SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 1 ).

3. Loi de finances pour 2003. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2 ).

Travail, santé et solidarité

I. - TRAVAIL (p. 3 )

MM. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le travail et l'emploi.

4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Luxembourg (p. 4 ).

5. Loi de finances pour 2003. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 5 ).

Travail, santé et solidarité (suite)

I. - TRAVAIL (suite) (p. 6 )

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la formation professionnelle ; M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
MM. Bernard Seillier, le ministre.
MM. Gilbert Chabroux, le ministre.
MM. Roland Muzeau, le ministre.
MM. Paul Blanc, le ministre.
Mme Gisèle Printz, M. le ministre.
MM. Christian Demuynck, le ministre.
MM. Eric Doligé, le ministre.

Crédits du titre III. - Adoption (p. 7 )

Crédits du titre IV (p. 8 )

Amendement n° II-17 de la commission. - MM. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre, Gilbert Chabroux, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Roland Muzeau. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 9 )

Article 70 (supprimé)

Article 77. - Adoption (p. 10 )

Articles additionnels après l'article 77 (p. 11 )

Amendement n° II-13 de M. Jacques Oudin. - MM. Paul Blanc, le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
Amendement n° II-18 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

6. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 12 ).

7. Loi de finances pour 2003. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 13 ).

Travail, santé et solidarité (suite)

II. - SANTÉ, FAMILLE, PERSONNES HANDICAPÉES
ET SOLIDARITÉ (p. 14 )

MM. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Jean-FrançoisMattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Suspension et reprise de la séance (p. 15 )

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

MM. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la solidarité ; Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la santé ; François Fillon, ministre ; Jean-François Mattei, ministre.
MM. Gilbert Chabroux, François Fillon, ministre.

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

MM. Jean-Pierre Cantegrit, Jean-François Mattei, ministre.
MM. Guy Fischer, Jean-François Mattei, ministre.
Mme Nelly Olin, M. Jean-François Mattei, ministre.

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

MM. Georges Othily, Jean-François Mattei, ministre.
MM. Joël Bourdin, Jean-François Mattei, ministre.
M. Bernard Seillier, Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion.
Mme Gisèle Printz, M. Jean-François Mattei, ministre.
Mme Valérie Létard, M. Jean-François Mattei, ministre.
Mmes Michelle Demessine, la secrétaire d'Etat.
MM. Paul Blanc, Jean-François Mattei, ministre.
MM. André Vantomme, Jean-François Mattei, ministre.
MM. Eric Doligé, Jean-François Mattei, ministre.
M. Pierre André, Mme la secrétaire d'Etat.

Crédits du titre III. - Adoption (p. 16 )

Crédits du titre IV (p. 17 )

Mme Odette Terrade, M. Roland Muzeau.
Amendement n° II-19 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur spécial, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; François Fillon, ministre ; Jean-François Mattei, ministre ; Gilbert Chabroux.

Suspension et reprise de la séance (p. 18 )

M. Paul Blanc, Mme Odette Terrade, M. Bernard Seillier. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement n° II-19 rectifié.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 19 )

Article 69 (supprimé)

Articles 76 et 78. - Adoption (p. 20 )

Article additionnel après l'article 78 (p. 21 )

Amendement n° II-14 de M. Gérard Bailly. - MM. Gilbert Barbier, le rapporteur spécial, Jean-François Mattei, ministre. - Retrait.

III. - VILLE ET RÉNOVATION URBAINE (p. 22 )

MM. Eric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances ; Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mmes Nelly Olin, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Valérie Létard.

Suspension et reprise de la séance (p. 23 )

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

MM. Roland Muzeau, Christian Demuynck, Mmes Michèle San Vicente, Gisèle Printz.
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.

Crédits du titre III. - Adoption (p. 24 )

Crédits du titre IV (p. 25 )

Amendement n° II-20 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre délégué, Roland Muzeau, Mme Nelly Olin, MM. Jack Ralite, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Pierre André. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre VI. - Adoption (p. 26 )

Culture
(p. 27 )

MM. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.
MM. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le cinéma et le théâtre dramatique ; le ministre.
MM. Jack Ralite, le ministre.
MM. Jacques Legendre, le ministre.
MM. Bernard Joly, le ministre.
MM. Henri Weber, le ministre.
MM. Philippe Richert, le ministre.
MM. Eric Doligé, le ministre.
MM. Yves Dauge, le ministre.

Crédits du titre III. - Adoption (p. 28 )

Crédits du titre IV (p. 29 )

Mme Marie-Christine Blandin.
Amendement n° II-21 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Ivan Renar, Henri Weber, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Jacques Legendre. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre V (p. 30 )

Amendement n° II-36 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Mme Marie-Christine Blandin. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre VI. - Adoption (p. 31 )

Article 63. - Adoption (p. 32 )

8. Communication (p. 33 ).

9. Ordre du jour (p. 34 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CANDIDATURE
À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Paul Blanc pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

3

LOI DE FINANCES POUR 2003

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003 (n° 67, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 68 (2002-2003).]

Travail, santé et solidarité



I. - TRAVAIL

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la solidarité : I. - Travail.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentale fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur ; ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du ministère du travail s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2003, à 15,7 milliards d'euros, alors qu'ils s'établissaient à 16,7 milliards d'euros en 2002 ; cette diminution de 6 % ne rend évidemment pas compte de l'évolution des moyens destinés au soutien de l'emploi, j'y reviendrai dans quelques instants.
Ces crédits sont consacrés aux moyens de fonctionnement à hauteur de 12 %, et aux dépenses d'intervention à hauteur de 88 %.
Je souhaite vous faire part des cinq observations que m'inspirent les dotations allouées au travail pour 2003.
Première observation : le chômage est reparti à la hausse. De l'été 1997 au printemps 2001, le chômage était passé du taux record de 12,7 % à un plancher de 8,7 %. Hélas ! depuis le mois de mai 2001, la situation de l'emploi se détériore à nouveau.
On remarque que le nombre de demandeurs d'emploi a crû moins rapidement au premier semestre de 2002 qu'au second semestre de 2001. Cette progression contenue du taux de chômage, qui s'établit finalement à 9 %, est en partie attribuée à une moindre augmentation de la population active.
Cependant, cette baisse pourrait ne pas suffire à contrecarrer les effets sur l'emploi d'une nouvelle dégradation de la conjoncture.
Par ailleurs, la progression du chômage observée en France est, en valeur relative, d'un niveau comparable à celle qui a pu être observée dans l'ensemble de l'Union européenne.
Précisons aussi que le retournement observé au printemps 2001 affecte davantage les jeunes, les hommes, les plus diplômés et les plus qualifiés.
Deuxième observation : le projet de budget pour 2003 s'inscrit dans le cadre d'une réforme structurelle du marché du travail.
La baisse du chômage en France se heurte en effet au niveau élevé du chômage structurel, couramment évalué à 8 % de la population active. Qu'envisage le Gouvernement pour le faire baisser ?
Il propose tout d'abord de diminuer le coût du travail dans le secteur marchand, en relançant la politique d'exonération générale sur les bas salaires, sans référence à la durée du travail.
Le projet de loi Fillon vise à instaurer un dispositif unifié de réduction de cotisations patronales. Cette mesure a été élaborée dans le contexte de la nécessaire convergence des SMIC, programmée pour le 1er juillet 2005, et dans le souci de tenir compte d'un double impératif économique.
En effet, la restauration d'un SMIC horaire unique ne doit pas occasionner de perte pour les salariés qui sont déjà passés aux 35 heures, et la revalorisation substantielle du pouvoir d'achat des minima salariaux qu'implique cette convergence ne doit pas porter préjudice à la compétitivité des entreprises.
Par ailleurs, la réorientation des politiques ciblées vers le secteur marchand participera à la baisse du coût du travail.
Il s'agit de privilégier, dans toute la mesure du possible, l'accès à un emploi dans le secteur marchand et de recentrer les dispositifs d'insertion du secteur non marchand vers les publics les plus éloignés de l'emploi.
Ainsi, le contrat jeune en entreprise devra permettre de prendre en charge 74 000 contrats en 2003 et devrait profiter à terme à environ 300 000 jeunes. Les sorties du dispositif des emplois-jeunes sont, quant à elles, estimées à 65 000 en 2003.
A propos de l'emploi des jeunes, je souhaiterais que M. le ministe nous donne des éclaircissements sur le futur CIVIS, le contrat d'insertion dans la vie sociale. Sera-t-il, comme les emplois-jeunes, réservé au secteur non marchand ? A-t-on une idée de son coût en année pleine ?
Toujours en vue d'accorder la primauté au secteur marchand, la préférence est donnée aux contrats initiative emploi et à l'insertion économique par les contrats emploi solidarité et les contrats emplois consolidés.
Enfin, la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, qui échappe évidemment au budget de l'emploi, vise à diminuer le coût du travail.
Le deuxième axe de lutte contre le chômage structurel concerne l'amélioration de l'offre de travail. Il comprend, d'une part, une amélioration qualitative, avec le maintien de l'effort en direction de la formation professionnelle en alternance, la mise en place du dispositif de validation de l'expérience et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et, d'autre part, une amélioration quantitative, avec la diminution des crédits de préretraite et le renforcement de la prime pour l'emploi.
Le troisième axe de lutte contre le chômage structurel vise les rigidités qui pénalisent l'emploi, avec la reconduction des moyens dévolus à la création d'entreprise, la réforme du régime des heures supplémentaires et l'assouplissement de la loi de modernisation sociale.
Troisième observation : la baisse des crédits est peu significative, mais la modération budgétaire est réelle.
En 2000, la création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, s'est traduite par une débudgétisation massive, ce dernier recevant la plupart des crédits destinés à compenser les exonérations de cotisations sociales. Cette orientation est confirmée, car le FOREC est appelé à prendre en charge le dispositif unifié de compensation des exonérations de charges sociales programmé par le projet de loi Fillon.
Ainsi, le coût des allégements de charges financés par le FOREC en 2003 s'élèvera à 16,56 milliards d'euros, soit un montant supérieur, pour la première fois, à celui qui est prévu pour le budget du travail, soit 15,72 milliards d'euros.
Si l'on additionne les crédits de l'emploi et les dépenses du FOREC, il en ressort une quasi-stagnation - moins 0,11 % - des moyens mis au service de la politique de l'emploi.
Cette stagnation recouvre un double mouvement : une augmentation générale des moyens mis au service des dispositifs d'exonération de charges sociales et, en contrepartie, une diminution des moyens consacrés aux autres dispositifs de l'emploi, essentiellement imputable à la baisse des moyens affectés aux dispositifs destinés aux publics prioritaires relevant du secteur non marchand.
Entre autres inconvénients, le FOREC rend la politique de l'emploi peu lisible. Je voudrais que M. le ministre nous confirme l'intention du Gouvernement de supprimer le FOREC pour 2004 et nous indique si elle se traduira par une réintégration du coût des exonérations dans le budget du travail.
Par ailleurs, malgré une modération budgétaire qui ne mérite que des éloges, il m'a semblé qu'une économie supplémentaire pourrait résulter d'une révision des crédits consacrés aux bourses d'accès à l'emploi, qui paraissent surévalués, s'agissant d'un dispositif en extinction. Cette économie modeste, rapportée à votre budget, s'élèverait à 5 millions d'euros. Le président de la commission, le rapporteur général et moi-même avons déposé un amendement en ce sens.
Quatrième observation : des incertitudes pèsent sur le calibrage des crédits.
La surdotation traditionnelle des emplois-jeunes a fait place à une sous-dotation affichée des contrats emploi solidarité : 160 000 entrées sont prévues en CES dans le présent projet de loi de finances, alors que 80 000 sont budgétisées. Au surplus, ce doublement est une hypothèse basse, les dernières déclarations gouvernementales faisant état d'un triplement. Or il est officiellement envisagé de reporter sur 2003 une partie des crédits disponibles en 2002 pour financer ce surcoût.
D'une façon générale, l'importance des reports relativise considérablement la portée de l'autorisation budgétaire. Du reste, la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 en limitera le volume à 3 % au sein d'un même programme. Ce taux est à rapprocher de celui du volume des reports pratiqués sur les crédits d'intervention du travail, qui s'est établi à 7,8 % sur l'exercice 2001 et à 9,4 % sur l'exercice 2002.
Il conviendra de suivre avec attention la pratique du ministère du travail en matière d'utilisation des reports et de faire, s'il y a lieu, la part de l'imprévisible et celle de l'imprévision. Si le volume des reports existants n'est pas imputable au gouvernement actuel, je ne peux que préconiser, pour l'avenir, l'annulation des reports qui se trouveraient libres d'emploi.
Cinquième observation : la perspective de la pleine application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 est encore peu tangible.
Certes, la poursuite de la démarche de globalisation des crédits avec la région Centre, qui s'étend désormais à certains crédits d'intervention avec la mise en oeuvre du programme d'accès à l'emploi, est de bon augure.
Pourtant, les indicateurs de résultats mis en place au niveau des agrégats recouvrent très insuffisamment le champ de la politique de l'emploi. Ces trop rares indicateurs semblent être en revanche assez bien conçus, à la hauteur de certains enjeux. Toutefois, ils sont insuffisamment renseignés, si bien qu'il est rare qu'à un objectif corresponde un résultat et qu'un résultat puisse être confronté à un objectif.
Je souhaiterais surtout que M. le ministre nous fasse part de l'essentiel de la réflexion, sans doute avancée, de son ministère sur la mise en place des programmes requis par la loi organique.
Je conclurai par une constatation d'ensemble. Aujourd'hui, la complexité, le foisonnement et le coût de nos dispositifs en matière d'emploi sont inversement proportionnels aux résultats obtenus par la France en matière de lutte contre le chômage. A ce titre, l'engagement d'une politique de lutte contre le chômage structurel et une modération budgétaire d'ensemble sont porteurs d'espoir. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le rapporteur spécial, après la présentation de votre rapport et à la suite des questions que vous venez de poser, je commencerai par apporter quelques précisions concernant les chiffres du chômage au mois d'octobre, puisque vous les avez évoqués.
Le nombre de chômeurs a, en effet, diminué de 2 800 unités en octobre, soit une légère diminution de 0,1 %, après une stabilité quasi totale au mois de septembre. Le chômage des femmes diminue de 0,6 %, celui des jeunes de 0,8 %.
En revanche, le chômage de longue durée a repris, après un mois stable, sa croissance, enregistrant une progression de 1,7 %.
Depuis six mois que le nouveau gouvernement est installé, je cite les chiffres pour ce qu'ils sont, sans faire de commentaires. J'estime, en effet, que le chômage et l'emploi sont d'abord liés à l'activité économique et à celle des entreprises. J'ai d'ailleurs toujours trouvé parfaitement choquant que le ministre du travail s'attribue les résultats des chiffres du chômage mois après mois, comme s'il en était directement responsable.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez posé trois grandes séries de questions.
La première concerne le CIVIS, le contrat d'insertion dans la vie sociale, que nous sommes en train de préparer et qui fera l'objet, comme je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises, d'un débat devant le Parlement au début de l'année prochaine.
Le CIVIS est destiné à aider les jeunes qui ont des difficultés d'insertion et à soutenir ceux qui ont des projets. Il vise à rompre avec les logiques d'assistance et à tirer les enseignements des défauts du dispositif emplois-jeunes.
Le défaut principal de ce dispositif tenait en particulier au fait qu'il n'était pas réellement destiné aux jeunes qui en avaient le plus besoin. On peut même considérer que, dans un certain nombre de cas, notamment au cours des années de croissance forte et alors que les besoins en jeunes qualifiés étaient importants, il a détourné de l'activité de production, à laquelle ils auraient pourtant été bien utiles, des jeunes qui avaient les qualifications et les diplômes nécessaires pour être recrutés.
Le CIVIS sera donc d'abord fondé sur une évaluation effectuée au niveau local - je pense aux missions locales - du jeune, de ses difficultés d'insertion et de la nature de son projet.
A partir de cette évaluation, un contrat sera signé. Complètement personnalisé, ce contrat pourra revêtir plusieurs aspects. Il pourra prévoir soit un soutien à l'insertion en prenant appui sur l'actuel dispositif TRACE, le trajet d'accès à l'emploi, en l'amplifiant ; soit un soutien à la création d'une activité sous la forme d'une aide à la création d'activité et d'emploi ; soit un soutien à la mise en place d'une activité à caractère humanitaire ou à l'engagement dans une telle activité en reprenant les dispositifs qui existent aujourd'hui ; soit enfin, et c'est la l'innovation principale de ce contrat, un soutien sous la forme d'un salaire pour aider les jeunes à participer au fonctionnement d'associations à caractère social, culturel ou sportif.
Le CIVIS sera obligatoirement accompagné d'une formation. Ce sera un des éléments déterminants du contrat, et nous souhaitons engager, avec les régions notamment, une discussion sur la formation.
S'agissant maintenant du FOREC, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale - qui porte bien mal son nom puisqu'il n'y a pas eu de réforme des cotisations patronales -, je rappelle qu'il visait à compenser, par le moyen de recettes fiscales et non par la voie des dépenses budgétaires, les exonérations de cotisations sociales.
Compte tenu des masses financières en jeu - 16,6 milliards d'euros - et du temps que nous avions pour préparer le budget 2003, il m'est apparu difficile de le supprimer purement et simplement et de réintégrer les exonérations de charges dans le budget du travail. En effet, une telle opération aurait pour principal inconvénient de « gonfler » les dépenses budgétaires de 16,6 milliards d'euros et de réaffecter au budget de l'Etat la majeure partie des droits de consommation sur les tabacs et la totalité des droits sur les alcools, ce qui apparaîtrait peu logique.
Je reconnais que ce serait pourtant l'orthodoxie budgétaire. Je suis d'ailleurs moi-même contraint de vous expliquer constamment que le budget de la politique de l'emploi augmente plus qu'il n'y paraît, puisqu'il faut prendre en compte le milliard d'euros d'exonérations supplémentaires - comme vous l'avez d'ailleurs fait - financé par le FOREC en 2003 pour les allégements de charges.
Le FOREC n'est finalement qu'un outil comptable. Le fait d'isoler, dans un compte particulier, le financement des allégements de charges n'est pas choquant en soi. C'est la « pratique » du FOREC au cours de la législature précédente qui a été condamnable, puisque des recettes autrefois dévolues à la sécurité sociale lui ont été affectées.
Nous devons trouver le moyen de donner une meilleure lisibilité à la politique de l'emploi, tout en assurant à la sécurité sociale la compensation de ses pertes de recettes.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement, par la voix de Jean-François Mattei, s'est engagé à créer un groupe de travail, constitué autour des rapporteurs de la loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale et au Sénat. La mission de ce groupe de travail portera sur la clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.
Le « noyau dur » de cette clarification passe bien par une simplification, voire par une suppression du FOREC, si une telle suppression paraît possible.
Dans cet esprit, M. Alain Vasselle, rapporteur de la loi de financement de la sécurité sociale au Sénat, a déjà fait part d'un scénario qui me semble digne d'intérêt.
La première idée est de réduire le nombre de recettes affectées au FOREC. Il y en a huit aujourd'hui, et plus personne ne s'y retouve.
La seconde idée est de « geler » les recettes fiscales affectées au FOREC, une forme de subvention d'équilibre venant équilibrer le fonds. Cette contribution budgétaire, qui est d'ores et déjà prévue par la loi, serait ainsi adoptée en loi de finances, ce qui permettrait d'améliorer la lisibilité budgétaire de la politique de l'emploi.
Le débat est donc lancé, monsieur le rapporteur spécial. Au vu, notamment, des résultats du groupe de travail, le Gouvernement arrêtera sa position pour le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
Enfin, vous avez évoqué la mise en oeuvre de la loi organique sur les lois de finances. Je suis pleinement conscient des enjeux. Dans cette perspective, les deux ministères concernés, celui du travail et celui de la santé et de la solidarité, se sont dotés d'une stratégie, d'une organisation et d'une structure de programmes.
Pour le secteur du travail, cinq programmes ont été retenus : l'accès à l'emploi, c'est-à-dire les aides à l'emploi marchand et non marchand ; les adaptations économiques, c'est-à-dire la promotion de l'emploi et l'accompagnement des restructurations ; les droits des salariés et le dialogue social ; la formation tout au long de la vie ; enfin, la gestion et l'évaluation des politiques du travail.
Certes, les indicateurs de résultats qui sont au coeur de la loi organique n'existent pas encore ou ne donnent pas entière satisfaction. Nous en sommes conscients, et leur préparation constitue bien notre mission principale dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi.
Pour le secteur du travail, un groupe de travail impliquant l'ensemble des directions du ministère et particulièrement la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, chargée de l'évaluation des politiques, est en cours de constitution. Il aura pour mission de formaliser des objectifs quantifiables associés aux programmes et de proposer une liste d'indicateurs pertinents.
L'objectif consiste à anticiper l'échéance du projet de loi de finances pour 2006 sur la base de notre structure de programmes. Ainsi, la présentation par agrégats dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004 préfigurera les futurs projets de performance, grâce à un lien beaucoup plus étroit entre la présentation des crédits et les objectifs fixés.
Par ailleurs, la mise en place d'expérimentations dans les services déconcentrés doit nous permettre de tester la validité de notre structure de programmes pour mettre en oeuvre de nouvelles modalités de gestion publique. Je pense notamment, et vous l'avez évoquée, à l'expérimentation en région Centre, fondée sur la mise à disposition des gestionnaires d'enveloppes fongibles regroupant plusieurs dotations, conformément à la logique de la loi organique.
Bien entendu, ce travail sera effectué dans le cadre d'un dialogue constructif avec le Parlement pour la mise en oeuvre de la loi d'ici à 2006. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, rapporteur pour avis.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le travail et l'emploi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du travail pour 2003 devraient - on l'a dit - baisser de 6,2 %.
Cette diminution ne marque pourtant pas un dégagement de l'Etat. Elle correspond en réalité à une réorientation forte de la politique de l'emploi vers la création d'emplois dans le secteur marchand, réorientation que la commission des affaires sociales appelait d'ailleurs de ses voeux depuis plusieurs années.
Mais l'orientation d'une politique de l'emploi et du budget qui lui est consacrée doit avant tout s'évaluer au regard du contexte dans lequel elle s'inscrit. Or le contexte est aujourd'hui très préoccupant.
Vous le savez, mes chers collègues, le chômage est reparti à la hausse depuis un an et demi, après plusieurs années de baisse et de conjoncture favorable, même s'il est, il faut le remarquer, stable depuis deux ou trois mois.
La détérioration du marché du travail apparaît largement liée au retournement de la conjoncture. Deux indicateurs me paraissent à cet égard significatifs.
D'une part, les licenciements économiques augmentent vivement. Dans les neuf premiers mois de l'année, leur nombre a progressé de 20 %.
D'autre part, notre économie ne crée plus d'emplois depuis le début de l'année.
Ces évolutions ne sont pas propres à la France, mais elles sont d'autant plus inquiétantes que le taux de chômage dans notre pays continue de se situer à un niveau comparativement élevé. Le taux de chômage français demeure en effet supérieur de 1,5 point à la moyenne européenne.
Dans ce contexte difficile, je crois devoir ici insister sur la forte dégradation de la situation financière de notre régime d'assurance chômage, qui reste très sensible aux fluctuations conjoncturelles.
L'UNEDIC vient de rendre publiques ses nouvelles prévisions financières. Elles sont alarmantes. Le déficit d'exploitation du régime devrait atteindre 3,7 milliards d'euros en 2002, soit une situation pire encore que celle qu'a pu connaître le régime en ses heures les plus noires de 1992 et 1993. D'ores et déjà, l'UNEDIC a dû se résoudre à recourir à l'emprunt pour faire face à ses échéances et pour rétablir sa trésorerie.
Certes, le 19 juin dernier, les partenaires sociaux gestionnaires du régime ont adopté une première série de mesures de sauvegarde, notamment une hausse de 0,2 point des cotisations, ce qui permettra d'améliorer le résultat net du régime de 800 millions d'euros en 2002. Hélas ! les effets de ces mesures sont déjà totalement absorbés.
Aussi les partenaires sociaux ont-ils prévu d'engager d'ici à quelques semaines une nouvelle négociation - qui promet d'être difficile ! - afin de rétablir l'équilibre financier du régime.
Je sais, monsieur le ministre, que le Gouvernement n'est pas indifférent aux difficultés que rencontre le régime d'assurance chômage. Le Gouvernement a d'ailleurs déjà accepté, en juin dernier, de reporter de 2002 à 2003 le versement de 1,2 milliard d'euros de l'UNEDIC à l'Etat prévu par la loi du 17 juillet 2001, afin de prendre en compte « les grandes difficultés observées en 2002 et les efforts consentis par les partenaires sociaux ».
Je souhaiterais cependant savoir - c'est ma première question - comment l'Etat compte accompagner l'effort, nécessairement collectif, de rétablissement des comptes de l'UNEDIC. Envisage-t-il notamment de renoncer, le cas échéant, au versement par l'UNEDIC de 1,2 milliard d'euros prévu dans le projet de loi de finances ?
L'efficacité de la nouvelle politique de l'emploi que traduit le présent projet de budget du travail repose également sur la mobilisation du service public de l'emploi.
La modernisation a déjà été largement engagée, notamment au travers des contrats de progrès successifs entre l'Etat et l'ANPE et des conventions d'application de la nouvelle convention d'assurance chômage.
La commission des affaires sociales considère que ce mouvement doit se poursuivre et s'accentuer. Le contrat de progrès, qui sera conclu dans les prochaines semaines, doit en être l'instrument.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer - et c'est là ma deuxième question - les intentions de l'Etat pour ce nouveau contrat de progrès ? Quels sont les objectifs que vous recherchez en la matière ? Quelles pourraient être les grandes lignes de ce contrat de progrès ? Où en sont les négociations ?
Au-delà de ces éléments contextuels, la réorientation de la politique de l'emploi que j'évoquais tout à l'heure a une traduction budgétaire immédiate : la réallocation des moyens pour les actions de l'Etat en faveur des publics prioritaires.
De fait, la progression des dispositifs de soutien à l'emploi dans le secteur marchand a pour contrepartie un ralentissement des contrats aidés dans le secteur non marchand.
C'est tout particulièrement le cas pour l'emploi des jeunes. La montée en charge du programme jeunes en entreprises permettra ainsi de compenser, au moins en nombre de bénéficiaires, la fin des nouvelles entrées dans le programme emplois-jeunes.
J'observe d'ailleurs que le Gouvernement, à l'inverse de son prédécesseur, prévoit effectivement des mesures d'aide à la pérennisation des emplois créés par les associations dont l'utilité sociale serait avérée, mais dont le financement ne serait pas totalement assuré.
A cet égard, la commission des affaires sociales considère qu'au-delà des aides aux employeurs il serait souhaitable de favoriser dès à présent la sortie du dispositif des jeunes quand les perspectives de pérennisation de leur poste sont faibles. Elle avait d'ailleurs déjà formulé des propositions en ce sens en faveur de ces jeunes, qui risquent d'être les premières victimes de ce dispositif conçu à la hâte.
Certes, un nouveau contrat, le CIVIS, est annoncé, mais pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, et ce sera ma troisième question, comment le Gouvernement entend faciliter l'insertion durable et réelle de ces jeunes, hélas ! trop souvent bloqués sur des voies de garage ?
Toujours dans cette perspective de réorientation de la politique de l'emploi, le projet de budget prévoit un meilleur ciblage des contrats aidés, notamment des contrats emploi-solidarité.
Ce recentrage, nécessairement restrictif, a, vous le savez, suscité une certaine émotion, notamment parmi les professionnels de l'insertion. Il est vrai que ces contrats peuvent constituer une réponse adaptée pour prévenir le chômage prolongé des publics les plus en difficulté, qui sont souvent les premières victimes du retournement de la conjoncture.
Aussi la commission ne peut-elle que se féliciter de ce que le Gouvernement ait décidé d'assouplir quelque peu sa position sur ce point.
Pour autant, je crois souhaitable d'engager une réflexion d'ensemble sur la modernisation de nos dispositifs d'insertion, qui ne peut, à l'évidence, porter sur la seule dimension de la régulation budgétaire de ces derniers.
Le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé envisager la fusion des contrats emploi-solidarité et des contrats emplois consolidés. Cette initiative va dans le bon sens, mais j'estime, pour ma part, que la réflexion devrait être plus globale et intégrer l'ensemble des contrats aidés. Tous ces instruments ont leurs mérites, mais aussi leurs faiblesses. Leur articulation est loin d'être toujours claire et les résultats qu'ils permettent d'obtenir en matière d'insertion durable sur le marché du travail sont contrastés. Aussi tous ces dispositifs me semblent-ils devoir être réexaminés afin de renforcer leur dimension professionnalisante et leur adéquation avec les besoins du marché du travail.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser vos intentions en la matière ? C'est là ma quatrième question.
Au-delà de la priorité marquée en faveur des aides à l'emploi dans le secteur marchand, l'autre ligne de force du présent projet de budget concerne ce qu'il est convenu d'appeler l'accompagnement des adaptations économiques. Les crédits correspondants, qui représentent près de 20 % du total, augmentent de près de 10 %.
L'évolution de la situation de l'emploi en 2003 reste très difficile à prévoir tant elle dépendra de l'évolution de la conjoncture économique. Il aurait cependant été irresponsable de ne pas anticiper une éventuelle aggravation du chômage au moment où notre économie ne crée plus d'emplois.
A l'évidence, le présent projet de budget s'inscrit dans la voie de la responsabilité, avec un ajustement des crédits en conséquence. A ce titre, il prévoit notamment une augmentation de 50 % des dotations destinées à financer le chômage partiel et une hausse de 16 % des dépenses d'indemnisation du chômage à la charge de l'Etat, liée notamment à la montée en charge du dispositif de l'allocation « équivalent retraite » institué par la loi de finances de 2002.
Mais, en la matière, le projet de budget traduit aussi un volontarisme certain du Gouvernement.
Celui-ci souhaite, en effet, comme d'ailleurs ses prédécesseurs, limiter le recours aux mesures d'âge par les entreprises. En conséquence, et conformément aux engagements européens pris par la France, le projet de budget prévoit une diminution sensible des crédits consacrés aux retraits anticipés d'activité des salariés les plus âgés.
En effet, monsieur le ministre, vous avez annoncé votre intention d'augmenter le coût des préretraites pour les entreprises. Ainsi, la participation des entreprises au financement des préretraites du régime de l'ASFNE - l'allocation spéciale du fonds national de l'emploi -, dans le cadre d'un plan social, serait portée de 30 % à 50 % du coût total. De même, la participation des entreprises au financement des préretraites progressives serait majorée.
La commission partage bien évidemment cette orientation. Je ne pense pas, en effet, que l'Etat ait vocation à subventionner l'éviction du marché du travail des salariés les plus âgés, alors même que leur taux d'emploi, dans notre pays, est déjà l'un des plus faibles d'Europe. Je crois au contraire qu'il faut résolument privilégier les reclassements internes, voire externes, par rapport aux mesures d'âge, car il n'est pas raisonnable que notre économie se prive de l'expérience et des compétences des salariés les plus âgés, alors même que subsistent, en dépit de la hausse du chômage, d'importantes difficultés de recrutement dans de nombreux secteurs.
La commission considère toutefois qu'il est nécessaire d'aller plus avant dans la voie de la réforme des dispositifs de retrait d'activité.
Le renforcement de la participation des entreprises au financement des préretraites ne permettra pas, à lui seul, d'améliorer durablement le taux d'emploi des travailleurs âgés. Il risque plutôt de conduire à un accroissement de leur taux de chômage.
Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle convention d'assurance chômage, on observe d'ailleurs une augmentation sensible du nombre des chômeurs de plus de cinquante-cinq ans indemnisés par le régime d'assurance chômage. L'alternative aux préretraites est donc moins, pour l'instant, l'emploi que le chômage.
Cette situation n'est, à l'évidence, pas saine, et ne fait, en outre, que déséquilibrer plus encore les relations financières, déjà passablement embrouillées, entre l'Etat et l'UNEDIC.
Aussi - ce sera ma dernière question, monsieur le ministre - souhaiterions-nous savoir si le Gouvernement envisage de réexaminer plus en profondeur nos dispositifs de préretraite et leurs modalités de financement. Au-delà, comment comptez-vous améliorer le taux d'emploi des salariés âgés ? En outre, ne jugez-vous pas souhaitable de mieux évaluer la pertinence de la « contribution Delalande », voire de la reformater, celle-ci semblant constituer un obstacle non négligeable à l'embauche des salariés âgés ?
Au total, la commission considère que ce projet de budget concrétise une première réorientation de la politique de l'emploi vers la création d'emplois dans le secteur marchand.
Cette réorientation intervient certes dans un contexte difficile, mais je crois qu'elle est structurellement de nature à favoriser la création d'emplois durables et à prévenir ainsi une nouvelle progression du chômage. Je crois aussi qu'elle ne peut être, à terme, que bien plus efficace qu'une simple et stérile politique de traitement social du chômage.
Aussi la commission des affaires sociales a-t-elle émis un avis favorable à l'adoption des crédits du travail pour 2003. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DU LUXEMBOURG

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation du parlement luxembourgeois conduite par M. Jean-Paul Rippinger, membre du bureau, accompagné par notre collègue M. Christian Cointat, président délégué du groupe interparlementaire d'amitié France-Luxembourg.
Cette visite s'inscrit dans le cadre d'une réflexion menée par la chambre des députés du Luxembourg, portant sur l'ensemble des moyens audiovisuels mis en oeuvre au Parlement français pour assurer la meilleure publicité de nos travaux, au travers de la chaîne parlementaire et notamment de Public Sénat.
Je souhaite à nos collègues luxembourgeois une cordiale bienvenue au Sénat français, où nous sommes heureux de les accueillir. Nous espérons qu'ils garderont de leur passage, à notre regret trop court, le meilleur souvenir. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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LOI DE FINANCES POUR 2003

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.

Travail, santé et solidarité (suite)

I. - TRAVAIL (suite)

M. le président. Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la formation professionnelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année qui vient sera cruciale pour notre système de formation professionnelle.
Celui-ci a évolué, cette année, dans un contexte lourd d'incertitudes. La négociation interprofessionnelle, rompue voilà plus d'un an, n'a toujours pas été renouée. Souhaitons qu'elle puisse reprendre dès le lendemain des élections prud'homales du 11 décembre prochain.
Malgré l'ampleur des enjeux, la réforme de la formation professionnelle est donc au point mort.
Depuis plusieurs années, l'effort de l'Etat en faveur de cette dernière n'a cessé de régresser. Pour l'année 2002, les organismes de formation prévoient une baisse de leur chiffre d'affaires de 6 % par rapport à 2001. Enfin, l'environnement institutionnel de la formation professionnelle est lui-même modifié, la nouvelle convention d'assurance chômage et la loi relative à la démocratie de proximité ayant bouleversé en profondeur l'architecture d'un système déjà fort opaque.
C'est dans ce contexte très particulier que s'inscrit le projet de budget pour 2003 de la formation professionnelle.
Le bilan que je viens de dresser appelle une politique volontariste, à la hauteur de la tâche à mener. En dépit de la dimension par nature conjoncturelle de l'exercice, le Gouvernement présente un budget offrant d'intéressantes pistes de sortie de crise, tout en ménageant un espace de liberté indispensable à la négociation entre les partenaires sociaux.
En effet, les crédits de la formation professionnelle augmenteront de près de 1 %, pour atteindre plus de 4,5 milliards d'euros en 2003. Il s'agit là de la première augmentation effective depuis 1998.
Cela dénote, de la part du Gouvernement, une volonté de proposer un projet de budget réaliste et pragmatique : réaliste, car il anticipe la dégradation actuelle du marché de l'emploi ; pragmatique, car il prépare la mise en oeuvre prochaine de l'assurance emploi et pose le socle de la formation tout au long de la vie, ce qui correspond à deux engagements pris par le Président de la République.
Dans ce projet de budget pour 2003, trois points me semblent mériter une attention particulière : le soutien apporté aux formations en alternance, l'effort consacré à la formation des demandeurs d'emploi et l'approfondissement de la décentralisation.
Cette année encore, les formations en alternance représentent le poste budgétaire le plus important.
Près de deux milliards d'euros y sont consacrés, soit plus de 40 % du budget. D'aucuns se borneront à constater une réduction de 5 % des crédits et s'empresseront de dénoncer un désengagement de l'Etat. Je les invite à un examen plus approfondi, qui leur révèlera que ce réajustement ne devrait entamer en rien la vigueur des flux d'entrée ni entraver le « bouclage » budgétaire nécessaire.
Pour les contrats d'apprentissage, le réajustement découle largement du transfert aux régions d'une partie des primes relatives à ces contrats.
Pour les contrats de qualification jeunes, le Gouvernement tente d'ajuster un budget à la réalité des besoins prévisibles et s'engage cette année à ne pas ponctionner l'Association de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL. Depuis 1997, la trésorerie de cette dernière a, en effet, fait l'objet de prélèvements successifs, compromettant l'accomplissement de sa mission de régulation du système.
Enfin, pour les contrats de qualification adultes, la diminution des crédits est la conséquence de mesures techniques décidées par le précédent gouvernement, à savoir le remplacement des exonérations de cotisations sociales par un dispositif d'allégement de droit commun lié à la réduction du temps de travail et à la modulation de la prime pour chaque contrat, qui ne serait plus versée à la signature mais au bout d'un an. De plus, il convient de prendre en compte l'effort financier complémentaire prévu par l'UNEDIC dans le cadre de la nouvelle convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001.
Quoi qu'il en soit, les crédits affectés à la formation en alternance devraient permettre de financer près de 390 000 contrats, soit 8 % de plus qu'attendu pour 2002.
Monsieur le ministre, ma première question porte sur la faible attractivité des contrats de qualification adultes. Nous craignons, en effet, que les difficultés rencontrées par ce dispositif intéressant ne soient structurelles. Je fais référence à l'insuffisance des incitations financières en faveur des organismes collecteurs agréés, aux lourdeurs de la formation des adultes, plus difficile à mettre en oeuvre que celle des jeunes, ou encore aux réticences des entreprises à embaucher au SMIC à taux plein un salarié consacrant à la formation le quart de son temps de travail. Au-delà d'une simple contribution budgétaire, quelles actions prévoyez-vous de mener pour surmonter ces obstacles et relancer le dispositif ?
J'en viens maintenant à la deuxième ligne de force de ce projet de budget : l'encouragement à la formation des demandeurs d'emploi.
Le projet de budget prévoit une augmentation de près de 10 % des crédits destinés à financer la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle.
Cette revalorisation substantielle mérite d'être soulignée. En effet, elle contribuera à prévenir les abandons de formation en cours de stage pour un emploi précaire, préjudiciables à une insertion professionnelle durable.
Cette mesure accompagne l'engagement croissant de l'UNEDIC en faveur de la formation des demandeurs d'emploi.
Par ailleurs, l'Association pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, devrait bénéficier d'un soutien budgétaire important pour sa modernisation. Le contrat de progrès 1999-2003 conclu entre l'Etat et l'AFPA entre dans sa dernière année. Dans ce cadre, l'AFPA a pour mission d'accueillir les demandeurs d'emploi que lui adresse l'ANPE et de les aider à construire un projet de formation. A cet égard, le projet de budget prévoit une augmentation significative de la subvention de fonctionnement, qui représente les trois quarts des recettes de l'association.
On notera également que le Gouvernement doublera les crédits affectés au financement de l'allocation de fin de formation. Ces dotations serviront à financer la poursuite des actions de formation des chômeurs en fin d'indemnisation par l'assurance chômage.
Enfin, comment ne pas souligner que le montant des crédits consacrés à la validation des acquis de l'expérience sera multiplié par cinq ? Ainsi, 2003 représentera véritablement l'année de lancement de la validation des acquis de l'expérience.
Mais un budget ne suffit pas à faire une politique si les moyens opérationnels ne suivent pas. Or la Commission nationale de la certification professionnelle, chargée de la gestion d'un répertoire national, tarde à se mettre en place. Tel est, monsieur le ministre, l'objet de la deuxième question que je voudrais vous poser : avez-vous prévu des mesures d'activation de ce dispositif, encore trop méconnu tant des professionnels que des publics concernés ?
La dernière ligne de force du projet de budget pour 2003 est l'engagement d'une dynamique nouvelle en matière de décentralisation.
Cette volonté est traduite de deux manières : premièrement, le Gouvernement a veillé à ce que les transferts de charges opérés en direction des régions s'accompagnent d'une compensation financière significative ; deuxièmement, répondant aux inquiétudes de certaines régions, il a fait le choix d'une décentralisation progressive et adaptée aux aspirations locales.
Pour ce faire, il prévoit une dotation de décentralisation de 1,5 milliard d'euros, en augmentation de 6,5 % par rapport à 2003.
Les transferts relatifs à l'apprentissage porteront, à terme, sur une somme supérieure à 750 millions d'euros, dépense que de nombreuses régions ne sont pas capables d'assumer dans l'immédiat. C'est pourquoi l'article 77, rattaché pour son examen aux crédits de la formation professionnelle, prévoit que le versement de la compensation financière de ce transfert se fera progressivement jusqu'en 2006. Mais encore faut-il que les régions aient les moyens opérationnels d'assurer ce transfert dans les meilleures conditions.
Par ailleurs, parce que la décentralisation ne peut se réduire à un slogan, le Gouvernement choisit non pas de « plus », mais de « mieux » décentraliser. Monsieur le ministre, lors de votre audition, par la commission des affaires sociales du Sénat, le 7 novembre dernier, vous nous avez assurés de votre détermination à inscrire l'effort de décentralisation dans la voie de l'équilibre et de l'efficacité. Je ne doute pas de votre engagement.
Cependant - ce sera ma troisième question - je m'interroge sur les modalités d'une décentralisation aux contours encore incertains. Comment comptez-vous, monsieur le ministre, assurer la lisibilité du système de formation sur le plan régional et éviter l'apparition de nouvelles disparités ? Quels pourraient être les principes d'une nouvelle réforme législative ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au regard de la profonde inadéquation entre l'offre et la demande de travail dont témoigne la pénurie persistante de main-d'oeuvre qualifiée dans certains secteurs, la formation professionnelle doit cesser d'être le parent pauvre de la politique de l'emploi. En effet, faute de citoyens formés, la compétitivité de l'« entreprise France » risque de se détériorer durablement.
La commission des affaires sociales attendait donc une réaction d'envergure : le présent projet de budget est une première réponse, et elle a émis un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier M. Souvet, qui s'était déjà engagé personnellement lors des débats sur le projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise et sur le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, d'avoir montré à quel point la politique de l'emploi que conduit le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin rompt avec les principes qui avaient été suivis ces dernières années et dont la mise en oeuvre explique, pour une large part, que, malgré une croissance forte, la France demeure l'un des pays européens les plus frappés par le chômage.
La première question de M. Souvet portait sur la situation financière de l'UNEDIC. Je n'ai pas besoin de rappeler au Sénat qu'il s'agit d'un régime conventionnel et qu'il appartient donc aux partenaires sociaux de prendre leurs responsabilités pour déterminer les voies et moyens d'en rétablir l'équilibre financier.
Nous sommes tous très attachés au paritarisme, et nous sommes souvent inquiets de constater que celui-ci s'essouffle dans bien des domaines. Il convient donc de ne pas l'affaiblir dans les secteurs où les partenaires sociaux ont démontré, dans le passé, leur capacité à prendre des décisions courageuses, comme ce fut le cas lors de la signature de l'accord du 19 juin dernier. Si l'Etat sera extrêmement attentif aux décisions qui seront prises par les partenaires sociaux, il veut aussi leur faire savoir que, comme à l'occasion de l'élaboration de l'accord précité, il les soutiendra, prendra ses responsabilités et fera preuve d'au moins autant de courage qu'eux-mêmes.
L'Etat a montré, par le passé, qu'il était prêt à appuyer les efforts demandés par l'UNEDIC aux salariés, aux entreprises et aux chômeurs. Ainsi, en 1992 et en 1993, il avait contribué au rétablissement de l'équilibre financier du régime d'assurance chômage par des concours s'élevant à 6,7 milliards d'euros au total. Récemment, à la suite de l'accord du 19 juin dernier, le Gouvernement a validé les mesures envisagées par les partenaires sociaux en agréant l'ensemble des avenants à la convention d'assurance chômage, en particulier celui qui est consacré au régime des intermittents du spectacle, structurellement déséquilibré. A ce propos, peu de gouvernements avaient eu le courage de suivre les préconisations des partenaires sociaux, qui, je le répète, ne relèvent pas d'une seule organisation, puisque la gestion est paritaire.
En ce qui concerne les 1,2 milliard d'euros dus par l'UNEDIC, à l'Etat au titre de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001, le Gouvernement a accepté la demande, formulée par les partenaires sociaux, d'en reporter le versement à 2003. A la fin de l'année, des négociations importantes s'engageront pour examiner les moyens de faire face au déficit prévu du régime. J'étudierai avec beaucoup d'attention les solutions proposées par les partenaires sociaux, en fonction de la situation financière de l'UNEDIC, dans le cadre de la procédure d'agrément. Vous comprendrez, monsieur le rapporteur pour avis, qu'il ne me soit pas possible d'en dire plus tant que ces propositions ne m'auront pas été communiquées.
La deuxième question de M. Souvet portait sur le futur contrat de progrès entre l'Etat et l'ANPE, ses objectifs, ses lignes directrices et l'état de la négociation.
Avant de vous répondre, monsieur le rapporteur pour avis, je voudrais souligner combien l'ANPE a progressé dans la mise en oeuvre du projet d'action personnalisé pour un nouveau départ, le PAPND. Depuis le 1er juillet 2001, tous les nouveaux inscrits ont bénéficié d'un projet d'action personnalisé. D'ici à la fin de l'année, un PAP aura été proposé à la totalité des demandeurs d'emploi inscrits avant cette date.
L'implication totale des conseillers de l'ANPE permet aujourd'hui aux agences locales pour l'emploi, les ALE, d'effectuer plus de 600 000 entretiens par mois, qui concernent simultanément des demandeurs d'emploi nouvellement inscrits et des demandeurs d'emploi bénéficiant du PAP depuis six mois ou depuis douze mois.
Les services prescrits aux demandeurs d'emploi sont aussi plus nombreux, puisque, en août 2002, près de 50 % des demandeurs d'emploi depuis plus de six mois ont bénéficié d'un appui individualisé, et 17 % d'un accompagnement renforcé. Enfin, plus de 72 000 formations auront été prescrites pour ce seul mois.
Il sera temps, en 2003, pour l'Etat comme pour les partenaires sociaux gestionnaires de l'UNEDIC, de tirer un bilan circonstancié du PAPND et, bien entendu, nous prendrons en compte ces évaluations dans le cadre du quatrième contrat de progrès Etat-ANPE qui sera conclu pour la période 2004-2008.
L'idée, aujourd'hui, c'est que ce contrat vienne consolider les acquis de la mise en oeuvre du PAP. Pour cela, il s'appuiera sur les travaux d'évaluation du troisième contrat de progrès et sur le bilan qualitatif du PARE et du PAP. Il s'agira, au fond, de franchir une nouvelle étape et d'aller plus loin dans la personnalisation du service rendu par l'ANPE aux demandeurs d'emploi. Il s'attachera à améliorer l'offre de service de l'agence aux entreprises. Enfin, il devra répondre aux nouveaux enjeux des dynamiques territoriales, en renforçant les partenariats avec les collectivités, dans le cadre de la décentralisation.
M. Souvet m'a ensuite interrogé sur l'avenir des jeunes concernés par le dispositif emplois-jeunes. Le Gouvernement, soucieux, avant toute chose, du sort des jeunes concernés, pour lesquels, je le rappelle, rien n'avait été prévu, a abordé avec pragmatisme le devenir du programme « Nouveaux services-emplois-jeunes ».
La décision que nous avons prise d'arrêter les nouvelles entrées ne peut être considérée comme un désintérêt ni comme un abandon des 150 000 jeunes encore présents. D'ailleurs, le poids budgétaire, dans le présent projet de loi de finances, de ce programme - 2,7 milliards d'euros - atteste l'intérêt que le Gouvernement porte à ce programme.
Je me suis engagé sur des mesures de pérennisation des emplois créés, afin d'accompagner les associations dans leur recherche de sources alternatives de financement. Pour les associations qui, au terme des cinq ans, n'ont pas atteint leur autonomie, des conventions d'une durée de trois ans pourront, de façon dégressive, prolonger l'aide de l'Etat.
Ces mesures de pérennisation seront mises en oeuvre avec une exigence renforcée quant à la professionnalisation des jeunes et aux actions de formation susceptibles d'être engagées par l'employeur.
Les 10 millions d'euros relatifs au soutien financier exceptionnel permettront de conclure un petit nombre de contrats dont la procédure d'agrément était en cours au moment où la décision de suspendre le programme a été prise.
Pour les jeunes qui ne peuvent pas entrer dans le cadre des dispositifs de pérennisation des emplois et qui ne trouveraient pas de solution immédiate sur le marché du travail, le service public de l'emploi sera totalement mobilisé. Ces jeunes bénéficieront de l'ensemble des prestations prévues par le PAPND : entretien individuel, bilan de compétence, actions de formation. J'ai demandé à mes services de réunir les conditions d'un suivi individualisé spécifique de ces jeunes.
S'agissant, monsieur le rapporteur, de votre proposition de favoriser l'entrée de ces jeunes dans le secteur marchand, dans un certain nombre de cas, les études de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, prouvent que deux jeunes sur trois sortis du programme par eux-mêmes retrouvent un emploi sans aide particulière. Il ne nous a donc pas semblé, aujourd'hui, nécessaire de prévoir un dispositif d'aide spécifique à l'insertion de ces jeunes dans le secteur marchand.
Bien entendu, cette possibilité existe dans le cadre des dispositifs existants, et rien n'interdit à un jeune sorti du programme emplois-jeunes de conclure un contrat « jeune en entreprise » s'il remplit les conditions d'âge et de diplôme : 20 % des jeunes dans les associations, par exemple, ont moins de vingt-deux ans, et 20 % ont un niveau de qualification inférieur au baccalauréat.
Cela me donne l'occasion - et je suis sûr que vous y serez sensible, monsieur le rapporteur -, de faire un petit point sur la mise en oeuvre du contrat jeune en entreprise.
D'abord, au 21 novembre dernier, le nombre de contrats jeune en entreprise s'élevait à 19 500, c'est-à-dire plus que nos prévisions, puisque, je le rappelle, celles-ci prévoyaient 20 000 contrats avant la fin de l'année. Je le précise à l'attention de tous les oiseaux de mauvais augure, qui avaient annoncé à l'avance, et même dès le démarrage du dispositif, l'échec de ce programme.
Ensuite, et cela ira certainement droit au coeur du rapporteur que vous avez été, cette montée en puissance ne se fait en aucun cas au détriment des programmes de formation en alternance et des contrats de qualification,...
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Très bien !
M. François Fillon, ministre. ... puisque les contrats d'apprentissage, qui étaient en baisse, ont recommencé à croître en octobre dernier, de 1,9 %, et les contrats de qualification pour les jeunes sont en forte augmentation, de 4,3 % en octobre dernier.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Adrien Gouteyron. Bonne nouvelle !
M. François Fillon, ministre. Tous ces chiffres, mis en parallèle avec les chiffres du chômage que je vous ai donnés tout à l'heure, et, encore une fois, sans vouloir prévoir un avenir nécessairement incertain compte tenu de la conjoncture économique générale, montrent qu'il faut relativiser les catastrophes annoncées, tant sur le plan de l'emploi que sur le plan social, par ceux qui ont sans doute intérêt à les prédire.
MM. Adrien Gouteyron et Paul Blanc. Très bien !
M. François Fillon, ministre. Enfin, monsieur le rapporteur, les procédures de pérennisation de certains postes, le contrat jeune, le CIVIS, dont j'ai déjà parlé, qui pourra également concerner certains de ces jeunes, ainsi que la mobilisation des services de l'emploi me paraissent offrir une palette de solutions à la disposition des jeunes qui, progressivement, vont sortir du dispositifs des emplois-jeunes.
Vous m'avez ensuite interrogé sur le devenir des CES et des CEC, qui constituent l'un des sujets sur lesquels le Gouvernement réfléchit à une réforme d'ensemble. Si je vous ai indiqué que notre priorité était de privilégier la politique de l'emploi et le soutien de l'activité favorisant la création et le développement d'emplois dans le secteur marchand, cela ne veut pas dire pour autant que le Gouvernement entend se priver d'instruments qui permettent de venir en aide à des jeunes ou à des personnes en très grande difficulté, qui ont des besoins spécifiques d'insertion.
Il nous semble cependant que les CES et les CEC constituent des outils qui mériteraient d'être rendus plus souples. Nous sommes en train d'y réfléchir. En particulier, nous réfléchissons à la rénovation, à la redéfinition de la gamme des outils utilisés par le service public de l'emploi pour lutter contre le chômage de longue durée, qui est un sujet de mobilisation : j'ai indiqué tout à l'heure qu'il continuait, lui, de progresser.
Nous avons fait un certain nombre de constats sur les insuffisances des mesures CEC et, surtout, des CES, dont l'effet, en termes de retour à l'emploi, est notoirement insuffisant.
J'envisage de proposer un contrat unique d'insertion, qui s'adressera aux personnes très éloignées de l'emploi et aux employeurs du secteur non marchand.
Je souhaite, en premier lieu, renforcer les actions d'accompagnement et de soutien des bénéficiaires, ces actions devant permettre de valoriser le passage de la personne dans ce type de contrat et d'accélérer le retour à l'emploi classique.
Je souhaite, en second lieu, aboutir à un contrat plus modulable, qui pourrait être, mieux qu'aujourd'hui, adapté à la situation particulière de chaque bénéficiaire.
Je souligne, à ce titre, que cette nouvelle mesure, qui sera proposée dans le cadre de réformes qui interviendront en 2003, s'inscrira dans le cadre de l'action territorialisée du service public de l'emploi, à l'instar des CES et des CEC, et contribuera à la mise en oeuvre d'une véritable politique locale d'insertion menée par le service public de l'emploi, en liaison avec les collectivités locales et, notamment, avec les départements, dont les compétences devraient s'accroître sur ce sujet.
Enfin, M. Souvet m'a interrogé sur la question de la place des salariés de plus de cinquante ans dans l'entreprise et sur la politique du Gouvernement par rapport aux différents dispositifs de préretraite.
Le soutien public massif aux préretraites a, vous en conviendrez monsieur le rapporteur pour avis, banalisé les départs anticipés comme unique outil de gestion des âges dans les entreprises.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Hélas !
M. François Fillon, ministre. Une politique progressive de réduction des aides vise à favoriser une prise de conscience des effets pervers de cette évolution pour la société et pour les personnes.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. C'est nécessaire !
M. François Fillon, ministre. Il s'agit donc de développer les pratiques alternatives, internes aux entreprises, de réflexion sur l'âge et sur le travail.
Aujourd'hui, le recours aux préretraites est une pratique généralisée dans les grandes entreprises, et très peu mise en oeuvre dans les petites entreprises. Très peu de grandes entreprises mettent en oeuvre des pratiques de gestion des âges, comme le bilan des compétences, la validation des acquis ou la formation professionnelle pour une évolution interne, alors qu'elles en auraient les moyens.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Bien sûr !
M. François Fillon, ministre. Il est donc nécessaire d'inverser les priorités. Le ministère du travail mais aussi les partenaires sociaux doivent, dans ce domaine, se mobiliser pour développer et diffuser les bonnes pratiques dans les entreprises.
La refonte du système de formation professionnelle et le développement de la formation tout au long de la vie constituent une priorité. C'est en formant les personnes en milieu de carrière qu'on leur donne les moyens de s'adapter aux évolutions de l'entreprise.
Il faut aussi mettre à plat les différentes mesures qui freinent le retour dans l'emploi des salariés les plus âgés. La contribution Delalande en fait partie. (M. le rapporteur pour avis opine.) L'urgence, c'est la prise de conscience de l'ensemble des partenaires sociaux pour aborder toutes ces questions à l'occasion des négociations qu'ils vont ouvrir.
J'en profite pour indiquer au Sénat que, comme je l'avais souhaité, notamment à l'occasion du débat sur les 35 heures, les partenaires sociaux ont répondu à l'appel du Gouvernement pour engager une négociation sur la formation professionnelle, comme ils se sont engagés également à le faire sur la révision des dispositions relatives aux plans sociaux.
S'agissant des mesures d'âge, j'en viens aux mesures spécifiques prévues dans le budget.
La hausse des contributions pour 2003 porte essentiellement sur les préretraites progressives, où les taux vont être triplés en moyenne, le taux moyen passant de 3,6 % à 10 %.
Pour les allocations spéciales du fonds national de l'emploi, les ASFNE, les taux seront aussi augmentés, mais en faisant porter prioritairement l'effort sur les plus grandes entreprises et sur les départs dérogatoires à cinquante-six ans, et non à cinquante-sept ans. Les critères d'attribution des ASFNE ne sont pas modifiés. Il s'agit toujours des secteurs en difficulté, des publics en difficulté et des PME ainsi que des bassins d'emploi difficiles. Il convient du reste de noter que la plupart des ASFNE sont attribuées à des PME en liquidation judiciaire, donc sans participation de l'entreprise.
Mme Bocandé m'a interrogé sur les contrats de qualification adultes. Ce contrat, créé par la loi de 1998, a été pérennisé en 2002. Je partage votre avis sur l'intérêt de ce dispositif, compte tenu de ses spécificités. Il s'adresse à des personnes sans emploi âgées de vingt-six ans et plus, qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles du fait de l'insuffisance de qualification. La formation est obligatoire : elle représente 25 % de la durée du contrat. Dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi-projet d'action personnalisé, le PARE-PAP, cette formation peut d'ailleurs être financée par l'UNEDIC pour les chômeurs indemnisés.
L'objectif est double. Il s'agit à la fois de permettre aux personnes qui rencontrent des difficultés pour trouver un emploi d'accéder à une qualification reconnue, mais aussi d'aider les entreprises ayant des difficultés de recrutement à embaucher des salariés qualifiés.
Les contrats de qualification adultes ont concerné, en 1999, qui est l'année de démarrage expérimental, 3 000 personnes. La montée en charge a été lente, puisque l'on prévoit, pour 2002, 11 000 contrats, c'est-à-dire un peu moins que la prévision initiale de l'année, à savoir 14 000. La principale raison de cette montée en puissance difficile est évidemment la remontée du chômage, qui affecte depuis un an l'ensemble des dispositifs et des contrats de qualification.
Nous prévoyons, pour 2003, 14 000 contrats : autrement dit, nous reprenons l'objectif initial non atteint de l'année passée. Cet objectif ne me paraît pas hors d'atteinte, compte tenu de la situation réelle de l'économie et de l'emploi.
Les derniers chiffres dont nous disposons laissent même présager une progression plus forte : 1 200 entrées ont été enregistrées en octobre de cette année, alors que la moyenne des autres mois était plutôt de l'ordre de 700. Cela représente une augmentation considérable.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. François Fillon, ministre. De toute façon, une modification du dispositif en 2003, alors qu'il en est à sa première année de mise en oeuvre dans les nouvelles conditions, serait plutôt de nature à freiner la montée en charge qu'à la stimuler. Il faut, s'agissant d'un dispositif complexe, laisser aux acteurs le temps de se l'approprier.
Pour ma part, je suis déterminé à encourager mes services à développer ce dispositif, notamment en se rapprochant des branches professionnelles qui ne cessent de nous dire qu'elles manquent de main-d'oeuvre qualifiée.
Votre deuxième question, madame Bocandé, porte sur la décentralisation de la formation professionnelle et sur les inquiétudes qui se sont fait jour.
Vous avez souligné le risque de manque de lisibilité en cas de décentralisation de la formation professionnelle. Pour ma part, je considère que c'est à l'heure actuelle qu'existe une illisibilité de la formation professionnelle en raison de l'enchevêtrement des compétences et des financements entre les différents acteurs de la formation que sont les partenaires sociaux - qui ont une responsabilité ô combien importante - les collectivités territoriales, les régions essentiellement, et l'Etat.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. C'est clair !
M. François Fillon, ministre. Il faut rappeler en effet que les régions ont reçu une compétence de droit commun en matière d'apprentissage et de formation professionnelle depuis les lois de 1983 et de 1993. Mais, en réalité, l'Etat continue d'assumer de nombreuses compétences.
Ainsi, en ce qui concerne l'apprentissage, c'est lui qui agrée les collecteurs et qui effectue les contrôles pédagogiques et financiers. Pour les jeunes en insertion, une partie du financement des missions locales et le programme TRACE sont de la responsabilité de l'Etat. Il prend en charge la majeure partie des formations des demandeurs d'emploi adultes, notamment dans le cadre de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, ainsi que leur rémunération. Il aide les entreprises et les branches professionnelles à développer leur effort de formation grâce aux engagements de développement de la formation.
Pour ma part, je considère donc que, avant d'aller plus loin dans la décentralisation de la formation professionnelle, il faudrait clarifier le paysage.
D'abord, il faudrait préciser les rôles respectifs de l'Etat et des régions. L'Etat doit, me semble-t-il, conserver la responsabilité d'ordre législatif et réglementaire de la définition et du contrôle du système de formation professionnelle, ainsi que de la certification, c'est-à-dire les titres et diplômes sanctionnant les parcours de formation ou la validation des acquis d'expérience. L'Etat doit aussi rester garant de l'égalité d'accès et de traitement des personnes au regard de la formation.
Ensuite, il conviendrait de définir les blocs de compétences qui pourraient être transférées aux régions, en ayant à l'esprit que certains pans de la formation professionnelle sont extrêmement liés à la politique de l'emploi qui, elle, devrait rester de la compétence de l'Etat.
Par ailleurs, se pose le problème spécifique de l'AFPA pour laquelle plusieurs scénarios peuvent être envisagés.
Enfin, il faudrait prévoir, à côté d'un « plus » de décentralisation, un « mieux » de décentralisation, qui pourrait conduire à affirmer le rôle des régions en matière de coordination des différentes politiques de formation ainsi que de politiques d'accueil et d'orientation des personnes afin d'assurer à chacun une véritable formation tout au long de la vie, ce qui, vous le savez, est le fil conducteur de la politique du Gouvernement dans ce domaine.
Ces clarifications, cette meilleure définition de la responsabilité des uns et des autres, ces compétences nouvelles transférées aux régions devraient évidemment s'accompagner d'une prise en compte, par les partenaires sociaux, de l'échelon régional, qui, aujourd'hui, n'est pas tout à fait entré dans leurs habitudes.
En termes de réformes législatives, enfin, est d'abord prévue, vous le savez, une réforme constitutionnelle. C'est à l'issue celle-ci et des assises régionales des libertés locales, au cours desquelles les régions auront pu exprimer leurs souhaits, qu'un projet de loi organisant des transferts de compétences et, le cas échéant, sur ce sujet complexe, des expérimentations sera déposé au Parlement au printemps 2003.
Enfin, Mme Annick Bocandé m'a interrogé sur la validation des acquis de l'expérience.
Nous avons prévu - et vous l'avez souligné, madame - de faire un effort considérable en 2003 pour déployer ce dispositif, auquel le Gouvernement croit beaucoup. Nous avons donc multiplié par cinq les crédits destinés à la mise en place du réseau d'information et de conseil en validation des acquis de l'expérience au développement des actions de validation, y compris les frais de jury, et des actions d'accompagnement des candidats pour l'accès aux certifications et, bien entendu, au financement de la Commission nationale de la certification professionnelle et à celui du répertoire national des certifications professionnelles.
La mise en oeuvre de ces trois objectifs est bien avancée.
Ainsi, six des septs décrets d'application de la loi de modernisation sociale portant sur ce volet sont parus. Le dernier, qui permettra d'imputer les dépenses de validation des acquis de l'expérience sur l'obligation légale de formation continue, doit paraître très prochainement.
De plus, le réseau sur l'information-conseil en validation des acquis de l'expérience est en cours de constitution, à l'échelon régional : il s'appuie, vous le savez, sur un partenariat très étroit entre les régions et les services de l'Etat.
Par ailleurs, le dispositif de validation du ministère des affaires sociales pour l'accès à ses titres professionnels est en cours de constitution avec l'aide de l'AFPA.
Enfin, pour en venir au point qui vous intéresse plus particulièrement, la Commission nationale de la certification professionnelle, qui est placée auprès du Premier ministre et qui comprend des représentants des partenaires sociaux, des régions, des chambres consulaires et des ministères, a commencé ses travaux de construction du répertoire national. La mission de cet organisme est de clarifier le paysage des diplômes, des titres et des certificats de qualification professionnelle - il en existe aujourd'hui 12 000 - en constituant, à travers le répertoire, un véritable outil de référence et de transparence pour les actifs, notamment pour faciliter l'accès à la validation des acquis de l'expérience. Les données du répertoire doivent notamment servir au réseau d'information-conseil en validation des acquis.
Un site provisoire, dont l'adresse est www.cncp.gouv.fr, est en cours de finalisation. Il permettra de renseigner les parties intéressées, dès décembre 2002, sur les diplômes et les titres délivrés au nom de l'Etat, ainsi que sur les certifications homologuées inscrites au répertoire. Il sera définitivement configuré à partir de juin 2003.
Je vous invite dès maintenant à le consulter : vous pourrez ainsi vous assurer que la volonté du Gouvernement en la matière peut, à terme - vous l'avez souligné, madame Bocandé -, déboucher sur une véritable révolution de l'approche qu'a notre pays de la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) M. le président. Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mercredi 11 décembre prochain, 16 millions d'électeurs voteront pour élire leurs conseillers prud'hommes. Cette élection quinquennale concerne une juridiction unique en Europe.
Une très large majorité de Français a une bonne opinion des prud'hommes. Pourtant, bien que le scrutin ait toujours lieu un jour ouvrable, le taux de participation, lors du précédent renouvellement en 1997, n'a pas dépassé 34 % dans le collège salariés et 21 % dans le collège employeurs. On ne peut se satisfaire d'un tel signe de désintéressement, parce que c'est tout l'équilibre de notre droit du travail qui pourrait, à terme, être affecté.
L'institution prud'homale, avec sa compétence, sa simplicité, sa proximité et son paritarisme, constitue un rouage essentiel de notre cohésion sociale, dans un environnement dynamique, puisque vivant. Si progrès économique et justice sociale peuvent et doivent être rendus indissociables - vous en avez clairement et fortement exprimé la volonté à cette tribune, monsieur le ministre, le 22 octobre dernier, à l'occasion de la discussion de la loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi -, cela tient à l'existence de bonnes lois et à une bonne pratique des lois.
La justice prud'homale et sa jurisprudence peuvent et doivent contribuer à cette conciliation entre la complexité de la vie et les principes éthiques qui inspirent le cadre législatif et, selon vos propres propos, à ce bon positionnement du curseur entre l'efficacité économique et la justice sociale.
Animé par ce souci, je souhaiterais donc savoir ce que le Gouvernement a prévu pour l'organisation de ces prochaines élections prud'homales, qui sont réellement indissociables de l'harmonie architecturale de la vie économique et sociale de notre pays, au même titre que le projet de budget que vous nous présentez pour 2003.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, votre question me donne l'occasion de souligner devant le Sénat l'importance de l'engagement de l'Etat dans l'organisation des prochaines élections prud'homales, et je vous en remercie.
C'est en effet une opération très lourde, puisqu'elle suppose de refondre les listes électorales, d'organiser les opérations électorales, de mettre en place de très nombreux bureaux de vote. Afin de préparer ces élections dans les meilleures conditions, les services de l'Etat se sont mobilisés. Les mairies les ont grandement aidés, et je voudrais ici les remercier tout particulièrement.
Jamais autant de bureaux de vote n'auront été installés. Un effort tout particulier a été fait pour qu'ils soient situés à proximité des lieux de travail et qu'ils aient des horaires d'ouverture adaptés : pour la première fois des bureaux de vote ont été installés dans des lieux privés, notamment dans les halls des tours du quartier de La Défense. Dans la seule ville de Strasbourg, le nombre des bureaux de vote est passé de un à près de soixante... Ainsi, allons au-devant des salariés et des employeurs pour qu'ils puissent voter.
En outre, nous avons considérablement facilité les modalités du vote par correspondance. Enfin, nous avons lancé, par la voie de la presse écrite audiovisuelle, une grande campagne d'information et de communication qui se déroule actuellement et dont l'objet est de favoriser la participation à ces élections.
Bien entendu, toute une série de difficultés sont apparues dans la mise en oeuvre de ces dispositions : par exemple, il a fallu en même temps réorganiser la distribution des bureaux de vote et envoyer dans les délais prescrits les cartes d'électeur, lesquelles doivent elles-mêmes porter mention du bureau où l'électeur votera.
Je voudrais aujourd'hui, à l'occasion de cette séance du Sénat, renouveller mon message, à l'adresse de tous les salariés et de tous les employeurs : il faut aller voter, il faut se mobiliser, car ce scrutin est d'une grande importance non seulement, bien sûr, pour les relations du travail, mais également, de manière indirecte, pour le monde syndical de notre pays et, par conséquent, pour le dialogue social, que le Gouvernement appelle de ses voeux.
Je vous remercie donc, monsieur le sénateur, de m'avoir donné l'occasion de lancer de nouveau cet appel.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'exprimerai tout d'abord, au nom du groupe socialiste, mon regret que l'organisation de la discussion budgétaire nous limite à deux questions de cinq minutes sur un sujet aussi important que l'emploi et le chômage.
M. Guy Fischer. Il a raison !
M. Gilbert Chabroux. C'est ainsi !
Pourtant, ce sujet, nous le savons bien, constitue la première préoccupation des Français, et les questions sont nombreuses.
Devant donc être bref, j'évoquerai l'aggravation du chômage au cours de l'année écoulée et sa conséquence, la dégradation inquiétante de la situation financière de l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, l'UNEDIC. Le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Louis Souvet, a lui-même exprimé son inquiétude, et je partage son analyse.
Vous avez apporté quelques éléments de réponse, monsieur le ministre, mais ils ne nous semblent pas suffisants.
A la fin du mois de septembre 2002, le nombre de demandeurs d'emploi des catégories 1 et 6 s'élevait à 2 678 200. A la fin du mois d'octobre 2002 - vous venez de nous en indiquer les chiffres -, la situation est à peu près stable, avec une légère diminution du chômage. Cependant, en une année, l'augmentation est de 5,4 %.
Il faut d'ailleurs remarquer que le nombre de radiations administratives, notamment celles qui sont liées au PARE, s'est dans le même temps fortement accru, connaissant une progression de 72,8 %, de même que les entrées en stage, qui augmentent de 25 %. Bref, la situation de l'emploi s'est fortement dégradée.
Au cours des cinq années précédentes, 2 millions de créations nettes d'emplois ont été enregistrées grâce à une politique de soutien à la croissance, avec notamment le dispositif d'aménagement et de réduction du temps de travail, l'ARTT, qui a apporté 300 000 emplois... et des mesures telles que les emplois-jeunes. De juin 2001 à juin 2002, l'emploi salarié s'est encore accru de 183 400 postes. (Protestations sur les travées du RPR.)
Les différents organismes d'études constatent aujourd'hui un fort ralentissement : presque plus aucun emploi n'est créé, ainsi que le relève d'ailleurs le rapporteur pour avis, M. Louis Souvet.
L'emploi intérimaire, qui sert souvent d'amortisseur, est lui aussi en repli ; il a perdu environ 80 000 postes en un an. Le chômage des jeunes continue de progresser, en augmentation de 0,9 %, comme le chômage des femmes, en hausse de 1,5 %.
L'enquête trimestrielle d'activité de l'INSEE livrée le 6 novembre dernier indique des commandes en repli, des capacités de production sous-utilisées, des stocks importants et des perspectives d'emploi décevantes.
Dans son édition du 18 novembre dernier, le journal Les Echos - qui n'est pas défavorable au Gouvernement ! - dresse un bilan plutôt pessimiste de la situation : « Pour l'avenir, l'incertitude prévaut », ajoutant : « Selon notre baromètre, les chefs d'entreprise ne sauteront pas sur les contrats jeunes mis en place par le Gouvernement ; 74 % disent que cette mesure ne les incitera pas à embaucher. »
M. Paul Blanc. Pourquoi ?
M. Gilbert Chabroux. Le journal Les Echos fait-il partie des oiseaux de mauvais augure, monsieur le ministre ?
M. François Fillon, ministre. Cela arrive !
M. Gilbert Chabroux. Partagez-vous cette analyse ? Comment voyez-vous l'avenir des contrats jeunes ?
Plus largement, la situation de l'emploi et l'aggravation du chômage soulèvent deux questions : celle des comptes de l'UNEDIC, d'une part, et celle de la pertinence de la politique gouvernementale de l'emploi, d'autre part.
Le régime d'assurance chômage terminera l'année 2002 avec un déficit de 3,7 milliards d'euros, et l'année 2003 ne s'annonce pas meilleure. D'ores et déjà, l'UNEDIC a dû se résoudre à recourir à l'emprunt, pour un montant de 2,9 milliards d'euros, afin de faire face à ses échéances et de rétablir sa trésorerie. Dans ces conditions, on ignore comment elle pourra rembourser à l'Etat l'emprunt qui lui avait été consenti en 1993 ! Quel est le point de vue du Gouvernement ?
Nous savons bien que c'est le dialogue social qui doit prévaloir - c'est ce que vous avez dit -, mais l'Etat ne peut être indifférent aux mesures qui seront éventuellement prises, sachant qu'il pourrait s'agir de la révision à la baisse des règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi ou de l'augmentation du taux des cotisations d'assurance chômage.
Ces risques semblent d'autant plus grands qu'une importante série de plans sociaux d'envergure est annoncée. D'ici à la fin de l'année, ce sont des milliers d'emplois qui seront supprimés, sans compter la sous-traitance, qui sera également directement touchée.
Comment le Gouvernement voit-il l'évolution de la situation de l'emploi, celle du chômage et celle de l'assurance chômage ? Quelles mesures nouvelles envisagez-vous de prendre, monsieur le ministre, pour contrecarrer l'évolution prévisible, qui est particulièrement inquiétante ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Les chiffres sont les chiffres, monsieur Chabroux,...
M. Gilbert Chabroux. Je les ai cités aussi !
M. François Fillon, ministre. ... et il est toujours difficile de voir les chiffres ne plus correspondre aux propos que l'on tient !
M. Gilbert Chabroux. Les chiffres sont objectifs !
M. François Fillon, ministre. On est alors obligé de faire de l'équilibrisme pour pouvoir continuer à dérouler un discours qui, de notre point de vue, ne correspond pas à la réalité et avec lequel nous avons souhaité rompre.
Nous voulons que notre pays soit en état de recueillir le moindre souffle de croissance pour créer des emplois et, si la croissance venait à se raffermir et à se renforcer, pouvoir enfin réaliser des performances en matière économique et en matière d'emploi qui soient comparables à celles des meilleurs de la classe européenne.
Aujourd'hui nous figurons parmi les mauvais élèves, malgré les artifices - car c'étaient bien des artifices ! - qui ont été employés par le Gouvernement précédent en matière de réduction du temps de travail et en matière d'emplois aidés. Car ces derniers ont un coût pour l'économie française et pour sa compétitivité ! Bien des signes apparaissent inquiétants pour l'avenir, pour la place de la France dans l'évolution des grandes sociétés industrielles, pour l'attractivité du territoire français pour les investissements non seulement étrangers, mais même français.
Je voudrais, monsieur Chabroux, attirer votre attention sur le fait que les cent premières entreprises françaises ont réalisé en France, l'année dernière, moins de 15 % du total de leurs investissements. Et je ne parle là que de groupes français, de groupes qui ont leur siège social dans notre pays !
Nous devons être capables de trouver des réponses à cette situation extrêmement grave, sous peine de voir notre pays se désindustrialiser progressivement, reculer en termes de richesse par habitant, en termes de taux d'emploi, alors que nous sommes déjà à un rang qui ne correspond pas à ce que nous représentons, à notre potentiel, à nos capacités. Tout cela finira par peser gravement sur notre modèle social, que nous souhaitons pourtant conserver et renforcer.
S'agissant de l'UNEDIC, monsieur Chabroux, je sais bien que vous allez être extrêmement déçu de la réponse que je vais vous faire. Pourtant, quel ministre de l'emploi, quel ministre chargé du travail pourrait vous en faire une autre ? Des négociations se déroulent actuellement entre les partenaires sociaux.
M. Christian Demuynck. Et voilà ! M. François Fillon, ministre. Comment voulez-vous qu'aujourd'hui le Gouvernement indique à l'avance aux partenaires sociaux - mais peut-être était-ce là la conception que vous aviez du dialogue social ! - dans quelle direction ils doivent aller, sur quels points l'Etat veut les voir avancer ? Si nous le faisions, les partenaires sociaux seraient en droit de nous remettre la décision entre les mains. Nous ne le ferons pas, et j'attendrai qu'ils présentent leurs propositions pour faire mes commentaires.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Les chiffres sont les chiffres, et ceux que j'ai cités sont parfaitement objectifs.
M. Jean Chérioux. Mais les commentaires ne le sont pas !
M. Gilbert Chabroux. La situation de l'emploi s'aggrave, et nous en sommes tous conscients. Vous-même, monsieur le ministre, soulignez que l'avenir est incertain, même si vous voulez relativiser « les catastrophes annoncées par ceux qui y ont intérêt », selon vos propres termes. Une avalanche de plans sociaux va se produire ; la situation ne va cesser de se dégrader.
Pour ma part, je m'interroge sur l'adéquation de la politique suivie depuis six mois par le Gouvernement et sur sa capacité à contrecarrer cette évolution.
La suppression, effective ou programmée, des emplois-jeunes ; la fin du programme TRACE du fait de la suppresssion de la bourse d'accès à l'emploi ; la limitation du nombre de contrats emploi-solidarité, les CES, de contrats emplois consolidés, les CEC, de contrats initiative-emploi, les CIE, l'augmentation des heures supplémentaires, au détriment de l'emploi, liée à la modification de la loi sur les 35 heures ; la baisse des crédits d'insertion par l'économique ; l'abrogation prochaine des articles de la loi de modernisation sociale relatifs aux licenciements et aux plans sociaux : tout cela constitue un ensemble de mesures qui va manifestement à l'encontre de l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi et, surtout, des personnes en difficulté.
La seule politique que vous sachiez mener en matière d'emploi consiste en une nouvelle augmentation des allégements de cotisations sociales patronales.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. La réorientation vers le secteur marchand est donc exclusive. Dans un contexte de croissance atone, cela pourrait avoir pour conséquence, après plusieurs années de propagande sécuritaire qui ont marqué les esprits, que l'emploi revienne au premier plan. Il n'a d'ailleurs jamais cessé, dans tous les sondages publiés, d'être la première préoccupation exprimée par les Francais, et nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous en soyez pleinement conscient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Paul Blanc. Baisse de 0,1 %, voilà le chiffre de ce matin ! M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Dans le contexte économique et social que nous connaissons, marqué par la dégradation de la situation de l'emploi et par des annonces en cascade de plans sociaux, vous nous présentez, monsieur le ministre, un projet de budget en baisse d'environ 290 millions d'euros, et la majorité sénatoriale, pour faire bonne mesure, propose de supprimer 5 millions d'euros supplémentaires.
C'est sur le titre IV, qui regroupe l'essentiel des crédits de votre ministère, que les mouvements sont les plus importants. La disparition des emplois-jeunes est programmée, de même que celle des deux tiers des CES. Le financement du dispositif TRACE et des entreprises d'insertion est lui aussi largement amputé. La seule ouverture significative de crédits concerne les contrats jeunes en entreprises.
Votre politique de l'emploi, tournée vers le seul secteur marchand, est axée sur l'abaissement du coût du travail.
Pour prendre la mesure du coût global de la politique de l'emploi, il convient toutefois d'évoquer les montants colossaux qui sont consacrés aux allégements de cotisations sociales patronales. Le rapport spécial de la commission des finances confirme nos craintes. En 2003, « le coût des allégements de charges financés par le FOREC s'élèvera à 16,56 milliards d'euros, soit un montant pour la première fois supérieur à celui prévu pour le budget du travail : 15,72 milliards d'euros ».
La politique d'exonérations générales sur les bas salaires apparaît comme la seule ambition du Gouvernement.
Non seulement vous ne vous dotez pas des bonnes armes pour mener le combat pour l'emploi, mais, de surcroît, vous négligez l'amélioration des conditions de travail, la préservation de la sécurité et de la santé des salariés.
Pourtant, après le scandale de l'amiante, après la catastrophe d'AZF à Toulouse, qui constitue le plus grave accident du travail de ces dernières décennies, la question de la prévention et de l'évaluation des risques dans les entreprises est devenue incontournable.
Les logiques de l'emploi et de la prévention ne sont pas inconciliables. Il convient par conséquent, d'une part, de faire avancer le concept d'évaluation des risques dans l'entreprise et hors de l'entreprise et, d'autre part, de responsabiliser chacun des acteurs de la prévention, parmi lesquels figurent, au premier rang, les chefs d'entreprise, mais aussi l'inspection du travail, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, la médecine du travail, les salariés et leurs représentants, par le biais des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, ainsi que les services des caisses régionales d'assurance maladie, les CRAM.
Je ne pense pas, monsieur le ministre, que vous ayez réellement la volonté de remplir en ce domaine votre devoir d'extrême vigilance. L'attentisme des pouvoirs publics concernant les éthers de glycol, par exemple, dont la nocivité est admise par tous, est dangereux. Vous avez certes annoncé la semaine dernière la présentation prochaine d'un projet de loi relatif à la prévention des risques industriels, vous entendez renforcer le rôle des entreprises et celui des CHSCT - les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, mais votre budget ne contient aucun signe incitatif en ce sens.
Au contraire, les crédits du fonds pour l'amélioration des conditions de travail, le FACT, géré par le ministère, enregistrent une baisse. Dans ces conditions, comment vouloir que cet outil participe à la dynamisation de la démarche de prévention au sein des entreprises ? Les crédits servant à financer les projets structurants de modernisation du système de prévention des risques professionnels diminuent, eux aussi, de 4,36 %.
Quant à l'évaluation a priori des risques, le code du travail contient cette obligation, qui découle de la directive européenne du 12 juin 1989. Douze ans plus tard, un décret du 5 novembre 2001 a fait obligation aux employeurs de formaliser dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques, à la suite de quoi, enfin, les débats ont été ouverts dans les entreprises.
Mais, par les orientations données aux inspecteurs et aux contrôleurs du travail chargés de contrôler et de faire appliquer les lois et réglementations protectrices de salariés, vous avez, monsieur le ministre, en quelque sorte sapé la dynamique de la démarche de prévention.
Non seulement ce corps de contrôle n'est pas assez important - seules 1 200 personnes doivent veiller aux conditions de travail de 15 millions à 16 millions de salariés -, mais, en outre, alors que 1 % seulement des infractions constatées en matière de santé et de sécurité du travail sont relevées, par une circulaire du mois de juin 2002, la direction des relations du travail a demandé à ses inspecteurs de se montrer « compréhensifs » à l'égard des employeurs !
Monsieur le ministre, la santé, la vie des salariés méritent au contraire une action déterminée et inflexible des pouvoirs publics. Quels moyens comptez-vous y consacrer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, depuis un an, les entreprises sont tenues d'établir un document unique d'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Il s'agit certes d'une contrainte administrative supplémentaire, mais dont l'objectif est que chaque entreprise entreprenne une démarche d'évaluation régulière des risques et en déduise les mesures préventives à prendre. C'est dans cet esprit que je veux considérer ce document. L'analyse du risque est en effet la première étape pour celui-ci, voire, si c'est possible, pour l'éliminer.
Ce sujet de la prévention des risques nécessite une implication de tous les acteurs, et le Gouvernement y est particulièrement attaché. C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué qu'il n'était pas souhaitable de repousser la mise en oeuvre des sanctions pénales.
Cette obligation est prévue par une directive de 1989 sur la santé et la sécurité au travail. Par ailleurs, certaines sanctions pénales prévues par le décret du 7 novembre 2001 peuvent être appliquées à compter du 8 décembre 2002. Le Gouvernement a décidé de ne pas modifier ce décret, qui correspond à une obligation ancienne et utile dans son principe.
Je vais cependant donner aux inspecteurs du travail un certain nombre d'indications sur la manière dont le Gouvernement comprend cette démarche d'évaluation. En effet, il s'agit pour moi moins d'une formalité bureaucratique que d'une véritable réflexion préventive, et sa portée ne peut manquer d'être en rapport avec la nature des risques encourus et la taille de l'établissement en cause.
La mission de contrôle et, le cas échéant, de sanction ne saurait donc être exercée sans discernement et sans un accompagnement préalable des entreprises, dans une démarche partagée de prévention.
Pour les petites et moyennes entreprises, en particulier, le recours à des modèles simples est envisageable, mais il doit reposer sur une réelle démarche d'évaluation et de prévention des risques. Différentes organisations patronales, tant au niveau interprofessionnel qu'au niveau des branches, ont réalisé et diffusé à l'ensemble de leurs adhérents des brochures d'explication, voire des modèles. Plus d'une centaine de ces démarches sont en cours. Ces actions très positives, et que nous encourageons, ne doivent pas exonérer chaque entreprise d'une réflexion plus en profondeur sur les risques encourus.
S'agissant des moyens mis en oeuvre, l'évaluation des risques au sein des entreprises implique, vous le savez, outre le chef d'entreprise, l'ensemble des acteurs chargés de la sécurité au travail, plus particulièrement les médecins du travail, en leur qualité de conseillers du chef d'entreprise, mais aussi les comités d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail, comme j'ai eu l'occasion de le souligner la semaine dernière lors d'un colloque organisé sur ce thème par le Conseil économique et social.
Cela suppose une approche pluridisciplinaire des questions de sécurité au travail impliquant l'ensemble des acteurs.
Je souligne, à cet égard, qu'un projet de décret est en cours de préparation ; il vise précisément à organiser cette approche pluridisciplinaire, les partenaires ayant été consultés sur ce projet dans le cadre du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels.
Bien entendu, ce projet respectera le principe même de l'indépendance du médecin du travail, indépendance qui sera renforcée dans le cadre des décrets pris en application de la loi du 17 janvier 2002.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, il est indispensable que le débat sur les risques professionnels ne soit pas seulement nourri par des affirmations politiques, même généreuses, en l'absence des moyens humains et financiers nécessaires et d'une réelle volonté.
Vous avez évoqué l'inspection du travail. Il faut bien dire que l'inspection du travail n'a jamais fait preuve d'une répression extrême à l'égard des employeurs. Cela découle des instructions qu'elle a reçues en permanence et qui ne datent pas d'aujourd'hui.
Et la situation ne s'arrange pas avec les orientations de votre ministère ! J'ai cité tout à l'heure la circulaire de juin 2002. En privilégiant, là aussi, le partenariat avec les entreprises, dont on nous abreuve dans les discours, vous abandonnez le nécessaire contrôle rigoureux de celles-ci.
Vous savez, par ailleurs, que peu d'entreprises disposent de CHSCT, d'organisations syndicales.
Quant à la médecine du travail, elle exerce sa fonction dans le cadre d'un lien de subordination, soit direct avec l'employeur, soit indirect lorsqu'il s'agit de services interentreprises.
Je crois vraiment qu'en n'abordant pas avec suffisamment de détermination cette question de l'évaluation des risques dans les entreprises, c'est vous-même qui prenez des risques énormes.
L'évaluation est faite par les employeurs, et c'est en fonction d'elle que la réglementation s'applique ou non. Il y a bien là un problème !
Si l'on fait le bilan, on ne peut que constater une multiplicité d'acteurs - vous en avez parlé - une dispersion des moyens, une inefficacité certaine et un résultat désastreux quant à la surmortalité ouvrière.
Les chiffres de l'INSEE montrent qu'un ouvrier sur cinq meurt entre vingt-cinq et cinquante-quatre ans. C'est un chiffre terrible, qui devrait interpeller les pouvoirs publics, mais qui continue à être soigneusement ignoré.
La prévention des risques doit devenir réellement une politique publique ; c'est le souhait que nous émettons.
Jusqu'à ce jour, le Gouvernement n'a absolument pas laissé penser que telle était sa volonté ; c'est extrêmement préoccupant.
Vous venez de nous indiquer qu'un certain nombre de décrets allaient paraître ; nous les examinerons avec la plus grande attention, en espérant qu'ils contiennent des éléments de réponse à ce grave problème que posent les centaines de milliers de salariés qui risquent leur vie au travail.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le ministre, vous connaissez mon engagement auprès des personnes handicapées. Ma question, qui concerne leur insertion dans le monde du travail, ne vous étonnera donc certainement pas.
La politique en faveur de l'emploi des personnes handicapées repose sur trois dispositifs complémentaires.
Le premier est l'obligation d'emploi, dont le bilan est plutôt mitigé. En effet, dans le secteur privé, les situations sont très constrastées d'une entreprise à l'autre. Quant au secteur public, qui fait figure de mauvais élève, si je puis dire, la situation devrait s'améliorer avec le renforcement des moyens du fonds d'insertion des travailleurs handicapés.
Le deuxième est constitué des financements de l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH, dont les aides sont précieuses mais dont les réserves diminuent, et qui ne prennent pas en compte la nécessité d'accompagnement social des travailleurs handicapés. Vous avez d'ailleurs tout à l'heure insisté, évoquant les CES, sur cette nécessité d'accompagnement social de ceux qui sont dans les plus grandes difficultés.
Le troisième dispositif est celui de l'emploi en milieu protégé, qui est essentiel pour permettre aux travailleurs plus lourdement handicapés d'avoir une activité professionnelle.
C'est dans ce contexte que le Gouvernement a fait de l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés une de ses priorités. A ce titre, les moyens consacrés sont renforcés puisque vous parlez de la création de 3 000 places en centres d'aide pour le travail, les CAT, et de 500 en ateliers protégés.
Nous ne pouvons que nous féliciter de ces orientations, qui traduisent d'ailleurs la volonté exprimée par le Président de la République, le 14 juillet 2002.
Pour autant, l'effort est à poursuivre, notamment pour l'insertion professionnelle en milieu ordinaire.
En effet, l'emploi des travailleurs handicapés reste insuffisant : le nombre de demandeurs d'emploi handicapés est ainsi passé le 135 000 en 2000 à 142 821 en 2001, ce qui représente 5,8 % du total des demandeurs d'emploi. Or les travailleurs handicapés constituent l'une des catégories les plus vulnérables sur le marché de l'emploi.
La dégradation de la conjoncture en 2002 et les incertitudes concernant la croissance en 2003 - même si les chiffres cités ce matin montrent une légère diminution des demandeurs d'emploi - laissent craindre une détérioration plus que proportionnelle de la situation de l'emploi des personnes handicapées, notamment des plus jeunes.
Or on constate depuis quelques années une tendance à la baisse des aides à l'emploi en faveur des personnes handicapées.
Ainsi, les contrats aidés en faveur des personnes handicapées - CES, CEC et CIE - sont devenus moins nombreux et sont désormais moins attractifs pour les employeurs, notamment le CIE, dont la prime a été baissée. Pourtant, ces contrats constituent un moyen d'accès privilégié à l'emploi des personnes handicapées.
En 2001, ils représentaient 55 % des contrats conclus après l'intervention du réseau « Cap emploi », alors qu'ils en représentaient encore 67 % en 1999. Cette diminution de la proportion des contrats aidés tient à la diminution des contrats aidés en général financés par l'Etat, lequel a souhaité, fort légitimement d'ailleurs, un recentrage vers les publics les plus éloignés de l'emploi.
De même, les primes à l'insertion des personnes handicapées, versées par l'AGEFIPH, ont été révisées à la baisse en 2001 alors qu'elles contribuent fortement à l'insertion professionnelle.
Si ces révisions à la baisse pouvaient, à la limite, se justifier au moment où le chômage diminuait fortement, elles ne sont plus d'actualité quand celui-ci augmente, même si, je l'ai dit tout à l'heure, on annonce aujourd'hui de meilleurs chiffres. En effet, une augmentation du chômage touche au premier chef les travailleurs handicapés, qui sont souvent en bout de la « file d'attente » des demandeurs d'emploi.
Les employeurs considèrent d'ailleurs que ces aides à l'emploi peuvent constituer une bonne méthode pour favoriser l'embauche des personnes handicapées.
J'ai pris l'initiative, en juillet dernier, de déposer un amendement afin de rendre plus favorables encore les contrats jeunes en entreprises pour les jeunes handicapés, qui me semblaient être parmi les publics qui en avaient le plus besoin.
J'ai aussi souhaité améliorer en faveur des personnes handicapées le dispositif d'allégement des charges sur les bas salaires que nous avons voté en octobre.
Je connais le contexte budgétaire dans lequel le pays se trouve, mais j'aimerais cependant que vous puissiez nous exposer, monsieur le ministre, quelles sont les pistes sur lesquelles vous travaillez pour continuer à favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées, qui doit demeurer prioritaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Tout le monde connaît l'engagement personnel - et d'une grande efficacité - de M. Paul Blanc en ce domaine, et je tiens à lui répondre le plus précisément possible.
Le taux d'emploi direct des travailleurs handicapés dans les entreprises du secteur privé et du secteur public industriel et commercial est de 4,1 % en 2000 - c'est le dernier chiffre à notre disposition -, ce qui correspond à 219 000 personnes employées. L'objectif de 6 % prévu par la loi de 1987 n'est donc pas atteint. Le taux d'emploi stagne autour de 4 %. En 2000, 36,7 % des entreprises assujetties, c'est-à-dire les entreprises qui emploient plus de vingt salariés, n'employaient aucun travailleur handicapé.
Le Gouvernement ne peut évidemment pas se satisfaire de cette situation. L'insertion professionnelle est un facteur décisif d'insertion sociale des personnes handicapées et celle-ci doit être recherchée en priorité dans le milieu ordinaire de travail.
Pour l'entreprise, employer un travailleur handicapé n'empêche nullement de bénéficier de compétences adaptées à ses besoins.
Il faut que les mentalités changent en la matière. Afin d'inciter à l'embauche des travailleurs handicapés, une loi de janvier 2002 a complété les textes sur l'obligation d'emploi avec la prise en compte des titulaires de contrats d'insertion en alternance dans les bénéficiaires de l'obligation d'emploi, avec la possibilité de s'acquitter partiellement de cette obligation en accueillant des personnes handicapées en stage au titre de la formation professionnelle et, afin d'inciter les partenaires sociaux à se mobiliser pour l'emploi direct dans l'entreprise, avec l'insertion obligatoire d'un plan d'embauche dans les accords de branche, d'entreprise ou d'établissement conclus dans le cadre de l'obligation d'emploi.
La convention d'objectifs 1999-2003 conclue entre l'AGEFIPH et l'Etat permet de faire converger les moyens du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, d'une part, et ceux du service public de l'emploi, d'autre part, au profit d'emplois prioritaires visant l'embauche et le maintien de travailleurs handicapés dans l'entreprise.
Ainsi, l'AGEFIPH a prévu de consacrer, en 2002, 411 millions d'euros aux mesures d'aide aux travailleurs handicapés, dont 17 millions d'euros au conseil, au diagnostic et à la formation dans les entreprises, 33 millions d'euros à l'aménagement des postes de travail, 73 millions d'euros aux primes aux employeurs et aux travailleurs handicapés et 25 millions d'euros à la création d'activités.
Par ailleurs, les travailleurs handicapés font partie des publics prioritaires de la politique de l'emploi, pour lesquels le ciblage des mesures a été renforcé. Leur part dans les CIE, par exemple, était de 19 % en 2001 alors qu'elle ne représentait que 8 % en 1996. Les 119 structures Cap emploi, maintenant solidement constituées en réseau au service de l'emploi des travailleurs handicapés, ont réalisé, en 2001, 42 258 placements, dont 45 % en CDI et 72 % par contrat de plus de douze mois.
L'année qui vient sera donc, monsieur le sénateur, celle du renouvellement de la convention entre l'Etat et l'AGEFIPH. Sur la base notamment des derniers rapports de l'IGAS - l'inspection générale des affaires sociales - et de la Cour des comptes, et au vu de la situation présente de l'insertion professionnelle des personnes handicapées, cette nouvelle convention sera l'occasion de s'interroger sur les relations et les engagements réciproques entre cet organisme et l'Etat, sur la complémentarité nécessaire des mesures de droit commun et des mesures spécifiques, sur l'extension du périmètre d'intervention de l'AGEFIPH, - fonction publique, milieu de travail protégé - et sur de possibles évolutions statutaires ou législatives, notamment dans le cadre de la révision de la loi d'orientation de 1975.
A cette occasion seront pris en compte celles des soixante-quinze propositions contenues dans le rapport de M. Blanc pour une politique de compensation du handicap portant sur les domaines du travail en milieu ordinaire et en milieu protégé, six d'entre elles, notamment, citant expressément les évolutions attendues de l'AGEFIPH.
Il n'est pas acceptable, monsieur le sénateur, comme vous l'avez dit, qu'un tiers des entreprises, dans le champ de la loi de 1987, n'ait jamais embauché un travailleur handicapé. Il faut que nous fassions tomber les obstacles psychologiques et l'assimilation erronée du handicap à l'incompétence ; c'est le grand chantier que le Président de la République a lancé et qui va donner lieu à la discussion d'une grande loi en 2003.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le ministre, je pense que la renégociation des conventions avec l'AGEFIPH permettra de prendre en compte l'accompagnement social qui doit obligatoirement être prévu dans le cadre du fonctionnement handicap-emploi. En tout cas, je suis à votre entière disposition pour discuter avec vous de ces problèmes.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question portera sur la considérable diminution des actions en faveur des publics prioritaires.
Le financement global de ces actions est en baisse de 33 %. Les crédits des contrats emploi-solidarité perdent 72,5 % de leur montant : du jamais vu, sauf lorsqu'un gouvernement entend supprimer une mesure. Les crédits des contrats emploi consolidés sont en baisse de 4 % et les contrats initiative emploi, pourtant destinés au secteur privé, qui a toutes vos faveurs, monsieur le ministre, diminuent de 38 %.
Quant aux crédits de l'insertion par l'économique, ils baissent de 11 %, comme la dotation affectée au RMI. Les dotations pour les stages d'insertion et de formation, les SIFE, sont en baisse de 20 millions d'euros.
Les mesures en faveur des jeunes connaissent le même sort, avec l'extinction des emplois-jeunes, dont la dotation baisse de 450 millions d'euros, et la suppression de la bourse d'accès à l'emploi, qui garantissait aux jeunes la possibilité de rester dans le programme TRACE jusqu'à leur insertion. Vous économisez ainsi sur ces jeunes en difficulté 50 millions d'euros, tout en prétendant qu'un même nombre d'entre eux sera accueilli dans le programme.
Même si vous utilisez la totalité des reports comme vous voulez le faire, on voit mal comment vous parviendrez à maintenir en état de marche ces dispositifs. Nous assistons à un véritable carnage budgétaire, qui risque d'aboutir à de graves difficultés sociales.
En revanche, les dotations pour les allégements de cotisations sociales patronales connaissent une croissance exponentielle de près de 18 milliards d'euros, sans qu'aucune contrepartie soit esquissée pour les salariés. Bien au contraire, vous êtes en train de faire voter une loi visant à stopper le processus de réduction du temps de travail.
Tout cela est le reflet d'un choix politique, voire idéologique, mais la question se pose de savoir s'il s'agit bien d'un choix mûrement réfléchi en matière économique et sociale.
Or la croissance est aujourd'hui en capilotade à peu près partout dans le monde. L'environnement économique est donc défavorable, ce qui ne peut manquer d'avoir de fâcheuses répercussions sur l'emploi.
Bien entendu, nous le constatons dès à présent dans nos permanences, ce sont les personnes les moins qualifiées, les plus fragilisées, tant professionnellement que personnellement, qui font les premières les frais de cette situation.
C'est curieusement ce moment que le Gouvernement a choisi pour diminuer dans des proportions jusqu'alors inconnues tous les dispositifs en direction de ces personnes. Que vont-elles devenir ?
Espérez-vous vraiment que le secteur privé va, à lui seul, absorber non seulement l'ensemble des demandeurs d'emploi immédiatement employables mais aussi tous ceux qui sont en difficulté ? Pensez-vous que tous les jeunes qui passaient depuis 1997 par le sas de l'emploi-jeune vont, demain, trouver un emploi en entreprise ?
Nombre d'élus de la majorité éprouvent aussi de l'inquiétude à cet égard, à commencer par M. Jacques Barrot, président du groupe à l'Assemblée nationale, qui a tiré la sonnette d'alarme dès l'annonce des coupes sur le budget des CES. M. Barrot connaît, comme tout un chacun ici, l'angoisse de l'élu local dont la permanence se remplit de salariés victimes de plans sociaux et de personnes qui attendent un contrat aidé que l'on ne peut pas financer.
Le Gouvernement a donc été amené à reculer, tout au moins verbalement, et à annoncer que 20 000 CES seraient créés chaque mois. Voilà qui paraît difficilement réalisable puisque vous ne changez pas votre prévision budgétaire ! Sans doute des ajustements au fil de l'eau seront-ils effectués.
Ce n'est pas jouer les Cassandre que rappeler le nombre impressionnant de plans sociaux en préparation : une cellule de crise a même été mise en place pour y faire face. Des conséquences sur des bassins d'emploi tout entiers, par l'effet de la sous-traitance, sont prévisibles.
Les chefs d'entreprise, selon toutes les enquêtes disponibles, ne manifestent aucune intention d'investir ; ce peut être compréhensible, mais c'est surtout préoccupant ! Ainsi que cela a déjà été rappelé, 74 % des chefs d'entreprise interrogés par le journal Les Echos ont d'ailleurs indiqué qu'ils ne comptaient pas utiliser vos contrats jeunes.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, si, dans ce contexte économique défavorable, vous espérez réellement endiguer la montée du chômage en vous en remettant presque exclusivement au secteur marchand.
Ne craignez-vous pas de mener ainsi, en matière d'emploi, une politique dont les primo-demandeurs d'emploi et les moins favorisés seront les victimes et, accessoirement, face à laquelle les élus locaux se trouveront en première ligne ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Madame le sénateur, vous considérez que la lutte contre le chômage passe par la création d'emplois aidés dans le secteur public. Nous pensons le contraire.
Vous et vos amis devriez d'ailleurs être plus modestes dans vos affirmations sur ce sujet compte tenu de l'échec de la politique que vous avez conduite.
M. Paul Blanc. Exactement !
M. François Fillon, ministre. Vous annoncez, parfois même avec un peu de gourmandise, des avalanches de plans sociaux. Nous verrons si se produiront demain de telles avalanches ! Aujourd'hui, ce que je constate, c'est que nombre de ces plans sont le résultat de la politique que vous avez conduite.
M. Christian Demuynck. Voilà la réalité !
M. François Fillon, ministre. Ces entreprises délocalisent, en effet, leurs activités dans des pays voisins parce qu'elles estiment que, aujourd'hui, la France ne remplit pas suffisamment les conditions propres à la rendre compétitives. Et cela concerne de très grandes entreprises, auxquelles nous sommes très attachés : je pense notamment à nos constructeurs automobiles, qui délocalisent très largement leurs activités, notamment vers des pays d'Europe de l'Est où les conditions faites à l'entreprise sont très différentes de celles que vous avez mises en oeuvre.
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. François Fillon, ministre. Votre réquisitoire contre la politique de l'emploi du Gouvernement est, en réalité, la constatation d'un changement de support : nous donnons la priorité à l'emploi marchand et à l'assouplissement des règles qui, aujourd'hui, contraignent de manière excessive les entreprises, et nous en tirons toutes les conséquences dans le cadre de ce budget.
Vous me permettrez, s'agissant des CES, de vous confirmer simplement que nous sommes engagés sur un rythme de création moyen d'environ 20 000 contrats par mois. Avec les 80 000 CES prévus dans le projet de loi de finances et les 80 000 autres qui résultent des crédits reportés de 2002 sur 2003, nous disposons déjà d'un socle de 160 000 contrats possibles. Comme nous sommes pragmatiques, comme nous ne faisons pas de la création d'emplois dans le secteur public l'outil essentiel de la lutte contre le chômage, nous adapterons ce dispositif, à la hausse ou à la baisse, en fonction de la réalité de la situation de l'emploi qui, pour le moment, ne semble pas souffrir des catastrophes que vous continuez d'évoquer inlassablement, sans tenir compte de la réalité de l'économie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le ministre, vos réponses ne me satisfont pas. Le Gouvernement a fait le choix d'une société libérale très dure, en mettant en place des mesures qui fabriqueront des exclus en grand nombre.
Qu'en est-il du discours du Premier ministre se disant à l'écoute des gens d'en bas ?
M. Jean Chérioux. Il les écoute !
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Votre projet de budget, monsieur le ministre, se caractérise notamment par la réorientation des crédits en faveur des emplois aidés vers le secteur marchand et par le rééquilibrage réalisé entre les dispositifs d'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi.
Vous opérez, en particulier, un recentrage des dispositifs des contrats emploi-solidarité et des contrats emploi consolidé vers les publics les plus en difficulté.
Je considère que cette orientation est souhaitable. En effet, ces aides ont un coût budgétaire élevé - plus de un milliard d'euros dans le projet de loi initial pour 2002 - alors que les résultats en matière d'insertion sont, pour le moment, encore faibles : seule une personne sur cinq bénéficiaire d'un CES trouve un emploi non aidé par la suite.
Toutefois, la baisse des crédits consacrés aux CES et aux CEC dans le projet de loi de finances pour 2003 a suscité une certaine inquiétude au moment de la présentation de votre budget.
En effet, si ces contrats ne sont pas totalement satisfaisants du point de vue des résultats en matière d'insertion professionnelle, ils permettent cependant à certaines des personnes les plus en difficulté de rester en contact avec le monde du travail, avec ses droits mais aussi ses devoirs.
Il faut également noter que la baisse des crédits n'est pas si massive qu'il y paraît puisqu'il faut prendre en compte le report de crédits de 2002 sur 2003.
Vous avez donc annoncé, monsieur le ministre, un certain nombre de mesures qui revoient à la hausse le nombre de contrats prévus ainsi que le taux de prise en charge financière par l'Etat. Cette annonce est, bien sûr, de nature à rassurer les personnes concernées et les professionnels de l'insertion. Toutefois, certaines questions demeurent en suspens.
Ainsi, selon quels critères le taux majoré jusqu'à 95 % sera-t-il accordé pour la prise en charge financière des contrats ?
Dans quel cadre les entreprises d'insertion qui gèrent ces contrats pourront-elles demander que les personnes dont elle s'occupent en bénéficient ?
Sur la totalité des CES, quelle part bénéficiera, selon vous, du maintien des taux majorés, et pour quel coût ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement, comme je viens de le dire, entend maintenir un volume suffisant de CES, avec un rythme de création moyen d'environ 20 000 contrats par mois. A ce stade, nous disposons de crédits pour 160 000 CES en 2003 dont 80 000 seront financés sur des crédits reportés de 2002 sur 2003. Ce chiffre constitue un plancher, qui pourra être revu à la hausse en cours d'année, comme cela a toujours été le cas depuis la création des CES, si les besoins des publics concernés le justifient.
Nous savons cependant que subventionner sur fonds publics des emplois à hauteur de 95 % ne constitue une solution ni pour réduire le chômage ni pour offrir une insertion durable sur le marché du travail. C'est précisément pour éviter ce type de dérives du traitement social du chômage que le Gouvernement a décidé de ne plus subventionner à cette hauteur l'emploi de CES.
Chacun peut mesurer les effets pervers d'un tel système : déresponsabilisation de l'employeur, déconnexion des emplois aidés avec la réalité du marché du travail.
Nous reviendrons, s'agissant des taux de financement public des CES, aux dispostions, qui n'ont d'ailleurs jamais été abrogées, du décret du 30 janvier 1990, c'est-à-dire 65 % et 85 % pour les publics les plus en difficulté.
La mise en oeuvre de ces règles ne doit cependant compromettre ni la viabilité des structures d'insertion les plus fragiles, ni l'emploi des personnes les plus vulnérables. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de conserver, à titre temporaire, la possibilité de maintenir des taux de prise en charge majorés jusqu'à 95 % dans deux cas : d'une part, celui des jeunes en grande difficulté, notamment ceux qui sont engagés dans un parcours TRACE et qui sont suivis par la protection judiciaire de la jeunesse, car ils ne peuvent entrer tout de suite dans le dispositif de soutien des jeunes en entreprise ; d'autre part, celui des chantiers d'insertion, qui constituent une première réponse, souvent d'urgence, à des situations de grande précarité et d'exclusion.
Enfin, je rappelle que, de mon point de vue, la politique de l'emploi ne peut se réduire aux CES ni, plus largement, au soutien à l'emploi public ou parapublic. C'est pourquoi le Gouvernement a choisi de réorienter nos dispositifs d'aide à l'emploi et à l'insertion vers l'entreprise et le secteur marchand, notamment avec la mise en place des contrats jeunes et le développement de l'alternance, qui se voit dotée de crédits en augmentation importante. Les contrats aidés du secteur marchand comme les CES devront dorénavant être très clairement réservés aux personnes les plus éloignées de l'emploi.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Je veux simplement remercier M. le ministre de ses réponses, qui vont tout à fait dans le sens de ma propre analyse du problème de l'emploi.
J'ajoute qu'on est loin du « carnage » et de la politique irréfléchie qu'évoquait tout à l'heure notre collègue socialiste.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. Avant d'aborder le thème qui fait l'objet de ma question, monsieur le ministre, je voudrais apporter un témoignage à la suite de ce que je viens d'entendre : dans mon département, un tiers des salariés de l'industrie travaillent dans des entreprises à capitaux étrangers, essentiellement des entreprises américaines. Or celles-ci nous ont indiqué qu'elles ne feraient plus un euro d'investissement en France en raison des 35 heures et des nombreux changements de cap survenus durant les cinq années écoulées.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Et voilà !
M. Eric Doligé. C'est là une réalité qui explique pourquoi nous connaissons actuellement de grandes difficultés.
Monsieur le ministre, votre politique de l'emploi marque une rupture avec celle du gouvernement précédent. Vous avez décidé de réorienter les aides à l'emploi pour faciliter les embauches dans le secteur marchand, idée que j'ai toujours également défendue.
Les contrats jeunes en entreprise, l'allégement des charges sur les bas salaires qui s'accompagnent de l'unification du SMIC sont autant de mesures dont nous nous félicitons et que nous attendions. Il n'était que temps d'avoir une véritable politique de l'emploi qui ne soit pas un leurre !
Les mesures que vous prenez sont de nature à offrir des emplois et une insertion durable dans le secteur privé.
Dans cette optique, vous avez pris la décision de mettre un terme à l'entrée de nouveaux jeunes dans le programme « nouveaux services, emplois-jeunes » et d'en organiser la disparition progressive. Le présent projet de budget prévoit ainsi une diminution de 13,6 % des crédits correspondants.
Le Sénat avait établi un bilan très réservé de cette mesure fort coûteuse, ne présentant que peu de perspective de pérennisation des postes et d'insertion professionnelle des jeunes concernés. Je ne peux donc qu'approuver la décision que vous avez prise.
Pour autant, un secteur particulier va devoir faire face à la fin annoncée des emplois-jeunes : celui des associations. Pour certaines d'entre elles, ces emplois se sont révélés précieux. Une aide exceptionnelle de soutien à ces emplois dans les associations est prévue cette année pour une somme de 10 millions d'euros. Ce dispositif devrait être reporté sur trois années supplémentaires. Plus de 40 millions d'euros sont, en outre, destinés à la conclusion de conventions d'objectifs pluriannuelles dégressives pour les organismes de droit privé à but lucratif.
Quelques questions demeurent cependant. Quelles associations seront concernées ? Quelles sont les caractéristiques des emplois qui pourront être prolongés ? Quel sera le montant des aides qui seront attribuées à chaque emploi ?
Vous avez aussi annoncé la création d'un contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, qui devrait être applicable dès juillet 2003. Pouvez-vous nous en décrire les grandes lignes ? Quel sera le public visé ? Quels seront les moyens mis en oeuvre pour que ce dispositif ne soit pas un dispositif d'assistance, comme l'était trop souvent le contrat emploi-jeunes, mais bien un contrat d'insertion professionnelle durable des jeunes concernés ?
Enfin, je souhaiterais soulever la question de l'avenir des emplois-jeunes qui travaillent dans les collectivités locales, pour lesquelles certains de ces emplois se sont révélés utiles, de même que pour beaucoup d'établissements à caractère social.
Désormais, ce sont les collectivités elles-mêmes qui devront financer ces emplois-jeunes. Or cette prise en charge risque de représenter pour certaines d'entre elles une charge nouvelle brutale. Envisagez-vous des mesures qui permettraient d'opérer à cet égard un lissage dans le temps ?
Dans un tout autre domaine, monsieur le ministre, je me permets d'évoquer une piste : seriez-vous prêt à envisager l'extension du chèque emploi-service aux très petites entreprises ? Ce chèque donne entière satisfaction aux particuliers et garantit les droits sociaux des salariés. Je souhaiterais que vous puissiez expérimenter cette possibilité très différente de celle qui avait été proposée au début de l'année 2002.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. J'ai déjà, au cours de ce débat, rappelé quelle était la philosophie du Gouvernement s'agissant de la réorientation de la politique de l'emploi vers le secteur marchand : nos raisons sont liées tant à la dynamisation de notre économie qu'à notre souci de voir les jeunes s'engager de manière pérenne dans des filières professionnelles ; il s'agit aussi d'alléger les charges qui pèsent sur l'ensemble de la nation et de financer les priorités qui sont celles du Gouvernement, notamment dans le domaine de la sécurité.
L'ensemble de ces dispositifs est donc destiné à donner à notre pays de nouveaux atouts à la fois pour son développement et pour le renforcement de son pacte républicain.
Cependant, le Gouvernement n'a pas choisi de pratiquer une politique de rupture. Il a maintenu le dispositif emplois-jeunes à hauteur de 2,7 milliards cette année, ce qui permet aux collectivités locales, en particulier, de s'organiser, comme elles auraient d'ailleurs dû le faire de toute façon : la philosophie du programme - les débats auxquels a donné lieu la mise en place du programme l'attestent - était bien de susciter de nouveaux services, avec une aide de l'Etat pendant une période de cinq ans et l'espoir - mais le Sénat, notamment, avait averti qu'il serait vain dans bien des cas - de voir les collectivités locales et les associations prendre le relais.
S'agissant des associations, nous avons mis en place un plan de pérennisation. Le critère de sélection des associations, permettant d'établir des priorités, sera celui de leur utilité sociale ; il offre l'avantage d'une grande souplesse dans l'application.
S'agissant des collectivités locales, le Gouvernement n'envisage pas de mesures spécifiques de pérennisation des emplois-jeunes.
D'ailleurs, il nous semble très important que les collectivités locales ne laissent pas se créer une sorte de « sous-fonction publique territoriale » ne bénéficiant pas des niveaux de salaires et des avantages qui sont ceux de la fonction publique territoriale : on ne peut négliger les risques de tension sociale, voire de conflits qu'entraînerait la mise en oeuvre pérenne de ce dispositif.
Le CIVIS, dont nous envisageons la création afin de répondre pour une part aux besoins des associations, ne pourrait, dans l'esprit du Gouvernement, avoir d'application dans le secteur des collectivités locales, justement pour éviter cette difficulté, que nous avons d'ailleurs connue par le passé dans d'autres domaines : je pense aux maîtres auxiliaires dans l'éducation nationale. Au demeurant, les jeunes qui sont aujourd'hui en voie de sortir de ces emplois-jeunes émettent des revendications à ce sujet se montrant extrêmement critiques à l'égard tant du dispositif lui-même que de ceux qui l'ont mis en oeuvre, précisément parce que rien n'a été prévu pour la suite.
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. François Fillon, ministre. Une manifestation importante, soutenue par le maire de Nantes, en faveur des emplois-jeunes a récemment été organisée, et cette manifestation a réservé quelques surprises à ses organisateurs, car les cibles principales des critiques des jeunes n'ont pas été celles qu'ils espéraient. (M. Paul Blanc approuve.)
Pas de sortie, pas de formation, pas de financement des charges...
M. Jean Chérioux. En matière de chômage !
M. François Fillon, ministre. ... en matière de chômage : ce bilan un peu lourd explique que nous ayons voulu rompre avec ces mauvaises orientations.
Je conçois bien, monsieur le sénateur, que cela n'ira pas sans poser certains problèmes aux collectivités locales - j'ai quelques raisons de le savoir moi-même - mais, à la fois pour les équilibres financiers de notre pays et pour les collectivités locales elles-mêmes, pérenniser progressivement les emplois qui pourraient être maintenus m'apparaît comme une solution raisonnable.
Enfin, s'agissant de l'extension aux très petites entreprises du chèque emploi-service, en liaision étroite avec M. Dutreil, nous envisageons une expérimentation de ce dispositif, qui pourrait aller dans le sens que vous souhaitez, monsieur Doligé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. Sans avoir besoin d'utiliser les deux minutes de temps de parole qui me sont imparties, je me bornerai à indiquer que les excellentes réponses qu'a données M. le ministre étaient celles que j'attendais.
Il m'avait semblé important de l'interroger pour qu'il puisse faire le point sur la réflexion qui a été entreprise afin que des éclaircissements soient ainsi apportés aux collectivités et aux associations sur l'avenir d'un certain nombre d'emplois.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux état B et C concernant le travail, la santé et la solidarité : I. - Travail.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 43 774 516 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 1 031 602 129 euros. »

L'amendement n° II-17, présenté par MM. Arthuis, Marini et Ostermann au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Augmenter la réduction des crédits du titre IV de 5 000 000 euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 1 036 602 129 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Dans le cadre de la politique de maîtrise des dépenses publiques menée par la commission des finances, cet amendement tend à réduire les crédits destinés au travail. Cet objectif est d'autant plus justifié que le Gouvernement a revu à la baisse les recettes fiscales.
M. Roland Muzeau. C'est un scandale !
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Ainsi, 700 millions d'euros de moins entreront dans les caisses de l'Etat. Il faut donc faire des économies si l'on ne veut pas augmenter les impôts.
La réduction envisagée porte sur les bourses d'accès à l'emploi destinées aux jeunes en insertion. Je rappelle que le programme TRACE est maintenu. Seules les bourses seront donc supprimées en 2003, le dispositif n'ayant pas été reconduit. Il faudra financer uniquement les bourses accordées en 2002, qui arriveront à échéance en 2003.
Il apparaît que les 30 millions d'euros prévus en 2003 pour ces bourses, bien qu'en forte baisse par rapport à 2002, excèdent encore le coût attendu.
La réduction proposée s'élève à 5 millions d'euros. Elle est réaliste et somme toute modeste rapportée à un budget de plus de 15 milliards d'euros.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Monsieur le rapporteur, la suppression de la bourse d'accès à l'emploi interviendra à la fin de l'année 2002. Il s'agissait d'un dispositif expérimental ; nous en tirerons le bilan qui servira dans le cadre de la mise en oeuvre du CIVIS.
Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003, s'élevant à 30 millions d'euros, ne visent donc qu'à permettre de continuer à financer le programme des personnes entrées dans le dispositif avant la fin de 2002. Il est exact que, compte tenu du rythme actuel des entrées, la dotation pour 2003 peut être réduite de 5 millions d'euros.
Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, contre l'amendement.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement, comme un certain nombre de ceux que la commission des finances a déposés sur différents budgets, témoigne d'une forme d'intégrisme comptable qui méconnaît totalement la réalité sociale.
Le Gouvernement a déjà choisi de mettre de facto un terme au programme TRACE, en supprimant la bourse d'accès à l'emploi. Il est bon de rappeler que le programme TRACE s'adresse à des jeunes en grande difficulté, et n'est pas une simple formule. L'expression « en grande difficulté » renvoie à la solitude de jeunes qui n'ont pas de famille, ou qui ont une famille avec laquelle, quand ils en ont une, ils ne peuvent plus cohabiter. Ils sont donc sans logement et vivent souvent en foyer. Des problèmes de santé se posent également à eux de façon cruciale, et ce point a été négligé depuis longtemps. Bien entendu, ils sont sans ressources et, en général, sans aucune formation, leur environnement n'ayant pas été - c'est un euphémisme ! - propice à l'étude.
L'intérêt du programme TRACE était justement de conjuguer pour ces jeunes une insertion sociale et professionnelle ainsi qu'une formation, en leur procurant des petites ressources qui leur permettaient d'assurer le quotidien, entre deux sessions de formation.
La réduction du programme TRACE est une décision lourde de conséquences. Cela signifie que ces jeunes, froidement rendus à leur dénuement matériel, ne seront plus en situation de suivre à peu près sereinement un parcours d'insertion. Ils vont être contraints d'accepter dans l'urgence n'importe quel petit boulot précaire, sans espoir de voir leur condition s'améliorer.
C'est une responsabilité sociale et humaine importante que le Gouvernement veut endosser. Il le fait - il faut le reconnaître - avec précaution puisqu'il n'entend pas mettre fin brutalement au programme TRACE. Comment, d'ailleurs, pourrait-il le justifier auprès des grandes associations d'insertion et des associations humanitaires qui travaillent pour et avec ces jeunes ?
La commission des finances ne fait pas preuve de la même prudence, et il est manifeste qu'elle entend, au sens propre, arrêter rapidement les frais.
Cette décision risque de renvoyer ces jeunes au désespoir, après qu'on leur a manifesté de l'intérêt, du respect, et qu'on a trouvé avec eux un début de solution.
L'adoption de cet amendement équivaudrait à une condamnation immédiate. (Protestations sur les travées du RPR.) Nous voterons évidemment contre et nous demandons un scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je veux d'abord rendre hommage à M. François Fillon qui, ce matin, avec conviction, nous a rappelé les objectifs que s'est fixés le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en matière d'emploi, de cohésion sociale et de formation professionnelle.
Ces objectifs constituent une véritable ambition politique ; ils sont fondés sur une vision réaliste de notre société, ils visent à réinsérer chacun dans le monde du travail, à ne pas se payer de mots, à rompre avec une politique d'affichage.
A cet égard, M. Chabroux devrait peut-être modérer son expression. Il n'est pas question de je ne sais quel « intégrisme » ! Il s'agit là d'une discussion budgétaire, et nous avons appris, parce que le Gouvernement joue la carte de la sincérité et de la transparence,...
M. Roland Muzeau. Non !
M. Jean Chérioux. Cela change !
M. Roland Muzeau. On en reparlera !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... que les prévisions sur lesquelles se fondait l'estimation des recettes budgétaires au mois de septembre devaient être révisées...
M. Gilbert Chabroux. Mauvaises prévisions !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... et que l'article d'équilibre, que nous avons voté mercredi soir, était amputé de 700 millions d'euros de recettes fiscales.
M. Guy Fischer. On n'a même pas pu en discuter avec la commission des finances !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est cela le réalisme, c'est cela la rupture avec le budget mensonger dont nous discutions, vous vous en souvenez, il y a tout juste un an. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Alors, ne nous payons pas de mots ! Il ne saurait être question de voter un budget comportant 700 millions d'euros de recettes en moins.
Il est vrai que le Sénat, par une heureuse initiative, apporte un supplément de recettes de 400 millions d'euros, qui permet d'arrondir les dotations de solidarité urbaine, les DSU, et les dotations de solidarité rurale, les DSR, qui contribuent à l'aménagement du territoire, ainsi qu'à la cohésion sociale. C'est une démarche de confiance vis-à-vis des acteurs de la démocratie locale.
La commission des finances, dans l'urgence bien sûr et je prie ceux de nos collègues qui n'ont pas été associés à ce débat de me pardonner mais nous travaillons en temps réel...
M. Guy Fischer. Pas du tout !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... pour répondre à une exigence de réalisme et de responsabilité -, la commission des finances, disais-je, a pensé qu'il était de son devoir - ce n'est pas une mission facile - de demander à chaque ministre une contribution à l'économie que nous devons réaliser. Lorsque les recettes s'estompent, il en est ainsi dans les familles comme dans les entreprises : on cherche à faire des économies, et c'est ce que nous faisons.
Je voudrais au passage saluer l'abnégation que manifeste M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité puisqu'il s'en remet à la sagesse du Sénat sur cette amendement.
Bien entendu, je voterai cet amendement, que j'ai déposé avec M. le rapporteur général et M. le rapporteur spécial comme je voterai l'ensemble des crédits du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Comme je l'ai déjà indiqué dans mon intervention précédente, nous dénonçons la baisse des crédits du travail pour 2003 car ils sont notoirement insuffisants. Pour preuve, le montant des exonérations de cotisations sociales patronales sera supérieur l'an prochain au montant des crédits du travail.
Tous les dispositifs volontaristes de nature à accroître quantitativement l'emploi mis en oeuvre ces dernières années - la RTT et les emplois-jeunes -, toutes les mesures de traitement social du chômage, quelles que soient leurs limites, font les frais de la grosse soustraction proposée par le Gouvernement, qui mise uniquement sur l'allégement du coût du travail.
Alors que tout le monde s'accorde à dire que les jeunes sont les premières victimes de la dégradation du marché du travail, le Gouvernement a adopté un contrat jeune en entreprise qui n'est assorti d'aucune obligation de formation.
Pour ceux qui sont très éloignés de l'emploi, qui alternent les périodes de stage et de recherche d'emploi, qui ont des besoins vitaux immédiats pour se loger et se nourrir, un accompagnement individualisé s'impose. Or le dispositif TRACE est remis en cause.
Comme si cela ne suffisait pas, la commission des finances, soucieuse d'aider le Gouvernement à tenir son budget au regard des réajustements de croissance, nous propose une coupe supplémentaire, dont la commission des affaires sociales n'a même pas été saisie, de 5 millions d'euros sur les crédits servant au financement des bourses d'accès à l'emploi destinées aux jeunes en insertion !
Un autre amendement, que nous examinerons dans un instant, vise à l'inverse à prolonger les exonérations aux entreprises. C'est proprement scandaleux ! C'est chercher à faire des économies sur le dos des jeunes, déjà en situation de grande précarité, et accepter de les laisser s'enfermer dans l'exclusion.
Nous nous opposons vigoureusement à cet amendement, et nous demandons un scrutin public.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-17.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe socialiste et l'autre du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 58:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 206
Contre 113

Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 11 390 000 euros ;

« Crédits de paiement : 3 000 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 87 140 000 euros ;
« Crédits de paiement : 24 840 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 70 et 77, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés au travail, ainsi que, en accord avec la commission des finances, les amendements n°s II-13 et II-18, tendant à insérer des articles additionnels après l'article 77.

Article 70

M. le président. L'article 70 a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 77



M. le président.
« Art. 77. - I. - Dans la première phrase de l'article L. 118-7 du code du travail, après les mots : « contrats d'apprentissage », sont insérés les mots : « conclus avant le 1er janvier 2003 ».
« II. - La prise en charge par les régions et la collectivité territoriale de Corse, en application de l'article L. 214-12 du code de l'éducation, de l'indemnité compensatrice forfaitaire mentionnée à l'article L. 118-7 du code du travail fait l'objet d'une compensation de la part de l'Etat.
« Le montant de cette compensation est égal au montant de la dépense supportée par l'Etat en 2002 au titre de l'indemnité compensatrice forfaitaire. Ce montant évolue chaque année, dès 2003, comme la dotation globale de fonctionnement.
« Toutefois, en 2003, 2004 et 2005, le montant total de la compensation versée aux régions et à la collectivité territoriale de Corse est respectivement égal à 6 %, 63 % et 97 % du montant tel que calculé en application de l'alinéa précédent. » - (Adopté.)

Articles additionnels après l'article 77



M. le président.
L'amendement n° II-13, présenté par MM. Oudin et P. Blanc et Mme Olin, est ainsi libellé :
« Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - 1. Il est institué, à compter du 1er janvier 2004, une taxe destinée à financer le développement des actions de formation professionnelle dans les transports routiers. Le produit de cette taxe est affecté à l'Association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports. Au moins la moitié de ce produit est destiné à financer des actions de formation professionnelle en faveur des jeunes de moins de vingt-six ans.
« 2. La taxe est perçue en addition de celle prévue à l'article 1599 quindecies du code général des impôts lors de la délivrance des certificats d'immatriculation des véhicules automobiles de transport de marchandises, des tracteurs routiers et des véhicules de transport en commun des personnes, à l'exception des véhicules de collection au sens de l'article R. 106-1 du code de la route.
« La délivrance des certificats mentionnés aux articles 1599 septdecies et 1599 octodecies du code général des impôts ne donne pas lieu au paiement de la présente taxe.
« Le montant de la taxe est de :
« - 30 euros pour les véhicules automobiles de transport de marchandises dont le poids total autorisé en charge est inférieur à 3,5 tonnes ;
« - 120 euros pour les véhicules automobiles de transport de marchandises dont le poids total autorisé en charge est supérieur ou égal à 3,5 tonnes et inférieur à 6 tonnes ;
« - 180 euros pour les véhicules automobiles de transport de marchandises dont le poids total autorisé en charge est supérieur ou égal à 6 tonnes et inférieur à 11 tonnes ;
« - 270 euros pour les véhicules automobiles de transport de marchandises dont le poids total autorisé en charge est supérieur ou égal à 11 tonnes, les tracteurs routiers et les véhicules de transport en commun de personnes.
« 3. La taxe est recouvrée selon les règles et sous les mêmes conditions que la taxe prévue à l'article 1599 quindecies du code général des impôts.
« 4. a) L'Association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports est placée, au titre de la taxe, sous le contrôle économique et financier de l'Etat ; un contrôleur est nommé par le ministre chargé du budget.
« b) Le ministre chargé des transports nomme un commissaire du Gouvernement.
« c) Les modalités d'exercice des attributions du contrôleur d'Etat et du commissaire du Gouvernement sont fixées par décret.
« II. - 1. Les entreprises appartenant aux professions du bâtiment et des travaux publics entrant dans le champ d'application des articles L. 223-16 et L. 223-17 du code du travail ainsi que du titre III du livre VII dudit code sont redevables, à compter du 1er janvier 2004, d'une taxe destinée à concourir, sans préjudice de toute autre ressource, au développement de la formation professionnelle et en particulier de l'apprentissage dans les métiers des professions susmentionnées.
« 2. L'assiette de la taxe est celle des cotisations mentionnées à l'article D. 732-5 du code du travail, majorée des indemnités de congés payés mentionnées à l'article D. 732-7 dudit code.
« 3. Le taux de cette taxe est fixé comme suit :
« a) pour les entreprises dont l'effectif moyen de l'année au titre de laquelle la taxe est due est de dix salariés ou plus :
« - 0,16 % pour les entreprises relevant du secteur des métiers du bâtiment ;
« - 0,08 % pour les entreprises relevant du secteur des métiers des travaux publics ;
« b) pour les entreprises dont l'effectif moyen de l'année au titre de laquelle la taxe est due est inférieur à dix salariés : 0,30 % pour les entreprises relevant des secteurs des métiers du bâtiment et des travaux publics, à l'exception des entreprises relevant du sous-groupe 34-8 de la nomenclature de 1947 des entreprises, établissements et toutes activités collectives codifiée par le décret du 30 avril 1949, pour lesquelles le taux est fixé à 0,10 %.
« 4. a) La taxe est perçue au profit du Comité central de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics.
« b) Le comité central de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics peut, sous sa responsabilité et après accord du contrôleur d'Etat visé au 6 ci-dessous, confier par convention le recouvrement de cette taxe à un organisme professionnel du bâtiment et des travaux publics compétent en matière de collecte de cotisations sociales.
« 5. Le produit de cette taxe est affecté, dans les secteurs d'activités considérés :
« - à l'information des jeunes, de leurs familles et des entreprises, sur la formation professionnelle initiale ou sur les métiers du bâtiment et des travaux publics ;
« - au développement qualitatif de la formation professionnelle dans les métiers du bâtiment et des travaux publics, particulièrement par le financement des investissements et du fonctionnement des établissements d'enseignement professionnel, des centres de formation d'apprentis et des sections d'apprentissage visés à l'article L. 115-1 du code du travail, par la formation des personnels enseignants et des maîtres d'apprentissage ainsi que par l'acquisition de matériel technique et pédagogique.
« 6. a) Le Comité central de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics est soumis au contrôle économique et financier de l'Etat dans les conditions définies par décret.
« b) Un commissaire du Gouvernement auprès du Comité central de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics est nommé par le ministre chargé de l'éducation nationale en accord avec les ministres chargés de l'équipement, du logement et de la formation professionnelle.
« c) Les modalités d'exercice des attributions du contrôleur d'Etat et du commissaire du Gouvernement sont fixées par décret.
« III. - 1. Les entreprises ayant une activité principale ou secondaire de réparation, d'entretien, de pose d'accessoires, de contrôle technique, d'échanges de pièces et autres opérations assimilables sur les véhicules automobiles, les cycles ou les motocycles, donnant lieu à facturation à des tiers, sont redevables, à compter du 1er janvier 2004, d'une taxe destinée à concourir, sans préjudice de toute autre ressource, au financement de la formation professionnelle et particulièrement de l'apprentissage, dans les métiers de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle.
« 2. La taxe est assise sur le montant non plafonné des rémunérations retenues pour le calcul des cotisations de sécurité sociale versées aux salariés concourant au fonctionnement des ateliers et services affectés aux activités visées.
« 3. Le taux de la taxe est fixé à 0,75 % de l'assiette déterminée au 2 ci-dessus.
« 4. L'Association nationale pour la formation professionnelle automobile est chargée d'assurer le recouvrement, la gestion et l'emploi de cette taxe dans les conditions prévues ci-dessous.
« 5. Le produit de cette taxe est affecté au développement qualitatif de la formation professionnelle dans la branche considérée, particulièrement par le financement des investissements et du fonctionnement des centres de formation d'apprentis et des sections d'apprentissage, par la formation de personnels enseignants et de maîtres d'apprentissage ainsi que par l'acquisition de matériels techniques et pédagogiques.
« 6. La cotisation est exigible :
« a) par versements trimestriels, le premier jour des mois d'avril, de juillet, d'octobre et de janvier pour les entreprises dont l'effectif total au 31 décembre de l'année précédente est supérieur à neuf salariés ;
« b) par un versement annuel, le 31 décembre de chaque année, pour les entreprises dont l'effectif total au 31 décembre de l'année précédente est inférieur ou égal à neuf salariés.
« Les entreprises assujetties reçoivent de l'Association nationale pour la formation professionnelle automobile des fiches de déclaration qu'elles doivent remplir et lui retourner dans le délai d'un mois accompagnées du règlement de la taxe.
« 7. a) L'association nationale pour la formation automobile est placée, au titre de la taxe, sous le contrôle économique et financier de l'Etat ; un contrôleur d'Etat est nommé par le ministre chargé du budget.
« b) Le ministre chargé de l'éducation nationale, en accord avec le ministre chargé de la formation professionnelle, nomme un commissaire du Gouvernement.
« c) Les modalités d'exercice des attributions du contrôleur d'Etat et du commissaire du Gouvernement sont fixées par décret.
« IV. - Les versements effectués par les employeurs au titre des taxes visées aux I, II et III ci-dessus sont pris en compte pour le calcul de la participation prévue à l'article L. 951-1 du code du travail.
« V. - Au IV bis de l'article 30 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984, loi de finances pour 1985, les mots : "une taxe parafiscale affectée au développement de la formation professionnelle des jeunes" sont remplacés par les mots : "une taxe visée à l'article ... de la loi n° ... du ..., loi de finances pour 2003, à compter du 1er janvier 2004".
« VI. - A l'article L. 951-11 du code du travail, les mots : "d'une taxe parafiscale affectée à la formation professionnelle" sont remplacés par les mots : "d'une taxe visée à l'article ... de la loi n° ... du ..., loi de finances pour 2003, à compter du 1er janvier 2004". »
La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Cet amendement concerne les taxes parafiscales qui étaient affectées à la formation professionnelle dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, de l'automobile, du cycle, du motocycle et des transports pour compte propre et pour compte d'autrui. A la suite du vote de l'article 63 de la loi organique du 1er août 2001, ces taxes parafiscales vont être supprimées au plus tard au 31 décembre 2003.
Cette suppression pose la question du financement et de la pérennité de la formation professionnelle, et notamment de l'apprentissage dans ces professions.

Il est donc urgent et nécessaire de prévoir un dispositif de substitution à cette taxe, perpétuant sans rupture le système de financement de la formation professionnelle dans ces secteurs d'activités.
Un tel dispositif permettra aux secteurs d'activités concernés de pousuivre leur politique de formation et d'intégration de près de 100 000 jeunes par an en ayant l'assurance de la pérennité de cette ressource.
Cette proposition d'amendement crée trois taxes qui constituent des impositions de toute nature, conformément à l'avis rendu sur ce point par le Conseil d'Etat le 21 décembre 2001, affectées à l'Association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports, au Comité central de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics et à l'Association nationale pour la formation professionnelle automobile.
Ces organismes sont soumis au contrôle d'Etat et sont liés au ministère de l'éducation nationale par une convention générale de coopération. Ils participent à l'insertion professionnelle des jeunes, notamment dans le cadre de l'apprentissage, mode de formation qui, aux termes de l'article L. 115-1 du code du travail « concourt aux objectifs éducatifs de la nation. »
Il s'agit donc de donner des moyens à la formation professionnelle dans ces domaines.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Cet amendement vise à transformer certaines taxes parafiscales - la taxe sur les salaires versée par les employeurs du secteur du bâtiment et des travaux publics, la taxe versée par les entreprises de réparation des automobiles, cycles et motocycles et la taxe additionnelle au droit de timbre sur les cartes grises des véhicules utilitaires, pour le financement de la formation professionnelle dans les transports - en trois impositions de toute nature affectées aux organismes participant à la formation des jeunes que ces taxes financent, à savoir le Comité central de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics, l'Association nationale pour la formation automobile, l'Association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports, l'AFT.
Cet amendement tend à organiser par anticipation la « succession » de trois taxes parafiscales, ces dernières devant en effet disparaître dans leur ensemble avant le 31 décembre 2003, en application de l'article 63 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, du 1er août 2001.
Cet objectif est donc louable dans son principe.
Par ailleurs, je comprends que les professionnels concernés ressentent le besoin de sécuriser le financement d'actions de formation dont le cadre est pluriannuel.
Toutefois, le Gouvernement, très soucieux d'apporter une réponse cohérente aux attentes des professionnels concernés par les différentes taxes parafiscales, souhaite engager en 2003 une réforme globale de laquelle il semblerait peut-être inopportun de soustraire celles qui font l'objet du présent amendement.
En outre, il paraît évident que le Gouvernement aura à coeur de trouver une solution qui pérennisera le financement d'organismes dont l'utilité est certaine.
M. le ministre pourra sans doute nous éclairer sur ce point. Si ses propos sont de nature à rassurer M. Paul Blanc et les professionnels concernés, je demanderai le retrait de l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Sur cette question, j'ai déjà eu l'occasion de donner quelques éléments d'information au Sénat lors d'un débat précédent.
Les taxes parafiscales affectées à la formation professionnelle dans les trois secteurs considérés représentent des enjeux considérables puisqu'elles permettent la formation de plus de cent mille personnes, notamment des jeunes, par le biais de l'apprentissage. Elles financent aussi des appareils de formation qui emploient de nombreux formateurs qualifiés et utilisent des équipements coûteux pour lesquels il est impératif qu'il n'y ait pas de rupture des financements.
C'est la raison pour laquelle je viens de signer le décret prorogeant jusqu'à la fin de 2003 les taxes parafiscales existantes, ce qui met - conformément à l'engagement que j'avais pris devant le Sénat - les dispositifs concernés à l'abri des difficultés financières pour l'année prochaine.
Je suis évidemment tout à fait favorable au principe du remplacement de ces taxes et je m'engage à ce qu'un nouveau système soit mis en place le plus rapidement possible, car il ne s'agit pas de mettre en péril des systèmes de formation qui, depuis des décennies, ont largement fait leurs preuves.
Cependant, monsieur le sénateur, le problème que soulève cet amendement dépasse le cadre des trois taxes concernées. Il convient, surtout, de veiller à ce que les dispositions prises soient juridiquement correctes, ce qui suppose une expertise approfondie préalable. La meilleure solution serait, me semble-t-il, d'ouvrir dans les délais les plus brefs une concertation entre les ministres et les professions concernés, à laquelle serait associée la représentation nationale. Tel est l'engagement que je prends.
Je vous demande, en conséquence, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Blanc, maintenez-vous l'amendement n° II-13 ?
M. Paul Blanc. Je me range, bien entendu, aux avis de la commission et du Gouvernement et je retire, par conséquent, mon amendement.
Je considère, pour ma part que nous sommes effectivement saisis cette année d'un budget de transition et qu'il faut, vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, opérer, pour l'ensemble des budgets que nous votons aujourd'hui, une mise à plat de tous les dispositifs de façon à pérenniser une formation professionnelle qui était absolument indispensable, notamment dans le domaine de l'apprentissage automobile.
Je retire donc mon amendement, en espérant, bien entendu, que tout cela sera mis à plat au cours de l'année 2003.
M. le président. L'amendement n° II-13 est retiré.
L'amendement n° II-18, présenté par MM. Arthuis, Marini et Ostermann au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la quatrième phrase du huitième alinéa de l'article L. 351-24 du code du travail, la date : "31 décembre 2002" est remplacée par la date : "31 décembre 2003". »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Cet amendement tend à réparer un oubli. Il vise à proroger d'une année le dispositif d'aide au développement d'entreprises nouvelles, EDEN, qui constituait une expérimentation dont le terme était prévu le 31 décembre 2002 et à laquelle le Gouvernement n'avait pas souhaité mettre fin. Du reste, les crédits afférents sont prévus par le présent projet de loi de finances.
Cet amendement permet donc l'utilisation des crédits correspondant au financement de ce dispositif, crédits qui ont bien fait l'objet d'une inscription pour 2003 au chapitre 44-79, « Promotion de l'emploi et adaptations économiques », pour un montant de 52 117 000 euros.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-18.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 77.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le travail.

6

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Paul Blanc membre du conseil national consultatif des personnes handicapées.

7

LOI DE FINANCES POUR 2003

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.

Travail, santé et solidarité (suite)

II. - SANTÉ, FAMILLE, PERSONNES HANDICAPÉES
ET SOLIDARITÉ

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la solidarité : II. - Santé, famille, personnes handicapées et solidarité.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, les ministres répondront immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits du budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité s'établiront à 15,47 miliards d'euros en 2003, contre 14,80 milliards d'euros en 2002. C'est, à première vue, une progression de 4,5 %. Mais, en réalité, ce budget subit des changements de périmètre et on constate qu'à périmètre constant les crédits de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité progresseront de 5,2 %.
Ce budget, messieurs les ministres, est avant tout un budget d'intervention. Les dépenses du titre IV en constituent 92,8 %. Les moyens des services, qui avaient crû de 4 % en 2002, connaissent une progression beaucoup plus modérée : 1,9 % en raison de la suppression de cent emplois budgétaires.
En 2003, le budget comportera six agrégats, au lieu de cinq en 2002, pour tenir compte, notamment, de l'évolution des structures gouvernementales. Il convient toutefois de noter que les crédits de ces agrégats, bien que tous inscrits sur le même fascicule budgétaire, ne relèvent pas de la compétence d'un même ministre, trois d'entre eux étant gérés par le ministre de la santé, deux par le ministre des affaires sociales et du travail, le dernier relevant, quant à lui, d'une compétence partagée : il s'agit de celui qui concerne la gestion des politiques de santé et de solidarité.
C'est cette complexité qui me vaut le plaisir et l'honneur de voir au banc du Gouvernement trois éminentes personnalités.
J'en viens, dès à présent, aux cinq principales observations que m'inspirent les crédits de la santé pour 2003.
Première observation, monsieur le ministre de la santé, la gestion budgétaire de 2001 a été très critiquable. La Cour des comptes, dans son rapport relatif à l'exécution des lois de finances pour 2001 - comment ne pas s'y référer ? - a formulé de nombreuses critiques.
Elle a notamment relevé un fonctionnement très perfectible des agences de veille et de sécurité sanitaires, dont la mise en place a été lente, si bien que le taux de consommation des crédits ne s'est établi qu'à 73 %.
Elle relève aussi - et c'est peut-être plus grave - le non-respect des engagements financiers de l'Etat envers l'hôpital : les crédits prévus par le protocole hospitalier du 14 mars 2000, soit 305 millions d'euros par an sur trois ans, n'ont pu être consommés en 2001 et ont été reportés sur la gestion 2002, faute d'avoir été inscrits en loi de finances initiale. Il a donc fallu, on le sait, que les établissements hospitaliers fassent des avances sur leurs dotations globales, ce qui n'est pas une bonne gestion.
La Cour des comptes relève aussi des répartitions de charges peu pertinentes entre l'Etat et l'assurance maladie et des effets d'affichage qui n'ont pas non plus épargné le ministère de la santé. Certains chapitres, notamment les dépenses en capital, ont été faiblement consommés, tandis que le ministère a externalisé la plupart de ses grandes politiques et sollicité la trésorerie de ses partenaires - c'est notamment le cas de la caisse d'allocations familiales, avec le RMI : comment ne pas le relever ici ?
Deuxième observation, l'application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances a débuté, mais le ministère de la santé peut encore améliorer sa présentation et sa performance en la matière.
Sans y insister, je vais tout de même relever quelques points, sachant, monsieur le ministre de la santé, que vous avez la volonté - vous l'avez dit et nous vous croyons - de faire de votre ministère un ministère exemplaire et pilote de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001. A cet égard, vous avez présenté les modifications de périmètre et des agrégats comme permettant de préfigurer les programmes prévus par la loi organique.
Je salue ces efforts importants sur la plan méthodologique et organisationnel. Néanmoins, la présentation de ces crédits, vous le savez bien, monsieur le ministre, demeure perfectible. Le ministère peut mieux faire, j'en suis tout à fait convaincu pour ma part.
Vous veillerez, je le sais, à nous faire parvenir rapidement les réponses au questionnaire de la commission.
En outre, la présentation des indicateurs de coûts et de résultats gagnerait, j'y insiste, à être améliorée. Cela va, monsieur le ministre, dans le sens de nos préoccupations.
Les agrégats sont présentés de façon très inégale. Les explications les plus longues sont fournies, il faut bien le dire, pour les informations les plus faciles à connaître, c'est-à-dire les dépenses de personnel et de moyens de fonctionnement, qui sont aussi celles qui présentent traditionnellement l'inertie la plus grande.
Par ailleurs, les objectifs indiqués ont un caractère pour le moins incontestable, et c'est une bonne chose : qui ne conçoit, en effet, qu'une politique de santé publique a notamment pour objectif de lutter contre le sida, le cancer ou les maladies infectieuses ? Quant aux indicateurs de résultats et de performances, ils sont, eux, insuffisants.
Je vous pose donc ma première question, monsieur le ministre : quels types d'indicateurs, non seulement de résultats mais aussi de performances, envisagez-vous d'instituer dans les secteurs dont vous avez la charge ? Le Parlement en aura-t-il une première ébauche dans le projet de loi de programmation quinquennale sur la santé que vous avez annoncé pour le premier semestre 2003 ?
Par ailleurs, je vous signale que 5 millions d'euros sont inscrits dans le projet de loi - de finances initiale au titre de cette future loi cadre de santé publique, ou plus exactement de sa préparation. A quoi servira cette dotation ?
Troisième observation, le budget de la santé est, nous le savons, un budget extrêmement contraint.
Il est consacré en grande partie aux dépenses des minima sociaux - revenu minimum d'insertion RMI allocation aux adultes handicapés AAH allocation de parent isolé, API, couverture maladie universelle CMU - qui sont passées de 10,01 milliards d'euros en 2000 à 10,80 milliards d'euros en 2003, soit une hausse de près de 8 % en quatre ans.
Or cette évolution a absorbé toutes les marges de manoeuvre du budget depuis 1998, c'est un fait. Sur l'ensemble de la précédente législature, les dépenses liées aux minima sociaux ont progressé de 3,64 milliards d'euros. Cela signifie que près de 83 % de la hausse des crédits observés sur cinq ans a servi à prendre en charge les minima sociaux.
Je pose maintenant ma deuxième question qui concerne précisément ces minima sociaux, en particulier le RMI. Le Gouvernement a, à plusieurs reprises, annoncé son intention de transformer le RMI en RMA, c'est-à-dire en revenu minimum d'activité. Je souhaiterais en savoir un peu plus concernant cette transformation. Vous inspirerez-vous, monsieur le ministre, des dispositions de la proposition de loi cosignée, à l'époque, par MM. Lambert et Marini - alors respectivement président et rapporteur général de la commission des finances -, et adoptée par le Sénat le 8 février 2001 ?
Quatrième observation, le Gouvernement a procédé à un indispensable assainissement financier, dont il faut lui donner acte.
Au cours des dernières années, le budget de la santé oubliait régulièrement d'inscrire certaines dépenses incombant obligatoirement à l'Etat ; j'ai parlé du financement du protocole hospitalier, je n'y reviens pas. Par ailleurs, l'Etat détenait aussi des dettes au titre de la prise en charge des minima sociaux, dont le montant atteignait 553 millions d'euros au 31 décembre 2001. Le collectif de l'été 2002 a heureusement ouvert des crédits afin d'honorer la quasi-totalité de ces dettes qui, dans le domaine social, atteignent un montant supérieur à 1,32 milliard d'euros. Il convient de se féliciter de cette décision, bien que l'Etat ait encore quelques dettes, notamment à l'égard de l'assurance maladie.
Par ailleurs, le budget pour 2003 renoue avec la progression des dépenses en capital - il faut saluer ce fait - alors que les crédits de paiement avaient diminué de 72 % entre 1998 et 2002 mais que, sur la même période, les moyens de l'ensemble du ministère augmentaient, eux, de 32,6 %.
Le projet de budget pour 2003, lui, renoue avec l'investissement. Les crédits de paiement progresseront de 10,6 %. En outre, l'investissement hospitalier bénéficiera du plan « Hôpital 2007 », qui prévoit un plan d'investissement de 1 milliard d'euros sur cinq ans, financé en loi de financement de la sécurité sociale.
Cinquième observation, le projet de budget pour 2003 est axé sur de bonnes priorités. Il convient de les saluer.
J'observe d'abord avec satisfaction que le Gouvernement a mis en oeuvre des premières mesures d'économie sur un certain nombre d'interventions.
Les interventions interministérielles de lutte contre la drogue et la toxicomanie permettront d'économiser 5,5 millions d'euros en 2003. Quant à la maîtrise des dépenses de personnel, j'y ai fait allusion tout à l'heure, je n'y reviens pas.
Ces économies contribueront à financer vos priorités en santé publique qui, je l'ai dit, sont, elles, tout à fait judicieuses.
Le Président de la République a annoncé, le 14 juillet dernier, les grandes orientations des cinq années à venir, parmi lesquelles figurent la lutte contre le cancer et l'insertion des personnes handicapées.
Le budget demandé pour 2003 dégage des moyens nouveaux pour les programmes de santé publique, grâce à une mesure nouvelle de 35 millions d'euros, notamment pour financer le programme de prévention et de dépistage du cancer.
Tous les programmes doivent être refondés, revigorés, renforcés, redynamisés dans le cadre d'une loi de programmation quinquennale en santé publique dont la discussion est prévue au Parlement au cours du premier semestre de 2003.
J'en viens aux personnes handicapées.
Le budget pour 2003 porte notamment la création de 3 000 places en centres d'aide par le travail, les CAT, de 400 postes d'auxiliaire de vie, de 30 sites pour la vie autonome, de 500 postes d'auxiliaire d'intégration scolaire et de postes pour le maintien à domicile de 103 personnes très lourdement handicapées. Ma troisième question porte sur ces priorités budgétaires, en particulier sur l'effort réalisé en faveur des personnes handicapées, et sur l'avenir. Quelles principales orientations de la réforme de 1975 en faveur des personnes handicapées entendez-vous retenir, et quel calendrier parlementaire envisagez-vous d'adopter ?
Telles sont, messieurs les ministres, les remarques qu'au nom de la commission des finances je voulais formuler. Cette dernière, bien entendu, est favorable à l'adoption des crédits de ce budget. Tout à l'heure, en son nom, j'aurai - je n'ose pas dire le plaisir - la charge de présenter un amendement, mais j'indique d'ores et déjà que les crédits que vous nous proposez sont satisfaisants et que les orientations que vous avez retenues nous paraissent excellentes. Vous avez donc notre confiance, et nous l'exprimerons par notre vote. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez interrogé sur l'avenir du revenu minimum d'insertion et sur le projet du Gouvernement de créer un revenu minimum d'activité.
Selon nous, le RMI ne donne pas satisfaction, et ce à plusieurs titres.
Tout d'abord, ce dispositif ne fonctionne pas assez pour insérer les personnes qui en bénéficient dans un parcours conduisant à l'emploi. En effet, sur cent bénéficiaires du RMI, aujourd'hui, seul un quart, en moyenne, retrouve un travail dans les cinq ans. C'est évidemment très insuffisant et cela ne correspond pas aux objectifs qui avaient présidé à la création de ce dispositif.
De plus, il existe de très importantes disparités départementales en matière d'insertion, puisque un RMIste sur deux seulement a aujourd'hui signé un contrat d'insertion et que l'obligation légale annuelle pour les départements de métropole de consacrer 17 % des dépenses de RMI au volet insertion est, vous le savez, inégalement respectée. Sur le plan national, les reports cumulés de crédits départementaux d'insertion atteignaient, en 2000, près d'une demi-année d'obligation légale. Une autre critique exprimée par nos concitoyens doit être formulée ; elle concerne l'absence ou l'insuffisance de différentiel entre les revenus de l'assistance et ceux du travail. Ce point, me semble-t-il, a été au coeur de la crise politique et sociale que nous avons connue au mois d'avril dernier et qui reste à résoudre, ne nous y trompons pas. Dans notre pays, il existe aujourd'hui d'importantes fractures qui pourraient conduire à la renaissance de comportements extrémistes si nous ne trouvions pas rapidement des solutions à la fois réalistes, raisonnables, humaines pour y remédier.
Dès sa prise de fonctions, le Gouvernement s'est engagé à mener une réflexion dans deux directions, à savoir la décentralisation accrue de la gestion du revenu minimum d'insertion et la création d'un revenu minimum d'activité.
Sur le premier point, le Gouvernement est persuadé que les départements pourraient mieux gérer le revenu minimum d'insertion. En disant cela, je pense non pas à la gestion technique de ce revenu, qui est assumée largement et fort bien par les caisses d'allocations familiales, mais à la gestion d'ensemble d'un dispositif qui doit être piloté non par une administration, mais par un pouvoir politique qui est aujourd'hui celui des collectivités locales, principalement des départements. Un tel dispositif ne peut pas, en effet, être piloté par plusieurs « patrons » ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. François Fillon, ministre. ... car cela conduirait à des dérives qui se résument en un seul constat : aucun bénéficiaire, quel que soit son comportement, ne peut être radié...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Eh oui !
M. François Fillon, ministre. ... et même si, après bien des évaluations et des discussions, cela se produit, la personne peut se réinscrire sans difficulté, le dispositif étant géré de manière plurielle !
Le premier objectif du Gouvernement est de faire en sorte qu'il n'y ait qu'un pilote, le département, ce qui ne remet pas en cause la gestion technique des caisses d'allocations familiales. C'est d'ailleurs la proposition que je ferai dans le cadre des lois de décentralisation en 2003.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. François Fillon, ministre. La deuxième proposition que fera le Gouvernement concerne la création d'un revenu minimum d'activité, qui viendra compléter et non remplacer le RMI. Cet engagement, qui avait été pris par le Président de la République, répond à la nécessité de trouver une étape intermédiaire entre l'assistance, le revenu minimum et l'insertion dans un emploi marchand, nécessité ressentie par beaucoup d'entre nous, quelle que soit notre place sur l'échiquier politique.
Nous pensons qu'il devrait être possible, demain, d'offrir à des personnes en difficulté un revenu d'insertion en échange d'heures de travail dans les collectivités locales ou dans le secteur non marchand. Tel est, en tout cas, pour l'instant, ce à quoi réfléchit le Gouvernement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !
M. François Fillon, ministre. Monsieur le rapporteur, il s'agit d'un dispositif un peu différent de celui qui avait été envisagé par MM. Alain Lambert et Philippe Marini dans la proposition de loi que vous évoquiez. Cela ne veut pas dire pour autant que nous excluons, dans notre réflexion, de prendre en compte certaines des idées qui avaient été émises. Je veux simplement faire remarquer, à ce stade du débat, c'est-à-dire très en amont de la présentation d'un texte devant le Parlement, que les aides à l'emploi trop ciblées sur certaines catégories de publics, par exemple les bénéficiaires de minima sociaux - ceux-là mêmes qui étaient visés par la proposition de loi sénatoriale - font courir un risque d'éviction à des personnes qui connaissent des difficultés comparables pour trouver un emploi.
Par ailleurs, il existe déjà un dispositif, le contrat initiative-emploi, visant précisément à alléger le coût du travail pour les entreprises qui embauchent des personnes relativement éloignées de l'emploi.
Vous le voyez, monsieur Gouteyron, nos réflexions sur ce sujet ne sont pas achevées. La représentation nationale y prendra évidemment toute sa part. Notre objectif est clair : faire en sorte que le revenu minimum d'insertion, conformément d'ailleurs à l'intention de ses fondateurs, ne constitue pas seulement une allocation minimum, mais qu'il représente aussi une véritable voie vers l'insertion et le retour à l'emploi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de saluer la qualité de l'intervention de M. Gouteyron, qui, à son habitude, a analysé avec concision les différents aspects du budget de la santé.
Monsieur le rapporteur spécial, permettez-moi ensuite de rappeler mon engagement total dans la mise en oeuvre de la loi organique. La définition de nos politiques publiques en fonction d'objectifs de résultats chiffrés et associés à des financements est essentielle et implique une mutation très forte de l'administration.
Le choix des indicateurs interviendra lorsque ces objectifs seront mieux cernés, ce à quoi s'attèle aujourd'hui le ministère. Pour répondre à votre question, je vous livre néanmoins une réflexion générale que je préciserai dans le cadre de la future loi de santé publique.
Nous allons devoir fixer des objectifs de résultats précis et quantifiés, là où les enjeux des politiques publiques sont très généraux, dépendent de plusieurs départements ministériels ou de plusieurs collectivités publiques, là où, enfin, les objectifs de résultats seront très rarement tenus seuls par l'Etat, mais où ils impliqueront aussi nos concitoyens et leurs comportements. Cela me paraît évident pour la prévention en matière de santé par exemple.
Nous devons lier objectif de résultats et action en matière d'offre de soins. Ainsi, se fixer un objectif de résultat de réduction du nombre de cancers du sein ne peut pas forcément se traduire par une augmentation du nombre ou de la rémunération des radiologistes.
La future loi de santé publique est précisément destinée à doter notre système de santé d'indicateurs qui ne soient pas seulement d'ordre économique ou financier, mais qui soient également relatifs à l'état de santé de la population. Ce n'est pas le nombre d'hôpitaux, de scanners, de consultations, de B ou de Z qui compte vraiment. C'est le résultat de cette activité sur l'amélioration de la santé.
Par conséquent, le Parlement se prononcera sur des objectifs que nous devons atteindre dans cinq ans, et ces objectifs seront formulés en terme de mortalité, de morbidité, de fréquence d'exposition aux différents facteurs de risques majeurs, comme la consommation de tabac et d'alcool.
Nous insisterons tout particulièrement sur la mortalité prématurée, c'est-à-dire celle qui survient avant soixante-cinq ans. La France est très mal placée en Europe sur cet indicateur, et je veux corriger cela.
Enfin, nous travaillons aussi pour disposer d'indicateurs de qualité de vie, car cela est la seule chose pertinente pour les personnes âgées.
S'agissant des 5 millions d'euros inscrits au projet de loi de finances pour la santé publique, cette mesure nouvelle est destinée à lancer des actions exemplaires qui vont préfigurer les nouvelles formes d'action en santé publique que j'entends promouvoir.
Je ne suis pas encore en mesure de vous présenter les priorités que je soumettrai au Parlement, car les consultations ne sont pas achevées. Mais il est évident qu'y figureront deux des chantiers présidentiels annoncés le 14juillet dernier : le cancer et la « violence » routière - je préfère ce terme à celui de « sécurité ».
S'agissant du cancer, je prévois des expérimentations de nouveaux programmes de prévention et de prise en charge. Celles-ci seront décidées au début de l'année 2003, lorsque, avec le président de la République, nous annoncerons les orientations du chantier sur le cancer.
Pour la violence routière, le ministère de la santé n'a guère été actif sur ce sujet au cours des dernières années. Je compte proposer au comité interministériel de la sécurité routière qui se tiendra le 12 décembre prochain une série de mesures qui concerneront les modifications des comportements des conducteurs au regard de l'alcool et des médicaments, une meilleure connaissance des attitudes face aux risques et, monsieur le rapporteur, une amélioration de la prise en charge immédiate des blessés de la moelle épinière et du crâne. Ces mesures seront financées sur cette enveloppe.
S'agissant de votre question portant sur les personnes handicapées, la révision de la loi de 1975 est nécessaire vingt-sept ans après, et nous y travaillons. Cela relève de la responsabilité particulière de Mme Boisseau, qui reçoit, consulte et se rend chaque semaine sur le terrain.
Notre conviction est que doivent être réaffirmés dans cette future loi de grands principes tels que la solidarité nationale et le choix de vie. Ce texte prendra aussi en compte la nécessité de mieux évaluer les besoins de la personne et d'apporter des réponses plus individualisées, que ce soit dans les domaines de l'école, du travail ou de la vie quotidienne.
Accueillir, accompagner, intégrer et compenser seront les grandes lignes directrices du projet de loi que nous vous présenterons dans le courant de l'année 2003. Le défi qui nous attend, monsieur le rapporteur, est celui qu'évoquait récemment une jeune myopathe s'exprimant en ces termes : « Je veux donner le maximum de mes capacités, mais la société doit faire le nécessaire pour que je puisse donner. »
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. Ce défi, nous souhaitons le relever avec vous tous. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la santé, la famille, les personnes handicapées et la solidarité.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Paul Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la solidarité. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Gouvernement a changé, nous en sommes heureux, mais la grille d'analyse de la commission des affaires sociales reste la même, car je crois qu'elle permet de rendre compte de l'ensemble des facettes de la solidarité dans notre pays. Vous n'auriez d'ailleurs certainement pas compris que nous changions les règles d'évaluation en cours de route !
Je rappelais, l'an passé, la question qui devait se poser lors de l'examen de ces crédits : le Gouvernement se donne-t-il les moyens de mieux utiliser les crédits dont il dispose, autrement dit le budget permet-il non pas de « dépenser plus » mais de « dépenser mieux » ? Cette année, la réponse est, selon moi, incontestablement positive.
Le projet de budget de la solidarité pour 2003 constitue, en effet, dans de nombreux domaines - et dans celui du handicap en particulier -, un budget de transition, qui réussit cependant le pari de financer des priorités nouvelles, malgré un contexte budgétaire difficile. C'est pourquoi - cela ne vous étonnera pas - la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2003.
Tout d'abord, la progression des dépenses afférentes aux minima sociaux n'empêche pas la mise en oeuvre d'un programme important de lutte contre les exclusions.
Il est vrai que les crédits relatifs aux différents minima sociaux représentent toujours plus de 75 % de l'ensemble du budget de la solidarité. Et leur poids pourrait encore s'accentuer avec le ralentissement de la croissance en 2002 et les incertitudes concernant la conjoncture en 2003. Toutefois, d'après les informations qui nous ont été données ce matin, une amélioration semble se dessiner.
L'impact tardif, et de courte durée, de la croissance des années 1997 à 2001 sur les bénéficiaires du RMI conduit toutefois à mettre en doute l'efficacité du volet « insertion » de ce dispositif. Ce matin, monsieur le ministre, vous avez fait allusion aux difficultés rencontrées par les départements en la matière.
C'est pourquoi, alors que le Gouvernement envisage une économie de 150 millions d'euros, justifiée par une « redynamisation de la démarche d'insertion », il me semble important de souligner que cet objectif est indissociable de la réforme du RMI qui doit aboutir - vous l'avez précisé ce matin, monsieur le ministre - au cours de l'année 2003. A défaut, des ouvertures de crédits en lois de finances rectificatives seraient, comme tous les ans, nécessaires.
Mais au-delà du financement des minima sociaux, le présent projet de budget se traduit également par un effort accru en faveur de l'accueil et de l'hébergement des personnes en situation précaire, en particulier des familles et des mineurs isolés.
Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, sont cependant toujours en attente d'une amélioration du décret du 3 juillet 2001 qui fixe leurs règles budgétaires et comptables, amélioration qui leur permettrait de développer davantage leurs activités en faveur de l'insertion par l'activité économique et par le logement.
Aussi ma première question est-elle la suivante : conformément à l'esprit de la loi du 29 juillet 1998, le Gouvernement envisage-t-il d'assouplir ce décret pour ces activités dont l'utilité est par ailleurs reconnue ?
La prise en compte des besoins liés à l'accueil des étrangers en situation précaire est également améliorée dans ce projet de budget. L'augmentation de la capacité d'hébergement des demandeurs d'asile, comme celle, concomitante, du nombre de places en centres d'hébergement « classiques », était en effet indispensable pour éviter la saturation du réseau des CHRS, lesquels sont de plus en plus souvent amenés à prendre en charge une population pour laquelle ils sont dans l'impossibilité de proposer des solutions d'insertion.
Mais cette prise en compte va plus loin que le seul développement, certes indispensable, des capacités d'hébergement : la création d'une taxe au profit de l'Office des migrations internationales, proposée par l'article 76 du projet de loi de finances, permettra la mise en place d'un « contrat d'intégration » pour les primo-arrivants et la généralisation des plates-formes de conseil de l'Office.
Ma deuxième question est la suivante : dans quels délais et selon quelles modalités ce « contrat d'intégration » sera-t-il mis en oeuvre ? Au-delà du produit de la taxe, et compte tenu des flux migratoires importants que connaît notre pays, les moyens, notamment humains, de l'office seront-ils suffisants pour faire face à cette nouvelle mission ?
En ce qui concerne les personnes handicapées, la commission des affaires sociales a été heureuse de constater que le présent projet de budget a pris acte de la priorité donnée, le 14 juillet dernier, par le Président de la République, à leur intégration dans notre société.
Les mesures nouvelles inscrites dans le présent projet de budget répondent à un certain nombre des attentes des personnes handicapées et de leurs familles : le développement de places nouvelles en centres d'aide par le travail, les CAT, l'effort consenti en faveur des services d'auxiliaires de vie, notamment des services dédiés aux personnes les plus lourdement handicapées, la généralisation, tant attendue, des « sites pour la vie autonome » et l'orientation prise en faveur de l'intégration des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire constituent des avancées incontestables. L'effort en faveur du handicap doit donc être apprécié à sa juste valeur, dans un contexte budgétaire contraint.
Il reste que le projet de budget pour 2003 est un budget de transition, dans l'attente de la révision de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Je ne doute pas que le Gouvernement saura répondre aux attentes des personnes handicapées sur ce point, et vous savez combien le Sénat est prêt à travailler sur ce dossier.
Je souhaite cependant revenir sur une question importante, celle de l'adaptation des modes de prises en charge à l'évolution de la population handicapée.
Au-delà de la demande de maintien ou de retour à domicile, à laquelle le présent projet de budget s'attache à répondre davantage, je voudrais en particulier souligner deux aspects.
En premier lieu, l'accompagnement d'une personne handicapée est une responsabilité de tous les instants pour une famille. Notre pays manque cruellement de structures d'accueil de jour et d'accueil temporaire, qui permettent à ces familles de souffler. Favoriser le maintien à domicile ne doit en aucun cas conduire à oublier ces solutions alternatives, qui peuvent également constituer des transitions efficaces entre les différentes modalités de prise en charge.
En second lieu, le vieillissement de la population handicapée est un fait, que notre système de prise en charge a trop peu anticipé. J'estime que les établissements pour personnes âgées dépendantes, qui sont souvent la solution proposée aux familles, ne constituent pas une réponse adaptée au défi du vieillissement des personnes handicapées. Des expériences montrent en effet qu'il est préférable de maintenir ces personnes dans des structures situées à proximité des foyers traditionnels où elles ont vécu.
D'où ma troisième question : quels seront les moyens consacrés à la prise en compte de ces deux évolutions en 2003 ? Plus précisément, le plan triennal 2001-2003 prévoyait 6,8 millions d'euros pour le développement de structures expérimentales pour la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes : à la lumière des résultats de cette expérimentation, quelles sont les pistes envisagées par le Gouvernement pour répondre à leur demande de structures d'accueil adaptées ?
Enfin, comme chaque année, je voudrais dresser un état des lieux de l'évolution des dépenses d'action sociale prises en charge par les départements, car elles constituent le cadre du financement des établissements sociaux et médico-sociaux.
A l'évidence, la dépense sociale départementale est entrée dans un nouveau cycle de hausse : son rythme de progression a été multiplié par quatre entre 2001 et 2002 du fait de deux facteurs : le passage aux 35 heures - qu'on le veuille ou non - et la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie.
L'année 2002 correspond toutefois également à la levée de deux incertitudes concernant, d'une part, les heures d'équivalence en chambre de veille et, d'autre part, la question du maintien du niveau des rémunérations pendant la période transitoire de passage aux 35 heures, lesquelles pesaient sur l'évolution des charges des établissements médico-sociaux et donc, indirectement, sur l'aide sociale départementale.
La levée de ces incertitudes n'écarte toutefois pas la possibilité de nouveaux conflits. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales demande une modernisation de la gestion budgétaire et comptable des établissements sociaux et médico-sociaux, de manière à donner aux associations gestionnaires les moyens d'entreprendre une planification budgétaire à plus long terme. Une clarification des relations financiaires permettrait à ces établissements de responsabiliser les partenaires sociaux sur les conséquences financières des accords collectifs.
Ma dernière question est la suivante : la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale rend nécessaire une révision du décret du 24 mars 1998 relatif à la gestion budgétaire et comptable des établissements médico-sociaux, compte tenu, notamment, des conséquences du passage en dotation globale du financement de ces établissements. Dans quels délais les établissements pourront-ils bénéficier de ce cadre réglementaire rénové ? Est-il envisagé, à cette occasion, de doter les établissements de perspectives pluriannuelles de financement ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la santé. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce budget de la santé se caractérise par un effort très marqué en faveur de la santé publique, notamment en ce qui concerne la lutte contre le cancer, la priorité donnée à la sécurité sanitaire, et la forte progression des moyens affectés à la couverture maladie universelle, la CMU. Ce projet de budget comporte donc des élements très positifs, qui ont conduit la commission des affaires sociales à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la santé pour 2003.
Ma première question portera sur le dispositif de sécurité et de veille sanitaire.
Les crédits consacrés aux agences de sécurité sanitaire diminuent de 6,9 millions d'euros, soit de 11,8 %, pour s'établir à 51,5 millions d'euros.
Cette diminution des dotations budgétaires n'apparaît pas infondée. Dans son rapport de septembre dernier sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes relève, en effet, que « toutes les agences disposent d'une aisance financière certaine. Les ressources ne leur ont pas été comptées, alors que leur montée en charge, trop lente, a limité les dépenses effectives ».
Néanmoins, la commission des affaires sociales, qui a contribué, par ses travaux, à la création de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, se montrera vigilante quant à l'évolution des moyens dont dispose cette agence.
Lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un certain nombre de nos collègues ont fait part de leur inquiétude quant à la qualité des médicaments génériques fabriqués à bas prix dans les pays en développement. Nous devrons donc veiller à ce que l'AFSSAPS puisse disposer à l'avenir des moyens nécessaires à l'exercice de ses missions, notamment le contrôle des installations de production situées à l'étranger et qui approvisionnent le marché français.
Plus généralement, la Cour des comptes constate, dans son rapport, que les missions confiées aux agences ne sont pas toutes mises en oeuvre avec l'ampleur prévue par les textes initiaux et ultérieurs, en raison notamment de la lenteur de leur montée en charge. Elle souligne également la fragilité des structures administratives en charge des fonctions supports et juge que ces faiblesses communes à l'ensemble de ces structures, si elles devaient persister, pourraient nuire au développement de la politique de veille et de sécurité sanitaires.
La Cour relève également que les recoupements dans les champs de compétences de certains établissements imposent une clarification des rôles et missions de chacun. Les champs de compétences croisés entre agences concernent tant la veille sanitaire que certains produits. Selon les sujets, c'est soit une coordination entre les agences, soit, au contraire, une clarification de leurs compétences respectives qui est nécessaire.
L'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, l'AFSSE, devrait être prochainement installée. Le projet de loi relatif à la bioéthique, qui devrait être examiné par le Sénat en janvier prochain, prévoit, quant à lui, la création d'une agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines.
Au total, pas moins de huit structures différentes pourraient ainsi coexister à terme, avec des champs de compétence qui se recoupent parfois.
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est vrai !
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. A l'évidence, une réflexion doit être engagée sur l'évolution des missions de ces structures et sur l'opportunité d'un rapprochement entre certaines d'entre elles.
Je souhaiterais, par conséquent, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez comment vous envisagez de faire évoluer dans les prochaines années l'organisation institutionnelle de la veille et de la sécurité sanitaires dans notre pays.
Ma deuxième question porte sur la couverture maladie universelle complémentaire.
Les crédits de la santé comportent en effet désormais une dotation de 970 millions d'euros destinée à financer la contribution de l'Etat au financement de la protection complémentaire de la couverture maladie universelle.
Près de trois ans après la mise en place de la CMU complémentaire, le bilan apparaît singulièrement contrasté et confirme les craintes qu'avait exprimées le Sénat lors de l'examen du projet de loi.
Les effets de seuil ont obligé à créer une CMU bis, sous la forme d'une aide à la mutualisation.
Le montant de la déduction forfaitaire dont bénéficient les organismes complémentaires s'est révélé rapidement insuffisant, justifiant le départ annoncé de plusieurs mutuelles de la gestion de la CMU complémentaire. Il faut, à cet égard, féliciter le Gouvernement d'avoir fait adopter par l'Assemblée nationale, dans le présent projet de loi, un article 78 qui relève le montant de cette déduction à 283 euros par assuré, un montant plus conforme à la réalité des dépenses qu'entraîne la gestion d'un dossier de CMU.
Enfin, le « panier de soins » de la couverture maladie complémentaire connaît des limites évidentes : les tarifs prévus par les textes sont récusés par les professionnels de santé, qui les considèrent insuffisants ; ces tarifs excluent, de fait, certains biens jugés courants par les professionnels de santé ou limitent drastiquement les choix de produits médicaux disponibles pour les assurés CMU, notamment dans l'optique et la prothèse dentaire.
A bien des égards, la CMU complémentaire demeure donc une couverture complémentaire minimale : elle a amélioré la situation de patients qui ne pouvaient jusque-là accéder à certains soins, sans pour autant leur permettre d'accéder à une situation de droit commun.
Dans son rapport de décembre 2001, relatif à l'évaluation de la CMU, l'Inspection générale des affaires sociales note à ce titre que, « si elle a doté 8 % des Français d'une couverture complémentaire, 30 % de ces derniers indiquent qu'ils ne peuvent toujours pas assumer les dépenses restant à leur charge pour certains soins, essentiellement pour les prothèses dentaires et l'optique ».
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous étiez ouvert à l'éventualité d'un dispositif favorisant l'accès à une couverture complémentaire santé.
M. Jean-François Mattei, ministre. En effet !
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. J'aimerais, par conséquent, que vous nous indiquiez quelles sont vos orientations en la matière et quel pourrait être le calendrier d'une telle réforme ; c'est l'objet de ma deuxième question.
Enfin, je voudrais évoquer un dossier qui, s'il ne relève pas, il est vrai, des crédits de la santé, ne peut laisser indifférent le responsable de la santé publique que vous êtes : celui de la médecine scolaire et universitaire.
Lors de l'examen de l'avis sur les crédits de la santé, la commission des affaires sociales a été unanime à déplorer la grande misère de la médecine scolaire et universitaire, qui contraste fortement avec les efforts que vous souhaitez accomplir, monsieur le ministre, en faveur de la prévention.
Nous nous sommes interrogés sur le fait de savoir si les difficultés de la médecine scolaire provenaient de moyens financiers et humains insuffisants ou, éventuellement, de son rattachement au ministère de l'éducation nationale et non à celui de la santé.
La situation actuelle ne peut perdurer, et je souhaiterais vivement que vous nous fassiez part, monsieur le ministre, de votre sentiment sur cette question essentielle, qui, j'en suis sûr, vous préoccupe autant que nous. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre. M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la santé, a évoqué, à plusieurs reprises, les conséquences du développement de l'immigration sur notre territoire.
La question ne peut se limiter à des considérations budgétaires et nous renvoie à notre identité, à nos choix fondamentaux, en particulier au choix que nous avons fait de la République fondée sur une nation unie et solidaire, contrairement à d'autres, qui ont préféré un système fédéral ou communautariste.
La question nous renvoie au déséquilibre dans le monde, à la mondialisation, à la montée des intégrismes et de la violence, qui jettent des centaines de millions d'êtres humains sur les routes de l'exil.
Pour appréhender cette question extraordinairement difficile, le Gouvernement a choisi la voie du réalisme et de l'humanisme : elle exige de faire appliquer les lois pour pouvoir mieux intégrer, mieux accueillir les étrangers qui vivent sur notre territoire et ceux qui, demain, le rejoindront.
C'est dans cet esprit que, à la demande du Président de la République, le Gouvernement prépare pour le milieu de l'année 2003 le contrat individuel d'intégration, qui permettra de symboliser non seulement cette volonté d'accueillir l'étranger dans les meilleures conditions possible en lui offrant, notamment, un soutien personnalisé qu'il s'agisse d'apprentissage linguistique, d'accompagnement social ou d'intégration professionnelle, mais aussi l'obligation faite à celui qui veut vivre sur notre territoire d'accepter les règles de notre contrat républicain.
Ce contrat sera mis en place dans le cadre du développement du service public de l'accueil des étrangers primo-arrivants dont l'animation est confiée à l'OMI, l'Office des migrations internationales. L'établissement sera l'opérateur de référence en matière de promotion du contrat d'intégration, s'agissant notamment de la préparation à la signature du contrat et de la coordination de l'ensemble des prestations dispensées dans ce cadre : détection des besoins, visite médicale, positionnement linguistique, bilan linguistique approfondi, formation à l'apprentissage de la langue française, apprentissage des usages sociaux et des obligations civiques. Le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, sera, quant à lui, l'opérateur de référence en matière de formation, d'apprentissage de la langue et des usages sociaux, par l'organisation et le financement d'une offre de formation et de services.
Les personnels des services sociaux spécialisés ou de droit commun, le cas échéant, chargés des prestations collectives ou individuelles exerceront aussi une fonction de référent et de « personne ressource » auprès du nouvel arrivant tout au long de son parcours d'intégration pour l'orienter et pour l'accompagner vers les services de droit commun.
Enfin, les services déconcentrés de l'Etat, dont les directions départementales des affaires sanitaires et sociales seront chef de fil, assureront la mise en cohérence et l'organisation des partenariats nécessaires, notamment dans le cadre des programmes départementaux d'accueil et d'intégration, qui seront généralisés à l'ensemble des départements français.
Pour ce qui est du financement de ce contrat, les ressources nécessaires à la promotion des premiers contrats d'intégration seront mobilisées dans le courant du deuxième semestre de l'année 2003, avec la généralisation du service public de l'accueil dont le développement est assuré par le produit de la nouvelle taxe instaurée au profit de l'OMI, taxe assise sur les effectifs de migrants obtenant leur premier titre de séjour.
Ainsi, à l'été 2003, le dispositif d'accueil sera étendu à de nouvelles catégories de publics. Le maillage du territoire sera amélioré grâce à l'ouverture de nouvelles plates-formes d'accueil couvrant alors trente-huit départements, et les prestations dispensées seront enrichies.
Dès 2003, les crédits d'intervention du budget du FASILD seront redéployés pour assurer le financement à un niveau significatif des prestations de bilan, de formation linguistique, d'apprentissage des usages sociaux et des obligations civiques ou encore de certification en faveur des nouveaux arrivants signataires d'un contrat d'intégration. Ainsi, les crédits destinés au financement d'une offre de formation linguistique pour les primo-arrivants seront portés de 5 millions d'euros en 2002 à plus de 20 millions d'euros en 2003.
En ce qui concerne les CHRS, je vous rappelle que le décret du 3 juillet 2001, qui visait à en moderniser les conditions de fonctionnement et de financement, prévoyait de simplifier les conditions d'accueil, de préciser les conditions de participation financière des usagers et de clarifier les conditions de financement et la présentation budgétaire et comparable de leur activité.
Si les deux premiers volets du dispositif ont été accueillis de façon très consensuelle par les associations gestionnaires, en revanche, les dispositions budgétaires et comptables ont nourri - c'est naturel - de fortes inquiétudes. Il s'agissait essentiellement des modalités de financement des activités d'insertion par l'activité économique ainsi que des activités d'insertion dans le logement.
Face à ces inquiétudes, j'ai souhaité approfondir le dialogue et la concertation avec les associations. A cette fin, j'ai décidé de régler cette question dans le cadre du décret d'application de la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale relatif aux droits des usagers. La concertation avec les associations, qui se poursuit, doit viser à simplifier et à assouplir l'ensemble des procédures afin de permettre à ces associations de se consacrer pleinement à leurs missions de restauration de l'autonomie sociale et d'insertion dans le logement et par l'activité économique.
La grande qualité de cette concertation montre à quel point l'investissement des associations et celui des services de l'Etat dans ce domaine sont convergents. Enfin, monsieur Blanc, s'agissant des établissements médico-sociaux et de la refonte de la réglementation budgétaire et comptable, je rappelle que ce chantier a été ouvert par la loi du 2 janvier 2002. Ce nouveau texte pose les bases d'une procédure budgétaire et financière rénovée, adaptée aux exigences d'une gestion moderne et dynamique des établissements, compte tenu, notamment, des conséquences de leur passage en dotation globale, et introduit de nouveaux modes de gestion, plus souples, qui comprennent, pour répondre à votre interrogation, un dispositif permettant une allocation pluriannelle de ressources.
Ce projet de décret a fait l'objet d'une concertation très large avec l'ensemble des partenaires du secteur ; elle se poursuit actuellement, sur quelques aspects du texte qui nécessitent encore des ajustements. Mon objectif est que ce décret soit pris dans le courant du premier semestre 2003 afin qu'il puisse être pleinement applicable dans le cadre du budget 2004, pour l'ensemble des établissements qu'il concerne. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, m'a interrogé sur l'accueil temporaire des personnes âgées vieillissantes, puis sur l'accueil de jour des personnes handicapées, et enfin sur les personnes handicapées vieillissantes. Avant de lui répondre, je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous présenter les excuses de Mme Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, qui ne peut pas être présente pour des impératifs personnels.
En préambule, je voudrais saluer la qualité du rapport du Sénat sur le handicap, monsieur Paul Blanc.
En ce qui concerne l'accueil temporaire, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale a reconnu l'accueil temporaire comme un élément de soutien aux personnes handicapées et à leur famille. Cet accueil ne consiste pas simplement à dispenser les familles d'accompagner à temps plein une personne handicapée. Les solutions possibles vont de l'aide ponctuelle à l'ouverture au milieu ordinaire en passant par le recours à des familles d'accueil temporaire ou à un centre de loisirs. Une mission vient d'être confiée à M. Olivin, président du groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire des personnes handicapées, le GRATH. Il remettra son rapport au mois d'avril 2003.
Dès l'année prochaine, néanmoins, le projet de loi de financement de la sécurité sociale permettra de développer l'accueil temporaire à hauteur de 2 millions d'euros environ.
Vous m'avez ensuite interrogé sur l'accueil de jour des personnes handicapées ; il correspond à un véritable besoin d'intégration. L'accueil de jour est maintenant répandu pour les enfants et les adolescents. Il relève, de fait, du projet de loi de financement de la sécurité sociale, au titre de structures d'accueil telles que les instituts médico-éducatifs.
L'accueil de jour des adultes handicapés connaît une évolution plus lente, il faut noter qu'il est du ressort des conseils généraux.
S'agissant des personnes handicapées vieillissantes, il convient d'anticiper les effets du phénomène démographique de proposer les solutions permettant d'éviter toute rupture brutale avec le milieu de vie habituel en offrant aux personnes handicapées vieillissantes, ainsi qu'à leurs parents, eux-mêmes vieillissants, un soutien psychologique et social adapté.
Dans le cadre du plan triennal en faveur des personnes handicapées, 6,8 % millions d'euros de crédits de l'assurance maladie sont affectés, sur la période 2001-2003, à la création de places en établissements spécialisés pour les personnes handicapées vieillissantes. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 permet de financer la dernière annuité de 2,28 millions d'euros.
La suite réservée à ce plan triennal des évolutions et des évaluations prévues courant 2003, dans le cadre de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
M. Barbier m'a d'abord interrogé sur l'évolution de notre organisation institutionnelle de veille et de sécurité sanitaires, qu'il soit remercié de cette question extrêmement pertinente. Je partage sa préoccupation en ce qui concerne l'efficience de notre dispositif institutionnel.
Sur ce sujet majeur, je ne veux pas me précipiter. Au cours des dernières années, nous avons accompli de grands progrès en matière de sécurité sanitaire. Nous le devons à Jacques Barrot, à Hervé Gaymard et, naturellement, à Bernard Kouchner, ainsi qu'à deux de vos anciens collègues sénateurs, MM. Claude Huriet et Charles Descours, qui ont, vous le savez, déposé un rapport à l'origine de la loi sur la sécurité sanitaire présentée lors de la dernière législature.
Des événements qui, il y a encore quelques années, créaient de véritables crises, ont peu à peu suscité un grand professionnalisme. Il n'y a pas si longtemps, je vous le rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, on entendait dire à l'Assemblée nationale ou au Sénat qu'il n'y avait pas un ministère de la santé mais un ministère des crises. Aujourd'hui, nous avons progressé, mais ces progrès restent fragiles. La montée en charge des agences n'est pas achevée, et c'est bien pour cette raison d'ailleurs qu'elles ont des fonds de roulement importants, fonds que nous ne nous sommes pas privés, vous le savez, de solliciter !
En 2003, je mobilise effectivement ces fonds pour poursuivre et consolider le travail des agences. Cependant, il ne faut pas déstabiliser trop vite un système qui n'est pas encore à maturation.
Cela dit, monsieur le sénateur, vous avez raison, il y a des problèmes de frontières et nous percevons bien que le partage des responsabilités est perfectible. Je vais donc engager des réflexions sur la base des critères fondamentaux suivants.
D'abord, je veux des masses critiques de compétences, sans lequelles il n'y a pas de véritable professionnalisme.
Ensuite, je veux respecter une logique des métiers. Si les agences font appel à des métiers communs, il est logique d'envisager leur convergence, ce qui limitera, bien sûr, les conflits de territoire.
Enfin, il existe une logique de missions, et il est vrai que les agences chargées de l'évaluation des risques sanitaires doivent sinon se regrouper, du moins se coordonner. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que le comité national de sécurité sanitaire que je préside est précisément chargé de la coordination des agences. La situation n'est donc pas incontrôlée. Toutefois, sur la base des critères que je viens d'énoncer, j'entamerai, en 2003, une réflexion d'ensemble sur la performance de notre système. Ce sujet sera probablement évoquée lors de la révision des lois de biothique.
Je voudrais en effet rappeler que sont concernés l'ANAES, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'INPES, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé ; l'Institut de veille sanitaire ; l'AFSSAPS, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, chargée notamment de la sécurité des médicaments, des dispositifs et du sang, l'Etablissement français des greffes ; l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments ; l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, que nous venons d'inaugurer, avec Roselyne Bachelot ; enfin, la fameuse agence encore en gestation sur l'embryologie, la génétique et la reproduction.
Vous m'avez posé une deuxième question, monsieur le rapporteur pour avis, sur la couverture maladie universelle, il joue un rôle essentiel en matière d'accès aux soins. Les personnes dont les revenus sont les plus modestes avaient, avant la mise en place de la CMU, un accès très inégal aux soins et beaucoup y renonçaient, notamment en matière optique ou dentaire.
Ainsi, selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, deux tiers des ménages qui avaient renoncé à des soins avant la mise en place de la CMU ont commencé à se soigner dès lors qu'ils en ont bénéficié. Ce rattrapage de soins concerne en premier lieu les enfants et les femmes.
Je voudrais rappeler l'amélioration de la couverture des soins dentaires pour les bénéficiaires de la CMU complémentaire.
Néanmoins, vous le savez, il existe un effet de seuil contre lequel nous nous étions élevés, qui avait conduit l'opposition d'alors à ne pas voter un dispositif qui recueillait pourtant, sur le fond, un large consensus.
Il faut y remédier et je vous confirme que nous proposerons l'année prochaine une réforme en profondeur du dispositif, de façon à clarifier les rôles et, surtout, à permettre à chacun d'acquérir une couverture complémentaire. Certaines personnes, en effet, ne sont pas couvertes par la CMU et ne peuvent pas non plus se payer une couverture complémentaire.
S'agissant enfin de la médecine scolaire, soyez persuadé que je partage votre préoccupation.
J'ai été satisfait que la médecine carcérale soit confiée au ministère de la santé. C'était un premier pas important. Mais il se trouve que la médecine scolaire est toujours confiée au ministère de l'éducation nationale et la médecine du travail au ministère du travail ou de l'emploi. Je ne saurais prétendre à une quelconque hégémonie, car je sais bien que les médecins scolaires et les médecins du travail souhaitent garder leur statut, leur tutelle.
S'il n'est pas question de revenir sur cette situation dans l'immédiat, une véritable politique de la santé publique est néanmoins impossible sans la participation de la médecine scolaire et de la médecine du travail. Il nous faudra donc, non pas par la contrainte, je vous rassure, mais par une incitation, des contrats d'objectifs et des moyens, tenter d'harmoniser tous ces secteurs médicaux au service de la santé publique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes au maximum pour sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'interviendrai sur les crédits consacrés à la solidarité.
Comme l'a rappelé M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, dans un contexte de croissance ralentie et de dégradation du marché de l'emploi, les dépenses relatives aux minima sociaux repartent à la hausse. Cette constatation, que nous faisons avec lui, nous inquiète.
M. Eric Doligé. Nous aussi !
M. Gilbert Chabroux. Ainsi, le nombre de bénéficiaires du RMI a sensiblement diminué les années précédentes, comme le soulignait Marie-Thérèse Joint-Lambert, présidente de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, dans son rapport rendu public au mois de février 2002.
Je ne reviens pas sur les dispositions qui ont été prises pour privilégier l'insertion professionnelle des allocataires de minima sociaux ; la croissance a, bien sûr, joué un rôle essentiel.
Ce qui nous intéresse maintenant, c'est l'année 2002 et, plus encore, l'année 2003. Selon le rapporteur pour avis, le nombre de bénéficiaires du RMI pourrait arrêter de baisser en 2002, voire augmenter en 2003. Il exprime une inquiétude relative à l'évolution des crédits consacrés au RMI, qui ne seront majorés que de 0,9 % en 2003. Il souligne que cet objectif est indissociable de la réforme du RMI...
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Oui !
M. Gilbert Chabroux. ... qui doit aboutir au cours de l'année 2003. Une hausse de 0,9 % est effectivement insuffisante dans la mesure où la réforme que vous projetez de réaliser demandera du temps.
Pourquoi, monsieur le ministre, ne prévoyez-vous pas les crédits nécessaires alors que vous cherchez à souligner la transparence et la sincérité de votre budget ? Pouvez-vous accepter que la commission des finances veuille encore réduire vos crédits ?
Des questions se posent.
Tout d'abord, comment justifiez-vous l'économie de 150 millions d'euros que vous prévoyez au titre de la redynamisation de la démarche d'insertion ?
Vous avez dit ce matin qu'il ne devait y avoir qu'un seul pilote, le département ; qu'attendez-vous exactement des départements ?
Vous avez aussi évoqué le projet de loi constitutionnelle relatif à la décentralisation. Qu'en attendez-vous pour le RMI ? Quelle réforme du RMI envisagez-vous ?
Vous avez évoqué la création d'un revenu minimum d'activité. En quoi consisterait-il ? Pouvons-nous avoir quelques précisions ? Vous nous avez indiqué que vous ne reprendriez pas la proposition de loi de MM. Lambert et Marini. S'agirait-il encore et toujours d'exonérer les entreprises de charges sociales ? Quel délai vous fixez-vous ?
Monsieur le ministre, le RMI, créé en 1988, se fixait trois objectifs : réduire la pauvreté par le versement d'une allocation, permettre l'accès aux droits sociaux - à la santé et au logement notamment - et aider à l'insertion professionnelle. Y a-t-il une politique gouvernementale cohérente pour atteindre ces objectifs ? Par ailleurs, toute approche fondée uniquement sur l'activité serait erronée pour un certain nombre de cas.
Vous comprendrez que l'absence d'information sur un sujet aussi important pour nombre de nos concitoyens en situation de précarité ne nous incite pas à avaliser votre démarche ni à voter vos crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, je m'étonne que vous nous donniez des leçons de sincérité budgétaire, alors que nous avons dû inscrire dans la dernière loi de finances rectificative 700 millions d'euros pour financer le RMI en 2002. (Applaudissements sur les travées du RPR.) La vérité, monsieur le sénateur, c'est que vous êtes en train de refuser de voter un dispositif qui est tout à fait similaire à celui que vous avez voté l'an passé.
En outre, le plan de redynamisation est le fruit du travail du gouvernement précédent, et je l'ai intégralement maintenu. Son objectif était de favoriser davantage l'insertion et, par conséquent, d'augmenter les sorties du système du revenu minimum. Ce plan repose sur la diffusion d'indicateurs de résultats en matière de contractualisation, de signature de projets d'action personnalisés, de nombre d'allocataires du RMI qui trouvent un emploi, ainsi que sur la comparaison de ces indicateurs avec des objectifs précis. Il porte enfin sur le recensement et la diffusion des bonnes pratiques en matière d'insertion menés au plan local. Je veillerai à ce que ce plan de redynamisation, tout juste amorcé l'an passé, soit complètement mis en oeuvre.
Pour ce qui concerne l'avenir et le budget pour 2004, j'ai déjà répondu ce matin à M. Gouteyron. Que puis-je dire de plus ? Le Gouvernement réfléchit à une réforme qui fera l'objet d'un grand débat devant le Parlement, dans le cadre à la fois de la décentralisation et de la mise en place du revenu minimum d'activité.
Cette réforme est fondée sur deux idées simples. Premièrement, un seul pilote doit gérer l'ensemble du dispositif du RMI, qu'il s'agisse de l'Etat ou du département. Nous sommes convaincus que les départements, qui le font très bien, vont s'impliquer encore davantage dans l'insertion s'ils sont entièrement responsables du dispositif, en particulier s'ils ont la maîtrise financière de l'ensemble des sommes qui concourent à la mise en oeuvre du RMI.
Nous vous proposerons donc, dans le courant de l'année 2003, une réforme visant à transférer au département la compétence relative au RMI, assortie bien entendu de principes généraux au plan national. J'imagine que cette réforme fera l'objet d'un débat approfondi au sein de cet hémicycle. Deuxièmement, nous vous proposerons de compléter le revenu minimum d'insertion par un revenu minimum d'activité. Le Gouvernement s'oriente plutôt vers un dispositif lié au secteur de l'emploi non marchand. Nous avons en effet affaire à des publics très fragiles qui risquent l'éviction si l'aide et le soutien à l'embauche sont trop ciblés sur le secteur marchand.
Nous sommes ouverts au débat.
En tout cas, je ne vois pas dans l'immédiat, monsieur le sénateur, ce qui vous empêcherait de voter des crédits relatifs au RMI qui sont en légère augmentation par rapport à l'an dernier et qui sont au moins aussi sincères que ceux que vous aviez votés l'an passé ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. La question que j'ai posée n'a probablement pas été bien comprise, au moins en partie. Je m'étais interrogé sur la politique globale, cohérente, que le Gouvernement souhaitait mettre en place pour les bénéficiaires du RMI.
J'ai indiqué que toute approche fondée uniquement sur l'activité serait erronée pour un certain nombre de cas. Je précise, puisqu'il le faut, qu'il est nécessaire de conjuguer les politiques de soutien. S'agissant, par exemple, des problèmes de santé, il faudrait prendre en compte le rapport Blanpain-Eneau de 1999 qui établissait que les bénéficiaires du RMI connaissent deux fois plus de problèmes de santé que le reste de la population.
M. Jean-François Mattei a évoqué la réforme qu'il prépare sur la CMU. J'ai voulu savoir ce qu'il serait possible de faire dès cette année, en particulier pour les soins dentaires ou l'optique. Je souhaite que l'on puisse chaque année compléter et améliorer ce dispositif qui a représenté une avancée considérable.
Je voudrais également connaître les dispositions budgétaires qui sont prévues en faveur des équipes hospitalières spécialisées dans la prise en charge des personnes en difficulté.
Nous savons aussi qu'une partie du public particulièrement fragile des bénéficiaires du RMI ne peut mener de front la recherche d'emploi et la garde d'enfant : d'où l'importance des places en accueil collectif. Or la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ne reconduit pas le fonds d'investissement pour la petite enfance. Où est la politique cohérente que j'appelle de mes voeux ?
Nous pourrions citer également le problème du logement, car nous savons qu'un logement décent est l'une des conditions essentielles pour présenter sa candidature à un emploi. Or le Gouvernement laisse remettre en cause la loi SRU, qui imposait aux communes la construction de logements sociaux.
Je repose donc ma question : quelle est la politique globale, cohérente du Gouvernement en faveur des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. La formule des questions-réponses m'amène à limiter mon propos à la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger.
Je vous rappelle que cette caisse, autonome, est issue des lois du 31 décembre 1976, du 17 juin 1980 et du 13 juillet 1984. Elle gère les assurances volontaires maladie, maternité, invalidité, accidents du travail, ainsi que l'adhésion à l'assurance vieillesse pour tous ceux de nos compatriotes expatriés qui désirent continuer à bénéficier du régime français de sécurité sociale.
Je préside cette caisse depuis l'origine, aussi souhaiterais-je aborder avec vous, monsieur le ministre, un certain nombre de points.
Premièrement, aucune obligation d'affiliation à la caisse n'est imposée aux Français de l'étranger ; on ne peut pas légiférer hors de notre territoire.
Deuxièmement, elle ne dispose d'aucun monopole et doit faire face à la concurrence très vive des assurances privées.
Troisièmement, malgré ce contexte concurrentiel et bien qu'elle soit également confrontée au système du détachement, elle est l'une des rares caisses de sécurité sociale à présenter un bilan positif depuis son origine.
Actuellement, cette caisse couvre environ 120 000 Français expatriés. Ses effectifs sont en augmentation modérée mais constante, en raison de son image positive et de son écoute des besoins exprimés par ses adhérents ; elle est, je crois, appréciée.
La caisse rembourse les soins sur la base des prix et barèmes applicables dans le régime général français. Cette règle rigide s'avère de plus en plus inadaptée aux pratiques et aux coûts médicaux de certaines régions du monde.
En particulier pour les soins hospitaliers, ces remboursements ne permettent pas de prendre en compte dans de bonnes conditions la chirurgie ambulatoire ou l'hospitalisation de courte durée, qui sont fréquentes, vous le savez, notamment dans le continent nord-américain.
Il est donc souhaitable d'obtenir, dans certaines hypothèses, une souplesse dans la fixation des bases de remboursement. De tels aménagements auraient, en outre, des conséquences positives pour le développement des conventions de tiers payant, dont les Français de l'étranger sont très demandeurs.
Dans le domaine de la vieillesse, la caisse des Français de l'étranger gère les cotisations des salariés français expatriés pour le compte de la CNAVTS. Cependant, un salarié qui quitte le territoire français sans reprendre d'activité à l'étranger a aussi la possibilité juridique d'adhérer à cette assurance. Dans ce cas, la gestion n'est pas assurée par la caisse des Français de l'étranger.
Pour tous les autres assurés couverts par la CNAVTS, ne serait-il pas possible d'obtenir un guichet unique pour nos compatriotes français expatriés, géré par cette caisse puisqu'elle a été choisie par la caisse nationale d'assurance vieillesse ?
La loi de modernisation sociale, en son article 19 consacré aux Français de l'étranger, a notamment introduit un dispositif d'aide pour faciliter l'adhésion de nos compatriotes dont les revenus sont modestes, sous réserve qu'ils adhèrent à titre individuel.
Or de nombreux salariés aux revenus modestes, rattachés à des petites et moyennes entreprises mandataires de la caisse des Français de l'étranger, en sont exclus.
J'avais souligné cette difficulté lors de la discussion de la loi. Serait-il possible de revenir, d'une manière ou d'une autre, sur cette disposition ? Des représentants des PME ne pourraient-ils pas être couverts par l'article 19 de la loi de modernisation sociale ?
Enfin, la concurrence de plus en plus vive des assurances privées risque sans doute d'éloigner de la caisse des Français de l'étranger de nombreux adhérents potentiels. Les assurances privées peuvent en effet adapter leur tarification, leurs services et se mettre à la disposition des grandes entreprises françaises ou des particuliers, en fonction de leur situation.
Ces constatations, monsieur le ministre, militent pour que la caisse des Français de l'étranger puisse un jour offrir une assurance complémentaire facultative dont l'étude aura été réalisée en liaison avec votre ministère. Le dispositif législatif et réglementaire rend actuellement impossible une telle évolution, pourtant nécessaire à l'avenir de la caisse.
Voilà, monsieur le ministre, quels devraient être les objectifs principaux et prioritaires pour assurer le développement de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger. Je compte sur vos services pour répondre à l'attente de nos compatriotes expatriés, qui sont déjà nombreux à y faire appel.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, vous mettez l'accent sur plusieurs questions importantes auxquelles je vais tenter de répondre.
Le problème du tarif des remboursements de la caisse des Français de l'étranger ne peut être dissocié de la mise en oeuvre de la jurisprudence découlant des arrêts Kohl et Decker et des arrêts suivants de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a considérablement étendu les possibilités de remboursement des soins dont bénéficient les assurés français à l'étranger.
Dans ce cas, les soins sont remboursés sur la base d'un remboursement identique à celui de soins qui auraient été dispensés en France. Je sais que, s'agissant de l'hospitalisation, la base de remboursement s'effectue sur le tarif de l'assistance publique-hôpitaux de Paris moins 30 %, tarif qui est généralement suffisant pour la plupart des soins hospitaliers, à l'exception, il est vrai, des soins dispensés aux Etats-Unis, où les coûts sont généralement supérieurs.
Tout autre mode de remboursement serait cependant excessivement coûteux pour la CFE, notamment le remboursement sur facture.
S'agissant de la gestion par la CFE de l'assurance volontaire vieillesse des personnes n'occupant pas un emploi à l'étranger, question qui devrait normalement revenir à M. Fillon, c'est, vous le savez, pour le compte de la CNAV que la CFE opère alors.
Il est vrai que la situation des conjoints non salariés de salariés expatriés pose problème. Ces personnes cessent d'avoir des droits personnels au régime français d'assurance vieillesse et souhaiteraient acquérir des droits à titre volontaire - mais, pour ce faire, la CFE n'est pas compétente -, ce qui faciliterait grandement leurs démarches.
Je comprends donc votre préoccupation, monsieur le sénateur, et la direction de la sécurité sociale examine, à votre demande, si une simple lettre circulaire suffit, comme le pense la CFE, pour l'habiliter à jouer ce rôle ou si une disposition réglementaire ou législative expresse est nécessaire.
S'agissant de la demande d'extension aux salariés d'entreprises mandataires du bénéfice de l'aide à la prise en charge de la cotisation, vous avez vous-même partiellement développé la réponse à partir de l'article 19 de la loi de modernisation sociale.
Cette rédaction exclut, c'est vrai, volontairement les salariés expatriés, d'une part parce qu'il est peu probable qu'ils relèvent de cette catégorie de revenus, d'autre part parce qu'il paraît invraisemblable que l'entreprise ne prenne pas tout ou partie de la cotisation à sa charge.
Je reste cependant ouvert à toute proposition que vous pourriez faire qui serait susceptible d'apporter des améliorations.
La CFE peut-elle offrir un régime complémentaire maladie, même facultatif ?
Le régime général d'assurance maladie auquel se réfère volontiers la caisse ne prévoit évidemment pas de complémentaire ; il appartient aux employeurs de contracter avec des mutuelles, des assurances ou des institutions de prévoyance.
Il paraîtrait encore plus ambigu d'autoriser par la loi la CFE à jouer un tel rôle alors même que l'offre d'assurance privée suffit à répondre à la demande de couverture complémentaire. Cela placerait même la CFE, plus encore qu'elle ne l'est, en contravention aux règles européennes applicables à ce type d'entreprise d'assurances. J'observe au demeurant que - à moins que je ne sois mal renseigné - la CFE n'a formulé aucune demande en ce sens.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je peux porter à votre connaissance, ce qui me donne l'occasion de rappeler à la représentation nationale l'existence de la caisse des Français de l'étranger, qui a vocation à assurer la couverture sociale de 1,9 million de nos compatriotes expatriés et sur laquelle vous veillez avec attention, monsieur Cantegrit. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. J'ai bien compris que j'avais deux tuteurs : M. Jean-François Mattei, qui vient de me répondre - et je l'en remercie -, et M. François Fillon, que j'ai l'honneur de saluer et qui, je le sais, est aussi attentif à nos compatriotes expatriés que peut l'être son collègue.
Vous le savez l'un comme l'autre, messieurs les ministres, nous sommes dans un système dérogatoire au système de la sécurité sociale française, et l'appel que je vous lance, à l'un et à l'autre, à travers mes différentes questions est le suivant : certes, notre conseil d'administration apprécie l'encadrement de vos deux ministères, et notamment les conseils que ceux-ci lui prodiguent, mais, puisque vous avez accepté qu'il y ait une concurrence des compagnies d'assurances privées, vous devez donner à la CFE les moyens d'aller de l'avant et de se défendre. A défaut, les compagnies d'assurances privées l'emporteront un jour ou l'autre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, le budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité pour 2003 affiche une hausse sensible : plus 4,4 % par rapport à 2002, si l'on intégre les crédits de gestion des politiques de santé et de solidarité.
Cette évolution touche principalement les grandes prestations de solidarité : l'allocation aux adultes handicapés, l'allocation de parent isolé et le revenu minimum d'insertion.
Une fois évoquée la part consacrée aux dépenses de solidarité, une fois noté l'effort consenti - plus 1,1 milliard d'euros pour le doublement des places en centre d'aide par le travail - force est de constater que vous ne disposez, monsieur le ministre, pour conduire votre politique de santé, que « d'une marge de manoeuvre limitée » - je reprends vos propres termes - à 400 millions d'euros.
Au regard de vos ambitions, que, dans ces domaines, nous partageons d'ailleurs pleinement, qu'il s'agisse de faire de la santé publique une priorité ou de développer une véritable culture de la prévention, vos moyens réels nous paraissent bien faibles.
Dans les documents transmis par le ministre délégué au budget, il apparaît en outre que le gel de crédits du ministère de la santé en 2002 ou leur report sur 2003 sont déjà envisagés, pour un montant au moins égal à 100 millions d'euros.
Certes, les crédits destinés à la santé publique et à la sécurité sanitaire sont en augmentation de 5,5 % par rapport à 2002.
Certes, le chapitre relatif aux dépenses déconcentrées en matière de promotion, de prévention et de programme de santé publique contient une mesure nouvelle, 35 millions d'euros supplémentaires étant destinés à la lutte contre le cancer.
Toutefois, deux observations doivent être formulées.
En premier lieu, rien ne vient accroître sensiblement les moyens de l'Etat destinés à la lutte contre le sida, même si vous avez fait de nouvelles déclarations à ce sujet.
En second lieu, je ne peux que regretter que vos choix se fassent au détriment d'autres actions, notamment de la lutte contre les pratiques addictives.
Nous nous accordons sur le constat : chaque année, 240 000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués, 140 000 décés enregistrés. Avec le vieillessement de la population, le problème du cancer continuera à se poser avec acuité. Chaque famille est touchée et le cancer est la première cause de mortalité avant soixante ans.
S'appuyant notamment sur la réflexion du cercle des cancérologues français, le précédent gouvernement avait lancé, en février 2000, un plan national sur cinq ans de lutte contre le cancer.
Le professeur Thierry Philip - directeur du centre Léon Bérard à Lyon - considère que « le cancer n'est ni de droite, ni de gauche et que faire de la politique dans le domaine du cancer, c'est se battre pour les dix millions de familles françaises concernées, c'est se battre pour l'esprit pluridisciplinaire ».
Première question, monsieur le ministre : la loi de programmation quinquennale en santé s'inscrira-t-elle dans la continuité des objectifs posés dans ce plan ?
Nous avons tous conscience à la fois de l'enjeu que représentent la prévention, le dépistage massif de qualité, le développement des réseaux, la recherche et de la nécessité de permettre à tous l'accès aux meilleurs soins, aux médicaments innovants, à la radiothérapie moderne.
Pourtant, nous divergeons sur les moyens financiers à engager. Les débats que nous venons d'avoir sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 démontrent une fois de plus que les choix de votre gouvernement demeurent motivés par des exigences purement économiques. Vous délaissez le principe fondateur de la sécurité sociale : la solidarité.
L'enveloppe allouée à l'hôpital public, au sein de l'ONDAM, n'est pas de nature à accroître quantitativement et qualitativement l'offre de soins.
A l'heure actuelle, la cancérologie - de nombreux professeurs le disent - est une spécialité sinistrée, et les médications innovantes pèsent lourdement sur le budget des hôpitaux.
Dans ces conditions, comment comptez-vous remédier aux inégalités de prise en charge selon les régions ?
Comment améliorer les conditions de vie des patients et la qualité de leur prise en charge ?
Quel soutien financier particulier allez-vous apporter au développement des réseaux de cancérologie et au renforcement de l'équipement en radiothérapie ?
Dans le cadre de la régionalisation, quels moyens seront consacrés au rapprochement entre les villes et les hôpitaux ?
Enfin, concernant le dépistage, les mesures nouvelles inscrites en loi de finances serviront-elles de manière effective à généraliser à l'ensemble du territoire le dépistage du cancer du sein, mais également celui du cancer du col de l'utérus ou du côlon ?
Votre stratégie de lutte contre le cancer nous concerne tous. C'est pourquoi nous attendons des précisions quant au montant des crédits qui lui seront consacrés et quant à leur ventilation et à leur destination.
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie de l'excellente critique que vous venez de faire de la politique conduite précédemment ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. C'est facile, monsieur le ministre !
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est en effet très exactement cette politique que vous venez de décrire en me demandant instamment de généraliser enfin le dépistage du cancer, notamment du sein, et en posant toute une série de questions parfaitement pertinentes.
Vous avez fait une affirmation que je rejoins : il est vrai que la lutte contre le cancer n'est ni de droite ni de gauche. Dans cet esprit, je m'inscrirai dans la continuation, mais aussi dans la rupture.
Pourquoi dans la continuation ? Parce que je veux lutter contre le cancer et, d'une manière plus générale, lutter contre les fléaux de santé publique.
Pourquoi dans la rupture ? Vous parlez d'inégalités et vous les imputez au manque de crédits, mais dois-je vous rappeler qu'aujourd'hui ce sont les conseils généraux qui sont en charge du dépistage du cancer du sein ? Pourquoi dès lors mettre en cause les crédits de l'Etat ?
C'est là que je veux une rupture !
Oui, la politique de santé publique doit être menée avec les opérateurs que sont les collectivités territoriales, que sont les unions régionales des caisses d'assurance maladie, les URCAM, et, que sont naturellement aussi les associations sur place, mais il faut un chef d'orchestre, et l'essentiel, dans la loi de programmation de santé publique, sera de recentraliser la définition et l'obligation de l'égalité d'accès aux soins et aux dépistages.
M. Jean-Pierre Fourcade. Bien sûr !
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur Fischer, vous avez dit que les hôpitaux manquaient de scanners, de PETscan et autres appareils de radiothérapie ou d'imagerie médicale. Oui, ce sera un volet essentiel de la loi de santé publique, mais convenez que je ne peux pas d'ores et déjà vous en donner le détail !
Vous avez également regretté que les hôpitaux ne puissent pas accéder aux médicaments innovants. Vous avez dû noter, dans le budget que vous n'avez d'ailleurs pas voté, que j'avais prévu 200 millions d'euros pour lancer un médicament innovant, notamment pour lutter contre le cancer.
Je veux bien que vous posiez la question, car il est normal que vous vous préoccupiez de ce sujet qui nous intéresse tous. Je ne suis pas sûr cependant que votre formule soit la bonne.
Monsieur le sénateur, je vous demande donc instamment d'essayer, lors de la préparation de la loi de programmation de santé publique, de trouver avec nous les voies d'un accord, car nous avons su, nous, lorsque nous étions dans l'opposition voter avec la majorité d'alors, par exemple en matière de sécurité sanitaire et sur bien d'autres sujets.
La santé publique mérite, il me semble, un consensus national. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, vous êtes dans votre rôle, mais je suis très lié avec plusieurs cancérologues, dont le professeur Thierry Philip, qui, depuis plusieurs années, travaille sur ces problèmes, et je sais que nous aurons à faire des choix. C'est indéniable, et vous le savez.
Par exemple, à l'hôpital Léon Bérard à Lyon, il y a aujourd'hui plus de patients suivis dans le cadre de l'hospitalisation à domicile que de malades hospitalisés, si je puis dire, intra-muros. C'est une de ces nouvelles données qui, de toute évidence, méritent d'être étudiées.
S'agissant des URCAM, vous serez d'accord avec moi pour reconnaître qu'encore très peu nombreux sont ceux qui en discernent les véritables pouvoirs et qui ont perçu que, demain, la politique de soins sera peut-être maîtrisée à travers les agences régionales de soins, que vous nous proposerez bientôt de mettre en place et dont il nous faudra définir les pouvoirs.
Vous avez fait allusion aux grands fléaux que sont le tabagisme, l'alcoolisme, certains comportements alimentaires. Soyez persuadé que nous entendons comme vous lutter contre ces fléaux et que nous participerons largement au débat sur le projet de loi de programmation pluriannuelle.
La critique vous était facile dans votre réponse, mais sachez que nous participerons d'une manière constructive tout en ayant l'exigence de l'opposition.
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.
Mme Nelly Olin. Avant tout, messieurs les ministres, je tiens à vous féliciter du projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui, et qui, je le sais, a été préparé dans des conditions difficiles. C'est sans état d'âme que je le voterai.
Je salue bien entendu la hausse des crédits. Mais, si elle est significative, c'est surtout parce qu'elle accompagne une véritable politique de la santé publique. Il était temps d'avoir une ambition que vos prédécesseurs n'ont malheureusement pas eue. Dans ce domaine, beaucoup de temps a été perdu.
Parmi les différentes mesures annoncées - comme la politique, dont je vous félicite, en faveur des handicapés, qui est une des priorités pour le quinquennat du Président de la République -, j'ai noté les moyens alloués à la santé publique.
En ce qui concerne le cancer, vous développez enfin un vrai programme de prévention : 40 millions d'euros seront destinés à accroître la lutte contre le cancer.
Les chiffres sont alarmants. Aujourd'hui, ce sont 700 000 Français qui souffrent d'un cancer, et 250 000 nouveaux cas sont recensés chaque année. Il s'agit bien d'un fléau national, et, monsieur le ministre, vous avez le courage de vous y attaquer avec détermination et volonté, alors que vous disposez de moyens limités du fait de l'« héritage ».
Je tiens à le souligner, le cancer est la première cause de mortalité prématurée en France et la deuxième cause médicale de décès, alors que 70 % des cancers sont attribuables à des facteurs de risques sur lesquels nous pouvons intervenir. A ce sujet, je m'associe à votre combat contre le tabac et l'abus d'alcool, combat qui, je le sais, est sincère et volontariste.
Monsieur le ministre, vous mettez en oeuvre le dépistage intrafamilial pour les personnes présentant un risque génétique pour le cancer du sein et le cancer recto-colique : je tiens à vous féliciter également pour cette excellente mesure.
Il y a dix ans, tout le monde s'était réjoui de la mise en place, dans chaque département, du dépistage systématique du cancer du sein. Aujourd'hui, il faut le dire, les résultats ne sont guère brillants. Seuls trente-deux départements procèdent effectivement à ce dépistage.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé que le dépistage systématique du cancer du sein serait enfin étendu à tout le territoire, ce qui mettra un terme à une inégalité due essentiellement au facteur géographique.
Toutefois, j'aimerais savoir si une vaste campagne d'information sera mise en place à cet égard. La sensibilisation des médecins s'avère essentielle, de même que l'utilisation des médias, qui permettrait une information à plus grande échelle.
A titre d'exemple, dans le département du Val-d'Oise, le dépistage du cancer du sein est mis en oeuvre de façon systématique depuis 1991. Pourtant, seulement la moitié des femmes concernées en ont bénéficié ; celles-ci n'ont pas suffisamment profité de la possibilité qui leur était ouverte parce que la campagne d'information s'est révélée insuffisante. Ce triste constat nous montre la nécessité d'entreprendre une action importante sur ce plan. Les conseils généraux font ce qu'ils peuvent avec leurs moyens, mais l'enjeu est grand et le combat, qui passe d'abord par l'information, doit être mené à l'échelon national.
Nous attendons avec impatience, monsieur le ministre, les conclusions de la commission d'orientation sur le cancer, mais je sais que la future loi de programmation de santé publique devrait permettre de répondre aux nombreuses attentes des professionnels, mais également à celles des malades et de leurs représentants. Je connais votre engagement, je connais votre volonté, au-delà de vos immenses compétences, reconnues et saluées par tous, mais je sais que votre tâche sera rude, car l'héritage, il faut quand même le rappeler, est particulièrement lourd. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Madame le sénateur, je vous remercie de votre question, qui va me permettre de développer un peu plus dans le détail la question du dépistage du cancer, en particulier du cancer du sein.
Nous sommes en mesure, pour la première fois, de fixer un objectif quantifié en termes de nombre de vies sauvées. En effet, nous savons à présent que, grâce à une politique de prévention et de dépistage, on peut éviter de 5 % à 10 % des décès. Un résultat identique peut être espéré grâce à une coordination des traitements, notamment par le biais des réseaux, ou encore grâce aux nouveaux traitements innovants associés aux adjuvants : par conséquent, en combinant ces trois approches, on peut espérer éviter de 20 % à 30 % des décès. Tel est bien l'objectif que nous cherchons à atteindre avec le plan d'action de lutte contre le cancer.
Vous avez raison de souligner, madame le sénateur, que la prévention et le dépistage commencent par l'information. Nous avons donc décidé, avant même que le chantier présidentiel de lutte contre le cancer n'ait été ouvert, de lancer, en 2003, avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, une campagne d'information en direction de la population, qui ignore trop souvent l'intérêt du dépistage. En effet, si celui-ci est aujourd'hui pratiqué dans un peu plus d'un tiers des départements, le pourcentage des femmes concernées qui en bénéficient n'excède généralement pas 50 %, ce qui est notoirement insuffisant.
Je vous indique par ailleurs que, dès le 1er janvier 2003, nous mettrons en place le dépistage systématique intrafamilial du cancer du sein d'origine génétique. Nous avons déjà débloqué 6 millions d'euros à cette fin, car lorsqu'une femme souffre d'un cancer du sein, il faut déterminer s'il est dû à une cause génétique et, s'il en est ainsi, analyser les femmes qui sont apparentées à la malade. Nous appliquerons la même démarche s'agissant des cancers du côlon et du rectum, ainsi que d'un certain nombre de cancers rares. Voilà qui est tangible, il ne s'agit pas d'une simple promesse.
Enfin, avant le 1er janvier 2004, le dépistage du cancer du sein sera mis en oeuvre sur l'ensemble du territoire de la République. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.
Mme Nelly Olin. M. le ministre a répondu parfaitement à nos attentes. Je le remercie de la volonté qu'il manifeste et je l'assure de notre soutien.

(M. Guy Fischer remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le ministre, j'ai pris bonne note des orientations qui seront retenues dans le projet de loi sur la santé publique que vous soumettrez prochainement à la représentation nationale.
Certes, le projet de budget traduit les priorités du Gouvernement et vous vous engagez à mettre en place les moyens nécessaires pour mener à bien les grands chantiers annoncés par le Président de la République le 14 juillet dernier, qui concernent le handicap, l'action contre la violence routière et la lutte contre le cancer.
Les crédits budgétaires alloués à la lutte contre le cancer seront, en 2003, quatre fois supérieurs à ce qu'ils étaient en 2002, et nous vous en félicitons.
Depuis maintenant de nombreuses années, je milite avec la Ligue contre le cancer, en Guyane, pour la mise en place d'une unité de soins se consacrant au traitement des cancers.
De nombreuses réunions se sont déjà tenues en Guyane en vue d'analyser les besoins spécifiques de chaque région et les conditions juridiques qui nous permettront de développer au plus vite un réseau de santé.
Le création d'un pôle diagnostique et thérapeutique a été envisagée par la Ligue contre le cancer de Guyane. La réserve foncière est disponible et les lits de médecine et de soins de suite existent.
Toutefois, la mise en place dans des conditions optimales d'un réseau de santé suppose une bonne gestion de la prévention et du dépistage.
A cet égard, nous avons besoin de votre accord, monsieur le ministre, pour l'installation d'un appareil permettant de réaliser des IRM, d'un mammographe numérisé et d'un scanner à l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni. Sans cet équipement minimal, l'action d'un réseau de prise en charge de la pathologie cancéreuse se bornerait au suivi des patients à leur retour de France hexagonale, sans que des solutions réelles puissent être apportées en ce qui concerne les malades demeurés en Guyane.
Monsieur le ministre, vous n'ignorez pas la catastrophe sanitaire que connaît la Guyane. Cette situation résulte notamment du nombre important d'étrangers en situation irrégulière qui se font hospitaliser.
Ainsi, le département de la Guyane doit, depuis de nombreuses années, supporter des frais disproportionnés par rapport à la dotation qu'il reçoit.
J'ai d'ailleurs, à plusieurs reprises, attiré l'attention de vos prédécesseurs sur la nécessité de verser au conseil général de Guyane la somme qui devrait lui revenir.
A ce propos, le règlement des sommes dues à certains départements était prévu par le collectif budgétaire de 2002. Je souhaiterais que soit abondée la somme de 3,51 millions d'euros revenant à la Guyane afin que diminue le montant de la dette de l'Etat envers mon département au titre de la couverture maladie universelle.
Par ailleurs, les établissements hospitaliers des départements d'outre-mer connaissent des surcoûts de fonctionnement importants, qui sont liés à leur éloignement de la métropole et à des conditions économiques et sociales très différentes de celles que connaît la France hexagonale. Selon une étude qui est actuellement en voie d'achèvement, ce surcoût serait de près de 25 % par rapport à la métropole.
Au cours des années précédentes, les dotations hospitalières des départements d'outre-mer ont connu, en moyenne, des taux d'augmentation supérieurs de 2 % à ceux de la France hexagonale. Pour la Guyane, le différentiel était de 1,45 % en 1999 et de 1,4 % en 2002. Les dotations des hôpitaux des départements d'outre-mer devant connaître, en 2003, une augmentation de plus de 3 % en général et de plus de 6 % pour la Guyane, il faudra, à ce rythme, de huit à dix ans pour combler le décalage.
Quant à la situation de la trésorerie de l'hôpital de Cayenne, bien qu'ayant fait l'objet de mesures exceptionnelles de la part du ministère, elle demeure précaire et délicate.
S'agissant des effectifs, les nombreuses missions menées par une conseillère technique du ministère à la demande de l'agence régionale de l'hospitalisation confirment les besoins pour assurer le fonctionnement courant des établissements hospitaliers.
En dehors du cas de l'hôpital de Cayenne, pour lequel 150 postes sont pris en charge grâce à la dotation de l'agence régionale de l'hospitalisation, les crédits devant permettre de gager les effectifs des hôpitaux de Kourou et de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont pas prévus. Il en va de même pour les crédits destinés à financer le développement des activités nouvelles.
La faiblesse de la densité médicale dans l'ensemble du département et le grand nombre de postes vacants dans les hôpitaux, notamment dans celui de Cayenne, imposent qu'une orientation particulière soit arrêtée.
Monsieur le ministre, telle est la réalité des besoins. Je suis convaincu que le médecin, le ministre, l'homme surtout, a entendu notre message. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, comme vous venez de le souligner, la situation sanitaire de la Guyane demeure préoccupante. C'est un fait. A cet égard, il existe trois grandes causes de surmortalité par rapport à la métropole : les affections cardiovasculaires, les traumatismes et les pathologies infectieuses.
Il convient néanmoins de relever un élément plus favorable : cette situation sanitaire présente des évolutions rassurantes, qui sont, pour partie, le reflet des actions engagées en matière de rattrapage des moyens par rapport à la métropole.
C'est ainsi que l'espérance de vie à la naissance a progressé depuis 1995 de six ans pour les femmes et de cinq ans pour les hommes.
Cependant, afin de répondre aux véritables enjeux sanitaires, l'action entreprise doit être prolongée etrenforcée.
Dans le domaine de la périnatalité, en particulier, le déploiement du dispositif « télé-santé » permettra de relier les centres de santé isolés et les hôpitaux, de manière à mettre à disposition le savoir médical là où il est nécessaire.
La demande de financement présentée à ce titre, à hauteur de 305 000 euros, sera défendue par mon département ministériel, au début du mois de décembre, devant le comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire.
En matière de cancérologie, je suis favorable à la mise en oeuvre du projet élaboré par la Ligue contre le cancer. J'ai donc demandé à l'agence régionale de l'hospitalisation d'entamer le travail de concertation dans les plus brefs délais, non seulement avec les partenaires locaux, mais aussi avec les centres hospitaliers des Antilles.
En ce qui concerne la couverture maladie universelle, Mme Girardin, le ministre de l'outre-mer, m'a parlé des difficultés que vous avez évoquées, monsieur le sénateur. Des solutions sont à l'étude, et nous devons aboutir.
Enfin, monsieur le sénateur, concernant le rattrapage budgétaire que vous appelez de vos voeux, je souhaite que cette évolution se poursuive, et même s'accentue, dans le cadre d'une contractualisation pluriannuelle avec l'ARH à partir de projets concrets et adaptés. Dans cette optique, le taux de progression final de la dotation régionale de la Guyane pourrait refléter cet effort et présenter un différentiel d'à peu près 6 % avec le taux métropolitain. Il s'agit là d'un effort considérable, qui devra, j'en ai conscience, être poursuivi dans l'avenir. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le ministre, vous avez parlé tout à l'heure de rupture : c'en est une ! En effet, j'avais interpellé à plusieurs reprises vos prédécesseurs sur la situation sanitaire en Guyane, mais ils n'avaient pas été en mesure de m'apporter la réponse que vous me faites aujourd'hui. Noël approche ; peut-être nos concitoyens d'outre-mer recevront-ils une hotte bien garnie ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Je souhaite interroger M. Jean-François Mattei sur la situation difficile de nos hôpitaux au regard de leurs équipements et de leur patrimoine.
En effet, la vétusté et le sous-équipement de nos établissements représentent l'un des principaux points noirs de notre système hospitalier.
On peut sans difficulté identifier les deux principales origines de cette situation.
Celle-ci tient tout d'abord à l'insuffisance des crédits consacrés à l'investissement hospitalier depuis plus de vingt ans. Ce manque de ressources découle en premier lieu du désengagement de l'Etat qui, par le tarissement progressif des subventions à l'investissement inscrites au projet de loi de finances, détient une part importante de responsabilité dans la situation présente.
L'insuffisance de financements alloués aux dépenses d'investissement tient également à la diminution constante, depuis de nombreuses années, des capacités d'autofinancement de nos établissements hospitaliers. En effet, les tensions budgétaires croissantes qui affectent les hôpitaux ont progressivement contraint leurs directeurs à comprimer les budgets, et par conséquent à effectuer des arbitrages défavorables aux dépenses de groupe 4 destinées à l'investissement.
La situation tient également aux lourdeurs administratives et bureaucratiques qui s'imposent aux hôpitaux lorsqu'ils se lancent dans des procédures d'achat.
Monsieur le ministre, l'hôpital n'est pas une administration comme les autres, vous le savez. Il s'agit d'une structure « autonome » chargée d'un service public particulier. Elle a besoin, pour accomplir sa mission, de souplesse de gestion et de réactivité dans la prise de décision. Or le code des marchés publics et le poids sans cesse croissant de la réglementation régissant ce secteur entraînent des lourdeurs de procédure qui font obstacle à la mise en oeuvre d'une politique dynamique de gestion des investissements.
Cette insuffisance persistante du financement et cette course d'obstacles administrative permanente ont conduit nos établissements à la situation que nous connaissons aujourd'hui, et qui se traduit par une vétusté insupportable de certains hôpitaux et par un sous-équipement notoire, pour de nombreuses régions, en matière d'équipements lourds.
Il est en effet particulièrement choquant de constater que certains de nos voisins européens, qui consacrent une part inférieure de leur richesse nationale aux dépenses de santé, jouissent d'un taux d'équipement bien supérieur.
Monsieur le ministre, cette situation ne peut évidemment plus durer. Il en va de la sécurité des usagers, de la gestion efficace des crédits et, tout simplement, de l'intérêt général. Par conséquent, quelles mesures comptez-vous prendre pour redresser la barre ? Quelle politique comptez-vous mettre en oeuvre pour que l'hôpital français reste une source de fierté nationale ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, la vétusté et le sous-équipement de nos établissements sont en effet préoccupants. La vétusté a ainsi atteint un taux record de 68,6 %, ce qui révèle l'état actuel de la majorité de nos hôpitaux.
Votre question m'amène à revenir sur un certain nombre de mesures que j'ai annoncées dans le cadre du plan « Hôpital 2007 ». Je vous remercie de l'occasion qui m'est ainsi donnée de souligner l'effort exceptionnel d'aide à l'investissement consenti.
En effet, 6 milliards d'euros supplémentaires seront dégagés en cinq ans afin d'améliorer la situation. C'est considérable ! Pour 2003, 300 millions d'euros d'apports sous forme de subventions sont prévus, pour un montant total de crédits supplémentaires de 1 milliard d'euros au minimum. J'ajoute que, les années précédentes, le budget était de l'ordre de 2,7 milliards d'euros : 1,6 milliard d'euros pour l'entretien, 1,1 milliard d'euros pour les nouvelles réalisations. L'ajout d'un milliard d'euros destinés à des investissements exceptionnels va permettre de doubler l'ampleur des réalisations.
Naturellement, cet effort financier sera d'autant plus efficace que nous aurons recours à des procédures innovantes, à la déconcentration des crédits, à l'instauration d'une mission nationale d'appui à l'investissement : vous avez eu raison, monsieur le sénateur, d'insister sur les lourdeurs administratives liées à la commande publique. A cet égard, notre intention est de permettre le recours aux marchés globaux, aux baux emphytéotiques, de manière à alléger considérablement les procédures d'achat.
Mieux encore, s'agissant des achats courants - médicaments, hôtellerie, fournitures, etc. -, nous avons d'ores et déjà engagé une réflexion pour aboutir à des procédures plus simples, plus rapides et respectueuses des principes de transparence et d'équité auxquels nous sommes attachés.
Vous avez évoqué ensuite le problème spécifique des équipements lourds, s'agissant en particulier de l'imagerie. Outre le coût des investissements, deux obstacles importants existent : l'encadrement par la carte sanitaire et les indices d'équipement et la répartition des radiologues, sur le territoire, entre le secteur public et le secteur privé. Dans le cadre du plan « Hôpital 2007 », j'ai souhaité franchir des étapes décisives pour surmonter ces deux obstacles. Ainsi, la carte sanitaire et les indices d'équipement seront supprimés, au profit d'une pleine utilisation des schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale, les SROSS. C'est une évolution considérable en vue de la libération des régions de ces carcans artificiels !
En revanche, la démographie des radiologues représente une contrainte plus délicate, car nous n'avons pas de prise immédiate sur elle.
Néanmoins, je souligne que les trois quarts des radiologues exercent aujourd'hui à titre libéral, dans des cabinets de ville ou dans des cliniques privées. Il serait bon que, par l'incitation à une forte coopération entre secteur public et secteur privé, on puisse répartir le temps médical pour l'utilisation d'équipements lourds. Cela relèvera de la mission des nouveaux groupements sanitaires, qui seront plus souples, plus simples, plus polyvalents. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Je souhaite féliciter et encourager M. le ministre, dont le propos m'est allé droit au coeur ! En effet, il nous a annoncé des crédits d'investissement supplémentaires, qui sont tout à fait nécessaires, et surtout un allégement des procédures, lesquelles sont, il faut bien le reconnaître, particulièrement archaïques.
Je tiens donc à vous remercier de votre réponse, monsieur le ministre. J'attends avec impatience que la situation évolue !
M. le président. La parole est M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Mobiliser toute la société pour lutter contre l'exclusion, tel était le mot d'ordre de la journée nationale organisée récemment, avec le concours de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale, par les quarante fédérations et associations nationales regroupées dans le réseau ALERTE.
Derrière l'effet choc du mot d'ordre, se pose immédiatement la question de la méthode. Elle est essentielle, en effet, car l'objectif ne suffit pas et n'est pas en soi mobilisateur. Il exige effectivement des efforts de tous et ne fait pas automatiquement l'unanimité dans tous les pays, alors que la misère est, hélas ! universelle. Depuis l'Antiquité, le thème na jamais été véritablement mobilisateur, hormis dans des cercles associatifs et militants d'une fraternité librement, volontairement reconnue.
Il faut en rester conscient si l'on veut éviter de graves désenchantements ultérieurs. Un double déboire guetterait en effet les démarches qui n'équilibreraient pas rigueur et générosité : le premier déboire serait, hélas ! l'inefficacité, le second serait pire, puisqu'il pourrait engendrer une hostilité qui se retournerait contre ceux qu'il faut au contraire aider à rejoindre la communauté à part entière.
La seule méthode à la fois efficace et sûre consiste à convaincre, à faire partager la conviction qu'il n'y a pas de civilisation possible à partir de l'exclusion, mais uniquement à partir de la convergence des volontés et de la conscience partagée que tous souffrent quand un seul est blessé.
A ce titre, l'expression et la volonté des pouvoirs publics sont essentielles. Celle du Président de la République et du Premier ministre, en vous confiant, madame la secrétaire d'Etat, le département de la lutte contre la précarité et l'exclusion auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, est fortement symbolique. Cette mission présente à l'évidence une dimension transversale au sein de la société, et pour commencer au sein du Gouvernement.
C'est pourquoi la démarche budgétaire, avec sa procédure législative analytique par ministère, telle que nous la vivons, est loin de rendre compte de la totalité d'un engagement gouvernemental interministériel. Je souhaiterais donc vous interroger, madame la secrétaire d'Etat, pour connaître, à ce sujet, vos intentions, car, depuis le vote de la loi de juillet 1998, je n'ai pas observé, loin de là, un niveau homogène d'implication des différents ministres concernés dans ce combat contre la précarité et l'exclusion. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat, que je suis heureux de saluer.
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, la lutte contre l'exclusion est un combat qui doit être mené par tous dans notre société, et qui est une priorité pour le Gouvernement.
Le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a souhaité que je présente un programme de renforcement de la lutte contre l'exclusion. Comme vous le savez, la loi de 1998, qui est une bonne loi posant de nombreux principes, a pour seul défaut de ne pas être rendue effective sur le terrain.
Ce programme de renforcement, que je présenterai avec François Fillon avant la fin de l'année, concerne de nombreux ministères, car la lutte contre l'exclusion est effectivement une action transversale et ne relève pas de la responsabilité d'un seul ministère ou secrétariat d'Etat. Ce programme concerne, bien sûr, le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité et le secrétariat d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion, mais également le ministère de la justice et le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, ainsi que le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. En fait, c'est l'ensemble de la politique gouvernementale qui permettra de faire reculer l'exclusion, sachant que cette dernière provoque la rupture des liens, la rencontre de la précarité et de nombreuses difficultés, la société ayant beaucoup changé.
Ce programme de renforcement de la lutte contre l'exclusion comprendra des actions proposées par les différents ministères, afin de limiter les dégâts de l'exclusion. Mais nous irons plus loin dans cette politique d'actions cohérentes du Gouvernement : avec François Fillon, nous proposerons au Premier ministre, dès le début de l'année prochaine, une réunion du comité interministériel de lutte contre l'exclusion, qui a été créé par la loi de lutte contre les exclusions mais qui n'a encore jamais été réuni. Il s'agira donc d'une première, qui est très attendue par les associations. Ainsi, tout le monde se mettra en marche, comme il se doit, pour mener ce combat.
Les crédits inscrits au chapitre 46-81, relatif à la lutte contre l'exclusion, qui augmentent de plus de 7 % et dépassent, pour la première fois, un milliard d'euros, ne reflètent pas, bien sûr, l'ensemble des crédits consacrés à la lutte contre l'exclusion. Ceux-ci sont beaucoup plus importants, car nombre de crédits sont saupoudrés dans les budgets des différents ministères. La mise en oeuvre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, du 1er août 2001 permettra, puisque nous raisonnerons alors par missions, de percevoir la réalité des fonds consacrés à la lutte contre l'exclusion, qui sont bien supérieurs à un milliard d'euros. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Je voudrais remercier Mme la secrétaire d'Etat de cette réponse qui comporte de nombreuses perspectives encourageantes, ce que je souhaitais, bien sûr.
J'associe à ces remerciements M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je les félicite de l'exemplarité de leur partenariat actif et de la synergie de leurs efforts respectifs. Ils savent s'organiser de manière efficace. C'est un gage de succès dans ce combat essentiel pour l'ensemble du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question s'adressait à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, qui, nous le regrettons, ne peut être présente aujourd'hui ; mais nous l'en excusons.
Le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées représente une lourde charge et un redoutable honneur, quels que soient la personne qui y exerce ces responsabilités et le gouvernement. Au moins, ce dossier ne doit-il pas prêter à polémique, et je crois pouvoir dire que chaque ministre a toujours la volonté de développer la meilleure politique possible en faveur des personnes handicapées.
Dans le projet de loi de finances pour 2003, les moyens du secrétariat d'Etat augmentent de 5,6 %, ce qui permettra d'accroître le nombre de places en établissements et le nombre d'auxiliaires de vie. C'est un point positif, en particulier si la formation des auxiliaires de vie continue à être améliorée et complétée, comme Mme Boisseau l'a indiqué à l'Assemblée nationale. Cette dernière a également indiqué, lors du débat, « être intimement persuadée que toutes les personnes accueillies en CAT n'y ont pas forcément leur place et que certaines pourraient fort bien travailler en atelier protégé, voire en milieu ordinaire avec un accompagnement humain ».
Nous aussi, nous en sommes convaincus. Il convient de noter que le nombre de places en centre d'aide par le travail et le nombre de places en atelier protégé croissent de manière continue, d'au moins 500 places par an, pour atteindre bientôt respectivement 95 450 places et 16 600 places, alors que le nombre de places en milieu ordinaire stagne depuis longtemps à 12 800.
Bien sûr, la responsabilité de ce regrettable état de fait n'incombe pas aux seuls pouvoirs publics, qui font de réels efforts, en premier lieu dans la fonction publique, pour intégrer les travailleurs handicapés. Il y a une sorte d'inertie du système, une facilité, un consensus général pour créer des places en milieu protégé.
Il convient pour le moins de faire un gros travail de persuasion auprès des employeurs afin de les convaincre d'embaucher, au lieu de signer un chèque à l'AGEFIPH, l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés. Même avec une trésorerie importante, l'AGEFIPH ne devrait pas avoir à financer la garantie de ressources en milieu ordinaire. En effet, cela symbolise trop la résignation de notre société à maintenir les personnes handicapées dans une sorte de ghetto.
Les employeurs qui ont embauché de telles personnes témoignent pourtant le plus souvent de leur satisfaction, de l'engagement de la personne dans son travail et de l'aspect positif que cela peut entraîner s'agissant des relations humaines au sein de l'entreprise. Ne peut-on envisager, avec l'AGEFIPH, les organismes consulaires et les branches professionnelles, une action d'incitation forte dans les années à venir ? Je vous soumets cette suggestion parce que nous croyons très fortement que la situation ne peut rester en l'état.
Il est vrai que le regard de la société sur les personnes handicapées a changé, mais cela ne se traduit pas toujours de manière concrète lorsqu'il s'agit de passer à l'insertion dans un milieu où l'efficacité et la rapidité sont importantes.
Tel n'est pas tout à fait le cas de l'école. Je ne vous cacherai pas, à cet égard, notre sincère inquiétude sur la poursuite du plan Handiscol. Ce plan a permis la scolarisation de 6 000 enfants et a donné satisfaction, notamment aux associations et aux parents. Or, hier, votre collègue M. Luc Ferry nous a indiqué qu'il y aurait exactement 1 101 auxiliaires à la scolarisation dans les écoles. C'est trop peu, a-t-il dit, et il a raison. Mais la généralisation du plan Handiscol demande à la fois beaucoup de volonté et des crédits. Ma question est simple : par qui allez-vous remplacer les emplois-jeunes qui, souvent, remplissent un rôle d'auxiliaire de vie, et qui vont bientôt prendre fin ?
Même si certains solliciteront une validation de leurs acquis, ce nombre ne sera pas suffisant, et il faudra toujours gérer le basculement. Comment comptez-vous augmenter le nombre de ces auxiliaires ?
Je souhaite évoquer brièvement un autre point : l'accessibilité des lieux publics aux personnes handicapées. Certes, des efforts sont faits et, chaque fois que des travaux sont entrepris, on tient compte - enfin ! cela n'a pas toujours été le cas - de l'exigence légale d'accessibilité. Néanmoins, les choses avancent lentement. Dispose-t-on d'un recensement des lieux non encore accessibles etpeut-on envisager, sur ce point, un rappel aux responsables ?
Enfin, je terminerai par une question sur les COTOREP, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel. La dernière réforme nous laisse au milieu du gué. Pouvez-vous nous préciser vos intentions et nous dire si vous avez déjà pu engager des consultations auprès des partenaires concernés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie d'avoir compris que, pour des raisons personnelles, Marie-Thérèse Boisseau ne pouvait être présente. C'est avec beaucoup de plaisir que je vais vous répondre.
Vous avez posé de nombreuses questions. Je ne suis pas sûr de pouvoir entrer dans le détail de chacune. En effet, Mme Boisseau et moi-même préparons la révision de la loi-cadre de 1975 et donc, sur de nombreux points que vous avez abordés, aucune solution n'a encore été arrêtée.
Vous avez évoqué l'école. Je vous rassure : le plan Handiscol est poursuivi. En particulier, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit de tripler le nombre des auxiliaires d'intégration scolaire d'ici au mois de septembre 2003, pour atteindre plus de 5 000 postes.
Vous avez évoqué également le problème des emplois-jeunes. Je n'entrerai pas dans le détail, M. François Fillon le ferait beaucoup mieux que moi. Je veux vous dire quelle est notre philosophie et vous expliquer ce qui a pu donner lieu à une interprétation hâtive. Nous n'avons pas supprimé les emplois-jeunes pour les rejeter du monde du travail. Nous avons simplement voulu marquer que nous souhaitions les sortir d'une situation « occupationnelle » pour leur offrir une véritable formation et pour leur permettre de s'engager dans un projet de vie. Il est donc vrai que, dans ce domaine, des emplois leur seront réservés, pour autant qu'ils suivent le parcours.
Vous avez abordé le problème de l'insertion en milieu ordinaire, qui est, bien sûr, aussi une de nos priorités. L'insertion professionnelle est la condition d'une intégration dans la société. On peut toutefois imaginer que le travail en milieu ordinaire ne suffise pas, et qu'il soit nécessaire de trouver une autre solution pour l'insertion professionnelle des persones handicapées. Ne pas le reconnaître, ce serait nier la réalité. Pour autant, il est essentiel de maintenir le travail protégé, certes sous des formes plus souples. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, dans le présent budget, la création de 3 000 places de CAT.
Bien entendu, et vous avez longuement évoqué ce point, le partenariat développé avec l'AGEFIPH se poursuivra, mais il faut peut-être revoir ses modalités, et nous n'y sommes pas opposés. Dans le cadre des simplifications administratives, nous proposerons des mesures permettant aux entreprises de recruter plus facilement un travailleur handicapé. Je suis particulièrement attaché à ce que chacun, au regard des personnes handicapées, assume ses responsabilités.
Vous avez évoqué l'accessibilité. C'est, bien sûr, une autre priorité du chantier « handicap ». Je ne suis pas en mesure de vous donner aujourd'hui les solutions que nous retiendrons. En effet, Mme Boisseau a précisément confié à Mme Geneviève Levy, député du Var, une mission sur les problèmes d'accessibilité. Nous explorons actuellement les moyens qui permettront de résoudre ces problèmes. Mme Boisseau a pris des contacts avec le ministère de la culture et de la communication ; nous avons déjà des projets en commun. J'ajouterai que la nomination d'un délégué interministériel aux personnes handicapées, M. Patrick Gohet, dont chacun connaît l'expérience, sera extrêmement précieuse.
Je terminerai en évoquant les dysfonctionnements des COTOREP, dont vous avez également parlé. Une mission spécifique a été créée en avril 1999 pour proposer des mesures d'amélioration. Nous voulons aller au terme de la démarche, en agissant sur trois axes : améliorer le fonctionnement quotidien des COTOREP en veillant à ce qu'une plus grande attention soit portée aux familles, proposer les conditions d'une évaluation individualisée des potentialités de la personne handicapée et renforcer les systèmes d'information.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Je remercie M. le ministre de ses réponses. S'agissant des emplois-jeunes, nous n'avons pas la même conception.
Mme Nelly Olin. C'est vrai !
Mme Gisèle Printz. Concernant l'embauche des personnes handicapées dans les entreprises, les sanctions - si tant est que l'on puisse les qualifier de sanctions - ne sont pas assez dissuasives. Il faudrait qu'elles soient plus pertinentes. M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le cadre institutionnel nouveau créé par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, l'article 22 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 prévoit le transfert vers l'assurance maladie des dépenses des centres spécialisés de soins aux toxicomanes, les CSST. Ce transfert apparaît tout à fait opportun et cohérent. Les centres de soins en espèrent une stabilité plus grande de leurs ressources, puisque leur financement devrait, à l'avenir, être assuré par une dotation globale de fonctionnement.
Toutefois, quelques incertitudes demeurent quant à la mise en place définitive du dispositif, dans la mesure où, comme pour la lutte contre l'alcoolisme, l'Etat restera le financeur de principe des dépenses de prévention. Cela signifie, pour le budget de ces centres, qu'une distinction sera faite entre les dépenses de soins, qui relèveront de l'assurance maladie, et les dépenses de prévention, qui continueront à dépendre des crédits du ministère de la santé.
Monsieur le ministre, les centres s'inquiètent de savoir comment se fera la ventilation entre ces deux sources de financement. Ils s'inquiètent également de savoir sur quelles bases s'effectuera le transfert vers l'assurance maladie. Y aura-t-il une reprise euro pour euro des versements effectués en 2002 par la direction générale de la santé, ou prendra-t-on en compte la reprise du coût réel de ces structures ?
Cette question est particulièrement importante cette année alors que les associations gestionnaires des centres ont dû appliquer certains avenants aux conventions collectives, ce qui s'est traduit par des coûts supplémentaires, non pris en charge dans les budgets initiaux.
Pour le département du Nord, la dizaine de centres agréés évaluent ainsi à 600 000 euros le déficit entre leur budget initial pour l'année 2002 et le coût effectif des structures, ce qui est loin d'être négligeable. Dans une région qui, malheureusement, est plus la touchée en France par la toxicomanie, on constate, pour l'année 2000, une reprise de l'augmentation du nombre de toxicomanes accueillis par les structures sanitaires et sociales : 3 677 personnes ont été prises en charge, soit 6,8 % de plus qu'en 1999.
Alors que les chiffres rendus publics par la direction régionale des affaires sanitaires et sociales, la DRASS, du Nord - Pas-de-Calais pour les années 1997 à 1999 avaient montré un certain ralentissement, la dernière enquête publiée en juin 2002 semble indiquer que la tendance s'est inversée.
Face à ce constat, vous comprendrez que les incertitudes sur le bouclage définitif des budgets des centres spécialisés prennent, pour notre région, une dimension encore plus préoccupante. Pouvez-vous, monsieur le ministre, me donner l'assurance que la transformation du mode de financement des centres de soins prendra bien en compte une évaluation réaliste de leur fonctionnement ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.) M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Madame la sénatrice, votre question est importante. Le transfert des dépenses des CCST vers l'assurance maladie ne comporte aucune coupe budgétaire : il est neutre de ce point de vue, je tiens à le souligner.
Cela dit, je ne méconnais pas les difficultés qui résultent du fait que les problèmes - il faut le dire, et je l'indique calmement - n'ont pas été traités par le précédent gouvernement.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je vous en donnerai quelques exemples irréfutables.
Structurellement, certaines décisions prises ces dernières années ont créé des tensions budgétaires fortes. Je citerai pour commencer, bien sûr, l'application des 35 heures, qui n'a pas été anticipée, y compris pour les CCST : la non-prise en compte de la réduction de temps de travail corresponds à un surcoût, à l'échelon national, de 1,132 million d'euros pour 2002.
De plus, les effets de l'avenant 265 à la convention de 1966 régissant les établissements médico-sociaux, avenant qui permet la revalorisation du salaire des cadres des CCST, n'ont été que partiellement pris en considération : l'étude d'impact initiale ne tenait pas compte de la spécificité de ces centres, où la part des cadres est plus élevée que dans d'autres structures du champ médico-social.
Ce n'est pas tout ! L'augmentation de 12,5 % du prix de la méthadone décidée en 2000 a induit des surcoûts supplémentaires : nous devrions obtenir 2,5 millions d'euros dans la loi de finances rectificative pour combler cette lacune, mais cela non plus n'avait pas été anticipé !
Enfin, le taux d'évolution des structures médico-sociales était en 2002 de 1,779 %, mais il n'a été que de 1 % pour les CCST, soit un déficit de près de 0,8 %. Telle est la situation que nous avons trouvée.
J'ai demandé au nouveau président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie de me faire dès le début de l'année 2003 des propositions sur l'organisation des centres de prise en charge, en termes à la fois de structures et de modalités de financement. Nous pourrons alors, je l'espère, procéder à des ajustements susceptibles de corriger les facteurs qui n'avaient pas été pris en compte.
Madame la sénatrice, je peux dès à présent vous assurer, et c'est un point essentiel, que, dans l'attente de toutes ces mesures, un décret sera pris qui permettra au financement des CCST de ne pas connaître de hiatus. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'analyse de la situation que vous venez de présenter, sur laquelle nous vous rejoignons. Vous avez parfaitement bien retracé les problèmes qu'ont rencontrés ces centres, problèmes qui ne datent pas d'hier et qui sont peut-être liés, effectivement, à une absence de prévoyance au sujet de l'évolution de l'organisation du personnel au sein de ces structures.
Je me réjouis également de constater que vous faites en sorte que, à l'avenir, l'ensemble des éléments nécessaires à l'organisation d'un centre de soins soient pris en compte, c'est-à-dire non pas seulement l'aspect purement médical, la prise en charge des soins à proprement parler, mais aussi l'accompagnement éducatif de publics en grande difficulté. On peut saluer la vision globale que vous avez de la prise en charge des toxicomanes et vous en remercier.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Madame la secrétaire d'Etat, ma question portera sur les crédits de votre budget consacré à l'hébergement d'urgence.
En effet, l'annonce de mesures en matière d'hébergement d'urgence a été accueillie avec un certain soulagement par les associations, qui y voient effectivement une première réponse à un besoin immédiat et croissant des populations en situation d'exclusion sociale.
Pour autant, peut-on s'en contenter pour résoudre le problème de la précarité sociale ? A l'heure où la misère s'enracine dans nos rues, où les plans sociaux jettent sur le pavé un nombre toujours plus grand de salariés, où la pauvreté gangrène notre population, peut-on se contenter, madame la secrétaire d'Etat, de gérer l'urgence sans s'attacher avec une plus grande détermination au fond du problème ?
Telle est la question que fait naître la lecture du projet de budget du Gouvernement.
Que penser d'un projet de loi de finances qui affiche des crédits de solidarité en hausse de 5,4 %, mais dans lequel, à périmètre constant, les crédits accordés au travail diminuent de 6 % ; qui limite la politique d'insertion dans l'emploi ; qui restreint les moyens consacrés au logement social et réduit le champ de l'intervention sanitaire ? Quelle réponse globale, en effet, apporte-t-il aux besoins de solidarité qui traversent la société française ?
En aucun cas, me semble-t-il, la réponse contenue dans le projet de budget ne peut être de nature à satisfaire en profondeur les attentes de nos concitoyens.
Les acteurs de terrain de la solidarité signalent très justement que toute réponse, pour être efficace en matière de solidarité, doit combiner deux types de mesures : des mesures d'urgences, opportunes, et des mesures de fond, nécessaires.
La vraie réponse à l'exclusion et à la précarité ne peut se résumer à seule augmentation, certes utile, du nombre des lits d'urgence. Elle réside aussi, et surtout, dans la coordination des politiques de l'emploi, du logement social, de la santé et, bien sûr, dans une politique internationale concertée des flux migratoires. Le budget de la solidarité présenté ici n'en dessine pas vraiment l'épure !
Les mesures que vous annoncez, madame la secrétaire d'Etat, sont destinées à « désengorger les sites d'accueil d'urgence ». Mais les 2 718 places supplémentaires que votre programme prévoit sont largement insuffisantes pour faire face aux besoins. Malgré les doutes que vous émettez à leur égard, les associations de terrain estiment les besoins à 15 000 places supplémentaires pour toute la France ! Dans la seule métropole lilloise, ce sont en moyenne, chaque nuit, 80 personnes qui, repérées par l'observatoire social, ne peuvent être hébergées. En dix mois seulement, les associations lilloises ont recensé 271 familles supplémentaires ayant besoin d'un accueil d'urgence, soit près de 1 000 personnes. La situation, dramatique pour ces personnes, est intenable pour les associations.
Pourtant, des solutions existent pour désengorger réellement les centres et contribuer à une réinsertion sociale effective de ces personnes. La création de logements sociaux supplémentaires en HLM ou dans le parc privé en est une ! Il est vrai que les récentes atteintes portées à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains risquent fort de la compromettre.
Quant aux financements proposés, l'effet d'annonce ne peut suffire. L'augmentation de 4,8 millions d'euros de la dotation destinée aux CHRS polyvalents est insuffisante pour couvrir les besoins des 33 000 places déjà existantes : elle ne représente qu'une hausse de 1,18 %, soit une revalorisation inférieure à l'inflation pour 2002.
De la même façon, madame la secrétaire d'Etat, vous affirmez que les crédits à l'intégration et à la lutte contre les exclusions sont en hausse de 2,6 % par rapport à la loi de finances pour 2002. Mais nous constatons avec regret que cette majoration n'est pas à la hauteur des augmentations des deux années précédentes : le taux de croissance de ces crédits était de 3,3 % dans la loi de finances pour 2001 et atteignait 3,4 % dans le budget pour 2002. Dans le même temps, le taux de croissance des dépenses ordinaires et des crédits de paiement des CHRS n'a cessé d'augmenter. Les CHRS vont donc s'enfoncer dans leurs difficultés et, pour reprendre l'expression de ceux qui les animent, faire plus avec moins de moyens !
Enfin, vos propositions concernant les réfugiés et les demandeurs d'asile sont certes un premier élément de réponse, compte tenu de l'urgence du problème, mais elles ne sont pas, à nos yeux, de nature à y remédier, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord, le calcul des provisions pour ce chapitre n'intègre pas dans le projet de loi de finances la réalité du coût de gestion unitaire des centres spécialisés pour les réfugiés.
Ensuite, les prévisions du nombre de demandeurs d'asile ne correspondent pas à la réalité du terrain : on recensait en effet 24 000 demandes d'asile en 1988, ils étaient 48 000 en 2001, et ce chiffre devrait doubler d'ici à 2005.
Enfin, une réforme du droit d'asile, pour être pertinente, doit avant tout se faire, me semble-t-il, dans l'intérêt des personnes concernées, des structures d'accueil et des collectivités territoriales. Or, si votre engagement de réduire à deux mois le délai d'obtention de l'autorisation provisoire de séjour représente une avancée, permettre l'accès immédiat aux prestations sociales minimales et rétablir systématiquement l'autorisation de travail sur le territoire demeure une solution plus sûre et plus immédiate.
Un dernier point nous fait douter de ce projet de budget de la solidarité pour 2003, madame la secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises vouloir insérer plutôt qu'assister, volonté à laquelle nous ne pouvons que souscrire. Il a même insisté devant les parlementaires sur le fait qu'il s'agissait non « pas de choisir entre le travail et la solidarité », mais de « restaurer simultanément ces deux valeurs ». Nous ne pouvons que vous encourager dans cette voie !
Mais dites-nous alors en quoi ce projet de budget, qui est consacré essentiellement à la gestion de l'urgence, peut y contribuer ! Dites-nous en quoi ce projet de budget, qui réduit comme peau de chagrin les dispositions financières et techniques en faveur de la réinsertion des personnes exclues ou en situation précaire, peut y contribuer !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. Madame la sénatrice, votre question est plus qu'une question, elle invite à faire l'état des lieux complet d'une situation. Il m'était difficile de le faire en six mois et de pouvoir y réagir immédiatement, après toutes ces années durant lesquelles, alors que j'étais sur le terrain, j'aurais tant voulu que nous puissions débattre de ces sujets.
Lorsque l'on aborde un problème aussi difficile que celui de l'exclusion, il y a d'abord l'urgence ; ensuite seulement viennent les questions de fond et le long cours.
La réponse à l'urgence comporte deux volets.
C'est d'abord un dispositif d'hébergement d'urgence, d'insertion et d'accueil des demandeurs d'asile représentant tout de même 80 000 places. Ce dispositif est donc important, puisqu'il a quasiment doublé depuis les années quatre-vingt-dix. Cela ne l'empêche pas d'être saturé et « embolisé » en permanence. Pourquoi ?
Depuis trois ans, des flux très importants et imprévisibles, je veux bien l'admettre, de demandeurs d'asile se sont présentés dans notre pays, saturant le dispositif qui leur est destiné. De ce fait, les CHRS, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, ont vu dans certains cas le tiers, voire la moitié de leurs capacités d'accueil requises pour les demandeurs d'asile, alors que leur mission est l'insertion. Le dispositif d'hébergement d'urgence, lui aussi, est « embolisé » par les demandeurs d'asile.
Comme vous le savez, durant ces trois années, aucune position politique n'a été prise. Puisqu'il fallait bien répondre, le Gouvernement a proposé deux mesures : d'une part, la réforme du droit d'asile, qui est extrêmement attendue par tous, notamment par les associations, et qui verra la fusion du dispositif d'asile conventionnel et du dispositif d'asile territorial ; d'autre part, la réduction du délai d'instruction des dossiers à deux mois. Car, mesdames, messieurs les sénateurs, si le dispositif est saturé, c'est que, en l'absence de mesures spécifiques relatives à l'instruction de leurs dossiers, les demandeurs d'asile, au lieu d'attendre deux mois, attendent deux ans !
Comment sortir de cette situation ? Il faut d'abord très rapidement réformer le droit d'asile. C'est pourquoi les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, l'OFPRA, bien que cela n'apparaisse pas à l'examen de la ligne budgétaire correspondante - mais la lutte contre l'exclusion concerne tous les ministères -, ont été renforcés pour accélérer l'instruction des dossiers, pour créer des plates-formes permanentes à Lyon, à Marseille, pour pouvoir instruire en priorité les demandes d'asile du Nord, puisque cette région est extrêmement embolisée. Il s'agit donc là d'une réponse de fond.
Quant à l'action en urgence, nous mobilisons 3 000 places pour faire face à la situation de personnes qui ont besoin d'être hébergées et d'être traitées dignement durant la période où elles sont en France et où l'on instruit leur dossier.
Nous créerons également des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, à raison de 1 718 places, dont le financement est inscrit au budget pour 2003, ainsi que 1 500 places pour l'accueil d'urgence des demandeurs d'asile. Enfin, comme l'a annoncé François Fillon, nous aurons créé 17 000 places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA, d'ici à 2005, ce qui correspond à la demande des associations.
Nous lançons également un audit du dispositif d'urgence et d'insertion, car aucune de ses mailles ne correspond à sa vocation initiale : nous avons besoin, d'une vision claire de la situation.
Nous allons donc institutionnaliser le dispositif d'urgence, qui, pour l'instant, est précaire et inscrit, vous le savez, sur des lignes budgétaires précaires.
Nous ferons aussi le point sur les CHRS. On me dit qu'il manque 15 000 places de cette catégorie. Mais le dispositif, je le disais à l'instant, est totalement embolisé du fait que ces centres n'accueillent absolument pas la population à laquelle ils étaient destinés ! J'avoue en outre qu'il est un peu difficile de créer rapidement 15 000 places de CHRS !
On a reproché son insuffisance au budget de ces mêmes CHRS. Excusez-moi de devoir vous rappeler que, s'ils ont été fortement pénalisés, c'est par l'application des 35 heures, sans financement ni anticipation ! Depuis, effectivement, ils ont beaucoup de mal à joindre les deux bouts.
Nous pourrions débattre de ces questions durant des jours et des nuits. L'essentiel demeure : il faut, premièrement, répondre à l'urgence ; deuxièmement, faire le point ; troisièmement, mettre en place une politique cohérente, celle du programme national de lutte contre l'exclusion que je présenterai avec François Fillon avant la fin de l'année. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Je reste néanmoins inquiète, car il est nécessaire de disposer immédiatement d'un nombre de places beaucoup plus important, que ce soit dans les CADA ou dans les centres d'hébergement d'urgence.
Mon inquiétude est renforcée par plusieurs décisions qu'a prises le Gouvernement ces derniers mois et qui inscrivent notre pays dans une logique dont nous connaissons les effets dévastateurs sur les populations laborieuses (Exclamations sur les travées du RPR), encore très nombreuses, ainsi que sur les personnes les plus modestes et les plus fragiles.
Ecoutant le Gouvernement, nous constatons qu'il entend mobiliser des moyens proportionnés pour répondre à ces effets dévastateurs. Précisément, c'est la disproportion entre l'arsenal répressif mis en place et la fragilisation de nos dispositifs de soutien et d'accompagnement social qui est inquiétante.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le ministre, le budget de la santé pour 2003 s'inscrit dans une perspective de clarification des relations entre l'Etat et les régimes d'assurance maladie de la sécurité sociale, et je vous en félicite.
Cet effort, qui était réclamé en vain depuis plusieurs années, prépare également la loi quinquennale de programmation sur la santé publique, qui définira les objectifs prioritaires de santé publique pour les cinq années à venir. Le Parlement sera donc amené, au printemps 2003, à examiner une politique de santé qui, parce qu'elle sera globale et s'inscrira dans la durée, pourra être cohérente et efficace. Ce sont des points extrêmement positifs, et je tenais à les souligner.
Parallèlement, monsieur le ministre, vous avez présenté le mercredi 20 novembre le plan « Hôpital 2007 », qui a pour objet d'alléger les contraintes extérieures qui pèsent sur les établissements et d'assurer la modernisation de la gestion interne des hôpitaux publics. Le volet concernant la modernisation des établissements grâce à une relance sans précédent de l'investissement est certainement l'un des éléments significatifs du changement de politique de santé qu'engage le Gouvernement.
Depuis maintenant plus de quinze ans, de nombreux investissements dans les hôpitaux ont été repoussés d'année en année par souci d'économie et par ignorance de l'impérieuse nécessité de gérer le patrimoine hospitalier de façon prévisionnelle. Les nouvelles exigences en matière de normes de sécurité - sécurité sanitaire, lutte contre les maladies nosocomiales -, mais également la priorité donnée aux nouveaux équipements médicaux - scanner, IRM -, absolument indispensables pour que les établissements puissent prodiguer les meilleurs soins, ont aggravé la situation.
Nous sommes donc confrontés à une dégradation très importante du patrimoine hospitalier, au point que cet état de fait est susceptible d'avoir des retentissements sur la qualité des soins délivrés.
La nouvelle politique, qui correspond aux engagements pris par le Président de la République, permettra ainsi de réaliser dans les cinq années qui viennent des investissements qui n'auraient pu être réalisés dans d'autres circonstances.
Les sommes engagées sont très importantes, puisque l'effort financier supplémentaire par rapport aux capacités d'investissement actuelles, qui sont de 2,7 milliards d'euros par an, représentera 1,2 milliard d'euros par an, soit 6 milliards d'euros sur cinq ans.
Quelques questions demeurent cependant en suspens sur les modalités de répartition de ces investissements entre les différents établissements, et je souhaiterais que vous puissiez apporter des éclaircissements à ce sujet.
Vous connaissez l'importance du secteur hospitalier privé en province. Il prend en charge, dans mon département, plus des deux tiers de l'activité chirurgicale.
J'ai constaté dans votre présentation de votre budget qu'en théorie tous les établissements pourraient être concernés, qu'ils soient publics ou privés.
Je souhaiterais donc que vous puissiez me préciser quels seront les principes de répartition des crédits sur l'ensemble du territoire et de quelle façon vous pourrez vous assurer que ce sont les établissements les moins dotés depuis des années et qui ont les plus grands besoins qui seront aidés en priorité.
Par ailleurs, il me paraît essentiel que les établissements privés soient équitablement dotés en fonction de leurs besoins. Quels seront donc les critères de répartition des fonds entre le secteur public et le secteur privé ?
Comment éviterez-vous, au moment où le paysage hospitalier est progressivement recomposé, que soient rénovées des structures qui n'ont pas vocation a être maintenues ou doivent évoluer différemment ?
Vous avez également évoqué la mission nationale d'appui à l'investissement, qui devra apporter un appui technique et méthodologique aux établissements de santé. Quelles seront les modalités de saisine et de fonctionnement de cette mission sachant que la quarantaine de professionnels et d'experts qui la composeront ne pourront évidemment pas accompagner tous les établissements demandeurs dans les mêmes délais ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, votre question est importante, parce qu'elle me permet, en quelques mots, de définir le cadre de la politique de santé que je souhaite développer dans les années à venir.
Premièrement, s'agissant des professionnels de santé libéraux, la réforme est en route ! Bien entendu, nous attendons le résultat de la convention entre les caisses et les médecins.
Deuxièmement, vous allez être saisi d'un texte sur la nouvelle gouvernance de la sécurité sociale et sur la nouvelle forme d'organisation par paritarisme.
Troisièmement, vous sera soumis le plan « Hôpital 2007 ».
Enfin, quatrièmement, viendra devant vous la loi de programmation de santé publique.
Voilà quatre textes fondateurs qui vont nous permettre de redessiner complètement la politique de santé de notre pays.
Le plan « Hôpital 2007 » comprend trois volets : tout d'abord, un volet investissements, bien sûr, pour l'immobilier, pour les équipements lourds et pour les systèmes d'information ; ensuite, un volet de financement et gestion, qui concerne outre le financement, la tarification, l'activité et les contractualisations internes : il s'agit là d'une profonde mutation ; enfin, un volet relatif aux embauches de personnels, du fait notamment de la difficile gestion de la réduction du temps de travail, non pas que l'on ne veuille pas embaucher puisque nous avons reconduit les postes créés précédemment, mais parce que l'on ne trouve pas nécessairement les personnes compétentes pour occuper les postes.
Vous m'interrogez plus spécifiquement sur le volet investissement. Ce volet est d'autant plus important que la vétusté atteint un niveau record. Deux tiers des équipements et des constructions sont aujourd'hui dépassés. Les normes de sécurité imposent des restructurations auxquelles les établissements ne peuvent plus faire face. Enfin, les conditions d'hébergement ne sont plus à la hauteur de ce que nos concitoyens sont en droit d'attendre.
Face à cette situation, un effort financier exceptionnel de 6 milliards d'euros sur cinq ans a été décidé, ce qui représente un doublement de l'investissement de modernisation de l'hôpital.
Pour 2003, comme je l'ai dit, 300 millions d'euros sont dégagés sous forme de subvention et 700 millions d'euros pour la réalisation, ce qui fait un milliard d'euros.
Naturellement, vous êtres soucieux de savoir comment cet argent va être distribué. Je vous rassure - si tant est que vous ayez été inquiet - les crédits seront déconcentrés auprès des agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, qui sélectionneront les projets au regard de leur compatibilité avec le schéma régional de l'organisation sanitaire et sociale et non en fonction du statut juridique de l'établissment.
Je rappelle que le SROSS est un document de référence pour l'adaptation de l'offre de soins aux besoins, mais c'est de l'adaptation aux besoins de la population qu'il s'agit et non de l'adaptation aux besoins des établissements ! Il est facile de deviner que le poids des investissements va conduire à une réorganisation, à une recomposition ou à une formation de groupements de coopération sanitaire.
Les crédits seront donc alloués directement aux agences en fonction des critères adéquats, et notamment du taux de vétusté des actifs hospitaliers.
Vous avez mentionné la mission nationale d'appui à l'investissement. En effet, les agences régionales d'hospitalisation n'ont pas les forces nécessaires pour conduire les investissements requis. Nous mettrons donc cette mission à leur disposition. Elle formalisera à l'échelon national les relations avec les opérateurs privés afin de pouvoir offrir aux établissements des cadres juridiques stabilisés.
La mission est constituée d'une composante nationale et de relais locaux, qui permettront de tenir compte des besoins de proximité établis par les établissements et les ARH.
Enfin, le recours aux marchés globaux et aux baux emphytéotiques seront rendus possibles dans un véhicule législatif idoine : l'ordonnance de simplification. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Je formulerai simplement deux remarques.
Premièrement, je me réjouis de voir enfin, dans cet hémicycle, un ministre de la santé à part entière. Depuis des années, en effet, les membres de la commission des affaires sociales réclamaient que le ministère de la santé soit un ministère de plein exercice, et, aujourd'hui, nous avons enfin satisfaction !
Deuxièmement, je me félicite que ce poste ministériel soit occupé par une personne particulièrement compétente, qui connaît l'ensemble des problèmes posés par la santé publique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, l'analyse des crédits demandés pour le budget de la santé en 2003 permet de déceler dans les grandes évolutions de ce budget la priorité accordée aux actions de prévention. Il semble en effet raisonnable de mieux assumer l'aspect préventif, longtemps délaissé au profit du curatif.
Pour autant il faudrait, monsieur le ministre, prendre garde au fait que cette politique consistant à privilégier le préventif ne s'avérera positive que si, dans le même temps, on maintient au dispositif curatif les moyens nécessaires et suffisants pour remplir sa mission.
Je reconnais bien volontiers que votre nouvelle approche quant à la maîtrise des dépenses de santé, qui doit être médicale et non plus comptable, mérite d'être soulignée.
Puissiez-vous, monsieur le ministre, avoir la volonté et l'autorité pour faire passer ce message essentiel à toute une technocratie qui, au sein de votre ministère et à l'extérieur aussi, l'a si souvent invoqué, voir imposé, y compris aux politiques parfois.
J'ai été surpris, monsieur le ministre, de ne pas trouver dans les priorités de la politique de prévention la santé mentale.
Notre pays vient de connaître un certain nombre de faits divers, parfois dramatiques, qui peuvent illustrer mon propos : la tuerie de Nanterre, au cours de laquelle un déséquilibré a exécuté plusieurs élus du conseil municipal ; la tentative d'assassinat du Président de la République le 14 juillet dernier ; la tentative d'assassinat à l'arme blanche du maire de Paris, également oeuvre d'un déséquilibré ; une série de meurtres à l'arme blanche en banlieue parisienne, commis également par un déséquilibré.
Cette liste de faits divers non exhaustive doit nous interpeller. Comment ne pas faire le rapprochement avec la politique menée en matière de santé mentale dans la région parisienne, où l'on a fermé de nombreux lits de psychiatrie ?
Comment ne pas s'inquiéter de voir également paraître des informations sur la présence de plus en plus nombreuse de marginaux confrontés à des problèmes psychiatriques dans le métro (Sourires sur les travées du RPR.) ?
Comment ne pas s'inquiéter quand, dans le même temps, les services de l'Etat publient un rapport où l'on nous précise que 55 % des détenus dans les prisons françaises présentent des troubles psychiatriques ?
Comment, monsieur le ministre, ne pas faire le lien entre ces différents événements et ne pas penser qu'il y a urgence à s'intéresser davantage à ces questions, qui ont aussi trait à la sécurité publique tant réclamée par nos concitoyens, mais aussi à la souffrance de femmes et d'hommes qui, parce qu'ils sont parmi les plus démunis ou parce que c'est une condition de leur réinsertion dans la société, attendent des humanistes que nous devons être une réponse rapide, efficace, déterminée, celle qui sied à l'urgence et à l'appel au secours ?
Cette réponse, monsieur le ministre, devrait être médicale et paramédicale.
Le secteur de la santé mentale, pour être efficace sur le plan curatif comme sur le plan préventif, doit bénéficier d'un nombre de psychiatres suffisant, en tenant surtout compte de celles et de ceux qui exercent dans le service public, sachant que leurs collègues du privé ont beaucoup moins vocation, semble-t-il, à traiter la clientèle du métro ou la population carcérale !
Vous aurez, monsieur le ministre, à revoir le dossier du numerus clausus, à vous interroger sur ce que l'on pourrait faire pour renforcer l'attractivité de cette spécialité et sur la manière de corriger les disparités régionales.
A ce vaste chantier médical, vous aurez à ajouter le chantier paramédical, puisqu'une pénurie d'infirmiers, héritée d'une politique passée de maîtrise comptable des dépenses de santé à courte vue, prive aujourd'hui les hôpitaux d'une partie indispensable de leurs collaborateurs.
Le « papy-boom » d'après-guerre provoquera prochainement de nombreux départs en retraite et compliquera une pénurie renforcée par des disparités régionales liées à l' « héliotropisme », à la mise en oeuvre des 35 heures, à la mise en place d'un diplôme d'Etat d'infirmier qui ne fait pas la part belle à la psychiatrie dans la formation initiale.
Appelée à devenir une spécialisation paramédicale, la psychiatrie deviendra peut-être plus attractive et sera moins délaissée au profit d'autres disciplines.
En conclusion, monsieur le ministre, il résulte de ces quelques considérations que la psychiatrie a besoin de vous, de votre motivation, de votre détermination à prendre en compte sa spécificité et ses difficultés réelles.
Votre volonté de mettre l'accent sur une politique de prévention n'aura de sens, toutefois, pour cette discipline médicale, que si elle s'accompagne du réajustement de ses moyens globaux corrigés des disparités régionales. Y êtes-vous prêt, monsieur le ministre ?
M. le président. Monsieur le ministre de la santé, répondez-vous à l'appel de M. Vantomme ?
Mme Nelly Olin. C'est un appel au secours !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je vais le faire avec d'autant plus d'intérêt, monsieur le président, que, dans ce domaine, ma détermination n'a d'égale que mon humilité.
Ma détermination, pourquoi ? Tout le monde le comprend, parce que la psychiatrie est aujourd'hui un secteur en difficulté, je dirais presque sinistré.
Mon humilité, pourquoi ? Parce que l'on passe insensiblement de la psychiatrie à la psychiatrie sociale, à la santé mentale, aux troubles du comportement, et nous connaissons les difficultés qu'il y a parfois à cerner ce qui relève de la psychiatrie et ce qui peut y être rattaché de manière indirecte.
Souvenez-vous des débats que nous avons eus sur les délinquants sexuels ! Nous avons constaté que l'on avait plutôt tendance à considérer le délinquant comme un malade, le jugement comme une ordonnance, la peine comme un traitement et la récidive comme une rechute médicale.
On voit donc combien il est difficile de définir le champ de la psychiatrie et de la santé mentale.
Néanmoins, ce que vous avez dit est vrai : il y a aujourd'hui tant de comportements stupéfiants que l'on ne peut manquer de s'interroger sur la pathologie qu'ils cachent et sur le mode de prise en charge qui s'impose.
Trois axes majeurs sont à suivre dans ce domaine.
Premièrement, il faut rapprocher, progressivement, la discipline psychiatrique des autres disciplines médicales. Nous avons un lourd passé dans ce domaine. Autrefois, on formait des infirmiers psychiatriques, qui n'étaient pas infirmiers diplômés d'Etat. Les internes passaient l'internat des hôpitaux psychiatriques, qui n'était pas l'internat des hôpitaux. Cohabitaient en réalité deux mondes, et l'on éprouve encore quelque difficulté à considérer un psychiatre comme un médecin.
C'est un tort. Il faut faire de la psychiatrie une spécialité médicale à part entière et, surtout, en faire un point essentiel de référence dans l'établissement des SROSS.
Deuxièmement, il faut faire évoluer les pratiques professionnelles dans la clarification. A cet effet, une expertise, menée avec l'appui de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, est en cours. Nous allons tenter d'apporter plus de précision.
Nous demanderons également à l'ANAES, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, de fixer des références pour évaluer les attitudes, les prises en charge thérapeutiques ; tout cela n'est pas très clair.
Enfin, un des grands problèmes de la psychiatrie, c'est la représentation que l'on se fait de la maladie mentale dans notre société. Les modes vont et viennent : tantôt, on enferme parce que c'est gênant - on parle de camisole physique - tantôt on veut libérer, parce que l'on a substitué à la camisole physique la camisole chimique.
En réalité, tous ces excès nous ont conduits dans l'erreur. Il nous faut aujourd'hui retrouver le juste équilibre entre ce qui relève de l'hôpital, de l'hospitalisation fermée quand cela est nécessaire ou des hôpitaux de jour, ce qui relève de ce que l'on appelait autrefois les centres d'hygiène mentale ou de psychiatrie sociale, qui suivent les gens en difficulté, et ce qui relève de la psychiatrie libérale.
Vous avez raison, il y a pénurie de psychiatres aujourd'hui. Le classement de l'internat est à cet égard très significatif : vous avez d'abord la chirurgie, puis la médecine et toutes les spécialités médicales ; vient enfin la psychiatrie avant la biologie, la médecine du travail et, en dernier, la santé publique. Il faut renverser la vapeur pour que les premiers choisissent aussi la psychiatrie ! Il est essentiel que ce soient des praticiens de qualité qui prennent en compte tout l'aspect psychologique de notre vie, laquelle est, par définition, psychosomatique.
Aussi, je peux vous annoncer que le secteur de psychiatrie ne sera pas concerné, en 2003, par la péréquation nationale, afin que les régions qui sont déjà fragilisées ne le soient pas davantage. La recomposition du secteur sera soutenue pendant plusieurs années, parce que la psychiatrie est aujourd'hui un secteur essentiel pour notre société. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Monsieur le ministre, j'ai écouté votre réponse avec beaucoup d'intérêt. Je suis tout à fait d'accord avec vous : si la psychiatrie joue un rôle prépondérant dans notre société, il reste parfois difficile d'en déterminer la place exacte.
Vouloir la promouvoir en lui donnant toute sa place, au même titre que les autres spécialités médicales, est essentiel. Trop souvent, dans le passé, elle fut traitée comme la dernière roue du carrosse : dans les hôpitaux généraux, c'était elle qui était servie en dernier.
D'ailleurs, monsieur le ministre, quand vous parlez de rapprochement avec les autres spécialités médicales, j'espère que vous ne pensez pas remettre la psychiatrie dans les hôpitaux généraux, comme on l'a souvent proposé. En effet, si elle doit, bien entendu, avoir des liens avec l'hôpital général, la psychiatrie ne saurait être uniquement considérée comme un secteur de ce dernier. Il faut qu'il y ait des structures extérieures, des structures alternatives.
Je me réjouis, par ailleurs, de votre souci de corriger les disparités régionales. Les réduire est également un objectif majeur. La situation n'est pas la même en Picardie que dans le sud de la France. Et, malheureusement, le soleil n'est pas la seule cause de cette disparité.
J'espère que les mesures qui seront prises iront dans le bon sens. En tout cas, monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées.
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. En écoutant notre collègue, j'avais l'impression que, d'une certaine manière, il nous disait : « Merci, la droite revient ! » (Sourires.) Du moins en ce qui concerne la santé !
En préambule, monsieur le ministre, je voudrais m'associer totalement aux éloges que Mme Nelly Olin ainsi que de certains autres collègues vous ont adressés.
Il n'existe en France, depuis quelques années, aucune réelle politique de santé. En qualité de président d'un CHS et du conseil d'administration d'une maison de retraite médicalisée ou comme patient, je peux en témoigner : « urgence » ne veut plus rien dire ; « égalité » non plus. Pour ce qui est de la qualité et de la sécurité, on est parfois en droit de s'interroger à leur sujet compte tenu des moyens et de l'organisation de notre système de santé.
Permettez-moi d'aborder plus particulièrement un sujet que vous connaissez bien, monsieur le ministre, comme beaucoup d'entre nous, mais qui a été totalement ignoré au cours des cinq dernières années, et peut-être aussi un peu au cours des années précédentes : je veux parler de l'offre de santé dans le monde rural.
A l'Assemblée nationale, j'ai souvent évoqué, à l'Assemblée nationale, outre la montée de la violence dans nos communes rurales, la baisse dramatique de l'offre de soins dans le monde rural et dans les quartiers difficiles. Hélas ! mes interrogations sur ces sujets n'ont jamais suscité que des sourires ironiques de la part de la majorité d'alors. Comme si, en matière de santé, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes !
Comment éviter la pénurie de médecins ? La démographie médicale est, en effet, l'un des problèmes majeurs de notre système de santé. Permettez-moi d'en illustrer la réalité à l'aide d'un exemple que je connais bien.
Voilà trente ans, lorsque je suis arrivé dans ma commune de 4 500 habitants, cinq médecins couvraient un territoire regroupant 7 000 à 8 000 habitants. Ces praticiens disposaient d'un cabinet médical comportant deux secrétaires. Ils étaient de garde un jour sur cinq. Ils s'étaient endettés pour acheter une clientèle, mais avec la certitude de récupérer leur placement lors de leur départ à la retraite. Ils voyaient les patients trois quarts d'heure à une heure chacun, créant ainsi cette relation qui est indispensable entre médecin et malade. Trouver des remplaçants relevait de la routine. Ils étaient respectés. Ils étaient également en sécurité sur leur lieu de travail et lors de leurs visites.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
La population est passée de 8 000 à 12 000 habitants, soit une augmentation de 50 %. Le nombre des personnes en maison de retraite est passé de 120 à 300, et leur dépendance est beaucoup plus importante.
Les médecins ont, évidemment, trente ans de plus. Deux sont partis à la retraite et n'ont pas trouvé de remplaçant. Un autre part dans quelques mois sans espoir de substitution. Il ne reste qu'une secrétaire au cabinet médical et, en raison de la contrainte des 35 heures et des temps de coupure, elle n'est présente que la moitié du temps d'ouverture du cabinet, obligeant ainsi les médecins à assurer le secrétariat et les appels pendant les consultations. Je précise que, s'il n'y a plus qu'une secrétaire, c'est que les médecins ne peuvent plus assumer à trois, et bientôt deux, les charges qui, auparavant, étaient reparties sur cinq.
Ces médecins travaillent de huit heures du matin à dix heures du soir, avec pour unique interruption la « pause sandwich ». Ils voient trente à quarante malades par jour, sont de garde un jour sur trois, voire un jour sur deux. Ils ne trouvent plus de remplaçants, et ne peuvent plus vendre leur clientèle, contrairement à ce qu'ils avaient prévu, je vous le rappelle, afin d'améliorer une retraite très modeste.
Ils sont, de surcroît, agressés de plus en plus souvent et, parfois, dérangés la nuit sans motif sérieux, alors que, soit dit en passant, le coût de leur visite est supporté par la société.
Ne parlons ni des charges et contraintes administratives qu'ils ont à assumer, ni des contrôles, d'un ridicule souvent peu commun, qu'ils doivent supporter.
Bref, les conditions de vie et de travail de ces praticiens deviennent insupportables, voire inhumaines.
Qui accepte aujourd'hui de travailler soixante heures par semaine, pratiquement sans congés ? Qui accepte d'être disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, de vivre dans l'insécurité, et j'en passe ? De ce fait, la continuité des soins dans les zones rurales n'est plus assurée, ce qui concourt à accélérer leur désertification.
Il convient également de signaler que, pour obtenir un rendez-vous avec certains spécialistes, il faut au patient six à huit mois ! Le patient s'entend même de plus en plus répondre que, puisqu'il n'est pas client du cabinet, il ne peut lui être accordé de rendez-vous.
A tout cela s'ajoute le fait que, en raison des 35 heures, il n'est plus possible de trouver d'ambulancier au-delà de certaines heures. Ce sont les pompiers qui assurent alors le transfert du malade, transfert dont le coût est alors supporté par les services départementaux d'incendie et de secours, qui ne sont remboursés ni par les hôpitaux ni par la sécurité sociale.
Cette situation dramatique de la médecine en milieu rural - mon département n'est pas très éloigné de la région parisienne et, sur ses 650 000 habitants, plus de 300 000 résident dans le secteur dit « rural » - me conduit à vous poser les questions qui suivent, monsieur le ministre, tout en étant conscient des incidences financières que ne manquera pas d'avoir, dans l'avenir, la résolution des problèmes que j'évoque.
Comment convaincre les médecins de venir s'installer dans les secteur ruraux et difficiles ? Faut-il mettre en place une incitation particulière, qu'elle soit fiscale ou qu'elle prenne la forme d'une prime à l'installation ?
Comment enrayer le pénurie de médecins ? Faut-il revoir le numerus clausus ?
Comment les convaincre de choisir des spécialités délaissées ?
Comment résoudre le difficile problème de l'assurance des médecins ?
Comment aider les médecins à faire face au temps distrait de leur vraie mission pour l'accomplissement de tâches administratives ?
Toutes ces questions, monsieur le ministre, ne sont pas nouvelles. Je regrette simplement que, depuis des années, on n'ait pas cherché à y apporter une réponse, et qu'on ait ainsi bradé la santé des Français. (Applaudissements sur les travées du RPR.) M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre, Monsieur le sénateur, je comprends votre inquiétude, car la situation de la démographie médicale dans la région Centre est effectivement plus sérieuse que dans beaucoup d'autres régions françaises.
Je rappelle d'abord que la densité de population y est inférieure à la moyenne nationale : 265 contre 330.
Pour ce qui est des médecins libéraux, le déficit par rapport à la situation nationale est particulièrement marqué : pour les généralistes libéraux, la densité moyenne est de 90 pour 100 000 habitants, contre 105 pour la moyenne nationale ; pour les spécialistes libéraux, elle est de 66, contre 90.
Le Loiret est encore moins bien doté, avec une densité moyenne de généralistes libéraux inférieure à 80 habitants et, à l'échelon des cantons, les disparités s'accentuent encore.
Je réponds tout de suite, monsieur Doligé, à votre question touchant à la responsabilité civile médicale : j'espère que, notamment grâce à la proposition de loi du président About, qui a été adoptée par la Haute Assemblée, le problème sera réglé pour le 1er janvier, comme je m'y étais engagé.
Pour en revenir au problème de la pénurie médicale, j'attends la remise, la semaine prochaine, des conclusions du rapport que j'ai commandé voilà quelques mois au doyen Berland sur l'ensemble de la démographie des professionnels de santé.
D'ores et déjà, je peux vous dire qu'il faudra augmenter le numerus clausus de façon significative. Il a déjà été augmenté de 400 cette année. Il faudra faire davantage encore au cours des prochaines années. En fait, le numerus clausus va devoir passer en quelques années de 4 500 à presque 7 000. Naturellement, cette variation importante dans un temps assez court sera peut être difficile à gérer, mais il n'y a pas d'autre solution.
Vous avez, par ailleurs, suggéré d'apporter des aides d'ordre financier ou fiscal. On peut d'abord songer à une majoration de la rémunération par acte ou à une réduction des charges. Je n'ai pas d' a priori et je suis persuadé qu'il n'y a pas de solution unique. Cela dépendra des communes, des départements, des régions, peut-être même des caisses d'assurance maladie. En tout cas, il faut effectivement inciter les médecins à s'installer, notamment dans les zones rurales.
Sur un autre plan, chacun a bien compris que l'ère de l'exercice médical solitaire était révolue et qu'il convenait d'aller vers une coopération entre les différents professionnels, avec éventuellement un partage, voire une substitution des tâches avec des « maisons médicales ». Il faut en effet encourager l'installation de plusieurs professionnels dans ces « maisons médicales », où sera assurée la permanence des soins.
Il faut en outre s'intéresser à nouveau aux hôpitaux locaux, qu'on appelait autrefois les hôpitaux ruraux, car ils assurent une présence médicale de proximité, une permanence de médecins et d'infirmières qui est indispensable. Favoriser les CHU ne signifie pas oublier les simples centres hospitaliers, et encore moins les hôpitaux locaux.
Enfin, il faut avoir recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, car la télé-médecine peut constituer une aide considérable.
Le Sénat a voté, voilà quelques jours, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'autorisation de créer des cabinets secondaires en donnant aux médecins de ville la possibilité d'ouvrir un cabinet dans un village, éventuellement avec d'autres médecins, de façon à assurer une permanence. J'ajoute que nous avons également autorisé le remplacement de médecins par de jeunes retraités qui ne veulent pas se couper de la vie professionnelle ou qui ont besoin d'un complément de revenu.
Telles sont les mesures que nous avons déjà entrepris de mettre en oeuvre ou que nous vous proposerons pour tenter de remédier aux difficultés majeures que vous avez évoquées. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, voilà des années que j'attendais ces réponses. Elles paraissent d'une telle évidence que je me demande pourquoi on ne les a pas trouvées plus tôt ! Probablement fallait-il attendre d'avoir un ministre qui soit au-dessus et même très au-dessus, de la moyenne ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)
Je vous remercie également, monsieur le ministre, d'avoir reconnu que mon département n'était pas très bien doté. Il n'en est pas moins, au demeurant, un département fort agréable à vivre ! (Sourires.)
Cela dit, dans ce domaine comme dans d'autres, on a toujours eu tendance à considérer qu'il suffisait d'appliquer un pourcentage de progression aux chiffres existants pour résoudre les problèmes. Et puis on s'aperçoit, au fil des années, que les écarts continuent à se creuser, qu'il s'agisse de santé ou, par exemple, de logement social. Aujourd'hui, ces écarts sont devenus insupportables, au point que l'on se demande comment on pourra les combler.
Moi, en tout cas, monsieur le ministre, je suis comblé par votre réponse. (Nouveaux sourires.) Je suis persuadé que les médecins du monde rural, tout comme leurs patients, l'auront entendue avec beaucoup d'intérêt.
M. le président. La parole est à M. Pierre André.
M. Pierre André. Je voudrais d'abord m'associer aux propos élogieux qu'a tenus notre collège Eric Doligé à l'égard de M. le ministre. Je crois que nous pouvons tous nous réjouir de la qualité du dialogue qui s'est instauré cet après-midi dans cet hémicycle et il serait fort utile que les Français aient très largement connaissance des mesures qui ont été évoquées à cette occasion.
Selon l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, l'amélioration de la conjoncture économique et de la situation de l'emploi n'a guère eu d'effets sur les chiffres de la pauvreté.
Si la faiblesse des revenus des personnes est un critère d'évaluation de la pauvreté, celle-ci se mesure aussi à travers les conditions de vie, c'est-à-dire les difficultés d'existence des ménages liées aux contraintes budgétaires qu'ils subissent : restrictions de consommation, retards de paiement, problèmes de logement, etc.
Si l'on se réfère à cet indicateur global, la proportion des ménages concernés a très légèrement diminué entre 1997 et 2001. En revanche, les chiffres relatifs aux difficultés à couvrir certaines dépenses, à l'endettement et aux difficultés de logement, ne se modifient pratiquement pas. Cette stabilité est décevante.
Avec la santé, le logement est un droit essentiel que notre pays doit garantir à nos concitoyens confrontés à la pauvreté et à l'exclusion.
Les études qualitatives, les témoignages directs et la première enquête d'envergure nationale auprès des personnes sans domicile réalisée en 2001 par l'INSEE montrent la très grande diversité de la vie de ces personnes.
S'il s'agit majoritairement d'hommes et, de plus en plus souvent, de jeunes issus de milieux défavorisés, les personnes sans domicile ont connu des parcours très variés. Le rythme, la nature et la gravité des ruptures familiales et sociales sont également très divers.
Au-delà de cette diversité, l'absence de logement, et donc d'intimité, d'espace à soi, ainsi que la dégradation des conditions d'existence rendent la santé des personnes sans domicile particulièrement précaire. Il n'est pas surprenant, dès lors, de retrouver parmi les problèmes qu'elles citent le plus fréquemment un état dépressif, une extrème nervosité et un stress continuel.
Face à ces situations dramatiques et compte tenu de l'urgence, vous avez annoncé, madame la secrétaire d'Etat, l'ouverture des crédits nécessaires au financement d'un programme quinquennal tendant à créer 1 000 places par an en pension de famille.
Pouvez-vous dresser un premier bilan de ce dispositif expérimental encore peu répandu et nous indiquer quelles en sont les perspectives ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a annoncé la mise en place d'un programme sur cinq ans tendant à créer un nouveau type d'habitat, les « maisons-relais », anciennement appelées « pensions de famille », qui sont destinées à des personnes sans domicile fixe très désocialisées, ayant longtemps été à la rue, et dont l'état de souffrance psychique consécutif à des ruptures diverses ne permet pas ou permet difficilement une réadaptation immédiate à un logement individuel autonome.
La maison-relais constitue un concept original de résidence sociale qui permet de répondre aux besoins de ces personnes en les réadaptant à la vie sociale.
Il s'agit, en fait, comme leur nom l'indique, de petites maisons destinées à accueillir de vingt à vingt-cinq personnes. Chacune y disposera d'une chambre, mais pourra également participer à une vie collective se rapprochant d'une vie familiale.
Chacune de ces maisons sera animée par une ou deux personnes - on pourrait les appeler « hôtes » ou « pères aubergistes » - qui seront notamment chargées d'intégrer leur maison dans l'environnement social du quartier ou de la commune. Ainsi, nous avons prévu de créer 5 000 places en maison-relais sur cinq ans, soit 1 000 places par an : un crédit est prévu à ce titre dans le présent projet de loi de finances.
Une circulaire signée prochainement par les ministres concernés définira les conditions de financement et de fonctionnement de ces maisons-relais.
L'Etat apportera deux types d'aides.
D'une part, une aide à la gestion locative sociale qui permettra de financer les deux postes d'hôte de chaque maison.
D'autre part, les personnes qui habiteront dans ces maisons bénéficieront de l'aide personnalisée au logement, l'APL. Je tiens à souligner que les personnes hébergées qui ne perçoivent que de très faibles revenus, du type RMI, devront verser une contribution financière, bien sûr en proportion de leurs revenus. Cette participation, si faible soit-elle, est exigée, car le principe est celui d'une insertion par le logement et non pas d'un assistanat.
Ainsi, ces personnes, qui, jusqu'à présent, tournaient en rond dans le dispositif de l'urgence, auront une vraie perspective et une maison. Nous espérons même que certaines d'entre elles auront à l'avenir un projet d'insertion professionnelle.
M. le président. La parole est à M. Pierre André.
M. Pierre André. Mme le secrétaire d'Etat m'a si bien convaincu que je demande le droit à l'expérimentation dans ma commune ! (Sourires.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le travail, la santé et la solidarité : II. - Santé, famille, personnes handicapées et solidarité.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 15 462 779 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 655 691 642 euros. »

La parole est à Mme Odette Terrade, sur les crédits figurant au titre IV.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me propose d'intervenir plus spécifiquement sur les crédits, tous budgets confondus, relatifs aux droits des femmes.
A l'heure où le Gouvernement affiche sa détermination dans le domaine de l'égalité professionnelle, dans le même temps, le budget spécifique aux droits des femmes, mis en place par le gouvernement précédent, disparaît.
Selon nous, le budget de l'ancien secrétariat d'Etat aux droits des femmes avait un rôle fondamental pour impulser une politique volontariste et innovante en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Certes, ce secteur est couvert par Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle mais, sans moyens réels, son action dans ce domaine risque d'être limitée.
Pour lutter efficacement contre les inégalités persistantes sur le marché du travail, qu'il s'agisse de la précarité de l'emploi, du temps partiel, des écarts de salaires à travail identique, de l'accès à la formation professionnelle et à la validation des acquis de l'expérience, des politiques budgétaires dynamiques et efficaces s'imposent.
Au-delà de la tendance à la baisse des crédits, la refonte des actions spécifiques dans des actions plus générales est la marque de l'absence de prise en compte des problèmes réels rencontrés par les femmes.
Ainsi, on passe de lignes budgétaires techniques et détaillées en phase avec la mise en place des lois relatives à la parité ou à la réduction du temps de travail, qui étaient de véritables outils d'analyse et de renforcement de l'égalité professionnelle, à des priorités budgétaires portant sur des actions plus évasives ou globales appelées sensibilisation, formation.
Sur dix-neuf lignes budgétaires existant depuis les lois de finances 2000, 2001, 2002, sept ne sont plus alimentées et huit lignes sont à la baisse, pour deux lignes en augmentation et deux lignes créées.
Concernant le secteur du travail, les titres III et IV sont parlants. En effet, dans votre budget sont supprimés ou réduits les crédits affectés à des lignes concernant « l'analyse », « l'observation sur les progrès ou reculs possibles » en ce qui concerne l'égalité professionnelle.
Est supprimée également la ligne « construction du plafond de verre », alors que, nous le savons, ces mécanismes d'organisations sociales et professionnelles, qui bloquent la promotion des femmes, sont l'héritage de notre société patriarcale et génèrent des inégalités entre les hommes et les femmes. Y remédier nécessite volontarisme et moyens !
Que dire également de la suppression de la ligne budgétaire « pratique des hommes dans le travail domestique », si ce n'est qu'elle manifeste la volonté de reléguer une fois de plus le travail domestique dans l'invisibilité ?
Concernant maintenant les actions en faveur des droits des femmes, dont nous trouvons trace dans les crédits « Santé, famille et personnes handicapées », pouvez-vous préciser, madame, messieurs les ministres, quelle sera la destination des crédits budgétés ?
S'agissant des violences faites aux femmes, question essentielle à nos yeux, pouvez-vous chiffrer les moyens nouveaux destinés aux structures d'accueil et de vie des femmes et de leurs enfants, alors que nous savons que notre pays manque cruellement de places pour faire face aux situations d'urgence ?
Par ailleurs, lors de l'examen par le Sénat, la semaine dernière, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, mes collègues du groupe communiste se sont inquiétés de la fin de la prise en charge par l'Etat des dépenses d'IVG. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'Etat, prendre des engagements pour que le droit des femmes à l'interruption volontaire de grossesse soit garanti, alors que nous connaissons déjà les difficultés très importantes que rencontrent de trop nombreuses femmes, compte tenu du manque de moyens des établissements hospitaliers et des centres d'interruption volontaire de grossesse, les CIVG ?
Je n'anticipe pas sur l'amendement de la commission des finances qui tend à réduire de 4 millions d'euros le chapitre 43-02, « intervention en faveur des droits des femmes ».
Telles sont, madame, messieurs les ministres, les remarques que je voulais présenter à l'occasion de l'examen de vos crédits. Je regrette que les moyens financiers destinés à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes et les droits des femmes ne soient pas plus importants et plus en rapport avec les besoins.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Madame la secrétaire d'Etat, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon propos sera centré sur l'aide médicale attribuée aux personnes étrangères résidant en France qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier de la CMU, notamment la condition de résidence stable et régulière sur le territoire français.
Le dispositif d'aide médicale géré par l'assurance maladie a connu récemment une montée en charge très sensible, que le Gouvernement se propose de contenir ; ce n'est pas sans nous inquiéter, dans la mesure où l'état sanitaire et social des personnes visées, principalement les étrangers en situation irrégulière, appelle justement une démarche positive de prise en charge.
Dans son rapport, Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteur spécial pour les crédits des affaires sociales, du travail et de la solidarité à l'Assemblée nationale, confirme que le coût de l'assurance maladie est mis à l'index et que, dès cette année, le projet de budget affiche une réduction des dépenses.
Certes, les crédits destinés à permettre le règlement des dettes de l'Etat à l'assurance maladie, au titre de l'aide médicale, sont budgétés. Une mesure d'ajustement est prévue au chapitre 46-82, ce qui nous permet, madame la secrétaire d'Etat, d'afficher une évolution des crédits dynamique.
Toutefois, un projet d'économie de 50 millions d'euros, sur un total de 230 millions d'euros, est déjà intégré. Ce qui signifie, si l'on se réfère à la projection de dépenses réalisées pour 2002, qui se monte à 258 millions d'euros, que vous projetez une diminution de plus de 40 % de ce poste de dépenses !
Nous ne pouvons accepter ces économies faites sur la santé des plus pauvres !
Nous attendons de vous, madame la secrétaire d'Etat, un certain nombre de précisions quant à la méthode que vous allez suivre pour atteindre vos objectifs.
Une réflexion serait en cours sur les moyens d'améliorer le contrôle des conditions d'accès des bénéficiaires.
Allez-vous remettre en question la législation actuellement en vigueur, en durcissant notamment les conditions d'éligibilité à cette aide ? Allez-vous modifier, et dans quel sens, la procédure d'admission, en faisant notamment jouer aux guichets de la CNAM un rôle qui leur est étranger ?
M. le président. L'amendement n° II-19 rectifié, présenté par MM. Arthuis, Marini et Gouteyron au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 4 000 000 euros »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. J'ai déjà dit ce matin que présenter un amendement comme celui-là était une lourde responsabilité : je l'assume !
Cet amendement présenté au nom de la commission des finances, et qui a été rectifié comme vous avez pu le constater, mes chers collègues - mais je vais y revenir dans un instant -, prévoit une réduction des dépenses de 4 millions d'euros, soit un montant modeste, de l'ordre de 0,03 %, par rapport aux 14,35 milliards d'euros du titre IV.
Quel est l'objet de cette réduction ? On commence à le savoir, mais je me dois de le préciser à nouveau.
M. Gilbert Chabroux. Oui !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Cette réduction vise à tirer les conséquences de la décision que nous a annoncée le Gouvernement au début du débat budgétaire de réviser à la baisse les prévisions de recettes pour 2003.
La réduction des recettes et le maintien des dépenses au même niveau se traduisent, évidemment, par une augmentation des déficits ou des impôts.
C'est ce que le Sénat, la commission des finances en tout cas, ne peut pas accepter.
La réduction proposée à travers cet amendement porte - on va le dire, j'en suis convaincu ! - sur des chapitres budgétaires sensibles, mais quel chapitre budgétaire ne l'est pas ?
Le précédent gouvernement, je le rappelle, estimait, par exemple - mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres -, impossible de toucher aux crédits inscrits en faveur des emplois-jeunes, au motif qu'il s'agissait d'une de ses priorités. Pourtant, plusieurs milliards de francs ont été accumulés sur cette ligne budgétaire durant la précédente législature.
Vous m'objecterez que la comparaison n'est pas forcément valable, mais elle mérite tout de même réflexion. Du reste, cela n'est guère étonnant tant il est difficile d'évaluer précisément le montant des dotations budgétaires.
Ainsi, madame, messieurs les ministres, le projet de loi de finances rectificative pour 2002, que le Parlement va bientôt examiner, prévoit d'annuler, sur les seules dépenses ordinaires, 49,68 millions d'euros, dont environ 39 millions d'euros sur le titre IV, soit presque dix fois plus que la réduction proposée par le présent amendement.
C'est ce qui m'avait conduit, dans un premier temps, à déposer un amendement reprenant les lignes sur lesquelles le collectif budgétaire envisage des réductions. Puis, dans un second temps, compte tenu d'un certain nombre de remarques, il a été décidé, en accord avec le président de la commission des finances et le rapporteur général, de minorer très sensiblement la réduction des crédits initialement proposée.
Evidemment, une réduction de 4 millions d'euros, c'est toujours trop. Mais quel ministre peut prendre l'engagement devant le Parlement que, dans le courant de l'année 2003, les crédits du titre IV de son budget ne seront pas réduits de plus de 0,03 % ? Je crois personnellement que c'est difficile, ne serait-ce que parce que, je le rappelle, le ministre délégué au budget a déjà indiqué devant le Parlement que des annulations de crédits auraient lieu dès le début de l'année prochaine.
Nous proposons donc cet amendement parce que nous pensons qu'il est du devoir de cette assemblée, qui vote le budget, de contribuer, je l'ai dit tout à l'heure, à la maîtrise des dépenses publiques et, partant, à l'amélioration du solde budgétaire dans un contexte qui, nous le savons, est difficile.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je veux saluer l'argumentaire que vient de présenter avec courage M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, et dire combien j'ai été personnellement impressionné par les propos qui ont été tenus dans cette enceinte par François Fillon, Jean-François Mattei et Dominique Versini.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. C'est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ils ont décrit avec beaucoup de conviction les objectifs qu'ils se sont fixés et ont démontré la cohérence des moyens qu'ils mettent en oeuvre, ce qui incite à la confiance, et je dois dire que je voterai ces crédits avec enthousiasme.
Comme l'a rappelé Adrien Gouteyron, ce qui caractérise le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, c'est une volonté de sincérité, de transparence, une volonté de rompre avec tout budget mensonger qui privilégie l'affichage au détriment du réalisme de l'exécution.
Dans des conditions sans précédent, le Gouvernement est venu nous indiquer, au début de la discussion budgétaire, que les recettes prévues au moment où il avait arrêté le projet de loi de finances pour 2003 devaient être révisées à la baisse, soit 700 millions d'euros de moins-values fiscales.
Le Sénat a décidé d'apporter sa contribution afin que cette déconvenue n'aggrave pas les déficits et la commission des finances a estimé qu'il était de son devoir de lui demander de réduire une partie symbolique, emblématique, des crédits mis à la disposition des membres du Gouvernement.
C'est la démarche que nous entreprenons, et croyez bien que ce n'est pas un exercice plaisant que de devoir inviter au réalisme. Mais, si nous voulons respecter l'effort pédagogique du Gouvernement, il nous faut promouvoir cette présentation sincère du projet de loi de finances. C'est pourquoi je remercie à nouveau Adrien Gouteyron d'avoir présenté avec autant de conviction un amendement tendant à réduire de 4 millions d'euros les crédits du titre IV. C'est une mesure ciblée, et, ce faisant, me semble-t-il, nous exerçons pleinement les prérogatives du Parlement, dont le rôle est de décider des crédits mis à la disposition du Gouvernement.
Madame, messieurs les ministres, vous avez été si convaincants que le rapporteur spécial, le rapporteur général et le président de la commission des finances, qui en avaient reçu mandat, ont révisé très substantiellement le montant de la réduction des crédits prévu dans l'amendement initial. C'est la reconnaissance manifeste de votre force de conviction.
Pour ma part, je voterai l'amendement que vient de nous présenter M. le rapporteur spécial.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'amendement qui nous est proposé vise à la fois les crédits dont j'ai la responsabilité et ceux qui relèvent du ministère de Jean-François Mattei. Il s'exprimera donc dans un instant sur ce sujet.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, je comprends parfaitement la démarche qui est la vôtre et je la soutiens, car il est naturel qu'un budget s'ajuste le mieux possible aux prévisions faites en matière de recettes. C'est la raison pour laquelle, ce matin, dans le cadre de l'examen des crédits du ministère du travail, j'ai, sans discussion, accepté l'amendement que vous proposiez, monsieur Arthuis, et qui tendait à réduire de 5 millions d'euros les crédits de ce ministère.
En revanche, je suis très gêné par l'amendement que vient de présenter M. Gouteyron, même s'il a été corrigé. En effet, monsieur le président de la commission des finances, vous nous avez affirmé tout à l'heure que l'action de la commission des finances était symbolique, emblématique. Or elle porte justement, s'agissant de cet amendement, sur des crédits qui sont symboliques et emblématiques puisqu'il s'agit des crédits destinés à promouvoir les droits des femmes.
En effet, le chapitre visé concerne la dotation en faveur des droits des femmes pour 2003. Ce chapitre, doté de 18 millions d'euros, ce qui est un montant modeste, s'applique à deux sujets importants aux yeux du Gouvernement et de sa majorité, à savoir la parité et l'égalité professionnelles. Il s'agit donc d'aides aux entreprises ayant conclu un accord collectif comportant des actions en faveur de l'égalité professionnelle et de l'accompagnement des créatrices d'entreprises, ainsi que des aides pour favoriser l'accès des femmes aux droits, lutter contre les violences et l'exclusion à travers le développement des partenariats entre les associations et les collectivités locales.
L'adoption de cet amendement se traduira par une réduction de près de 10 % d'un budget qui, il faut le constater, n'est déjà pas doté de crédits considérables !
Mme Odette Terrade. C'est vrai !
M. François Fillon, ministre. J'attire donc l'attention du Sénat, notamment celle de sa commission des finances, sur la difficulté technique que j'éprouve, en tant que ministre des affaires sociales, à émettre un avis favorable sur cet amendement, mais aussi à cautionner le symbole dont serait porteuse la décision de s'en prendre à ce chapitre budgétaire particulier.
C'est la raison pour laquelle je demande à la commission des finances de bien vouloir reconsidérer sa position.
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre. En écho aux propos de M. François Fillon, j'indique que je reconnais le bien-fondé de la démarche suivie par M. le président de la commission de finances, M. le rapporteur spécial, et par la commission des finances d'une façon générale. C'est leur rôle de chercher des économies et il est normal que la commission des finances conduise les ministres à défendre leurs budgets. C'est ce que je vais essayer de faire pour ce qui me concerne : je vais tenter de vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs, que j'ai besoin de ces crédits.
Je m'étais préparé à donner mon avis sur un autre amendement, et je pourrais vous dire qu'en définitive, dans le budget de la santé, la marge qui me reste pour conduire la politique de santé de l'Etat est non pas de 9,4 milliards d'euros, dotation totale du ministère, mais de 400 millions d'euros, ce qui montre le long chemin que nous avons à parcourir si nous voulons rééquilibrer notre action en matière de prévention.
Je pourrais vous dire que la marge est totalement nulle et que, actuellement, pour financer la campagne de vaccination contre les méningites à méningocoques dans trois départements du Sud-Ouest, il me faut trouver 32 millions d'euros que je n'ai pas et que, naturellement, je dois pourtant trouver.
Pour m'en tenir à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, il me paraît impossible d'adopter cet amendement : dès l'élaboration du budget, c'est la MILDT qui a vu ses crédits de 45,6 millions d'euros amputés de 5,6 millions d'euros, soit une diminution de 12,2 %.
Mme Odette Terrade. Eh oui !
M. Jean-François Mattei, ministre. Et ce sont ces mêmes crédits qui seraient ponctionnés de 2,7 millions d'euros supplémentaires, ce qui conduirait finalement à une amputation proche de 19 % !
M. Roland Muzeau. Il a raison !
M. Jean-François Mattei, ministre. Est-ce le bon moment, alors que nous venons de mommer un nouveau président à la tête de la MILDT, qui devra appliquer un nouveau cahier des charges, une nouvelle feuille de route ? Est-ce le bon moment, alors qu'il est clair que la toxicomanie, l'épidémie de sida et l'hépatite C sont liées ?
Enfin, permettez-moi de vous dire que ce serait un mauvais cadeau, à la veille de la Journée mondiale du sida, que d'annoncer le retrait de ces sommes à titre symbolique. Je tiens vraiment à attirer l'attention de la Haute Assemblée sur le fait que lutter contre le sida et la toxicomanie c'est une cause nationale, c'est une priorité.
D'ailleurs, si cet amendement devait être adopté, il y aurait un décalage entre la décision prise dans cette enceinte et le contenu des courriers relatifs aux problèmes de toxicomanie, aux problèmes d'accompagnement, de la part de l'ensemble des parlementaires.
Il faut aussi penser au tissu associatif, qui fait un travail exceptionnel, que je veux saluer.
Je sais bien que vous êtes à la recherche d'économies. Mais, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, pas aux dépens de la toxicomanie ! Dans ces conditions, je demande le retrait de l'amendement. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, accédez-vous à la demande de M. le ministre ? M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Monsieur le président, j'ai bien entendu.
Je comprends la passion des ministres à défendre leur projet de budget. Il est vrai que le travail réalisé aujourd'hui dans cette assemblée nous a permis d'apprécier leur conviction, autant que la solidité de leur dossier. J'ai insisté tout à l'heure sur la modicité de la réduction de crédits demandée par la commission ; je n'y reviendrai pas.
Monsieur le ministre de la santé, vous avez parlé de la MILDT. Puis-je vous rappeler que le Sénat a, voilà un an, publié un rapport qui relevait un certain nombre de dysfonctionnements ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Depuis, le président de la mission a changé !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Vous-même, d'ailleurs, devez en être convaincu, puisque vous avez, en effet, changé le responsable de cette mission. On peut espérer que les dysfonctionnements constatés, les maladresses ou les insuffisances seront corrigés.
Puisque je suis interrogé - j'allais dire interpellé - par M. le ministre de la santé et par M. le ministre des affaires sociales - pardonnez-moi d'abréger leur titre, qui est à la mesure de leurs responsabilités - je dois leur dire que je ne peux pas retirer cet amendement parce que je suis mandaté par la commission des finances, laquelle a fait un choix. Or ce choix ne concerne pas que ce département ministériel, comme l'a fort bien expliqué M. le président de la commission.
Permettez-moi une remarque, monsieur le ministre de la santé : vous avez parlé du sida. Or les réductions de crédits ne portent pas sur ce chapitre-là !
Mais je veux revenir sur un fait dont je n'ai pas encore parlé. Nous avons voté une loi organique relative aux lois de finances, laquelle impose au Parlement et au Gouvernement des responsabilités nouvelles, j'allais dire une attitude nouvelle : le Parlement se doit, en quelque sorte, d'aiguillonner l'administration vers une utilisation optimale des deniers publics.
Il est certain que la commission des finances a bien l'intention de jouer pleinement son rôle en demandant comment se déroule, en cours d'exercice, la gestion de tel ou tel chapitre, ainsi que des crédits budgétaires d'une manière générale.
Comment un ministre, dans ces conditions, pourra-t-il expliquer la sous-consommation des crédits ? Quels arguments trouvera-t-il ? Certes j'entends M. François Fillon le dire mezzo vocce , la loi de finances rectificative envisage des diminutions de crédits. Mais il n'est pas facile de calibrer des crédits qui sont forcément prévisionnels.
Quoi qu'il en soit, il y a des habitudes nouvelles à prendre. Et notre proposition tend, madame, messieurs les ministres, à vous y inviter, à vous y pousser, mais à nous y pousser aussi, car cette discipline, nous allons nous l'imposer à nous-mêmes et nous allons l'imposer à tous.
Pour vous - et pour moi-même, d'ailleurs -, il me serait sans doute plus facile de répondre positivement à votre demande. Mais je ne le peux malheureusement pas. Cet amendement est donc maintenu, et j'invite le Sénat à l'adopter.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, contre l'amendement.
M. Gilbert Chabroux Peu suspect de flagornerie à l'égard du Gouvernement, il m'est d'autant plus facile de dire que je partage les propos de MM. les ministres sur l'amendement n° II-19 rectifié présenté par la commission des finances.
Il est vrai que la croissance n'est pas au rendez-vous et que le Gouvernement a visé trop haut, d'où les restrictions budgétaires qui sont proposées par la commission des finances et qui semblent toucher tous les budgets. Car tous sont atteints !
Le décalage entre les intentions proclamées et le budget se trouve amplifié par les amendements successifs déposés par la commission des finances. La santé et la solidarité ne sont pas épargnées : on sera donc allé vraiment jusqu'au bout d'une logique destructrice !
Le premier amendement qui nous a été présenté répartissait les restrictions entre différents chapitres, allant de la sécurité sanitaire à la lutte contre la toxicomanie et contre le sida en passant par les interventions en faveur des droits des femmes. Et puis, finalement, nous nous retrouvons avec un amendement qui réduit toujours des crédits, mais seulement pour les femmes et les toxicomanes !
Mme Odette Terrade. Comme par hasard !
M. Gilbert Chabroux. Mes chers collègues, je vous laisse juges du symbole, de l'emblème. C'est incroyable ! On aura tout entendu ou presque ! (M. Eric Doligé proteste.)
M. Roland Muzeau. Gilbert Chabroux a raison !
M. Gilbert Chabroux. Je vous le redis, c'est incroyable ! Alors, nous ne le supportons pas et nous apprécions que les ministres aient réagi. Nous ne sommes pas d'accord sur le fond - ni sur beaucoup de choses - mais nous sommes au moins d'accord pour que ce ne soient pas les femmes et les toxicomanes qui se retrouvent ainsi les seules victimes des restrictions de crédits ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Eric Doligé. C'est indigne !
M. Gilbert Chabroux. Ce n'est pas la peine de discuter plus longuement, cela suffit ! Il faut voter résolument contre cet amendement pour faire comprendre à ceux qui l'ont présenté qu'ils se comportent d'une manière véritablement scandaleuse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais répondre à M. Chabroux, parce que je ne peux pas laisser accréditer ce type de propos.
Le gouvernement précédent a pratiqué une politique budgétaire qui était une politique d'affichage, puisqu'il ne consommait pas les crédits. (Eh oui ! sur les travées du RPR.)
Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pratique, lui, une politique de sincérité.
Mme Nelly Olin. C'est vrai !
M. Roland Muzeau. Une politique de réduction des crédits, oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est la raison pour laquelle il a tenu à rectifier le projet de loi de finances. Cette décision, sans précédent, accrédite son engagement et son éthique.
Il est trop facile d'inscrire, comme ce fut le cas pendant cinq ans, des crédits qui ne sont pas consommés. Chacun peut ainsi, au lendemain du vote de la loi de finances, faire l'éloge de la progression des crédits. En fait, il s'agit d'une duperie.
Nous, nous voulons agir avec réalisme, en respectant les Français. Et, puisque les ressources ne sont pas au rendez-vous, nous devons en tirer les conséquences. Lorsque, dans une famille, les recettes viennent à baisser, il faut revoir certaines dépenses.
Mme Michelle Demessine. Nous sommes bien d'accord ! Il y a d'autres dépenses que vous pouvez réduire !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans le cas présent, nous nous sommes fondés sur les niveaux d'engagement et sur le montant des crédits effectivement consommés en 2002.
Madame la secrétaire d'Etat, messieurs les ministres, nous attendons que le Gouvernement mette à profit les nouvelles dispositions de la loi organique relative aux lois de finances pour réformer l'Etat. Car c'est bien là le coeur de ce débat : ce qui est en question, c'est notre capacité à réformer l'Etat dont nous avons constaté, malheureusement, les dysfonctionnements multiples, quelle que soit la tendance politique des gouvernements successifs. Ce n'est pas une question de crédits, c'est une question d'attitude, de comportement et de méthode. Telle est la réponse que je voulais apporter aux propos de M. Chabroux.
Enfin, monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quinze minutes.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. J'ai, bien sûr, écouté avec beaucoup d'attention les exposés des membres éminents de la commission des finances qui ont présenté un amendement tendant à réduire les crédits du titre IV. Si je partage totalement leur souci de vérité et d'orthodoxie financière, je conçois également que M. le ministre de la santé ait besoin de crédits pour lui permettre, comme il l'a fort justement expliqué, de faire face à certaines situations d'urgence.
Le médecin que je suis est particulièrement sensible à l'exemple cité tout à l'heure d'une épidémie de méningite cérébro-spinale qui nécessiterait de procéder à des vaccinations d'urgence. Les Françaises et les Français ne comprendraient pas que, pour une simple question budgétaire, on ne puisse faire face à des urgences de ce type.
Comme plusieurs orateurs l'ont dit, nous sommes entrés dans une nouvelle gouvernance et - j'y ai insisté plusieurs reprises - le budget qui nous est présenté est un budget de vérité.
Par ailleurs, nous examinerons dans quelques mois un projet de loi de finances rectificative qui nous permettra de constater l'état des crédits consommés. Nous serons alors mieux à même de juger si, effectivement, il y a lieu d'opérer des réductions de crédits, et dans quel chapitre. Nous nous apercevrons peut-être qu'il est préférable d'opérer des réductions dans tel chapitre, en raison d'une sous-consommation des crédits, plutôt que dans tel autre.
Par conséquent, je souhaite, pour ma part, que nous reportions l'examen de cette suppression des crédits lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative et, comme un certain nombre d'entre nous, particulièrement les membres de la commission des affaires sociales de la Haute Assemblée, je ne voterai pas, à mon grand regret, cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Conformément à la volonté de la majorité sénatoriale de dégager 100 millions d'euros d'économies sur un budget déjà sensiblement réduit, la commission des finances avait envisagé, dans un premier temps, de réduire les crédits d'intervention du budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité de 19,7 millions d'euros, tout en prenant soin de préciser, messieurs, que la coupe proposée portait sur moins de 0,14 % de la dotation du titre IV.
Toutefois, eu égard à la composition de ce budget, dont 70 % des crédits servent au financement des prestations de solidarité, les restrictions s'opéraient principalement sur la part déjà minime des dépenses nécessaires à la conduite de la politique de la santé.
L'agrégat « santé publique, sécurité sanitaire » était le premier visé. Je rappelle qu'il regroupe le financement des agences sanitaires, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, par exemple, et le financement des actions de santé publique.
Dans ces conditions, il aurait été bien difficile, messieurs, de continuer à prétendre que la lutte contre le cancer est votre priorité, que ce budget est un premier pas vers un rééquilibrage nécessaire entre le préventif et le curatif, puisque vous sacrifiez les crédits destinés aux programmes et aux dispositions de santé publique.
Pour éviter de trop gêner le Gouvernement, l'affichage de ces restrictions de crédits n'étant pas très positif, vous avez, messieurs, revu vos prétentions à la baisse ! L'amendement nous arrive donc rectifié. Quel dommage que notre Haute Assemblée s'illustre une nouvelle fois sur deux sujets aussi sensibles ! Manisfestement, la lutte contre la toxicomanie n'est pas votre préoccupation et le budget de la santé, en particulier de la MILDT, initialement en nette diminution, serait donc, une seconde fois, victime de votre appétit d'économies. C'est mépriser les personnes fragiles, malades, les associations, les intervenants sur le terrain, et négliger ce fléau de santé publique.
Avec le chapitre 43-02, une fois de plus, c'est la politique en matière de droit des femmes et d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes qui serait la cible des restrictions budgétaires. La nouvelle réduction proposée, à savoir 4 millions d'euros imputables sur ces deux postes de crédits, reste pour nous inacceptable.
Mes chers collègues, je souhaite que l'interruption de séance vous aura porté conseil et que nous obtiendrons une majorité favorable aux propos du ministre et donc hostile à l'amendement qui nous est proposé par la commission des finances. Pour notre part, si cet amendement est maintenu, nous demanderons un scrutin public pour bien montrer notre opposition à ces coupes claires.
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier, pour explication de vote.
M. Bernard Seillier. Tout à l'heure, en posant une question à Mme la secrétaire d'Etat, je soulignais que, dans toute démarche, il faut trouver le juste équilibre entre la rigueur et la générosité.
Toute situation présente à la fois des avantages et des inconvénients. En l'occurrence, la rigueur présente des avantages et la vérité des chiffres a d'ailleurs été bien défendue, tant par M. le rapporteur que par M. le président de la commission des finances. Mais ces crédits ont par ailleurs une portée symbolique très forte dans la psychologie collective, d'où la nécessité de trouver un équilibre entre ces deux exigences.
A ce stade de la discussion, si je comprends que l'on demande à chaque ministre de faire un effort, je trouve prématuré d'appliquer la même mesure à tous les budgets, car ils n'ont pas la même portée symbolique et ne relèvent pas des mêmes exigences politiques ou sociales.
Par conséquent, tout en regrettant de rompre la cohésion des membres de la commission des finances et de ne pas être solidaire de leur position, en conscience, je ne peux pas voter cet amendement. Il faut, selon moi, d'autant plus réfléchir à cette question que nos commissions n'ont pu l'examiner, en particulier la commission des affaires sociales, qui est particulièrement concernée sur ce sujet.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-19 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 59:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 306
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 191
Contre 115

Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 31 215 000 euros ;

« Crédits de paiement : 12 385 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 71 027 000 euros ;
« Crédits de paiement : 16 678 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 69, 76 et 78 qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à la santé, à la famille, aux personnes handicapées et à la solidarité, ainsi que, en accord avec la commission des finances, l'amendement n° II-14 tendant à insérer un article additionnel après l'article 78.

Article 69

M. le président. L'article 69 a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 76



M. le président.
« Art. 76. - Avant l'article 1635 bis du code général des impôts, l'intitulé de la section 4 est ainsi rédigé : "Taxes perçues au profit de l'Office des migrations internationales" et il est inséré un article 1635-0 bis ainsi rédigé :
« Art. 1635-0 bis. - Il est institué, au profit de l'Office des migrations internationales, une taxe perçue à l'occasion de la délivrance du premier titre de séjour figurant parmi ceux mentionnés à l'article 9 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Le versement de la taxe conditionne la délivrance de ce titre de séjour.
« Le montant de cette taxe est fixé par décret dans des limites comprises entre 160 EUR et 220 EUR. Ces limites sont respectivement portées à 55 EUR et 70 EUR pour les étrangers auxquels est délivrée une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant".
« Cette taxe est acquittée au moyen de timbres mobiles d'un modèle spécial à l'Office des migrations internationales.
« Ces dispositions ne sont pas applicables aux étrangers qui sollicitent un titre de séjour au titre des 1°, 9°, 10°, et 11° de l'article 12 bis, de l'article 12 ter et des 4°, 5°, 6°, 7°, 8°, 9°, 10° et 11° de l'article 15 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, non plus qu'aux étrangers relevant de l'article L. 341-2 du code du travail. » - (Adopté.)

Article 78

M. le président. « Art. 78. - I. - A. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 861-5 du code de la sécurité sociale, les mots : ", dès le" sont remplacés par les mots : "au premier jour du mois de".
« B. - La dernière phrase de l'article L. 861-6 du même code est ainsi rédigée :
« Sous réserve des dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 861-5, elle prend effet au premier jour du mois qui suit la date de la décision de l'autorité administrative prévue au troisième alinéa de l'article L. 861-5. »
« C. - Dans la première phrase de l'article L. 861-8 du même code, les mots : "à la date de la décision" sont remplacés par les mots : ", sous réserve des dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 861-5, au premier jour du mois qui suit la date de la décision".
« II. - Après la première phrase du premier alinéa de l'article L. 861-1 du même code, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Cette révision prend effet chaque année au 1er juillet. Elle tient compte de l'évolution prévisible des prix de l'année civile en cours, le cas échéant corrigée de la différence entre le taux d'évolution retenu pour fixer le plafond de l'année précédente et le taux d'évolution des prix de cette même année. »
« III. - Dans le III de l'article L. 862-4 du même code, le montant : "57" est remplacé par le montant : "70,75".
« IV. - A. - L'article L. 861-9 du même code est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase, après le mot : "nécessaires", sont insérés les mots : "à l'administration des impôts, aux organismes de sécurité sociale et" ;
« 2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les personnels des organismes sont tenus au secret quant aux informations qui leur sont communiquées. »
« B. - Au premier alinéa de l'article L. 152 du livre des procédures fiscales, après les mots : "obligatoire de sécurité sociale", sont insérés les mots : ", de l'attribution de la protection complémentaire en matière de santé visée à l'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale".
« V. - Les dispositions du III entrent en vigueur pour la contribution visée à l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale versée au titre du premier trimestre 2003. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 78



M. le président.
L'amendement n° II-14, présenté par MM. Bailly, Barbier et P. Blanc, est ainsi libellé :
« Après l'article 78, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La première phrase du premier alinéa de l'article L. 5211-5-2 du code de la santé publique est complété in fine par les mots : ", à l'exception des dispositifs de lunetterie".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement concerne la taxe annuelle sur les dispositifs médicaux, qui a été instituée par la loi de finances de 2001 pour financer l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS. Un problème se pose s'agissant des produits d'optique.
Cette taxe a un impact considérable sur les industriels concernés, tout en ne représentant qu'une part infime des recettes de l'Etat, puisque son montant total pour le secteur de la lunetterie s'est élevé, en 2002, à 600 000 euros.
Compte tenu des difficultés que rencontre cette activité à l'heure actuelle, plus particulièrement dans le département dont j'ai l'honneur d'être l'élu, le Jura, où il s'agit d'une industrie traditionnelle, il est proposé d'exempter de cette taxe les produits d'optique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. La commission n'a pas été saisie de cet amendement et elle ne peut donc pas émettre un avis.
Comme l'a expliqué notre collègue, les mesures proposées tendent à exclure les dispositifs de lunetterie du champ de perception de la taxe annuelle sur les dispositifs médicaux, notamment pour des raisons d'ordre économique.
Nous comprenons bien les motifs qui poussent nos collègues à déposer cet amendement, mais nous souhaiterions connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Je suis bien conscient que le secteur de la lunetterie a traversé, en 2001, une année de faible croissance - 1,2 % - et je me réjouis de la progression de son activité au premier semestre de 2002.
Je suis informé des questions soulevées par le Groupement des industries françaises de l'optique, le GIFO, en ce qui concerne l'application de la taxe sur les dispositifs médicaux. En effet, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a répondu à un certain nombre d'interrogations de cet organisme.
Cela étant, cette taxe, proportionnelle au chiffre d'affaires des entreprises du secteur, est égalitaire. La contribution du secteur de la lunetterie - plus de 10 % - est importante. Sa suppression entraînerait une perte de recettes notable pour l'AFSSAPS, dont les missions - faut-il vous le rappeler ? - sont aussi essentielles que l'expertise, le contrôle ou l'information sanitaire au service de la population.
C'est pourquoi, monsieur le sénateur, le Gouvernement vous serait reconnaissant de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Barbier ?
M. Gilbert Barbier. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse. Cet après-midi, nous avons discuté très longuement du fait que l'ensemble des crédits de l'AFSSAPS de 2002 n'étaient pas entièrement consommés. Une réduction a donc été opérée sur l'enveloppe budgétaire pour 2003 de cette agence. Dès lors, je pensais qu'il serait possible que cette réduction compense la partie des recettes qui seraient supprimées par cette mesure d'exclusion de la taxe des dispositifs de lunetterie.
Je souhaite simplement, monsieur le ministre, que puisse être étudiée, peut-être avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la possibilité de soutenir cette industrie traditionnelle artisanale. Je m'adresserai à votre collègue M. Mer pour essayer d'obtenir que l'on maintienne ce type d'activité dans certaines régions rurales qui sont particulièrement touchées.
Par conséquent, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-14 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la santé, la famille, les personnes handicapées et la solidarité.

III. - VILLE ET RÉNOVATION URBAINE

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la solidarité : III. - Ville et rénovation urbaine.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Eric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, au cours de cette brève intervention, vous présenter les principales observations qui m'ont été inspirées par le budget de la ville pour l'année 2003. S'agissant de la présentation exhaustive de ces crédits, je vous demanderai de vous reporter à mon rapport écrit, qui comporte, me semble-t-il, de nombreuses informations fort intéressantes.
Succinctement, j'indiquerai que le budget de la ville proposé pour 2003 s'élève à 371 millions d'euros contre 369 millions d'euros en 2002, ce qui représente une croissance extrêmement faible de 0,6 %, inférieure aux prévisions d'inflation.
Afin de fixer les idées, je rappellerai que, si l'on en croit le « jaune », l'ensemble des dépenses de l'Etat relatives à la politique de la ville s'élèverait à plus de 3 milliards d'euros, et l'ensemble des dépenses publiques concernant cette même politique à environ 6 milliards d'euros. Au total, le budget de la ville ne correspondrait donc qu'à environ 6 % des dépenses consacrées à la ville.
S'agissant du jugement qu'il convient de porter sur ce projet de budget, il me semble nécessaire de distinguer deux points.
Le premier concerne la méthodologie suivie pour l'élaboration de ce budget.
Le budget de la ville est, comme je viens de le dire, quasiment stable par rapport à celui de l'année dernière, puisque ses crédits n'augmentent que de 0,6 % en valeur. En revanche - et cela est intéressant et novateur - les crédits destinés aux dépenses en capital passeraient de 63 millions d'euros à 97 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de 53 %.
Votre objectif, monsieur le ministre, a été de rendre les dépenses plus efficaces en les réorientant vers le renouvellement urbain, conformément à la politique annoncée.
Cette augmentation a, bien entendu, rendu nécessaire la diminution des crédits jugés moins utiles, c'est-à-dire essentiellement les interventions publiques. On ne peut, me semble-t-il, que se louer de cette volonté de réorienter les crédits vers des dépenses plus efficaces, à enveloppe globale inchangée.
Dans le cadre de la politique de maîtrise de la dépense définie par le président et le rapporteur général de la commission des finances - nous venons d'ailleurs d'avoir une longue discussion à ce sujet sur le budget précédent - j'ai déposé un amendement, qu'ils ont cosigné, tendant à aller encore un peu plus loin dans la rigueur budgétaire, puisqu'il prévoit de réduire les crédits destinés aux interventions publiques de 1 million d'euros, ainsi que je vous l'exposerai tout à l'heure.
Il me semble cependant nécessaire - il s'agit du second point à distinguer - de nuancer l'appréciation positive portée sur ce budget.
L'augmentation des crédits destinés aux dépenses en capital n'implique pas, à elle seule, que les dépenses correspondantes augmenteront en conséquence.
En effet, depuis 1994, le taux de consommation des crédits des titres V et VI a généralement été inférieur à 50 %. Si, jusqu'à présent, le ministère de la ville n'a pas été en mesure de mobiliser ses crédits, on peut se demander s'il saura mieux faire en 2003. Nous devons, dans l'intérêt général, le souhaiter et l'y aider.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, vous poser une première question : quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre afin d'accroître le taux de consommation de vos crédits d'investissement et de vos subventions d'investissement par rapport à celui de vos prédécesseurs ?
Je dirai, à titre personnel, que cela me semble possible et relativement facile compte tenu de la faible consommation des crédits que nous avons constatée les années précédentes.
J'en viens maintenant à des observations plus générales concernant la politique de la ville.
Je souhaite, en premier lieu, souligner la volonté du Gouvernement de donner un nouvel élan à la politique de la ville.
Cette volonté se traduit, d'abord, sur le plan budgétaire. Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer, le présent projet de budget traduit une volonté politique forte, puisqu'il réoriente une partie importante des crédits d'intervention vers les subventions d'investissement.
Ensuite, je vous rappelle, mes chers collègues, que l'essentiel des moyens de la politique du logement se trouve au ministère de l'équipement, puisque si le présent projet de budget prévoit de consacrer près de 80 millions d'euros aux grands projets et au renouvellement urbain, les crédits équivalents du ministère de l'équipement sont évalués à 250 millions d'euros. Il est donc envisagé de donner au ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine une certaine maîtrise de ces moyens, ce qui me paraîtrait logique.
Il dispose d'ores et déjà, depuis un décret du 12 juillet 2002, du pouvoir de signer certains actes à la place du ministre de l'équipement et de l'autorité conjointe, avec le ministre de l'équipement, sur certains services du ministère.
Surtout, il est envisagé de lui donner un pouvoir d'engager les 250 millions d'euros du budget de l'équipement relatifs à la rénovation urbaine, selon des modalités qui restent à déterminer. On a pu évoquer, notamment, la création d'une ligne sur le budget de la ville et de la rénovation urbaine, destinée à recevoir des transferts de crédits en provenance du ministère de l'équipement, ce que nous souhaitons.
Ensuite, si l'on en croit le « jaune », l'ensemble des concours publics consacrés à la politique de la ville devrait diminuer de plus de 200 millions d'euros en 2003.
Cela provient d'un double phénomène : premièrement, la sortie des dispositifs de zones franches urbaines, en tout cas en l'état actuel du droit, et d'emplois-jeunes ; deuxièmement, l'augmentation du taux du prêt de la Caisse des dépôts et consignations destiné à financer les opérations de renouvellement urbain et le prêt de renouvellement urbain, le PRU. En effet, l'« équivalent subvention » des prêts de la Caisse des dépôts et consignations en faveur du logement est assimilé au coût net qu'ils représentent pour celle-ci : si l'on augmente le taux, ce coût net diminue, donc l'équivalent subvention diminue également.
Au total, si le budget de la ville pour 2003 semble un bon budget, on peut néanmoins s'inquiéter, d'abord de ses perspectives d'exécution, ensuite d'une tendance générale à la diminution des crédits concourant à la politique de la ville.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des indications à ce sujet, ainsi que sur les relations que votre ministère entretient avec celui de l'équipement, lesquelles sont, bien entendu, amicales, chaleureuses et bonnes ? (Sourires). Mais encore faut-il que cela se traduise sur le plan budgétaire !
Ces moyens accrus doivent permettre la réalisation d'importantes réformes.
A cet égard, je souhaiterais savoir où en sont les réformes de la politique du logement, d'une part, des zones franches urbaines, d'autre part.
Pour avoir eu quelques discussions, encore récemment, avec des présidents d'organismes de logement social, j'ai pu constater qu'il existait beaucoup de freins à la réalisation des programmes.
Enfin, je ne peux achever cet exposé sans rappeler que la politique de la ville fait l'objet de nombreuses critiques. On lui reproche, notamment, l'insuffisance de l'évaluation et la complexité des procédures. Ces difficultés ont été récemment soulignées par un rapport public particulier de la Cour des comptes consacré à la politique de la ville.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, vous poser une dernière question : comment comptez-vous prendre en compte les observations figurant dans ce rapport ?
En conclusion, je vous rappelle, mes chers collègues, qu'en raison notamment de la volonté manifestée par le ministre de permettre une plus grande efficacité de la dépense publique à crédits totaux inchangés la commission des finances vous recommande d'adopter le budget de la ville et de la rénovation urbaine. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principaux traits du budget de la politique de la ville ayant été présentés par M. Eric Doligé et Mme Nelly Olin devant traiter les affaires sociales, je limiterai mon propos à trois points particuliers : les contrats de ville, la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et les zones franches urbaines.
Permettez-moi, monsieur le ministre, avant d'aborder ces sujets, de vous dire combien nous apprécions votre démarche dynamique et lucide, franche et réaliste, au regard de l'enjeu essentiel pour la France d'une politique de la ville qui concerne, pratiquement, la vie quotidienne de 80 % des Français.
A plusieurs reprises, vous avez affirmé, à juste titre, que la réussite de cette politique n'était pas seulement un problème financier. La sous-consommation de crédits qui a été évoquée tout à l'heure en est la démonstration.
Il est toutefois difficile de parler de réussite de cette politique. Au cours des dernières années, nous avons en effet assisté à une forte détérioration de la situation, notamment dans les quartiers les plus en difficulté. Ce phénomène provient, entre autres, de la complexité et de la lourdeur administrative des mécanismes mis en place pour aider les maires, les élus ou les présidents d'association.
En ce qui concerne les contrats de ville, la participation financière des communes s'élève à 715 millions d'euros, celle des régions s'établit à 115 millions d'euros et celle des départements atteint 120 millions d'euros, soit près de 1 milliard d'euros, monsieur le ministre, c'est-à-dire 2,5 fois le montant de votre budget.
Or, sur le terrain, le maire que vous avez été, le maire que je suis, les maires membres de la commission des affaires économiques, les maires des 247 communes éligibles au contrat de ville, mais aussi quasiment l'ensemble des présidents d'association, tous nous exprimons notre forte déception d'un concept qui génère lenteur, découragement, souci financier, retard d'investissements, multiplication inutile de réunions, dont le coût est parfois supérieur au montant des subventions distribuées.
Nous vous suggérons, monsieur le ministre, de lancer rapidement une évaluation de cette politique, et, sans attendre les résultats, de prendre toutes les mesures permettant de parvenir enfin à une gestion réaliste et souple des crédits de la ville.
Lors du débat relatif au budget des collectivités locales, avec mes deux collègues rapporteurs, Eric Doligé et Nelly Olin, et avec Jean-Claude Gaudin, nous avons déposé un amendement visant à renforcer l'effet péréquateur de la dotation de solidarité urbaine. Nous considérons, en effet, que cette dotation ne répond pas ou répond mal au besoin de discrimination positive en faveur des villes ayant les quartiers les plus en difficulté.
Je pense que le Gouvernement nous a entendus et compris, faute de nous avoir suivis. Mais nous serons vigilants et nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour faire avancer notre proposition lors des réformes à venir.
Je traiterai maintenant des zones franches urbaines.
La rénovation urbaine, la sécurité, l'éducation, l'intégration sont des points de passage obligés de la politique de la ville. L'économie et l'emploi sont aussi des gages de réussite. C'est pourquoi la commission des affaires économiques, et plus particulièrement son président, Gérard Larcher, se sont investis pour faire avancer cette idée qu'il ne faut pas laisser à l'abandon économique les quartiers les plus défavorisés.
C'est pourquoi nous comptons sur votre pugnacité et sur votre volonté farouche de réussir, ainsi que sur celles du Président de la République et du Premier ministre, pour remettre en place les zones franches urbaines, qui ont fait leurs preuves en tant qu'instruments essentiels valorisant l'initiative individuelle et l'intégration par le travail : 12 000 entreprises et 60 000 emplois créés en cinq ans, ce n'est pas rien ! Peu de dispositifs ont été aussi compétitifs.
La commission des affaires économiques, vous l'avez compris, monsieur le ministre, a émis un avis favorable à l'adoption de votre budget. Elle a également émis le souhait d'être étroitement informée et associée à l'action de la politique de la ville, notamment pour l'élaboration du nouveau régime applicable aux zones franches urbaines.
Nous savons, monsieur le ministre, que nous pouvons compter sur vous. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis.
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en février dernier, la Cour des comptes a dressé un bilan décevant des résultats et des modes d'action de la politique de la ville. Ce rapport confirme qu'un changement en profondeur est indispensable, d'autant que s'amplifient les problèmes auxquels sont confrontées aujourd'hui les villes en difficulté - et je peux dire que je connais bien le sujet.
Le projet de budget pour 2003 est le premier de la législature ; il comporte à ce titre des orientations fortes qui annoncent le déploiement d'une nouvelle politique.
Il présente également le caractère d'un budget de transition, d'abord parce que tout ne peut être remis à plat en quelques semaines ; ensuite parce que l'exercice 2003 s'inscrit nécessairement dans la perspective de la prochaine loi de programmation et d'orientation que vous avez annoncée, monsieur le ministre, et qui donnera à la politique de la ville, en l'associant à celle du logement social, les moyens de son ambition.
La commission des affaires sociales a considéré que le présent projet de budget était bon, car il a été élaboré dans un souci d'efficacité, cette efficacité dont nous avons besoin dans nos villes.
Il est efficace pour trois raisons.
Tout d'abord, il comporte un fort rattrapage des crédits de paiement, qui progressent de 54 %. Le Gouvernement se donne enfin les moyens d'agir concrètement. Dans un contexte budgétaire contraignant, les dispositifs mis en place pourront fonctionner de manière satisfaisante.
Ensuite, au vu de leur succès sur le terrain, les grands projets de ville et les opérations de renouvellement urbain sont mis à l'honneur avec une importante augmentation des crédits qui leur sont alloués. Cette dernière évolution est particulièrement bien venue pour les communes en difficulté, qui ont souvent du mal à assumer les frais de fonctionnement de ce dispositif.
Enfin, le projet de budget prévoit la réforme du fonds de revitalisation économique, attendue depuis longtemps. Peu utilisé, car trop complexe à mettre en oeuvre, ce fonds voit en effet sa section d'investissement intégrée, dans un souci de simplification, au fonds d'intervention pour la ville et sa section de fonctionnement dotée d'un budget plus raisonnable.
Naturellement, quelques points doivent encore être améliorés. Il est, en effet, fondamental de développer plus avant la présence de l'Etat dans les quartiers. Nous le souhaitons tous, même si elle est très difficile à réaliser. Cependant, monsieur le ministre, nous faisons confiance à votre pugnacité pour y parvenir.
Nous pouvons regretter également que les opérations « ville-vie-vacances », qui ont pourtant pour objet de prévenir la délinquance, ne voient pas leurs crédits augmenter. Peut être n'ont-ils pas tous été consommés ?
En outre, comme je l'avais souligné l'année dernière, la simplification des procédures et des dispositifs mis en oeuvre par la politique de la ville s'avère de plus en plus indispensable aux communes et aux associations, afin qu'elles puissent mener leurs actions dans de bonnes conditions administratives et financières.
Par ailleurs, compte tenu des reproches justifiés de la Cour des comptes, comme l'ont souligné MM. Doligé et André - auxquels j'adresse mes félicitations pour leurs excellents rapports -, la mise en place d'un dispositif performant d'évaluation des actions menées aux niveaux national et local ne peut plus être éludée. Le développement d'une évaluation efficace et régulière est, aux yeux de la commission des affaires sociales, une condition indispensable au bon fonctionnement de la politique de la ville.
Comme l'a dit mon collègue Pierre André, il y a lieu d'améliorer le système de la dotation de solidarité urbaine pour l'orienter en faveur des villes les plus en difficulté en renforçant ses effets péréquateurs et en modifiant son mode de calcul. Ce dernier pourrait prendre en compte non seulement les logements faisant l'objet d'un plan de sauvegarde ou d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat, mais également ceux qui relèvent du 1 % patronal situés à l'intérieur des zones urbaines sensibles.
Cette vaste question n'a toutefois pas vocation à être résolue immédiatement, nous en sommes convaincus.
Au-delà de l'analyse des crédits, je souhaite à mon tour insister sur l'urgente nécessité de reconduire le dispositif des zones franches urbaines pour permettre une réelle relance économique des zones concernées.
L'efficacité des zones franches a fait a contrario ressortir l'inefficacité des autres dispositifs de la politique de la ville. Je ne m'attarderai pas sur cette question, à laquelle mon ami rapporteur de la commission des affaires économiques a consacré de longs développements.
Il est pourtant urgent de démultiplier l'effort considérable des pouvoirs publics en favorisant l'initiative privée. L'effet de levier de la politique de la ville doit être largement amplifié pour faire face aux enjeux premiers que constituent l'activité économique et l'emploi dans les quartiers en difficulté.
Il existe des freins et des obstacles de toutes natures, réglementaires mais aussi idéologiques. Il convient de s'y attaquer avec détermination pour que l'initiative privée accompagne plus fortement celle des acteurs publics et la prolonge durablement.
Enfin, monsieur le ministre, il m'a semblé opportun d'attirer cette année votre attention sur les métiers de la ville, système complexe et lacunaire qui répond à de vrais besoins, mais qui doit être réformé en profondeur. Les métiers de la ville, rouage indispensable au bon fonctionnement de la politique de la ville, apparaissent souvent comme une vaste nébuleuse.
Sans nier l'utilité de certaines missions proposées dans le cadre de la politique de la ville, il apparaît toutefois que la mutiplicité des statuts, le manque de formation de certains personnels et l'insuffisante précision des missions nuisent à la qualité des services et ouvrent la voie à toutes les dérives.
Il faut aujourd'hui mettre en place des filières scolaires et universitaires spécifiques au sein de l'éducation nationale afin d'identifier un vivier de compétences et d'offrir à ces professions une véritable mobilité professionnelle.
Par ailleurs, sans qu'elle devienne un droit, la voie de l'intégration dans la fonction publique doit voir ses règles clarifiées par l'organisation de préparations à certains concours pour les jeunes travaillant dans le domaine de la ville, par exemple.
Enfin, il faut aujourd'hui redonner une place aux emplois du secteur privé dans la politique de la ville, mais également revaloriser les métiers existants dans les quartiers, ceux de l'éducation nationale ou de la police, par exemple.
Comme vous le constatez, les réformes qu'il convient d'engager sont multiples, elles doivent concerner notamment les structures qui se superposent et qui génèrent des frais de fonctionnement considérables.
Une même ville peut être intégrée à un contrat de ville, à un grand projet de ville, un GPV, à un GPV objectif 2, voire, dans certaines parties du territoire, à un établissement public d'aménagement tel que celui de la mission Plaine de France. A force de diversifier ou d'élargir le champ d'action de ces structures, plus personne ne s'y retrouve et nous prenons le risque de passer à côté de certains financements ou d'importantes opérations.
Une réflexion doit nous conduire à définir un tronc commun et des branches, afin que nous sachions vraiment à quel niveau nous raccrocher.
Vous avez eu le mérite, monsieur le ministre, de débloquer rapidement une situation délicate au moment où vous avez pris vos fonctions au ministère de la ville, puisque - ce n'est un secret pour personne - vous avez été frappé de plein fouet par le « gel républicain ». L'expression m'avait, je l'avoue, fait sourire, car je savais qu'elle cachait tout simplement l'absence de finances. Cette situation a profondément perturbé les élus, mais aussi le fonctionnement de la politique de la ville.
Vous avez compris, monsieur le ministre, que nous attendons beaucoup de vous. Nous savons que nous pouvons vous le demander, car vous connaissez votre métier, celui de la ville. Vous pouvez compter sur notre soutien.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2003. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année dernière, le débat sur la politique de la ville avait constitué mon « baptême du feu » de jeune parlementaire. Le changement politique intervenu au printemps a mis à la tête du ministère de la ville un élu parfaitement au fait de toute la problématique de la ville et qui en a dénoncé avec justesse les limites et les imperfections. C'est pourquoi, au-delà de la proximité géographique qui nous relie, permettez-moi, monsieur le ministre, de fonder beaucoup d'espoir sur la nouvelle manière dont vous souhaitez appréhender la politique de la ville.
Pour ce premier budget de la nouvelle législature, vous avez choisi un axe central, le logement, en partant du principe que « la détérioration de l'habitat constitue un appel d'air pour l'accumulation des handicaps ». Ce choix, qui a pu paraître à certains trop simpliste ou abrupt, me semble pourtant judicieux. Car il faut bien que l'édifice « politique de la ville » repose sur des fondations solides. Des murs et un toit ne viendront pas à bout de toutes les difficultés de nos quartiers, mais les solutions ne peuvent se construire qu'à partir de là.
Je vous rejoins entièrement sur ce constat et je me réjouis de l'annonce, lors du conseil des ministres du 30 octobre dernier, d'une loi de programmation et d'orientation pour la ville et la rénovation urbaine, qui repose sur la logique de projet et l'instauration d'un guichet unique.
En mobilisant tous les financements disponibles, c'est un total de 30 milliards d'euros de travaux qui doivent permettre de construire, détruire et réhabiliter quelque 600 000 logements sociaux dans les quartiers les plus en difficulté. Si l'objectif est tenu, ce sera, à n'en pas douter, le moyen d'améliorer très sensiblement le quotidien de milliers d'habitants.
Pour atteindre ce but, je voudrais, monsieur le ministre, insister sur les trois préalables qui me paraissent devoir impérativement être pris en compte pour que ce nouvel élan ne tombe pas dans les mêmes travers et les mêmes échecs que les programmes précédents. Une politique du logement dans les quartiers sensibles repose en effet sur un triptyque : retraiter le bâti, assurer une véritable gestion urbaine de proximité, recomposer la « dynamique habitant ». Sans l'une de ces trois composantes, l'ensemble devient bancal et susceptible de s'effondrer à nouveau.
Le premier point, qui me paraît tout à fait essentiel, concerne les modalités de financement des programmes de rénovation urbaine. Il sera nécessaire, tout d'abord, de prévoir l'apurement des investissements plus anciens. En effet, si l'on souhaite que les organismes d'HLM et les collectivités s'investissent dans de nouvelles opérations, en particulier dans le cadre d'opérations de démolition-reconstruction, il faut tenir compte du fait que, bien souvent, les programmes immobiliers que l'on va choisir demain de reconstruire ont déjà fait l'objet de réhabilitations à une époque, pas si lointaine, où l'Etat préconisait le choix de telles opérations. Nombre d'organismes et de collectivités locales en supportent encore les charges d'emprunt, alors qu'elles n'ont pas réussi à compenser la qualité médiocre de la construction d'origine. Ces ensembles devront, pour finir, être démolis afin de faire place à des logements répondant aux normes actuelles de sécurité et de confort, mieux adaptés à des populations qui n'ont jamais trouvé leurs marques dans l'habitat vertical.
Si ces charges financières préexistantes ne peuvent être prises en compte, bon nombre de nouveaux programmes risquent d'être compromis du fait d'une contrainte trop lourde pour les bailleurs. Cette question, monsieur le ministre, est à mon sens tout à fait centrale pour assurer une réelle mixité sociale. L'Etat pourra-t-il s'engager sur des surfinancements particuliers pour y remédier, spécialement sur les territoires éligibles aux GPV ?
Le deuxième élément déterminant est, selon moi, celui de la gestion urbaine de proximité. Après avoir démoli, reconstruit, réhabilité, il faut assurer un entretien convenable de ces nouveaux espaces, les maintenir en état et prévenir les dégradations. Le succès d'un grand programme de rénovation urbaine est indissociable d'un effort en matière de gestion urbaine de proximité.
Le maintien des populations passe nécessairement par le maintien en état du quartier qu'elles habitent. L'entretien des espaces publics autour des immeubles, des parties communes, des ascenseurs et des cages d'escalier fait partie intégrante de la gestion de la mixité sociale. Si l'on veut conserver une certaine diversité sociale, il faut aussi que les logements proposés soient entretenus, repeints et qu'ils répondent à des normes de confort acceptables.
L'effort doit être conséquent dans ce domaine, afin de réduire le taux de logements sociaux vacants dans les quartiers sensibles. Comment, en effet, accepter que ce taux atteigne 6 %, alors que les listes de demandes ne cessent de s'allonger ?
Tout un travail est à entreprendre sur cet aspect de la gestion locative. De nombreux bailleurs se sont engagés dans cette voie, en partenariat avec les collectivités locales et les associations de locataires. Ce suivi s'inscrit davantage dans la durée, mais il n'en est que plus essentiel. Des boîtes à lettres saccagées, des cages d'escalier brûlées, des caves trop visitées... et la fuite des habitants se met en marche. Aussi, porter une attention particulière à cette question est un gage de réussite à long terme.
La troisième étape, tout aussi essentielle que les deux précédentes, est ce que j'appellerai la recomposition de la dynamique du quartier. Donner des logements neufs sans redonner à leurs occupants le sens d'une appropriation de ces lieux ne résoud rien. Un habitant d'un quartier difficile, lui-même en état de grande précarité, vit dans l'instant. Son temps n'est pas à l'échelle de celui de la politique de la ville, où l'on raisonne en programmes s'étalant sur plusieurs années.
Pour pallier ce décalage et associer les habitants aux changements de leur quartier, il faut pouvoir disposer d'outils souples et réactifs d'accompagnement social qui favorisent l'émergence de projets initiés par les occupants de chaque quartier. Que ce soit une fête de quartier, une animation proposée par un groupe d'adolescents, le déplacement d'un abribus ou l'installation d'un toboggan, il s'agit, à chaque fois, de recréer du lien social et de reconstituer un tissu associatif indispensable à une vie en société.
De nombreuses communes de la région Nord - Pas-de-Calais ont expérimenté deux dispositifs souples et complémentaires des logiques de programmation annuelle plus longues et contraignantes ; il s'agit du fonds de participation des habitants et du fonds de travaux urbains. Nous constatons à Valenciennes, avec quelques années de recul, tout le bénéfice que nous avons pu retirer de l'utilisation de ces mécanismes. Une fois la confiance des habitants regagnée, il est possible de les sensibiliser à de véritables opérations d'urbanisme et de les amener, par exemple, à participer activement à des ateliers de travaux urbains. Il me semble que ce type de démarche mériterait d'être généralisé à l'ensemble du territoire.
Tels sont, me semble-t-il, les quelques préalables qui doivent accompagner une intervention massive sur le logement qui soit pérenne et adaptée.
Je n'ai pas évoqué l'environnement économique, qui est également nécessaire en complément de l'action sur le logement. Notre rapporteur pour avis, Mme Olin, a très justement insisté sur l'importance d'un développement économique harmonieux, notamment par la relance des zones franches urbaines. Je ne peux que m'associer aux observations très pertinentes qu'elle a formulées à ce sujet et souhaiter que l'on réfléchisse, pour l'avenir, après l'échec relatif du fonds de revitalisation économique, à d'autres moyens de relancer l'activité commerciale et artisanale de proximité dans les quartiers sensibles.
Pour conclure, permettez-moi d'insister sur le fait que les projets, si bons soient-ils, ne peuvent exister que par la capacité des communes à accompagner leur mise en oeuvre et à assurer leur cofinancement. Or, souvent, les communes qui sont durement touchées par la pauvreté et l'exclusion ont une capacité financière limitée. J'ai déjà eu l'occasion de le dire à cette tribune, mais je voudrais y insister : les communes ne pourront jamais optimiser les moyens mis à leur disposition dans le cadre des GPV sans une augmentation de leurs ressources propres leur permettant d'assurer les cofinancements obligatoires. Il leur faut une aide financière qui fasse réellement levier.
Dans ces conditions, il faut que la fiscalité locale vienne en aide à ces communes de façon beaucoup plus efficace, notamment en revoyant les mécanismes d'attribution de la dotation de solidarité urbaine et en faisant de cette dotation un réel instrument de péréquation au profit des quartiers en difficulté des communes les plus pauvres.
Sur ces sujets complexes, dont vous mesurez pleinement tous les enjeux, je sais, monsieur le ministre, combien vous êtes proche des réalités des quartiers et je ne doute pas de votre volonté de mener à bien une action forte et cohérente, prenant en considération toutes les facettes, si diverses, de la politique de la ville. Voilà pourquoi notre groupe votera votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la ville et la rénovation urbaine, la parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut bien le reconnaître, malgré la générosité des propos, le pragmatisme et le volontarisme des différents ministres délégués, quelle que soit la couleur politique des gouvernements, le constat est cinglant : les politiques de la ville ont été impuissantes à endiguer le développement des emplois précaires et la paupérisation des quartiers populaires, cibles privilégiées, pourtant, de l'action des pouvoirs publics.
Un taux de chômage deux fois plus élevé que pour l'ensemble du pays, une proportion de chômeurs de moins de vingt-cinq ans frôlant les 50 %, une aggravation des phénomènes de ségrégation territoriale : tous ces éléments composent un mélange particulièrement explosif et appellent de façon urgente un changement d'échelle et le choix d'une politique beaucoup plus ambitieuse, avec des moyens humains et financiers exceptionnels pour tous les secteurs concernés.
Les villes riches repoussent toujours davantage, d'année en année, les ménages modestes hors de leurs coeurs. La remise en cause de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dits loi SRU, va amplifier ce phénomène, tandis que les familles les plus défavorisées sont reléguées dans quelques communes où le chômage est au plus haut. C'est cela, l'apartheid sparial et social. Monsieur le ministre, votre silence sur la remise en question de la loi SRU n'incite pas à l'optimisme.
Face à cette situation, l'effort de l'Etat en faveur de la ville, tous ministères confondus, diminue de 3 % après des années de forte progression !...
Monsieur le ministre, depuis des mois, vos propos concernent exclusivement les problèmes de logement. Or, à ceux-ci ne se résument pas toutes les difficultés.
La construction et la réhabilitation de logements sociaux, la destruction de logements « indignes » sont indispensables, mais cela ne peut suffire à prendre à bras-le-corps le problème de la dégradation des conditions de vie dans les quartiers dits « sociaux » ou « sensibles », ni à faire « une politique ambitieuse pour la ville ».
L'égalité des citoyens devant le droit à des conditions de vie dignes de notre époque, devant le droit à la ville n'est pas respectée.
Attention en outre à ne pas se leurrer avec de fausses bonnes solutions : ce n'est pas le béton qui est criminogène, ce ne sont pas les formes urbaines qui sont à l'origine de la violence. On commente toujours la violence explicite des cités, mais l'on évoque rarement la violence implicite, à la périphérie des villes, des nouvelles zones pavillonnaires, avec leurs conflits de clôtures, la hantise des traites du pavillon, de la voiture et de la machine à laver. « Ils croient acquérir un coin de paradis, ils achètent aussi l'enfer à crédit », disait, à juste titre, un ancien ministre, Roger Quilliot.
Tous les « centrifugés » de la grande agglomération, qui croient avoir la force individuelle d'échapper aux contraintes de la vie collective, sont rattrapés par l'inquiétude économique, sont confrontés aux difficultés de transport, aux problèmes des adolescents qui veulent retourner en ville, car, à leurs yeux, là est leur avenir. Ils s'estiment floués !
Les « assignés à résidence » des quartiers dits sensibles savent bien que les chances de la ville - l'éducation, le travail et la culture - ne leur sont pas offertes. C'est dans l'infini des offres de la ville que ceux qui en sont rejetés ressentent le plus violemment la discrimination dont ils sont l'objet.
D'où une question incontournable : que comptez-vous faire, monsieur le ministre, contre la ségrégation à l'embauche, par exemple, d'autant plus féroce que l'on est issu de l'immigration, Français ou étranger, et que l'on a pour adresse l'un de ces quartiers montrés du doigt ?
On relèvera que les réductions de dépenses au titre IV affectent singulièrement l'ensemble des financements destinés au développement économique des quartiers. La commission des finances considère qu'il faut réduire davantage encore ces dépenses : c'est l'objet d'un amendement que nous examinerons ultérieurement.
Cette démarche va de pair avec la réduction de certains crédits du budget du travail destinés aux publics rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle.
Comment peut-on évoquer l'ordre républicain, quand les mêmes chances en matière d'emploi et de culture, la même qualité en matière d'écoles, de transports, d'hôpitaux, de services publics ou de parcs ne sont pas offertes aux gens modestes comme aux riches ?
Alors, que faire ? Un récent rapport de la Cour des comptes sur les politiques de la ville nous livre un constat assez juste et précis et fournit quelques pistes.
Je citerai l'une d'entre elles : « Favoriser la mobilisation du potentiel de la démocratie participative pour atteindre les objectifs poursuivis par la politique de la ville, en simplifiant résolument les relations des différents acteurs publics concernés avec les associations, souvent petites, qui l'incarnent et en s'assurant de la mise en oeuvre effective des simplifications décidées ; en adaptant à la fragilité de ces dernières les modalités des concours financiers qui leur sont apportés ; enfin en mettant en place un dispositif efficace de contrôle et d'évaluation a posteriori de leurs actions. »
Monsieur le ministre, il faut commencer à prendre des mesures immédiates favorisant la mobilisation du « potentiel de la démocratie participative », comme l'indique la Cour des comptes, pour élaborer, conjointement avec tous les acteurs, une politique de la ville véritablement ambitieuse et couvrant, outre la question de l'habitat, les problèmes soulevés par la situation des personnes vivant dans ces quartiers : l'économique, le social, les droits des citoyens, la qualité des services publics - écoles, poste, transports - la vie culturelle et sportive, la tranquillité publique.
Les moyens de l'Etat, votre projet de budget, monsieur le ministre, ne permettent pas encore de répondre à cette impérieuse nécessité et ne témoignent pas de l'ambition tant espérée par les acteurs locaux. En l'état, le groupe CRC votera donc contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que, élu de Seine-Saint-Denis depuis près de vingt ans, je sois particulièrement attaché à la discussion de ce projet de budget, essentiel, de la ville et de la rénovation urbaine.
Pendant des siècles, la ville a représenté la sécurité, l'ordre et la civilité. Les murailles des villes symbolisaient l'appartenance des citoyens à un corps social au sein duquel chacun pouvait trouver sa place, jouir de ses droits et exercer ses devoirs. Par une curieuse évolution de notre culture, de nos mentalités, la ville est bien souvent considérée, de nos jours, comme un espace inquiétant, parfois non maîtrisé, voire en dehors du droit commun.
Alors que la représentation des collectivités territoriales s'attache aujourd'hui à concevoir un budget pour la nation, qu'elle cherche à définir des priorités dans les efforts à fournir pour garantir et améliorer notre pacte social, il est sans doute utile de nous poser les vraies questions, même si elles doivent quelque peu déranger.
Parler de la ville et de la rénovation urbaine, ce n'est pas uniquement parler du bâti et de l'habitat. C'est aussi parler des hommes et des femmes qui résident dans les villes, avec toute la diversité des milieux sociaux, des croyances, des origines ou des styles de vie. C'est parler de l'influence de l'habitat sur leur vie, mais également des conséquences de la vie de certains d'entre eux sur l'habitat.
Or c'est précisément ce que, par angélisme, le précédent gouvernement s'était toujours refusé à faire.
Avec un budget de 371 millions d'euros, en très légère augmentation, le ministère de la ville et de la rénovation urbaine a choisi d'orienter ses priorités autour d'une amélioration générale du cadre de vie, notamment à travers les « grands projets de ville » et les opérations de renouvellement urbain. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette dynamique qui s'inscrit dans une logique de requalification des quartiers difficiles.
Comme l'a clairement établi l'excellent rapport de notre collègue Eric Doligé, la stabilisation des crédits pour 2003 a pour objet une indispensable rationalisation des crédits alloués au ministère, ainsi que la participation budgétaire des autres administrations impliquées dans la politique de la ville - le ministère de l'emploi et de la solidarité, celui de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - et le concours de la Caisse des dépôts et consignations.
En effet, discuter de ce projet de budget alors même qu'il ne représente que 6 % des crédits globaux consacrés à la ville, c'est mettre en évidence une nécessaire remise à plat des systèmes de financement et des résultats auxquels ils sont susceptibles d'aboutir.
Aujourd'hui, et cela est particulièrement évident dans les grandes banlieues urbanisées, la conduite de la politique de la ville passe par une superpostion d'actions impliquant un très grand nombre d'agents : les communes, les départements, parfois même les régions, l'Etat, mais également les services publics déconcentrés de l'éducation nationale, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales ou la direction départemenale de la jeunesse et des sports, des associations et des structures diverses.
Les inévitables conséquences de cette dilution de l'effort collectif sont évidentes.
D'une part, les agents des administrations, et souvent aussi, il faut bien le dire, les élus, sont confrontés à des problèmes d'une complexité technique difficilement gérable.
D'autre part, l'évaluation précise et transparente des résultats est rendue impossible par la difficulté de responsabiliser et parfois même d'identifier les acteurs du système.
Enfin, et c'est certainement l'un des problèmes les plus importants, les citoyens eux-mêmes ignorent quels sont leurs interlocuteurs institutionnels, quels projets sont en gestation et quels moyens sont mobilisés pour les réaliser.
Alors que le débat sur le projet de loi de finances pour 2003, entamé la semaine dernière, a clairement mis en évidence la volonté du Gouvernement d'opérer une simplification générale des rapports entre l'Etat et les Français, dans la droite ligne du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, la politique de la ville demeure une zone encore trop obscure dans le champ des objectifs de la nation.
S'il fallait résumer d'une phrase l'opinion d'une majorité de nos compatriotes à propos de la politique de la ville menée jusqu'à présent, elle serait la suivante : « beaucoup d'argent dépensé pour peu de résultats ».
Il est indispensable, ainsi que le proposait notre collègue Pierre André dans son rapport, de clarifier les comptes de la politique de la ville. Par ailleurs, il semble également nécessaire de proposer l'instauration, qu'ont évoquée avant moi les rapporteurs Eric Doligé et Nelly Olin, d'un système d'évaluation a posteriori des politiques engagées et de leurs résultats. Il n'est en effet pas acceptable que des crédits d'un tel montant soient mobilisés pour des résultats parfois mineurs, voire symboliques, alors que nous sommes tous d'accord pour reconnaître l'importance d'une rénovation urbaine profonde et durable.
Concernant les interventions publiques prévues dans ce projet de loi de finances, on retiendra tout particulièrement l'effort consenti pour les grands projets de ville, dont les crédits progressent de 10,67 millions d'euros à 30,67 millions d'euros, ainsi qu'une hausse sensible des subventions d'investissement. Votre volonté affichée, monsieur le ministre, de programmer une profonde mutation du cadre de vie austère, voire insalubre, de nombreux quartiers citadins en déshérence, a déjà, localement, porté ses fruits. Il convient, à cet égard, de saluer votre efficacité, votre rapidité de décision et d'action.
Pourtant, je souhaiterais faire un rappel qui me paraît relever du simple bon sens : ces cités HLM, ces « barres » surpeuplées tant décriées aujourd'hui et stigmatisées comme des aberrations de notre société, n'ont posé aucune difficulté sociale ou sanitaire pendant leur vingt premières années d'existence !
Il serait bon que les pouvoirs publics dans leur ensemble aient la lucidité de reconnaître qu'une part significative des dégradations qui rendent ces cités invivables aujourd'hui sont le fait d'une minorité de résidants violents, irrespectueux et presque toujours à la marge de notre société.
Nous touchons ici au coeur du problème : une politique de la ville ne sert à rien si elle se limite à une approche urbanistique. Il faut également prendre en considération les problèmes d'éducation et de sécurité ; sans cela reconstruire les logements s'avérera vain et coûteux.
Si la subordination du ministère de la ville et de la rénovation urbaine au ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité doit avoir un sens, ce doit être grâce à la possibilité qu'elle ouvrira d'envisager les sanctions adéquates envers ceux qui participent à la dégradation des ensembles urbains. Qui sanctionner ? Par quels moyens ? C'est parce que l'on a renoncé à poser ouvertement ces questions que certaines réhabilitations se sont avérées désastreuses, et le département de la Seine-Saint-Denis en montre quelques exemples flagrans.
Monsieur le ministre, parce que ce budget marque avant tout une transition non pas seulement entre deux ministres, mais surtout entre deux conceptions différentes de ce que doit être la politique de la ville et de la rénovation urbaine ; parce qu'une rationalisation drastique de la répartition et de la gestion des crédits était nécessaire et que vous avez pris ces difficultés à bras-le-corps ; parce que le chemin qui nous reste à parcourir est encore long pour édifier une politique de la ville ciblée, rationnelle et efficace en concertation avec l'ensemble des acteurs locaux, institutionnels et issus de la société civile, mais que j'ai néanmoins la conviction que, ensemble, nous y parviendrons, pour toutes ces raisons, j'apporterai mon soutien total aux crédits pour la ville et la rénovation urbaine inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la lecture attentive du budget consacré à la ville pour 2003, on se pose la question de savoir si l'effort financier est effectivement à la hauteur des ambitions affichées par le Gouvernement, sachant que les autorisations de programme baissent de 2,2 % en 2003. Le fait qu'une partie des crédits de paiement n'ait pas été consommée ne saurait en rien justifier une telle diminution.
Dans le Nord - Pas-de-Calais, 12 000 logements du bassin minier - je ne vous apprends rien, monsieur le ministre - ne sont toujours pas aux normes : une seule alimentation en eau froide, des sanitaires extérieurs, ni gaz, ni isolation thermique. Afin d'y remédier, l'Etablissement public de gestion immobilière du Nord - Pas-de-Calais, l'EPINORPA, bénéficie de subventions versées par l'Etat et par l'ANAH, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, dans le cadre du contrat de plan Etat-région.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains a fort justement renforcé la position de l'ANAH en élargissant son champ d'intervention. Ainsi, le précédent gouvernement aura permis à l'ANAH d'être compétente pour intervenir sur l'ensemble du parc privé par l'octroi d'aides non plus aux seuls propriétaires bailleurs, mais également aux propriétaires occupants. Les résultats étaient plutôt encourageants, dans la mesure où un nombre croissant de logements vacants furent remis sur le marché, aidant ainsi les ménages en difficulté à trouver un logement décent en dehors du parc HLM.
Cependant, les crédits d'investissement consacrés à l'amélioration de l'habitat privé en 2003 marquent une nette rupture dans l'action pourtant efficace de l'ANAH. Ainsi, les autorisations de programme sont en baisse de 11 %, puisque, de 442,1 millions d'euros en 2002, elles passent à 392 millions d'euros pour 2003. Par ailleurs, la hausse de 13 % des crédits de paiement, qui sont proposés à 411,6 millions d'euros pour 2003 au lieu de 364,25 millions d'euros en 2002, constitue un trompe-l'oeil, car ces crédits serviront principalement à alimenter la trésorerie courante de la « grande » ANAH. Compte tenu de l'élargissement de son champ d'intervention, qui se traduit par une augmentation du nombre des programmes concernant l'habitat insalubre et les copropriétés dégradées, il aurait au contraire fallu les abonder bien davantage !
Cette situation, monsieur le ministre, suscite bien des inquiétudes.
Tout d'abord, la réduction même des crédits d'investissement inscrits au budget de l'ANAH constitue un frein notoire aux aides consacrées au parc privé, lesquelles, je le rappelle, sont une solution de repli vitale pour les ménages qui se trouvent dans l'impossibilité de se loger dans le parc HLM traditionnel. Dans ces conditions, l'ANAH n'aura pas d'autre choix, dans chaque département, que d'être plus sélective lorsqu'elle allouera les aides, ce qui est tout à fait paradoxal : l'apparition de cette obligation de « tri sélectif » aura des conséquences désastreuses pour les personnes en grande difficulté. Quid de la réduction de la fracture sociale, si chère au chef de l'Etat ?
Ensuite, la porte est grande ouverte aux marchands de sommeil. C'est d'autant plus regrettable, monsieur le ministre, que le budget du logement social a été littéralement sous-estimé. Ainsi se dessine une véritable mise en panne de la construction sociale ne serait-ce que par la fragilisation des crédits accordés à l'ANAH, dont les interventions ont pourtant des répercutions positives en termes d'emploi.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré : « Le vrai problème réside dans l'état de certains quartiers, qui se dégradent de semaine en semaine [...]. A l'heure actuelle, les opérations de réhabilitation menées dans le cadre de la prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale ne permettent plus de compenser la dégradation du parc social, et la paupérisation croissante est alarmante. »
Votre projet de budget pour la ville, monsieur le ministre, est-il réellement à la hauteur des ambitions que vous avez affichées ? Maire d'une commune située au coeur du bassin minier du Pas-de-Calais et disposant d'un faible potentiel fiscal par habitant, j'aimerais vous parler d'un cas d'école.
Sur le territoire de la ville d'Annay, ma commune, se trouve une cité, appelée les Camus Hauts, construite dans les années soixante. Dois-je préciser qu'elle n'a plus besoin de PALULOS depuis longtemps ? Elle a été classée en politique « ville », et je ne puis que vous suivre monsieur le ministre, sur la complexité des procédures et sur les lourdeurs administratives. En effet, alors que l'achèvement de la restructuration était prévu pour 2001 au plus tard, seul un tiers de la cité aura été réhabilité en onze ans ! Aussi, à ce jour, il reste 218 logements à démolir.
Il faut aussi savoir que les subventions m'ont été refusées en 2001 faute de consommation des crédits de 2000. Je vous donne raison lorsque vous avancez cet argument, à une réserve près : avant d'envisager une quelconque démolition, il faut que les barres soient vides. Le nombre de reconstructions étant inférieur au nombre de démolitions, la situation devient tout bonnement ubuesque !
Enfin, je relève que les crédits alloués à la lutte contre l'habitat insalubre dans l'optique d'une meilleure efficacité des mesures contre le saturnisme sont bien trop faibles. Qu'envisagez vous pour les populations exposées à l'amiante, comme celle des Camus Hauts ? Vous avez dit, monsieur le ministre, que « c'est l'indécision ou l'impossibilité d'agir qui sont néfastes et qui coûtent sur le plan humain et sur le plan social ».
Le gouvernement de Lionel Jospin avait triplé les crédits en quatre ans, si bien que 60 millions d'euros avaient été budgétisés pour financer la démolition des logements. Alors que le gouvernement de M. Raffarin et vous-même comptez sur la participation du 1 % pour financer la part supplémentaire destinée à l'éradication de l'habitat insalubre, vous n'hésitez pas à proposer des crédits en stagnation ! Dès lors, comment espérez-vous remplir vos objectifs de 200 000 constructions, 200 000 démolitions et 200 000 réhabilitations de logements sociaux en cinq ans ?
Avant de conclure, je voudrais dire un mot sur les jeunes à la recherche d'un logement. Le Gouvernement prétend faire des économies - c'est encore plus vrai depuis quelques jours -, notamment sur l'évaluation forfaitaire pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans. Ce nouveau mode de calcul accroît les démarches administratives et fait baisser l'APL et, a fortiori , le nombre de ses bénéficiaires. Le décret de mars 2002 visait à l'inverse, et vous le supprimez ! Il faut savoir que cette mesure concerne plus de 100 000 jeunes !
Les moyens proposés, les effets d'annonce et votre bonne volonté, monsieur le ministre, ne compensent malheureusement pas l'absence d'un vrai ministère. L'enfer est pavé de bonnes intentions ; nous voterons donc contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de la ville figurait parmi les priorités du précédent gouvernement, ce qui s'était notamment traduit par une importante revalorisation des moyens qui lui étaient consacrés. Entre 1998 et 2002, les crédits ont pratiquement triplé et, au-delà de l'aspect purement financier, c'est toute une façon de penser et d'appréhender la ville qui avait changé.
Aujourd'hui, la rupture est nette, et l'on constate, hélas ! que cette politique n'est plus une priorité. Ce constat se traduit dans les chiffres, puisque l'effort public global pour la politique de la ville est en diminution : il passe de 3 571 à 3 494 millions d'euros, ce qui représente un désengagement de 77 millions d'euros. Quant au budget propre du ministère de la ville, il connaît une infime progression, de 0,6 %, par rapport à l'an dernier, progression discutable si l'on tient compte de l'inflation. Quoi qu'il en soit, il s'agit bel et bien d'un coup d'arrêt porté à la dynamique que nous avons connue les années précédentes.
Le fait qu'une partie de ces crédits n'ait pas été consommée ne saurait à lui seul justifier une telle diminution. Vous savez, monsieur le ministre, que les procédures de financement sont encore longues et complexes, et c'est là que réside le problème. Sous l'ancien gouvernement, le taux de consommation des crédits croissait en même temps que les simplifications administratives étaient décidées. Il aurait très certainement fallu poursuivre les efforts entrepris en ce sens !
De nombreuses petites associations réclament par exemple l'avance de fonds. En effet, les premiers versements étant parfois tardifs et ces structures n'ayant ni les moyens ni la logistique des grands réseaux associatifs nationaux, elles ne peuvent avancer les crédits nécessaires à la mise en oeuvre de leurs initiatives. Ce retard représente un lourd handicap dans la réalisation de nombreux projets au coeur des quartiers, qui doivent être reportés, voire annulés. D'autres structures réclament la généralisation du conventionnement pluriannuel, afin de disposer de garanties sur leur avenir et de mettre en place des projets à plus long terme.
Les idées ne manquent pas, monsieur le ministre, mais trop d'obstacles s'opposent à l'utilisation des fonds.
A ces obstacles peut s'ajouter la multiplicité des interlocuteurs. Dans ma région, par exemple, le conseil régional n'est pas partie aux contrats de ville : il gère lui-même son enveloppe et attribue les subventions selon ses propres critères. Tout cela ne fait qu'alourdir une procédure déjà complexe et n'est pas forcément équitable. Nous pensons que le contrat de ville doit être le seul canal pour toute demande et pour toute attribution de subventions.
S'agissant des orientations de votre politique, monsieur le ministre nous constatons un réel déséquilibre dans la répartition des crédits d'investissement, qui profiteront presque exclusivement au renouvellement urbain. Ce choix suscite notre inquiétude pour l'avenir, car il aboutit à mettre de côté toute la dimension sociale, pourtant indispensable à l'intégration des quartiers et de leurs habitants à la ville.
Evidemment, la rénovation urbaine n'est pas une mauvaise chose, et nul ne conteste la nécessité d'améliorer le cadre de vie et l'habitat dans les quartiers urbains. Toutefois, la politique de la ville ne doit pas se limiter à cela : elle doit être un outil de développement, tenir compte de tous les habitants et prendre en considération leurs attentes dans des domaines aussi variés que les loisirs, l'emploi, la prévention, l'insertion, l'intégration, l'éducation, les services publics et le développement économique.
Les « adultes relais » jouent un rôle essentiel dans ce dispositif, de même que les emplois-jeunes. Pourtant, ces derniers ne figurent plus parmi les priorités. Or beaucoup d'associations y ont recours et sont très inquiètes pour l'avenir. Certaines craignent même de ne pouvoir poursuivre leur mission. Que pouvez-vous leur répondre, monsieur le ministre, quand elles se demandent qui va pallier les insuffisances de l'Etat ?
Comment comptez-vous favoriser l'intégration des populations d'origine étrangère, alors que vous voulez supprimer les acteurs qui y contribuent le plus ? Les cours de langue qui sont actuellement dispensés par des emplois-jeunes embauchés par les associations ne sont déjà pas suffisants : tout le monde sait que, une ou deux heures de cours par semaine, c'est trop peu et qu'il faudrait un suivi quasi quotidien des personnes concernées pour réussir leur intégration dans notre société. Avec l'allégement des dispositifs, nous n'en prenons pas le chemin !
L'accès des jeunes à l'emploi est aussi une question importante, et nous souhaiterions connaître vos intentions à ce sujet. Vous savez que les discriminations raciales à l'embauche sont bien réelles et nuisent à l'intégration des populations issues de l'immigration. En outre, elles alimentent un sentiment d'injustice de plus en plus mal vécu par des jeunes auxquels, trop souvent, on attribue globalement les agissements répréhensibles d'une minorité.
Plusieurs sites pilotes, dont celui de Thionville, que je connais bien, avaient été choisis par votre prédécesseur pour établir un diagnostic et proposer des formations appropriées. Entendez-vous généraliser ce dispositif à l'ensemble des contrats de ville afin de favoriser l'embauche et l'insertion professionnelle de ces jeunes qui font beaucoup d'efforts, et méritent de s'en sortir ?
La prise en compte des jeunes et de leurs loirsirs est fondamentale pour la vie des quartiers. Le dispositif « ville-vie-vacances » doit être renforcé par des moyens, certes, mais aussi par une coordination écrite des intervenants - clubs de prévention, centres sociaux - afin de leur permettre de collaborer plus efficacement à ces opérations.
On constate également une réelle attente en matière de renouvellement des infrastructures et de mise en place de concepts plus adaptés aux formes actuelles de loisirs : le traditionnel foyer avec baby-foot, télévision et table de ping-pong a vécu ! Les jeunes d'aujourd'hui veulent par exemple des cyberespaces. Ces endroits ne désemplissent pas et profitent à tous les jeunes, garçons et filles, ce qui est plutôt rare.
Concernant ces dernières, les associations qui interviennent dans les quartiers tirent depuis longtemps la sonnette d'alarme, déplorant la situation des jeunes filles qui sont en proie aux violences verbales et physiques, aux bousculades quotidiennes, aux remarques désobligeantes. Parfois, cela dérape en faits divers sordides, tels les viols collectifs, dits « tournantes », les agressions à l'arme blanche, ou des violences plus extrêmes encore : je pense à cette jeune fille qui a été brûlée vive à Vitry-sur-Seine par un garçon avec qui elle s'était querellée. Dans de nombreux quartiers, les jeunes filles n'osent plus sortir que par nécessité. Ce problème s'ajoute à celui, plus ancien, des femmes battues.
Monsieur le ministre, il ne faut plus ignorer cette violence bien particulière. De nombreuses actions peuvent être conduites dans le cadre de la politique de la ville. Il faut pour commencer écouter les jeunes filles exprimer leurs craintes, et surtout prendre en compte leurs désirs dans le choix des aménagements au coeur des quartiers. La plupart du temps, ceux-ci ne sont en effet destinés qu'aux garçons.
Pour ce qui est des femmes battues, il faut absolument favoriser la construction d'hébergements d'urgence, qui sont en nombre très insuffisant.
Pour en revenir à vos orientations, monsieur le ministre, nous n'approuvons pas la réduction des crédits alloués au Fonds de revitalisation économique, le FRE, destiné à stimuler les activités économiques dans les quartiers en octroyant des avantages financiers aux petites entreprises désireuses de se développer ou de s'installer en zone sensible. Certes, ce dispositif n'a pas obtenu le succès escompté ; mais comment pouvait-il en être autrement après seulement un an d'existence ?
J'en viens à la question de la formation. De nombreux acteurs interviennent pour mettre en oeuvre la politique de la ville : chargés de missions, associations, collectivités locales, services déconcentrés de l'Etat... Cependant, tous n'ont pas l'expérience ni la culture suffisantes en la matière. Des plates-formes de formation existent, mais elles sont prises en charge par les collectivités locales, notamment par les régions. Nous pensons que la délégation interministérielle à la ville, la DIV, devrait être partie prenante dans ce domaine et financer la formation de tous les acteurs intervenant dans la politique de la ville.
Concernant plus particulièrement les animateurs des équipes qui jouent un rôle dans la maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale, la question du statut doit se poser. Ces directeurs de projet accomplissent un travail considérable, et leur implication dans la politique de la ville est remarquable. Malheureusement, ils restent confinés dans la précarité de leur poste, qui doit faire chaque année l'objet d'un renouvellement. L'un peut dépendre d'une mission locale, l'autre d'un centre social ; chacun a un salaire différent, une mission particulière... Il est tout à fait indispensable de mener une réflexion sur le statut de ces personnels.
Nous souhaiterions, monsieur le ministre, connaître vos intentions sur ces deux derniers points.
En conclusion, monsieur le ministre, nous ne pouvons qu'émettre un avis défavorable sur vos orientations. Votre discours est fort, mais les moyens ne suivent pas, et ils manqueront. Vos actions seront visibles de l'extérieur, mais, à l'intérieur des quartiers, la situation n'ira pas en s'améliorant. Vous avez choisi de soigner l'emballage et non le contenu, nous aurions préféré l'inverse. Nous voterons donc contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez tous aussi bien que moi que le ministre de la ville a à la fois une action propre et une action interministérielle, et qu'il est assez difficile de faire la part entre son budget et son action. C'est probablement parce qu'il a une action interministérielle sans les moyens politiques et le prestige qu'il a été si peu efficace depuis vingt ans, malgré les talents indéniables de ceux qui ont occupé ce poste.
Quelle est la situation ?
Nos quartiers, qui étaient 80, sont 1 500, selon les mêmes critères, vingt ans après. Ils se caractérisent aujourd'hui par une dégradation constante de l'espoir, de la citoyenneté, de l'intégration raciale, ethnique et sociale. Les chiffres sont terriblement homogènes. Certes, comme cela a été évoqué tout à l'heure, ils connaissent deux fois plus de chômage que les autres bassins de vie, mais surtout 4,5 fois plus d'absentéisme, quatre fois plus de signalements à la DDASS et, lorsque sous la législature précédente, le chômage a baissé de 30 % en France, il a augmenté de 30 % dans nos quartiers.
Face à ce diagnostic partagé par un certain nombre d'acteurs, nous avons affiché des priorités assez claires. Comme toute priorité, elles ne prétendent pas à l'exhaustivité mais visent la concentration des efforts.
Le diagnostic que nous posons est simple : l'arrogance républicaine française croyait que, par ses méthodes, elle pouvait gérer à la fois un fort flux d'immigration, une crise sociale et une crise urbaine, le tout cumulé ; ce n'est pas vrai. Il faut des moyens spécifiques et discriminants et un regard plus lucide sur cette situation.
Cette situation se résume en quatre points.
Premier point : l'habitat.
L'habitat indigne a cette faculté extraordinaire d'être la pompe aspirante par défaut des plus fragiles de notre population. C'et ce qui explique que le chômage ait augmenté de 30 % à la cité de Malakoff à Nantes, alors qu'il se réduisait de 30 % sur le reste du bassin. Bien entendu, ce que je dis de Nantes est une illustration. C'est vrai ailleurs, en Rhône-Alpes notamment. Un tel habitat est indigne de la République.
J'ai fait faire une expertise à Clichy-Montfermeil. Sur les bâtiments en copropriété du parc social, aucun bâtiment n'a moins de cinq points de danger mortel.
Vous le savez, l'injustice crée la violence, surtout dans une société d'information. Le pacte républicain se joue là, comme l'accord d'intégration.
Nous sommes dans une situation de ségrégation territoriale massive, où se concentrent des problèmes d'intégration, des problèmes sociaux, des problèmes religieux, des problèmes d'équilibre psychopédiatrique pour les enfants.
Oui, nous avons fait comme si le système pouvait tout régler, ce qui n'est pas possible.
Nous n'avons pas remis en cause la redistribution de la collecte. C'est fait maintenant.
Il y a deux ans, nous n'avons pas non plus remis en cause les fonds propres et la gouvernance du monde HLM. C'est un vrai souci !
Je ne peux pas accepter que, dans notre pays, l'état d'entretien du parc HLM soit la variable d'ajustement des comptes d'exploitation de nos offices. Quand un office ou une SA n'ont pas les moyens, on fusionne, on se regroupe. Nous aiderons le financement de ces opérations là. Je n'accepterai plus que, lorsqu'une SA ou qu'un office n'ont que 1 200 logements, parmi lesquels 1 100 sont dans des quartiers en difficulté, la seule réponse soit l'octroi d'une subvention, sans remise en cause de l'ensemble des fonds propres du monde HLM. Et ce monde HLM est d'accord aujourd'hui sur cette démarche. Deuxième point : l'éducation.
Il n'est pas imaginable que, pour nos quartiers qui sont de véritables cités internationales, où entre trente et quarante nationalités différentes se côtoient, où l'on trouve 32 % de moins de vingt ans, nous ne dégagions que 8 % de moyens supplémentaires, alors que le lycée international de Saint-Germain-en-Laye reçoit 30 % de moyens en plus, que des écoles particulières internationales créées pour accueillir les Japonais de Toyota reçoivent 40 % de moyens en plus.
Nos amis Anglais, que l'on brocarde si facilement, ont mis, eux, 40 % de moyens en plus dans le système pédagogique des zones suburbaines britanniques.
Nos amis canadiens, qui, eux, ont un problème d'immigration positive, mettent 88 % de moyens en plus.
Nous sommes très loin du compte.
Pour rendre aux adultes, aux mamans, le véritable pouvoir dans les quartiers, il faut sortir de l'habitat indigne ; c'est la seule façon de recréer la solidarité sur l'ensemble du territoire : c'est la vraie mixité.
Pour le système éducatif, nous agirons avec l'éducation nationale à partir du prochain semestre. Un conseiller technique est particulièrement en charge de ce dossier. La nouvelle école de l'élite du pays, celle de ces « cités internationales », voilà l'objectif éducatif de l'année qui vient !
Troisième point : l'emploi et l'activité économique.
Permettez-moi en cet instant de rendre hommage à Mme et MM. les rapporteurs pour la qualité de leurs rapports et pour l'action qu'ils mènent en faveur de la politique de la ville et de nos quartiers. Le travail effectué en amont d'un rapport est, lui aussi, très important.
En matière d'emploi, vous souvenez-vous des zones franches urbaines, que l'on a tant décriées ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué. Les 44 zones franches urbaines ont permis la création de 65 000 emplois, dont la moitié ont été créées dans les quartiers. Pourtant, le dispositif a été brocardé.
On nous avait annoncé que Bruxelles n'accepterait jamais que l'on développe ce système. Eh bien, c'est faux ! J'ai sous les yeux le compte rendu de la réunion du 13 novembre avec Mario Monti. Bruxelles, qui est conscient que l'Europe démocratique se joue dans l'intégration sociale, ethnique et religieuse sur tout le territoire européen, nous a donné son accord de principe pour la création de 80 zones urbaines franches : 44 des anciennes zones seront ainsi réouvertes et consolidées et 40 nouvelles zones seront créées.
Je dois vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que le rapport de votre collègue Pierre André, qui a contrebalancé le scandaleux rapport de l'IGAS paru il y a cinq ans,...
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué. ... qui a été rédigé après que des visites eurent été effectuées sur tous les sites de manière républicaine, avec l'accord de toutes les formations politiques, après écoute de tous les élus, qui a été soutenu par tout le monde, a probablement été l'outil qui nous a permis de convaincre la Commission européenne de soutenir de nouveau les zones franches, après avoir modifié quelques détails opérationnels qu'il était effectivement nécessaire de modifier en fonction de l'expérience que nous avions les uns et les autres.
Madame le rapporteur, vous êtes intervenue de manière tout à fait pertinente sur la question des métiers de la ville. Là aussi, notre modèle est épuisé.
Notre pays compte 800 000 travailleurs sociaux. Près d'un tiers d'entre eux sont dans des situations de quasi-précarité, alors qu'ils exercent un métier d'une grande difficulté, peu reconnu par la République en termes de prestige et d'évolution de carrière.
Les métiers de la ville, je les vois assez bien, finalement, autour du meilleur des maillages, qui est celui de l'école républicaine. Il va bien falloir que, tous ensemble, nous redéfinissions cette grande école de la République que sont les métiers de l'humain ou les métiers de la ville.
Par absence de stratégie commune, par absence de perspective, par absence de reconnaissance, par absence de concentration des moyens, nous avons une gigantesque déperdition dans ces métiers de l'humain.
La politique de la ville se développera dans ces quatre axes-là.
J'en reviens à l'habitat.
Il faut absolument agir pour supprimer la ségrégation territoriale. M. Demuynck parlait de la Seine-Saint-Denis. Moi, je me suis rendu à Villetaneuse et à Epinay hier.
La cité Salvador Allende, ce n'est pas acceptable !
Les copropriétés privées des Bosquets, ce n'est pas acceptable !
Bellevue à Marseille, ce n'est pas acceptable !
Monsieur Fischer, il est des sites que vous connaissez mieux que quiconque, qui sont des appels à la ségrégation, à la logique de l'injustice, qui sont le terreau des terrorismes de demain.
Aussi, je vous en supplie, mesdames, messieurs, sortez des idées convenues qui consistent à opposer la pierre et l'homme. Dire : « ce ne sont pas les pierres qui souffrent, ce sont les hommes », ce n'est qu'un effet de manches. Pour ma part, je ferai tout pour que tous les habitats soient dignes sur l'ensemble du territoire de la République.
J'en viens aux moyens.
Mesdames, messieurs les rapporteurs, vous avez évoqué la complexité de la politique de la ville. Je souhaiterais formuler deux remarques à cet égard.
D'abord, c'est tout le drame de la ville qui est complexe ; mais, c'est vrai, les procédures ne le sont pas moins.
S'agissant des chiffres, voici le chiffre le plus important : 135 millions d'euros de crédits non utilisés.
Les crédits utilisés le sont par le fonds d'intervention pour la ville, le FIV. Ils sont, pour moi, sanctuarisés ; 66 % d'entre eux sont versés aux associations entre novembre et décembre pour les actions de l'année en cours.
J'en viens aux décisions.
Nous allons contractualiser directement avec les villes, sous réserve de l'accord stratégique du sous-préfet, pour qu'un rapport direct se noue entre les villes et les associations.
Il y aura sûrement des effets pervers secondaires, mais la démocratie locale est là pour s'appliquer.
Nous n'avons pas à emboliser les systèmes de l'Etat et du ministère de la ville pour recueillir les identités bancaires des associations. Note rôle est plus stratégique. Il n'est sûrement pas de dispenser des crédits. En conséquence, à partir de l'année prochaine, les crédits du FIV seront intégralement affectés aux communes, dans le cadre de la politique de la ville, en nous réservant quelques cas extrêmement particuliers.
Quant au fonds de revitalisation économique, le FRE, il a 60 millions de réserves pour une dotation de 16 millions d'euros. Franchement, est-ce normal ? Il y aurait tout de même une réflexion à mener sur ce point !
Le vrai financement de la politique de la ville, c'est celui des 80 sites de zones franches urbaines, qui est sans commune mesure, croyez-moi, avec sa traduction dans le budget de l'Etat. Moi, je veux des budgets de vérité.
Dois-je rappeler - ce n'est pas une critique envers mon prédécesseur, qui avait essayé de déconcentrer les crédits -, qu'une grande partie des crédits du logement social, 28 % n'ont pas été consommés l'année dernière ? Ainsi, 700 millions d'euros ont été renvoyés par les partenaires sociaux sur le budget général de l'Etat pour le logement social.
La loi de programmation que nous allons présenter au premier semestre 2003 n'a pas d'autre vocation que de sanctuariser pour cinq ans la somme de 1,2 milliard d'euros qui s'est évaporée dans la complexité de nos procédures, dans l'incapacité de faire par manque de confiance entre les différents partenaires. Cette somme s'ajoutera aux crédits communs pour faire en sorte que l'habitat soit digne sur tout le territoire de la République.
Alors, très franchement, je ne vois pas comment on peut faire des critiques sur le budget de fonctionnement d'un ministère qui garde, en gros, les budgets de l'année dernière mais qui s'organise pour dépenser différemment ses crédits dans le cadre d'un budget unique. A ce propos M. le ministre du budget a pris l'engagement de présenter un amendement la semaine prochaine sur la nomenclature du titre VI de mon ministère. C'est la raison pour laquelle j'ai retiré l'amendement qui devait être discuté ce soir sur la gestion de la ligne unique des crédits.
Il faut mettre de la transparence dans nos actions avec les partenaires sociaux, les représentants des villes, la Caisse des dépôts et nos amis de l'ANAH. A cet égard, j'ai trouvé très juste que l'on souligne tout à l'heure le rôle important joué par l'ANAH, notamment en matière de reconquête des logements vacants et insalubres des centres-villes.
Nous allons donc avoir un outil démocratique transparent hors critères. Le seul critère sera de faire émerger ces quartiers-là quoi qu'il arrive, de leur donner les moyens d'exister.
Enfin, pour que votre information soit complète, j'aborde maintenant la situation la plus scandaleuse que constituent les copropriétés définitivement dégradées dans un pays qui protège la propriété privée.
Nous allons déposer un projet de loi tendant à supprimer ce détournement de la propriété privée qu'est la propriété des marchands de biens et des réseaux.
Je demanderai au Parlement d'accepter que, lorsqu'il y a insalubrité, urgence morale ou urgence physique, nous ayons, nous, Etat, à la demande des communes, la capacité d'intervenir et d'exproprier ces copropriétés privées dégradées.
Bref, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation n'est pas simple, la situation n'est pas facile. Il n'y a pas de David Copperfield au ministère de la ville. Mais j'aimerais tout de même que ce budget soit soutenu sur toutes les travées de votre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant la ville et la rénovation urbaine.

ÉTAT B



M. le président. « Titre III : moins 264 430 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 31 226 761 euros. »

L'amendement II-20, présenté par MM. Arthuis, Marini et Doligé, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Augmenter la réduction des crédits du titre IV de 1 000 000 euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 32 226 761 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Eric Doligé, rapporteur spécial. Cet amendement est le résultat d'un long travail effectué en concertation avec M. le ministre et ses services. Nous demandons de réduire de 1 million d'euros les crédits du titre IV, qui s'élèvent à 260 millions d'euros, ce que représente 1/260e de ces crédits. Cette réduction devrait porter sur l'article 60 relatif au fonds de revitalisation économique.
Tout à l'heure, M. le ministre nous a dit que les crédits affectés à ce fonds n'étaient pas entièrement utilisés et qu'au fil des années ils se sont additionnés. J'estime, dans ces conditions, que la réduction que nous proposons n'imposera qu'un effort supplémentaire tout à fait raisonnable au ministère de la ville. Je crois que notre volonté a été très bien comprise car elle ne remet pas du tout en cause l'action préconisée par M. le ministre, action que nous accompagnons de tous nos voeux et que nous soutiendrons de nos votes unanimes.
Tel est, monsieur le ministre, le sens de notre proposition. D'après les échanges que nous avons pu avoir, il me semble que vous êtes favorable à cet amendement. Si tel est le cas, je vous en remercie par avance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons essayer, en 2003, de consommer les crédits du FRE. Je signale que, pour l'heure, ils n'ont été totalement utilisés que dans un seul département français.
Bien sûr, je ne peux nous garantir que nous allons consommer l'intégralité des reports et des 20 millions d'euros que nous avons prévus dans ce projet de budget, mais nous espérons que la diffusion des crédits nous aidera à réussir.
Pour l'instant, c'est vrai, le FRE n'est pas une réussite, et je m'en remettrai, sur l'amendement de la commission des finances, à la sagesse du Sénat.
Pour relativiser les choses, je peux vous dire que la Commission européenne s'est montrée favorable à la création ou la réouverture de 84 zones franches urbaines dans notre pays.
Sur le plan financier, il est évident que c'est sans commune mesure avec ce million d'euros dont il est proposé de priver le FRE. Dans ces conditions, si le Sénat, qui sera appelé à se prononcer, m'apporte son soutien sur les zones franches urbaines, cela ne me pose aucun problème de m'en remettre aujourd'hui à sa sagesse.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, contre l'amendement.
M. Roland Muzeau. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, qu'en vous en remettant à la sagesse du Sénat vous prenez un risque : en effet, depuis hier, la majorité du Sénat vote d'une seule main les réductions de crédits demandées par la commission des finances, même si les crédits proposés sont déjà en recul par rapport à 2002.
C'est ainsi qu'il a encore réduit les crédits de la jeunesse et de l'enseignement scolaire, ceux de l'enseignement supérieur et ceux de la recherche, et c'est ce qu'il va certainement faire de nouveau, tout à l'heure, avec le budget de la culture.
Il me semble donc que vous êtes bien imprudent !
Je ne mets nullement en question la volonté que vous avez exprimée, mais, si vous cédez dès aujourd'hui sur la baisse de votre budget, qui est un budget en stagnation - et même en régression de 3 % si l'on considère l'ensemble de la politique de la ville -, je pense qu'il sera difficile de mettre en oeuvre des actions nouvelles, d'opérer des redéploiements et de redonner confiance aux élus locaux, pour reprendre vos propres termes.
Je demande donc au Sénat de ne pas accepter cette réduction de crédits, de façon que, ensemble, monsieur le ministre, nous essayions de mettre en pratique les idées que vous avez énoncées du haut de la tribune.
M. Ivan Renar. Ce serait cela, la vraie sagesse !
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin, pour explication de vote.
Mme Nelly Olin. Je m'exprime là à titre personnel.Si, tout à l'heure, nous avons eu quelques états d'âme, nous n'en aurons pas en ce qui concerne le FRE.
Quand on a vu de quelle façon le système a fonctionné, quand on voit tout l'argent qui est inutilisé, on est nécessairement conduit à penser que cette réduction des crédits ne pourra pas remettre en cause la politique de la ville.
J'aurais aimé que mes collègues de l'opposition fassent, eux, preuve d'un peu plus de sagesse politique. L'année dernière, j'avais émis un avis de sagesse sur le budget de la ville, en expliquant que, s'il y avait un domaine qui ne se prêtait pas à la polémique politique, c'était bien celui-là. Je crois qu'ils devraient montrer un peu d'humilité et considérer que nous avons là un certain travail à faire tous ensemble. C'est pourquoi ce débat me paraît un peu vain.
Je tiens surtout à vous remercier, monsieur le ministre, de vous être battu pour obtenir des zones franches. En effet, si nous avions suivi le rapport de l'inspection générale des affaires sociales, les zones franches auraient été purement et simplement assassinées. Or je n'ai pas le souvenir que, à l'époque, sur les travées de gauche ou au gouvernement de la gauche dite « plurielle », quiconque s'en soit ému. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. J'irai dans le sens de ce qu'a dit mon collègue Roland Muzeau. Je pense à l'année prochaine, monsieur le ministre : l'habitude de diminuer les budgets, cela se prend mais, en général, cela ne se corrige pas.
Vous risquez donc, la diminution de crédits étant intervenue, d'être engagé sur une route parsemée d'autres diminutions, lesquelles se produiront quand certaines des idées que vous venez de nous exposer commenceront à germer.
Vous nous dites que tous les crédits n'étaient pas consommés. Soit ! Moi, je suis de la Seine-Saint-Denis, d'Aubervilliers, vous le savez, je l'ai souvent rappelé ici : sur l'article 55 de la loi SRU, je ne sais pas quelle sagesse s'est exprimée, mais la majorité du Sénat était contre. Si bien qu'il a fallu se battre, la semaine passée, pour que M. de Robien apporte un correctif in extremis , faute de quoi l'article 55 se serait « évaporé ».
La majorité veut moins d'argent pour construire des logements sociaux tout simplement, parce qu'elle ne veut pas en construire, à de rares exceptions près. Il y a donc une grande bataille à mener sur le logement social.
J'habite en HLM depuis 1955, et je ne suis pas près de quitter mon logement ! Je ne suis pas de ceux qui crient sur les HLM : je sais trop ce que c'est que d'être passé d'un hôtel meublé à un petit logement HLM.
Cela dit, aujourd'hui, se posent effectivement les problèmes que vous avez fort justement décrits, et votre expérience de maire vous permet incontestablement d'en parler de façon avertie. Cependant, il faut tout de même construire des logements sociaux là où il n'y en a pas ou presque pas. Sinon, des villes comme la mienne - 41 % de logements sociaux -, Saint-Denis - 51 % de logements sociaux - et d'autres encore...
Mme Nelly Olin. Chez moi, c'est 60 % !
M. Jack Ralite. ... devront démolir pour reconstruire. Or, d'abord, il n'y a plus de terrains disponibles et, ensuite, il faut bien assurer le relogement ! Il y a là une question dramatique.
Vous l'avez noté à juste titre : il y a une espèce d'aimantation autour de l'habitat insalubre. Cela veut-il dire que les gens ne se battent pas ? Absolument pas ! Dans ma ville, une organisation de copropriétaires s'est créée il y a trois ans - parce qu'il y avait peu de syndics et que les syndics bénévoles n'en pouvaient plus -, qui regroupe 1 000 adhérents ; c'est la plus grosse organisation de la ville. Cela laisse imaginer ce que sont les difficultés dans ces copropriétés !
Diminuer les crédits, arithmétiquement, c'est déjà grave, mais symboliquement, dans ces populations-là, ce sera très mal vécu. Pourtant, elles pourraient vous écouter, adhérer à un nouveau commencement ou à une prolongation de ce qui avait démarré dans certains domaines.
A Aubervilliers, par exemple, il existe une CGLS - une caisse de garantie du logement social - qui fait des choses très intéressantes ; il existe aussi un accord sur la résorption de l'habitat insalubre. Mais c'est avec les réparations que je ne parviens pas à m'en sortir ! Pourtant, nous envisageons une OPAC dans le cadre de la communauté de communes à laquelle nous appartenons. Mais nous sommes pris à la gorge !
En un an, quarante et une entreprises se sont installées dans la ville. Malheureusement, les emplois créés ne correspondent pas à ces habitants qui, déjà mis sur le côté avant, souffrent encore plus aujourd'hui de voir que, même lorsque des entreprises s'installent, ils n'ont pas accès aux emplois offerts. Ils ont l'impression d'être « en trop » dans la société. Et cela crée des vengeances imaginaires, dont le 21 avril dernier a bien montré où cela risquait de conduire.
Je le dis aux maires qui siègent ici : nous avons le devoir républicain et humain de construire partout un minimum raisonnable de logements sociaux, faute de quoi une partie de la population se sent nécessairement exclue.
Toute soustraction opérée dans les crédits est un coup porté à ces populations. J'en suis, je vis avec elles, et depuis longtemps, dans le même habitat qu'elles. Ce n'est pas un HLM rose, celui dans lequel j'habite !
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est un HLM rouge ! (Sourires sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jack Ralite. Je voudrais vraiment vous convaincre tous qu'une telle réduction créera une très vive émotion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voterai cet amendement ainsi, naturellement, que les crédits du ministère de la ville.
Je voudrais d'abord saluer le ministre de la ville, Jean-Louis Borloo, et rendre hommage à la conviction qui l'anime et qu'il a su exprimer ce soir avec talent devant le Sénat. Nous lui faisons confiance pour redonner l'espoir dans les cités.
Je voudrais dire à M. Muzeau et à M. Ralite qu'il faut mettre un terme à ces annonces budgétaires telles qu'on les a connues ces dernières années et qui ne sont que des opérations d'affichage.
Le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a fait le choix de la sincérité, le choix de la vérité, le choix du réalisme. C'est ainsi qu'il est venu devant le Sénat nous expliquer que les estimations de ressources fiscales pour 2003 devaient être revues à la baisse : moins 700 millions d'euros.
La commission des finances du Sénat a considéré que, dans ces conditions, nous devions, les uns et les autres, nous efforcer de rechercher des économies à l'occasion de l'examen des fascicules budgétaires.
C'est un exercice difficile. C'est un exercice qui nous contraint à assumer pleinement nos responsabilités de parlementaire.
Nous ne pouvons perpétuellement nous contenter de tenir des discours sur la nécessité de réduire le poids des prélèvements obligatoires pour redonner à notre territoire sa compétitivité et endiguer les tentatives de délocalisation ou de non-localisation qui ruinent l'emploi et la croissance, mettant à rude épreuve toute politique sociale, toute recherche de cohésion sociale. Nous estimons que nous avons à tirer les conséquences de cette nécessité et à rechercher des économies.
La réussite du Gouvernement ne sera pas appréciée seulement à l'aune du montant des crédits dépensés : c'est une autre façon d'administrer et de gérer l'Etat qui est en jeu ; c'est la réforme de l'Etat qui est ainsi engagée.
N'ayons pas de nostalgie pour ces périodes récentes où le Gouvernement, faute d'agir, s'en sortait en affichant des crédits qu'il ne savait pas engager et qu'il ne dépensait pas. Il faut sortir de cette espèce de duperie.
Pour construire, il faudra, monsieur le ministre, mobiliser d'autres ressources, revoir tous ces fonds de financement. Je pense, par exemple, au 1 % construction. Ne pourrait-on envisager la mutualisation des moyens des organismes d'HLM ?
Il nous faudra aussi revoir certains détails. Ainsi, lorsqu'on démolit pour reconstruire, dans le secteur social, la TVA est de 5,5 %. Mais lorsqu'on démolit sans reconstruire, la TVA sur les frais de démolition est de 19,6 %. Qu'est-ce qui justifie cela ?
Nous aurons, dans les mois qui viennent, à revenir sur toutes ces questions afin de donner une pleine cohérence aux différentes actions menées.
Enfin, s'agissant des zones franches, infiniment plus prometteuses que le million d'euros que nous vous demandons de soustraire au titre IV, nos excellents collègues Eric Doligé et Pierre André ont conduit des missions d'information dont les conclusions étaient sans ambiguïté : il faut recréer des circuits économiques dans ces quartiers afin que, pour les jeunes qui y vivent, la découverte de l'économie ne se fasse pas seulement par le commerce parallèle, notamment celui de la drogue.
Nous serons donc à vos côtés, monsieur le ministre, pour mener ces actions en profondeur et redonner à ces quartiers l'espoir et la dignité. Voilà pourquoi je me réjouis que vous consentiez à cet effort de réduction de un million d'euros de vos crédits. Mais ne doutez pas de l'appui que vous apportera le Sénat pour que réussisse votre politique ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre André, pour explication de vote.
M. Pierre André. Moi aussi, je voterai cet amendement sans états d'âme.
En effet, lorsque le FRE a été mis en place, il s'agissait avant tout d'offrir une sucette pour consoler les maires qui n'avaient pas eu de zone franche urbaine, car il est bien évident qu'un tel avantage ne pouvait être accordé aux 36 000 communes de France !
De plus, le gouvernement précédent avait pensé, en mettant en place ce fonds de revitalisation économique, concurrencer fortement les zones franches urbaines. Il avait « gonflé les pectoraux » en expliquant : « Vous allez voir, les zones franches urbaines, cela ne sert à rien, mais le FRE, au moins, ça c'est une idée ! »
L'idée était si bonne que, vous nous l'avez rappelé, monsieur le ministre, les fonds ne sont totalement utilisés que dans un seul département !
Si je n'ai aucun état d'âme, c'est aussi parce que je sais que la situation, malgré votre engagement et votre bonne volonté, monsieur le ministre, ne s'améliorera pas. Le FRE est d'une telle complexité qu'aucune entreprise ne peut comprendre à quoi il sert : les fonds ne seront donc pas utilisés. Alors, excusez-nous de donner ce petit coup de canif dans votre budget !
S'agissant des zones franches urbaines, je vous remercie des propos sympathiques que vous avez tenus, et sachez que nous serons non pas derrière vous, mais bien devant ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-20.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C



M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 240 000 000 euros ;

« Crédits de paiement : 48 000 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la ville et la rénovation urbaine.

Culture

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis et enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discusion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon la méthode retenue par la commission des finances pour la deuxième année consécutive, et que M. le président vient de rappeler, je n'exposerai pas le contenu du rapport écrit qui vous a été distribué, me bornant à formuler cinq questions à M. le ministre de la culture.
Ma première question porte sur la stratégie du budget de vérité : pas d'effet d'annonce, le mythique « 1 % » renvoyé aux vieilles lunes et l'acceptation d'un budget en baisse de 4,6 %. Mais, à cette baisse apparente correspond, nous dites-vous, la progression des moyens réellement disponibles de 3,6 % par rapport à 2002.
En effet, aux 2,7 milliards d'euros du budget de 2002, vous ajoutez 97,2 millions d'euros de mesures nouvelles - sur lesquelles nous reviendrons - puis vous retranchez 205 millions d'euros sur vos crédits de paiement, dont 420 millions d'euros n'avaient pas été consommés, ce qui, après ce coup d'accordéon, vous donne un budget de 2,49 milliards d'euros.
Le Sénat apprécie que les cartes, cette fois, soient étalées sur la table. Néanmoins, il voudrait être sûr de deux choses.
Premièrement, il voudrait être sûr que nous ne voterons pas, cette fois, des crédits qui ne seront pas consommés, grevant inutilement l'équilibre budgétaire à un moment sensible, et que le taux de consommation des crédits, quand vous en serez à la loi de réglement de 2003, sera supérieur à celui de 2001, qui atteint 84,11 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement et à celui de 2002, que nous ne connaissons pas encore.
A vrai dire, vous ne courez pas grand risque, puisque vous nous proposez d'augmenter les dépenses ordinaires, dont le taux de consommation oscille entre 98 et 99 %. Votre stratégie, sur ce point, est évidemment très astucieuse, monsieur le ministre.
Deuxièmement, cette réponse n'est que partielle. Nous souhaitons aussi savoir quel progrès vous espérez en ce qui concerne la consommation de ce qui va vous rester en crédits de paiement et si, par conséquent, le patrimoine, optiquement désavantagé, verra dans les faits ses moyens réels augmentés, ce que nous sommes tout prêts à croire.
Comptez-vous, pour ce faire, sur les premières applications des recommandations du rapport Labrusse ? Nous avons ratifié les orientations de ce rapport dans celui qui a été produit au nom de la commission des finances. J'en rappelle les deux principales : un meilleur échelonnement des crédits de paiement par rapport aux autorisations de programme, c'est-à-dire une annonce plus réaliste des engagements à moyen terme, et surtout une augmentation des crédits d'entretien par rapport aux opérations lourdes.
Notre commission approuve fortement l'augmentation de 11,6 millions d'euros des crédits d'entretien, qui porte le montant total de ces crédits à 33,186 millions d'euros. Nous savons, compte tenu de ses habitudes anciennes, que Bercy n'a pas dû accepter sans rechigner cette innovation.
Autrement dit, la réussite de votre pari sera appréciée suivant le taux de consommations des crédits de paiement des titres V et VI l'année prochaine. Ce sera, en quelque sorte, notre juge de paix, puisque nous sommes un peu complices dans cette affaire.
Question subsidiaire : si, par aventure, le résultat n'était pas à la hauteur de vos espoirs et de notre confiance, comment ferez-vous en 2003 quand vous préparerez le budget 2004, car alors les marges de manoeuvre auront disparu ? C'est là tout le problème.
J'en viens ainsi à ma deuxième question, qui est liée à la première. Quelles réformes allez-vous mettre en oeuvre pour améliorer la consommation des crédits du patrimoine ?
Je ne vais pas, bien entendu, énumérer les vingt-neuf propositions du rapport Bady, non plus que les cinquante et une que j'avais eu l'honneur de présenter au nom de la commission des finances et qui sont bien souvent voisines, voire identiques. Je me réjouis fortement de cette contre-expertise. Considérons que, dans ce panel de mesures essentielles soumises à votre choix, il y a deux blocs très importants.
On y trouve d'abord la difficile et inévitable réforme des maîtrises d'ouvrage publiques et des maîtrises d'oeuvres, le démêlage de l'écheveau CRMH-ACMH-ABF-SDAP, à savoir la conservation régionale des monuments historiques, l'architecte en chef des monuments historiques, l'architecte des Bâtiments de France, et les services départementaux de l'architecture et du patrimoine.
Ensuite, la redistribution des monuments historiques, dans le cadre de la décentralisation Raffarin, entre l'Etat et les collectivités régionales, voire départementales et - pourquoi pas ? - communales ou communautaires. Je rappelle que M. Jean-Pierre Bady, comme la commission des finances du Sénat, envisagerait volontiers que la propriété de la moitié des monuments historiques d'Etat - hormis les cathédrales ou les monuments emblématiques, bien entendu - soit remise aux régions avec les crédits y afférents, ce qui entraînerait une transformation profonde du rôle du centre des monuments nationaux. Au fait, parle-t-on toujours de « Monum' » ?
Ma troisième question porte cette fois sur le titre IV et la culture vivante, dont les crédits sont en nette progression : les crédits destinés aux grands établissements augmentent de 4 %, avec une avancée de 8,8 % pour le Centre Pompidou ; les spectacles vivants voient leur dotation accrue de 3,5 % avec, là encore, des progressions appréciables pour les grands festivals, tels Avignon ou Aix.
Y-a-t-il parallèlement une amélioration, dans votre département ministériel, des instruments de mesure, de contrôle des performances et, pour parler clair, du taux de fréquentation et de la réalité des publics ? Je sais, et je m'en réjouis, que vous préparez une liste de vingt-neuf indicateurs du spectacle vivant, par missions. En un temps de vaches maigres budgétaires, nous ne pouvons pas considérer avec satisfaction certains ratios tels que ceux des subventions nettes par spectateur, qui, dans les grands théâtres nationaux, vont de 38 à 126 euros. Chaque spectateur qui s'asseoit dans son fauteuil à la Comédie française coûte ainsi 42,78 euros à la collectivité publique avant même le lever du rideau ! La situation est meilleure dans les centres dramatiques régionaux, où ce point mort est de 10,61 euros. Quoi qu'il en soit, il faut continuer d'abaisser ce point mort, et la commission des finances vous y encourage vivement.
Cet intérêt que je me réjouis de vous voir porter aux indicateurs de résultat est pour moi l'occasion de dire qu'il faut aller plus loin et non pas simplement procéder à la « restauration des marges de manoeuvre artistique » de votre ministère, et en particulier des établissements publics, par l'octroi de mesures nouvelles. J'aborde là la délicate question de l'amendement que la commission des finances va vous présenter, car elle souhaiterait que les marges de manoeuvre soient aussi trouvées dans le redéploiement des moyens.
Elle m'a en effet demandé, comme à tous les rapporteurs spéciaux, de proposer une réduction des crédits destinée à marquer, de façon au moins symbolique, le fait que l'on ne peut pas prendre acte d'une diminution de 700 millions d'euros de recettes fiscales et ne pas baisser les dépenses.
Telle est la raison pour laquelle je vous proposerai de réduire les mesures nouvelles du titre IV de 1 million d'euros et celles du titre V de 1 million d'euros également. Deux amendements seront à cet effet présentés dans quelques instants.
Quatrième question : en dépit des chantiers considérables qui ont été lancés depuis la présidence de François Mitterrand - Grand Louvre, Opéra Bastille, Bibliothèque nationale de France - d'autres, tout aussi écrasants, même s'ils sont excellents, se profilent dans les cartons, ou s'inscrivent déjà sur le terrain. Vous avez vous-même procédé à un examen critique, et je vous en félicite encore, de certains d'entre eux. Le cabinet KPMG, que vous avez consulté, a insisté sur les charges de fonctionnement, qui, à terme, risquent de grever lourdement le budget du ministère de la culture. Pouvez-vous en dire plus sur ce sujet ? Pourriez-vous envisager de renvoyer à un avenir meilleur certains projets en cas de grandes difficultés conjoncturelles ?
Cinquième et dernière question, je voudrais aborder un sujet sensible, qui a donné lieu à des initiatives parlementaires tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale : l'archéologie préventive.
Qu'il s'agisse de l'amendement déposé par M. Daniel Garrigue à l'Assemblée nationale, par lequel a été introduit l'article 59 quater du présent projet de loi de finances, ou de l'article additionnel adopté par le Sénat sur la proposition de notre collègue Henri de Raincourt, ces initiatives témoignent d'un profond malaise, dont nous connaissons tous de multiples exemples dans nos départements.
Une loi a été adoptée en dépit des avertissements du Sénat, notamment du rapporteur de ladite loi, notre collègue Jacques Legendre. Mais ce dernier n'a pas été entendu et l'on voit, aujourd'hui, se multiplier les blocages ou les tentatives du nouvel établissement public - fallait-il d'ailleurs créer un établissement public, de surcroît doté d'un monopole ? - pour demander des sommes parfois exagérées aux collectivités.
La situation est difficile à accepter. Mais faut-il pour autant, dans un contexte social instable, retourner au statu quo ante en en revenant aux financements contractuels ou en pratiquant un abattement de 50 % du montant de la redevance ?
Franchement, nous sommes suspendus à vos lèvres, monsieur le ministre ; nous aimerions qu'à l'occasion de ce débat vous analysiez la situation et que vous nous expliquiez comment vous entendez, dans les meilleurs délais, faire appliquer les principes affirmés à l'article 2 de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, aux termes duquel l'Etat veille « à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social ». (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose de lire dans le premier budget de la culture que j'ai l'honneur de vous présenter la mise en place progressive d'une façon nouvelle de concevoir la politique culturelle de l'Etat.
J'ai toujours dit, avant même d'être ministre, en ma qualité de président du Centre Pompidou - certains d'entre vous s'en souviennent -, que l'Etat devait être, dans ce domaine, un partenaire fiable et efficace.
La fiabilité exige la sincérité et la vérité. Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, le budget que je vous présente est sincère et véritable. Il n'empile pas de manière optique des crédits qui n'ont pas vocation à être dépensés. C'est particulièrement le cas des crédits de paiement : vous le savez, le ministère paiera cette année ses factures en investissement en mobilisant les réserves énormes - 420 millions d'euros à la fin de 2001 - qu'il a accumulées depuis plusieurs années.
Il n'en est pas moins nécessaire, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur spécial, d'assurer la continuité de la politique d'investissement du ministère. Nous y veillerons, avec le Premier ministre et avec mon collègue du budget, notamment à travers la présentation au Parlement dans le courant de l'année 2003 d'une nouvelle loi de programme pour le patrimoine, conformément au voeu du Président de la République.
J'ai parlé d'efficacité. Ce budget est un budget d'efficacité parce que, s'agissant des crédits immédiatement mobilisables, il augmente cette année beaucoup plus que les années précédentes.
C'est notamment le cas des crédits du titre III, ce qui nous permettra, en premier lieu, d'accélérer les travaux d'entretien en faveur du patrimoine, et d'éviter, à terme, autant de lourdes et coûteuses restaurations.
En second lieu, cette augmentation viendra renforcer les moyens d'action des institutions nationales, avec lesquelles je veux que le ministère s'engage dans une relation nouvelle, fondée sur l'autonomie et sur la responsabilité. Plus autonomes, plus responsables, ces institutions n'en devront pas moins, désormais, mieux inscrire leur politique dans les objectifs généraux du ministère en matière de décentralisation, de politique culturelle internationale, de politique de diffusion de la culture au bénéfice des plus jeunes, de mise à disposition de la culture en faveur des citoyens handicapés, et d'investissement dans les nouveaux médias, notamment le multimédia et Internet.
L'efficacité, c'est également l'augmentation du titre IV, qui est équitablement répartie entre tous les secteurs du ministère et qui lui permettra d'intensifier et de renouveler son action en régions en soutenant les initiatives des collectivités locales et des associations.
Lorsque je dis, en effet, que le ministère est un partenaire, c'est parce que j'ai bien conscience qu'en matière de culture il n'est jamais seul et qu'il ne doit surtout pas l'être. Aujourd'hui, et je m'en réjouis, la culture est une force, un élan qui monte de la société, de nos territoires, où les villes, les départements, les régions prennent une part très importante.
Tels sont, très brièvement exposés, les grands principes qui ont guidé l'élaboration de ce budget que je propose à votre vote.
Naturellement, un troisième principe viendra s'ajouter à la mise en oeuvre de son exécution, celui de l'égalité. L'Etat a pour mission d'assurer l'égalité d'accès de nos concitoyens aux biens de la culture à travers deux priorités : l'aménagement culturel du territoire et le souci des équipements culturels de proximité, d'une part, et l'intensification et la généralisation de l'éducation artistique, d'autre part.
Monsieur le rapporteur spécial, dans votre question subsidiaire, vous soulignez que, même si, progressivement, de budget en budget, à partir de 2004, la dotation en crédits de paiement devrait remonter, les réserves vont s'épuisant. Ce sera tout l'enjeu des futurs budgets dont j'ai déjà commencé à m'entretenir avec mon collègue Alain Lambert : obtenir une croissance équilibrée de tous les titres, et cela pour tous les secteurs d'action du ministère de la culture.
Il faut cesser, j'en suis bien d'accord, de privilégier un titre, c'est-à-dire une action, au détriment des autres. C'est ce que nous ferons.
Vous m'interrogez également sur la sous-consommation des crédits du patrimoine.
Dès mon arrivée au ministère, j'ai formé un groupe de travail chargé de me faire des propositions visant à accélérer la consommation des crédits du patrimoine. Ce groupe a, du reste, tiré grand profit du rapport que vous avez rédigé sur ce sujet.
A ce stade, voici les mesures que j'ai décidé de mettre en oeuvre.
Tout d'abord, comme vous l'avez relevé, je propose, dans le cadre de la loi de finances, l'étalement de la mise en place des crédits de paiement sur cinq ans au lieu de quatre ans et une augmentation des crédits d'entretien consacrés aux monuments historiques de plus des deux tiers.
Par ailleurs, les autorisations de programme et les crédits de paiement seront désormais notifiés et délégués dès le début de l'année aux services déconcentrés. De plus, l'attribution des crédits aux régions tiendra compte de leur capacité réelle à les consommer.
En outre, j'ai demandé aux directeurs régionaux des affaires culturelles d'affecter les crédits aux opérations qui pourront effectivement commencer dans l'année et de systématiser le recours aux marchés à tranches conditionnelles.
Enfin, quelles que soient les décisions qui seront prises en matière de décentralisation, il conviendra, dès 2003, d'inciter les propriétaires à assumer le plus souvent possible directement la maîtrise d'ouvrage des travaux et d'augmenter les moyens humains de la maîtrise d'oeuvre des monuments historiques afin d'obtenir de meilleures capacités de traitement des commandes.
Vous m'avez également interrogé sur le rapport Bady.
J'étudie actuellement, avec mes services, les suites que j'entends donner à ce rapport. Croyez-bien, monsieur le rapporteur spécial, que votre propre rapport, dont j'ai apprécié la qualité, la précision, la pertinence et l'ampleur, sera pris en compte dans cet exercice. D'ailleurs, vous le savez, le rapport Bady relaie très largement un certain nombre de vos analyses et de vos propositions.
Je suis en mesure de vous indiquer les premières orientations que nous avons arrêtées avec M. le Premier ministre.
La protection doit rester une compétence régalienne de l'Etat, qu'il sagisse du classement, de l'inscription et de leurs effets en matière de protection des abords et d'autorisation de travaux.
La maîtrise d'ouvrage doit revenir tout naturellement au propriétaire.
D'autres mesures viendront bien évidemment compléter ce dispositif.
Le calendrier de la décentralisation du patrimoine est naturellement adossé à celui qui sera arrêté par le Gouvernement pour la nouvelle étape de la décentralisation.
J'en viens aux instruments de mesure destinés à apprécier la fréquentation des activités culturelles. Il est évident que les politiques culturelles doivent être évaluées, comme toutes les autres politiques. Dès 2003, je réserverai à cette fin, chaque année, une enveloppe significative. Un premier programme d'évaluations sera lancé dès le mois de juillet.
Ainsi, dans le domaine des musées, une enquête sera réalisée en 2003 sur la fréquentation de l'ensemble des musées de France. Elle permettra de disposer de statistiques détaillées sur la fréquentation par type de musées, par tarif, par région... Elle servira également à constituer un échantillon de musées dont la fréquentation sera suivie régulièrement et qui pourra également servir de test.
En outre, pour l'ensemble des établissements culturels, le ministère publie chaque année les chiffres de fréquentation qu'il recueille. Il tient à jour une base de données de statistiques culturelles contenant des données détaillées.
Enfin, le ministère poursuivra son effort de connaissance précise des types de publics fréquentant ces établissements. A titre d'exemple, il vient de mener la première enquête nationale sur les pratiques culturelles des enfants et des adolescents. Je suis très attaché au fait que cette connaissance permette de mieux orienter notre politique et qu'elle ait désormais une dimension territoriale forte.
Quant aux redéploiements de moyens que vous évoquez, j'ai demandé, vous le savez, à chaque direction du ministère de la culture de redéployer, sur trois ans, 10 % de leurs crédits d'intervention sur les priorités culturelles nouvelles du Gouvernement.
S'agissant des titres IV et V, vous ne serez pas étonnés que je ne suive pas votre demande de réduction de un million d'euros pour chacun d'eux. Je m'en expliquerai au moment de la discussion des amendements de la commission des finances.
J'en viens à la question du coût d'exploitation futur des grands équipements culturels de l'Etat, qui est bien entendu cruciale.
Le coût de fonctionnement très élevé de certains projets grève lourdement, à la Bibliothèque nationale de France par exemple, les marges d'action du ministère de la culture et de la communication. Ce constat doit nous conduire à examiner avec prudence tout nouveau grand projet d'équipement culturel avant sa mise en oeuvre, et à bien mesurer son coût tant en investissement qu'en fonctionnement.
Soucieux de rationaliser l'action du ministère dans ce domaine, j'ai décidé d'arrêter la mise en oeuvre de projets au coup par coup. J'ai souhaité définir au préalable une stratégie immobilière globale qui prenne en compte à la fois les nouveaux équipements, qui répondent à un besoin avéré - comme le projet d'installation de la Cinémathèque française dans de bonnes conditions -, et les grosses réparations nécessaires dans d'autres cas. Je pense à certains équipements existants, comme le Théâtre de l'Europe, dont la cage de scène nécessite des adaptations lourdes.
Cette démarche est une première dans un ministère qui est pourtant l'un des principaux affectataires du domaine de l'Etat. C'est aussi ce qui m'a conduit à subordonner toute décision d'investissement pour l'avenir à la production de prévisions de coût d'exploitation les plus fines possible.
En ce qui concerne plus spécifiquement le projet d'installation des services du ministère dans l'immeuble des Bons-Enfants, je veillerai, bien entendu, à ce que ce regroupement nécessaire - puisque les services du ministère sont répartis actuellement sur dix-sept sites - permette des économies d'échelle et de loyer.
J'en viens à l'archéologie préventive, qui est un élément fondamental de notre politique en faveur du patrimoine.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Avant l'adoption de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, relative à l'archéologie préventive, cette politique ne reposait sur aucune base juridique, ce qui suscitait les critiques des aménageurs comme de la Cour des comptes. Ce texte lui a donné un fondement juridique conforme aux engagements internationaux que la France a pris en signant, notamment, la convention de Malte en 1994. Il prévoit que les fouilles prescrites par l'Etat sont réalisées par un établissement public, l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, et financées par une redevance payée par les aménageurs dont les travaux porteraient atteinte aux vestiges enfouis.
Les premières prescriptions de fouilles établies en application de cette loi, qui est entrée en vigueur en février 2002, soulèvent des difficultés dont l'Assemblée nationale et le Sénat se sont largement fait l'écho. Elles portent, entre autres, sur le caractère unilatéral de la redevance et sur son montant très élevé dans les communes rurales.
C'est la raison pour laquelle, dès le 9 octobre dernier, j'ai chargé une mission d'étude d'examiner les conditions de mise en oeuvre de la loi du 17 janvier 2001 et de me proposer les éléments d'une réforme que je serai naturellement disposé très rapidement à vous présenter. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, ce projet de budget est marqué par une originalité : l'« opération vérité » à laquelle vous avez voulu vous livrer. Cette dernière présente l'avantage de la sincérité, même si elle comporte, par sa brièveté temporelle, une limite sur laquelle je reviendrai dans un instant.
En effet, acceptant avec courage de défendre un projet de budget en diminution, votre préoccupation a été de privilégier les capacités réelles d'engagement du ministère et de rompre avec cette pratique qui consistait à afficher des dotations d'investissement sans rapport avec la réalité de la consommation des crédits.
Cette double préoccupation se traduit dans l'évolution respective des grandes catégories de dépenses.
Ainsi, les dépenses d'investissement des titres V et VI reculent de 40,35 % en crédits de paiement, en raison de la suppression d'une enveloppe de crédits non consommés d'un montant de 450 millions d'euros.
En revanche, les dépenses ordinaires, celles qui permettent d'animer une politique culturelle, inscrites aux titres III et IV, progressent en 2003 de 4,7 %, pour atteindre 2,170 milliards d'euros.
Ainsi, le projet de budget que nous examinons aujourd'hui permettra un renforcement substantiel des moyens de fonctionnement du ministère, destiné à faire face à l'extension de ses missions.
Chaque année, nous dressons le bilan des extensions du champ de compétences du ministère et, si nous nous en réjouissons dans l'intérêt de la politique culturelle de notre pays, nous sommes inquiets lorsque nous constatons que les moyens financiers ne correspondent pas toujours à l'extension du pré carré du ministère.
Le renforcement des moyens de fonctionnement permettra en outre - c'est un point essentiel qui a suscité, au sein de la commission des affaires culturelles, de nombreux débats à l'occasion des missions d'information qu'elle a créées - d'assurer dans de bonnes conditions le fonctionnement des établissements publics, et plus généralement de rompre avec une pratique consistant à privilégier l'investissement sur le fonctionnement.
Comment justifier en effet que des institutions, dont certaines sont tout à fait remarquables sur le plan international, ne fonctionnent pas dans de bonnes conditions faute de moyens ? Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui de l'établissement public du Louvre, où le taux moyen de fermeture des salles a atteint 27 % l'année dernière. Quand on sait que certaines salles sont toujours ouvertes, cela signifie que plusieurs d'entre elles sont fermées plus de la moitié de l'année, ce qui est évidemment indigne d'un établissement aussi grandiose que celui-là. Il est essentiel que le fonctionnement soit à la hauteur des crédits d'investissement qui sont accordés.
Je me félicite que vous poursuiviez l'effort de réduction de l'emploi précaire, qui constitue, au sein du ministère, une réelle difficulté sociale. En 2003 seront créés 150 emplois gagés par la réduction des crédits de vacation et des subventions aux établissements publics. C'est un premier pas qui permettra d'atténuer l'inadéquation existant entre les moyens du ministère et ses besoins.
Le projet de budget traduit également la volonté d'accroître l'autonomie des établissements publics et les moyens dont ils disposent. Leurs subventions de fonctionnement progresseront, en 2003, de 4,5 % à structure constante.
A cet égard, de quelle manière envisagez-vous la gestion prévisionnelle des moyens en personnels de ces établissements et, plus encore, la gestion des charges de renouvellement de leurs équipements ? La mission d'information chargée d'étudier le fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France, que le Sénat avait mise en place voilà deux ans, a montré le taux d'obsolescence important des installations et des équipements, parfois très complexes, et, par conséquent, la nécessité de trouver des crédits de renouvellement destinés à permettre le fonctionnement normal de ces établissements.
Je note également avec satisfaction une novation au sein de votre ministère : la progression significative des crédits d'entretien, qui vont profiter essentiellement au patrimoine appartenant à l'Etat et, dans une moindre mesure, aux monuments historiques ne lui appartenant pas. Il s'agit là d'une prise de conscience essentielle, et cela fait partie d'une politique de prévention nécessaire pour éviter d'engager de lourds crédits pour la restauration de certains éléments très fragiles du patrimoine national.
Un autre élément de satisfaction réside dans la progression sensible des dépenses d'intervention de 4,69 %, qui permet de jauger la politique d'animation culturelle de notre pays.
S'agissant de la nouvelle procédure de répartition des crédits déconcentrés, si je ne peux que me féliciter du principe, je constate néanmoins qu'elle rend difficile l'analyse des priorités qui présideront à leur affectation pour 2003 et, par conséquent, qu'elle amoindrit sensiblement le contrôle parlementaire sur votre budget. Monsieur le ministre, comment votre ministère assurera-t-il, au nom de la solidarité nationale et de l'équité, le contrôle des priorités qui seront, dans les directions déconcentrées de votre ministère, celles de l'année prochaine ?
Je m'interroge notamment sur les crédits destinés aux enseignements artistiques. Les documents font état d'une augmentation, dont on ne peut que se louer, de 8,02 % des crédits qui leur sont consacrés, comme on ne peut que se louer de l'effort important en faveur de la modernisation des écoles d'architecture. Les inquiétudes qui s'étaient fait jour lorsque ces écoles avaient quitté le giron d'un ministère riche pour celui d'un ministère un peu moins doté sont aujourd'hui totalement apaisées.
Quelles mesures sont prévues en 2003, notamment pour accompagner la poursuite du plan pour l'éducation artistique et culturelle lancé conjointement en 2000 par les ministères de l'éducation nationale et de la culture ? Ce plan contribue très fortement au développement de l'égalité des chances par la diffusion de la culture dans les milieux scolaires.
Par ailleurs, si je me félicite de la réforme des écoles d'art - elles vont devenir des établissements publics à partir de l'année prochaine -, qui permet d'améliorer leur fonctionnement, je m'inquiète du niveau des subventions versées par l'Etat au réseau des conservatoires nationaux de région et aux écoles nationales de musique, financé pour l'essentiel par les collectivités territoriales.
La commission des affaires culturelles est traditionnellement préoccupée par l'étroitesse des marges budgétaires dont disposent les musées pour enrichir leurs collections. En 2003, si la subvention versée par l'Etat à la Réunion des musées nationaux, la RMN, reste stable, la dotation du fonds du patrimoine progresse de 10 % grâce à une mesure nouvelle de 1,52 million d'euros. Cet effort arrive à point nommé, alors que la valeur des oeuvres susceptibles d'être exportées à l'échéance d'un refus de certificat représente, en 2003, près de 32 millions d'euros. On mesure l'insuffisance des crédits prévus eu égard aux besoins des musées pour enrichir leur patrimoine ! En ce domaine, mes interrogations concernent les orientations que vous envisagez pour développer les ressources représentées par le mécénat. Les dispositions très avantageuses adoptées sur l'initiative du Sénat dans le cadre de la loi relative aux musées de France n'ont pas encore été mises en oeuvre. Quelles sont les intentions du pouvoir réglementaire dans ce domaine ?
Par ailleurs, je m'interroge sur les perspectives d'évolution de la RMN, progressivement vidée de sa substance au profit des grands établissements publics comme le Louvre et Versailles, qui vont bénéficier d'une autonomie croissante. Le principe de mutualisation sur lequel repose la RMN serait-il remis en cause ? Si tel était le cas, comment serait financée la politique d'acquisition des musées nationaux ? N'est-il pas risqué de substituer au reversement des droits d'entrée une subvention de l'Etat dont la revalorisation au fil des ans n'est pas garantie ?
Monsieur le ministre, je terminerai mon propos en abordant la politique du patrimoine, sujet auquel notre assemblée a toujours été très sensible. Tirant les conséquences de la sous-consommation chronique des crédits, il est prévu, dans le projet de budget, une nette diminution de ceux qui sont affectés à la restauration du patrimoine monumental.
Comme l'a rappelé le rapporteur spécial il y a un instant, l'opération vérité que l'on peut faire en 2003 ne sera pas possible, en 2004 ; il faudra par conséquent - notre commission a souhaité appeler votre attention sur ce point - assurer l'adéquation entre les besoins de financement résultant des opérations en cours et les dotations prévues en loi de finances. En effet, si les crédits ne sont pas consommés, c'est en raison non pas de l'absence de projets - ils sont considérables et foisonnent d'un bout à l'autre du pays - mais de la lourdeur des procédures administratives, en matière notamment de monuments historiques classés, qu'ils appartiennent à des particuliers. Il est donc nécessaire de réformer ces procédures.
La loi de programme dont vous nous avez annoncé le dépôt imminent sera, je l'espère, de nature à apaiser nos inquiétudes. Il n'en reste pas moins qu'il sera essentiel de prévoir, pour le budget 2004, des montants correspondant réellement aux crédits qui seront consommés en 2003.
Par ailleurs, je renouvelle, monsieur le ministre, mon interpellation sur le patrimoine rural non protégé. Cette ligne de crédits a disparu l'an dernier, ce que le Sénat avait reproché à votre prédécesseur. Il serait important que vous garantissiez au Sénat que, dans le cadre des crédits déconcentrés dont bénéficient, en matière de patrimoine, les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, l'équité sera respectée et que l'on veillera à ce que ce patrimoine rural non protégé, qui irrigue l'ensemble de notre pays, continue à être aidé, sachant l'effort essentiel que font dans ce domaine les collectivités locales.
M. Jacques Legendre. Très bien ! M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Je reviendrai enfin, monsieur le ministre, sur la nécessité de prévoir un nouveau partage de responsabilité en matière de protection du patrimoine.
Nous avons reçu en commission M. Bady, qui nous a exposé les grandes lignes de son projet. Monsieur le ministre, la commission a pris une position très claire et très ferme sur la manière dont les compétences doivent être partagées. Elle souhaite très nettement, nous l'avons dit à l'intéressé, qu'il n'y ait pas de compétences croisées dans ce domaine et que la structure chargée de gérer tant la programmation que l'application des mesures de protection du patrimoine soit le département.
Telles sont, monsieur le ministre, les remarques que la commission souhaitait formuler.
En conclusion, approuvant la sincérité de la présentation budgétaire, et consciente des marges de manoeuvre nouvelles que vous avez su dégager pour assurer l'action culturelle de votre ministère, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture pour 2003. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le cinéma et le théâtre dramatique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'ils obéissent à des mécanismes très différents, le soutien public destiné au cinéma et celui relatif au théâtre dramatique servent des objectifs comparables : la diversité de la création et l'élargissement des publics.
J'évoquerai d'abord les crédits du cinéma qui, je vous le rappelle, proviennent, d'une part, de la section « cinéma » du compte de soutien à l'industrie cinématographique et audiovisuelle, et, d'autre part, des dotations budgétaires du ministère de la culture, affectées pour l'essentiel à des actions d'animation culturelle ou de conservation du patrimoine conduites par le Centre national de la cinématographie.
S'agissant du compte de soutien, le projet de loi de finances anticipe une progression de 2,3 % des recettes, qui devraient atteindre 240,16 millions d'euros en 2003. Cette évolution favorable est due, d'une part, aux bons résultats de la fréquentation des salles, qui marque une nouvelle progression et se traduit par une augmentation du rendement de la taxe sur les places de cinéma, et, d'autre part, à un accroissement très significatif du produit de la taxe sur la commercialisation des vidéogrammes, conséquence de l'essor spectaculaire du marché du DVD.
Je noterai à cet égard qu'il serait opportun, monsieur le ministre, de repenser les modalités de contribution du secteur de la vidéo au financement du cinéma. En effet, ce secteur représente un chiffre d'affaires de 819 millions d'euros, et 6,3 % seulement des recettes du compte de soutien, alors que l'exploitation en salles dégage 1 014 millions d'euros de chiffre d'affaires et alimente, par le biais de la taxe sur les places de cinéma, le compte de soutien à hauteur de 44 %.
En revanche, je note que le projet de budget anticipe une baisse de 2,27 % des recettes issues de la taxe sur les chaînes de télévision.
S'agissant des dépenses, les bonnes performances des productions nationales ont pour conséquence une augmentation de l'enveloppe consacrée au soutien automatique. Toutefois, l'ampleur de cette évolution mécanique est atténuée en 2003, sous l'effet de deux mesures : d'une part, la modification des barèmes du soutien automatique afin d'en accroître la dégressivité et, d'autre part, l'accroissement de l'enveloppe consacrée à l'avance sur recettes. Cette mesure me semble bienvenue, car elle est de nature à encourager la réalisation des films qui concourent le plus à la diversité de la création. Mais, au-delà de cet effort financier ponctuel, est-il envisagé de réformer plus en profondeur ce dispositif d'aide, qui est critiqué par certains ?
Il convient de souligner que le soutien public attribué par le biais du compte de soutien ne représente que 12 % du financement de la production cinématographique nationale, alors que les chaînes de télévision y contribuent pour 35 %.
La dépendance du secteur de la production cinématographique à l'égard des chaînes de télévision est au coeur de la politique audiovisuelle du Gouvernement ; on a pu le constater récemment à travers les réactions suscitées par la publication du rapport sur la violence à la télévision. Limiter l'accès des films à la télévision revient automatiquement à réduire leur financement. Au-delà de ce débat spécifique, cette dépendance suscite des inquiétudes : l'avenir de Canal Plus est encore incertain et les recettes des autres diffuseurs accusent un fléchissement, alors que le dynamisme de la production nationale nécessite de mobiliser des capitaux de plus en plus importants.
Si la réflexion engagée à votre demande, monsieur le ministre, n'aboutit pas à une réforme du dispositif, je crains que ne soit menacée la diversité de notre cinéma. Aujourd'hui, si les films à gros budgets capables de mobiliser les investisseurs se multiplient, les productions plus modestes peinent à se financer.
Ce danger menace, alors même que notre cinéma confirme sa capacité à élargir son public non seulement sur le marché national, mais aussi à l'étranger. A cet égard, je m'interroge sur l'efficacité de notre politique de soutien à l'exportation. Ne serait-il pas opportun de la moderniser dans une perspective plus nettement européenne ? Nous devons, en vue des futures négociations commerciales internationales, convaincre les autres Etats de l'Union du bien-fondé d'une politique de soutien au cinéma. Quel meilleur argument que la présence de nos films sur leurs écrans ?
S'agissant des crédits dégagés sur le budget du ministère en faveur du cinéma, compte tenu de la nouvelle procédure de répartition des crédits déconcentrés applicable pour l'exercice 2003, nous disposons seulement du montant des crédits centraux, qui s'élèvent à 43 millions d'euros. Pourriez-vous, monsieur le ministre, compléter notre information sur les mesures nouvelles concernant les crédits déconcentrés ?
Par ailleurs, est-il envisagé de renforcer les moyens consacrés à l'éducation à l'image, action qui revêt à mon sens une actualité très aiguë et à laquelle contribuent déjà très largement les collectivités territoriales ?
Monsieur le ministre, je salue l'attention que vous portez à la politique de valorisation du patrimoine cinématographique. Vous avez confirmé le projet du « 51, rue de Bercy » et fait part, lors de votre conférence de presse du 29 octobre dernier, de votre souhait de ne pas voir l'identité de la Cinémathèque gommée par cette institution qui connaît là un nouvel avatar.
Cependant, si je rejoins votre préoccupation de restaurer le rayonnement de la Cinémathèque, je souligne la situation très difficile de l'ensemble des services ou organismes qui concourent à la valorisation du patrimoine. J'évoquerai ainsi les faibles moyens du service des archives du film et du dépôt légal, ou encore la précarité des conditions de conservation des collections de la bibliothèque du film. J'espère que la mission d'expertise confiée à M. Serge Toubiana débouchera sur des propositions de nature à renforcer la cohérence des actions engagées par ces différents partenaires.
J'en viens maintenant aux crédits consacrés au théâtre.
Le projet de budget pour 2003 traduit, avec un souci de continuité que nous apprécions, la volonté de soutenir le spectacle vivant, priorité dont profiteront les institutions théâtrales. En effet, en 2003, le budget de la direction chargée du spectacle vivant augmente de 3,51 % pour atteindre 686,59 millions d'euros, soit un rythme de progression comparable à celui qui a été constaté en 2002.
Cet effort profite aux établissements publics - et en particulier aux théâtres nationaux, dont les subventions de fonctionnement progressent de 3,88 % - mais également aux dépenses d'intervention.
C'est environ la moitié de ces dépenses, qui s'élèvent à 378,22 millions d'euros, qui profitera à la politique du théâtre. Il serait là encore utile, monsieur le ministre, que vous puissiez nous indiquer quelles seront les grandes priorités qui guideront la répartition des mesures nouvelles.
D'après les informations que nous avons recueillies, un effort sera notamment accompli pour restaurer les marges artistiques des structures subventionnées. Il s'agit là d'une nécessité, afin de leur permettre de faire face à l'augmentation de leurs charges de fonctionnement, notamment sous l'effet du doublement des cotisations d'assurance chômage dues pour l'emploi d'intermittents du spectacle. Sur cette épineuse question, je ne peux, monsieur le ministre, que vous encourager à inciter les partenaires sociaux à faire preuve d'esprit de solidarité et de responsabilité.
Les conclusions de la mission que vous avez diligentée conjointement avec le ministre des affaires sociales afin d'éclairer les partenaires sociaux sur le fonctionnement de ce régime et de formuler des propositions de réforme devraient être connues dans quelques jours. Nous seront très attentifs aux suites qui leur seront données.
Comme vous l'avez souligné devant la commission des affaires culturelles, l'intermittence n'est pas un statut. A l'évidence, le maintien d'un régime capable de tenir compte de la spécificité des activités artistiques exigera inévitablement des ajustements dont le coût pèsera, certes, sur les structures du spectacle vivant, mais aussi sur les budgets des collectivités publiques qui les soutiennent.
Enfin, il semble que l'une des autres priorités de l'action du ministère sera le renforcement de l'enseignement professionnel de l'art dramatique. C'est parfaitement légitime : l'enseignement de cette discipline est en effet peu structuré et très inégalement réparti sur le territoire national. Cependant, la commission a regretté que cette priorité ne se traduise pas par une augmentation du soutien financier accordé par l'État aux conservatoires nationaux de région et aux écoles nationales de musique, qui relèvent des collectivités territoriales et qui assument l'essentiel de la charge de cet enseignement.
En conclusion, je soulignerai qu'avec une volonté salutaire de continuité ce projet de budget marque le souci du Gouvernement d'assumer les responsabilités qui sont les siennes, dans le secteur du spectacle vivant comme dans celui du cinéma.
La commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du cinéma et du théâtre dramatique pour l'exercice 2003.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, le nouveau mode de répartition des crédits déconcentrés, qui permet aux DRAC de proposer de véritables stratégies territoriales, n'est nullement incompatible avec la mise en oeuvre des priorités que j'ai fixées pour la politique culturelle de l'Etat en région. Bien au contraire, dès l'automne, j'ai invité les directions régionales à inscrire leurs propositions budgétaires dans le cadre des priorités qui leur ont été données : développement des équipements de proximité, politique en faveur des jeunes, développement de l'éducation artistique et élargissement des publics.
Par ailleurs, la mise en place d'outils d'analyse et de suivi d'emploi des crédits permet aujourd'hui de vérifier leur bon usage.
S'agissant de l'enseignement artistique, j'entends poursuivre la dynamique qui a été enclenchées en la matière et qui est menée conjointement avec le ministère de l'éducation nationale.
Comme vous l'avez souhaité, les crédits du budget du ministère de la culture alloués en 2003 à ces actions sont en augmentation de 5 %. Dès le début de l'année 2003, lorsque les résultats de la mission d'évaluation que j'ai commandée à deux inspecteurs généraux, l'un de l'éducation nationale et l'autre de la culture, seront connus, je proposerai des mesures d'amélioration de ce dispositif, en concertation avec les collectivités territoriales. Pour l'instant, vous le savez, ce dispositif ne concerne, hélas ! que 6 % de la population scolaire.
Le financement des écoles nationales de musique et des conservatoires nationaux de région représente, en 2003, un budget de 27,35 millions d'euros, soit en moyenne 9 % du budget total de ces cent trente-sept établissements, qui sont essentiellement à la charge des collectivités locales.
J'ai proposé, dans le cadre de la nouvelle étape de la décentralisation, que la responsabilité des différents niveaux des collectivités locales soit précisée, car d'une région à l'autre il existe de grandes disparités d'implication, qu'il convient de corriger pour un accès égal de nos enfants à l'enseignement artistique, notamment à celui de la musique.
J'en viens aux moyens d'acquisition des musées et à la réforme de ceux-ci, que j'ai mise en oeuvre. En 2003, les moyens d'acquisition des musées nationaux s'élèveront à 34 millions d'euros, qui se décomposent ainsi : la participation de l'Etat aux acquisitions d'oeuvres d'art s'établira à près de 22 millions d'euros, dont 15,6 millions d'euros pour le fonds du patrimoine, soit une augmentation d'environ 7,5 % ; la contribution de la Réunion des musées nationaux, par ses droits d'entrée, sera de l'ordre de 7,7 millions d'euros ; la part des dons, legs et du mécénat est évaluée à 4,6 millions d'euros.
Mais, pour mieux répondre aux besoins d'acquisition des musées et faire face à des exigences d'achats imprévus, ou simplement à la loi du marché, il faut également compter sur l'initiative privée. Vous le savez, le législateur a introduit dans la loi relative aux musées de France de 2002, sur proposition de votre assemblée, des dispositions permettant de susciter l'appel à la générosité des particuliers ou des entreprises pour compléter la participation de l'Etat à l'enrichissement des collections nationales.
Cette loi étant désormais pleinement entrée en vigueur, une entreprise vient de déposer une offre de versement - il s'agit, en l'occurrence, de l'acquisition d'oeuvres de Oudry pour le musée du Louvre - qui est actuellement examinée par le ministère des finances.
Je fonde beaucoup d'espoirs dans cette nouvelle procédure, qui permet de donner à la société civile les moyens de concourir à l'enrichissement des collections nationales ou des collectivités locales aux côtés de l'Etat.
Quant à la réforme des musées nationaux que j'ai lancée, elle vise avant tout à responsabiliser des entités clairement identifiées au service d'une politique culturelle cohérente.
Le droit d'entrée dans les établissements publics existants ou à créer continuera à financer les opérations d'acquisition. La Réunion des musées nationaux assurera toujours, pour sa part, la fonction de « caisse commune d'acquisition » pour les musées nationaux qui ne disposent pas de la personnalité morale. Cela dit, il faut individualiser les grands établissements et les rendre autonomes. Songez que, jusqu'à mon arrivée rue de Valois, le directeur du Louvre n'avait aucune capacité d'intervention...
M. Ivan Renar. C'est vrai !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... sur la politique d'acquisition, de prêt et de dépôt de son musée, ce qui ne manquait pas d'étonner le directeur de la National Gallery de Londres et du Metropolitan Museum of Art de New York.
Par ailleurs, jusqu'en 2001, le budget de 35 millions de francs consacré au petit patrimoine rural non protégé faisait l'objet d'un chapitre spécifique. Depuis l'exercice 2002, ce budget a été rattaché au chapitre 66-20, mais la capacité d'aide de l'Etat au profit du patrimoine rural non protégé a été intégralement maintenue, même si elle n'apparaît plus de façon individualisée dans la nomenclature budgétaire.
La directive nationale d'orientation transmise en 2002 aux préfets de région et aux DRAC a clairement précisé cette nouvelle disposition, dont l'application ne semble pas avoir soulevé de problèmes particuliers.
Je ne souhaite pas, à ce stade, me priver de la souplesse, de plus en plus nécessaire, que m'apporte cette fongibilité de crédits, fongibilité qui pourra permettre à l'Etat, le cas échéant, d'accroître le montant des crédits consacrés à ce patrimoine. Mais j'épouse tout à fait votre préoccupation quant au traitement de ce patrimoine.
En ce qui concerne la place du département dans le processus de décentralisation, j'ai répondu, de façon générale, à M. Yann Gaillard quant à mes intentions en matière de responsabilité de l'Etat dans la mise en oeuvre des politiques du patrimoine et sur les suites que j'entends réserver aux propositions du rapport Bady et du rapport dont M. Gaillard est l'auteur.
Ces propositions font actuellement l'objet d'un examen attentif et, naturellement, à l'occasion de mes déplacements en région - en Lorraine, très prochainement - je procéderai à de nombreuses consultations à ce sujet. Je reçois notamment des demandes de transfert de compétences de la part d'élus des départements, qui sont souvent très actifs dans ce domaine, ainsi que de la part d'élus des régions ou des collectivités régionales. Il y a donc là une clarification à opérer.
Monsieur Vidal, en ce qui concerne le cinéma et le théâtre dramatique, vous m'avez posé plusieurs questions, qui sont effectivement au coeur des préoccupations de mon ministère.
Vous m'avez d'abord interrogé sur la contribution de la vidéo au financement du cinéma et du compte de soutien. La réflexion est actuellement en cours, en concertation avec les professionnels du cinéma et de l'édition vidéo, pour réévaluer cette contribution. Un relèvement de la participation de la vidéo au compte de soutien est effectivement envisagé. Il est prévu de passer d'une taxe sur le prix éditeur à une taxe sur le prix public. Cet élargissement de l'assiette de la taxe est d'ores et déjà décidé. Il sera annoncé officiellement par le Gouvernement dans les jours qui viennent et sera mis en oeuvre dans le courant de l'année 2003.
Vous avez également évoqué l'avance sur recettes. Je crois pouvoir dire qu'elle a apporté, depuis sa création, la preuve de son efficacité. Pour l'essentiel, les professionnels conviennent, je crois, que la commission fonctionne bien, malgré la difficulté à sélectionner parmi la quantité importante des projets traités.
Les aides les plus importantes vont aux films les plus démunis financièrement. L'avance répond donc bien, en partie au moins, aux attentes de la production indépendante. Des idées ont été avancées pour améliorer son action. En tout état de cause, des modifications ne sont envisageables qu'en concertation avec l'ensemble des professionnels concernés.
La dotation de l'avance sur recettes a été sensiblement augmentée pour 2003. Je souhaite que, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée, M. Jean-Pierre Leclerc me fasse savoir s'il estime qu'il y a lieu de modifier plus profondément les mécanismes de l'avance sur recettes.
Au demeurant, le mandat de M. Frédéric Mitterrand, qui préside la commission, prenant fin en début d'année, nous serons conduits à lui nommer un successeur, ce qui sera également l'occasion de manifester la volonté du Gouvernement dans ce domaine.
Pour ce qui est de la participation des chaînes de télévision, je souhaite rappeler que j'ai confié à M. Jean-Pierre Leclerc une mission d'expertise. Celle-ci traite également de l'engagement de la télévision en faveur de la production cinématographique. J'examinerai ses propositions et ses analyses avec la plus grande attention. Je reste néanmoins très attaché à l'idée que la télévision, pour laquelle le cinéma est un élément de programmation attractif, contribue largement, par ses coproductions et ses achats de droits, au financement du cinéma. C'est ce lien entre le cinéma et la télévision qui explique, pour une large part, qu'ait été maintenu un fort niveau de production en France, alors qu'il déclinait dans beaucoup d'autres pays.
Pour ce qui est des efforts déployés à l'international en faveur du cinéma français, il me semble très important de développer les liens destinés à favoriser le cinéma européen et sa promotion. C'est le sens que j'ai donné à nos nouvelles relations avec l'Italie, comme à celles que nous entretenons de façon plus forte avec l'Allemagne.
Cependant, je crois devoir souligner que l'excellence des résultats à l'exportation des films français l'an dernier tient beaucoup au soutien apporté par les pouvoirs publics à l'action des exportateurs, tant au travers des mécanismes d'aide du CNC qu'au travers des actions d'Unifrance.
Je voudrais aussi répondre à vos interrogations sur nos actions dans les régions. Les crédits déconcentrés dans les DRAC pour le développement culturel augmentent globalement de 2,4 %. La répartition des crédits entre les différentes interventions est l'objet des conférences budgétaires qui ont lieu actuellement avec les DRAC.
Pour ce qui est de l'éducation à l'image, une mesure nouvelle de 100 000 euros de crédits centraux a été décidée pour la mise en place de nouveaux pôles régionaux d'éducation et de formation au cinéma et de nouvelles opérations « lycéens au cinéma ».
Enfin, vous avez évoquez la question du patrimoine cinématographique. La mission que j'ai confiée à Serge Toubiana devra m'aider à définir une politique globale pour l'ensemble des institutions patrimoniales du film en France. En font partie, vous l'avez dit, la Cinémathèque française, la Bibliothèque du film et de l'image et les Archives françaises du film.
Je voudrais enfin rappeler que le plan de restauration des films anciens qui a été engagé en 1991 est toujours en vigueur et qu'il est doté des crédits nécessaires. Les films sur support nitrate auront tous été restaurés ou sauvegardés à l'horizon 2005. Bien entendu, la restauration du patrimoine cinématographique sera poursuivie dans les années qui suivront et les missions générales de conservation et de restauration confiées à l'Etat continueront d'être financées par le ministère de la culture.
Dans le même temps, en matière de conservation, des moyens très importants sont actuellement dégagés pour la mise en conformité permanente des bâtiments existants et la construction de nouveaux bâtiments sur les sites de Bois-d'Arcy et de Saint-Cyr.
Des moyens seront également dégagés pour la sécurisation des archives de la Bibliothèque du film et de l'image. Une étude a été menée en 2002 sur ce thème et ses résultats seront pris en compte sur la base des conclusions de la mission qui a été confiée à Serge Toubiana.
Par ailleurs, comme vous le soulignez, les crédits qui sont affectés au spectacle vivant augmentent de façon significative : 3,51 %. Cette augmentation prend en compte l'effet du dispositif des 35 heures sur l'équilibre financier des institutions culturelles et celui du doublement des cotisations décidées par l'UNEDIC pour les employés qui relèvent des annexes 8 et 10 de l'intermittence du spectacle.
Nous avons le souci de tout faire pour permettre aux institutions culturelles, notamment aux institutions du spectacle vivant, de rétablir des marges artistiques significatives.
Je souhaite également que puisse être marqué le soutien du ministère de la culture à un certain nombre de secteurs émergents qui, parfois, ont été plus faiblement soutenus que d'autres : la danse, la musique baroque, les arts de la rue et les arts du cirque, encore que, s'agissant de ces deux derniers secteurs, l'engagement de l'Etat au cours des dernières années a été tout à fait significatif.
Je souhaite aussi que, globalement, soit renforcé l'enseignement professionnel de l'art dramatique, notamment au travers de l'ouverture de l'école du Théâtre du Nord et du Centre dramatique national de Lille.
Enfin, s'agissant du devenir du régime de l'intermittence du spectacle, je vous confirme que le Gouvernement est attaché à sa pérennisation, car elle est nécessaire à la vitalité artistique de notre pays.
M. François Fillon et moi-même avons confié une mission à nos inspections. Les conclusions nous seront remises le 2 décembre prochain. Nous aviserons alors, avec l'ensemble des partenaires du secteur, sur les mesures à prendre afin d'assurer et d'affirmer la nécessaire pérennité de ce régime particulier. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qui peut ignorer l'angoisse existant dans beaucoup d'esprits, de coeurs, de corps des femmes et des hommes de notre temps ? Chacun a l'impression, parfois bien réelle, de risquer comme un « coup de pioche » dans sa vie.
Le ruban du temps de la vie personnelle et collective se dévide douloureusement et, après une vraie colère, c'est souvent le désemparement de soi, l'enfermement, et c'est un quotidien où il n'y a plus de temps à vider d'autres querelles que celles qui se présentent au coin de la rue.
Il manque un chant pour demain. Le jet quasi volcanique qui frappe tel ou tel éclabousse toute la société. Habitant depuis 1955 à Aubervilliers en HLM, où babillait heureuse et espérante la société, je vois bien qu'aujourd'hui s'y substituent trop souvent le mutisme, l'incommunicabilité malheureuse et désespérée, sans porte de sortie, sauf parfois celle de la vengeance imaginaire qui, le 21 avril dernier, a cogné à la vitre de notre France.
Eh bien, un homme de théâtre exigeant, talentueux, créateur, Didier Besace, m'a happé, conquis à travers la mise en scène d'une pièce éblouissante de clarté et d'ombres, bêchant le terrain humain et qui, dans son champ de force apparemment très petit, fait se jouer toute l'histoire du monde.
Cette pièce raconte l'histoire d'un professeur, Eléna Sergueievna, confrontée à une violence concertée de certains de ses élèves. Eléna se dresse, ne cède pas et ne résume pas ses élèves à leur violence. Cette pièce est pour tous ceux qui la voient comme une gifle réveillante ; elle les attache à la corde des mots de son texte simple, sans frime, sans esbrouffe, intouché par les niaiseries à la mode et leur langue ouvre-boîte ou passe-partout.
Moi aussi, je me suis attaché à cette pièce à hauteur de civilisation, appelant sans mot d'ordre à la responsabilité, au travail de pensée et d'imagination, pour la définir, la faire vivre, « se souvenir de l'avenir ».
J'ai cité le cas du théâtre de la Commune, mais il en est d'autres : le théâtre de la Colline, l'Ensemble intercontemporain, le théâtre du peuple de Bussang, les Carnets de Dominique Bagouet, la Cité de la musique, ou encore le salon du livre de la jeunesse de Montreuil, Lissas, Uzeste, Beaubourg.
Et, dernier bijou, L'Homme sans passé de Kaurismäki, film d'intelligence décapante sur la violence réelle de ce début du siècle et la possibilité de se dresser, la possibilité de gagner. « M », c'est le nom du personnage qui a été attaqué extrêmement violemment par trois hommes. C'est une « Eléna masculine », il se dresse et ne résume pas l'autre à la violence. Il prend une distance humaine et renverse avec humour la vapeur.
Tout cela se mêle, je le mêle, avec une société sans le mur de Berlin - et c'est une bonne chose -, mais avec le mur toujours plus haut de l'argent, et cela devient une catastrophe : le marché roi, la philosophie de la consommation reine, l'inversion du rapport culture-argent, la femme, l'homme invités de raccroc.
Eh bien, le budget 2003 n'est pas en ramage avec les enjeux que je viens d'évoquer. Il rompt ce budget, avec le 1 %. Et je sais ce que cela veut dire, moi qui ai été porte-parole du comité national pour le 1 % en 1969. Trente-trois ans pour le construire et six mois pour en blesser profondément la réalité, encore plus la symbolique ! Bercy, comptable supérieur par excellence, n'a accepté que 0,98 %, à l'encontre de l'audit organisé par le ministre de la culture avec KPMG, qui indiquait que le budget irait nécessairement jusqu'à 1,1 %.
« Régler une démarche de civilisation sur la comptabilité et sa caisse sonnant plus ou moins creux, c'est fiche en l'air toute politique, toute perspective artistique ou toute prospection populaire ; c'est arrêter la marche en avant » ; ces mots sont de Jean Vilar, en 1971.
Et on ne sait pas encore s'il y aura un gel, mais on sait déjà, par un amendement depuis ce matin, véritable croche-pied à votre encontre, monsieur le ministre, qu'on va nous demander, et sans doute voter, deux millions d'euros d'économie.
M. Ivan Renar. Trois !
M. Jack Ralite. Non, deux ! Mais deux, c'est déjà comme trois, n'est-ce pas ?
Allons un peu dans le creux de ce recul dont je crains fortement qu'il ne perdure et que, de fil en aiguille, tout commence à se découdre.
Un peu d'arithmétique : pour la rue de Valois, le budget 2003, c'est plus 3,9 % qu'on espère engager ; pour Bercy, c'est moins 5,2 % qu'on dépensera.
Bien entendu - et je sais la part que vous y avez prise, monsieur le ministre - il y a dans les chapitres des augmentations auxquelles je ne suis pas insensible, vous les avez d'ailleurs présentées.
Mais ce qui me fait mal, c'est que ce budget ne retourne pas toutes les cartes du jeu. Il y a comme un colin-maillard du budget de la culture. Considérons deux pages du bleu budgétaire, les pages 146 et 147. En général, on ne les lit pas parce qu'elles récapitulent et, pourtant, elles disent beaucoup de choses vraies et traitent des espoirs ; vous l'allez voir, certains dégringoleront en 2004. Elles parlent de l'avenir, mais pas comme une jeune fille se racontant ses fiancés futurs.
Lisons scrupuleusement les crédits. Pour le budget 2004, sur les autorisations de programme antérieures à 2003, il faudra 350 millions d'euros - j'arrondis. Sur les autorisations de programme demandées en 2003, il faudra 128 millions d'euros. Au total, ce sont 483 millions d'euros qu'il faudrait ouvrir en 2004. Mais comme ont été annulés 320 millions d'euros de crédits de paiement inscrits par Catherine Tasca, il manquera au ministère 162 millions d'euros l'année prochaine, soit 6 % du budget. Passer de moins 5,2 % à plus 6 %, c'est une gageure.
Vous êtes dans la situation, monsieur le ministre, d'un ouvrier dont le patron a diminué le salaire, mais qui avait quelques modestes économies qui lui permettent de tenir l'année nouvelle, 2003. Mais après, si le patron persiste, comment ferez-vous, sauf intervention « sanctuarisante » du Président de la République... qui, avec tout le respect que je lui dois, pour cette année, a avalisé les moins 5,2 % ?
Je ne veux pas dire plus. Je pense qu'ainsi la clarté est affranchie : 2004 et après seront des rendez-vous dramatiques, risquant d'enfermer l'espoir de notre avenir culturel. C'est dire si réagir est incontournable. Il n'y a plus d'accommodement de couloir, il y a l'action.
Et je pense que les 3, 4 et 5 février prochains, à la Bibliothèque nationale de France, le comité de vigilance des artistes, qui organise un colloque international pour garantir la diversité culturelle aura une très, très large audience active et que votre ministère pourra s'appuyer sur lui en favorisant son existence et ses objectifs.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ralite.
M. Jack Ralite. Mon questionnement essentiel est donc celui-ci : le budget 2004, qu'en sera-t-il ?
Car vous avez entre les mains, monsieur le ministre, à côté d'autres, les vies de la « chère Eléna » et de l'homme sans passé, « M », d'un professeur et d'un soudeur de fiction théâtrale et cinématographique qui sont du combustible pour la vie, pour notre vie. Mettons-le à feu, voulez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, parler du budget de la culture, c'est parler, d'une certaine façon, de la rencontre du ciel et de la terre, de l'espérance et de la réalité, du rêve et des contraintes. Cela nous impose justement de ne pas nous contenter de rêver, et encore moins de nous laisser bercer d'illusions.
En présentant ce projet de budget, j'ai pris le parti de la sincérité à l'égard de la réalité des moyens dont dispose le ministère de la culture pour mettre en oeuvre la politique culturelle de la nation. Je n'ai cessé de le dire au cours des dernières semaines, les budgets précédents avaient en grande partie un caractère fictionnel dans la mesure où, l'effet d'affichage de la présentation du budget passé, personne ne se souciait plus de savoir quelle en avait été l'exécution. Alors que le budget semblait s'approcher du seuil de 1 % sur lequel on avait fixé l'horizon de notre espérance, on se rendait compte que la réalité de l'exécution du budget se situait bien en dessous, beaucoup plus proche de 0,85 % ou de 0,86 % que de 1 %. J'ai donc décidé, cette année, de solliciter de la part du Parlement le renforcement des parties mobilisables de mon budget, notamment les titres III et IV, et de cesser la course folle au gonflement du titre V en crédits inemployables et inemployés.
Les grandes institutions du rêve et de l'utopie que vous avez citées, monsieur le sénateur, figurent pour certaines d'entre elles au titre III du budget de la culture. Aucune d'entre elles ne se trouvera dépourvue des crédits réels que je vous propose d'adopter.
Le titre V est, certes, utile à la mise en oeuvre de la politique culturelle, mais il est à mes yeux suffisant qu'il soit doté des crédits nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de notre ministère et qu'il ne serve pas de simple mise en silo de crédits uniquement destinés à l'affichage.
Selon vous, monsieur le sénateur, ce budget est convenable et bon ; je ne veux pas outrepasser votre analyse, mais c'est le budget pour 2004 qui constitue notre horizon, notre rendez-vous. C'est vrai, sans doute, mais j'ai confiance en la capacité du Gouvernement a élaborer et à vous proposer pour 2004 un budget qui épousera la logique à la fois de vérité budgétaire et de détermination à l'égard de la politique culturelle de notre pays qui anime le budget pour 2003.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, en tant que ministre de la culture, vous êtes aussi, en France, le ministre de la langue française. Une délégation générale à la langue française est d'ailleurs rattachée à vos services.
Nous sommes nombreux sur toutes ces travées - j'en suis sûr - à être attachés au rayonnement international de notre langue, que cinquante-cinq pays ont choisi, avec nous, d'avoir en partage.
Mais comment ce rayonnement pourrait-il être assuré si le français cesse, en France même, d'être d'un usage normal ?
J'illustrerai mon inquiétude par quelques exemples. La loi du 4 août 1994 relative à la langue française, dite loi Toubon, du nom d'un de vos prédécesseurs, fait obligation de recourir au français pour « la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi, l'utilisation, la description de l'étendue d'un bien, d'un produit ou d'un service ». Or la réglementation européenne a contraint votre précédesseur, par une circulaire du 20 septembre 2001, à accepter que cette information du consommateur puisse, en France, se faire dans une langue considérée comme généralement comprise - traduction : l'anglais - accompagnée de pictogrammes.

Monsieur le ministre, je vous ai interrogé sur la possibilité de revenir sur cette singulière circulaire. Vous m'avez fait part de l'impossibilité dans laquelle vous êtes de remettre complètement en cause cette circulaire du fait de la législation européenne précédemment acceptée par la France. Je comprends votre embarras et nous ne saurions vous en faire grief.
Je sais que vous avez à coeur de limiter cette stupéfiante dérive. Toutefois, quelles dispositions le Gouvernement, dans son ensemble, compte-t-il prendre pour que la France ne laisse plus l'Europe glisser vers des errements linguistiques aussi pervers ?
Qu'en sera-t-il aussi, monsieur le ministre, de l'éventuelle ratification par la France du protocole de Londres sur les brevets, hélas ! signé par le précédent gouvernement alors qu'il était refusé par nos alliés naturels des pays latins, à savoir l'Espagne et le Portugal ? Le président du Sénat, M. Poncelet, s'est prononcé sur ce sujet dans un discours à Brive, le 8 novembre 2002.
Allez-vous nous demander de ratifier ce texte ? L'accepter en l'état serait en contradiction avec notre volonté maintes fois proclamée de garantir en Europe la diversité linguistique et culturelle. Aussi je fais mienne la forte affirmation du président Poncelet : c'est la Commission, et même la Cour de justice de Luxembourg, qui sont en infraction avec le principe même qui fonde la volonté des Européens de vivre ensemble quand ils veulent nous contraindre, sur ce plan, à baisser la garde et à ne pas assurer la bonne protection de notre langue en France.
Voilà, monsieur le ministre, une question sur laquelle je voulais vous interroger, comme j'interrogerai bien sûr le ministre en charge de la francophonie. Mais il faut dans ces affaires de la volonté, une volonté partagée par tous les membres du Gouvernement. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour être au premier chef le combattant de cette grande cause. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, vous le savez, la question de la francophonie est complexe compte tenu du mode d'organisation de la responsabilité publique, notamment de la responsabilité gouvernementale en la matière.
Si le ministère de la culture et de la communication a la charge de veiller à l'usage du français en France, il n'a pas la responsabilité, qui incombe au ministère en charge de la francophonie, de la diffusion et de l'usage du français sur la scène internationale. Néanmoins, il va de soi que ce choix d'organisation de la responsabilité ne doit pas constituer en soi un obstacle à la cohérence de l'action gouvernementale dans ce domaine.
Je prends soin, naturellement, sur toutes ces questions, de travailler avec le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, Pierre-André Wiltzer. Nous nous sommes récemment entretenus de la question de l'usage du français dans les instances internationales, qui, j'ai pu le constater à plusieurs reprises, était menacé. Plusieurs de mes collègues, en participant à des conférences internationales - notamment Mme Bachelot-Narquin à Johannesburg, où elle précédait le Président de la République - ont pu constater la faible place qui était finalement accordée à l'usage du français.
Pour ma part, lors de mes déplacements à l'étranger, en particulier lors du conseil des ministres européen, je m'efforce toujours d'exiger que le français soit considéré comme une langue de travail.
La question de l'usage du français dans notre pays est confiée, au sein du ministère de la culture, à la délégation à la langue française et aux langues de France. Nous sommes très attachés, autant que nos moyens d'investigation nous le permettent, au respect des textes, et singulièrement de la loi Toubon sur l'usage de la langue française.
Nous avons pu constater à plusieurs reprises des infractions ou des dérives, parfois consenties par les gouvernements précédents, notamment en matière d'étiquetage.
L'été dernier, j'ai été conduit à réagir avec mon collègue Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, face à l'usage de plus en plus répandu de l'étiquetage en langue étrangère accompagné de pictogrammes.
Cette situation n'est pas satisfaisante, et le Gouvernement compte bien, dans le respect, naturellement, de la réglementation européenne, y mettre un terme.
S'agissant des brevets, le texte auquel vous avez fait référence ne sera ratifié par le Gouvernement qu'avec la garantie qu'ils seront effectivement traduits en langue française, et ce aux frais de l'INPI, l'Institut national de la propriété industrielle, établissement public chargé de la protection des brevets.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que je souhaitais vous répondre. Il s'agit d'un domaine de responsabilité important, tant il est vrai que la langue française est la première expression de notre culture. Nous devons veiller à ce qu'elle demeure une langue d'usage internationale, une langue de production culturelle dans le domaine de la cinématographie et de la littérature, une langue largement diffusée, respectée et convenablement traitée sur notre territoire et dans le cadre de nos institutions.
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le ministre, je vous poserai trois questions.
Les CAUE, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, ont vingt-cinq ans d'existence. Quatre-vingt-sept départements en sont dotés. Par les missions qu'ils remplissent, ils contribuent à améliorer la qualité architecturale, urbaine et environnementale. Informer, former, conseiller et assister sont les tâches assignées à ces associations présidées par un élu, composées d'autres élus, d'actifs socioprofessionnels, de représentants des services détachés de l'Etat et de la société civile. Les conseils agissent à l'échelon de proximité, celui du territoire départemental, et leur activité ne relève pas de l'acte marchand ni de toute forme de maîtrise d'ouvrage.
Ils sont financés par une taxe départementale dont l'assiette est celle de la taxe locale d'équipement. Or, aujourd'hui, les CAUE ne sont plus en mesure, sur le plan financier, de répondre aux nouvelles préoccupations de la société ou de s'intéresser aux nouveaux champs qui s'ouvrent à eux.
Depuis les lois de décentralisation jusqu'à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, entre lesquelles s'intercalent les différents textes relatifs à l'aménagement du territoire, bien des modifications sont intervenues, ayant imposé des adaptations réalisées avec des moyens qui, au fil des années, sont en diminution.
De nouvelles échelles territoriales sont apparues, ce qui a entraîné des réorganisations institutionnelles d'entités dotées de compétences étendues, comme les communautés de communes, les communautés d'agglomération, les communautés urbaines. L'émergence de notions comme le développement durable dans l'aménagement ou le renforcement des préoccupations qualitatives dans la planification ont modifié l'approche traditionnelle.
Les citoyens demandent à être associés plus étroitement aux démarches touchant à l'architecture, à l'urbanisme et à l'environnement. Cette exigence de démocratie locale et la nécessité de s'approprier des procédures de plus en plus complexes vont renforcer le rôle des médiateurs, organisateurs et animateurs du débat public. Les CAUE sont en mesure d'assumer ce rôle grâce à une neutralité et à une indépendance favorables à la crédibilité du dialogue entre élus et habitants.
C'est précisément cette vocation que leur reconnaît la loi SRU, au travers de l'article L. 121-7 du code de l'urbanisme, qui dispose que « les communes ou établissements publics compétents peuvent avoir recours aux CAUE lors de l'élaboration, de la révision ou de la modification de leurs documents d'urbanisme ». Ainsi, la mission de « développement de l'esprit de participation du public », confiée dès 1977 aux CAUE, se voit ici amplifiée, ce qui confère à leur action une fonction très spécifique de médiation, qui concourt à intégrer l'inspiration sociale dans l'action des collectivités publiques.
A l'évolution des missions et à l'élargissement des champs d'action répond une diminution des moyens financiers.
La taxe départementale qui alimente les CAUE est attachée au seul permis de construire. Elle est donc par nature fluctuante et rend aléatoire toute prévision budgétaire. Par ailleurs, les difficultés de sa liquidation et de son recouvrement en accentuent encore les aspects mouvants.
La baisse structurelle de la construction neuve a conduit à une régression du produit de la taxe : en 1999, le niveau de 1990 était à peine atteint, alors que dix départements supplémentaires l'avaient instaurée.
Il convient donc aujourd'hui de doter les CAUE de ressources adaptées, afin de leur apporter les moyens indispensables à l'accomplissement et au renforcement de leurs missions de service public.
La fédération nationale des CAUE propose la création d'une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties. La ressource fiscale, qui s'appuierait ainsi sur l'ensemble du domaine bâti, offrirait une réelle stabilité tout en restant simple, et elle refléterait la globalité des actions menées. Il a été calculé que, avec un taux départemental plafonné à 0,15 % et une cotisation nationale au taux unique de 0,05 %, dont la redistribution comporterait une partie pondérée par le potentiel fiscal départemental, les CAUE parviendraient à mener à bien les missions qui leur sont confiées en établissant une solidarité entre les contribuables pour la mise en oeuvre de politiques d'intérêt national dans les départements tant ruraux qu'urbains.
Peut-on espérer, monsieur le ministre, que cette demande fondée de réforme soit satisfaite ?
Le deuxième point de mon propos aura trait au siècle qui vient de s'achever. Il aura été riche de créativité. Objets et meubles ont été revisités ; Ruhlmann, André Dubreuil, Starck, Serge Roche, Mourgue permirent la transmutation de l'objet utilitaire en oeuvre d'art. Il me semble indispensable de réfléchir dès maintenant au choix d'un lieu qui pourrait accueillir ces productions. Vous-même, monsieur le ministre, aviez exprimé l'idée d'« exiler » une partie des collections de design, pour fonder, en liaison avec le Vitra Museum, un nouvel espace hors les murs. Mme Marie-Claude Baud, pour le compte du Musée des arts décoratifs, avait cherché un terrain pour y édifier des réserves visitables. Un tel projet est-il à l'étude, monsieur le ministre ?
Le dernier point que je souhaite aborder ce soir concerne l'animation culturelle en milieu rural. Au-delà des enseignements artistiques en milieu scolaire, une pratique culturelle ancrée s'acquiert par la possibilité soit de suivre des enseignements, soit de fréquenter des lieux d'exposition ou des manisfestations à caractère permanent ou renouvelé.
La bonne approche, pour éveiller une sensibilité de mélomane, consiste à pousser la porte de l'école de musique départementale. Les talents sont là, mais souvent les recrutements se heurtent à des problèmes de financement, ce qui limite les effectifs.
Certains de ces enseignants - c'est le cas dans mon département - rejoignent une formation orchestrale où ils retrouvent d'autres instrumentistes de haut niveau rassemblés en association. Après deux ans d'existence et la mise en oeuvre d'une politique de mobilité géographique qui l'a conduit à se produire dans des communes qui n'avaient jamais connu une telle manifestation, l'orchestre s'inquiète pour son avenir si aucun soutien financier ne suit.
Hier, je présidais, ici même, la deuxième édition du colloque « tourisme et métiers d'art », qui préludait aux journées des métiers d'art qui commencent aujourd'hui. Les professionnels actifs concernés, au nombre de 30 000, ont vu leur effectif augmenter de plus de 20 % en vingt ans, ce taux de croissance atteignant même 36 % pour les artisans d'art, alors que l'emploi total ne progressait que de 7,4 %. Leur source est dans la tradition, dans des savoir-faire séculaires qui ont progressivement été adaptés et complétés pour y intégrer ce que le progrès peut apporter sans les dénaturer. Les métiers d'art sont, par ailleurs, des activités qui donnent toute sa valeur à l'homme ; ils n'existent que par la conjonction de la dextérité manuelle, de la créativité artistique, de l'imagination et de l'approche de la beauté.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bernard Joly. Le poids économique des métiers d'art ne cesse de progresser : le chiffre d'affaires qu'ils engendrent chaque année est de l'ordre de 3,2 milliards d'euros, et leur valeur ajoutée dépasse le milliard d'euros. De ces activités peuvent naître des projets de développement local très porteurs et propres à irriguer tout un espace de vie économique et sociale.
Il me semble, monsieur le ministre, qu'il y a là matière à mettre en place et à soutenir des actions qui pourront se conjuguer avec celles de votre collègue chargé des PME, du commerce et de l'artisanat. J'aimerais avoir votre sentiment sur ce sujet. (M. Jacques Legendre applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, il est vrai que la source principale de financement des CAUE, à savoir la taxe départementale affectée, se révèle inadaptée, complexe, instable et surtout variable d'un département à l'autre.
Une réforme de cette taxe a été préparée par mes services, en concertation avec ceux du ministère des finances. Nous devons en effet envisager la mise en place d'un mode de financement plus stable, plus régulier et moins sujet à des variations sur le territoire de notre pays.
Cette nécessaire réforme du financement des CAUE doit s'accompagner d'une réactualisation de leurs missions. C'est la raison pour laquelle j'ai créé une mission d'expertise, conjointement avec les ministères chargés de l'équipement et de l'écologie. Celle-ci doit débuter ses travaux au début du mois de décembre, et je compte bien fixer un terme proche à la remise de ses conclusions. Je sais toute la place que les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, créés en 1977, occupent dans la problématique de la mise en oeuvre d'une meilleure qualité architecturale, urbaine, paysagère et environnementale. Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la situation de la culture du design dans notre pays ou, de façon plus générale, de la culture des arts décoratifs du xxe siècle. Paradoxalement, notre patrimoine reste, dans ce domaine, extrêmement lacunaire. Pourtant, les collections publiques existent, et l'histoire des arts décoratifs en France est l'une des plus brillantes qui soit au monde : il me suffira ici de me référer à mon tour aux grands noms des arts décoratifs ou des arts appliqués du xxe siècle que vous avez cités.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à Mme Béatrice Salmon, directrice du Musée des arts décoratifs et de l'Union centrale des arts décoratifs, qui a succédé à Mme Baud, d'étudier la faisabilité d'une présentation des collections d'art décoratif du xxe siècle dans le bâtiment du Musée des arts africains et océaniens, qui sera bientôt vacant, puisque, dès le début de l'année prochaine, les collections de ce musée rejoindront les réserves du futur musée du quai Branly. Ce bâtiment est un chef-d'oeuvre de l'entre-deux-guerres, et il y aurait donc une résonance parfaite entre les collections qu'on y présenterait et son identité, d'autant plus que plusieurs de ses ensembles décoratifs sont déjà protégés, notamment des ensembles mobiliers, en particulier le bureau du maréchal Lyautey.
Par ailleurs, il est évident qu'il ne faudrait pas s'arrêter à ce seul concept d'arts décoratifs du XXe siècle. Il convient de s'ouvrir également à la réalité de la production industrielle du XXe siècle, ce que l'on appelle couramment le design. Sera-ce dans le cadre d'une coopération avec le musée Vitra ? Cela reste à voir. En tout cas, nous avons là aussi, dans les collections des institutions nationales, suffisamment d'oeuvres pour alimenter la présentation d'un musée de ce type. Il s'agit non pas, dans mon esprit, de créer une institution nouvelle, mais bien d'assurer un prolongement possible à l'activité du Musée des arts décoratifs.
Pour ce qui concerne les métiers d'art, qui ont longtemps été mal aimés du ministère de la culture, je souhaite marquer le réengagement de celui-ci en leur faveur. Je viens d'ailleurs de désigner, voilà quelques jours, six nouveaux maîtres d'art, en liaison avec le Conseil national des métiers d'art. Il y a vraiment lieu, à mon sens, d'engager, en concertation avec tous les autres ministères concernés, des actions visant à permettre la pérennité de ces métiers, la transmission des savoir-faire et la formation des futurs maîtres. Je crois que les journées nationales des métiers d'art, qui se dérouleront à partir de demain, contribueront à une meilleure connaissance par nos concitoyens de ce vaste secteur de la création et de la production.
Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, la question de la vie culturelle en milieu rural. Nous sommes confrontés là à une véritable gageure, à un véritable enjeu. En effet, j'ai toujours estimé que, dans notre pays, il existait sans doute deux grands types de zones de déshérence culturelle : la périphérie des grandes villes et les zones rurales, que l'on oublie trop souvent. L'isolement des hommes y est de plus en plus marqué, la difficulté de communiquer y est de plus en plus grande, la possibilité de rencontre avec le monde d'aujourd'hui, notamment dans ses aspects culturels, y est extrêmement contrainte.
C'est la raison pour laquelle je souhaite proposer aux collectivités locales un vaste plan national, par lequel le ministère de la culture s'engagera en vue de mettre en place, sur l'ensemble du territoire, notamment dans ces zones plus délaissées que d'autres, des équipements culturels de proximité, en particulier des médiathèques. En effet, j'ai toujours estimé que c'était à travers le livre que pouvait se produire la première et plus efficace rencontre des citoyens avec le savoir, avec la connaissance, avec la culture, avec l'esprit critique, avec tout ce qui fait la qualité d'homme.
M. le président. La parole est à M. Henri Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, vous êtes un homme de culture engagé dans un gouvernement pour qui la culture ne constitue par une priorité. Vous avez, pendant quelques mois, réussi à masquer avec talent cette situation. Vous voilà aujourd'hui rattrapé par la réalité ! En effet, tous les arbitrages de Matignon vous ont été défavorables, les uns après les autres, inexorablement : sur le montant de la redevance télévisuelle, sur ses modalités de perception, sur l'agrément donné au doublement des cotisations chômage des intermittents du spectacle, sur les amputations de crédits pour le budget en cours. J'en suis désolé pour vous, mais surtout pour l'ensemble des professionnels de la culture et de l'audiovisuel, qui voient désormais s'assombrir les perspectives qui leur sont ouvertes.
Les arbitrages vous ont apparemment également été défavorables s'agissant de votre projet de budget pour 2003, qui marque une baisse de 5,2 % par rapport à l'année précédente, malgré l'engagement solennel de Jacques Chirac de le « sanctuariser ».
Vous avez choisi, jusqu'à présent, de faire contre mauvaise fortune bon coeur, et vous avez présenté tous vos revers comme autant d'éclatantes victoires. Ce soir, votre présentation du projet de budget de la culture n'échappe pas à cette règle, et c'est ainsi que vous essayez de faire passer une amputation de 5,2 % de vos crédits pour une augmentation de 3,9 % de vos moyens !
Je remarque que les crédits en hausse au titre III ne comprennent pas l'augmentation des cotisations des intermittents du spectacle, et que ceux du titre IV ne compensent pas la baisse du nombre des emplois permanents de votre ministère.
Mais surtout, vous réussissez ce tour de passe-passe, comme vient de le souligner M. Jack Ralite, en puisant dans la réserve de crédits d'investissement et de paiement non consommés de votre ministère pour financer vos interventions en 2003 et réduire de 205 millions d'euros les crédits de paiement qu'il était prévu d'affecter l'année prochaine.
Il est vrai que le taux de consommation des crédits d'investissement et de paiement s'est dégradé depuis 1998. Il n'y a là ni façade, ni posture, ni imposture. Le rapport Labrusse explique cette dégradation par un ensemble de raisons conjoncturelles : la tempête de 1999 et d'autres événements malheureux subis par les monuments historiques, la « surchauffe » du marché du bâtiment au cours de ces années, qui a condamné nombre d'appels d'offres à demeurer infructueux, et d'autres raisons encore, que je ne prendrai pas le temps d'évoquer ici.
Il n'empêche que ces crédits non consommés correspondent à des dépenses bien réelles, programmées et, pour la plupart d'entre elles, déjà engagées. Il faudra donc bien payer ! Vous ne pourrez pas rééditer l'an prochain le recyclage auquel vous vous livrez aujourd'hui : en 2004, vous ne disposerez plus de crédits non consommés pour financer vos interventions.
Au contraire, il vous faudra trouver des crédits supplémentaires pour remplacer ceux que vous utilisez aujourd'hui. Il faudra, par exemple, d'après les tableaux des échéanciers, ouvrir, en 2004, 302 millions d'euros de crédits de paiement au titre V, ce qui rognera d'autant les capacités dans les autres secteurs.
L'état prévisible des finances publiques en 2003, et plus encore en 2004, ajouté au peu de cas que le gouvernement auquel vous appartenez fait du secteur culturel, me fait douter non pas de vos intentions, monsieur le ministre, mais de votre capacité à rembourser alors les « avances » que vous consentez aujourd'hui.
Ma question sera donc simple : êtes-vous bien sûr d'obtenir ces crédits indispensables l'an prochain, ou bien vous livrez-vous à un acte de foi ? Quelles assurances, quelles garanties avez-vous obtenues en ce sens ? J'espère que vous ne me répondrez pas que tout cela n'est pas bien grave et que ces dépenses supplémentaires seront transférées aux collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation, ou au mécénat dans le cadre de son développement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, j'ai la profonde conviction qu'un discours sur le budget ne peut pas tenir lieu de discours de politique culturelle : la question des moyens n'est pas réductible à la question des perspectives, et vice-versa.
Je vous ai dit ce que je pensais des présentations qui avaient été faites du budget du ministère de la culture au cours des années précédentes. Elles relevaient de l'exercice d'illusion, notamment en période de préparation des élections. Elles visaient à présenter d'une façon gratifiante un manque de projet culturel dont ont tout de même témoigné les très nombreux incidents qui ont émaillé la vie culturelle au cours des années précédentes.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Absolument !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. J'ai préféré faire le choix de responsabiliser les chefs d'établissement plutôt que d'entretenir avec eux des relations orageuses donnant lieu à des éclats dans la presse. J'ai préféré dans tous les cas faire en sorte que des moyens réels soient dégagés pour les projets culturels, pour les institutions culturelles, pour des perspectives culturelles.
Aucun des bénéficiaires des actions du ministère de la culture n'aura à se plaindre de ce budget, de l'engagement de l'Etat, de l'engagement du Gouvernement à son égard, et c'est là ce qui m'importe. Je vous donne rendez-vous à la fin de l'année 2003, et nous verrons alors qui aura eu raison : aura-t-on eu raison de préférer la vérité à l'affichage ? Aura-t-on eu raison de préférer l'exécution à la vaticination budgétaire ? J'ai fait le choix de la vérité, j'ai fait le choix de la sincérité.
Quant à 2004, monsieur le sénateur, ni vous ni moi ne savons aujourd'hui ce que sera l'état de notre pays à ce moment-là, ni vous ni moi ne savons ce que sera la conjoncture internationale. Nous n'avons ni vous ni moi de planche à billets, et il nous faut prendre en compte à la fois les intérêts profonds de notre pays, la réalité de sa situation économique et la réalité de sa situation budgétaire, et nous comporter tous de façon responsable.
C'est la meilleure façon d'être réellement responsables à l'égard de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Eric Doligé. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.
M. Philippe Richert. Le projet de budget prévoit pour 2003 une diminution de près de moitié de l'enveloppe consacrée au patrimoine. Vous nous avez expliqué à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que cette réduction serait sans conséquences sur les subventions accordées par l'Etat, dans la mesure où, si les crédits avaient été supérieurs, ils n'auraient pu être consommés. Nous pouvons entendre votre logique.
Toutefois, ce raisonnement suppose, me semble-t-il, que soient profondément revues en 2003 les procédures d'engagement des dépenses, afin d'éviter que, à la fin de l'exercice, on ne constate de nouveau une sous-consommation des crédits. Vous avez indiqué tout à l'heure quelques mesures qui devraient permettre d'aller dans ce sens, et nous serons très attentifs aux résultats qui pourront être obtenus d'ici à la fin de l'année 2003.
Par ailleurs, il sera nécessaire de prévoir en 2004 les conditions d'un réajustement des dotations afin d'assurer le financement des opérations programmées. En effet, nous savons tous que, si les enveloppes se sont révélées dans les années passées très supérieures aux capacités de consommation - d'où les excédents que nous avons accumulés d'année en année -, elles sont néanmoins très largement sous-évaluées eu égard à l'état de notre patrimoine.
Au-delà, ce réajustement s'impose pour assurer dans de bonnes conditions la décentralisation des compétences qui est préconisée en ce domaine. La commission de réflexion et de proposition que vous avez nommée vient de rendre ses conclusions. Je partage le souci qui a guidé ses travaux d'éviter une politique du patrimoine à géométrie variable et de conserver à l'Etat les prérogatives qui lui permettent de s'en porter garant.
Cependant, je trouve encore dans ces propositions la marque d'une frilosité qui me semble difficile à justifier au moment même où les marges de manoeuvre financières dont dispose l'Etat pour conduire cette politique s'amenuisent.
Si elle a proposé de déléguer au niveau local les crédits de l'Etat sous la forme de « dotations fléchées monuments historiques » - notion qui mériterait au demeurant d'être définie -, la commission ne s'est pas prononcée sur la collectivité territoriale qui pourrait être désignée pour les engager, suggérant que cette question soit tranchée après une phase d'expérimentation. En bref, il faut décentraliser, mais on ne sait toujours pas comment !
La voie de l'expérimentation est déjà ouverte. L'article 111 de la loi du 27 février 2002 a élargi le champ des transferts susceptibles d'être prévus par un protocole de décentralisation culturelle. Mais force est de constater que, jusqu'ici, les protocoles n'ont guère permis d'aboutir à des conclusions définitives, et ce pour une bonne raison : à l'exception de celui qui a été conclu avec le département de l'Isère, aucun ne prévoit de transfert de compétences !
Je crains que, à réfléchir encore et à expérimenter de nouveau, ce ne soit le patrimoine lui-même qui pâtisse de nos atermoiements. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite vous rappeler nos attentes à l'égard des propositions que vous serez amené à formuler sur la base des avis de la commission et des orientations qu'elle aura retenues.
La décentralisation ne doit pas avoir pour seule ambition de calquer le modèle étatique, celui des DRAC ; elle doit au contraire viser à accroître l'efficacité de l'action publique en déterminant quel est l'échelon le plus pertinent pour la conduire - et, je suis convaincu que, si l'on tient compte de la réalité locale, c'est du département qu'il s'agira, comme M. Nachbar, rapporteur pour avis, l'a très clairement indiqué tout à l'heure en se faisant le porte-parole d'une large majorité de la commission des affaires culturelles.
Certes, il faudra dans certains cas créer une dynamique. Ce sera d'autant plus aisé que les décisions prises en ce domaine seront inspirées par un souci de cohérence.
Ainsi, monsieur le ministre, ne serait-il pas opportun d'inclure l'archéologie préventive dans vos projets de décentralisation ? Les difficultés soulevées par l'application de la loi du 17 janvier 2002 démontrent les limites d'un système fondé sur la croyance en la toute-puissance de l'Etat. Ce sont aujourd'hui les aménageurs - et, au premier chef, les collectivités territoriales - qui supportent le coût de cette erreur d'appréciation que le Sénat avait dénoncée au cours des débats. Les propositions que nous avions alors formulées ouvraient la voie à une prise de responsabilité des collectivités en encourageant le développement de services archéologiques territoriaux, en particulier départementaux. On a préféré créer un monopole d'Etat qui aboutit à des résultats aberrants.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si, dans les orientations que vous voulez donner à la politique du patrimoine, vous souhaitez tenir compte de la nécessité de recréer de véritables pôles de compétences et de moyens en vous inspirant des réalités de terrain, ou bien si, au contraire, vous privilégierez une démarche consistant à distribuer méticuleusement, à chaque niveau de collectivité alternativement, les responsabilités dont l'Etat peut réellement se séparer, simplement parce que différents niveaux de collectivités vous sollicitent ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, la question très sensible et très délicate que vous soulevez du niveau des collectivités locales qui pourraient recevoir de la part de l'Etat délégation de ses propres missions en matière de politique du patrimoine est sans doute l'une des questions les plus complexes qu'ait abordées le rapport Bady, que vous venez d'évoquer. Sans doute avez-vous d'ailleurs observé la prudence dont fait preuve M. Bady dans ses conclusions !
Pour ma part, je pense qu'il serait aujourd'hui prématuré, voire imprudent, de régler définitivement cette question. De toute évidence, elle relèvera de la conclusion plus générale que le Premier ministre souhaitera donner à la réflexion commune du Gouvernement et des collectivités locales sur la décentralisation.
Nous sera-t-il possible de mener des expérimentations dans le domaine du patrimoine ? Là encore, la question est complexe dans la mesure où les actions concernées s'étendent sur des durées très longues : entre le moment où une décision est prise, où elle est programmée, financée, mise en oeuvre et enfin exécutée, et le moment où l'on peut constater le résultat, il se passe souvent des périodes très longues, des années parfois, quand le chantier est un chantier important.
On pourra se demander s'il ne faut pas, peut-être, que le parti pris précède l'expérimentation. Il sera en tout cas nécessaire que la règle du jeu soit clairement affichée, de façon à éviter des contradictions dans les attitudes que l'Etat pourrait adopter dans telle ou telle partie du territoire. L'essentiel est de faire en sorte que nous prenions tous conscience de la nécessité de mobiliser l'ensemble des acteurs publics et l'ensemble des acteurs sociaux autour des politiques publiques du patrimoine.
De façon très judicieuse, Jean-Pierre Bady, en me remettant son rapport, soulignait qu'il préconisait le passage d'une politique étatique à une politique nationale partagée par tous.
Vous évoquiez également, monsieur le sénateur, la question de la mobilisation des moyens budgétaires de l'Etat en faveur des politiques du patrimoine. En vous entendant, je me faisais la réflexion qu'il conviendrait peut-être qu'à partir de la fin de l'année 2003 je présente chaque année, comme le ferait une entreprise, les résultats des actions menées par le ministère et des dépenses qu'il aura réellement engagées, et ce tant dans le domaine du patrimoine que dans les autres domaines de l'action publique.
De cette façon, on pourrait peut-être définitivement sortir de la logique budgétaire, qui est en grande partie une logique fictionnelle donnant satisfaction à peu de compte, à une logique de la réalité, de l'exécution et du bilan conduit sur les actions réellement entreprises.
S'agissant de l'archéologie, je vous ai indiqué quelles étaient les orientations de la réflexion du Gouvernement en ce domaine. Elles inspireront le projet de loi que nous vous soumettrons très prochainement.
La loi du 17 juillet 2001 a défini un cadre qui assure aujourd'hui la mise en oeuvre des missions collectives en matière d'archéologie préventive. Cependant, son application suscite également de très nombreuses difficultés, et il nous appartient d'améliorer le dispositif, notamment en nouant un meilleur dialogue avec les collectivités locales et en leur accordant une réelle capacité de transaction. Il n'est pas bon, me semble-t-il, qu'un établissement public puisse imposer de facon unilatérale ses objectifs et faire supporter des dépenses à des collectivités locales lorsqu'elles engagent des investissements, qu'ils soient modestes ou importants.
Je crois beaucoup à la nécessité de rétablir le dialogue, de rétablir une véritable capacité transactionnelle, en prévoyant, bien sûr, le recours éventuel au préfet, au cas où un compromis ne pourrait être trouvé. Mais j'ai bon espoir que ces cas seront peu nombreux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, votre présence à la tête du ministère de la culture et de la communication marque la très grande volonté du Gouvernement d'accorder une place particulière à la politique culturelle.
Dans le cadre tracé par la discussion budgétaire, je souhaite appeler votre attention sur la nécessité de maintenir dans les régions une offre culturelle de qualité. La culture-spectacle centralisée qui s'est développée ces dernières années fait fi de nos richesses locales.
Je puiserai dans mon expérience d'élu local pour faire ressortir les anomalies de la politique à laquelle nous avons été trop longtemps soumis.
Le Loiret, département que j'ai l'honneur d'administrer, dispose d'un lieu culturel majeur pour le département et pour la ville d'Orléans : le Carré Saint-Vincent. Je vous rappelle, à titre d'anecdote, qu'il s'appelait à l'origine « théâtre Maurice-Genevoix », mais que la précédente majorité l'a débaptisé.
Il abrite quatre structures de création et de diffusion ayant des missions différentes mais partageant un seul et même lieu de travail et de représentation. Il présente également une caractéristique particulière : il héberge deux centres dramatiques nationaux.
Les quatre structures sont les suivantes : une scène nationale ; le centre national de création de la ville d'Orléans, appelé CADO ; le centre dramatique national ; enfin, le centre chorégraphique national.
Depuis la création du centre dramatique par M. Jack Lang, qui voulait un outil à sa mesure et souhaitait contrer la première scène, mise en place par François Léotard, ces quatre structures on ont fait l'objet de financements croisés de l'Etat, de la ville d'Orléans, du conseil général du Loiret et du conseil régional du Centre. Les trois collectivités et l'Etat ont toujours, non sans mal, essayé de traiter également les quatre structures dans la répartition de leur participation. C'est véritablement une leçon de choses par rapport à tout ce que nous avons dit voilà quelques instants !
Même si, en décembre 1997, le ministre de la culture de l'époque a renouvelé les conventions avec les structures, il était clair que l'Etat semblait vouloir, pour des raisons politiques médiocres, modifier unilatéralement les règles du jeu concernant le CADO. Ainsi, au début de 1998, la direction du théâtre a réduit de 500 000 francs ses subventions au CADO. Le ministre, Mme Trautmann, a renié sa propre signature au bout de trois mois à peine, sans justification aucune, au mépris des autres signataires et financeurs.
En septembre 1998, une mission d'inspection très orientée évoquait ouvertement la possibilité que l'Etat se retire de cette structure. Il est vrai que certains considèrent, en matière culturelle, que plus il y a de spectateurs moins le spectacle est bon, et que, a contrario , moins il y en a meilleur il est et plus il faut l'aider.
M. Jack Ralite. C'est ce qu'on entend dire depuis trente ans !
M. Eric Doligé. Entre 1999 et 2002, la part de l'Etat dans le budget du centre d'art dramatique d'Orléans est passée de 46 %, soit 553 000 euros, à moins de 12 %, soit environ 173 000 euros, et je me permets de rapporter cela aux diminutions de crédits dont nous avons parlé à plusieurs reprises : voyez ! l'Etat les a réduits par quatre fois, et sans aucune gêne à l'époque !
Aussi, puisque les deux centres dramatiques peuvent coexister, chacun poursuivant une programmation différente et touchant un public tout aussi différent, puisqu'il existe bien une complémentarité entre ces structures qui leur permet d'offrir ainsi une large diversité culturelle au Loiret, nous attendons de l'Etat qu'il recommence à financer ces quatre structures équitablement et sans parti pris, et ce sans surcoût pour lui : il doit s'agir d'un simple rééquilibrage.
Au moment où chacun parle de politique déconcentrée, monsieur le ministre, aidez-nous à préserver une offre culturelle déconcentrée qui plaît et qui fonctionne ! Dois-je vous rappeler que le CADO, au travers des spectacles qu'il a montés, a été distingué - fait unique en France - à quinze reprises par l'attribution de Molières ?
La position de l'Etat n'est pas tenable et n'est pas acceptée par les collectivités, obligées, en fonction des humeurs de certains, de modifier en dernière minute la répartition de leurs financements, qu'elles auraient voulus équitables et équilibrés.
Sur ce point, j'aimerais savoir si vous êtes prêt, en concertation avec les collectivités, à rétablir une politique juste. Dans l'affirmative, donnerez-vous les instructions à vos services et à vos représentants dans nos départements, le préfet et la DRAC, afin qu'ils jouent le jeu de la transparence et de la concertation et qu'une convention d'une certaine durée puisse être signée et respectée ?
En incidente, permettez-moi d'évoquer en deux mots le régime de travail des personnels du spectacle et l'utilisation des heures de nuit pour faire tourner les structures à des heures compatibles avec la disponibilité des spectateurs.
L'amendement relatif à ce sujet qui a été présenté au Sénat lors du récent débat sur les 35 heures a été retiré, à la demande de votre collègue M. Fillon, en échange de certains engagements. La question n'en demeure pas moins posée. Si une solution n'est pas trouvée rapidement, nous vivrons de graves problèmes de fonctionnement et de financement, avec le risque évident de voir disparaître les structures locales de ce type.
Je souhaite, monsieur le ministre, que nous puissions faire avancer sereinement ce dossier.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, soyez assuré que j'attacherai la plus grande attention au traitement de la situation du Carré Saint-Vincent, structure originale puisqu'elle rassemble un très grand nombre d'institutions : une scène nationale, un centre dramatique national, le CADO, et le centre chorégraphique national, dirigé par Joseph Nadj.
La situation que vous évoquez nous renvoie à la question de nos responsabilités croisées : responsabilité de l'Etat, responsabilité des collectivités locales. Pratiquement partout où il intervient sur le territoire, l'Etat le fait en concertation et en collaboration avec les collectivités locales. La question qui se pose à nous est de savoir comment concilier les objectifs d'une politique nationale dans le domaine du théâtre, dans le domaine de la danse, dans le domaine de la musique, avec la nécessité impérieuse de ne pas imposer de façon unilatérale ces objectifs aux collectivités locales, mais bien d'engager avec elles des discussions, d'engager une concertation permettant de dégager des objectifs communs.
Pour ce qui est du travail de nuit, il est vrai que la loi en vigueur, qui a été votée récemment, n'a pas pris en compte la situation particulière de certains secteurs, notamment celui du spectacle vivant. Presque tous les spectacles commencent après vingt heures et relèvent donc du travail de nuit, ce qui expose les organisateurs de ces spectacles - les théâtres, les festivals, en été notamment - à des difficultés insurmontables puisqu'ils sont confrontés à une législation qui n'est absolument pas adaptée au type d'activité qu'ils conduisent, cette constatation valant également pour la presse.
Il est donc nécessaire de mettre en chantier, d'une part, une réflexion et, d'autre part, une concertation avec les employeurs et les employés du secteur, afin d'être en mesure de soumettre au Parlement, le plus rapidement possible - car la situation est réellement tendue -, un projet de loi visant à permettre aux professionnels de ce secteur d'aborder la réalité de leur activité de façon plus satisfaisante.
Aujourd'hui, si l'on prend en compte les effets conjugués du doublement des cotisations des intermittents du spectacle, les effets des 35 heures et ceux du texte sur le travail de nuit, on constate que les professionnels du spectacle sont dans la quasi-impossibilité de fonctionner normalement et de produire.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur un patrimoine qui, je crois, vous est cher comme il l'est à nombre d'entre nous : le patrimoine urbain.
On parle beaucoup de patrimoine, et je participe à bien des égards au travail qui est fait en la matière, mais il faut bien dire que, dans la discussion budgétaire - j'ai lu les comptes rendus de l'Assemblée nationale et, ici, j'ai participé aux débats - la question du patrimoine urbain n'a pas vraiment été abordée.
Pourtant, avant vous ce soir, est intervenu M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Or il est évident que la dimension culturelle dans la ville, notamment à travers la dimension patrimoniale dans sa relation avec la création architecturale, avec l'urbanisme, pour porter le projet urbain au-delà des secteurs historiques en direction des quartiers difficiles, est tout à fait essentielle.
Vous avez, de ce point de vue, un outil exceptionnel que connaît bien la direction de l'architecture et du patrimoine : le secteur sauvegardé. Voilà une politique prestigieuse !
Nous voici au quarantième anniversaire de la loi Malraux. Ce serait peut-être l'occasion de marquer une étape et j'aimerais avoir votre avis sur ce point.
De nombreuses villes souhaitent s'engager dans cette politique des secteurs sauvegardés. A l'heure actuelle, une centaine de villes y ont adhéré.
Vous savez sûrement qu'au départ les plans de sauvegarde étaient très marqués par une dimension de sauvegarde ; ils sont devenus petit à petit de véritables outils de développement de mixité sociale. Le monde HLM est intervenu dans le quartier ancien. Des opérations avec l'ANAH ont été lancées.
Nous avons, les uns et les autres, sollicité cette agence pour qu'elle prenne en compte, sur des thématiques particulières, les secteurs sauvegardés et pour qu'elle finance des opérations en milieu historique particulier. Il faut poursuivre la négociation qui s'est amorcée car, en fait, il s'agit essentiellement de financements qu'il faut mettre en place auprès des propriétaires privés.
La question des monuments historiques dans les secteurs sauvegardés se pose comme partout ailleurs. Mais, là, il y a une dimension d'appui aux particuliers. Je pense que, par ses interventions, l'ANAH pourrait apporter un soutien beaucoup plus important. Il y a un énorme travail à réaliser sur les espaces publics.
Tout cela est à l'oeuvre. Désormais, les villes sont véritablement demandeurs de cette politique, alors qu'elles la ressentaient auparavant comme une contrainte. L'attitude des villes a totalement basculé. Mais, dès lors, des moyens, notamment des moyens d'étude, sont nécessaires. Cela ne représente pas des sommes considérables. Dans les redéploiements que vous envisagez de faire à partir des investissements, vous pourriez penser au budget d'étude et d'animation. Ce serait très utile pour mener à bien ces politiques.
Monsieur le ministre, le rayonnement international de cette politique des secteurs sauvegardés est incontestable. L'ambassadeur de France auprès de l'UNESCO vous en a d'ailleurs récemment parlé.
Le Centre du patrimoine mondial s'est fortement intéressé à elle. Il a ainsi demandé à la France de travailler avec l'UNESCO au développement des procédures mises en place en France, dans le monde entier. Votre ministère doit continuer à soutenir cette action, en relation avec d'autres ministères qui sont bien évidemment concernés par le sujet. Tel est le cas du ministère de l'équipement, du ministère de l'environnement, du ministère des affaires étrangères.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation des métiers, des métiers de l'architecture en général, mais plus particulièrement des métiers liés aux politiques des centres historiques. Ces métiers exigent à la fois une bonne connaissance du patrimoine et une bonne connaissance de l'urbanisme et de la création architecturale.
On pourrait imaginer de développer, dans la future école de Chaillot, qui sera rattachée à la Cité de l'architecture et du patrimoine, des formations qui nous font incontestablement défaut aujourd'hui.
Voilà toute une série de questions qui s'articulent autour d'un thème central, sur lesquelles je souhaiterais connaître votre avis, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur vous avez à juste titre rappelé l'importance de l'école de Chaillot. Rattachée à la Cité de l'architecture et du patrimoine, elle pourra déployer son activité pédagogique dans un cadre adapté, autour de deux grands pôles d'activités : le patrimoine, donc la référence au passé, et la création architecturale, c'est-à-dire l'ancrage dans la réalité.
Il faut d'ailleurs, une fois pour toutes, cesser d'opposer création et patrimoine, passé et présent. Tout cela s'intègre dans la même préoccupation de qualité et d'identité. En tout cas, l'école de Chaillot occupera une place importante dans ce dispositif.
Vous avez également eu raison de souligner à quel point le traitement du tissu urbain, des centres-villes, des secteurs protégés, est essentiel.
Nous n'avons pas encore suffisamment pris la mesure de l'attachement de nos concitoyens à ce qui constitue une bonne part de leur identité culturelle, à ce qui constitue pour la société un facteur puissant d'identification, à ce qui constitue pour nombre de nos villes un facteur d'attractivité.
Il y a une économie du patrimoine ; il y a une politique du patrimoine urbain.
On insiste régulièrement sur le fait que notre pays est l'une des principales destinations touristiques du monde. Cette situation, dont les répercussions économiques sont considérables, doit beaucoup à l'attractivité de nos grandes villes, certes, mais également, dans beaucoup de régions, à celle de nos villes moyennes, voire de nos petites communes.
Le patrimoine architectural et urbain de nos centres-villes mérite une attention toute particulière. La politique qui s'y applique trouve ses racines dans la naissance même des politiques culturelles de la Ve République, notamment dans l'action et les initiatives d'André Malraux, initiateur des secteurs sauvegardés.
Il existe aujourd'hui près d'une centaine de secteurs sauvegardés, couvrant près de 6 000 hectares et abritant environ 800 000 habitants.
Nous souhaitons naturellement renforcer cette politique de protection en veillant bien à ce que les collectivités locales, notamment les communes, y soient systématiquement associées de la façon la plus radicale. L'évolution de ces secteurs sauvegardés doit être considérée avec intelligence, ce qui ne veut pas dire avec négligence, sous l'angle de l'identité et du respect du patrimoine. Cette politique est incontestablement, pour notre ministère et pour sa direction de l'architecture et du patrimoine, un secteur d'engagement prioritaire.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture et figurant aux états B et C.

ÉTAT B



M. le président. « Titre III : 63 343 637 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 42 667 330 euros. »

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur les crédits figurant au titre IV.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, la discussion générale sur le budget de la culture a eu lieu, et nous voici parvenus au titre IV, qui concerne les crédits d'intervention.
Vue du ministère, la progression est visible, elle dépasse 3 %.
Vue de notre commission, il y manque une certaine clarté. Philippe Nachbar, notre rapporteur, n'a il pas dit pas en commission : « Compte tenu du caractère très global de la présentation retenue par les documents budgétaires, il est en fait impossible à leur seule lecture d'apprécier la portée des mesures nouvelles inscrites au projet de budget [...] Votre rapporteur devra se fier aux indications fournies par le ministère ».
Enfin, vue des compagnies, ce n'est pas la fête !
Tout d'abord, le système des reports annonce un avenir précarisé pour l'année suivante. Sur le terrain, chacun sait qu'une sous-consommation des crédits n'est pas synonyme d'une absence de besoins. Pis, la sous-consommation engendrée par la complexité des démarches et les atermoiements des financeurs est parfois, pour les acteurs culturels, le douloureux souvenir d'agios bancaires pour manque de trésorerie.
La morosité vient également de ce que les attaques contre le spectacle vivant viennent de toute part. Vous nous avez dit, monsieur le ministre : « En matière de culture, on n'est jamais seul. » Certes, c'est fort bien, si, comme vous, on évoque l'élan populaire et les collectivités. Mais il eût mieux valu être seul plutôt qu'accompagné de mauvaises fées : je pense au porte-avions, au MEDEF et à Bercy.
Politiquement, la mort de l'objectif du 1 % sonne le glas de la priorité d'un idéal, à l'épanouissement humain.
Socialement, sur l'initiative du MEDEF, la loi Fillon du 29 août 2002 a doublé les cotisations UNEDIC pour les intermittents, ce qui fait 10 millions d'euros de moins pour les compagnies de spectacle vivant.
Enfin, financièrement, Bercy traite les missions de service public du spectacle vivant comme des entreprises et l'Etat, par la fiscalité, reprend souvent d'une main ce qu'il attribue chichement de l'autre. Si bien que les régions actives en matière de décentralisation culturelle se demandent parfois si leurs subventions financent les acteurs et le décor ou le racket de Bercy.
Reprenez donc la main, monsieur le ministre ! Donnez-nous la preuve que le sort fait aux intermittents n'est qu'une mauvaise passe conjoncturelle ! Exigez par exemple de Bercy que la TVA sur les 140 premiers spectacles, qu'ils soient sur le lieu de création ou en tournée, soit fixée à 2,1 % pour les compagnies de spectacles vivants subventionnées.
Vous nous mettiez en garde tout à l'heure contre le rêve. Les petites mesures que je propose sont pragmatiques ; elles sont simplement de nature à éviter le cauchemar à ces structures qui comptent et recomptent sans arriver à boucler leur budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° II-21 rectifié ter , présenté par MM. Arthuis, Marini et Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 1 000 000 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Cet amendement, vous le savez, fait suite à la décision de la commission des finances de proposer, sur l'ensemble du budget de l'Etat, une économie de 100 millions d'euros pour compenser, très imparfaitement, la baisse des recettes de 700 millions d'euros. C'est une démarche largement symbolique, mais peut-être pas si symbolique que cela, d'ailleurs, si l'on en juge par les difficultés que nous avons à la faire accepter depuis deux jours.
Le ministère de la culture, en dépit de la très grande sympathie qu'on lui porte, ne peut donc échapper à cette opération générale qui touche tous les ministères.
Toutefois, il fait l'objet d'un traitement particulier puisque, contrairement à la doctrine qu'elle suit, la commission des finances a accepté que la réduction totale souhaitée de 2 millions d'euros porte, d'une part, sur des crédits ordinaires et, d'autre part, sur les crédits d'investissements.
Par conséquent, au titre IV, nous proposons une réduction de 1 million d'euros sur le chapitre 43-92. Au départ, la commission des finances envisageait de faire porter la réduction sur l'ensemble des trois chapitres du titre IV, à charge pour le ministère de répartir ces réductions à proportion des dotations de ces chapitres.
Nous avons accédé au souhait du ministère de la culture, qui préférait que cette réduction porte sur ce chapitre 43-92, ce qui est, semble-t-il, mieux pour lui.
J'indique dès maintenant que la commission des finances demandera un scrutin public sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, pour ma part, je regrette l'initiative qu'a prise la commission des finances. Je vous ai dit combien le budget du ministère de la culture avait été établi de manière rigoureuse, en prenant en compte la réalité des besoins et notre capacité à dépenser les moyens que la nation mettra à notre disposition.
Je ne fais donc que prendre acte de la décision de la commission, que je regrette car elle fragilise le budget de mon ministère sur le secteur qu'elle concerne.
J'ai pris le parti de vous demander l'affectation de l'économie que vous souhaitiez sur le chapitre 43-92 de façon à préserver les crédits destinés à l'action du ministère de la culture dans les régions et de façon à préserver la capacité de soutien que le ministère de la culture apporte à l'ensemble du tissu culturel de notre pays par le biais des compagnies chorégraphiques, des orchestres, des festivals, etc.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, contre l'amendement.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure-ci nous aurions pu faire relâche sans l'obstination de la commission des finances à proposer des économies. A la place, nous avons droit à une proposition de réduction de 2 millions d'euros des dépenses de la décentralisation culturelle, qui vient s'ajouter aux diminutions déjà effectuées par le ministère lui-même.
Ce qui est en cause avec cet amendement culturicide de la commission des finances, c'est, ni plus ni moins, le soutien à la diffusion de programmes audiovisuels ou cinématographiques, l'appui que les directions régionales des affaires culturelles peuvent apporter aux multiples manifestations organisées autour du livre, le financement attaché à certains festivals estivaux, ou encore l'activité de compagnies théâtrales, pourtant déjà dramatiquement touchées - j'en ai l'exemple dans le Nord - Pas-de-Calais - par la réforme de l'aide aux compagnies.
En effet, comme on le dit de temps à autre, mes chers collègues de la commission des finances, derrière les chiffres il y a des faits, il y a en partie la vie culturelle de la nation, que vous réduisez exagérément à de simples considérations comptables, alors qu'elle est d'abord affaire de création, de diffusion, d'essaimage et d'accès du plus grand nombre à la culture et à la beauté.
Cet amendement est symptomatique : alors que vous annoncez que vous ne toucherez ni aux crédits de la justice ni à ceux de la sécurité ou de la défense, vous vous attaquez frontalement aux dépenses culturelles comme aux dépenses de formation, sans doute parce qu'elles sont moins nobles à vos yeux que les dépenses précitées. Cela est très significatif et caractérise clairement les véritables préoccupations qui vous animent.
En effet, s'il faut véritablement faire des économies, alors réparons correctement, une fois pour toutes, notre porte-avions nucléaire au lieu d'en prévoir un second, qui sera, nous le savons déjà, un véritable gouffre financier et qui ne sera pas d'une grande efficacité pour grandir l'image de la France !
La force de la France, vous le savez, c'est l'estime des peuples du monde, c'est la recherche des dialogues entre les civilisations. Le général de Gaulle n'a-t-il pas déclaré, lorsqu'il inaugura, en présence d'André Malraux, la maison de la culture de Bourges : « La culture n'est pas qu'un refuge, une consolation, c'est la condition même de notre civilisation. »
On nous parle souvent du coût de la culture. Avec Jack Ralite, nous avons coutume de dire : a-t-on réellement mesuré le coût de l'absence de culture ?
Vous savez, monsieur le ministre, que les soustractions d'en haut encouragent les soustractions d'en bas et que, lorsque l'Etat hésite, les collectivités bégaient. En conséquence, je ne peux qu'inviter mes collègues du Sénat à rejeter cet amendement qui porte atteinte à la liberté de création et d'accès à la culture, et à le faire par scrutin public.
Monsieur le ministre, cher Jean-Jacques Aillagon, Jack Ralite parlait tout à l'heure d'un véritable croche-pied. Pour ma part, j'ajoute : trop, c'est trop ! Nous sommes au Sénat, à deux pas du Panthéon, et j'ai envie de crier : Malraux, réveille-toi, ils sont devenus fous !
M. le président. La parole est à M. Henri Weber, pour explication de vote.
M. Henri Weber. Evidemment, nous voterons contre cet amendement.
On pouvait espérer qu'une baisse de 5,2 % du budget de la culture suffisait, même pour un gouvernement dont la culture n'est vraiment pas la priorité, voire qui la considère comme le cadet de ses soucis.
Apparemment, cela ne suffisait pas : il faut une coupe supplémentaire ! Et le Gouvernement l'accepte, je l'ai entendu. Nous ne pouvons que le déplorer doublement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais d'abord saluer M. le ministre de la culture, rendre hommage à l'ambition qui l'anime et à son talent personnel.
M. Henri Weber. Bien mal récompensé !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je tiens à dire à M. Renar comme à M. Weber que l'art de l'illusion doit cesser. Les budgets de ces dernières années, et l'audit de MM. Nasse et Bonnet en porte témoignage, étaient largement des budgets d'affichage.
A quoi sert-il de tromper les Français en inscrivant des crédits que l'on n'engage pas parce qu'on n'en a pas les moyens ?
Nous avons pu constater que les prévisions économiques telles qu'elles étaient fondées au moment de la mise en forme du projet de loi de finances pour 2003 devaient être revues et, pour la première fois, le Gouvernement nous a demandé - c'est à son honneur -, au nom de la sincérité, de l'exigence de vérité, de modifier l'article d'équilibre afin de tirer les conséquences d'une moins-value fiscale de l'ordre de 700 millions d'euros. C'est dans ces conditions que la commission des finances invite le Sénat à procéder à quelques économies.
Lorsque nous retrouverons la croissance et les moyens financiers, alors nous pourrons aller de l'avant.
C'est dire si l'exercice auquel nous invitons le Sénat est délicat, et c'est avec un vrai désagrément que nous lui demandons de l'accomplir. Toutefois, ce faisant, nous pensons assumer notre responsabilité.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. A titre personnel, je le dis franchement, je ne suivrai pas sur cet amendement mon collège Jean Arthuis.
M. Henri Weber. Bravo !
M. Jacques Legendre. Mais ceux qui combattent cet amendement ont tenu des propos qui m'ont choqué. En effet, il ne me paraît pas convenable de faire référence à la grande figure d'André Malraux en laissant entendre que, au nom de la défense d'une politique culturelle, il aurait négligé la défense de son pays. Quand on évoque le général de Gaulle et André Malraux, on n'oppose pas la nécessité de dégager des moyens pour la défense du pays, d'avoir un et même deux porte-avions, par exemple, et l'attachement que nous avons les uns et les autres pour une culture resplendissante et partagée par tous. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Pour que les choses soient claires, j'entends réagir à l'intervention de M. Weber.
Il va de soi que je n'approuve pas cet amendement. Néanmoins, j'en comprends la motivation.
Il y a, selon moi, un acte de responsabilité à se sentir solidaire des choix du Gouvernement, ou des choix du Parlement, quand il s'agit de défendre les grands équilibres économiques et budgétaires de notre pays.
Je ne suis pas assuré que cette amputation des crédits du ministère de la culture soit vraiment de nature à contribuer au rétablissement de ces équilibres. Je retiens toutefois qu'elle marque, dans l'esprit de la majorité de cette assemblée, la nécessité de mettre à contribution l'ensemble des secteurs d'action de l'Etat, et donc l'ensemble des ministères.
M. Henri Weber. Pas vraiment !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Quoi qu'il en soit, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée. J'aurais préféré, je l'ai dit, qu'on s'en tienne à l'équilibre sur la base duquel ce budget a été construit.
Cela étant, je peux rassurer M. Renar sur un point : cette amputation vise un chapitre tel que la capacité du ministère à soutenir l'action culturelle décentralisée ne s'en trouvera pas ébranlée, puisque nous avons choisi de faire porter l'économie sur les crédits d'acquisition.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-21 rectifié ter.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une de la commission des finances et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 60:

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 305
Majorité absolue des suffrages 153
Pour l'adoption 186
Contre 119

Le Sénat a adopté.
M. Ivan Renar. Hélas ! Trois fois hélas ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 290 611 000 euros ;

« Crédits de paiement : 32 342 000 euros. »
L'amendement n° II-36, présenté par MM. Arthuis, Marini et Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits de paiement du titre V de 1 000 000 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Ivan Renar. Même motif, même punition !
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Chacun l'a compris, nous avons finalement choisi de répartir l'effort d'économie à égalité entre les crédits de fonctionnement et les crédits d'équipement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, contre l'amendement.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur Legendre, je ne parlerai ni de Malraux ni de porte-avions. (Sourires.)
M. Jacques Legendre. Vous me rassurez !
Mme Marie-Christine Blandin. Je parlerai de mauvaises fées. (Nouveaux sourires.) Bien sûr, fort heureusement, il n'y en a pas au Sénat pour se pencher sur le berceau de la culture. Il n'y a pas de mauvaises fées, mais il y a les membres de la majorité de la commission des finances et leurs amendements. Depuis quelques jours et quelques nuits, nous les voyons apparaître à des heures variées, mais toujours avec le même raisonnement. Si j'ai bien compris ce qu'ils nous disent, ce n'est pas l'argent affiché qui compte, c'est le constat de ce qui fut réellement consommé. Fort bien !
Je crois cependant que les grands mécaniciens de la commission des finances se trompent de remède.
Le terrain des acteurs culturels, c'est la soif. Le ministère et son budget, c'est la source. Les procédures, les critères et les délais, ce sont les tuyaux. Tarir la source n'apportera aucune régulation. Simplement, quelques acteurs disparaîtront dans la sécheresse. Ce sont les tuyaux, c'est-à-dire les critères et les procédures, qu'il faut recalibrer.
Donc, pour protéger la source, nous voterons contre cet amendement qui se trompe de cible.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-36.

(L'amendement est adopté.)
M. Ivan Renar. La messe est dite ! (Sourires.)
M. le président. C'est vous qui l'avez dite ! (Nouveaux sourires.)
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 274 764 000 euros.

« Crédits de paiement : 162 804 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 63, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à la culture.

Article 63



M. le président.
« Art. 63. - Le second alinéa de l'article 10 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre est ainsi rédigé :
« Le prix des livres scolaires est identique en métropole et dans les départements d'outer-mer. » - (Adopté.)
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.

8

COMMUNICATION

M. le président. Mes chers collègues, avant de lever la séance, je souhaite vous rappeler que le Sénat accueillera demain, à onze heures quarante-cinq, les cendres d'Alexandre Dumas, à l'occasion de leur transfert au Panthéon.
Dans la continuité du bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, le Sénat rendra hommage au « semeur de civilisation » qui partagea les combats politiques de l'auteur des Misérables , dont il fut l'ami.
Au cours de ces cérémonies, qui se poursuivront jusqu'à quinze heures trente, le Sénat réunira les différentes collectivités locales intéressées par le transfert des cendres.
Par cet hommage solennel à Alexandre Dumas, fils d'un général de la Révolution, petit-fils d'une esclave, le Sénat marquera son engagement pour la défense de l'égalité, valeur fondamentale de la République, pour laquelle se sont ici battus, notamment, Victor Schoelcher et Gaston Monnerville.
Pour le bon déroulement de ces cérémonies, la séance sera suspendue demain à onze heures trente, afin de permettre au ministre de la culture et de la communication et aux sénateurs de se rendre dans la cour d'honneur pour accueillir les restes mortels d'Alexandre Dumas. Elle reprendra éventuellement à l'issue de cette cérémonie pour achever l'examen du budget de la communication.
Elle reprendra ensuite à quinze heures trente, à l'issue d'une seconde cérémonie qui aura lieu à quinze heures dans la salle des conférences sous la présidence de M. Christian Poncelet, président du Sénat.

9

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, samedi 30 novembre 2002, à dix heures quarante-cinq, quinze heures trente et, éventuellement, le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Communication :
Crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre ; article 52 et ligne 35 de l'état E annexé à l'article 48 et article 63 bis.
M. Claude Belot, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexes n°s 7 et 8).
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (communication audiovisuelle, avis n° 69, tome XI, et presse écrite, avis n° 69, tome XII).
Anciens combattants (et articles 62 et 62 bis) :
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 4).
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 72, tome VII).
Sports :
M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 34).
M. Bernard Murat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 69, tome X).

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2003

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2003 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles
de la deuxième partie non joints à l'examen des crédits
du projet de loi de finances pour 2003

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2003 est fixé au vendredi 6 décembre 2002, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le samedi 30 novembre 2002, à une heure trente-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
Conseil national consultatif
des personnes handicapées

Lors de sa séance du vendredi 29 novembre 2002, le Sénat a désigné M. Paul Blanc pour siéger au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du vendredi 29 novembre 2002


SCRUTIN (n° 58)



sur l'amendement n° II-17 présenté par MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Joseph Ostermann au nom de la commission des finances tendant à réduite les crédits du titre IV de l'état B du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (budget du travail, de la santé et de la solidarité, I. Travail)


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 319
Pour : 206
Contre : 113

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :

Pour : 13.
Contre : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour : 92.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat et M. Serge Vinçon, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Contre : 82.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :

Pour : 54.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Pour : 41.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

Pour : 6.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Ont voté contre


Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


Christian Poncelet, président du Sénat et Serge Vinçon, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 59)



sur l'amendement II-19 rectifié présenté par MM. Jean Arthuis, Philippe Marini et Adrien Gouteyron au nom de la commission des finances tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B inscrits à l'article 36 du projet de loi de finances pour 2003 (budget de la Santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité).


Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages exprimés : 304
Pour : 190
Contre : 114

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 22.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la séance.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :

Pour : 10.
Contre : 1. _ M. Gilbert Barbier.
Abstention : 10.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 87.
Contre : 6. _ MM. Pierre André, Paul Blanc, Robert Del Picchia, Christian Demuynck, Philippe de Gaulle et Mme Nelly Olin.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Contre : 82.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :

Pour : 53.
Abstention : 1. _ Mme Valérie Létard.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Pour : 40.
Contre : 1. _ M. Nicolas About.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

Contre : 2. _ MM. Philippe Darniche et Bernard Seillier.
N'ont pas pris part au vote : 4.

Ont voté pour


Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Fernand Demilly
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Ont voté contre


Nicolas About
Michèle André
Pierre André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Gilbert Barbier
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Paul Blanc
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Philippe Darniche
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Robert Del Picchia
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Christian Demuynck
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Philippe de Gaulle
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Nelly Olin
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Bernard Seillier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber.

Abstentions


Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Dominique Larifla, Valérie Létard et Georges Mouly.

N'ont pas pris part au vote


Philippe Adnot, Sylvie Desmarescaux, Hubert Durand-Chastel et Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote


Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Fischer, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 317
Nombre des suffrages exprimés : 306
Majorité absolue des suffrages exprimés : 159
Pour : 191
Contre : 115

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 60)



sur l'amendement II-21 rectifié bis présenté par MM. Jean Arthuis, Philippe Marini et Yann Gaillard au nom de la commission des finances tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B inscrits à l'article 36 du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (budget de la culture).


Nombre de votants : 313
Nombre de suffrages exprimés : 304
Pour : 185
Contre : 119

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :

Pour : 10.
Contre : 2. _ MM. Bernard Joly et Pierre Laffitte.
Abstentions : 9. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin, Dominique Larifla et Jacques Pelletier.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour : 83.
Contre : 10. _ MM. Paul Blanc, Louis de Broissia, Christian Demuynck, Louis Duvernois, Philippe de Gaulle, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Bernard Murat, Mme Nelly Olin, M. Jacques Valade.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Contre : 82.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :

Pour : 52.
Contre : 1. _ M. Philippe Richert.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Pour : 40.
Contre : 1. _ M. Philippe Nachbar.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

N'ont pas pris part au vote : 6.

Ont voté pour


Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jean-François Le Grand
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Paul Natali
Philippe Nogrix
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Ont voté contre


Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Paul Blanc
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Louis de Broissia
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Christian Demuynck
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Louis Duvernois
Claude Estier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Philippe de Gaulle
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Bernard Joly
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
Jacques Legendre
André Lejeune
Serge Lepeltier
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Nelly Olin
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Philippe Richert
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
Jacques Valade
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber.

Abstentions


Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin, Dominique Larifla et Jacques Pelletier.

N'ont pas pris part au vote


Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Hubert Durand-Chastel, Bernard Seillier et Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote


Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 314
Nombre des suffrages exprimés : 305
Majorité absolue des suffrages exprimés : 153
Pour : 186
Contre : 119

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.