faveur de cette profession.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Jacques Oudin, qui connaît admirablement ce beau mais
redoutable métier, a mis en relief les risques auxquels ne manquent pas d'être
confrontés ceux qui l'exercent, risques parmi lesquels la concurrence de nos
partenaires européens ne peut être négligée.
Le rapporteur général appelle le Gouvernement à examiner le sujet. Celui-ci
mérite en effet d'être étudié. D'après les indications que j'ai en ma
possession, on ne peut pas comparer la situation fiscale des agriculteurs à
celle des marins pêcheurs. La déduction qui est accordée aux agriculteurs se
justifie par des contraintes spécifiques, liées aux risques auxquels sont
exposés leurs cultures et leur bétail. Or ce que propose Jacques Oudin, c'est
plutôt une extension aux risques des personnes qui exercent leur métier.
Le rapporteur général a mis l'accent sur les difficultés que pouvaient
rencontrer les marins pêcheurs pour souscrire des contrats auprès des
compagnies d'assurances. J'avoue que je ne mesurais pas, jusqu'à présent,
l'ampleur de ces difficultés.
Je signale par ailleurs au Sénat, pour que son information soit complète, que
d'autres dispositifs d'aide en faveur des artisans pêcheurs ont été mis en
place, notamment en faveur des jeunes, qui peuvent bénéficier d'un abattement
de 50 % sur leurs bénéfices, ou bien encore en matière d'investissements, avec
l'instauration du régime Sofipêche, que Jacques Oudin connaît mieux que
quiconque.
La mise en place, à ce stade de notre débat, d'un nouveau régime dérogatoire
aux règles de droit commun n'est pas possible ; je n'aime pas invoquer ce
motif, mais force m'est de préciser qu'un tel régime ne serait, en outre, pas
conforme au droit communautaire.
Cela étant, j'ai entendu l'appel de M. le rapporteur général. Je sais
d'ailleurs que l'attention de mon collègue Hervé Gaymard a été attirée sur les
problèmes que M. Oudin a soulevés. Nous pourrions envisager la création d'un
groupe informel qui serait chargé de réunir l'ensemble des éléments
d'information sur ces sujets. Mais, à ce stade, je le répète, il n'est pas
possible au Gouvernement d'émettre un avis favorable sur cet amendement. Si
Jacques Oudin, au bénéfice des informations que je lui ai données et des
perspectives de travail en commun que je lui ai offertes, n'acceptait pas de le
retirer, je serais obligé de demander au Sénat de le rejeter.
M. le président.
Monsieur Oudin, maintenez-vous l'amendement n° I-102 rectifié ?
M. Jacques Oudin.
Je vous ai bien écouté, monsieur le ministre, mais, en dépit de toute l'amitié
et de l'estime que je vous porte, je ne peux pas vous suivre. Dieu sait
pourtant si j'ai envie de soutenir le Gouvernement !
S'il y a vraiment deux secteurs dans lesquels les aléas sont du même ordre, ce
sont bien l'agriculture et la pêche. Je dirai même que les risques liés aux
produits de la mer sont bien plus forts encore que les risques tenant aux
cultures et au bétail.
Des manifestations ont déjà eu lieu, et il y en aura encore bientôt.
Pensez-vous qu'un agriculteur serait prêt à réduire du jour au lendemain sa
production de 40 %, 50 % ou 60 % ? Or c'est ce qui se produit désormais chaque
année dans le secteur de la pêche !
Même si, effectivement, la pêche et l'agriculture relèvent du même ministère,
que les négociations se font de la même façon, les risques - je les ai tous
énumérés - sont encore plus grands dans la pêche. J'ajoute qu'en cas de tornade
l'agriculteur peut se mettre à l'abri, contrairement au marin pêcheur qui, lui,
coule avec son bateau. Je ne peux donc pas accepter la comparaison que vous
faites, monsieur le ministre,
Vous affirmez que ma proposition n'est pas compatible avec le droit
communautaire, je demande à voir.
Une négociation extrêmement difficile doit intervenir dans moins d'un mois ;
la communauté nationale ne peut pas, selon moi, se désintéresser de ses marins
pêcheurs. Je me demande d'ailleurs si le coût de l'indemnisation des marins
pêcheurs obligés de cesser leur activité ne serait pas supérieur à celui de la
mesure que je vous propose.
Je regrette que nos opinions soient divergentes mais, au nom de l'ensemble des
professions de la pêche dont je connais les difficultés, ayant eu l'occasion, à
plusieurs reprises, au Sénat, de voir leurs représentants - ils étaient encore
dans cette maison mardi dernier pour y rencontrer M. Hervé Gaymard - je demande
à mes collègues de voter cet amendement. Je crois en effet que cette mesure
répond à un besoin réel et qu'elle rassurera une profession qui, je le répète,
s'est trouvée confrontée, au cours des dernières années, à des pertes et des
difficultés que n'a connues aucune autre profession en France.
M. le président.
Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet échange est très intéressant.
Monsieur Oudin, tout en partageant l'orientation générale de votre propos, je
souhaiterais, au nom de la commission, que vous acceptiez de retirer votre
amendement, et ce pour plusieurs raisons.
La première est d'ordre technique, car le dispositif tel qu'il est décrit peut
donner l'illusion à d'autres professions qu'elles seraient susceptibles de
bénéficier du même mécanisme de déduction. Or, il faut qu'il puisse
spécifiquement s'appliquer aux situations que vous venez d'évoquer.
La seconde raison a trait à des questions d'assurance, dont j'ai déjà fait
état et qui sont très délicates. De ce point de vue, des améliorations
devraient pouvoir être apportées en concertation avec les assureurs. Aussi
longtemps que cela ne sera pas fait, la rédaction de l'amendement, qui comporte
une définition des risques à couvrir, ne paraît pas juridiquement assez
précise. En effet, on ne peut pas transposer mécaniquement la déduction pour
aléas agricoles au secteur de la pêche si l'on n'arrive pas à élucider, comme
c'est absolument nécessaire, cette question de l'« assurabilité » des risques
spécifiques aux métiers de la pêche.
Sans même invoquer le coût de la mesure, n'ayant pas d'évaluation suffisamment
crédible sous les yeux, je peux néanmoins préciser que la DPA des agriculteurs
est évaluée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à 27
millions d'euros. Il est clair que, s'agissant du secteur de la pêche, qui est
beaucoup plus restreint, l'enjeu financier n'est pas considérable.
Sans même invoquer cette dernière raison, mais surtout en me fondant sur les
quelques imperfections que j'ai relevées, il me semble nécessaire de revoir la
rédaction de cet amendement.
Peut-être pourra-t-on progresser sur cette question dans les semaines à venir.
Vous venez de nous dire que M. Hervé Gaymard s'entretenait actuellement avec
les représentants de la profession. Par ailleurs, M. Alain Lambert nous a dit
qu'il était très ouvert à la constitution d'un groupe
ad hoc
.
Monsieur le ministre, est-il possible d'aller un peu plus loin ou un peu plus
vite pour s'efforcer de trouver les bonnes modalités, en concertation avec la
profession de la pêche, de façon que, ici, nous n'ayons pas le sentiment que
les artisans pêcheurs restent, si j'ose dire, au bord du chemin ?
M. Jean-Pierre Masseret.
Ou plutôt de la rive !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret.
Le groupe socialiste est sensible à l'amendement de Jacques Oudin.
Venir à l'appui d'un amendement déposé par la majorité du Sénat, ou par une
fraction de cette majorité, alors qu'on est dans l'opposition peut paraître un
peu suspect, voire un peu politicien.
(Sourires sur les travées du RPR.)
Je ne crois pas qu'un groupe de travail
ad hoc,
bien que ce soit tout à
fait à propos pour la marine
(Sourires)
- c'était un peu facile, je le
reconnais ! - soit la solution au problème évoqué.
Jacques Oudin a été alerté, comme nous-mêmes par des amis, de ce problème qui
est très important. Peut-être cet amendement permettra-t-il que soit plus
rapidement prise en compte cette question à laquelle la Fédération française
des sociétés d'assurances pourrait également apporter des éléments de réponse.
Mais, d'ici là, si l'amendement est maintenu, nous le voterons.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, nous avons si souvent évoqué ensemble ce problème au cours des
années passées ! De grâce, ne faisons pas de la loi un compte rendu de
conversations. La loi, c'est la norme pour tous les Français.
Nous sommes ici précisément face à un problème qui fait l'objet d'un examen
que l'on pourrait qualifier de simultané par deux ministères, et vous voudriez
par anticipation introduire dans la loi un texte dont la portée n'est même pas
maîtrisée. Cela ne me paraît pas raisonnable.
Sans vouloir porter atteinte à la dignité de la cause qui a été défendue par
M. Jacques Oudin, je remarque simplement que le texte de l'amendement n° 102
rectifié, tel qu'il est rédigé, vise un nombre d'activités qui n'est pas
défini.
J'ai entendu votre préoccupation, monsieur Oudin, et j'ai pris devant vous
tous les engagements pour que nous examinions la façon dont nous pouvons
traduire cette préoccupation dans la loi ; mais je crois aussi que, par votre
vote, vous montrerez l'idée que vous vous faites de la norme que vous élaborez.
Je le répète, si la loi des Français devient un simple compte rendu de débats,
je suis inquiet pour l'avenir de notre législation.
C'est pourquoi j'implore M. Oudin de retirer son amendement, faute de quoi je
demande au Sénat de le repousser. Cela ne signifie pas que sa préoccupation est
écartée. Cela veut simplement dire que, dans l'état actuel des choses, son
texte ne peut pas être adopté.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud.
Le groupe CRC soutient l'amendement n° 102 rectifié. Comme M. Oudin, je suis
convaincu que la pêche est un métier à risques et que nous devons permettre aux
pêcheurs d'exercer leur métier dans de bonnes conditions de travail et de
rémunération.
Vous connaissez aussi notre soutien aux artisans pêcheurs, et c'est en ce sens
- je n'ajouterai rien à ce qui a été dit par nos collègues -, que nous
soutiendrons l'amendement n° 102 rectifié, qui, déjà déposé l'année dernière en
des termes presque identiques, avait été rejeté.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, pour explication de vote.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Il faut avoir bien conscience que la pêche est très menacée sur l'ensemble des
côtes de France. Les circonstances, tout particulièrement cette année, ont
montré que l'exercice de ce métier était très dangereux, pour des résultats
extrêmement aléatoires. J'ai donc envie de voter l'amendement n° I-102 rectifié
et d'apporter mon soutien à Jacques Oudin.
M. le rapporteur général considère que la rédaction de l'amendement doit être
revue. Si cette dernière pose des problèmes juridiques, techniques et
financiers, cela suscite évidemment notre réflexion. La solution ne serait-elle
pas que nous votions l'amendement et que la deuxième lecture du projet de
budget ou l'examen du projet de loi de finances rectificative soit mis à profit
pour nous présenter un texte qui soit applicable ? En adoptant l'amendement,
nous donnerions ainsi au Gouvernement une orientation positive, un principe
indispensable tenant compte de la situation économique et humaine des
entreprises de pêche sur l'ensemble des côtes de France.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce matin, la commission s'est réunie pour examiner
l'ensemble des amendements, et a adopté des positions communes. Elle a
notamment manifesté sa sympathie à l'égard de l'orientation tracée par Jacques
Oudin, mais elle lui a demandé de retirer son amendement.
Ayant été mandaté par la commission pour faire respecter ses positions, je
demande donc une nouvelle fois à notre collègue, tout en souscrivant aux
préoccupations qui ont été exprimées, de bien vouloir retirer cet amendement. A
défaut, la commission émettra un avis défavorable en appelant au rejet par
scrutin public.
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant.
L'amendement présenté par notre collègue M. Oudin est un amendement de bon
sens. Il s'appuie sur une connaissance des réalités locales qui me paraît
fondamentale. Si le législateur fait certes la loi, n'oublions cependant pas
que les parlementaires ont été désignés par le peuple souverain pour voter la
loi en son nom. Il est donc de notre devoir de rester ancrés au réel. Cet
amendement concerne les artisans pêcheurs, c'est-à-dire des producteurs, des
personnes qui contribuent à « créer de la richesse », pour reprendre une
expression employée souvent dire de l'autre côté de cet hémicycle, et,
indirectement, de l'emploi.
Par ailleurs, nous savons tous que la pêche, dans notre pays, est une activité
menacée et, comme l'a dit M. Oudin, que les conditions d'exploitation sont
difficiles. Objectivement, on peut même dire, entre nous, que les autorités de
Bruxelles n'aident guère ce secteur en édictant des normes qui, au nom de la
libre concurrence, constituent plutôt un frein à la survie de cette
activité.
Enfin, personne n'a parlé du coût budgétaire de cet amendement, qui me paraît
relativement modeste. Par conséquent, si le Gouvernement reconnaît le
bien-fondé de cet amendement, en mesurant comme nous l'urgence qu'il y a à
aider les artisans pêcheurs, qu'il nous laisse alors tranquillement adopter cet
amendement. Je ne suis pas inquiet, il sera toujours temps pour les services de
Bercy d'obliger le ministre délégué au budget ou le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie à le modifier.
A titre personnel, je voterai donc cet amendement. S'il advenait que mon
collègue M. Oudin cède à la pression amicale exercée sur lui par la commission
et le Gouvernement, j'indique par avance que je reprendrais son amendement.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Dans ces conditions, j'invoque l'article 40 de la
Constitution.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'article 40 de la Constitution est-il
applicable ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° I-102 rectifié n'est pas
recevable.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-27, présenté par MM. César, Bailly, Doublet, Leroy, Mathieu,
Murat, Natali, Peyrat, de Richemont, Rispat, Valade et Vasselle, est ainsi
libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La dernière phrase du quatrième alinéa du I de l'article 72 D
bis
du code général des impôts est supprimée.
« II. - Au cinquième alinéa du I du même article, les mots : "pour les emplois
prévus au troisième alinéa du I de l'article 72 D ou" sont supprimés.
« III. - La première phrase du sixième alinéa du I du même article est
supprimée.
« IV. - La perte de recettes pour l'Etat résultant des I à III ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-108, présenté par M. Franchis et les membres du groupe de
l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La dernière phrase du quatrième alinéa du I de l'article 72 D
bis
du code général des impôts est supprimée.
« II. - Dans le cinquième alinéa du I dudit article, les mots : "pour les
emplois prévus au troisième alinéa du I de l'article 72 D ou" sont
supprimés.
« III. - La première phrase du sixième alinéa du I dudit article est
supprimée.
« IV. - Les pertes de recettes résultant des I, II, III sont compensées, à due
concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-27 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l'amendement n° I-108.
Mme Anne-Marie Payet.
Le monde agricole se félicite de la reconnaissance, à travers la déduction
pour aléas des risques spécifiques propres à ce secteur et justifiant la mise
en place de systèmes particuliers.
Pour autant, la DPA, telle qu'elle est proposée, ne pourra pas être mise en
oeuvre dans la pratique. Un certain nombre d'éléments techniques contenus dans
ce dispositif laissent à penser que l'option ne sera levée que par un nombre
très réduit d'exploitants agricoles, lesquels risquent, à terme, d'être
pénalisés.
Le mécanisme conçu prévoit, en effet, la constitution d'une réserve sur un
compte bancaire. La philosophie est très claire et s'inscrit dans la suite du
rapport Babusiaux sur l'assurance récoltes. Ce rapport préconise la création
d'une véritable épargne disponible afin de conforter la trésorerie de
l'exploitation en cas de survenance de l'aléa couvert.
Le prélèvement s'effectuerait sur les recettes de l'exercice, dans la limite
d'un plafond. Ces sommes seraient réintégrées dans les cinq exercices suivant
leur déduction pour la couverture d'un aléa ou un objet identique à celui de la
déduction pour investissement.
Le dispositif prévoit ainsi, pour les personnes levant l'option,
l'impossibilité de pratiquer dans le même temps des déductions pour
investissement.
Or, cette « fusion » des deux mécanismes au sein de la DPA ne se justifie pas
et ferait probablement avorter toute tentative d'utilisation de la DPA. Les
deux mécanismes DPI et DPA n'ont pas vocation à traiter les mêmes
préoccupations au regard de l'entreprise agricole.
Le mécanisme de la DPI a été institué et permet aux entreprises du secteur
agricole de faire face à leurs investissements, de supporter le poids des
stocks et de favoriser leur développement.
La DPA, au contraire, a pour objet la constitution d'une « assurance »
personnelle par capitalisation, afin de couvrir des risques d'exploitation qui
devront être définis.
Ainsi, pour la DPA, la mise en épargne « physique » des sommes déduites se
justifie. En revanche, le financement d'investissements ou de stocks par cette
technique revient, au contraire, à pénaliser l'entreprise de tout effort
d'amélioration de ses fonds propres en la privant de trésorerie. Le prélèvement
des sommes sur les recettes et non sur les bénéfices enlève ainsi tout effet
économique et financier à cette nouvelle mesure.
Pour ces raisons, il ne paraît pas raisonnable de vouloir opérer un « mélange
des genres » autour de deux dispositifs dont les objectifs sont primordiaux,
mais totalement indépendants.
Ces deux schémas doivent pouvoir se cumuler. Il est ainsi proposé dans
l'amendement que la déduction pour aléas n'ait que ce seul objet et que les
sommes épargnées selon ce dispositif ne puissent être utilisées que pour la
seule couverture d'un risque d'exploitation.
Parallèlement et prioritairement, les exploitations agricoles doivent pouvoir
financer leurs investissements, favoriser leur développement et assurer leur
pérennité. Il ne servira à rien pour une entreprise de s'assurer contre un aléa
si, avant la survenance de cet épisode, par nature incertain et aléatoire, elle
« meurt » asphyxiée par auto-strangulation.
Nous sommes ainsi convaincus de l'importance de la progression exprimée dans
l'exposé des motifs de la DPA. Mais pour qu'elle puisse s'exprimer totalement
et efficacement, l'amendement proposé vise à restreindre le champ d'application
de la DPA à son objet premier, à savoir la couverture d'un risque
d'exploitation.
De surcroît, il faut permettre aux entreprises de développer leurs fonds
propres, en leur donnant la possibilité de pratiquer des déductions pour
investissements indépendamment de toute référence à la DPA et de manière
cumulée si la bonne gestion de l'exploitation le commande.
Ces deux mécanismes doivent donc être totalement indépendants et leur mise en
oeuvre, cumulée ou alternative, doit émaner d'un choix de gestion opéré par
l'exploitant chaque année et non d'une décision de la loi.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d'adopter cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Afin d'éviter d'avoir à le répéter ultérieurement, je
formulerai quelques remarques liminaires sur la série des amendements agricoles
que nous allons examiner.
Bien entendu, la commission a beaucoup d'estime pour les professions
représentées et examine avec un très grand intérêt les suggestions qui lui sont
faites. Mais, si les organisations représentatives de l'agriculture pouvaient
se prêter à une réflexion en amont du projet de loi de finances à propos de
dispositifs aussi complexes, et ce afin que nous puissions les expertiser, les
examiner dans le cadre d'une politique fiscale, alors, nous pourrions mieux
travailler et, peut-être convaincre le Gouvernement sur certains dispositifs
sollicités.
Lorsque, abordant la discussion des articles, nous avons à examiner des sujets
très complexes que nous ne sommes pas en mesure d'expertiser dans le court laps
de temps qui sépare le dépôt des amendements et la séance publique, nous devons
naturellement faire preuve de beaucoup de prudence. C'est pourquoi, chaque
année, nous sommes quelque peu frustrés par les méthodes utilisées pour
soumettre à notre assemblée les propositions d'amélioration de la fiscalité
agricole.
Cet amendement vise, en faisant référence aux nouveaux mécanismes de dotation
pour aléas créés par la loi de finances pour 2002, à découpler totalement ce
mécanisme de celui de la déduction pour investissement dont bénéficient
aujourd'hui les exploitants agricoles et à permettre à ces derniers de cumuler
les deux avantages.
Il nous semble que la coexistence des deux dispositifs de déduction fiscale
n'est pas choquante, que cette coexistence introduit une certaine souplesse
d'application du dispositif de la dotation pour aléas et que, dans certains
cas, la déduction pour investissement peut continuer d'exister seule, l'article
72 D du code général des impôts n'ayant pas été abrogé.
Rendre impossible, comme le souhaiteraient les auteurs des amendements dont il
s'agit, toute possibilité d'utiliser le nouveau mécanisme de déduction pour
aléas à des fins d'investissement ne nous semble pas nécessairement très
opportun, car cela viderait de son sens, d'une certaine manière, la nouvelle
dotation pour aléas.
Voilà, ma chère collègue, les quelques éléments d'information que je voulais
vous apporter, tout en vous confirmant que la commission sera ultérieurement
tout à fait à la disposition des collègues concernés et des professions
intéressées pour faire évoluer les règles applicables.
Dans l'immédiat, il nous semble cependant nécessaire que cet amendement n°
I-108 soit retiré.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour ne pas faire perdre de temps au Sénat tout à
l'heure, je n'ai pas à nouveau demandé la parole. Je souhaite cependant
ajouter, s'agissant des marins pêcheurs, que j'ai entendu votre préoccupation,
et que je souhaite y donner suite.
Je propose qu'un groupe de travail composé de représentants des professions,
des ministères concernés, des élus des régions touchées et des représentants
des assurances ainsi que des commissions des finances du Sénat et de
l'Assemblée nationale soit immédiatement constitué. Nous pourrons ainsi
travailler dans les meilleures conditions.
Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement est
véritablement à votre écoute sur ces problèmes.
S'agissant de la fiscalité agricole, en ce début de législature, comme le
rapporteur général l'a précisé, il faut changer notre méthode de travail. La
fiscalité agricole est extraordinairement dérogatoire, et donc très complexe.
Si nous voulons vraiment lui donner du sens et faire en sorte que les
redevables y comprennent eux-mêmes quelque chose, il faut sortir de la logique
des amendements qui sont déposés deux jours avant le début de la discussion et
qui ne peuvent donc pas donner lieu à une expertise complète.
Madame Payet, l'amendement que vous nous avez présenté pose effectivement le
problème de l'impossibilité actuelle de pratiquer en même temps une déduction
pour investissement et une déduction pour aléas.
Pour autant, dans sa rédaction actuelle, cet amendement ne résout pas le
problème, et un travail de fond, tel que celui que le rapporteur général a
proposé, est tout à fait nécessaire. Il faut, je le répète, que ce travail de
fond soit mené en collaboration avec le monde agricole et les assureurs. Il
faudra aussi réfléchir au calibrage de la déduction pour aléas dès lors qu'elle
deviendrait, dans l'hypothèse que vous évoquez, cumulable avec la déduction
pour investissement.
C'est la raison pour laquelle, comme je viens de le faire pour l'amendement
présenté par M. Oudin, je vous demande, madame le sénateur, de bien vouloir
retirer votre amendement. Encore une fois, je prends l'engagement devant vous
qu'un examen approfondi sera fait afin que puissent être adoptées des
dispositions non seulement conformes aux règles mais aussi maîtrisées du point
de vue de leur coût et de leur utilité pour le secteur concerné.
Plus généralement, je voudrais insister sur la remarque du rapporteur général
en ce début de législature : il faut véritablement abandonner la pratique des
amendements déposés au tout dernier moment, car ils sont examinés dans la
précipitation, ce qui ne me semble pas la meilleure façon d'améliorer la norme
fiscale.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Cela crée de la complexité !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je souhaite donc le retrait de l'amendement n° I-108. A
défaut, j'en demanderai le rejet.
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré.
Avec le recul que me donne ma situation de sénateur de la ville, je voudrais
présenter quelques remarques dans ce débat sur la fiscalité agricole.
(Sourires.)
Je suis bien placé pour le dire : ce n'est pas à la profession agricole de
faire la loi, c'est au Parlement. S'il est donc bon que la profession agricole
nous fasse connaître ses préoccupations, ses ambitions, ses inquiétudes, ses
angoisses et ses difficultés, il serait bon qu'un groupe de travail procède, au
sein de la Haute Assemblée, à cette réflexion. Pour ma part, je suis prêt à y
participer.
Avant même de savoir si Anne-Marie Payet retirera ou pas l'amendement n° I-108
qu'elle a présenté au nom du groupe auquel j'appartiens et qui reprend
l'amendement n° I-27 qui n'a pas été défendu, je voudrais dire que le souci des
auteurs de cet amendement était de permettre au mécanisme de la déduction pour
aléas de fonctionner.
Au cas où cet amendement serait retiré, ce que j'imagine, je m'empresse de
demander au Gouvernement de bien vouloir faire le point dans un an pour voir si
nos inquiétudes sont fondées ou pas, pour savoir si l'existence de la DPI a nui
au nouveau mécanisme de la DPA ou si, inversement, la DPA gêne le bon
fonctionnement de la DPI.
C'est un sujet sur lequel il nous faut un peu de recul, afin de bien monter
l'opération.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret.
Je n'expliquerai mon vote ni en tant que sénateur des villes ni en tant que
sénateur de la campagne, mais tout simplement en tant que sénateur de la
République !
(Sourires.)
M. Henri de Raincourt.
C'est déjà pas mal !
M. Jean-Pierre Masseret.
J'ai entendu M. le ministre dire qu'il souhaitait mettre en place un groupe de
travail sur les questions de la pêche. Dont acte ! C'est certainement une
excellente initiative.
Je souhaite simplement que l'ensemble des sensibilités politiques concernées
puissent être représentées au sein de ce groupe de travail.
(M. le ministre
délégué fait un signe d'acquiescement.)
Je n'en doutais pas, mais je tenais
à le rappeler !
Je voudrais maintenant taquiner c'est le terme Philippe Marini, qui vient de
se plaindre du nombre important d'amendements agricoles venant subrepticement
encombrer le débat alors que la commission manque du recul suffisant pour
analyser les conséquences de telle ou telle proposition : monsieur le
rapporteur général, quand vous étiez dans l'opposition et que le gouvernement
était d'une autre sensibilité, en l'occurrence de gauche, vous ne vous en
plaigniez pas ! A l'époque - j'ai une certaine expérience puisque j'ai été élu
sénateur la même année que Jean Arthuis, en 1983 - Dieu sait si les amendements
agricoles ne manquaient pas ! Mais de cela, vous n'en parlez pas.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Il est vrai que Jean-Pierre Masseret est
taquin !
(Sourires.)
Il est vrai aussi que je n'interviens pas pour
venir au secours de M. Marini. Cela dit, je tiens à rappeler devant le Sénat
que le rapporteur général et ses deux prédécesseurs ont eu des positions
constantes, et qu'il est bon qu'en début de discussion des articles de la
première partie du projet de loi de finances nous puissions fixer quelques
principes.
Les uns et les autres, nous ne manquons jamais d'insister sur l'exigence de
simplification des textes fiscaux. Or, je me permets de vous le faire observer,
c'est en votant des amendements comme celui-ci que nous « fabriquons » de la
complexité.
Par conséquent, avant d'amender, ayons à l'esprit les conséquences de nos
propositions sur le plan comptable, sur le plan déclaratif et au regard des
éventuels contentieux qui peuvent en résulter.
En l'occurrence, le dispositif est intéressant mais, s'il est des cas où il
est certainement équitable, j'ai peur que l'imagination de ceux qui recherchent
l'optimisation fiscale n'aboutisse à des résultats qui ne répondraient pas à
l'exigence d'équité.
Si nous étudions avec méthode les amendements qui portent sur des sujets aussi
essentiels, si nous préparons les textes en veillant à leur cohérence, nous
rendrons un bon service à nos concitoyens et aux contribuables.
La commission des finances prend l'engagement de constituer un groupe de
réflexion sur la fiscalité de l'agriculture et de la pêche. Nous pourrons
également organiser une sorte de table ronde avec les professionnels concernés.
Ainsi, l'année prochaine, lors de la discussion du projet de loi de finances,
discuterons-nous de textes que nous aurons pu expertiser afin d'en mesurer
toutes les conséquences.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur Masseret, j'avais tenu à peu près les mêmes
propos sur la fiscalité agricole - le président de la commission de l'époque
doit s'en souvenir - il y a un an et dans les mêmes circonstances. Donc, quel
que soit le gouvernement, la position exprimée est tout à fait constante sur la
méthode.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin, pour explication de vote sur l'amendement n°
I-108.
M. Jacques Oudin.
Tout d'abord, je remercie M. le ministre délégué au budget d'avoir proposé de
former un groupe de travail. Cela réconfortera les intéressés.
Ensuite, je rappelle que, en matière de politique commune de la pêche, il y a
une échéance très lourde : la révision qui doit être opérée lors de la
troisième semaine du mois de décembre. La situation risque d'être difficile
pour la France. Il faudra se mobiliser pour défendre nos intérêts et, surtout,
les intérêts des marins pêcheurs. Il serait donc souhaitable que ce groupe de
travail se réunisse rapidement.
S'agissant de l'amendement n° I-108, j'avais moi-même été, il y a plusieurs
années, à l'origine d'un amendement sur la déduction pour investissement, et je
peux constater le chemin parcouru depuis lors.
Lorsque les marins pêcheurs étaient venus me voir, ils souhaitaient bénéficier
du même régime que les agriculteurs : la DPA et la DPI. Je leur avais répondu
que je défendrais la DPA, mais pas la DPI en même temps. Tout ce qui a été dit
à propos de ces deux amendements me paraît donc raisonnable !
M. le président.
Madame Anne-Marie Payet, l'amendement n° I-108 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet.
Après les précisions apportées par M. le ministre délégué au budget et par M.
le président de la commission des finances, et après les engagements qu'ils ont
pris, j'accepte de retirer l'amendement.
M. Jean-Pierre Masseret.
Les engagements !
M. le président.
L'amendement n° I-108 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-22, présenté par MM. François, Hyest, Dubrule, Braye, de
Broissia, Calmejane, Doublet, Leclerc, Natali, Oudin, Rispat, Schosteck et
Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel, ainsi rédigé :
« I. - Après le deuxième alinéa de l'article 151
septies
du code
général des impôts, sont insérés cinq alinéa ainsi rédigés :
« L'exonération est également acquise sous les mêmes conditions dans les
proportions suivantes lorsque les recettes n'excèdent pas 305 200 EUR :
« - 80 % lorsque les recettes sont supérieures à 152 600 EUR et inférieures ou
égales à 183 120 EUR ;
« - 60 % lorsque les recettes sont supérieures à 183 120 EUR et inférieures ou
égales à 213 640 EUR ;
« - 40 % lorsque les recettes sont supérieures à 213 640 EUR et inférieures ou
égales à 267 050 EUR ;
« - 20 % lorsque les recettes sont supérieures à 267 050 EUR et inférieures ou
égales à 305 200 EUR. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est compensé
à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-114 rectifié, présenté par MM. de Raincourt, du Luart,
Bourdin, Clouet, Lachenaud, Trucy et Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 151
septies
du code général des
impôts, la somme : "152 600 EUR" est remplacée par la somme : "305 200 EUR".
»
« II. - Après le deuxième alinéa de l'article 151
septies
du code
général des impôts sont insérées les dispositions suivantes :
« Une exonération partielle s'applique, dans les proportions suivantes, et
sous les mêmes conditions que celles prévues au premier alinéa, aux plus-values
réalisées dans le cadre d'une activité agricole par des contribuables dont la
moyenne des recettes, toutes taxes comprises, encaissées au cours des deux
années civiles qui précèdent celle de leur réalisation, n'excède pas 500 000
EUR :
« - 66 % lorsque la moyenne des recettes est comprise entre 305 200 EUR et 400
000 EUR ;
« - 33 % lorsque la moyenne des recettes est comprise entre 400 000 EUR et 500
000 EUR. »
« III. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant du I et du II
ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Jacques Oudin, pour présenter l'amendement n° I-22.
M. Jacques Oudin.
La fiscalité des plus-values professionnelles est un frein essentiel à la
transmission de l'entreprise agricole. Dans la plupart des cas, le patrimoine
professionnel représente la quasi-totalité du patrimoine familial à
transmettre. Il devient dès lors presque impossible d'envisager une
transmission à titre gratuit qui satisfasse les intérêts légitimes des enfants
qui ne se consacrent pas à l'agriculture, l'intérêt de celui qui continue
l'exploitation et des parents.
De ce fait, la plupart des transmissions d'exploitation se font à titre
onéreux, notamment par apport en société, afin de faciliter la transmission du
patrimoine. Les transmissions, qu'elles s'opèrent à titre gratuit ou à titre
onéreux, n'engendrent pas un flux financier équivalent à la valeur du bien
transmis.
La taxation des plus-values professionnelles obère sérieusement la
transmission de l'entreprise, mettant ainsi l'investissement en péril et
contraignant à le réduire afin de faire face à la charge fiscale.
Un début de réponse a été apportée avec l'exonération des plus-values
réalisées par les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 152
000 EUR. Néanmoins, ce mécanisme d'exonération des plus-values est mal adapté à
la vie de ces entreprises puisqu'il instaure un seuil « couperet » assez bas,
152 600 EUR, à partir duquel la totalité des plus-values dégagées sont
taxables.
Afin de ne pas pénaliser la transmission des exploitations et de favoriser
l'installation des jeunes agriculteurs, cet amendement a pour objet de mettre
en place un mécanisme de taxation progressive des plus-values d'actifs. Ainsi,
l'exonération pourra être acquise, de manière dégressive et par palier,
jusqu'au double du plafond actuel de recettes.
M. le président.
La parole est à M. Henri de Raincourt, pour présenter l'amendement n° I-114
rectifié.
M. Henri de Raincourt.
J'ai écouté avec la plus grande attention les recommandations exprimées à
l'instant par le président de la commission des finances et le rapporteur
général. J'y souscris d'autant plus que je ne me sens pas concerné, mon
amendement n'ayant pas été déposé, dans la précipitation, ces derniers jours :
j'avais en effet déposé un amendement quasiment identique sur le projet de loi
de finances pour 2002.
(Sourires.)
Et l'année dernière, j'avais eu le bonheur de constater que
cet amendement avait bénéficié, d'une part, d'un avis favorable de la
commission des finances et, d'autre part, d'un vote positif du Sénat.
N'ayant pu concrétiser ma bonne action l'année dernière, je me sens tout
naturellement et spontanément autorisé à redéposer mon amendement. Toutefois,
je l'ai sensiblement amélioré. Les perspectives qui me sont offertes sont donc
encore plus prometteuses, je l'espère du moins.
Cet amendement est presque le même que celui que vient de présenter à
l'instant mon ami Jacques Oudin, puisqu'il traite des plus-values en matière
agricole et qu'il porte également le seuil à partir duquel ces plus-values
s'appliquent à 305 200 euros. Je rappelle que ce n'est pas un chiffre
fantaisiste puisque le seuil date de 1988. Quinze ans sont passés sans aucune
évolution ! Est-ce trop demander que de doubler ce seuil aujourd'hui ?
Mon système est néanmoins plus simple en matière de paliers puisqu'il permet
d'éviter certains effets couperets trop brutaux. Je suggère simplement deux
paliers au-delà de ces 305 200 euros avant d'atteindre le seuil des plus-values
à partir duquel elles s'appliquent en totalité.
J'attire l'attention du Sénat et du Gouvernement sur la situation de
l'agriculture. Il est indispensable de revoir rapidement et plus globalement la
fiscalité agricole. La situation agricole, pour la quasi-totalité de ses
activités, est aujourd'hui extrêmement difficile, voire, à certains égards,
tragique. Le nombre d'exploitations aujourd'hui en déficit est considérable.
De plus, les perspectives d'élargissement de l'Europe en 2004 nourrissent de
nombreuses interrogations chez les agriculteurs.
Enfin, les perspectives de réforme de la politique agricole commune en 2006
accentuent également le sentiment de malaise et d'inquiétude des agriculteurs,
sentiment qui entraînera une diminution très rapide et très importante du
nombre des exploitations.
C'est la raison pour laquelle, je me permets, avec une certaine insistance,
voire une certaine solennité, d'attirer l'attention du Gouvernement et du Sénat
sur cette situation. A une époque où ce secteur est véritablement à la croisée
des chemins, où le nombre des agriculteurs va diminuer dans des proportions
considérables, le seul moment où l'agriculteur pourra peut-être récupérer
quelques fonds pour terminer son existence dignement, c'est lors de la cession
de son exploitation. L'Etat serait donc malvenu de taxer les plus-values
professionnelles d'une manière excessive.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comment ne pas être sensible à de tels propos ? Il
est clair que, dans notre pays, de mauvaises habitudes ont été prises en
matière de fiscalité avec les prélèvements rampants qui existent dans bien des
domaines.
Monsieur le ministre, voilà peu, nous avons posé la question des seuils qui
n'avaient pas été réactualisés depuis longtemps. Nous avons même demandé un
vote global, afin que le Sénat et le Gouvernement prennent conscience de la
pénalisation implicite, progressive et finalement très lourde qu'entraîne la
non-révision d'un grand nombre des seuils figurant dans le code général des
impôts.
M. de Raincourt vient de nous donner un excellent exemple avec le seuil
d'exonération des plus-values professionnelles, fixé depuis 1988 à 152 600 EUR,
soit un peu plus d'un million de francs. Puisqu'il parlait de transmission, il
y a encore un meilleur exemple de portée générale : celui de la première
tranche du barème des droits de succession, fixée à 50 000 francs depuis 1959
et jamais modifiée sous aucune des majorités successives.
A l'occasion d'un travail que j'ai récemment effectué pour le compte de la
commission...
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Excellent travail !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et dont elle a eu connaissance, j'ai noté qu'en
termes réels le taux moyen d'imposition pour une part héritée de 150 000 EUR a
augmenté, depuis l'origine, du fait de la non-évolution de ce seuil, de plus de
700 %, alors que jamais le Parlement n'a voté sur ce sujet et que jamais aucune
décision explicite n'a été prise. C'est bien de cela qu'il s'agit dans le cas
particulier qui nous occupe : la taxation des plus-values professionnelles
réalisées dans le cadre d'une activité agricole.
A l'occasion de la discussion des articles de la deuxième partie du projet de
loi de finances pour 2003, je déposerai un amendement de principe sur cette
thématique des prélèvements rampants afin d'appliquer à un certain nombre de
dispositions du code général des impôts cette volonté de clarté et de
transparence dans les choix qui suppose, à partir du moment où l'on a voté un
chiffre représentant une valeur économique, qu'on maintienne cette dernière
constante. Si on ne le fait pas, on choisit implicitement - c'est en quelque
sorte un choix caché, mais réel - d'alourdir le prélèvement. Au contraire, si
l'on actualise tous les seuils au même rythme, ce qui est le cas des seuils de
l'impôt sur le revenu, en vérité, on maintient les prélèvements et donc la
politique fiscale dans les conditions d'origine.
Sur le principe, la mesure est très intéressante, car elle permettrait
d'assouplir les conditions de transmission pour les exploitants agricoles qui
en ont sûrement besoin compte tenu du contexte économique qui a été rappelé et
de l'angoisse liée à la révision de la politique agricole commune et à
l'élargissement de l'Union européenne. Elle rendrait fiscalement moins
douloureuses les transmissions pour le cédant. Enfin, elle répondrait à une
préoccupation très largement présente dans les milieux professionnels,
particulièrement chez les agriculteurs, quelle que soit la taille de
l'exploitation.
Cela dit, mes chers collègues, M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat, va
prochainement nous présenter un projet de loi sur l'initiative économique qui,
d'après les informations qui m'ont été données, permettrait de traiter
différents problèmes touchant aux activités agricoles, artisanales,
commerciales ou libérales. M. le ministre délégué au budget et à la réforme
budgétaire nous le confirmera sans doute.
Sous réserve de cette confirmation, je dirai à MM. Jacques Oudin et Henri de
Raincourt que la situation a changé par rapport à l'an dernier
(sourires),
en ce sens qu'un secrétaire d'Etat comprend les problèmes de
ces professions et est sur le point de soumettre aux assemblées parlementaires
un texte susceptible de les résoudre.
Je renvoie donc nos collègues et amis à la discussion de ce texte qui devrait
intervenir au tout début de l'année 2003. Mais la commission souhaite connaître
l'avis du Gouvernement sur les deux amendements qui nous ont été présentés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Sur un plan économique, je suis en total accord avec M.
le rapporteur général lorsqu'il nous explique que le Parlement fait un choix «
inavoué, implicite, caché » en n'actualisant pas les seuils. Il faudrait aller
jusqu'au bout de la démarche, y compris pour les dépenses, afin de vraiment
acter les gains de productivité que font nos administrations publiques - ce
serait leur faire injure de croire qu'elles n'en font pas - et d'ajuster les
crédits en dépenses à due concurrence de l'impact qu'aurait cet ajustement des
seuils pour la fiscalité ! En effet, dès lors qu'il y a moins de recettes
fiscales, vous imaginez bien que les dépenses doivent être ajustées en
conséquence ! Ce n'est qu'une simple remarque de méthode mais, connaissant
votre grande sagesse, je suis sûr que vous y souscrirez.
(Sourires.)
J'en viens au problème visé par les deux amendements : la transmission des
exploitations agricoles qui est, comme l'a dit M. de Raincourt, vitale pour
l'avenir du monde rural. Le Gouvernement en est parfaitement conscient, il est
très important de la faciliter sur les plans tant juridique que fiscal en
raison de la démographie des agriculteurs.
Je tiens à dire aux auteurs de ces amendements que le Gouvernement veillera à
ce que l'exploitation agricole figure bien dans le projet de loi qui sera
présenté au nom du Gouvernement par M. Renaud Dutreil, afin que les exploitants
agricoles - nous y tenons beaucoup - ne soient pas pénalisés par rapport aux
professionnels qui exerçant d'autres activités, qu'elles soient artisanales,
commerciales ou industrielles. Comme l'a dit M. le rapporteur général voilà un
instant, c'est donc dans le projet de loi « Agir pour l'initiative économique »
que cette question sera traitée.
Si j'en juge par ce que m'a dit M. Renaud Dutreil voilà deux jours, après
l'examen de ce texte par le Conseil d'Etat, une fenêtre parlementaire pourrait
s'ouvrir très prochainement à la fin du mois de janvier 2003.
S'agissant des plafonds, j'ai bien entendu votre appel, mais je ne suis pas en
mesure d'y répondre aujourd'hui
(M. Henri de Raincourt sourit.)
Je vois
dans votre sourire, monsieur de Raincourt, une sévérité qui est presque plus
grande encore que celle qu'exprime le froncement de vos sourcils !
Rassurez-vous, je ferai en sorte, dans les calculs que nous ferons, que ce
seuil soit placé au bon niveau !
(M. Henri de Raincourt rit.)
M. Jean-Pierre Masseret.
Il ne fronce plus les sourcils !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Vous avez insisté sur le fait que vous avez travaillé
sur cet amendement. Je vous en donne acte. Nous en avons parlé d'ailleurs parlé
lorsque vous êtes venu dans mon bureau pour évoquer précisément ce sujet.
M. Henri de Raincourt.
Voilà plusieurs mois !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Mais, entre le seuil que vous proposez et celui auquel
le Gouvernement est arrivé, il subsiste encore un écart qui peut être réduit.
Par conséquent, gardez confiance : je pense que nous pourrons parvenir à un
très bon accord si vous venez à la rencontre du Gouvernement !
Cela m'amène à espérer que vous accepterez de retirer votre amendement, afin
qu'une telle disposition puisse être adoptée dans les meilleures conditions au
mois de janvier prochain.
M. Jean-Pierre Masseret.
Il va y être sensible !
(Sourires.)
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-22 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Le projet de loi que l'on nous annonce aujourd'hui comblera, je pense, nos
espoirs et nos espérances. Si nous parvenions, à cette occasion, à une nouvelle
fiscalité pour la transmission des patrimoines professionnels des petites et
moyennes entreprises, qu'elles soient agricoles, commerciales ou artisanales,
nous ferions un grand pas en avant. Je reconnais que le contexte et les
modalités sont différentes pour chaque secteur, mais il n'en demeure pas moins
que l'esprit d'un tel texte rencontre notre adhésion totale.
J'avais l'intention de retirer mon amendement au profit de celui de M. de
Raincourt. Quelle que soit la décision qu'il prendra, nous pouvons, je crois,
attendre la discussion du projet de loi dont vous avez parlé pour résoudre
l'ensemble de ces problèmes.
M. le président.
L'amendement n° I-22 est retiré.
Monsieur de Raincourt, maintenez-vous l'amendement n° I-114 rectifié ?
M. Henri de Raincourt.
Comment résister à la conviction souriante de M. le ministre délégué au budget
?
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. Jean-Pierre Masseret.
C'est un séducteur !
(Sourires.)
M. Henri de Raincourt.
Il se livre à un exercice très difficile ! Nous avons apprécié son talent
lorsqu'il présidait la commission des finances. Nous mesurons maintenant à la
fois la force et la possibilité de faire des ravages que lui procurent les
nouvelles fonctions qu'il exerce !
(Sourires.)
Cela étant dit, monsieur le ministre, j'ai toutes les raisons de vous faire
confiance, raisons non seulement politiques, mais également personnelles, et
seuls vous et moi savons ce que cela veut dire...
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mes chers collègues, je vous en dirai peut-être plus dans une autre vie, avec
l'autorisation d'Alain Lambert !
(Nouveaux sourires.)
J'ai donc toutes les raisons de vous faire confiance et d'accéder à votre
demande puisque j'ai bien compris que cette question serait traitée dans le
projet de loi présenté par M. Dutreil, que, sur la question du seuil plafond,
vous n'aviez pas « fermé la porte », si vous me permettez cette expression, et
qu'il faudrait que chacun fasse un pas vers l'autre ; j'en suis d'accord.
Cela dit, monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous disiez un mot sur le
principe même de la suppression de l'effet couperet. Si vous me rassuriez sur
ce point, je retirerais cet amendement le coeur tranquille et l'esprit serein.
(Exclamations sur les mêmes travées.)
Je n'ai pas beaucoup de succès
avec mes amendements, mais je retirerais celui-là avec le sourire !
M. Jean-Pierre Masseret.
Et le coeur plein d'espérance !
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Permettez-moi de revenir sur l'effet couperet dénoncé
par M. de Raincourt.
Je suis moins enthousiaste que lui sur le niveau de plafond - c'est d'ailleurs
pour cela qu'il faudra que nous en rediscutions -, mais je continue de penser
que nous trouverons une solution pour éviter cet effet couperet. C'est en tout
cas notre souhait.
M. le président.
L'amendement n° I-114 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-132, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le dernier alinéa du 9°
quater
de l'article 157 du code
général des impôts, la somme : "4 600 EUR" est remplacée par la somme : "9 200
EUR".
« II. - La loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 portant diverses dispositions
relatives à la fiscalité des entreprises et à l'épargne industrielle est
complétée,
in fine
, par un article ainsi rédigé :
«
Art.
... - La moitié des dépôts effectués sur les comptes définis à
l'article 5 de la présente loi est consacrée au financement de prêts aux
entreprises dont le taux d'intérêt est égal au taux de la rémunération desdits
comptes. »
« III. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I et du II
ci-dessus, le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé
à due concurrence. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement sur le financement du développement des petites et moyennes
entreprises prend évidemment, dans le contexte boursier actuel, tout son sens
!
En effet, ainsi que le débat le montre abondamment, la croyance selon laquelle
l'économie ne pouvait durablement être soutenue que par le développement du
financement sur les marchés financiers des investissements des entreprises a
quelques difficultés à trouver une validation concrète.
Les amendements étonnants qui ont été déposés par notre rapporteur général sur
la question du traitement fiscal des moins-values boursières en sont une
illustration assez remarquable.
On découvre depuis peu que des sommes considérables ont été perdues dans de
coûteuses et meurtrières guerres boursières, caractérisées par la destruction
de valeurs ou encore par la généralisation et l'extension des plans sociaux de
licenciements massifs et de suppression d'emplois.
Dans ce contexte, il importe donc de renforcer les outils de financement du
développement des entreprises ne ressortissant pas de manière exclusive des
marchés financiers.
Les comptes pour le développement industriel, les CODEVI, malgré bien des
défauts, notamment en ce qui concerne l'utilisation effective de la ressource
collectée, sont l'une des solutions.
Leur donner un rôle plus important dans le financement du développement des
PME peut donc apparaître comme un moyen de résoudre les problèmes qui nous sont
posés.
Les CODEVI permettent, en particulier, de dégager des financements moins
coûteux que les prêts bancaires banalisés et ont un effet de levier non
négligeable sur la mobilisation des financements.
Par notre amendement, conforme à ce que nous avons pu présenter dans le passé
sur cette question, nous proposons donc une démarche à double détente.
Il s'agit, tout d'abord, de doubler le plafond de placements éligible à
l'exemption de toute imposition, à l'image du livret A de la Caisse
d'épargne.
L'existence de cette disposition est d'ailleurs d'un coût relativement faible
aujourd'hui - 225 millions d'euros en dépenses fiscale - pour une portée
intéressante, compte tenu du volume de prêts distribués.
Par ailleurs, nous proposons une démarche de création d'une ligne prioritaire
de financement des PME, en appliquant un dispositif de bonification des
intérêts conduisant à servir des prêts pour lesquels le coût de collecte et la
marge commerciale du distributeur sont neutralisés.
Ainsi pourront être servis des prêts disponibles au taux de 3 %, permettant en
fait aux entreprises de profiter de financements à un taux inférieur à la
croissance en valeur.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Quand je lis le gage qui a été prévu, j'ai le
sentiment que le groupe communiste républicain et citoyen a tenu à exposer cet
amendement mais qu'il ne s'attend peut-être pas à le voir adopter !
M. Thierry Foucaud.
Il ne faut pas nous prêter de mauvaises intentions !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Relever le plafond des CODEVI est une décision qui se
prend par décret. Permettez-moi d'être sceptique sur l'opportunité d'une telle
mesure ! Les pouvoirs publics doivent-ils instrumentaliser les banques et leur
dicter ce qu'elles doivent faire ? Ce n'est pas notre conception de l'économie
! C'est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-132.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-133, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La première phrase du deuxième alinéa du a du 5 de l'article 158 du
code général des impôts est ainsi rédigée : "Les pensions et retraites font
l'objet d'un abattement de 10 % dans la limite de 30 500 EUR de revenus
déclarés."
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, les taux
fixés au III
bis
de l'article 125 A du code général des impôts sont
relevés à due concurrence. »
La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Cet amendement illustre le choix que nous faisons, s'agissant de l'impôt sur
le revenu, à savoir préférer des mesures ciblées à l'application d'une baisse
uniforme des tranches d'imposition du barème, comme nous y invite le projet de
loi de finances.
En effet, dans le cadre des politiques de réduction de l'imposition des
revenus, on a gagé une partie des réformes entreprises sur la remise en
question des revenus des retraités et pensionnés. C'est ainsi que, tout en
maintenant la prise en compte des 10 % de déduction, le législateur a réduit le
plafond de l'application de ce principe, touchant de fait directement des
pensions et retraites attribuées à des contribuables ne disposant, pour
l'essentiel, que de ce revenu.
Or ce principe est fort discutable quand on sait que ces pensions et retraites
ne sont, dans la plupart des cas, que des revenus d'activité différés ; il est
donc tout à fait naturel qu'ils aient le même traitement fiscal que les revenus
salariaux ou les revenus d'activité.
On notera, par ailleurs, que la proposition que nous faisons est largement
portée par le mouvement social dans son ensemble et sa diversité.
On ne peut également oublier que cette réduction du plafond de la déduction de
10 % a été de pair avec une progression, pour le moins limitée, du niveau des
pensions et un accroissement réel de la pression fiscale pesant sur la
population retraitée. Je pense, en particulier, à l'accroissement de la
contribution sociale généralisée.
Cet amendement revient donc, pour partie, sur la situation créée par la
révision à la baisse du plafond de la déduction pour les pensions et retraites
qui a conduit à des augmentations quasi artificielles de cotisations sans
relèvement du montant des prestations versées. Il se présente, au demeurant,
comme la première étape d'un processus nécessaire de remise à niveau de ce
plafond de la déduction de 10 %. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous
invite à l'adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je crains que les marges de manoeuvre malheureusement
très faibles des finances publiques ne permettent pas d'accueillir
favorablement l'initiative de Mme Bidard-Reydet, ce que je regrette.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-133.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-134, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 199
quater
D du code général
des impôts, le taux : "25 %" est remplacé par le taux : "50 %".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement porte sur la question du traitement des frais de garde
d'enfants et participe donc pleinement de notre démarche de ciblage différencié
des réductions d'impôt.
Nous aurons d'ailleurs tout à l'heure un débat significatif sur la question du
relèvement du plafond des dépenses éligibles à la réduction d'impôt pour
l'emploi d'un salarié à domicile, débat qui ne peut cependant occulter celui
qui porte sur les autres réductions d'impôt.
Celle que nous visons ici concerne les frais de garde d'enfants en structure
collective, notamment dans le cadre des crèches, des colonies de vacances ou
des centres aérés, toutes structures où réside au demeurant un important
gisement d'emplois.
On ne peut, en effet, que noter, une fois de plus, l'important décalage entre
la quotité et le taux de la réduction d'impôt accordée pour l'emploi d'un
salarié à domicile et la quotité et le taux de la présente réduction
d'impôt.
Nous visons donc en particulier, avec cet amendement, à rétablir un certain
équilibre correspondant un peu plus aux réalités.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le Gouvernement a préféré aborder ces questions de
politique familiale par le moyen de l'incitation à l'emploi d'un salarié à
domicile et, cette année, les marges de manoeuvre budgétaire ne permettent pas
de tout faire.
A notre grand regret, nous avons donc dû émettre un avis défavorable.
M. Thierry Foucaud.
C'est un avis de classe !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour tâcher de convaincre M. Thierry Foucaud qu'il ne
s'agit pas d'un avis de classe, je lui dirai que le Gouvernement a souhaité
véritablement que la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile
soit fixée à un niveau de nature à favoriser l'emploi de proximité, et aussi,
disons-le franchement, à décourager le travail non déclaré. C'est un point qui
nous tient particulièrement à coeur et qui explique tout à fait la mesure
proposée par le Gouvernement.
Je rappelle que la réduction d'impôt pour frais de garde des jeunes enfants
peut se cumuler avec celle qui est relative à l'emploi d'un salarié à domicile,
auquel les familles peuvent recourir en complément de la garde des enfants à
l'extérieur du domicile, de sorte que le dispositif tel qu'il est conçu est
parfaitement équilibré.
C'est ce qui me conduit à vous demander, monsieur Foucaud, de retirer votre
amendement. A défaut, j'émettrai un avis de rejet.
M. le président.
Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-134 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud.
Je le maintiens, monsieur le président !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-134.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-135, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 199
sexies
du code général des impôts est complété par
un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les dispositions du I s'appliquent aux intérêts afférents aux prêts
contractés pour la construction ou l'acquisition de logements neufs à compter
du 1er janvier 2003 et aux dépenses de ravalement payées à compter de la même
date. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Cet amendement porte sur la question relativement importante du logement et,
notamment, de l'accession à la propriété.
En effet, depuis la mise en place du prêt à taux zéro, dont je rappelle pour
mémoire qu'il ne s'agit en général que de prêts complémentaires au prêt
principal, l'achat de la résidence principale des contribuables de l'impôt sur
le revenu n'est plus que marginalement l'objet d'une ouverture à réduction
d'impôt.
Dans les faits, les dispositifs incitatifs existants sont en voie de
déshérence, car la plupart des contribuables concernés proviennent
progressivement au terme de la période de prise en compte des intérêts
d'emprunt au titre de l'impôt sur le revenu.
Pour autant, il existe dans notre pays une forte aspiration à l'accession à la
propriété, qui se heurte bien souvent aux conditions pour le moins
problématiques du marché, notamment dans les centres urbains importants, où la
spéculation foncière et immobilière fait des ravages en entraînant une
augmentation des prix.
Il convient donc de se demander si le moment n'est pas venu de recréer un
dispositif fiscal incitatif qui permette aux accédants à la propriété de tirer
avantage d'une meilleure prise en compte de leur situation. Nous pensons
singulièrement aux jeunes couples dont les ressources les excluent bien souvent
du parc locatif social, parce qu'ils disposent de revenus supérieurs aux
plafonds retenus, et qui ne peuvent pourtant faire face aux conditions du
marché.
C'est donc dans ce sens que nous vous proposons de débattre et d'adopter cet
amendement, qui tend à recréer un dispositif d'incitation à l'accession sociale
à la propriété.
Evidemment, l'un des fondements de cet amendement est de favoriser une
utilisation directe de l'épargne dans l'économie, tout en permettant une
relance de l'activité dans le secteur du bâtiment, qui souffre aujourd'hui
d'une récession préoccupante.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La mesure proposée par cet amendement est réellement
intéressante, car, à sa lecture, je constate qu'elle s'applique « aux intérêts
afférents aux prêts contractés pour la construction ou l'acquisition de
logements neufs à compter du 1er janvier 2003 et aux dépenses de ravalement
payées à compter de la même date ». Aucune catégorie sociale particulière n'est
visée. Par conséquent, un tel dispositif serait d'autant plus généreux que la
fortune et le revenu du contribuable seraient plus élevés.
Cette mesure relève exactement du même esprit que celui qui a présidé à la
réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, disposition qui était
critiquée à l'instant même.
Je n'ai aucune opposition philosophique ou idéologique à l'égard de ce que
vous suggérez, chère collègue. Malheureusement, la situation financière de
l'Etat risque de ne pas permettre de prendre une décision favorable sur le
dispositif proposé, aussi efficace soit-il, sans doute, soit-il, pour relancer
les activités de logements et permettre une bonne utilisation de l'épargne de
nos concitoyens, même les plus fortunés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ne tentez pas le diable !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Je ne vous ai jamais pris pour le diable, monsieur le ministre !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ces dispositions existaient précédemment. Elles ont
souvent été estimées comme favorisant un effet d'aubaine et elles ont été
supprimées. Je crois donc qu'elles sont inefficaces sur le plan économique et
qu'elle ne sont pas de nature à favoriser l'accession à la propriété.
Cela me conduit à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-135.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-80, présenté par MM. Joly et Mouly, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 2° de l'article 199
septies
du code général des impôts,
il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... Primes afférentes à des contrats d'assurance visant à constituer un
complément de retraite par capitalisation sous forme de capital ou de rente
viagère. Ces primes ouvrent droit à réduction d'impôt dans la limite de 610
EUR, majorée de 150 EUR par enfant à charge ; ces limites s'appliquent à
l'ensemble des contrats souscrits par les membres d'un même foyer fiscal. »
« II. - Le I de l'article 199
septies
A du code général des impôts est
complété par un alinéa rédigé comme suit :
« 25 % du montant de celles mentionnées au 3° de l'article 199
septies
.
»
« III. - Les pertes de recettes résultant des I et II sont compensées à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Cet amendement vise à favoriser l'adhésion des salariés aux contrats
d'assurance permettant de constituer un complément de retraite. Ces
cotisations, qu'elles soient annuelles, trimestrielles ou mensuelles,
pourraient ainsi donner lieu à une réduction d'impôt sur le revenu, dans une
certaine limite, en contrepartie des primes versées.
Alors que les régimes de retraite sont de plus en plus menacés, cette
disposition encouragerait un système de capitalisation complémentaire qui ne
serait pas compétitif avec le système de droit commun.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous allons, je l'espère, progresser dans les mois à
venir vers un dispositif complet permettant de traiter le problème des
retraites et de leur financement.
Au sein de ce dispositif, il faut souhaiter - à cet égard, la majorité de la
commission partage certainement l'avis de Bernard Joly - que des mesures soient
prises pour favoriser, au-delà des régimes obligatoires, les dispositifs
facultatifs surcomplémentaires par capitalisation. C'est bien de cela qu'il
s'agit ! Par conséquent, à titre de jalon pour les mesures qui seront annoncées
par le Gouvernement après les prochaines concertations, nos collègues Bernard
Joly et Georges Mouly sollicitent quelques explications de la part du
Gouvernement.
La commission serait également heureuse d'entendre l'avis du Gouvernement sur
cette question importante des encouragements fiscaux à l'entrée des régimes par
capitalisation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je répondrai d'autant plus volontiers à Bernard Joly
qu'hier je lui ai répondu d'une manière peut-être un peu lapidaire à l'occasion
de la discussion générale. Son intervention portait, précisément, sur
l'ensemble des prélèvements, qu'ils soient fiscaux, sociaux ou locaux. Je tiens
à insister sur le lien - nous en avons parlé tout à l'heure à la suite d'une
intervention de Michel Charasse - qu'il nous faut établir en permanence entre
le montant de la dépense et l'impôt qu'il faut lever pour couvrir ladite
dépense. Cela est vrai pour l'ensemble des fonctions de l'Etat en matière
fiscale, pour la couverture sociale et les prélèvements sociaux qui sont
effectués, ainsi que pour l'ensemble des charges actuelles des collectivités
locales qui, par leur dynamique, peuvent en effet aboutir à l'accroissement des
impôts.
Il peut y avoir des comptes de l'Etat, des comptes de la sécurité sociale et
des comptes des collectivités territoriales, mais il n'y a qu'un contribuable.
Et ce contribuable, sollicité de différentes manières, voyant les prélèvements
s'ajouter les uns aux autres, affirme sa lassitude. Vous l'avez souligné dans
votre intervention, monsieur le sénateur, lors de la discussion générale, et il
est vrai qu'il nous faut y travailler tous ensemble.
Je souhaite vous répondre d'une manière aussi précise que possible s'agissant
de votre question puisqu'elle est, comme M. le rapporteur général l'a dit, une
question de principe.
Je vous rappellerai, avec solennité, l'engagement pris par le Premier ministre
d'offrir à chacun de nos compatriotes la possibilité de compléter sa pension
par un revenu d'épargne grâce à une incitation fiscale. Cet engagement sera
naturellement tenu et je le réitère devant vous aujourd'hui, au nom du
Gouvernement.
Cette question, vous le savez, s'inscrit dans le cadre général de la réflexion
sur l'avenir de nos retraites.
Le Premier ministre a considéré qu'elle devait être traitée au cours du
premier semestre et aboutir avant le 30 juin prochain. Par conséquent, nous
soumettrons immédiatement à la représentation nationale, donc à vous-mêmes,
mesdames, messieurs les sénateurs, des dispositions qui vous permettront de
régler ce problème.
Votre proposition, monsieur Joly, apporte une contribution qui pourra être
examinée à cette occasion. Mais je puis vous dire que l'engagement du Premier
ministre, qui vise à permettre de compléter sa pension par un revenu d'épargne
grâce à une incitation fiscale, sera tenu. Il reviendra à la représentation
nationale de le « calibrer » de la manière la plus appropriée.
Je vous propose donc, sous le bénéfice de l'engagement que je viens de prendre
à nouveau devant vous, de bien vouloir retirer votre amendement, afin que cette
question puisse être traitée dans le prolongement immédiat des questions de
retraite, lesquelles seront réglées, je le répète, le 30 juin prochain au plus
tard.
M. le président.
Monsieur Joly, l'amendement n° I-80 est-il maintenu ?
M. Bernard Joly.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-80 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-58, présenté par MM. Angels, Dreyfus-Schmidt, Auban,
Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et
les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article 199
quindecies
du code général
des impôts est ainsi modifié :
« 1° Les mots : "une section de cure médicale" sont remplacés par les mots :
"ou un établissement de santé visé au 2° de l'article L. 6111-2 du code de la
santé publique".
« 2° La somme : "2 300 EUR" est remplacée par la somme : "6 900 EUR".
« 3° Il est complété par la phrase suivante : "Ce plafond est porté à 13 800
EUR lorsque la personne hébergée relève du 3° de l'article L. 341-4 du code de
la santé publique".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-136, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 199
quindecies
du code
général des impôts, le taux : "25 %" est remplacé par le taux : "50 %".
« II. - Dans le même alinéa, la somme : "2 300 EUR" est remplacée par la somme
: "3 000 EUR".
« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application des I
et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° I-58.
M. François Marc.
Cet amendement, présenté par notre groupe, nous a été suggéré par Bernard
Angels, qui préside cette séance.
Cet amendement fait référence à un amendement qui a déjà été débattu ici même
voilà un an et pour lequel le rapporteur général, Philippe Mariani, avait
indiqué que la commission des finances y était tout à fait favorable.
Il concerne l'accueil des personnes handicapées ou âgées dépendantes en maison
de retraite médicalisée, qui s'avère de plus en plus nécessaire. Or un problème
se pose en ce qui concerne les frais de séjour dans ces établissements de long
séjour et médicalisés.
Le Gouvernement avait accompli un effort significatif par le passé, notamment
en traitant de manière plus équitable les couples, puisqu'il s'agissait
d'apprécier la réduction de la charge fiscale en fonction du nombre de
personnes hébergées, et non plus du foyer fiscal.
Il convient aujourd'hui d'aller plus loin. En effet, si l'on doit faciliter le
maintien à domicile des personnes âgées, il n'en demeure pas moins que, dans
certains cas, celles-ci doivent être hébergées en établissement.
Par conséquent, la moindre des choses serait de porter le montant des dépenses
prises en compte à 6 900 euros. Tel est l'objet de cet amendement. Cette
proposition tient compte du coût élevé des frais d'hébergement et de la hausse
des tarifs journaliers qui est intervenue depuis le 1er janvier 2002.
Par ailleurs, quand on considère que le plafond de réduction d'impôt des
dépenses engagées pour l'emploi d'un salarié à domicile est porté de 6 900
euros à 10 000 euros, on peut se demander si la mesure en question était la
bonne priorité au regard des situations humaines en cause.
En tout état de cause, cette disposition, qui avait fait l'objet d'un soutien
actif de la commission des finances l'an passé et qui reprend d'ailleurs
l'argumentation de M. Chérioux sur le même sujet, devrait très certainement
recueillir l'assentiment de notre assemblée.
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant, pour présenter l'amendement n° I-136.
M. Paul Loridant.
A l'occasion du débat sur l'impôt sur le revenu, nous abordons souvent la
question du devenir de celles des réductions d'impôt qui sont accordées en
fonction de certaines dépenses effectuées par les ménages. Aujourd'hui, nous
avons le sentiment que ce projet de loi de finances ne maintient pas l'égalité
de traitement entre les différentes réductions d'impôt - je pense en
particulier à celle qui concerne l'emploi d'un salarié à domicile - et que les
priorités affirmées par le Gouvernement ne sont pas équilibrées.
Cet amendement a pour objet d'augmenter la déduction fiscale pour frais de
long séjour dans des établissements médicalisés.
Je vous rappelle que l'article 199
quindecies
du code général des
impôts prévoit une réduction d'impôt « à raison des dépenses nécessitées par
l'hébergement dans un établissement de long séjour ». Le sujet n'est pas
anodin, comme l'a montré la controverse qui nous a animés la semaine dernière,
lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en
particulier quand nous avons débattu de l'allocation personnalisée
d'autonomie.
Depuis la création de cette réduction d'impôt, en 1991, une réforme de la
tarification des établissements concernés est intervenue avec notamment pour
objectif d'améliorer la qualité de l'hébergement. De ce fait, les prestations
facturées aux familles ont été sensiblement relevées, rendant par conséquent
moins importante la portée de la réduction d'impôt initiale.
J'observe, d'ailleurs, que nous n'avons toujours pas résolu la question du
financement de l'accueil des personnes âgées, ce qui conduit naturellement à
l'accroissement de la contribution des familles.
Enfin, au moment où l'on s'apprête à décider de relever la quotité de la
réduction d'impôt pour emploi à domicile - cela peut concerner en particulier
les auxiliaires de vie -, on semble oublier de modifier la quotité de cette
réduction d'impôt pour les placements en long séjour de personnes âgées dans
des établissements médicalisés.
Si l'on décide aujourd'hui d'embaucher une auxiliaire de vie à domicile, on
bénéficie d'une réduction d'impôt de 3 450 euros par an, alors que, dans le cas
d'un placement en établissement, la réduction d'impôt est de 575 euros
seulement, soit dix foix moins.
Demain, si l'on adopte en l'état l'article 4 du présent projet de loi de
finances, on arrivera progressivement, pour l'emploi d'une auxiliaire de vie, à
une réduction d'impôt de 5 000 euros, contre 575 euros en cas de placement dans
un établissement médicalisé.
Il convient donc de rééquilibrer le dispositif.
Notre amendement vise, d'une part, à doubler le taux de la réduction d'impôt
en le portant à 50 % des sommes engagées, comme cela peut être le cas pour la
réduction d'impôt pour un emploi à domicile. Sans modification du plafond,
cette réduction atteindrait 1 150 euros au maximum.
L'amendement tend, d'autre part, à porter le plafond des dépenses éligibles à
3 000 euros, ce qui le situe à un niveau plus conforme à la réalité des
dépenses qu'assument réellement aujourd'hui les familles.
Cette proposition est particulièrement attendue par nombre d'organisations
syndicales et d'associations agissant aux côtés des retraités et qui souhaitent
une remise à niveau du traitement fiscal des huit millions de retraités et
pensionnés de notre pays.
C'est pourquoi, dans le même esprit que le groupe socialiste, le groupe
communiste républicain et citoyen vous propose d'adopter cet amendement, qui
tend à rétablir l'égalité entre deux modes de garde de personnes âgées
dépendantes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il est vrai que, l'an dernier, la commission avait
émis un avis favorable sur une proposition identique, et la mesure nous semble
toujours bonne. Cependant, dans l'intervalle, 17 milliards d'euros de déficit
supplémentaires ont été enregistrés, dont 15 milliards d'euros au cours du
premier semestre 2002 !
Hélas, donc, mes chers collègues, la situation des finances publiques ne nous
permet pas, en gens responsables, d'aller au-delà de ce qui est déjà prévu dans
le projet de loi de finances. Soyez assurés, cependant, que nous reviendrons
sur le sujet à l'occasion d'autres discussions.
Sur le fond, je ne change pas d'opinion à titre personnel, et c'est avec un
grand regret que j'émets, au nom de la commission, un avis défavorable, pour
des raisons qui tiennent au déséquilibre préoccupant de nos finances publiques
qu'il s'agit de ne pas aggraver.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Il est intimidant, pour le ministre que je suis, de
donner l'avis du Gouvernement sur une question qui était chère au parlementaire
que j'étais. Mais je ne peux pas aujourd'hui, même au nom du Gouvernement,
prendre une position contraire à celle que j'ai pu adopter ces dernières années
sur un problème que connaissent de très nombreuses familles aujourd'hui et qui
est, d'ailleurs, la conséquence d'un progrès : la prolongation de la durée de
la vie.
Je ne pourrai malheureusement pas émettre un avis favorable sur cet
amendement. Pour l'heure, je me contenterai d'une remarque de pure forme, car
les auteurs de l'amendement ont tout le temps de parfaire leur dispositif, de
sorte que, lorsque nous serons revenus à meilleure fortune, il puisse être
adopté.
En effet, il y a lieu de craindre que, ne faisant plus spécifiquement
référence aux cures médicales dans l'amendement, vous ne priviez, contrairement
à votre intention, certaines personnes de l'avantage fiscal.
M. Michel Mercier.
Les sections de cure médicale n'existent plus !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
J'entends bien M. Michel Mercier, excellent spécialiste
de ces questions, me rappeler que les sections de cure médicale n'existent plus
sous leur forme initiale. Il nous faudra donc réviser notre position, y compris
nos réponses, monsieur le sénateur !
(Sourires.)
Vous avez établi un parallèle entre les deux dispositifs consacrés
respectivement à l'emploi d'un salarié à domicile et l'hébergement en
établissement de personnes dépendantes. A mon sens, les deux formules ont des
objectifs différents. En effet, la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié
à domicile constitue une incitation à la création d'emplois familiaux ; la
réduction pour l'hébergement en établissement de long séjour s'intègre dans un
ensemble de mesures destinées à alléger la charge de la dépendance. Certaines
personnes dépendantes sont titulaires de la carte d'invalidité et peuvent
bénéficier d'une demi-part supplémentaire de quotient familial. Si leurs
revenus n'excèdent pas un certain montant, elles ont droit également à un
abattement sur leur revenu imposable qui est revalorisé tous les ans.
Même si, à titre personnel, je regrette les conditions dans lesquelles la
nouvelle allocation personnalisée d'autonomie a été conçue, d'autant qu'elle
constitue une dépense considérable - nous avons d'ailleurs évoqué les
difficultés de son financement -, je constate qu'elle vise à résoudre des
problèmes comme ceux qui sont évoqués ici.
En tout cas, le Gouvernement ne saurait sans mauvaise foi contester la réalité
du problème posé. Il faut absolument que nous travaillions sur ce dossier pour
trouver une solution équilibrée.
Reste que je ne souhaite pas qu'il soit établi d'analogie entre le dispositif
visant à favoriser la création d'emplois familiaux à domicile et l'important
sujet de l'hébergement des personnes dépendantes.
Telles sont les raisons qui me conduisent à proposer aux auteurs de
l'amendement de le retirer. A défaut, je serai à regret, obligé d'émettre un
avis défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-58.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote sur l'amendement n°
I-136.
M. Paul Loridant.
Je souhaite répondre à M. le ministre.
Si, à l'appui de notre amendement, nous avons établi un parallèle avec la
réduction d'impôt pour un emploi à domicile, nous ne sommes pas allés jusqu'à
en faire un dispositif analogue : l'avantage fiscal proposé dans notre
amendement est bien inférieur à celui qui est accordé pour l'emploi d'un
salarié à domicile.
Je tiens, en outre, à attirer l'attention du Sénat sur le fait que, pour
certaines familles, le placement dans un établissement constitue la solution la
plus adaptée, et parfois la seule, et qu'il nous semble anormal que la
déduction fiscale, dont vous-même reconnaissez le bien-fondé, ne soit pas
revalorisée.
Nous prenons acte du fait que le Gouvernement a retenu d'autres priorités,
mais permettez-nous de penser que l'hébergement des personnes dépendantes a
autant d'importance que l'emploi d'un salarié à domicile ! C'est la raison pour
laquelle je n'ai par l'intention de retirer cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux.
Ce que vient de dire M. le ministre délégué est tout à fait exact. Nous ne
renions pas les positions que nous avions prises l'année dernière, moi le
premier, puisque j'avais moi-même déposé un amendement tendant à une
augmentation de la déduction pour hébergement de personnes âgées
dépendantes.
Je ferai simplement remarquer qu'à l'époque vous aviez déposé également un
amendement, chers collègues, mais il était très en retrait par rapport au mien.
Finalement, le Gouvernement nous avait suivis très modestement, lui qui
disposait alors d'une marge de manoeuvre, d'une véritable manne - d'aucuns
avaient parlé de « cagnottes » - qu'il a pu dispenser largement, un peu
n'importe comment. Il eût mieux valu utiliser ces cagnottes pour mettre en
oeuvre le dispositif que je proposais.
Aujourd'hui, chers collègues, vous nous laissez une situation difficile et,
faute de marge de manoeuvre, nous ne pouvons pas vous suivre. Moi-même, j'ai
renoncé à déposer un amendement, quoi qu'il m'en ait coûté, sachant que cela
n'était pas raisonnable.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier.
J'avoue ne pas bien comprendre la logique de ces amendements, à moins qu'ils
n'aient un sens caché.
Cette année, le coût du placement en établissement pour les personnes âgées
est plutôt moins élevé que l'an dernier, compte tenu du nouveau mécanisme de
tarification. En effet, l'assurance maladie prend en charge le prix de journée
« soins » et l'APA, versée par les conseils généraux, prend en charge le volet
« dépendance ». Il ne reste donc que le coût de l'hébergement, c'est-à-dire une
dépense plutôt moindre que les années précédentes, sauf à dire que tout ce qui
a été fait par le gouvernement précédent en matière de réforme de la
tarification est un vaste échec, ce que ne veulent certainement pas dire les
auteurs des deux amendements.
Par conséquent, il faut bien tenir compte du fait que la charge résiduelle
pour les familles est plutôt moins élevée cette année.
Personnellement, je me demande si les deux amendements en discussion commune
ne sont pas, en fait, de façon cachée mais extrêmement intéressante pour le
Gouvernement, une contribution des auteurs à la recherche d'une solution de
financement de l'APA. N'est-ce pas une façon de dire : faites donc plus payer
les bénéficiaires de l'APA, ainsi vous aurez résolu le problème du financement
de l'APA par le biais d'un crédit d'impôt et d'une augmentation de la charge
des familles ?
Si telle est bien la solution que préconisent les auteurs des amendements,
c'est intéressant, mais il faut l'étudier dans le cadre de la réforme
d'ensemble du financement de l'APA.
Je crois donc qu'il est sage de rejeter cet amendement, comme le précédent,
d'ailleurs.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-136.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-59, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 200
quinquies
du code général des impôts, il est
inséré un article ainsi rédigé :
«
Art.
... - Les réductions d'impôts visées aux articles 145 à 200
quinquies
ne pourront produire une réduction du montant de la cotisaton
supérieure à 50 %. »
L'amendement n° I-137 rectifié, présenté parM. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant et les membres du groupe communistre républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 200
sexies
du code général des impôts, il est inséré
un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ...
- Les réductions d'impôt visées aux articles 199 à 200
quinquies
ne pourront produire une réduction du montant de la cotisation
excédant 4 500 EUR. »
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour présenter l'amendement n°
I-59.
M. Jean-Pierre Masseret.
Si certaines politiques méritent à l'évidence d'être soutenues au moyen de
crédits d'impôt, force est de constater que des contribuables savent
parfaitement se servir de la législation fiscale, du code général des impôts,
des niches fiscales et des placements susceptibles d'optimiser les revenus
nets.
Au bout du compte, ces pratiques peuvent faire échec à la progressivité de
l'impôt sur le revenu. Cet amendement prévoit donc une limite à l'addition de
ces avantages constitués par des exonérations partielles ou par des
plafonnements. Le plafond est ici fixé à 50 % de la cotisation.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-137
rectifié.
M. Thierry Foucaud.
Je ne vais pas rouvrir le débat sur l'amendement n° I-134, mais, à mon avis,
c'était un facteur de création d'emplois. Il aurait fallu penser aux
collectivités, aux centres aérés, aux centres de loisirs, aux crèches, aux
garderies.
L'amendement n° I-137 rectifié, sans être en contradiction avec le précédent
amendement, vise à prévenir les travers de l'optimisation fiscale. Nous pensons
qu'il est préférable d'aider les jeunes couples, dont les revenus sont souvent
modestes, plutôt que de rejoindre la majorité sénatoriale pour ce qui est du
plafonnement des réductions.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces deux amendements sont de proches parents ! On
voit ainsi se reconstituer sous nos yeux, dans l'opposition, ce qui avait de la
peine à fonctionner dans l'ancienne majorité, à savoir la technique
plurielle.
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret.
Sans commentaire !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Car ce sont bien des amendements pluriels, mes chers
collègues.
M. Jean-Pierre Masseret.
On attend la suite !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous avons affaire, ici, à une technique assez
surprenante, puisqu'il s'agit de poser une toise de façon non discriminée sur
toutes sortes de régimes fiscaux totalement différents les uns des autres,
affectant aussi bien des personnes morales que des personnes physiques. Sans
examen préalable approfondi de ses effets économiques, un tel dispositif semble
quand même assez difficile à mettre en place. Il concerne, par exemple, aussi
bien la souscription dans les sociétés de pêche artisanale, dont nous parlions
tout à l'heure, que les souscriptions de créateurs d'entreprises, les
placements dans l'innovation, les participations dans les sociétés pour le
financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA, ou
encore la restitution de la contribution sociale généralisée, la CSG.
Non, mes chers collègues, on ne peut pas faire passer la voiture-balai comme
cela ! Ces dispositions ont chacune leur justification, et ce n'est pas une
technique fiscale acceptable. Admettons un instant - c'est une vue de l'esprit
- que l'amendement soit adopté : je pense que ses auteurs seraient assez
désappointés devant la teneur du courrier qu'ils recevraient par la suite ! Ils
viendraient sans doute nous demander de rétablir le
statu quo
.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis nettement défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Monsieur le président, je risque moins d'être en
contradiction avec mes déclarations antérieures sur ces sujets.
Tout d'abord, sur un plan pratique, je me tourne vers M. Jean-Pierre Masseret,
qui est un bon spécialiste : ne compliquons pas un tel dispositif ; cela ne
ferait qu'accroître la complexité d'un impôt qui, dans notre pays, est déjà
insuffisamment complexe.
En outre, il faut savoir : soit on est pour la réduction de l'impôt, et on est
pour ; soit on est contre, et on est contre. Mais cette idée qui consiste à
dire « on est un peu pour et on plafonne » est, franchement, impossible à
mettre sérieusement en oeuvre.
Mais cela a dû vous échapper, et je pense qu'il serait raisonnable de retirer
ces amendements. A défaut, je demanderai au Sénat de les rejeter.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-59.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-137 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-138, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 6 de l'article 200 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 6. Sauf option du bénéficiaire pour l'imposition à l'impôt sur le revenu
suivant les règles applicables aux traitements et salaires, l'avantage
mentionné au I de l'article 163
bis
C est imposé au taux de 40 %.
« Ce taux est réduit à 30 % lorsque les titres acquis revêtent la forme
nominative et demeurent indisponibles, suivant les modalités fixées par décret,
pendant un délai au moins égal à deux ans à compter de la date d'achèvement de
la période mentionnée au premier alinéa du I de l'article 163
bis
C.
»
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
L'amendement n° I-138 participe de la réflexion que l'on peut mener sur la
nécessité de dégager, pour l'Etat, des ressources susceptibles de permettre la
compensation des moins-values fiscales que la révision à la baisse du taux de
croissance laisse craindre.
Dans ce cas précis, il s'agit d'accroître le niveau des prélèvements opérés
sur les gains nets réalisés dans le cadre des plans d'option d'achat d'actions,
plus communément appelés « stock-options ».
Nous ne reviendrons bien évidemment pas sur l'ensemble des données du débat
sur le sujet, mais vous me permettrez de souligner que les stock-options sont
clairement un moyen d'évasion fiscale autorisé dont ne bénéficient pleinement
que quelques cadres d'entreprise particulièrement bien rémunérés.
On nous a ici même maintes fois expliqué que ce dispositif visait à faciliter
la présence de ces cadres à la direction des entreprises, mais chacun sait
aussi que, dans de nombreux cas, la mise en place de tels dispositifs a permis
de faire habilement disparaître de l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de
celle des cotisations sociales des sommes importantes.
On sait aussi que, dans de nombreux cas, l'achat des options a été accompagné
d'un prêt accordé au cadre concerné pour supporter le coût de portage des
actions.
Chacun garde en mémoire la pathétique intervention de M. Messier, ancien PDG
de Vivendi, expliquant qu'il ne pouvait plus garder ses titres, n'ayant plus
les moyens de rembourser le prêt accordé par sa propre entreprise pour les
acquérir.
Quant à notre amendement, il vise deux objectifs fondamentaux.
Le premier est de rapprocher autant que faire se peut le traitement des
stock-options de celui des traitements et des salaires, dans le souci de
justice fiscale qui doit accompagner toute évolution de notre fiscalité.
Le relèvement du taux du prélèvement libératoire participe de cette
orientation en incitant le détenteur de stock-options à opter pour une
imposition banalisée.
Le second objectif est de faire en sorte que la rigueur de l'imposition ne
porte que sur les détenteurs des plus importants portefeuilles de titres.
Les gains faibles pourront aisément voir leur contribution allégée par
l'économie générale du barème progressif tandis que les opérations « juteuses »
seront plus lourdement imposées.
Enfin, la perception par l'Etat d'une ressource plus importante au titre du
prélèvement libératoire permettra de dégager quelques ressources
complémentaires si nécessaires pour répondre aux besoins sociaux des habitants
de notre pays.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, je vous invite donc
à adopter l'amendement n° I-138.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission n'est pas en phase avec cette
orientation, car elle est favorable à plus d'initiative et plus de
responsabilité.
Nous avons souvent évoqué la question de la fiscalité des options de
souscription ou d'achat d'actions. Il ne semble pas opportun de revenir sur un
régime qui a déjà été modifié à de nombreuses reprises dans un passé récent. Ce
ne serait certainement pas une bonne chose pour la dynamique de nos
entreprises.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué au budget.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-138.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Nous en arrivons aux amendements n°s I-43, I-121 et I-207, qui peuvent faire
l'objet d'une discussion commune.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous voudrions trouver une rédaction de nature à
résoudre les questions bien spécifiques posées par ces amendements de façon à
ne pas être en contradiction avec l'orientation qui a été prise l'année
dernière par la commission des finances visant à éviter la confusion entre les
élus bénévoles des associations et leurs salariés normalement rémunérés.
La situation a été rendue plus difficile par la loi de finances pour 2002, car
le gouvernement de l'époque, en voulant l'assouplir, l'a durcie de façon tout à
fait paradoxale. Il serait donc souhaitable que la commission des finances
dispose du temps nécessaire pour trouver une solution.
C'est pourquoi la commission des finances demande la réserve de ces trois
amendements jusqu'au lundi 25 novembre 2002, à la reprise de la séance de
l'après-midi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
Cette solution me semble judicieuse, mes chers collègues, car, en voulant
légiférer trop vite, nous risquons de nous tromper d'objectif.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'article 200
sexies
du code général des impôts est ainsi
modifié :
« 1° Les montants figurant dans l'article sont remplacés par les montants
suivants :
ANCIENS montants |
NOUVEAUX montants |
|
---|---|---|
. | 11 772 |
11 972
|
Au A du I | 23 544 |
23 944 |
. | 3 253 | 3 308 |
Au 1° du B du I. au 3° du A du II et au B du II | 3 187 | 3 265 |
Au 1° du A du II | 10 623 | 10 882 |
Aux 1° et 2° du B du I. aux 1° et 3° ( a et b ) du A du II et au C du II | 14 872 | 15 235 |
Au 3° ( b et c ) du A du II | 21 246 | 21 764 |
Aux 1° et 2° du B du I. au 3° ( c ) du A du II et au C du II | 22 654 | 23 207 |
Au 3° ( a et b ) du A du II | 78 | 79 |
Au B du II | 62 | 64 |
Au B du II | 31 | 32 |
Au IV | 25 | 25 |
« 2° Le 2° du A du II est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
Lorsque ces coefficients sont supérieurs ou égaux à 2, le montant de la prime ainsi obtenu est majoré de 45 %.
« Lorsque ces coefficients sont inférieurs à 2 et supérieurs à 1, le montant résultant des dispositions du premier alinéa est multiplié par un coefficient égal à 0,55. La prime est égale au produit ainsi obtenu, majoré de 45 % du montant de la prime calculé dans les conditions prévues au 1° ; ».
L'amendement n° I-61, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« A. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ... A la première phrase du 1° du A du II, le taux : "4,4 % » est remplacé par le taux : "6,6 %" et au deuxième alinéa du 1° du A du II, le taux : "11 %" est remplacé par le taux : "16,5 %".
« B. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
« II. - La modification des taux mentionnés au 1° du A de II de l'article 200 sexies du code général des impôts prévue ci-dessus n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
« III. - La perte de recettes résultant de la modification des taux mentionnés au 1° du A du II de l'article 200 sexies du code général des impôts prévue ci-dessus est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
« C. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :
« I. - »
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret. Nous avons évoqué hier, au cours de la discussion générale, les choix opérés par le Gouvernement, peu favorables selon nous à la consommation populaire.
Outre les investissements, pour conjurer la pression que représentent la stagnation et les difficultés de l'économie mondiale, nous préconisons une mesure qui vise à améliorer la situation de notre économie par le soutien de la consommation populaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission trouve que nos collègues du groupe socialiste sont d'humeur bien généreuse, en un temps où les marges de manoeuvre budgétaires sont singulièrement faibles.
A son grand regret vis-à-vis des bénéficiaires éventuels de cette mesure, la commission s'est résolue à émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je souhaite donner à Jean-Pierre Masseret, avec les explications que je vais lui apporter, l'occasion de retirer son amendement.
Il faut que nos compatriotes le sachent : pour le Gouvernement, la prime pour l'emploi est non pas une mesure supplémentaire d'assistance mais, bien au contraire, une incitation au retour à l'activité. C'est d'ailleurs ce qui a conduit le Gouvernement à modifier le dispositif.
Il convenait de favoriser par un juste encouragement le retour à l'activité de ceux qui travaillent à temps partiel. Or, dans la configuration initiale de la prime pour l'emploi, que je ne critique pas pour autant, il leur était appliqué un dispositif extrêmement compliqué qui méritait d'être revu.
Toutefois, je suis convaincu que ce dernier n'est pas encore parfait, il reste extraordinairement compliqué. J'en veux pour preuve les témoignages que j'ai reçus en me rendant dans les recettes des impôts. Dans l'une d'elles, j'ai été frappé de constater que 40 % du temps de travail des agents était consacré à la gestion de la prime pour l'emploi !
Nous devons être prudents. Nous essayons d'améliorer l'outil, mais je ne crois pas qu'il soit souhaitable de le modifier à nouveau. C'est ce qui me conduit à vous proposer, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement. A défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Masseret, l'amendement n° I-61 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Masseret. Je le maintiens, monsieur le président. Je partage le jugement d'Alain Lambert sur la complexité du système, que personne ne peut contester.
Chacun s'en souvient, la prime pour l'emploi a été créée au bénéfice des Français qui n'étaient pas assujettis à l'impôt sur le revenu et qui, par conséquent, ne pouvaient pas bénéficier des mesures de réduction fiscale.
Le projet de loi de finances pour 2003 comporte une disposition incitative à la reprise même partielle du travail sur laquelle nous ne sommes pas en désaccord.
Néanmoins, nous considérons que la prime pour l'emploi est une mesure de distribution de pouvoir d'achat qui est intégralement consacrée à la consommation courante. C'est une mesure qui soutient la croissance et qui permet en outre à l'Etat de percevoir de la TVA.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-61.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
M. le président.
L'amendement n° I-1, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin du 11 de l'article 150-0 D du code général des impôts, les
mots : "cinq années suivantes" sont remplacés par les mots : "dix années
suivantes".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission des finances a adopté quatre
amendements dans le domaine de la fiscalité de l'épargne.
Avec votre autorisation, monsieur le président, ces mesures ayant une
cohérence interne, je les défendrai globalement.
M. le président.
J'appelle donc également l'amendement n° I-2, qui est en discussion commune
avec l'amendement n° I-140, et les amendements n°s I-3 et I-4.
L'amendement n° I-2, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin du premier alinéa de l'article 150-0 A du code général des
impôts, le montant : "7 650 EUR" est remplacé par le montant : "15 000 EUR".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-140, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa du 1 du I de l'article 150-0 A du code général des
impôts, le montant : "7 650 EUR" est remplacé par le montant : "5 000 EUR".
»
L'amendement n° I-3, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa du 6° du 3. de l'article 158 du code général des
impôts est supprimé.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-4, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 1er de la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 relative au
plan d'épargne en actions, il est inséré un article 1er
bis
ainsi rédigé
:
«
Art. 1er
bis. - A titre exceptionnel, tout titulaire d'un plan peut
effectuer, du 1er janvier 2003 au 30 juin 2003, un versement dans la limite
d'un montant égal à la différence positive, si elle existe, entre le plafond de
120 000 euros et la valeur liquidative ou la valeur de rachat du plan appréciée
au 1er janvier 2003. Les dispositions du 1 de l'article 4 ne s'appliquent pas
au présent article. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le souci de la commission est de délivrer un message
à l'actionnariat individuel. La situation des marchés financiers est
particulièrement difficile et de nombreux épargnants, petits et moyens, ont
accusé des moins-values très importantes au sein de leur portefeuille. Il est
équitable, nous semble-t-il, de tenir compte de ces situations, sans pour
autant fausser l'organisation des marchés.
Nous voudrions délivrer un message de confiance, et ce grâce à quelques
mesures d'ordre technique.
La première vise à répartir les pertes constatées sur une période de temps
suffisante. A l'heure actuelle, des moins-values boursières peuvent être
compensées par des plus-values futures de même nature pendant une durée de cinq
ans. Nous souhaitons que ce délai soit porté à dix ans.
Ainsi, un « lissage » interviendrait. L'épargnant serait encouragé à constater
sa moins-value, à redéployer ses actifs, tout en restant en bourse puisque les
pertes ainsi dégagées viendraient s'imputer sur les plus-values futures à
escompter pendant une période de dix ans.
Comprenons bien que la moins-value n'offre un bénéfice fiscal que si
l'épargnant réinvestit sur les marchés d'action et que s'il réalise ensuite, en
fonction de l'évolution desdits marchés, des plus-values. C'est un dispositif
optimiste, propre à inciter les épargnants à repartir de l'avant.
Tel est l'objet de l'amendement n° I-1.
L'amendement n° I-2 vise à restituer le seuil de cession de valeurs mobilières
au-delà duquel s'applique la taxation des plus-values au niveau qui était
encore récemment le sien, c'est-à-dire 15 000 euros ou 100 000 francs, sachant
que la réduction à 50 000 francs a été réalisée par une ordonnance du 19
septembre 2000.
Bien entendu, il est possible de débattre sur le point de savoir si le bon
seuil doit être exprimé en valeur de cessions ou en plus-values.
Dans la situation actuelle des marchés, par souci de réalisme, ne modifions
pas les notions qui existent, doublons le seuil de cession. Ainsi, nous pouvons
espérer que ce signal supplémentaire jouera son rôle pour la reprise des
placements, ira dans le sens de la dynamique du marché, et sera perçu comme un
élément favorable par l'actionnariat individuel.
L'amendement n° I-3, mes chers collègues, vise à revenir sur un dispositif de
nature véritablement discriminatoire de la loi de finances pour 2001, adopté
bien sûr contre l'avis du Sénat. Ce dispositif exclut certains contribuables,
en raison de leurs revenus, du bénéfice de l'abattement annuel sur les
dividendes, qui est de 1 220 euros pour les célibataires et de 2 440 euros pour
les personnes mariées.
Nous considérons que cet abattement - en fait, sur certains revenus mobiliers
- a vocation à accompagner les opérations dont il s'agit et que l'on ne doit
pas établir « une double progressivité » de l'impôt. L'échelle progressive de
l'impôt sur le revenu est, pour certains contribuables, une pénalisation
supplémentaire. Ce dispositif, je le répète, nous a toujours semblé
discriminatoire et inéquitable.
Dans l'intérêt des marchés d'action, dès lors que les investisseurs ont des
incertitudes - on peut le comprendre -, un tel dispositif apparaît encore plus
critiquable. Il est vraiment peu propice au retour des actionnaires individuels
sur les marchés.
N'oublions pas que le paramètre des dividendes d'un placement en actions est
d'autant plus important que la volatilité des cours est grande. Juste
rémunération d'un placement à risques, le dividende mérite un traitement fiscal
neutre, quel que soit le niveau de revenu du détenteur de l'action.
L'amendement n° I-4 est relatif au régime fiscal du plan d'épargne en
actions.
Comme vous le savez, il s'agit d'un dispositif attractif, puisque, au-delà de
cinq ans, aucune fiscalité sur les plus-values et les dividendes ne s'applique
aux gains réalisés. Investir dans un PEA, c'est un signe de confiance qui
témoigne de l'espérance de gains futurs qui se trouveront ainsi
défiscalisés.
En période de crise, on peut considérer que le PEA se retourne, jusqu'à un
certain point, contre les intérêts de l'investisseur. Il ne bénéficie d'aucun
avantage fiscal, en raison de l'absence de plus-values et de la probabilité de
moins-values. En outre, il lui faut tenir jusqu'à ce que la situation du marché
s'améliore.
Un effet pervers est observé, monsieur le ministre, pour les détenteurs de PEA
ayant atteint le plafond de versement, qui est actuellement de 120 000 euros.
Ils sont dans une situation paradoxale : ils peuvent avoir subi des
moins-values de grande ampleur, mais ne peuvent pas compléter leur plan jusqu'à
la limite légale de 120 000 euros, puisqu'ils sont réputés avoir déjà saturé la
capacité fiscale du plan.
L'amendement que la commission des finances a conçu vise donc à permettre
d'opérer de nouveaux versements sous le régime fiscal favorable du PEA afin de
reconstituer l'encaisse de 120 000 euros.
Il s'agirait d'un versement exceptionnel, lié à la situation actuelle des
marchés, susceptible d'être fait dans le courant du premier semestre 2003. Il
serait plafonné, comme je l'indiquais, à un montant égal à la différence entre
le plafond de 120 000 euros et l'évaluation, valeur liquidative ou valeur de
rachat, du plan apprécié au 1er janvier 2003.
Ces quelques dispositions nous ont semblé de nature à améliorer, de façon
marginale mais psychologiquement significative, notre fiscalité de l'épargne et
donc à délivrer un signal d'optimisme et de confiance à ces actionnaires
individuels dont nous aurons, mes chers collègues, toujours besoin.
Reprendre des opérations de privatisation lorsque la situation des marchés le
permettra, inciter, comme le voudrait notre collègue Bernard Joly, à la
constitution de régimes surcomplémentaires par capitalisation ou tout
simplement - et Jean Chérioux, par exemple, y sera sensible - faire de nouveau
appel à l'actionnariat des salariés au sein des entreprises, tout cela suppose
que l'esprit de l'actionnariat ne souffre pas trop de la crise et puisse se
réveiller dès que les augures des marchés financiers seront plus favorables.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-140.
M. Thierry Foucaud.
L'amendement n° I-140 a trait à la question fondamentale de l'évolution de
l'impôt sur le revenu dans les années à venir.
Contrairement à M. le rapporteur général - mais est-ce bien surprenant ? -,
nous proposons de réduire le plafond d'exonération des plus-values de cession
d'actifs.
Cet amendement me permet de dénoncer une fois de plus l'injustice de
propositions fiscales d'inspiration purement idéologique.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Libérale !
M. Thierry Foucaud.
Ce plafond est, de surcroît, associé à un taux de prélèvement libératoire fort
différent du taux marginal moyen d'imposition sur le revenu et il constitue
donc un élément essentiel de la dépense fiscale liée à la mise en oeuvre de
l'impôt sur le revenu.
Nous sommes donc partisans d'une réduction de ce plafond et nous proposons que
la première étape de ce processus nous conduise, dès 2003, à définir un plafond
d'exonération de 5 000 euros, tout en se plaçant dans la perspective de sa
disparition pure et simple.
Plusieurs motivations nous animent. La moindre n'est pas d'étendre, autant que
faire se peut, l'assiette de l'impôt sur le revenu, car c'est la condition
impérative de toute réforme digne de ce nom.
Notre deuxième motivation est de placer cette disparition progressive du
plafond dans le cadre plus général d'une réduction des taux d'imposition, afin
de rendre moins pertinent le recours aux dispositifs dérogatoires, dont
l'article 150-0 A du code général des impôts est l'un des exemples les plus
connus.
Troisième motivation, nous ne croyons pas aux vertus de la valorisation des
investissements financiers par le développement de l'incitation fiscale pour
compenser une éventuelle crise de rentabilité de ces mêmes investissements.
Pour l'ensemble de ces motifs, nous vous invitons à adopter l'amendement n°
I-140, mes chers collègues.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-140 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission ne peut être favorable à l'amendement
n° I-140 puisqu'il va dans le sens exactement inverse de son amendement n°
I-2.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
L'auteur du rapport sénatorial qui avait pour titre
De l'importance de l'épargne et du danger de la mal aimer
a écouté vos
paroles, monsieur le rapporteur général, avec beaucoup d'intérêt.
Vous avez raison, la situation actuelle des marchés nous invite à délivrer aux
épargnants un message d'encouragement et de confiance. Leur donner de la
visibilité, c'est sans doute contribuer à rendre les marchés moins volatiles,
et donc à accroître la sécurité de tous.
Le Gouvernement est donc tout à fait favorable à l'esprit de vos amendements,
sous réserve de quelques modifications.
L'amendement n° I-1 permettrait aux épargnants qui subissent des moins-values
d'imputer celles-ci sur une période de dix ans, au lieu de cinq actuellement,
ce qui irait dans le sens de la visibilité dont je parlais il y a un
instant.
S'il n'y a pas de désaccord de principe entre nous, il me semble que la
rédaction de votre amendement mériterait d'être modifiée pour préciser la date
d'entrée en vigueur.
En effet, prolonger de cinq ans le bénéfice des dispositions du 11 de
l'article 150-0 D du code général des impôts à des moins-values réalisées dans
le passé nous éloignerait de notre objectif, qui est de donner de la lisibilité
à l'investisseur d'aujourd'hui. Par conséquent, si vous acceptiez de reformuler
votre amendement afin que seules les moins-values subies à compter du 1er
janvier 2002 soient visées, je serais prêt à l'accepter.
L'amendement n° I-2, qui vise à augmenter le seuil d'imposition des cessions
des valeurs mobilières, permettrait de simplifier les obligations
administratives des nombreux contribuables qui ne dépasseront pas le nouveau
seuil puisqu'ils ne seront, par conséquent, plus soumis à déclaration.
Il s'agit donc d'une mesure forte, à laquelle je souscris et que je vous
remercie d'avoir proposée, car elle s'inscrit dans la démarche du
Gouvernement.
Permettez-moi toutefois d'attirer cette fois encore votre attention sur les
conditions de l'entrée en vigueur de cette mesure. Vous proposez en effet
d'appliquer déjà le relèvement du seuil aux revenus de 2002, ce qui pose deux
problèmes : un problème d'ordre budgétaire d'abord, puisque la mesure aurait un
coût de 30 millions d'euros ; un problème d'ordre pratique ensuite, puisque les
épargnants qui disposent d'un portefeuille de moyenne importance ne pourraient
pas constater utilement leurs moins-values dans la mesure où ils ne
dépasseraient plus, au cours de l'année 2002, le nouveau seuil de cession.
Le Gouvernement n'est donc pas défavorable par principe, bien au contraire, à
votre proposition, mais, pour l'accepter, il vous demande de revoir les
modalités de son entrée en vigueur de façon à éviter les inconvénients que je
viens de décrire.
L'amendement n° I-3 est relatif à la suppression de la condition de revenus
pour l'abattement prévu au 3 de l'article 158 du code général des impôts. Le
Gouvernement partage votre point de vue, monsieur le rapporteur général.
Cependant, une telle suppression induirait un coût immédiat important - 78
millions d'euros -, et nous ne pouvons donc pas, dans le contexte budgétaire
actuel, supporter une suppression brutale.
Aussi, puis-je vous suggérer de réfléchir à des modalités qui prendraient en
compte l'ensemble des paramètres et vous inviter à rectifier votre amendement,
que je pourrais peut-être alors accepter ?
L'amendement n° I-4 vise à permettre aux titulaires de PEA de réinvestir sans
pénalité fiscale pour effacer les pertes qu'ils ont subies.
La mesure concernerait les seuls investisseurs ayant saturé le plafond de
versement sur leur PEA, alors même que tous les détenteurs de PEA ont subi les
effets de la baisse du cours des actions. Elle pose donc un problème d'équité,
voire un problème d'ordre constitutionnel au regard de l'égalité devant
l'impôt.
Le dispositif a en outre vocation à n'être que temporaire, et il risque d'être
d'une complexité considérable, notamment pour les PEA dans lesquels figurent
des titres non cotés. Il pourrait également entraîner d'importantes lourdeurs
de gestion et pour les établissements financiers et pour l'administration qui
les contrôle, c'est-à-dire la nôtre.
Je crains donc que sa grande complexité, notamment lorsqu'il s'agira d'évaluer
la valeur du PEA, ne rende dans certains cas la mesure que vous proposez
inopérante.
Enfin, la mesure ne permet pas, de par son mécanisme, de prendre en compte
d'éventuels retournements favorables ultérieurs des marchés. La baisse de
valeur du PEA peut en effet résulter de simples pertes latentes et non pas des
pertes réalisées.
Sur ce point aussi, je ne veux pas qu'il y ait d'ambiguïté entre nous,
monsieur le rapporteur général. Les signaux que vous voulez délivrer ont tout à
fait la faveur du Gouvernement. Je suis donc favorable à l'orientation que vous
souhaitez donner en proposant une mesure en faveur des titulaires de PEA et je
serais prêt à accepter une mesure en ce sens, sous réserve que nous trouvions
ensemble un mécanisme plus simple pour répondre à votre objectif.
Enfin, en ce qui concerne l'amendement n° I-140, je veux éviter à M. Foucaud
d'aboutir, si le Sénat le suivait, à un résultat tout à fait contraire à son
souhait, car abaisser à 5 000 euros le seuil d'exonération prévu au 1 du I de
l'article 150-0 A du code général des impôts n'aurait d'autre effet que de
rendre imposables les petits porteurs qui ne se livrent qu'occasionnellement à
des cessions de valeurs mobilières pour des montants modérés.
Je le mets donc en garde et je l'invite à retirer son amendement. A défaut,
l'avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président.
Mes chers collègues, il me paraît plus sage que le Sénat interrompe ses
travaux quelques instants pour permettre à M. le rapporteur général d'examiner
les propositions de rectification de M. le ministre délégué.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures
trente-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Grâce à l'interruption de séance que vous avez eu la
sagesse de proposer, monsieur le président, j'ai pu apporter quelques
rectifications à nos quatre amendements en discussion.
Concernant l'amendement n° I-1, je suggère d'ajouter un paragraphe II ainsi
rédigé : « Ces dispositions s'appliquent aux moins-values subies à compter du
1er janvier 2002. » Elles seront donc applicables aux portefeuilles qui ont été
les plus atteints au cours de la présente année.
S'agissant de l'amendement n° I-2, pour aller dans le sens des souhaits de M.
le ministre, je suggère d'ajouter un paragraphe II ainsi rédigé : « Les
dispositions du I » - donc le seuil de 15 000 euros - « s'appliquent pour
l'imposition des revenus des années 2003 et suivantes. »
Pour ce qui est de l'amendement n° I-3, M. le ministre, semble-t-il, ne peut
pas faire toute la distance en une année. Je vais donc lui suggérer une formule
progressive, qui se traduirait ainsi :
« I. - A la première phrase du onzième alinéa du 3 de l'article 158 du code
général des impôts, les mots : " n'est pas opéré " sont remplacés par les mots
: " est réduit de moitié pour l'imposition des revenus de l'année 2002 ". »
Suivrait un paragraphe II ainsi rédigé : « Le onzième alinéa du 3 de l'article
158 du code général des impôts est supprimé pour l'imposition des revenus de
l'année 2003 et des années suivantes. »
Enfin, en ce qui concerne l'amendement n° I-4, j'ai tâché de réfléchir aux
objections émises par M. le ministre.
J'admets que le système incitatif dont nous proposions la mise en place peut
se heurter à l'objection de complexité. Pour tenir compte de cette objection,
et pour toucher un public sans doute encore plus large, nous pourrions
envisager, comme M. le ministre nous y invite, une remontée pure et simple du
plafond du PEA de 120 000 euros à 132 000 euros.
M. le président.
Je suis donc saisi de quatre amendements rectifiés, présentés par M. Philippe
Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-1 rectifié est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au 11 de l'article 150-0 D du code général des impôts, les mots : "cinq
années suivantes" sont remplacés par les mots : "dix années suivantes".
« II. - Ces dispositions s'appliquent aux moins-values subies à compter du 1er
janvier 2002.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-2 rectifié est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin du premier alinéa de l'article 150-0 A du code général des
impôts, le montant : "7 650 euros" est remplacé par le montant : "15 000
euros".
« II. - Les dispositions du I s'appliquent pour l'imposition des revenus des
années 2003 et suivantes.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-3 rectifié est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la première phrase du onzième alinéa du 3. de l'article 158 du code
général des impôts, les mots : "n'est pas opéré" sont remplacés par les mots :
"est réduit de moitié pour l'imposition des revenus de l'année 2002".
« II. - Le onzième alinéa du 3. de l'article 158 du code général des impôts
est supprimé pour l'imposition des revenus de l'année 2003 et des années
suivantes.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-4 rectifié est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au dernier alinéa de l'article 1er de la loi n° 92-666 du 16 juillet
1992 relative au plan d'épargne en actions, le montant : "120 000 euros" est
remplacé par le montant : "132 000 euros".
« II. - Au troisième alinéa du I de l'article 163 quinquies D du code général
des impôts, le montant : "120 000 euros" et remplacé par le montant : "132 000
euros".
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 1er
janvier 2003.
« IV. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions ci-dessus
est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements rectifiés ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je veux d'abord souligner la coopération entre la
commission des finances et le Gouvernement et m'en féliciter, car les mesures
que propose M. le rapporteur général sont de nature, dans la situation actuelle
des marchés, à délivrer des messages d'encouragement et de confiance.
S'agissant des amendements n°s I-1 rectifié et I-2 rectifié, le Gouvernement
émet un avis favorable et - la commission y sera attentive -, il lève le
gage.
S'agissant de l'amendement n° I-3 rectifié, je vous remercie, monsieur le
rapporteur général, d'avoir rendu, en le répartissant sur deux années, l'effort
financièrement supportable. J'émets également un avis favorable et je lève le
gage.
S'agissant de l'amendement n° I-4 rectifié, la rédaction que vous avez retenue
est préférable à la précédente, car elle donne plus de visibilité aux
épargnants, qui obtiennent une juste contrepartie des pertes qu'ils ont subies
sur leur PEA. C'est pour eux une très bonne nouvelle. Le Gouvernement est donc
également favorable à l'amendement n° I-4 rectifié et il lève le gage.
M. le président.
Il s'agit donc des amendements n°s I-1 rectifié
bis,
I-2 rectifié
bis,
I-3 rectifié
bis
et I-4 rectifié
bis.
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, contre l'amendement n° I-1 rectifié
bis.
M. Jean-Pierre Masseret.
Mon intervention vaudra en fait pour les quatre amendements qui ont été
présentés par M. le rapporteur général, car ils relèvent d'une même
inspiration.
Hier, le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, a affirmé
que, au terme de l'examen par le Sénat de ce projet de budget, le déficit prévu
devrait avoir été réduit de 100 millions d'euros. Or si les quatre amendements
que j'ai évoqués sont adoptés, cela entraînera des dépenses supplémentaires,
puisque les gages ont été levés.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Exact !
M. Jean-Pierre Masseret.
J'aimerais donc savoir quels budgets ou quelles dispositions feront les frais
de cette aggravation du déficit, puisque c'est bien de cela dont il s'agit.
Sur le fond, j'ai entendu parler de la nécessité d'adresser des messages de
confiance, d'encouragement, de visibilité et de sécurité à une catégorie de
contribuables plutôt privilégiée. Nous avons donc affaire à un « mitage »
fiscal d'inspiration libérale, et l'on voit clairement selon quelles
orientations se dessine, par touches successives, le projet fiscal du
Gouvernement. C'est donc à bon droit que j'évoquais hier une gestion libérale
de l'économie de marché.
J'aimerais, pour ma part, que l'on adresse des messages de confiance,
d'encouragement, de visibilité et de sécurité à certaines catégories de
salariés qui sont souvent confrontées à des situations difficiles : je pense
ici aux employés de Bata, par exemple.
Il y a, en fait, deux poids, deux mesures. Certes, je comprends ce qu'est
l'économie de marché et j'y souscris ; je comprends également la nécessité de
créer des richesses et de tenir compte des risques qu'un certain nombre de nos
concitoyens prennent lorsqu'ils s'engagent dans l'action économique ou la
recherche ; mais une société, c'est un ensemble, monsieur Marini, elle ne peut
se résumer à une élite dont dépendrait le reste de la population !
Assurer la cohésion sociale, c'est en effet apporter un certain nombre
d'aides, et il est également vrai que la création de richesses résulte du génie
humain ; mais tous les hommes et toutes les femmes de ce pays doivent pouvoir
exprimer leurs talents et recevoir une rémunération ; eux aussi ont besoin de
sécurité, de lisibilité.
L'orientation libérale quelque peu systématique de la commission des finances
ne me paraît pas pertinente. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste
votera contre les quatre amendements qu'elle a déposés.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud.
L'amendement n° I-1 rectifié
bis
est pour le moins emblématique de la
position adoptée par M. le rapporteur général dans le débat qui nous occupe
depuis hier.
Nous savons tous que M. Marini est un défenseur indéfectible du libéralisme
économique. Nous en avons eu l'illustration voilà quelques instants, à
l'occasion de la discussion de l'article 2 et des amendements tendant à insérer
des articles additionnels après l'article 2, et nous le verrons encore,
probablement, lors du débat relatif à l'impôt de solidarité sur la fortune.
L'amendement n° I-1 rectifié
bis
prévoit ni plus ni moins, conformément
au canon du libéralisme intégral
(M. le rapporteur général sourit),
de
permettre aux actionnaires et aux boursicoteurs, que l'on appelle le plus
souvent ici, de façon plus pudique et positive, « épargnants », d'imputer sur
l'imposition des plus-values retirées de la cession d'actifs les éventuelles
moins-values résultant de quelques aventures boursières ou financières
infructueuses. On propose donc, en quelque sorte, de couvrir le risque privé
par les deniers publics !
Une telle orientation, fort coûteuse pour l'Etat, puisque les plus-values
bénéficient déjà d'un taux d'imposition favorable, dérogatoire au droit commun,
en particulier au barème progressif, tend à faire supporter par la majorité des
contribuables les conséquences des mésaventures des six millions d'actionnaires
de notre pays. Même si l'actualité boursière récente est marquée par la chute
du CAC 40, par la destruction de valeurs, par la remise en question de la
rentabilité des investissements boursiers, est-ce aux autres contribuables,
celles et ceux qui acquittent tous les jours la TVA sur les biens de
consommation qu'ils achètent, celles et ceux dont les salaires sont assujettis
à la CSG et au barème progressif, de payer la facture ? De plus, les
dévalorisations boursières motivent parfois aussi les licenciements et les
plans sociaux, dont ils sont les premiers à supporter les conséquences.
Cet amendement de la commission des finances ayant quelque chose d'indécent,
nous ne pouvons que proposer au Sénat de le rejeter purement et simplement, par
le biais d'un scrutin public.
M. le président.
La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote.
M. Yves Fréville.
Je m'exprimerai sur l'ensemble des amendements en discussion.
Une différence de philosophie sépare la majorité de l'opposition. Tient-elle
au fait que certains d'entre nous seraient des partisans acharnés du
libéralisme ? Tel n'est pas le problème.
Le problème est de définir le statut fiscal de l'épargne. Pour notre part,
nous sommes opposés à une double taxation de l'épargne, un premier prélèvement
intervenant lors de la constitution du revenu épargné, un second lors de la
perception des intérêts. A cet égard, toutes les mesures proposées par la
commission, que je ne détaillerai pas, vont dans le même sens.
Par ailleurs, nous souhaitons avantager l'épargne dont les détenteurs prennent
des risques. Je m'étonne, à ce propos, que nos collègues socialistes ou
communistes ne suggèrent jamais de modifier la taxation des obligations, qui
sont soumises à des prélèvements libératoires. Certes, je sais très bien que,
dans le passé, en raison de l'alourdissement de la dette de l'Etat, c'est en
partie pour favoriser le placement de ces obligations que nous avons été
obligés d'octroyer à leurs souscripteurs cet avantage considérable que
représentent les prélèvements libératoires ; mais il n'y a, à mon sens, aucune
raison de ne pas avantager également les personnes qui prennent des risques en
achetant des actions
Telles sont les deux raisons philosophiques qui m'inciteront à voter les
excellents amendements de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux.
Je tiens à exprimer ma tristesse devant la désinvolture avec laquelle notre
collègue communiste aborde ces problèmes.
(M. Thierry Foucaud
s'exclame.)
Il a parlé de « boursicoteurs » ! Les actionnaires salariés qui
ont perdu de l'argent pour avoir investi dans leur entreprise, parce qu'ils
croyaient en elle et qu'ils voulaient contribuer à son développement, vous
remercieront, mon cher collègue !
Vous n'avez aucune notion du financement des entreprises ! Vous n'avez aucune
idée de l'utilité d'un marché boursier ! Comment voulez-vous financer les
entreprises sans recourir au marché boursier ? La désinvolture avec laquelle
vous vous permettez de parler de problèmes que vous ne connaissez pas est
attristante, et aussi inquiétante lorsque l'on songe que vos amis participent
quelquefois à l'exercice du pouvoir !
MM. Jean Arthuis,
président de la commission,
et Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Thierry Foucaud.
Ce sont vos propos qui sont inquiétants !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-1 rectifié
bis.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 197 |
Contre | 118 |
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 53.
Je mets aux voix l'amendement n° I-2 rectifié bis .
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3, et l'amendement n° I-140 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° I-3 rectifié bis .
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Je mets aux voix l'amendement n° I-4 rectifié bis .
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
L'amendement n° I-103, présenté par M. Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« Après la deuxième phrase du troisième alinéa du g du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, il est inséré deux phrases rédigées comme suit :
« La déduction bénéficie également au propriétaire qui prend l'engagement de donner à bail le logement à une personne morale qui le loue, dans les conditions de ladite option à titre d'habitation principale à une personne ayant la qualité d'étudiant. Pour ces logements, si la remise de l'avantage fiscal du bénéficiaire est imputable à la personne morale exploitante, la reprise de la déduction au titre de l'amortissement incombe à cette dernière. »
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin. Le statut du bailleur privé conventionné, dit amortissement « Besson », interdit au propriétaire qui donne à bail un logement à une société d'exploitation chargée de le louer à des étudiants de bénéficier de la déduction au titre de l'amortissement des revenus fonciers prévue par ce régime.
Compte tenu des besoins en matière de logement de la population étudiante, il paraît souhaitable d'encourager la réalisation de résidences permettant de répondre à ses demandes et, à cet effet, d'étendre de façon limitée et spécifique le champ d'application de l'amortissement prévu par le régime en cause.
En outre, en cas de remise en cause de l'avantage fiscal accordé au bénéficiaire du fait du non-respect de l'un quelconque de ses engagements imputable à la personne morale exploitante, la reprise de la déduction au titre de l'amortissement incombe à cette dernière.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont souhaité élargir, sous plusieurs aspects, le champ d'application du régime dit « Besson ». Au demeurant, l'évolution est telle que je pense que l'on pourrait parler du régime « Lambert-Besson » ou « Besson-Lambert » ! (Sourires.)
Au titre de ce régime, on accepte désormais, dans le secteur du logement neuf, la location aux ascendants et descendants. Par ailleurs, la commission des finances présentera bientôt un amendement prévoyant que, pour le patrimoine immobilier ancien, les mêmes possibilités de location aux ascendants et descendants seront ouvertes s'il s'agit d'un bien acquis pour être donné en location. Au regard de la situation tendue que connaissent actuellement nos finances publiques, il est peut-être difficile d'aller très au-delà de ces quelques progrès. Notre collègue Jacques Oudin, qui partage bien sûr les orientations que je viens d'exposer, voudrait ouvrir davantage le champ d'application du régime fiscal du logement locatif privé, au bénéfice des propriétaires donnant à bail des logements pour étudiants. En effet, le logement étudiant n'est pas encore suffisamment développé dans toutes les villes, et la mesure proposée est donc assurément intéressante. Si la situation actuelle des finances publiques était moins contraignante, la commission serait d'ailleurs heureuse de s'associer à l'initiative de M. Oudin.
Cela étant, avant de solliciter le retrait de l'amendement, nous souhaiterions connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur Oudin, le dispositif que vous proposez d'instaurer n'est pas adapté au régime communément dénommé « Besson », dont l'application est subordonnée, comme vous le savez, à des niveaux de loyer et de revenu du locataire, une relation directe entre le propriétaire et le locataire est nécessaire, sinon le premier ne pourra pas justifier du respect des conditions.
Si elle était adoptée, votre proposition, monsieur le sénateur, aboutirait à rendre la situation encore plus complexe pour l'administration et pour le contribuable, et à aggraver l'insécurité juridique pour ce dernier. Or M. le président de la commission des finances a prononcé tout à l'heure une déclaration d'ordre général sur la complexité de notre législation fiscale, et il ne s'agit donc pas d'en rajouter à cet égard.
Cependant, je puis, pour vous rassurer, vous confirmer que la location d'un logement situé dans une résidence pour étudiants qui est consentie directement à un étudiant ne fait pas obstacle à l'octroi de l'avantage fiscal, même si le locataire bénéficie, parallèlement, de la prestation de nature hôtelière de la part de la société de gestion de la résidence. Cela tend donc à répondre à vos préoccupation, ce qui me conduit à penser que vous pourriez retirer votre amendement. A défaut, je serai obligé d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement n° I-103 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Je comprends tout à fait les arguments formulés tant par M. le rapporteur général que par M. le ministre.
Cependant, on peut élargir la réflexion en se demandant s'il est souhaitable de réaliser de très grandes résidences pour étudiants. J'ai connu dans le passé les CROUS, les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires : leur gestion coûte effroyablement cher à la collectivité nationale.
En revanche, même si l'on accorde un avantage fiscal, des logements étudiants dispersés se révéleraient peut-être, à terme, plus économiques.
On peut établir la même comparaison entre les crèches et le recours aux assistantes maternelles : construire des crèches est bien et parfois nécessaire, mais confier la garde des enfants à des assistantes maternelles coûte très nettement moins cher.
Lorsque la loi organique du 1er août 2001 sera entrée en vigueur, on pourra faire des comparaisons intéressantes. Quoi qu'il en soit, même si les arguments qui ont été avancés ne m'ont pas persuadé, je fais confiance à leurs auteurs, et je retire mon amendement.
M. Jean Artuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci beaucoup !
M. le président. L'amendement n° I-103 est retiré.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Au troisième alinéa du 1° de l'article 199
sexdecies
du
code général des impôts, la somme : "6 900 EUR" est remplacé par les mots : "7
400 EUR et de 10 000 EUR pour les dépenses engagées à compter du 1er janvier
2003". »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-62 est présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° I-141 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant
et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° I-122, présenté par MM. Chérioux, Bizet et P. Blanc, Mme Bout,
MM. Braye, César, Del Picchia, Doublet, Dubrule, Fournier, Gournac, Leroy,
Murat et Natali, Mme Olin, MM. de Richemont, Rispat, Schosteck, Trillard et
Vasselle, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la fin de cet article : "... est remplacée par la somme
de 10 000 EUR". »
L'amendement n° I-142, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« A la fin de cet article, supprimer les mots : "et de 10 000 EUR pour les
dépenses engagées à compter du 1er janvier 2003". »
L'amendement n° I-63, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste, est ainsi libellé :
« A. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Après la première phrase du même alinéa, il est inséré une phrase
ainsi rédigée : "Ce plafond est limité à 6 900 euros pour les contribuables
dont le revenu au sens de l'article 197 du code général des impôts excède 47
131 euros." ; »
« B. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la
mention : "I. -". »
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour défendre l'amendement n°
I-62.
M. Jean-Pierre Masseret.
Par cet amendement, le groupe socialiste propose de supprimer cet article.
L'octroi d'une réduction d'impôt pour favoriser les emplois à domicile est
plutôt une bonne mesure. Elle permet de sortir les emplois concernés de la
clandestinité. Elle leur donne un statut officiel : il s'agit de vrais emplois.
Ces emplois sont utiles. Cependant, la mesure fiscale doit être calibrée et
organisée autour de la notion d'équité fiscale. Or ce n'est pas le cas de cet
article 4, qui représente, par ailleurs, un fantastique effet d'aubaine
puisqu'il concerne également les revenus de 2002 déclarables en 2003.
Cet article nous est présenté comme devant favoriser l'emploi. Or ce n'est pas
vrai, puisqu'il s'appliquera à des revenus de 2002, qui n'ont donc pas donné le
résultat escompté. Aussi, nous nous opposons à l'adoption de cet article.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais défendre également dès
à présent l'amendement n° I-63. Il s'agit d'un amendement de repli, qui vise à
réduire le plafond de la réduction d'impôt pour les contribuables qui sont
imposés au titre de la dernière tranche du barème de l'impôt sur le revenu.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-141.
M. Thierry Foucaud.
Ce débat sur la majoration du plafond de dépenses éligibles au titre de la
réduction d'impôt pour l'emploi de salariés à domicile est déjà relativement
ancien. En effet, la majorité parlementaire actuelle avait sensiblement relevé
ce plafond dans la loi de finances pour 1996, au motif que la réduction d'impôt
concernée était porteuse de création d'emplois ou, plutôt, de limitation du
recours au travail non déclaré, argument que nous avons encore entendu voilà
quelques instants.
Pour ce qui nous concerne, nous demeurons convaincus du caractère profondément
inégalitaire de la disposition visée par l'article 4. Pour voir un lien entre
la disposition qui nous est proposée et la réalité sociologique des familles
concernées par la pleine application de la mesure, il n'y a qu'un pas, que nous
faisons sans trop d'hésitation. En effet, par sa consistance, par le montant
des dépenses prises en compte, la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié
à domicile s'adresse directement aux contribuables les plus aisés.
Prenons un exemple pour bien mesurer les choses : une base de réduction
d'impôt de 7 400 euros, c'est-à-dire une baisse de la cotisation de 3 700
euros, ne concerne pas le commun des contribuables puisque la cotisation
moyenne de l'impôt sur le revenu est inférieure à 3 000 euros et qu'un grand
nombre de contribuables acquittent une cotisation inférieure à 1 500 euros.
C'est donc bel et bien un article d'évasion fiscale organisée qui nous est
proposé avec cet article 4 du projet de loi de finances.
Enfin, j'évoquerai un dernier point pour ceux qui seraient tentés de
justifier, plus ou moins, la pertinence de la mesure par le fait qu'elle
prendrait en compte les besoins de contribuables âgés, en situation de
dépendance, par exemple. Ce que prévoit l'article, c'est un relèvement du
plafond des dépenses éligibles, et la mesure n'a finalement de portée que pour
les contribuables acquittant au moins 3 450 euros de cotisations d'impôt, et
non pas pour ceux qui sont d'ores et déjà en situation d'être non
imposables.
Pour mémoire, je rappelle que, pour un contribuable célibataire, une
cotisation d'impôt de 3 450 euros correspond à un revenu net imposable de plus
de 21 000 euros, c'est-à-dire environ 30 000 euros de revenu brut imposable.
Dois-je rappeler qu'il s'agit de montants supérieurs de 50 % au revenu moyen
imposable en France ? Ne serait-ce que pour ces raisons, nous vous demandons,
mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux, pour présenter l'amendement n° I-122.
M. Jean Chérioux.
Cet amendement vise à modifier la disposition telle qu'elle a été adoptée par
l'Assemblée nationale, en revenant au plafond de 10 000 euros.
Nous avons entendu, voilà quelques instants, nos deux collègues de gauche. Je
l'avoue, j'ai été un peu étonné, surtout par les propos de M. Foucaud. Il a
parlé d'« évasion fiscale ». Or une évasion fiscale pour 1 540 000 personnes,
ce n'est plus de l'évasion, c'est une hémorragie ! Les 1 540 000 personnes
concernées ne sont pas des fraudeurs, elles paient des impôts. De surcroît, le
dispositif dont elles ont bénéficié a peut-être allégé le problème de la garde
des enfants, qui est crucial, et que vous connaissez bien puisque vous êtes des
élus locaux. Les termes que vous avez utilisés sont inappropriés, mon cher
collègue. Il est bien triste de recourir à de tels arguments.
Quant à notre collègue Masseret, qui a bien sûr été beaucoup plus nuancé, il a
parlé de calibrage. C'est sur ce point que je ne suis pas d'accord avec lui. Le
calibrage qu'il envisage n'est pas bon. En effet, s'il l'avait été, la
réduction du montant du plafond, en 2000 ou en 2001, ne se serait pas traduite
par une diminution du nombre d'emplois. Le calibre était trop petit. Il aurait
fallu qu'il fût un peu plus gros pour obtenir l'effet sur l'emploi que nous
souhaitons aujourd'hui.
J'ajouterai quelques mots sur la question de la régularisation, que vous avez
peu évoquée. Si nous avons assisté à une réduction du nombre d'emplois, c'est
parce que certains d'entre eux sont redevenus des emplois au noir, ce qui n'est
pas bon. En outre, un emploi au noir se traduit par une perte de recettes pour
la sécurité sociale.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Absolument !
M. Jean Chérioux.
C'est un effet dont vous ne tenez pas compte. Or tous les emplois qui ont été
créés grâce à ces mesures ont généré des recettes pour la sécurité sociale.
Pour cette seule raison, il faut voter l'amendement que je propose.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-142.
M. Thierry Foucaud.
Il s'agit d'un amendement de repli.
M. le président.
L'amendement n° I-63 a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nul ne pouvait mieux défendre la mesure de réduction
d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile que Jean Chérioux. Ses propos ont
été extrêmement clairs. Il a utilisé tous les bons arguments. Je ne reviendrai
donc pas sur sa démonstration, que la commission partage totalement.
Mes chers collègues, pourquoi incriminer les employeurs de ces personnels à
domicile et refuser de voir l'intérêt des employés ? En effet, cette mesure a
une finalité sociale. Peu importe le niveau de revenus de celui qui vous
emploie pourvu que vous ayez un salaire vous permettant de vivre décemment ;
peu importe le niveau de revenus de celui qui vous emploie pourvu que votre
situation soit stable, qu'elle vous accorde tous vos droits sociaux et que vous
ne souffriez pas de la précarité ni des incertitudes du travail au noir.
Si l'on a une vision sociale des choses, mieux vaut regarder l'intérêt des
personnes qui pourront garder des enfants, assister des personnes âgées ou se
livrer à différentes tâches ménagères. Il ne faut pas caricaturer ces emplois.
Il serait trop injuste de faire un tri entre les emplois et, en quelque sorte,
de frapper d'opprobre des métiers qui sont nécessaires dans notre société
(M. Philippe de Gaulle acquiesce)
et que peuvent exercer des personnes qui
n'ont peut-être pas un haut niveau de formation universitaire ou un niveau
technique sanctionné par de nombreux diplômes. Or ces personnes doivent pouvoir
vivre, s'assumer et prendre en charge leur famille. Il s'agit donc d'une mesure
sociale prise en faveur de ces personnes. S'agissant de leurs employeurs,
monsieur Foucaud - et veuillez me pardonner de vous emprunter une expression en
l'occurrence excessive -, j'ai eu l'impression que vos raisonnements étaient
des raisonnements de classe.
M. Henri de Raincourt.
Bien sûr !
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces raisonnements sont issus d'une approche
idéologique de la société.
M. Henri de Raincourt.
Effectivement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces employés que l'on va ainsi aider à disposer
d'emplois stables, c'est, à mon avis, eux qu'il faut voir en priorité, dans le
souci du réalisme et de l'équité sociale.
Compte tenu de ces observations, la commission, vous l'aurez compris, mes
chers collègues, émet un avis défavorable sur les amendements n°s I-62, I-141,
I-142 et I-63.
Quant à l'amendement n° I-122, présenté par M. Jean Chérioux, il est pour nous
une sorte de cas de conscience. En effet, du point de vue que je viens de
défendre, la mesure était meilleure dans la version du Gouvernement que dans
celle qui a été retenue par l'Assemblée nationale. Cela étant dit, nos
collègues députés ont exprimé leur point de vue. Ils se sont efforcés de
trouver ce qui, à leurs yeux, constituait un juste compromis. Ils ont pris des
engagements ; ils se sont exprimés comme ils l'ont fait parce qu'ils ont senti
que la situation politique, que parfois nous apprécions différemment d'eux, les
y conduisait. Si nous revenions sur leur vote - et nous allons retrouver nos
collèges députés en commission mixte paritaire -, ne nous donnerions-nous pas
une satisfaction un peu illusoire ? En fait, nous aurons, à la fin de cette
discussion, mes chers collègues, assez sensiblement enrichi le texte du
Gouvernement de dispositions du Sénat. Evitons donc de déclencher des réactions
qui sont, parfois, des réactions d'amour propre d'une assemblée par rapport à
l'autre. Tâchons de vivre un bicamérisme apaisé, dans le respect des
spécificités de chacun. C'est pour cette raison que j'inciterai Jean Chérioux à
retirer son amendement.
M. le président.
Monsieur Chérioux, l'amendement n° I-122 est-il maintenu ?
M. Jean Chérioux.
Non, monsieur le président, je le retire. Je suis sensible à la demande que
m'a faite M. le rapporteur général. Il ne saurait être question de créer des
difficultés avec nos amis de l'Assemblée nationale. Nous avons simplement voulu
marquer notre souci. Je crois que c'est très bien ainsi.
M. le président.
L'amendement n° I-122 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je tiens tout d'abord à remercier Jean Chérioux de la
décision qu'il vient de prendre. Elle m'évite des problèmes de conscience.
J'en viens aux quatre amendements qui sont encore en discussion. Je dirai à
leurs auteurs que l'on ne peut pas durablement faire croire que l'on est pour
l'emploi en étant contre les employeurs. Il faudra, un jour, clarifier cette
vision des choses.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Exactement !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Le Gouvernement est pour l'emploi, il est pour les
familles et il propose des dispositifs qui favorisent l'emploi dans les
familles. On ne peut pas dire que ce soit compliqué, c'est même d'une
simplicité biblique. Je pense que cette position doit pouvoir recueillir la
quasi-unanimité du Sénat.
L'aspect évoqué par M. Jean-Pierre Masseret, c'est, en quelque sorte,
l'économie souterraine. Il faut que nous soyons, les uns et les autres,
conscients que les personnes qui ne sont pas déclarées sont souvent les plus
démunies : ce sont celles qui n'ont pas de couverture sociale, ce sont celles
qui ne cotisent pas pour leur retraite. Il va de soi que, si nous allégeons le
coût de ce travail en réduisant l'impôt de l'employeur, nous ouvrons la
possibilité à un certain nombre d'employeurs et de salariés de régulariser leur
situation, ce qui générera des cotisations sociales supplémentaires. C'est tout
à fait positif.
Or les quatre amendements qui nous sont proposés se situent à l'opposé de
cette logique. Cela me conduit à demander au Sénat de les rejeter.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote sur les
amendements identiques n°s I-62 et I-141.
M. Jean-Pierre Masseret.
Je vais tenter de répondre à la volonté de culpabilisation que j'ai ressentie
de la part du rapporteur général, M. Philippe Marini, et du ministre, M. Alain
Lambert.
Je n'ai jamais pris position contre les hommes et les femmes qui exerçaient ce
type d'activités. Ce sont des activités nobles, normales, qui méritent le
respect, au même titre que toute autre activité. Cela permet effectivement de
sortir de la clandestinité, d'exercer une vraie activité, d'avoir une vraie
rémunération, une couverture sociale, d'acquitter des charges sociales, le cas
échéant, et de bénéficier de prestations. Je n'ai donc jamais pris position
contre cette réalité-là.
J'ai simplement voulu dire que ce service apporté à des ménages disposant de
revenus relativement importants allégeait les charges personnelles des familles
concernées en leur permettant, éventuellement, d'exercer d'autres activités
pendant que les personnes employées assumaient à leur place des charges
domestiques. J'ai ajouté que cela méritait peut-être une réduction d'impôt,
mais qu'il ne fallait pas pour autant porter le montant de la réduction au-delà
de ce qui me paraît responsable et raisonnable, compte tenu de ce qui peut être
pris en charge par ces ménages qui disposent de revenus relativement
importants.
C'est simplement cela que j'ai voulu signifier, à travers les amendements que
j'ai présentés tout à l'heure. Que l'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas
dit ! J'ai ressenti ces accusations comme une intimidation.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud.
Contrairement à mon collègue Jean-Pierre Masseret, que je respecte, je ne
culpabilise pas. Le point que j'ai soulevé tout à l'heure, ce n'est pas la
question de l'emploi, c'est le fait que les employeurs puissent payer la
personne qu'ils emploient, d'autant que, en principe, ils ont de l'argent. Or
lorsque leurs employés demandent à bénéficier de l'augmentation du SMIC, ils ne
veulent pas la leur accorder. On est à ce niveau-là. D'ailleurs, monsieur le
ministre, souvent ces employés sont mal payés je ne dirais pas qu'ils sont
maltraités, mais s'ils le sont moins qu'auparavant, ils sont corvéables.
S'agissant de l'emploi, je vous réitère la question que j'ai posée hier lors
de la discussion générale : que le Gouvernement compte-t-il faire pour éviter
la suppression, annoncée par l'INSEE - ce chiffre n'émane donc pas de notre
groupe -, de 80 000 emplois dans notre pays entre octobre dernier et décembre
2002 ? En ce qui concerne l'emploi, je ne pense pas que le Gouvernement et la
majorité sénatoriale prennent des dispositions allant dans le bon sens. Ce
n'est pas la disposition que nous examinons en ce moment qui favorisera
l'emploi, puisqu'elle générera des pertes des recettes et d'impôt. Elle ne
permettra pas d'affecter l'argent là où il le faut : pour l'emploi et pour la
formation.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-62 et I-141.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-142.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-63.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
M. le président.
L'amendement n° I-213 rectifié, présenté par MM. Adnot, Darniche,
Durand-Chastel, Seillier, Lachenaud et Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 163
octodecies
du code général des impôts, il
est inséré un article ainsi rédigé :
«
Art. ...
Les personnes physiques domiciliées en France au sens de
l'article 4
B
qui souscrivent en numéraire au capital de sociétés créées
ou reprises depuis moins de cinq ans et dont le chiffre d'affaires annuel
n'excède par 15 millions d'euros bénéficient d'une déduction de leur revenu net
global égale à 25 % du montant des souscriptions effectuées. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement vise à accélérer l'accès au financement en fonds propres des
jeunes pousses, notamment grâce à une incitation de l'investissement en capital
d'amorçage.
Ce segment est en effet le moins développé dans notre pays, alors que c'est
précisément à ce stade que les jeunes pousses ont un véritable besoin de
financement en fonds propres qui n'est satisfait ni par le secteur bancaire ni
par le capital-risque. Afin de combler ce fossé, il convient donc d'encourager
les vocations d'« anges providentiels » par le biais d'une incitation fiscale «
productive ». Le « retour sur investissement » pour l'ensemble de notre
économie en sera le développement des entreprises.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit ici des fameux investisseurs providentiels
que vous connaissez bien, monsieur le président !
M. le président.
C'est mon nom qui le veut !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La proposition contenue dans l'amendement n° I-213
rectifié s'inscrit dans la lignée des travaux du Club.sénat.fr, le club des
nouvelles entreprises, auquel il faut d'ailleurs rendre hommage. En effet, il
s'agit là d'une initiative tout à fait concrète pour rapprocher le Parlement et
les acteurs de la vie économique, initiative à laquelle le président Christian
Poncelet a donné une belle impulsion.
Pour inciter à investir dans l'amorçage, cet amendement tend à proposer la
déduction de l'impôt sur le revenu de 25 % des souscriptions effectuées. Sans
doute est-ce une idée tout à fait intéressante et qu'il serait utile de
creuser.
Peut-être M. le ministre nous dira-t-il si le futur projet de loi relatif à
l'initiative économique ne présentera pas quelques idées en la matière ; si tel
était le cas, cette suggestion trouverait sans doute mieux sa place dans ce
texte.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je voudrais également rendre hommage aux travaux menés
au sein du club des nouvelles entreprises.
Monsieur le rapporteur général, ces questions seront effectivement traitées
dans le projet de loi qui vous sera présenté, sur l'initiative de mon collègue
Renaud Dutreil, en janvier prochain. Je propose donc à M. Oudin de retirer cet
amendement, faute de quoi je serai obligé d'émettre, au nom du Gouvernement, un
avis défavorable.
M. le président.
L'amendement n° I-213 rectifié est-il maintenu, monsieur Oudin ?
M. Jacques Oudin.
Je m'en remets à la sagesse de la future loi Dutreil et à celle du
Gouvernement. Je retire donc cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-213 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-143, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est
remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 Q du code général
des impôts sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la
fortune.
« Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à
partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 914 694,10
euros.
« II. - Après l'article 885 U du même code, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Les biens professionnels sont inclus dans les bases de
l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque
contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée
des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'ils
possèdent sur la base suivante :
EVOLUTION DU RATIO Masse salariale/valeur ajoutée |
POURCENTAGE taux d'intégration |
---|---|
Egale ou supérieure à une évolution de 2 points | 15 |
Egale ou supérieure à une évolution de 1 point | 35 |
Egale à 1 | 50 |
Entre 1 et - 1 | 65 |
Entre - 1 et - 2 | 85 |
Entre - 2 et - 3 | 100 |
Entre - 3 et - 4 | 125 |
« Un décret d'application visera à prévenir les tentatives d'utiliser ce
système de modulation pour essayer de diminuer de façon injustifiée la
contribution à l'impôt de solidarité sur la fortune. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement nous est particulièrement cher, car il est important : nous
sommes là au coeur du débat concernant l'impôt de solidarité sur la fortune.
Cet impôt, dont le rendement demeure, il est vrai, relativement faible, avec 2
645 millions d'euros, soit quelque 1 % des recettes fiscales de l'Etat, paraît
emblématique de ce que l'on souhaiterait faire du débat fiscal dans notre pays
: l'impôt de solidarité sur la fortune aurait tous les défauts ; il serait
antiéconomique ; il inciterait à la fuite des cerveaux ; il pénaliserait
scandaleusement de modestes propriétaires immobiliers,...
M. Yann Gaillard.
Tout cela est vrai !
M. Thierry Foucaud.
En vérité, c'est l'existence même de l'impôt de solidarité sur la fortune qui
pose problème à certains, ici et même ailleurs,...
M. Yann Gaillard.
Oh !
M. Thierry Foucaud.
... à certains qui n'ont pas les mêmes prévenances quant il s'agit d'autres
impôts, n'hésitant pas alors à nous expliquer qu'aucune marge n'existe qui
permettrait la moindre mesure corrective.
Quand on examine la théorie qui sous-tend les propositions de M. le rapporteur
général, on comprend de quoi il s'agit. Tout est prévu : majoration de
l'abattement pour personne à charge, lequel existe dans la mesure où des
dispositions similaires valent pour les droits de mutation, auxquels l'ISF est
naturellement rattaché dans son économie générale ; diminution de l'assiette
par la création d'une exonération pour les associés minoritaires respectant
sous certaines conditions un pacte d'actionnaire ; enfin, cerise sur le gâteau,
suppression du plafonnement sur le montant des droits. Dans tous les cas de
figure, par quelque côté que l'on aborde ce point, il s'agit de réduire le
rendement de l'impôt de solidarité sur la fortune, quitte à accroître le
déficit public dans des proportions sensibles.
Au moment où l'on s'attend à une véritable explosion de la fiscalité locale -
due pour l'essentiel à une décentralisation qui ressemble de plus en plus à un
jeu de bonneteau -, vous me permettrez de penser que la priorité n'est pas à la
baisse du rendement de l'impôt de solidarité sur la fortune. Nous sommes pour
notre part clairement favorables à une évolution de son assiette, et nous
l'affirmons au risque de surprendre. Il convient en effet de mettre un terme à
une situation dans laquelle les actionnaires majoritaires et les actionnaires
minoritaires d'une entreprise et ne sont pas traités de manière égale et où
sont considérées comme biens professionnels les parts détenues par les
personnes exerçant des fonctions de direction. Nous sommes favorables à un
traitement équitable des détenteurs d'actions. Tel est l'un des objets de cet
amendement.
On observera que l'amendement n° I-143 apporte d'une réponse à la question de
l'efficacité économique de l'impôt puisqu'il vise à alléger la contribution de
chaque redevable en fonction des politiques de gestion menées dans les
entreprises où sont domiciliés ses biens professionnels. En effet, plus les
entreprises concernées choisiront la voie de la substitution du capital au
travail, plus elles mèneront des politiques de suppression d'emplois ou
d'absence de développement de la formation continue des salariés, et plus les
détenteurs de biens professionnels seront imposés. Dans le cas contraire,
lorsque les choix de gestion seront plus respectueux de l'emploi et de la
formation continue des salariés, ces mêmes détenteurs de biens professionnels
bénéficieront d'un allégement de leurs cotisations.
Chacun le sait, il existe un lien entre l'ISF et le nécessaire développement
de la solidarité nationale. Il importe donc que cet impôt soit plus efficace,
plus rentable, et qu'il permette une meilleure redistribution de la ressource
publique.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Un avis consterné !
Je suis consterné à la fois du sens général des propos tenus et du dispositif
tel qu'il est conçu, qui traduit une vision de l'entreprise que, même du temps
de Zola, on n'aurait pu soutenir ! C'est donc, mes chers collègues, avec une
grande tristesse que j'exprime un avis franchement défavorable sur cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Avis défavorable.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Si je comprends bien le dispositif que nous
propose M. Foucaud, les entreprises, pour éviter l'imposition, devront
augmenter la masse salariale et faire baisser la valeur ajoutée. Faut-il
comprendre, cher collègue, que le plus sûr moyen d'être performant à vos yeux,
c'est-à-dire de répondre aux encouragements contenus dans l'amendement, est
d'enregistrer des pertes ?
M. Thierry Foucaud.
Si on augmente la masse salariale, on augmente les recettes publiques,
notamment celles de la sécurité sociale !
M. Jacques Oudin.
Il n'y aurait plus d'entreprises !
M. Henri de Raincourt.
Après, on nationalise ! C'est moderne !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-143.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-124, présenté par MM. Oudin et François, est ainsi libellé
:
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 885 K du code général des impôts est complété
in fine
par un alinéa ainsi rédigé :
« Les rentes et indemnités perçues en réparation d'un préjudice moral lorsque
ces rentes ou indemnités résultent d'une décision de justice sont exclues du
patrimoine du bénéficiaire. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
L'article 885 K du code général des impôts exclut de l'assiette de l'impôt de
solidarité sur la fortune les rentes ou indemnités perçues en réparation de
dommages corporels liés à un accident ou à une maladie.
Les rentes et indemnités perçues en réparation d'un préjudice moral, quant à
elles, ne bénéficient pas de ce régime fiscal, alors qu'elles découlent le plus
souvent d'événements exceptionnels et dramatiques. Certaines victimes d'un
préjudice moral se trouvent ainsi dans l'obligation de s'acquitter de l'impôt
de solidarité sur la fortune, taxation vécue comme une profonde injustice par
les intéressés.
Dicté par un souci d'équité fiscale, cet amendement tend à exclure du
patrimoine du bénéficiaire les rentes et indemnités perçues en réparation d'un
préjudice moral lorsqu'elles résultent d'une décision de justice.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Notre collègue M. Jacques Oudin pose une question
très judicieuse : est-il équitable de confondre les dommages et intérêts, les
rentes, les indemnités alloués par une décision de justice, avec le patrimoine
taxable au titre de l'ISF ? On peut, à bon droit, se poser la question et
souhaiter que ce point soit précisé.
J'avais cru comprendre en commission, ce matin, que l'intention des auteurs de
l'amendement était de solliciter cette exonération au 1er janvier de l'année
suivant la perception de la rente ou de l'indemnité, car il est difficile
d'imaginer que cet élément d'actif soit isolé du reste du patrimoine et géré
dans un compte cantonné
ad vitam aeternam.
Sous réserve d'une modification en ce sens, la commission serait assez
volontiers favorable à cet amendement, mais elle souhaite entendre l'avis du
Gouvernement avant de se prononcer définitivement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
L'exposé des motifs de cet amendement n'est pas tout à
fait satisfaisant, et je vais essayer d'en expliquer les raisons de la façon la
plus complète possible, le sujet évoqué étant des plus importants.
Je dois préciser que la réparation du préjudice n'est pas toujours exclue du
bénéfice de faveur : ainsi, les sommes reçues en réparation d'un préjudice
moral résultant d'un dommage corporel lié à un accident ou à une maladie sont
exonérées. Lorsque les conditions tenant à l'origine du dommage sont remplies,
il y a identité de traitement, quelle que soit la nature des indemnités
allouées, réparation du préjudice moral ou économique.
En ce qui concerne les autres catégories de préjudice moral, on ne peut
qu'être sensible à votre suggestion, monsieur le sénateur. Peut-être serait-ce
cependant aller trop loin que de mettre en place une exonération générale en
faveur de toutes les indemnités perçues en réparation d'un préjudice moral,
sans tenir compte de la nature du dommage, moral ou matériel, et de son
origine. J'ai à l'esprit les sommes allouées au titre du non-respect de la vie
privée, ou les indemnités versées pour perte de chance.
Cette question mérite tout l'intérêt du Gouvernement, mais elle doit faire
l'objet, à l'évidence, d'études complémentaires. Nous sommes prêts à travailler
avec vous, si vous le souhaitez, monsieur le sénateur, et à intégrer une
disposition adéquate dans la réforme de la fiscalité patrimoniale que nous
envisageons.
Vous le constatez, votre amendement a été étudié et pris en compte, mais je ne
crois pas qu'il soit sage de l'adopter dans sa rédaction actuelle. Je vous
propose donc de remettre l'ouvrage sur le métier afin de le parfaire.
C'est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement. A défaut, je serais
condamné à émettre un avis défavorable qui irait au-delà de ma pensée quant à
l'objectif que vous poursuivez.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-124 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
L'explication de M. le ministre signifie simplement que le dispositif que nous
proposons n'est pas bon. Selon ses propos, la réparation du préjudice moral lié
à un accident est exclue de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune,
alors que les autres préjudices moraux ne le sont pas. Avouez que cela laisse
une place considérable à l'arbitraire ! La loi est faite pour clarifier, non
pour compliquer.
Vous vous engagez, monsieur le ministre, à améliorer ce dispositif, et cela
nous satisfait pleinement. Mais il ne faut pas que ce soit renvoyé
sine die
!
Actuellement, certaines situations ne sont pas résolues parce que la loi
est floue.
Nous héritons d'une situation qu'il faut manifestement clarifier au plus vite
: si nous avons déposé l'amendement n° I-124, c'est que nous connaissons des
cas précis extrêmement douloureux et difficiles. Je souhaite donc que vos
services ne s'endorment pas sur ce dossier et que nous puissions le réexaminer
au plus vite.
M. Jean-Pierre Masseret.
Les services ne s'endorment jamais !
M. Jacques Oudin.
Sous le bénéfice de ces observations, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-124 est retiré.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Compte tenu de l'échange qui vient d'avoir lieu entre
Jacques Oudin, qui a retiré l'amendement, et le ministre, et dans la mesure où
il s'agit d'une question essentiellement rédactionnelle et où ces amendements
abordent un nombre limité de situations - même s'il peut y avoir urgence à en
clarifier certaines -, j'aurais voulu savoir s'il était concevable de « pousser
un peu les feux » afin de parvenir à une rédaction satisfaisante d'ici à
l'examen du collectif budgétaire.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Grand maximum !
M. le président.
L'amendement n° I-214 rectifié, présenté par MM. Adnot, Darniche,
Durand-Chastel, Seillier, Lachenaud et Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 885 L du code général des impôts, il est inséré un
article ainsi rédigé :
«
Art. ...
La valeur des parts de fonds communs de placement dans
l'innovation et de fonds communs de placement à risques n'entre pas dans le
calcul de l'assiette de l'impôt. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
L'objet du présent amendement est d'accélérer l'accès au financement en fonds
propres des jeunes pousses - encore elles ! -, notamment grâce à une incitation
de l'investissement en capital d'amorçage.
Ce segment est en effet le moins développé dans notre pays, alors que c'est
précisément à ce stade que les jeunes pousses ont un véritable besoin de
financement en fonds propres qui n'est satisfait ni par le secteur bancaire ni
par le capital-risque. Afin de combler ce fossé, il convient donc d'encourager
les vocations d'« anges providentiels » par le biais d'une incitation fiscale «
productive ». Le « retour sur investissement » pour l'ensemble de notre
économie en sera le développement des entreprises.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bonne proposition, issue des travaux du club des
nouvelles entreprises.
Il faut assurément poursuivre dans cette voie et trouver les bonnes formules
sur ces sujets, et peut-être le projet de loi qui nous sera soumis très
prochainement par M. Dutreil sera-t-il le bon support pour faire avancer la
réflexion et, surtout, pour prendre des décisions.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Même hommage et même proposition de retrait.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-214 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Même motif, même punition, même retrait.
M. Henri de Raincourt.
Une bonne punition, la loi Dutreil ? C'est le grand soir !
M. le président.
L'amendement n° I-214 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-215 rectifié, présenté par MM. Adnot, Darniche,
Durand-Chastel, Seillier, Lachenaud et Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 885 O
bis
du code général des impôts est complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également considérées comme biens professionnels, les parts ou actions
détenues par le dirigeant lorsque celui-ci est salarié de la société, qu'il
possède au moins 3 % du capital de la société et que plus de 75 % de ses
revenus annuels proviennent de cette société. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Je pense que l'amendement n° I-215 rectifié sera traité de la même façon que
les amendements que j'ai précédemment présentés. Par conséquent, afin
d'épargner du temps à notre assemblée, je retire également cet amendement,
puisque le sujet sera abordé plus globalement lors de l'examen du projet de loi
en question.
M. le président.
L'amendement n° I-215 rectifié est retiré.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je préciserai, à propos de l'amendement n° I-215
rectifié qui vient d'être retiré, qu'il abordait un sujet très proche de celui
de l'amendement n° I-9 de la commission, que nous examinerons
ultérieurement.
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
4
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au lundi 25 novembre 2002, à dix heures trente, à quinze heures et le
soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Première partie
(suite).
- Conditions générales de l'équilibre
financier :
Amendement n° I-9 tendant à insérer un article additionnel après l'article 4 à
l'article 34 et état A.
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de
finances n'est plus recevable.
Vote de l'ensemble de la première partie
du projet de loi de finances pour 2003
En application de l'article 59, premier alinéa, du règlement, il sera procédé
à un scrutin public ordinaire lors du vote de la première partie du projet de
loi de finances pour 2003 le mercredi 27 novembre 2002.
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2003
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2003 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du vendredi 22 novembre 2002
SCRUTIN (n° 53)
sur l'amendement n° I-1 rectifié présenté par M. Philippe Marini au nom de la
commission des finances, tendant à insérer un article additionnel après
l'article 3 du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée
nationale (imputabilité des moins-values subies au cours d'une
année).
Nombre de votants : | 313 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Pour : | 201 |
Contre : | 112 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Pour :
13.
Contre :
8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique
Larifla.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
93.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Contre :
81.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Bernard Angels, qui présidait la
séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Pour :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Pour :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Hubert Durand-Chastel,
Bernard Seillier et Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Bernard Angels, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 315 |
Nombre des suffrages exprimés : | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 158 |
Pour : | 197 |
Contre : | 118 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.