SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2002
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le travail, la santé et la solidarité : III. - Ville et rénovation urbaine.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Eric Doligé,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, je souhaite, au cours de cette brève
intervention, vous présenter les principales observations qui m'ont été
inspirées par le budget de la ville pour l'année 2003. S'agissant de la
présentation exhaustive de ces crédits, je vous demanderai de vous reporter à
mon rapport écrit, qui comporte, me semble-t-il, de nombreuses informations
fort intéressantes.
Succinctement, j'indiquerai que le budget de la ville proposé pour 2003
s'élève à 371 millions d'euros contre 369 millions d'euros en 2002, ce qui
représente une croissance extrêmement faible de 0,6 %, inférieure aux
prévisions d'inflation.
Afin de fixer les idées, je rappellerai que, si l'on en croit le « jaune »,
l'ensemble des dépenses de l'Etat relatives à la politique de la ville
s'élèverait à plus de 3 milliards d'euros, et l'ensemble des dépenses publiques
concernant cette même politique à environ 6 milliards d'euros. Au total, le
budget de la ville ne correspondrait donc qu'à environ 6 % des dépenses
consacrées à la ville.
S'agissant du jugement qu'il convient de porter sur ce projet de budget, il me
semble nécessaire de distinguer deux points.
Le premier concerne la méthodologie suivie pour l'élaboration de ce budget.
Le budget de la ville est, comme je viens de le dire, quasiment stable par
rapport à celui de l'année dernière, puisque ses crédits n'augmentent que de
0,6 % en valeur. En revanche - et cela est intéressant et novateur - les
crédits destinés aux dépenses en capital passeraient de 63 millions d'euros à
97 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de 53 %.
Votre objectif, monsieur le ministre, a été de rendre les dépenses plus
efficaces en les réorientant vers le renouvellement urbain, conformément à la
politique annoncée.
Cette augmentation a, bien entendu, rendu nécessaire la diminution des crédits
jugés moins utiles, c'est-à-dire essentiellement les interventions publiques.
On ne peut, me semble-t-il, que se louer de cette volonté de réorienter les
crédits vers des dépenses plus efficaces, à enveloppe globale inchangée.
Dans le cadre de la politique de maîtrise de la dépense définie par le
président et le rapporteur général de la commission des finances - nous venons
d'ailleurs d'avoir une longue discussion à ce sujet sur le budget précédent -
j'ai déposé un amendement, qu'ils ont cosigné, tendant à aller encore un peu
plus loin dans la rigueur budgétaire, puisqu'il prévoit de réduire les crédits
destinés aux interventions publiques de 1 million d'euros, ainsi que je vous
l'exposerai tout à l'heure.
Il me semble cependant nécessaire - il s'agit du second point à distinguer -
de nuancer l'appréciation positive portée sur ce budget.
L'augmentation des crédits destinés aux dépenses en capital n'implique pas, à
elle seule, que les dépenses correspondantes augmenteront en conséquence.
En effet, depuis 1994, le taux de consommation des crédits des titres V et VI
a généralement été inférieur à 50 %. Si, jusqu'à présent, le ministère de la
ville n'a pas été en mesure de mobiliser ses crédits, on peut se demander s'il
saura mieux faire en 2003. Nous devons, dans l'intérêt général, le souhaiter et
l'y aider.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, vous poser une première question :
quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre afin d'accroître le taux de
consommation de vos crédits d'investissement et de vos subventions
d'investissement par rapport à celui de vos prédécesseurs ?
Je dirai, à titre personnel, que cela me semble possible et relativement
facile compte tenu de la faible consommation des crédits que nous avons
constatée les années précédentes.
J'en viens maintenant à des observations plus générales concernant la
politique de la ville.
Je souhaite, en premier lieu, souligner la volonté du Gouvernement de donner
un nouvel élan à la politique de la ville.
Cette volonté se traduit, d'abord, sur le plan budgétaire. Comme j'ai eu
l'occasion de l'indiquer, le présent projet de budget traduit une volonté
politique forte, puisqu'il réoriente une partie importante des crédits
d'intervention vers les subventions d'investissement.
Ensuite, je vous rappelle, mes chers collègues, que l'essentiel des moyens de
la politique du logement se trouve au ministère de l'équipement, puisque si le
présent projet de budget prévoit de consacrer près de 80 millions d'euros aux
grands projets et au renouvellement urbain, les crédits équivalents du
ministère de l'équipement sont évalués à 250 millions d'euros. Il est donc
envisagé de donner au ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine
une certaine maîtrise de ces moyens, ce qui me paraîtrait logique.
Il dispose d'ores et déjà, depuis un décret du 12 juillet 2002, du pouvoir de
signer certains actes à la place du ministre de l'équipement et de l'autorité
conjointe, avec le ministre de l'équipement, sur certains services du
ministère.
Surtout, il est envisagé de lui donner un pouvoir d'engager les 250 millions
d'euros du budget de l'équipement relatifs à la rénovation urbaine, selon des
modalités qui restent à déterminer. On a pu évoquer, notamment, la création
d'une ligne sur le budget de la ville et de la rénovation urbaine, destinée à
recevoir des transferts de crédits en provenance du ministère de l'équipement,
ce que nous souhaitons.
Ensuite, si l'on en croit le « jaune », l'ensemble des concours publics
consacrés à la politique de la ville devrait diminuer de plus de 200 millions
d'euros en 2003.
Cela provient d'un double phénomène : premièrement, la sortie des dispositifs
de zones franches urbaines, en tout cas en l'état actuel du droit, et
d'emplois-jeunes ; deuxièmement, l'augmentation du taux du prêt de la Caisse
des dépôts et consignations destiné à financer les opérations de renouvellement
urbain et le prêt de renouvellement urbain, le PRU. En effet, l'« équivalent
subvention » des prêts de la Caisse des dépôts et consignations en faveur du
logement est assimilé au coût net qu'ils représentent pour celle-ci : si l'on
augmente le taux, ce coût net diminue, donc l'équivalent subvention diminue
également.
Au total, si le budget de la ville pour 2003 semble un bon budget, on peut
néanmoins s'inquiéter, d'abord de ses perspectives d'exécution, ensuite d'une
tendance générale à la diminution des crédits concourant à la politique de la
ville.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des indications à ce sujet,
ainsi que sur les relations que votre ministère entretient avec celui de
l'équipement, lesquelles sont, bien entendu, amicales, chaleureuses et bonnes ?
(Sourires).
Mais encore faut-il que cela se traduise sur le plan
budgétaire !
Ces moyens accrus doivent permettre la réalisation d'importantes réformes.
A cet égard, je souhaiterais savoir où en sont les réformes de la politique du
logement, d'une part, des zones franches urbaines, d'autre part.
Pour avoir eu quelques discussions, encore récemment, avec des présidents
d'organismes de logement social, j'ai pu constater qu'il existait beaucoup de
freins à la réalisation des programmes.
Enfin, je ne peux achever cet exposé sans rappeler que la politique de la
ville fait l'objet de nombreuses critiques. On lui reproche, notamment,
l'insuffisance de l'évaluation et la complexité des procédures. Ces difficultés
ont été récemment soulignées par un rapport public particulier de la Cour des
comptes consacré à la politique de la ville.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, vous poser une dernière question :
comment comptez-vous prendre en compte les observations figurant dans ce
rapport ?
En conclusion, je vous rappelle, mes chers collègues, qu'en raison notamment
de la volonté manifestée par le ministre de permettre une plus grande
efficacité de la dépense publique à crédits totaux inchangés la commission des
finances vous recommande d'adopter le budget de la ville et de la rénovation
urbaine.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
principaux traits du budget de la politique de la ville ayant été présentés par
M. Eric Doligé et Mme Nelly Olin devant traiter les affaires sociales, je
limiterai mon propos à trois points particuliers : les contrats de ville, la
dotation de solidarité urbaine, la DSU, et les zones franches urbaines.
Permettez-moi, monsieur le ministre, avant d'aborder ces sujets, de vous dire
combien nous apprécions votre démarche dynamique et lucide, franche et
réaliste, au regard de l'enjeu essentiel pour la France d'une politique de la
ville qui concerne, pratiquement, la vie quotidienne de 80 % des Français.
A plusieurs reprises, vous avez affirmé, à juste titre, que la réussite de
cette politique n'était pas seulement un problème financier. La
sous-consommation de crédits qui a été évoquée tout à l'heure en est la
démonstration.
Il est toutefois difficile de parler de réussite de cette politique. Au cours
des dernières années, nous avons en effet assisté à une forte détérioration de
la situation, notamment dans les quartiers les plus en difficulté. Ce phénomène
provient, entre autres, de la complexité et de la lourdeur administrative des
mécanismes mis en place pour aider les maires, les élus ou les présidents
d'association.
En ce qui concerne les contrats de ville, la participation financière des
communes s'élève à 715 millions d'euros, celle des régions s'établit à 115
millions d'euros et celle des départements atteint 120 millions d'euros, soit
près de 1 milliard d'euros, monsieur le ministre, c'est-à-dire 2,5 fois le
montant de votre budget.
Or, sur le terrain, le maire que vous avez été, le maire que je suis, les
maires membres de la commission des affaires économiques, les maires des 247
communes éligibles au contrat de ville, mais aussi quasiment l'ensemble des
présidents d'association, tous nous exprimons notre forte déception d'un
concept qui génère lenteur, découragement, souci financier, retard
d'investissements, multiplication inutile de réunions, dont le coût est parfois
supérieur au montant des subventions distribuées.
Nous vous suggérons, monsieur le ministre, de lancer rapidement une évaluation
de cette politique, et, sans attendre les résultats, de prendre toutes les
mesures permettant de parvenir enfin à une gestion réaliste et souple des
crédits de la ville.
Lors du débat relatif au budget des collectivités locales, avec mes deux
collègues rapporteurs, Eric Doligé et Nelly Olin, et avec Jean-Claude Gaudin,
nous avons déposé un amendement visant à renforcer l'effet péréquateur de la
dotation de solidarité urbaine. Nous considérons, en effet, que cette dotation
ne répond pas ou répond mal au besoin de discrimination positive en faveur des
villes ayant les quartiers les plus en difficulté.
Je pense que le Gouvernement nous a entendus et compris, faute de nous avoir
suivis. Mais nous serons vigilants et nous comptons sur vous, monsieur le
ministre, pour faire avancer notre proposition lors des réformes à venir.
Je traiterai maintenant des zones franches urbaines.
La rénovation urbaine, la sécurité, l'éducation, l'intégration sont des points
de passage obligés de la politique de la ville. L'économie et l'emploi sont
aussi des gages de réussite. C'est pourquoi la commission des affaires
économiques, et plus particulièrement son président, Gérard Larcher, se sont
investis pour faire avancer cette idée qu'il ne faut pas laisser à l'abandon
économique les quartiers les plus défavorisés.
C'est pourquoi nous comptons sur votre pugnacité et sur votre volonté farouche
de réussir, ainsi que sur celles du Président de la République et du Premier
ministre, pour remettre en place les zones franches urbaines, qui ont fait
leurs preuves en tant qu'instruments essentiels valorisant l'initiative
individuelle et l'intégration par le travail : 12 000 entreprises et 60 000
emplois créés en cinq ans, ce n'est pas rien ! Peu de dispositifs ont été aussi
compétitifs.
La commission des affaires économiques, vous l'avez compris, monsieur le
ministre, a émis un avis favorable à l'adoption de votre budget. Elle a
également émis le souhait d'être étroitement informée et associée à l'action de
la politique de la ville, notamment pour l'élaboration du nouveau régime
applicable aux zones franches urbaines.
Nous savons, monsieur le ministre, que nous pouvons compter sur vous.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis.
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en février dernier, la
Cour des comptes a dressé un bilan décevant des résultats et des modes d'action
de la politique de la ville. Ce rapport confirme qu'un changement en profondeur
est indispensable, d'autant que s'amplifient les problèmes auxquels sont
confrontées aujourd'hui les villes en difficulté - et je peux dire que je
connais bien le sujet.
Le projet de budget pour 2003 est le premier de la législature ; il comporte à
ce titre des orientations fortes qui annoncent le déploiement d'une nouvelle
politique.
Il présente également le caractère d'un budget de transition, d'abord parce
que tout ne peut être remis à plat en quelques semaines ; ensuite parce que
l'exercice 2003 s'inscrit nécessairement dans la perspective de la prochaine
loi de programmation et d'orientation que vous avez annoncée, monsieur le
ministre, et qui donnera à la politique de la ville, en l'associant à celle du
logement social, les moyens de son ambition.
La commission des affaires sociales a considéré que le présent projet de
budget était bon, car il a été élaboré dans un souci d'efficacité, cette
efficacité dont nous avons besoin dans nos villes.
Il est efficace pour trois raisons.
Tout d'abord, il comporte un fort rattrapage des crédits de paiement, qui
progressent de 54 %. Le Gouvernement se donne enfin les moyens d'agir
concrètement. Dans un contexte budgétaire contraignant, les dispositifs mis en
place pourront fonctionner de manière satisfaisante.
Ensuite, au vu de leur succès sur le terrain, les grands projets de ville et
les opérations de renouvellement urbain sont mis à l'honneur avec une
importante augmentation des crédits qui leur sont alloués. Cette dernière
évolution est particulièrement bien venue pour les communes en difficulté, qui
ont souvent du mal à assumer les frais de fonctionnement de ce dispositif.
Enfin, le projet de budget prévoit la réforme du fonds de revitalisation
économique, attendue depuis longtemps. Peu utilisé, car trop complexe à mettre
en oeuvre, ce fonds voit en effet sa section d'investissement intégrée, dans un
souci de simplification, au fonds d'intervention pour la ville et sa section de
fonctionnement dotée d'un budget plus raisonnable.
Naturellement, quelques points doivent encore être améliorés. Il est, en
effet, fondamental de développer plus avant la présence de l'Etat dans les
quartiers. Nous le souhaitons tous, même si elle est très difficile à réaliser.
Cependant, monsieur le ministre, nous faisons confiance à votre pugnacité pour
y parvenir.
Nous pouvons regretter également que les opérations « ville-vie-vacances »,
qui ont pourtant pour objet de prévenir la délinquance, ne voient pas leurs
crédits augmenter. Peut être n'ont-ils pas tous été consommés ?
En outre, comme je l'avais souligné l'année dernière, la simplification des
procédures et des dispositifs mis en oeuvre par la politique de la ville
s'avère de plus en plus indispensable aux communes et aux associations, afin
qu'elles puissent mener leurs actions dans de bonnes conditions administratives
et financières.
Par ailleurs, compte tenu des reproches justifiés de la Cour des comptes,
comme l'ont souligné MM. Doligé et André - auxquels j'adresse mes félicitations
pour leurs excellents rapports -, la mise en place d'un dispositif performant
d'évaluation des actions menées aux niveaux national et local ne peut plus être
éludée. Le développement d'une évaluation efficace et régulière est, aux yeux
de la commission des affaires sociales, une condition indispensable au bon
fonctionnement de la politique de la ville.
Comme l'a dit mon collègue Pierre André, il y a lieu d'améliorer le système de
la dotation de solidarité urbaine pour l'orienter en faveur des villes les plus
en difficulté en renforçant ses effets péréquateurs et en modifiant son mode de
calcul. Ce dernier pourrait prendre en compte non seulement les logements
faisant l'objet d'un plan de sauvegarde ou d'une opération programmée
d'amélioration de l'habitat, mais également ceux qui relèvent du 1 % patronal
situés à l'intérieur des zones urbaines sensibles.
Cette vaste question n'a toutefois pas vocation à être résolue immédiatement,
nous en sommes convaincus.
Au-delà de l'analyse des crédits, je souhaite à mon tour insister sur
l'urgente nécessité de reconduire le dispositif des zones franches urbaines
pour permettre une réelle relance économique des zones concernées.
L'efficacité des zones franches a fait
a contrario
ressortir
l'inefficacité des autres dispositifs de la politique de la ville. Je ne
m'attarderai pas sur cette question, à laquelle mon ami rapporteur de la
commission des affaires économiques a consacré de longs développements.
Il est pourtant urgent de démultiplier l'effort considérable des pouvoirs
publics en favorisant l'initiative privée. L'effet de levier de la politique de
la ville doit être largement amplifié pour faire face aux enjeux premiers que
constituent l'activité économique et l'emploi dans les quartiers en
difficulté.
Il existe des freins et des obstacles de toutes natures, réglementaires mais
aussi idéologiques. Il convient de s'y attaquer avec détermination pour que
l'initiative privée accompagne plus fortement celle des acteurs publics et la
prolonge durablement.
Enfin, monsieur le ministre, il m'a semblé opportun d'attirer cette année
votre attention sur les métiers de la ville, système complexe et lacunaire qui
répond à de vrais besoins, mais qui doit être réformé en profondeur. Les
métiers de la ville, rouage indispensable au bon fonctionnement de la politique
de la ville, apparaissent souvent comme une vaste nébuleuse.
Sans nier l'utilité de certaines missions proposées dans le cadre de la
politique de la ville, il apparaît toutefois que la mutiplicité des statuts, le
manque de formation de certains personnels et l'insuffisante précision des
missions nuisent à la qualité des services et ouvrent la voie à toutes les
dérives.
Il faut aujourd'hui mettre en place des filières scolaires et universitaires
spécifiques au sein de l'éducation nationale afin d'identifier un vivier de
compétences et d'offrir à ces professions une véritable mobilité
professionnelle.
Par ailleurs, sans qu'elle devienne un droit, la voie de l'intégration dans la
fonction publique doit voir ses règles clarifiées par l'organisation de
préparations à certains concours pour les jeunes travaillant dans le domaine de
la ville, par exemple.
Enfin, il faut aujourd'hui redonner une place aux emplois du secteur privé
dans la politique de la ville, mais également revaloriser les métiers existants
dans les quartiers, ceux de l'éducation nationale ou de la police, par
exemple.
Comme vous le constatez, les réformes qu'il convient d'engager sont multiples,
elles doivent concerner notamment les structures qui se superposent et qui
génèrent des frais de fonctionnement considérables.
Une même ville peut être intégrée à un contrat de ville, à un grand projet de
ville, un GPV, à un GPV objectif 2, voire, dans certaines parties du
territoire, à un établissement public d'aménagement tel que celui de la mission
Plaine de France. A force de diversifier ou d'élargir le champ d'action de ces
structures, plus personne ne s'y retrouve et nous prenons le risque de passer à
côté de certains financements ou d'importantes opérations.
Une réflexion doit nous conduire à définir un tronc commun et des branches,
afin que nous sachions vraiment à quel niveau nous raccrocher.
Vous avez eu le mérite, monsieur le ministre, de débloquer rapidement une
situation délicate au moment où vous avez pris vos fonctions au ministère de la
ville, puisque - ce n'est un secret pour personne - vous avez été frappé de
plein fouet par le « gel républicain ». L'expression m'avait, je l'avoue, fait
sourire, car je savais qu'elle cachait tout simplement l'absence de finances.
Cette situation a profondément perturbé les élus, mais aussi le fonctionnement
de la politique de la ville.
Vous avez compris, monsieur le ministre, que nous attendons beaucoup de vous.
Nous savons que nous pouvons vous le demander, car vous connaissez votre
métier, celui de la ville. Vous pouvez compter sur notre soutien.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis favorable à l'adoption
des crédits de la ville pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année
dernière, le débat sur la politique de la ville avait constitué mon « baptême
du feu » de jeune parlementaire. Le changement politique intervenu au printemps
a mis à la tête du ministère de la ville un élu parfaitement au fait de toute
la problématique de la ville et qui en a dénoncé avec justesse les limites et
les imperfections. C'est pourquoi, au-delà de la proximité géographique qui
nous relie, permettez-moi, monsieur le ministre, de fonder beaucoup d'espoir
sur la nouvelle manière dont vous souhaitez appréhender la politique de la
ville.
Pour ce premier budget de la nouvelle législature, vous avez choisi un axe
central, le logement, en partant du principe que « la détérioration de
l'habitat constitue un appel d'air pour l'accumulation des handicaps ». Ce
choix, qui a pu paraître à certains trop simpliste ou abrupt, me semble
pourtant judicieux. Car il faut bien que l'édifice « politique de la ville »
repose sur des fondations solides. Des murs et un toit ne viendront pas à bout
de toutes les difficultés de nos quartiers, mais les solutions ne peuvent se
construire qu'à partir de là.
Je vous rejoins entièrement sur ce constat et je me réjouis de l'annonce, lors
du conseil des ministres du 30 octobre dernier, d'une loi de programmation et
d'orientation pour la ville et la rénovation urbaine, qui repose sur la logique
de projet et l'instauration d'un guichet unique.
En mobilisant tous les financements disponibles, c'est un total de 30
milliards d'euros de travaux qui doivent permettre de construire, détruire et
réhabiliter quelque 600 000 logements sociaux dans les quartiers les plus en
difficulté. Si l'objectif est tenu, ce sera, à n'en pas douter, le moyen
d'améliorer très sensiblement le quotidien de milliers d'habitants.
Pour atteindre ce but, je voudrais, monsieur le ministre, insister sur les
trois préalables qui me paraissent devoir impérativement être pris en compte
pour que ce nouvel élan ne tombe pas dans les mêmes travers et les mêmes échecs
que les programmes précédents. Une politique du logement dans les quartiers
sensibles repose en effet sur un triptyque : retraiter le bâti, assurer une
véritable gestion urbaine de proximité, recomposer la « dynamique habitant ».
Sans l'une de ces trois composantes, l'ensemble devient bancal et susceptible
de s'effondrer à nouveau.
Le premier point, qui me paraît tout à fait essentiel, concerne les modalités
de financement des programmes de rénovation urbaine. Il sera nécessaire, tout
d'abord, de prévoir l'apurement des investissements plus anciens. En effet, si
l'on souhaite que les organismes d'HLM et les collectivités s'investissent dans
de nouvelles opérations, en particulier dans le cadre d'opérations de
démolition-reconstruction, il faut tenir compte du fait que, bien souvent, les
programmes immobiliers que l'on va choisir demain de reconstruire ont déjà fait
l'objet de réhabilitations à une époque, pas si lointaine, où l'Etat
préconisait le choix de telles opérations. Nombre d'organismes et de
collectivités locales en supportent encore les charges d'emprunt, alors
qu'elles n'ont pas réussi à compenser la qualité médiocre de la construction
d'origine. Ces ensembles devront, pour finir, être démolis afin de faire place
à des logements répondant aux normes actuelles de sécurité et de confort, mieux
adaptés à des populations qui n'ont jamais trouvé leurs marques dans l'habitat
vertical.
Si ces charges financières préexistantes ne peuvent être prises en compte, bon
nombre de nouveaux programmes risquent d'être compromis du fait d'une
contrainte trop lourde pour les bailleurs. Cette question, monsieur le
ministre, est à mon sens tout à fait centrale pour assurer une réelle mixité
sociale. L'Etat pourra-t-il s'engager sur des surfinancements particuliers pour
y remédier, spécialement sur les territoires éligibles aux GPV ?
Le deuxième élément déterminant est, selon moi, celui de la gestion urbaine de
proximité. Après avoir démoli, reconstruit, réhabilité, il faut assurer un
entretien convenable de ces nouveaux espaces, les maintenir en état et prévenir
les dégradations. Le succès d'un grand programme de rénovation urbaine est
indissociable d'un effort en matière de gestion urbaine de proximité.
Le maintien des populations passe nécessairement par le maintien en état du
quartier qu'elles habitent. L'entretien des espaces publics autour des
immeubles, des parties communes, des ascenseurs et des cages d'escalier fait
partie intégrante de la gestion de la mixité sociale. Si l'on veut conserver
une certaine diversité sociale, il faut aussi que les logements proposés soient
entretenus, repeints et qu'ils répondent à des normes de confort
acceptables.
L'effort doit être conséquent dans ce domaine, afin de réduire le taux de
logements sociaux vacants dans les quartiers sensibles. Comment, en effet,
accepter que ce taux atteigne 6 %, alors que les listes de demandes ne cessent
de s'allonger ?
Tout un travail est à entreprendre sur cet aspect de la gestion locative. De
nombreux bailleurs se sont engagés dans cette voie, en partenariat avec les
collectivités locales et les associations de locataires. Ce suivi s'inscrit
davantage dans la durée, mais il n'en est que plus essentiel. Des boîtes à
lettres saccagées, des cages d'escalier brûlées, des caves trop visitées... et
la fuite des habitants se met en marche. Aussi, porter une attention
particulière à cette question est un gage de réussite à long terme.
La troisième étape, tout aussi essentielle que les deux précédentes, est ce
que j'appellerai la recomposition de la dynamique du quartier. Donner des
logements neufs sans redonner à leurs occupants le sens d'une appropriation de
ces lieux ne résoud rien. Un habitant d'un quartier difficile, lui-même en état
de grande précarité, vit dans l'instant. Son temps n'est pas à l'échelle de
celui de la politique de la ville, où l'on raisonne en programmes s'étalant sur
plusieurs années.
Pour pallier ce décalage et associer les habitants aux changements de leur
quartier, il faut pouvoir disposer d'outils souples et réactifs
d'accompagnement social qui favorisent l'émergence de projets initiés par les
occupants de chaque quartier. Que ce soit une fête de quartier, une animation
proposée par un groupe d'adolescents, le déplacement d'un abribus ou
l'installation d'un toboggan, il s'agit, à chaque fois, de recréer du lien
social et de reconstituer un tissu associatif indispensable à une vie en
société.
De nombreuses communes de la région Nord - Pas-de-Calais ont expérimenté deux
dispositifs souples et complémentaires des logiques de programmation annuelle
plus longues et contraignantes ; il s'agit du fonds de participation des
habitants et du fonds de travaux urbains. Nous constatons à Valenciennes, avec
quelques années de recul, tout le bénéfice que nous avons pu retirer de
l'utilisation de ces mécanismes. Une fois la confiance des habitants regagnée,
il est possible de les sensibiliser à de véritables opérations d'urbanisme et
de les amener, par exemple, à participer activement à des ateliers de travaux
urbains. Il me semble que ce type de démarche mériterait d'être généralisé à
l'ensemble du territoire.
Tels sont, me semble-t-il, les quelques préalables qui doivent accompagner une
intervention massive sur le logement qui soit pérenne et adaptée.
Je n'ai pas évoqué l'environnement économique, qui est également nécessaire en
complément de l'action sur le logement. Notre rapporteur pour avis, Mme Olin, a
très justement insisté sur l'importance d'un développement économique
harmonieux, notamment par la relance des zones franches urbaines. Je ne peux
que m'associer aux observations très pertinentes qu'elle a formulées à ce sujet
et souhaiter que l'on réfléchisse, pour l'avenir, après l'échec relatif du
fonds de revitalisation économique, à d'autres moyens de relancer l'activité
commerciale et artisanale de proximité dans les quartiers sensibles.
Pour conclure, permettez-moi d'insister sur le fait que les projets, si bons
soient-ils, ne peuvent exister que par la capacité des communes à accompagner
leur mise en oeuvre et à assurer leur cofinancement. Or, souvent, les communes
qui sont durement touchées par la pauvreté et l'exclusion ont une capacité
financière limitée. J'ai déjà eu l'occasion de le dire à cette tribune, mais je
voudrais y insister : les communes ne pourront jamais optimiser les moyens mis
à leur disposition dans le cadre des GPV sans une augmentation de leurs
ressources propres leur permettant d'assurer les cofinancements obligatoires.
Il leur faut une aide financière qui fasse réellement levier.
Dans ces conditions, il faut que la fiscalité locale vienne en aide à ces
communes de façon beaucoup plus efficace, notamment en revoyant les mécanismes
d'attribution de la dotation de solidarité urbaine et en faisant de cette
dotation un réel instrument de péréquation au profit des quartiers en
difficulté des communes les plus pauvres.
Sur ces sujets complexes, dont vous mesurez pleinement tous les enjeux, je
sais, monsieur le ministre, combien vous êtes proche des réalités des quartiers
et je ne doute pas de votre volonté de mener à bien une action forte et
cohérente, prenant en considération toutes les facettes, si diverses, de la
politique de la ville. Voilà pourquoi notre groupe votera votre budget.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une
heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)