SEANCE DU 25 NOVEMBRE 2002
M. le président.
L'amendement n° I-76 rectifié
bis
, présenté par M. Gaillard, est ainsi
libellé :
« Avant l'article 5
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - La fin du premier alinéa de l'article 7 de la loi n° 96-590 du 2
juillet 1996 relative à la Fondation du patrimoine est ainsi rédigée : "... les
cotisations, les subventions publiques, les dons et legs, une fraction fixée
par décret du produit des successions appréhendées par l'Etat à titre de
déshérence et, généralement, toutes recettes provenant de son activité." »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I sont compensées à
due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Cet amendement a pour objet d'ajouter à la liste des ressources de la
Fondation du patrimoine, créée par la loi du 12 juillet 1996, une fraction,
fixée par décret, du produit des successions appréhendées par l'Etat à titre de
déshérence.
La Fondation du patrimoine, organisme privé créé par la loi et reconnu
d'utilité publique - auquel le Président de la République est d'ailleurs, me
semble-t-il, personnellement très attaché -, a pour domaine d'action le
patrimoine bâti non protégé. Il s'agit donc principalement du petit patrimoine
rural si cher aux élus locaux que nous sommes.
La Fondation a une double activité de mécénat et d'agrément fiscal,
puisqu'elle décerne un label ; son organisation déconcentrée s'appuie sur un
réseau de délégations régionales et départementales fondé sur le bénévolat ;
elle a tissé des liens avec l'association Maisons paysannes de France et a
passé des conventions avec soixante départements et quinze conseils
régionaux.
Qu'entend-on par « successions appréhendées par l'Etat à titre de déshérence »
? Ce sont celles dont on ne connaît pas les héritiers, et dont l'article 768 du
code civil précise qu'elles sont acquises à l'Etat, par droit de déshérence.
L'histoire en est d'ailleurs assez curieuse : elle remonte à un acte dit « loi
du 21 novembre 1940 », à une époque donc où la recherche des successions était
sans doute difficile. Je n'insisterai pas sur cet aspect historique, sous peine
de susciter bien des questions dont certaines pourraient se révéler
embarrassantes.
La disposition que nous proposons est née d'une réflexion menée au sein de la
commission des finances sur les mesures en faveur du patrimoine et a été
reprise par M. Bady dans le rapport qu'il vient de présenter au ministre de la
culture. Elle aurait pour effet de conforter définitivement la Fondation du
patrimoine, dont les moyens semblent insuffisants au regard de la vaste mission
que la loi lui a confiée.
M. le président.
Je viens d'être saisi d'un sous-amendement n° I-222, présenté par M. Michel
Charasse, et qui est ainsi libellé :
« Dans le second alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° I-76
rectifié
bis
pour insérer un article additionnel avant l'article 5
bis,
après les mots : "par décret", insérer les mots : "en Conseil
d'Etat". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Le dispositif présenté par notre collègue M. Gaillard à travers l'amendement
n° I-76 rectifié
bis
prévoit l'octroi à la Fondation du patrimoine d'une
fraction des successions appréhendées par l'Etat à titre de déshérence. M.
Gaillard propose que cette fraction soit « fixée par décret ». Je suggère de
préciser que ce doit être un décret en Conseil d'Etat. Non pas que j'aie la
manie du Conseil d'Etat, mais il pourrait très bien être décidé, pour
satisfaire l'amendement de M. Gaillard, de fixer un pourcentage symbolique ; il
n'est donc pas inopportun qu'une instance d'avis comme le Conseil d'Etat puisse
vivement encourager le ministre à aller au-delà des 3 % ou 4 % qu'il pouvait
avoir envie de proposer.
Aux termes de l'amendement n° I-76 rectifié
bis
, le décret serait pris
de façon tout à fait autonome, sans que personne soit consulté. Il me semble
préférable qu'une petite discussion ait lieu, afin que, sans aller jusqu'à
capter la totalité des successions, comme l'avait initialement proposé notre
collègue M. Gaillard, la part soit tout de même significative. En la
circonstance, le Conseil d'Etat pourrait jouer un rôle fort utile.
Tel est l'objet de mon sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En ce qui concerne l'amendement n° I-76 rectifié
bis,
je voudrais tout d'abord rendre un hommage particulier aux travaux
du rapporteur spécial des crédits de la culture et de la communication, M. Yann
Gaillard, qui a réalisé très récemment différentes investigations, qui nous a
suggéré de nombreuses pistes de réflexion et d'action et qui est l'auteur d'un
rapport remarqué,...
M. Michel Charasse.
Et remarquable !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... publié au début du mois d'octobre, qui s'intitule
Cinquante et une mesures pour le patrimoine monumental
.
Parmi ces cinquante et une mesures figure celle dont nous débattons. Je
reconnais avoir très vivement encouragé notre collègue à présenter sa
proposition dès maintenant, dès la discussion du projet de loi de finances, car
elle va manifestement dans le bon sens.
Elle est formulée de manière très ouverte, puisque notre collègue s'en remet
au pouvoir exécutif pour définir la proportion des biens qui seraient ainsi
alloués à la Fondation du patrimoine, et ne serait donc pas extrêmement
contraignante. Si je ne me trompe, elle recueille la sympathie du ministre de
la culture. De plus, je crois pouvoir dire qu'elle est très attendue par les
dirigeants de ladite Fondation. Grâce aux fonds qui lui seraient ainsi
affectés, celle-ci pourrait bénéficier de sommes, certes variables chaque
année, certes difficilement prévisibles, mais néanmoins susceptibles, de
s'élever, au bout d'un certain temps, à quelques dizaines de millions
d'euros.
Ainsi, en liaison avec les collectivités territoriales, dans le cadre de la
décentralisation, des actions devraient pouvoir être conduites, concrètement et
efficacement, dans le domaine de la politique de sauvegarde du patrimoine de
proximité, celui qui fait l'ambiance de nos terroirs, de nos villes, de nos
bourgs, de nos villages, et qui représente une charge tout à fait considérable
pour les propriétaires tant publics que privés.
Dans ce pays, des énergies tout à fait considérables sont déterminées à lutter
pour la sauvegarde du patrimoine, mais, souvent, manquent de moyens. Le vote
d'une telle disposition serait l'occasion de leur adresser un excellent signal
et permettrait en outre une bonne utilisation d'une très vieille disposition de
notre fiscalité - je n'en ai pas recherché l'origine exacte - qui remonte sans
doute aux fondements de l'Etat moderne, cet Etat qui, à l'image de l'Etat
monarchique, récupère les biens considérés comme étant sans maître. Mais je
m'aventure là sur un terrain que M. le ministre connaît infiniment mieux que
moi, et j'espère ne pas commettre d'erreur historique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour me faire pardonner par avance l'avis que
j'émettrai à la fin de mon commentaire, je rendrai à mon tour hommage à Yann
Gaillard : à sa personne même, que chacun connaît bien ici, mais aussi au
travail qu'il mène, avec, notamment, ce rapport remarquable sur le patrimoine
monumental.
C'est également l'occasion pour moi de dire toute l'estime que le Gouvernement
porte - mais je peux parler à la première personne du singulier : que je porte
- à la Fondation du patrimoine, puisque - je l'ai montré dans le passé, en
essayant de la soutenir - j'ai pu mesurer la qualité de son action.
Yann Gaillard étant un très bon spécialiste des finances publiques, il
comprendra qu'il est difficile à un ministre du budget de trouver la méthode
parfaite : M. le rapporteur général, dans sa bonté immense, a bien voulu ne pas
remarquer qu'en fait on réinvente ici l'impôt affecté.
Procéder ainsi l'année qui suit la promulgation de la loi organique relative
aux lois de finances, la LOLF, reconnaissez que cela relève du grand écart !
C'est exactement le contraire de ce que nous avons fait l'année dernière ! Cela
étant, on peut manier le paradoxe lorsqu'il s'agit d'une bonne cause.
M. Philippe Marini,
rapporteur gnéral.
Voilà qui est très monarchique !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur général, le caractère
monarchique de la disposition est peut-être avéré. En tout état de cause, je
voudrais souligner auprès de Yann Gaillard que je suis totalement d'accord sur
la nécessité de soutenir une fondation comme la Fondation du patrimoine, que la
mission qu'elle exerce est d'une très grande utilité et, surtout, que
l'instrument de la fondation est un instrument qui, en termes d'efficacité,
dépasse et de beaucoup l'action publique. A la suite d'une réflexion de Michel
Charasse, nous avions d'ailleurs constaté que cet instrument faisait peut-être
défaut dans le domaine de l'aide au développement, tant il est vrai que les
procédures consomment une partie des crédits affectés au développement, en
raison de l'inefficacité des instruments publics.
Cependant, l'affectation à la Fondation du produit des successions en
déshérence n'est pas opportune, du moins pas en totalité, et je prendrai des
précautions oratoires, tant j'ai d'estime à la fois pour l'auteur de
l'amendement et pour son bénéficiaire.
En effet, l'affectation directe d'une recette de l'Etat dont le montant est
totalement déconnecté du programme d'action et des objets de la Fondation n'est
pas du meilleur goût du point de vue de la modernisation des finances
publiques. Le montant de la ressource est par ailleurs tout à fait aléatoire
pour la Fondation.
L'examen des modalités de financement de la Fondation devrait, me semble-t-il,
être l'un des objets de la réflexion qui est actuellement menée sur
l'amélioration du régime du mécénat et des fondations, auxquelles vous êtes,
monsieur le rapporteur général, très attaché. Ce financement pourrait aussi -
pourquoi pas ? - être inscrit au budget et être prévu dans les crédits du
ministère de la culture. Cette formule me semblerait plus pure du point de vue
des finances publiques et, à tout le moins, plus conforme à l'esprit de nos
lois de finances.
A regret, parce que, encore une fois, je comprends très bien l'objectif, et il
est d'une très grande noblesse qui, je suis donc conduit à ne pas être
favorable à cet amendement, même si je partage les préoccupations de Yann
Gaillard.
Monsieur le président, j'ai fait mon devoir en défendant les principes qui
doivent encadrer nos finances publiques.
(Michel Charasse lève les bras au ciel.)
M. le président.
La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard.
Sans vouloir lasser la patience de nos collègues, je souhaite poursuivre
brièvement ce dialogue très intéressant avec le ministre, M. Alain Lambert, qui
sait aussi quelle amitié et quelle estime je lui porte.
Nous sommes tous, cher Alain Lambert, très attachés à la LOLF, cette grande
aventure intellectuelle dans laquelle vous nous avez entraînés et où nous vous
avons suivi à l'unanimité, l'année dernière.
Toutefois, l'ancien président du Conseil national du notariat que vous êtes
aussi sait fort bien qu'il ne s'agit pas réellement, métaphysiquement, si je
puis dire - juridiquement, je reconnais que la question est différente ! -,
d'un patrimoine public : il s'agit de patrimoines privés en déshérence - dont
les notaires s'occupaient autrefois, avant que le gouvernement du maréchal
Pétain ne décide de confier cette tâche au service des domaines qui viendraient
abonder - les petits ruisseaux faisant les grandes rivières d'autres
patrimoines privés. C'est bien de cela qu'il s'agit, c'est-à-dire de produits
effectivement aléatoires, très divers, connaissant des variations d'une année
sur l'autre, et non de l'affectation de fonds publics créés par l'impôt. Ces
produits sont d'ailleurs confondus dans une ligne 237, dite de « produits
divers », où ils sont très difficiles à identifier.
Par ailleurs, on ne peut pas dire qu'ils fassent l'objet d'une préoccupation
très importante de la part des services des domaines. Je vous ferai un aveu :
au temps où j'avais l'honneur de servir au ministère des finances en tant
qu'inspecteur général, j'avais même commis une note pour proposer, au titre des
éléments de modernisation de l'Etat, la suppression de ce service des
successions en déshérence. Une telle tâche est de celles dont l'Etat ne devrait
pas s'occuper !
Si la Fondation du patrimoine, à supposer qu'elle reçoive une telle ressource,
prenait du « muscle », elle pourrait très bien, dans l'avenir, s'en occuper
elle-même sans que cela passe par vous, monsieur le ministre, et, par
conséquent, sans que ce soit une exception à votre « sainte » loi d'orientation
!
(M. le ministre sourit.)
Je ne voudrais pas faire bondir mon éminent collègue M. Charasse, ancien
ministre du budget lui-même, mais pourquoi, alors, l'Etat ne s'occuperait-il
pas des droits d'auteurs, des droits de la propriété intellectuelle... ? Ce
n'est pas lui qui s'en charge, ce sont des sociétés d'auteurs !
M. Michel Charasse.
Hélas !
M. Yann Gaillard.
Je reconnais que les conditions ne sont pas toujours formidables !
Puisque l'on cherche à « dégraisser l'Etat » et à le ramener à ses vocations
principales, il faudrait s'orienter vers un système dans lequel une fondation
ainsi renforcée pourrait par elle-même, en liaison avec un office notarial,
procéder à de tels recouvrements.
Monsieur le ministre, cette exception ne devrait être que temporaire, et la
disposition proposée ne remettrait pas en cause la nature même de la LOLF, car
il ne s'agit pas de ressources publiques : il s'agit d'un produit très
particulier, de ce que les Anglo-Saxons appellent un
windfall,
ces
fruits qui tombent en automne alors qu'on ne les attendait pas. Je vous demande
de considérer cet aspect de la question.
Cet amendement ne résulte pas d'un caprice. Il ne vise pas davantage à
répondre à une demande abusive de la Fondation du patrimoine - qui, d'ailleurs,
n'y pensait même pas. Il est le fruit d'une étude approfondie qui remonte à une
expérience très ancienne.
J'en appelle donc à l'arbitrage de nos collègues pour trancher non pas un
conflit, mais une différence d'appréciation qui s'exprime dans un climat
d'estime réciproque, et je comprends bien, monsieur le ministre, que, du fait
de votre fonction, vous ne puissiez vous écarter de votre point de vue.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Sans vouloir être désagréable à l'égard de notre ami Alain Lambert, je lui
dirai pourquoi je soutiens l'amendement de M. Gaillard, éventuellement modifié
par la précision que je propose.
La première raison de mon soutien, mes chers collègues, pourrait bien entendu
tenir à l'estime que je porte à M. Gaillard et au formidable travail qu'il fait
en commission des finances et récemment à celui qu'il a fait sur les questions
de patrimoine. Je souhaite d'ailleurs que les élus locaux soient nombreux à
lire son rapport, car il contient des éléments sur les pratiques des
conservateurs et des architectes des Bâtiments de France qui nous donnent un
éclairage que nous n'avions pas toujours eu.
Pourquoi soutenir cet amendement ? Cher Alain Lambert, je pense que, si vous
le vouliez, non seulement cet amendement ne vous coûterait pas d'argent, mais
il vous en rapporterait !
(Exclamations et sourires.)
Voici pourquoi, et je pense, mes chers
collègues, que vous allez me rejoindre dans peu de temps.
Evacuons d'emblée la question de la loi organique. Les successions en
déshérence ne sont pas un impôt : elles constituent une ressource de l'Etat qui
est une ressource domaniale. Contrairement à un impôt, qui obéit à des règles
particulières, une telle ressource peut toujours être affectée. La preuve,
c'est qu'un bien en déshérence revient certes à l'Etat, mais que, si le
département ou la commune sont intervenus entre-temps, par exemple au titre de
l'aide sociale, l'Etat est obligé de leur rétrocéder une partie du produit de
la succession. En matière de produits domaniaux, la rétrocession existe donc
déjà.
Mais ne chicanons pas sur la loi organique, nous aurons sans doute d'autres
occasions d'y revenir.
Pourquoi cet amendement pourrait-il rapporter de l'argent ? Cher ami Alain
Lambert, au ministère des finances, depuis plus de cinquante ans, aucun service
n'est plus mal géré que celui des successions en déshérence. Cela ne marche pas
!
M. Jacques Oudin.
S'il n'y avait que cela !
M. Michel Charasse.
Chaque fois que vous circulez le long d'une route et que vous voyez des
immeubles qui s'effondrent, ne vous trompez pas, chers amis : ils appartiennent
généralement à l'Etat. Et personne ne s'en occupe !
Je souhaiterais que cet amendement, du fait même de son adoption, donne à
Alain Lambert l'occasion de s'intéresser à cette question. Il est notaire, il
sait de quoi nous parlons parce qu'il l'a lui aussi professionnellement vécu.
Nous constatons tous, en commission cantonale d'aide sociale, que les biens qui
ont donné lieu à récupération sont jamais récupérés et sont, dans nos cantons,
toujours les plus pourris, ceux qui s'effondrent, ceux qui sont là depuis dix
ans... Je souhaite donc que le ministre demande à ses collaborateurs de plonger
leur nez dans ce dossier. Il s'apercevra alors que le produit des sucessions en
déshérence dégringole régulièrement d'année en année ou n'a pas le rendement
qu'il devrait avoir parce que c'est un secteur, cher Alain Lambert, qui est
lui-même en déshérence au sein de la direction générale des impôts et du
service des domaines !
Ce n'est pas le ministre d'aujourd'hui, Alain Lambert, qui est en cause ; ce
n'est même pas le ministre d'hier, Jean Arthuis ; ce n'est même pas le ministre
d'avant-hier que je suis... C'est vieux comme le monde. C'est ainsi !
Par conséquent, la perspective de ponctionner une partie de cette maigre
ressource domaniale pourrait donner l'occasion de réformer le système. Et
pourquoi pas ? Yann Gaillard vient d'amorcer l'affaire, en bon inspecteur
général des finances qu'il est. Si les domaines sont surchargés, s'ils ne
peuvent assumer la charge parce que cela mobilise trop de gens, pourquoi ne pas
confier la gestion à un organisme spécialisé, public ou privé ? Je ne parle
tout de même pas de rétablir la ferme générale !
(Sourires.)
Je vous
garantis qu'alors l'argent rentrera, parce que vous trouverez toujours
quelqu'un, parce que intéressé à la recette, capable de valoriser ces
successions, de les vendre, de les liquider, de façon à ce que la recette
rentre.
Monsieur le président, je me suis promis de ne jamais créer de difficultés à
Alain Lambert, mais là, je rejoins Yann Gaillard, car je suis sûr que si un
homme de bonne foi, animé de bonne volonté veut s'y intéresser, il y a pour
notre pays, dans la situation financière dans laquelle il se trouve, des
ressources importantes à retirer. Il suffirait, pour cela, cher Alain Lambert,
d'engager une simple enquête de l'inspection générale des finances sur la
manière dont fonctionne ce service.
J'ai, dans le passé, non pas en tant que ministre, mais à titre personnel,
aidé au règlement de successions abandonnées, de successions d'artistes en
particulier. En l'une de ces occasions, le service des domaines a laissé
prescrire, s'agissant d'un artiste que je connais bien, juqu'à 2 millions ou 3
millions de francs de droits par négligence, parce que l'on ne s'est pas occupé
de l'affaire, parce que l'on n'a pas fait rentrer les droits d'auteurs, etc. Ce
n'est pas supportable.
Lorsque l'on est à la recherche du moindre centime pour boucler un budget
difficile, on doit s'intéresser à cette question.
Je ne veux pas attaquer excessivement le service des domaines, qui a des
habitudes, qui a des pratiques. Les règles du code civil, qu'Alain Lambert
connaît bien, ne sont pas toujours simples, parce que, avant qu'une succession
soit déclarée en déshérence, il faut que le tribunal soit saisi, qu'une enquête
ait eu lieu, qu'un affichage ait été fait en mairie.
Ce qui intéresse notre collègue Yann Gaillard et moi-même, c'est ce qui se
passe après, c'est-à-dire quand le bien devient vraiment la propriété de
l'Etat. Et que devient-il alors ? Il s'effondre ! Il devient rien, sauf s'il
s'agit d'un château des bords de Loire ou d'une chose approchante. S'il s'agit
d'un bien de qualité intermédiaire, c'est l'abandon.
Je suis persuadé que l'adoption de l'amendement de Yann Gaillard pourrait
donner un coup d'aiguillon au bon endroit - je ne signale pas quel est le
meilleur endroit pour ce genre de chose
(Sourires)
- pour secouer
l'administration, qu'elle pourrait en outre inciter le ministre à donner des
instructions fermes pour que le service soit enfin organisé de manière à faire
face au volume de successions à gérer dans de bonnes conditions. Dès lors, cher
ami Yann Gaillard - et ce n'est pas à la Fondation du patrimoine que je pense -
je crois que, collectivement, nous n'aurions pas complètement perdu notre
temps.
(M. Chérioux applaudit.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
A mon tour, je voudrais saluer le travail de
Yann Gaillard et l'excellence de son amendement, qui a emporté la conviction de
la commission des finances.
Me tournant maintenant vers vous, monsieur le ministre du budget, cher Alain
Lambert, je solliciterai toute votre compréhension.
D'abord, il n'est pas sûr que l'on contrevienne aux dispositions de la loi
organique sur les lois de finances. Michel Charasse s'est livré à ce sujet à
une première explication.
La Fondation du patrimoine est sans doute une belle et grande ambition, mais
on ne peut pas dire que l'Etat l'ait surdotée et qu'elle dispose de moyens
considérables. Elle développe, à destination notamment des conseils généraux,
une argumentation très fournie pour obtenir des subsides et assurer son
fonctionnement de façon décentralisée.
Ce que souhaite Yann Gaillard, c'est finalement que l'on dote la Fondation du
patrimoine. On pourrait en effet très bien imaginer que l'Etat lui affecte ses
biens en déshérence. Je ne doute pas que, dans chaque département, les antennes
de la Fondation feraient diligence avec les hommes de l'art pour recueillir,
dans les meilleures conditions et les meilleurs délais, ce patrimoine qui ne
cesse de dépérir.
Dans ces conditions, le Sénat peut accompagner Yann Gaillard dans son
initiative, à charge pour nous de trouver une rédaction plus satisfaisante
d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire.
M. Michel Charasse.
Ou dans le collectif !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
C'est bien à l'honneur de la démocratie que le
Gouvernement donne son avis et que le Sénat conserve le sien. Que voulez-vous
que je vous dise ? J'ajouterai simplement, parce que je veux être tout à fait
loyal et sincère, que j'aimerais être sûr que cette attribution ne soit pas
prise par le ministère de tutelle de ladite fondation pour solde de tout
compte.
M. Michel Charasse.
Oui ! Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-222.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-76 rectifié
bis,
modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, avant l'article 5
bis.
Article 5 bis