SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2002


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis et enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discusion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon la méthode retenue par la commission des finances pour la deuxième année consécutive, et que M. le président vient de rappeler, je n'exposerai pas le contenu du rapport écrit qui vous a été distribué, me bornant à formuler cinq questions à M. le ministre de la culture.
Ma première question porte sur la stratégie du budget de vérité : pas d'effet d'annonce, le mythique « 1 % » renvoyé aux vieilles lunes et l'acceptation d'un budget en baisse de 4,6 %. Mais, à cette baisse apparente correspond, nous dites-vous, la progression des moyens réellement disponibles de 3,6 % par rapport à 2002.
En effet, aux 2,7 milliards d'euros du budget de 2002, vous ajoutez 97,2 millions d'euros de mesures nouvelles - sur lesquelles nous reviendrons - puis vous retranchez 205 millions d'euros sur vos crédits de paiement, dont 420 millions d'euros n'avaient pas été consommés, ce qui, après ce coup d'accordéon, vous donne un budget de 2,49 milliards d'euros.
Le Sénat apprécie que les cartes, cette fois, soient étalées sur la table. Néanmoins, il voudrait être sûr de deux choses.
Premièrement, il voudrait être sûr que nous ne voterons pas, cette fois, des crédits qui ne seront pas consommés, grevant inutilement l'équilibre budgétaire à un moment sensible, et que le taux de consommation des crédits, quand vous en serez à la loi de réglement de 2003, sera supérieur à celui de 2001, qui atteint 84,11 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement et à celui de 2002, que nous ne connaissons pas encore.
A vrai dire, vous ne courez pas grand risque, puisque vous nous proposez d'augmenter les dépenses ordinaires, dont le taux de consommation oscille entre 98 et 99 %. Votre stratégie, sur ce point, est évidemment très astucieuse, monsieur le ministre.
Deuxièmement, cette réponse n'est que partielle. Nous souhaitons aussi savoir quel progrès vous espérez en ce qui concerne la consommation de ce qui va vous rester en crédits de paiement et si, par conséquent, le patrimoine, optiquement désavantagé, verra dans les faits ses moyens réels augmentés, ce que nous sommes tout prêts à croire.
Comptez-vous, pour ce faire, sur les premières applications des recommandations du rapport Labrusse ? Nous avons ratifié les orientations de ce rapport dans celui qui a été produit au nom de la commission des finances. J'en rappelle les deux principales : un meilleur échelonnement des crédits de paiement par rapport aux autorisations de programme, c'est-à-dire une annonce plus réaliste des engagements à moyen terme, et surtout une augmentation des crédits d'entretien par rapport aux opérations lourdes.
Notre commission approuve fortement l'augmentation de 11,6 millions d'euros des crédits d'entretien, qui porte le montant total de ces crédits à 33,186 millions d'euros. Nous savons, compte tenu de ses habitudes anciennes, que Bercy n'a pas dû accepter sans rechigner cette innovation.
Autrement dit, la réussite de votre pari sera appréciée suivant le taux de consommations des crédits de paiement des titres V et VI l'année prochaine. Ce sera, en quelque sorte, notre juge de paix, puisque nous sommes un peu complices dans cette affaire.
Question subsidiaire : si, par aventure, le résultat n'était pas à la hauteur de vos espoirs et de notre confiance, comment ferez-vous en 2003 quand vous préparerez le budget 2004, car alors les marges de manoeuvre auront disparu ? C'est là tout le problème.
J'en viens ainsi à ma deuxième question, qui est liée à la première. Quelles réformes allez-vous mettre en oeuvre pour améliorer la consommation des crédits du patrimoine ?
Je ne vais pas, bien entendu, énumérer les vingt-neuf propositions du rapport Bady, non plus que les cinquante et une que j'avais eu l'honneur de présenter au nom de la commission des finances et qui sont bien souvent voisines, voire identiques. Je me réjouis fortement de cette contre-expertise. Considérons que, dans ce panel de mesures essentielles soumises à votre choix, il y a deux blocs très importants.
On y trouve d'abord la difficile et inévitable réforme des maîtrises d'ouvrage publiques et des maîtrises d'oeuvres, le démêlage de l'écheveau CRMH-ACMH-ABF-SDAP, à savoir la conservation régionale des monuments historiques, l'architecte en chef des monuments historiques, l'architecte des Bâtiments de France, et les services départementaux de l'architecture et du patrimoine.
Ensuite, la redistribution des monuments historiques, dans le cadre de la décentralisation Raffarin, entre l'Etat et les collectivités régionales, voire départementales et - pourquoi pas ? - communales ou communautaires. Je rappelle que M. Jean-Pierre Bady, comme la commission des finances du Sénat, envisagerait volontiers que la propriété de la moitié des monuments historiques d'Etat - hormis les cathédrales ou les monuments emblématiques, bien entendu - soit remise aux régions avec les crédits y afférents, ce qui entraînerait une transformation profonde du rôle du centre des monuments nationaux. Au fait, parle-t-on toujours de « Monum' » ?
Ma troisième question porte cette fois sur le titre IV et la culture vivante, dont les crédits sont en nette progression : les crédits destinés aux grands établissements augmentent de 4 %, avec une avancée de 8,8 % pour le Centre Pompidou ; les spectacles vivants voient leur dotation accrue de 3,5 % avec, là encore, des progressions appréciables pour les grands festivals, tels Avignon ou Aix.
Y-a-t-il parallèlement une amélioration, dans votre département ministériel, des instruments de mesure, de contrôle des performances et, pour parler clair, du taux de fréquentation et de la réalité des publics ? Je sais, et je m'en réjouis, que vous préparez une liste de vingt-neuf indicateurs du spectacle vivant, par missions. En un temps de vaches maigres budgétaires, nous ne pouvons pas considérer avec satisfaction certains ratios tels que ceux des subventions nettes par spectateur, qui, dans les grands théâtres nationaux, vont de 38 à 126 euros. Chaque spectateur qui s'asseoit dans son fauteuil à la Comédie française coûte ainsi 42,78 euros à la collectivité publique avant même le lever du rideau ! La situation est meilleure dans les centres dramatiques régionaux, où ce point mort est de 10,61 euros. Quoi qu'il en soit, il faut continuer d'abaisser ce point mort, et la commission des finances vous y encourage vivement.
Cet intérêt que je me réjouis de vous voir porter aux indicateurs de résultat est pour moi l'occasion de dire qu'il faut aller plus loin et non pas simplement procéder à la « restauration des marges de manoeuvre artistique » de votre ministère, et en particulier des établissements publics, par l'octroi de mesures nouvelles. J'aborde là la délicate question de l'amendement que la commission des finances va vous présenter, car elle souhaiterait que les marges de manoeuvre soient aussi trouvées dans le redéploiement des moyens.
Elle m'a en effet demandé, comme à tous les rapporteurs spéciaux, de proposer une réduction des crédits destinée à marquer, de façon au moins symbolique, le fait que l'on ne peut pas prendre acte d'une diminution de 700 millions d'euros de recettes fiscales et ne pas baisser les dépenses.
Telle est la raison pour laquelle je vous proposerai de réduire les mesures nouvelles du titre IV de 1 million d'euros et celles du titre V de 1 million d'euros également. Deux amendements seront à cet effet présentés dans quelques instants.
Quatrième question : en dépit des chantiers considérables qui ont été lancés depuis la présidence de François Mitterrand - Grand Louvre, Opéra Bastille, Bibliothèque nationale de France - d'autres, tout aussi écrasants, même s'ils sont excellents, se profilent dans les cartons, ou s'inscrivent déjà sur le terrain. Vous avez vous-même procédé à un examen critique, et je vous en félicite encore, de certains d'entre eux. Le cabinet KPMG, que vous avez consulté, a insisté sur les charges de fonctionnement, qui, à terme, risquent de grever lourdement le budget du ministère de la culture. Pouvez-vous en dire plus sur ce sujet ? Pourriez-vous envisager de renvoyer à un avenir meilleur certains projets en cas de grandes difficultés conjoncturelles ?
Cinquième et dernière question, je voudrais aborder un sujet sensible, qui a donné lieu à des initiatives parlementaires tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale : l'archéologie préventive.
Qu'il s'agisse de l'amendement déposé par M. Daniel Garrigue à l'Assemblée nationale, par lequel a été introduit l'article 59 quater du présent projet de loi de finances, ou de l'article additionnel adopté par le Sénat sur la proposition de notre collègue Henri de Raincourt, ces initiatives témoignent d'un profond malaise, dont nous connaissons tous de multiples exemples dans nos départements.
Une loi a été adoptée en dépit des avertissements du Sénat, notamment du rapporteur de ladite loi, notre collègue Jacques Legendre. Mais ce dernier n'a pas été entendu et l'on voit, aujourd'hui, se multiplier les blocages ou les tentatives du nouvel établissement public - fallait-il d'ailleurs créer un établissement public, de surcroît doté d'un monopole ? - pour demander des sommes parfois exagérées aux collectivités.
La situation est difficile à accepter. Mais faut-il pour autant, dans un contexte social instable, retourner au statu quo ante en en revenant aux financements contractuels ou en pratiquant un abattement de 50 % du montant de la redevance ?
Franchement, nous sommes suspendus à vos lèvres, monsieur le ministre ; nous aimerions qu'à l'occasion de ce débat vous analysiez la situation et que vous nous expliquiez comment vous entendez, dans les meilleurs délais, faire appliquer les principes affirmés à l'article 2 de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, aux termes duquel l'Etat veille « à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social ». (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose de lire dans le premier budget de la culture que j'ai l'honneur de vous présenter la mise en place progressive d'une façon nouvelle de concevoir la politique culturelle de l'Etat.
J'ai toujours dit, avant même d'être ministre, en ma qualité de président du Centre Pompidou - certains d'entre vous s'en souviennent -, que l'Etat devait être, dans ce domaine, un partenaire fiable et efficace.
La fiabilité exige la sincérité et la vérité. Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, le budget que je vous présente est sincère et véritable. Il n'empile pas de manière optique des crédits qui n'ont pas vocation à être dépensés. C'est particulièrement le cas des crédits de paiement : vous le savez, le ministère paiera cette année ses factures en investissement en mobilisant les réserves énormes - 420 millions d'euros à la fin de 2001 - qu'il a accumulées depuis plusieurs années.
Il n'en est pas moins nécessaire, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur spécial, d'assurer la continuité de la politique d'investissement du ministère. Nous y veillerons, avec le Premier ministre et avec mon collègue du budget, notamment à travers la présentation au Parlement dans le courant de l'année 2003 d'une nouvelle loi de programme pour le patrimoine, conformément au voeu du Président de la République.
J'ai parlé d'efficacité. Ce budget est un budget d'efficacité parce que, s'agissant des crédits immédiatement mobilisables, il augmente cette année beaucoup plus que les années précédentes.
C'est notamment le cas des crédits du titre III, ce qui nous permettra, en premier lieu, d'accélérer les travaux d'entretien en faveur du patrimoine, et d'éviter, à terme, autant de lourdes et coûteuses restaurations.
En second lieu, cette augmentation viendra renforcer les moyens d'action des institutions nationales, avec lesquelles je veux que le ministère s'engage dans une relation nouvelle, fondée sur l'autonomie et sur la responsabilité. Plus autonomes, plus responsables, ces institutions n'en devront pas moins, désormais, mieux inscrire leur politique dans les objectifs généraux du ministère en matière de décentralisation, de politique culturelle internationale, de politique de diffusion de la culture au bénéfice des plus jeunes, de mise à disposition de la culture en faveur des citoyens handicapés, et d'investissement dans les nouveaux médias, notamment le multimédia et Internet.
L'efficacité, c'est également l'augmentation du titre IV, qui est équitablement répartie entre tous les secteurs du ministère et qui lui permettra d'intensifier et de renouveler son action en régions en soutenant les initiatives des collectivités locales et des associations.
Lorsque je dis, en effet, que le ministère est un partenaire, c'est parce que j'ai bien conscience qu'en matière de culture il n'est jamais seul et qu'il ne doit surtout pas l'être. Aujourd'hui, et je m'en réjouis, la culture est une force, un élan qui monte de la société, de nos territoires, où les villes, les départements, les régions prennent une part très importante.
Tels sont, très brièvement exposés, les grands principes qui ont guidé l'élaboration de ce budget que je propose à votre vote.
Naturellement, un troisième principe viendra s'ajouter à la mise en oeuvre de son exécution, celui de l'égalité. L'Etat a pour mission d'assurer l'égalité d'accès de nos concitoyens aux biens de la culture à travers deux priorités : l'aménagement culturel du territoire et le souci des équipements culturels de proximité, d'une part, et l'intensification et la généralisation de l'éducation artistique, d'autre part.
Monsieur le rapporteur spécial, dans votre question subsidiaire, vous soulignez que, même si, progressivement, de budget en budget, à partir de 2004, la dotation en crédits de paiement devrait remonter, les réserves vont s'épuisant. Ce sera tout l'enjeu des futurs budgets dont j'ai déjà commencé à m'entretenir avec mon collègue Alain Lambert : obtenir une croissance équilibrée de tous les titres, et cela pour tous les secteurs d'action du ministère de la culture.
Il faut cesser, j'en suis bien d'accord, de privilégier un titre, c'est-à-dire une action, au détriment des autres. C'est ce que nous ferons.
Vous m'interrogez également sur la sous-consommation des crédits du patrimoine.
Dès mon arrivée au ministère, j'ai formé un groupe de travail chargé de me faire des propositions visant à accélérer la consommation des crédits du patrimoine. Ce groupe a, du reste, tiré grand profit du rapport que vous avez rédigé sur ce sujet.
A ce stade, voici les mesures que j'ai décidé de mettre en oeuvre.
Tout d'abord, comme vous l'avez relevé, je propose, dans le cadre de la loi de finances, l'étalement de la mise en place des crédits de paiement sur cinq ans au lieu de quatre ans et une augmentation des crédits d'entretien consacrés aux monuments historiques de plus des deux tiers.
Par ailleurs, les autorisations de programme et les crédits de paiement seront désormais notifiés et délégués dès le début de l'année aux services déconcentrés. De plus, l'attribution des crédits aux régions tiendra compte de leur capacité réelle à les consommer.
En outre, j'ai demandé aux directeurs régionaux des affaires culturelles d'affecter les crédits aux opérations qui pourront effectivement commencer dans l'année et de systématiser le recours aux marchés à tranches conditionnelles.
Enfin, quelles que soient les décisions qui seront prises en matière de décentralisation, il conviendra, dès 2003, d'inciter les propriétaires à assumer le plus souvent possible directement la maîtrise d'ouvrage des travaux et d'augmenter les moyens humains de la maîtrise d'oeuvre des monuments historiques afin d'obtenir de meilleures capacités de traitement des commandes.
Vous m'avez également interrogé sur le rapport Bady.
J'étudie actuellement, avec mes services, les suites que j'entends donner à ce rapport. Croyez-bien, monsieur le rapporteur spécial, que votre propre rapport, dont j'ai apprécié la qualité, la précision, la pertinence et l'ampleur, sera pris en compte dans cet exercice. D'ailleurs, vous le savez, le rapport Bady relaie très largement un certain nombre de vos analyses et de vos propositions.
Je suis en mesure de vous indiquer les premières orientations que nous avons arrêtées avec M. le Premier ministre.
La protection doit rester une compétence régalienne de l'Etat, qu'il sagisse du classement, de l'inscription et de leurs effets en matière de protection des abords et d'autorisation de travaux.
La maîtrise d'ouvrage doit revenir tout naturellement au propriétaire.
D'autres mesures viendront bien évidemment compléter ce dispositif.
Le calendrier de la décentralisation du patrimoine est naturellement adossé à celui qui sera arrêté par le Gouvernement pour la nouvelle étape de la décentralisation.
J'en viens aux instruments de mesure destinés à apprécier la fréquentation des activités culturelles. Il est évident que les politiques culturelles doivent être évaluées, comme toutes les autres politiques. Dès 2003, je réserverai à cette fin, chaque année, une enveloppe significative. Un premier programme d'évaluations sera lancé dès le mois de juillet.
Ainsi, dans le domaine des musées, une enquête sera réalisée en 2003 sur la fréquentation de l'ensemble des musées de France. Elle permettra de disposer de statistiques détaillées sur la fréquentation par type de musées, par tarif, par région... Elle servira également à constituer un échantillon de musées dont la fréquentation sera suivie régulièrement et qui pourra également servir de test.
En outre, pour l'ensemble des établissements culturels, le ministère publie chaque année les chiffres de fréquentation qu'il recueille. Il tient à jour une base de données de statistiques culturelles contenant des données détaillées.
Enfin, le ministère poursuivra son effort de connaissance précise des types de publics fréquentant ces établissements. A titre d'exemple, il vient de mener la première enquête nationale sur les pratiques culturelles des enfants et des adolescents. Je suis très attaché au fait que cette connaissance permette de mieux orienter notre politique et qu'elle ait désormais une dimension territoriale forte.
Quant aux redéploiements de moyens que vous évoquez, j'ai demandé, vous le savez, à chaque direction du ministère de la culture de redéployer, sur trois ans, 10 % de leurs crédits d'intervention sur les priorités culturelles nouvelles du Gouvernement.
S'agissant des titres IV et V, vous ne serez pas étonnés que je ne suive pas votre demande de réduction de un million d'euros pour chacun d'eux. Je m'en expliquerai au moment de la discussion des amendements de la commission des finances.
J'en viens à la question du coût d'exploitation futur des grands équipements culturels de l'Etat, qui est bien entendu cruciale.
Le coût de fonctionnement très élevé de certains projets grève lourdement, à la Bibliothèque nationale de France par exemple, les marges d'action du ministère de la culture et de la communication. Ce constat doit nous conduire à examiner avec prudence tout nouveau grand projet d'équipement culturel avant sa mise en oeuvre, et à bien mesurer son coût tant en investissement qu'en fonctionnement.
Soucieux de rationaliser l'action du ministère dans ce domaine, j'ai décidé d'arrêter la mise en oeuvre de projets au coup par coup. J'ai souhaité définir au préalable une stratégie immobilière globale qui prenne en compte à la fois les nouveaux équipements, qui répondent à un besoin avéré - comme le projet d'installation de la Cinémathèque française dans de bonnes conditions -, et les grosses réparations nécessaires dans d'autres cas. Je pense à certains équipements existants, comme le Théâtre de l'Europe, dont la cage de scène nécessite des adaptations lourdes.
Cette démarche est une première dans un ministère qui est pourtant l'un des principaux affectataires du domaine de l'Etat. C'est aussi ce qui m'a conduit à subordonner toute décision d'investissement pour l'avenir à la production de prévisions de coût d'exploitation les plus fines possible.
En ce qui concerne plus spécifiquement le projet d'installation des services du ministère dans l'immeuble des Bons-Enfants, je veillerai, bien entendu, à ce que ce regroupement nécessaire - puisque les services du ministère sont répartis actuellement sur dix-sept sites - permette des économies d'échelle et de loyer.
J'en viens à l'archéologie préventive, qui est un élément fondamental de notre politique en faveur du patrimoine.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Avant l'adoption de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, relative à l'archéologie préventive, cette politique ne reposait sur aucune base juridique, ce qui suscitait les critiques des aménageurs comme de la Cour des comptes. Ce texte lui a donné un fondement juridique conforme aux engagements internationaux que la France a pris en signant, notamment, la convention de Malte en 1994. Il prévoit que les fouilles prescrites par l'Etat sont réalisées par un établissement public, l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, et financées par une redevance payée par les aménageurs dont les travaux porteraient atteinte aux vestiges enfouis.
Les premières prescriptions de fouilles établies en application de cette loi, qui est entrée en vigueur en février 2002, soulèvent des difficultés dont l'Assemblée nationale et le Sénat se sont largement fait l'écho. Elles portent, entre autres, sur le caractère unilatéral de la redevance et sur son montant très élevé dans les communes rurales.
C'est la raison pour laquelle, dès le 9 octobre dernier, j'ai chargé une mission d'étude d'examiner les conditions de mise en oeuvre de la loi du 17 janvier 2001 et de me proposer les éléments d'une réforme que je serai naturellement disposé très rapidement à vous présenter. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, ce projet de budget est marqué par une originalité : l'« opération vérité » à laquelle vous avez voulu vous livrer. Cette dernière présente l'avantage de la sincérité, même si elle comporte, par sa brièveté temporelle, une limite sur laquelle je reviendrai dans un instant.
En effet, acceptant avec courage de défendre un projet de budget en diminution, votre préoccupation a été de privilégier les capacités réelles d'engagement du ministère et de rompre avec cette pratique qui consistait à afficher des dotations d'investissement sans rapport avec la réalité de la consommation des crédits.
Cette double préoccupation se traduit dans l'évolution respective des grandes catégories de dépenses.
Ainsi, les dépenses d'investissement des titres V et VI reculent de 40,35 % en crédits de paiement, en raison de la suppression d'une enveloppe de crédits non consommés d'un montant de 450 millions d'euros.
En revanche, les dépenses ordinaires, celles qui permettent d'animer une politique culturelle, inscrites aux titres III et IV, progressent en 2003 de 4,7 %, pour atteindre 2,170 milliards d'euros.
Ainsi, le projet de budget que nous examinons aujourd'hui permettra un renforcement substantiel des moyens de fonctionnement du ministère, destiné à faire face à l'extension de ses missions.
Chaque année, nous dressons le bilan des extensions du champ de compétences du ministère et, si nous nous en réjouissons dans l'intérêt de la politique culturelle de notre pays, nous sommes inquiets lorsque nous constatons que les moyens financiers ne correspondent pas toujours à l'extension du pré carré du ministère.
Le renforcement des moyens de fonctionnement permettra en outre - c'est un point essentiel qui a suscité, au sein de la commission des affaires culturelles, de nombreux débats à l'occasion des missions d'information qu'elle a créées - d'assurer dans de bonnes conditions le fonctionnement des établissements publics, et plus généralement de rompre avec une pratique consistant à privilégier l'investissement sur le fonctionnement.
Comment justifier en effet que des institutions, dont certaines sont tout à fait remarquables sur le plan international, ne fonctionnent pas dans de bonnes conditions faute de moyens ? Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui de l'établissement public du Louvre, où le taux moyen de fermeture des salles a atteint 27 % l'année dernière. Quand on sait que certaines salles sont toujours ouvertes, cela signifie que plusieurs d'entre elles sont fermées plus de la moitié de l'année, ce qui est évidemment indigne d'un établissement aussi grandiose que celui-là. Il est essentiel que le fonctionnement soit à la hauteur des crédits d'investissement qui sont accordés.
Je me félicite que vous poursuiviez l'effort de réduction de l'emploi précaire, qui constitue, au sein du ministère, une réelle difficulté sociale. En 2003 seront créés 150 emplois gagés par la réduction des crédits de vacation et des subventions aux établissements publics. C'est un premier pas qui permettra d'atténuer l'inadéquation existant entre les moyens du ministère et ses besoins.
Le projet de budget traduit également la volonté d'accroître l'autonomie des établissements publics et les moyens dont ils disposent. Leurs subventions de fonctionnement progresseront, en 2003, de 4,5 % à structure constante.
A cet égard, de quelle manière envisagez-vous la gestion prévisionnelle des moyens en personnels de ces établissements et, plus encore, la gestion des charges de renouvellement de leurs équipements ? La mission d'information chargée d'étudier le fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France, que le Sénat avait mise en place voilà deux ans, a montré le taux d'obsolescence important des installations et des équipements, parfois très complexes, et, par conséquent, la nécessité de trouver des crédits de renouvellement destinés à permettre le fonctionnement normal de ces établissements.
Je note également avec satisfaction une novation au sein de votre ministère : la progression significative des crédits d'entretien, qui vont profiter essentiellement au patrimoine appartenant à l'Etat et, dans une moindre mesure, aux monuments historiques ne lui appartenant pas. Il s'agit là d'une prise de conscience essentielle, et cela fait partie d'une politique de prévention nécessaire pour éviter d'engager de lourds crédits pour la restauration de certains éléments très fragiles du patrimoine national.
Un autre élément de satisfaction réside dans la progression sensible des dépenses d'intervention de 4,69 %, qui permet de jauger la politique d'animation culturelle de notre pays.
S'agissant de la nouvelle procédure de répartition des crédits déconcentrés, si je ne peux que me féliciter du principe, je constate néanmoins qu'elle rend difficile l'analyse des priorités qui présideront à leur affectation pour 2003 et, par conséquent, qu'elle amoindrit sensiblement le contrôle parlementaire sur votre budget. Monsieur le ministre, comment votre ministère assurera-t-il, au nom de la solidarité nationale et de l'équité, le contrôle des priorités qui seront, dans les directions déconcentrées de votre ministère, celles de l'année prochaine ?
Je m'interroge notamment sur les crédits destinés aux enseignements artistiques. Les documents font état d'une augmentation, dont on ne peut que se louer, de 8,02 % des crédits qui leur sont consacrés, comme on ne peut que se louer de l'effort important en faveur de la modernisation des écoles d'architecture. Les inquiétudes qui s'étaient fait jour lorsque ces écoles avaient quitté le giron d'un ministère riche pour celui d'un ministère un peu moins doté sont aujourd'hui totalement apaisées.
Quelles mesures sont prévues en 2003, notamment pour accompagner la poursuite du plan pour l'éducation artistique et culturelle lancé conjointement en 2000 par les ministères de l'éducation nationale et de la culture ? Ce plan contribue très fortement au développement de l'égalité des chances par la diffusion de la culture dans les milieux scolaires.
Par ailleurs, si je me félicite de la réforme des écoles d'art - elles vont devenir des établissements publics à partir de l'année prochaine -, qui permet d'améliorer leur fonctionnement, je m'inquiète du niveau des subventions versées par l'Etat au réseau des conservatoires nationaux de région et aux écoles nationales de musique, financé pour l'essentiel par les collectivités territoriales.
La commission des affaires culturelles est traditionnellement préoccupée par l'étroitesse des marges budgétaires dont disposent les musées pour enrichir leurs collections. En 2003, si la subvention versée par l'Etat à la Réunion des musées nationaux, la RMN, reste stable, la dotation du fonds du patrimoine progresse de 10 % grâce à une mesure nouvelle de 1,52 million d'euros. Cet effort arrive à point nommé, alors que la valeur des oeuvres susceptibles d'être exportées à l'échéance d'un refus de certificat représente, en 2003, près de 32 millions d'euros. On mesure l'insuffisance des crédits prévus eu égard aux besoins des musées pour enrichir leur patrimoine ! En ce domaine, mes interrogations concernent les orientations que vous envisagez pour développer les ressources représentées par le mécénat. Les dispositions très avantageuses adoptées sur l'initiative du Sénat dans le cadre de la loi relative aux musées de France n'ont pas encore été mises en oeuvre. Quelles sont les intentions du pouvoir réglementaire dans ce domaine ?
Par ailleurs, je m'interroge sur les perspectives d'évolution de la RMN, progressivement vidée de sa substance au profit des grands établissements publics comme le Louvre et Versailles, qui vont bénéficier d'une autonomie croissante. Le principe de mutualisation sur lequel repose la RMN serait-il remis en cause ? Si tel était le cas, comment serait financée la politique d'acquisition des musées nationaux ? N'est-il pas risqué de substituer au reversement des droits d'entrée une subvention de l'Etat dont la revalorisation au fil des ans n'est pas garantie ?
Monsieur le ministre, je terminerai mon propos en abordant la politique du patrimoine, sujet auquel notre assemblée a toujours été très sensible. Tirant les conséquences de la sous-consommation chronique des crédits, il est prévu, dans le projet de budget, une nette diminution de ceux qui sont affectés à la restauration du patrimoine monumental.
Comme l'a rappelé le rapporteur spécial il y a un instant, l'opération vérité que l'on peut faire en 2003 ne sera pas possible, en 2004 ; il faudra par conséquent - notre commission a souhaité appeler votre attention sur ce point - assurer l'adéquation entre les besoins de financement résultant des opérations en cours et les dotations prévues en loi de finances. En effet, si les crédits ne sont pas consommés, c'est en raison non pas de l'absence de projets - ils sont considérables et foisonnent d'un bout à l'autre du pays - mais de la lourdeur des procédures administratives, en matière notamment de monuments historiques classés, qu'ils appartiennent à des particuliers. Il est donc nécessaire de réformer ces procédures.
La loi de programme dont vous nous avez annoncé le dépôt imminent sera, je l'espère, de nature à apaiser nos inquiétudes. Il n'en reste pas moins qu'il sera essentiel de prévoir, pour le budget 2004, des montants correspondant réellement aux crédits qui seront consommés en 2003.
Par ailleurs, je renouvelle, monsieur le ministre, mon interpellation sur le patrimoine rural non protégé. Cette ligne de crédits a disparu l'an dernier, ce que le Sénat avait reproché à votre prédécesseur. Il serait important que vous garantissiez au Sénat que, dans le cadre des crédits déconcentrés dont bénéficient, en matière de patrimoine, les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, l'équité sera respectée et que l'on veillera à ce que ce patrimoine rural non protégé, qui irrigue l'ensemble de notre pays, continue à être aidé, sachant l'effort essentiel que font dans ce domaine les collectivités locales.
M. Jacques Legendre. Très bien ! M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Je reviendrai enfin, monsieur le ministre, sur la nécessité de prévoir un nouveau partage de responsabilité en matière de protection du patrimoine.
Nous avons reçu en commission M. Bady, qui nous a exposé les grandes lignes de son projet. Monsieur le ministre, la commission a pris une position très claire et très ferme sur la manière dont les compétences doivent être partagées. Elle souhaite très nettement, nous l'avons dit à l'intéressé, qu'il n'y ait pas de compétences croisées dans ce domaine et que la structure chargée de gérer tant la programmation que l'application des mesures de protection du patrimoine soit le département.
Telles sont, monsieur le ministre, les remarques que la commission souhaitait formuler.
En conclusion, approuvant la sincérité de la présentation budgétaire, et consciente des marges de manoeuvre nouvelles que vous avez su dégager pour assurer l'action culturelle de votre ministère, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture pour 2003. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le cinéma et le théâtre dramatique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'ils obéissent à des mécanismes très différents, le soutien public destiné au cinéma et celui relatif au théâtre dramatique servent des objectifs comparables : la diversité de la création et l'élargissement des publics.
J'évoquerai d'abord les crédits du cinéma qui, je vous le rappelle, proviennent, d'une part, de la section « cinéma » du compte de soutien à l'industrie cinématographique et audiovisuelle, et, d'autre part, des dotations budgétaires du ministère de la culture, affectées pour l'essentiel à des actions d'animation culturelle ou de conservation du patrimoine conduites par le Centre national de la cinématographie.
S'agissant du compte de soutien, le projet de loi de finances anticipe une progression de 2,3 % des recettes, qui devraient atteindre 240,16 millions d'euros en 2003. Cette évolution favorable est due, d'une part, aux bons résultats de la fréquentation des salles, qui marque une nouvelle progression et se traduit par une augmentation du rendement de la taxe sur les places de cinéma, et, d'autre part, à un accroissement très significatif du produit de la taxe sur la commercialisation des vidéogrammes, conséquence de l'essor spectaculaire du marché du DVD.
Je noterai à cet égard qu'il serait opportun, monsieur le ministre, de repenser les modalités de contribution du secteur de la vidéo au financement du cinéma. En effet, ce secteur représente un chiffre d'affaires de 819 millions d'euros, et 6,3 % seulement des recettes du compte de soutien, alors que l'exploitation en salles dégage 1 014 millions d'euros de chiffre d'affaires et alimente, par le biais de la taxe sur les places de cinéma, le compte de soutien à hauteur de 44 %.
En revanche, je note que le projet de budget anticipe une baisse de 2,27 % des recettes issues de la taxe sur les chaînes de télévision.
S'agissant des dépenses, les bonnes performances des productions nationales ont pour conséquence une augmentation de l'enveloppe consacrée au soutien automatique. Toutefois, l'ampleur de cette évolution mécanique est atténuée en 2003, sous l'effet de deux mesures : d'une part, la modification des barèmes du soutien automatique afin d'en accroître la dégressivité et, d'autre part, l'accroissement de l'enveloppe consacrée à l'avance sur recettes. Cette mesure me semble bienvenue, car elle est de nature à encourager la réalisation des films qui concourent le plus à la diversité de la création. Mais, au-delà de cet effort financier ponctuel, est-il envisagé de réformer plus en profondeur ce dispositif d'aide, qui est critiqué par certains ?
Il convient de souligner que le soutien public attribué par le biais du compte de soutien ne représente que 12 % du financement de la production cinématographique nationale, alors que les chaînes de télévision y contribuent pour 35 %.
La dépendance du secteur de la production cinématographique à l'égard des chaînes de télévision est au coeur de la politique audiovisuelle du Gouvernement ; on a pu le constater récemment à travers les réactions suscitées par la publication du rapport sur la violence à la télévision. Limiter l'accès des films à la télévision revient automatiquement à réduire leur financement. Au-delà de ce débat spécifique, cette dépendance suscite des inquiétudes : l'avenir de Canal Plus est encore incertain et les recettes des autres diffuseurs accusent un fléchissement, alors que le dynamisme de la production nationale nécessite de mobiliser des capitaux de plus en plus importants.
Si la réflexion engagée à votre demande, monsieur le ministre, n'aboutit pas à une réforme du dispositif, je crains que ne soit menacée la diversité de notre cinéma. Aujourd'hui, si les films à gros budgets capables de mobiliser les investisseurs se multiplient, les productions plus modestes peinent à se financer.
Ce danger menace, alors même que notre cinéma confirme sa capacité à élargir son public non seulement sur le marché national, mais aussi à l'étranger. A cet égard, je m'interroge sur l'efficacité de notre politique de soutien à l'exportation. Ne serait-il pas opportun de la moderniser dans une perspective plus nettement européenne ? Nous devons, en vue des futures négociations commerciales internationales, convaincre les autres Etats de l'Union du bien-fondé d'une politique de soutien au cinéma. Quel meilleur argument que la présence de nos films sur leurs écrans ?
S'agissant des crédits dégagés sur le budget du ministère en faveur du cinéma, compte tenu de la nouvelle procédure de répartition des crédits déconcentrés applicable pour l'exercice 2003, nous disposons seulement du montant des crédits centraux, qui s'élèvent à 43 millions d'euros. Pourriez-vous, monsieur le ministre, compléter notre information sur les mesures nouvelles concernant les crédits déconcentrés ?
Par ailleurs, est-il envisagé de renforcer les moyens consacrés à l'éducation à l'image, action qui revêt à mon sens une actualité très aiguë et à laquelle contribuent déjà très largement les collectivités territoriales ?
Monsieur le ministre, je salue l'attention que vous portez à la politique de valorisation du patrimoine cinématographique. Vous avez confirmé le projet du « 51, rue de Bercy » et fait part, lors de votre conférence de presse du 29 octobre dernier, de votre souhait de ne pas voir l'identité de la Cinémathèque gommée par cette institution qui connaît là un nouvel avatar.
Cependant, si je rejoins votre préoccupation de restaurer le rayonnement de la Cinémathèque, je souligne la situation très difficile de l'ensemble des services ou organismes qui concourent à la valorisation du patrimoine. J'évoquerai ainsi les faibles moyens du service des archives du film et du dépôt légal, ou encore la précarité des conditions de conservation des collections de la bibliothèque du film. J'espère que la mission d'expertise confiée à M. Serge Toubiana débouchera sur des propositions de nature à renforcer la cohérence des actions engagées par ces différents partenaires.
J'en viens maintenant aux crédits consacrés au théâtre.
Le projet de budget pour 2003 traduit, avec un souci de continuité que nous apprécions, la volonté de soutenir le spectacle vivant, priorité dont profiteront les institutions théâtrales. En effet, en 2003, le budget de la direction chargée du spectacle vivant augmente de 3,51 % pour atteindre 686,59 millions d'euros, soit un rythme de progression comparable à celui qui a été constaté en 2002.
Cet effort profite aux établissements publics - et en particulier aux théâtres nationaux, dont les subventions de fonctionnement progressent de 3,88 % - mais également aux dépenses d'intervention.
C'est environ la moitié de ces dépenses, qui s'élèvent à 378,22 millions d'euros, qui profitera à la politique du théâtre. Il serait là encore utile, monsieur le ministre, que vous puissiez nous indiquer quelles seront les grandes priorités qui guideront la répartition des mesures nouvelles.
D'après les informations que nous avons recueillies, un effort sera notamment accompli pour restaurer les marges artistiques des structures subventionnées. Il s'agit là d'une nécessité, afin de leur permettre de faire face à l'augmentation de leurs charges de fonctionnement, notamment sous l'effet du doublement des cotisations d'assurance chômage dues pour l'emploi d'intermittents du spectacle. Sur cette épineuse question, je ne peux, monsieur le ministre, que vous encourager à inciter les partenaires sociaux à faire preuve d'esprit de solidarité et de responsabilité.
Les conclusions de la mission que vous avez diligentée conjointement avec le ministre des affaires sociales afin d'éclairer les partenaires sociaux sur le fonctionnement de ce régime et de formuler des propositions de réforme devraient être connues dans quelques jours. Nous seront très attentifs aux suites qui leur seront données.
Comme vous l'avez souligné devant la commission des affaires culturelles, l'intermittence n'est pas un statut. A l'évidence, le maintien d'un régime capable de tenir compte de la spécificité des activités artistiques exigera inévitablement des ajustements dont le coût pèsera, certes, sur les structures du spectacle vivant, mais aussi sur les budgets des collectivités publiques qui les soutiennent.
Enfin, il semble que l'une des autres priorités de l'action du ministère sera le renforcement de l'enseignement professionnel de l'art dramatique. C'est parfaitement légitime : l'enseignement de cette discipline est en effet peu structuré et très inégalement réparti sur le territoire national. Cependant, la commission a regretté que cette priorité ne se traduise pas par une augmentation du soutien financier accordé par l'État aux conservatoires nationaux de région et aux écoles nationales de musique, qui relèvent des collectivités territoriales et qui assument l'essentiel de la charge de cet enseignement.
En conclusion, je soulignerai qu'avec une volonté salutaire de continuité ce projet de budget marque le souci du Gouvernement d'assumer les responsabilités qui sont les siennes, dans le secteur du spectacle vivant comme dans celui du cinéma.
La commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du cinéma et du théâtre dramatique pour l'exercice 2003.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, le nouveau mode de répartition des crédits déconcentrés, qui permet aux DRAC de proposer de véritables stratégies territoriales, n'est nullement incompatible avec la mise en oeuvre des priorités que j'ai fixées pour la politique culturelle de l'Etat en région. Bien au contraire, dès l'automne, j'ai invité les directions régionales à inscrire leurs propositions budgétaires dans le cadre des priorités qui leur ont été données : développement des équipements de proximité, politique en faveur des jeunes, développement de l'éducation artistique et élargissement des publics.
Par ailleurs, la mise en place d'outils d'analyse et de suivi d'emploi des crédits permet aujourd'hui de vérifier leur bon usage.
S'agissant de l'enseignement artistique, j'entends poursuivre la dynamique qui a été enclenchées en la matière et qui est menée conjointement avec le ministère de l'éducation nationale.
Comme vous l'avez souhaité, les crédits du budget du ministère de la culture alloués en 2003 à ces actions sont en augmentation de 5 %. Dès le début de l'année 2003, lorsque les résultats de la mission d'évaluation que j'ai commandée à deux inspecteurs généraux, l'un de l'éducation nationale et l'autre de la culture, seront connus, je proposerai des mesures d'amélioration de ce dispositif, en concertation avec les collectivités territoriales. Pour l'instant, vous le savez, ce dispositif ne concerne, hélas ! que 6 % de la population scolaire.
Le financement des écoles nationales de musique et des conservatoires nationaux de région représente, en 2003, un budget de 27,35 millions d'euros, soit en moyenne 9 % du budget total de ces cent trente-sept établissements, qui sont essentiellement à la charge des collectivités locales.
J'ai proposé, dans le cadre de la nouvelle étape de la décentralisation, que la responsabilité des différents niveaux des collectivités locales soit précisée, car d'une région à l'autre il existe de grandes disparités d'implication, qu'il convient de corriger pour un accès égal de nos enfants à l'enseignement artistique, notamment à celui de la musique.
J'en viens aux moyens d'acquisition des musées et à la réforme de ceux-ci, que j'ai mise en oeuvre. En 2003, les moyens d'acquisition des musées nationaux s'élèveront à 34 millions d'euros, qui se décomposent ainsi : la participation de l'Etat aux acquisitions d'oeuvres d'art s'établira à près de 22 millions d'euros, dont 15,6 millions d'euros pour le fonds du patrimoine, soit une augmentation d'environ 7,5 % ; la contribution de la Réunion des musées nationaux, par ses droits d'entrée, sera de l'ordre de 7,7 millions d'euros ; la part des dons, legs et du mécénat est évaluée à 4,6 millions d'euros.
Mais, pour mieux répondre aux besoins d'acquisition des musées et faire face à des exigences d'achats imprévus, ou simplement à la loi du marché, il faut également compter sur l'initiative privée. Vous le savez, le législateur a introduit dans la loi relative aux musées de France de 2002, sur proposition de votre assemblée, des dispositions permettant de susciter l'appel à la générosité des particuliers ou des entreprises pour compléter la participation de l'Etat à l'enrichissement des collections nationales.
Cette loi étant désormais pleinement entrée en vigueur, une entreprise vient de déposer une offre de versement - il s'agit, en l'occurrence, de l'acquisition d'oeuvres de Oudry pour le musée du Louvre - qui est actuellement examinée par le ministère des finances.
Je fonde beaucoup d'espoirs dans cette nouvelle procédure, qui permet de donner à la société civile les moyens de concourir à l'enrichissement des collections nationales ou des collectivités locales aux côtés de l'Etat.
Quant à la réforme des musées nationaux que j'ai lancée, elle vise avant tout à responsabiliser des entités clairement identifiées au service d'une politique culturelle cohérente.
Le droit d'entrée dans les établissements publics existants ou à créer continuera à financer les opérations d'acquisition. La Réunion des musées nationaux assurera toujours, pour sa part, la fonction de « caisse commune d'acquisition » pour les musées nationaux qui ne disposent pas de la personnalité morale. Cela dit, il faut individualiser les grands établissements et les rendre autonomes. Songez que, jusqu'à mon arrivée rue de Valois, le directeur du Louvre n'avait aucune capacité d'intervention...
M. Ivan Renar. C'est vrai !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... sur la politique d'acquisition, de prêt et de dépôt de son musée, ce qui ne manquait pas d'étonner le directeur de la National Gallery de Londres et du Metropolitan Museum of Art de New York.
Par ailleurs, jusqu'en 2001, le budget de 35 millions de francs consacré au petit patrimoine rural non protégé faisait l'objet d'un chapitre spécifique. Depuis l'exercice 2002, ce budget a été rattaché au chapitre 66-20, mais la capacité d'aide de l'Etat au profit du patrimoine rural non protégé a été intégralement maintenue, même si elle n'apparaît plus de façon individualisée dans la nomenclature budgétaire.
La directive nationale d'orientation transmise en 2002 aux préfets de région et aux DRAC a clairement précisé cette nouvelle disposition, dont l'application ne semble pas avoir soulevé de problèmes particuliers.
Je ne souhaite pas, à ce stade, me priver de la souplesse, de plus en plus nécessaire, que m'apporte cette fongibilité de crédits, fongibilité qui pourra permettre à l'Etat, le cas échéant, d'accroître le montant des crédits consacrés à ce patrimoine. Mais j'épouse tout à fait votre préoccupation quant au traitement de ce patrimoine.
En ce qui concerne la place du département dans le processus de décentralisation, j'ai répondu, de façon générale, à M. Yann Gaillard quant à mes intentions en matière de responsabilité de l'Etat dans la mise en oeuvre des politiques du patrimoine et sur les suites que j'entends réserver aux propositions du rapport Bady et du rapport dont M. Gaillard est l'auteur.
Ces propositions font actuellement l'objet d'un examen attentif et, naturellement, à l'occasion de mes déplacements en région - en Lorraine, très prochainement - je procéderai à de nombreuses consultations à ce sujet. Je reçois notamment des demandes de transfert de compétences de la part d'élus des départements, qui sont souvent très actifs dans ce domaine, ainsi que de la part d'élus des régions ou des collectivités régionales. Il y a donc là une clarification à opérer.
Monsieur Vidal, en ce qui concerne le cinéma et le théâtre dramatique, vous m'avez posé plusieurs questions, qui sont effectivement au coeur des préoccupations de mon ministère.
Vous m'avez d'abord interrogé sur la contribution de la vidéo au financement du cinéma et du compte de soutien. La réflexion est actuellement en cours, en concertation avec les professionnels du cinéma et de l'édition vidéo, pour réévaluer cette contribution. Un relèvement de la participation de la vidéo au compte de soutien est effectivement envisagé. Il est prévu de passer d'une taxe sur le prix éditeur à une taxe sur le prix public. Cet élargissement de l'assiette de la taxe est d'ores et déjà décidé. Il sera annoncé officiellement par le Gouvernement dans les jours qui viennent et sera mis en oeuvre dans le courant de l'année 2003.
Vous avez également évoqué l'avance sur recettes. Je crois pouvoir dire qu'elle a apporté, depuis sa création, la preuve de son efficacité. Pour l'essentiel, les professionnels conviennent, je crois, que la commission fonctionne bien, malgré la difficulté à sélectionner parmi la quantité importante des projets traités.
Les aides les plus importantes vont aux films les plus démunis financièrement. L'avance répond donc bien, en partie au moins, aux attentes de la production indépendante. Des idées ont été avancées pour améliorer son action. En tout état de cause, des modifications ne sont envisageables qu'en concertation avec l'ensemble des professionnels concernés.
La dotation de l'avance sur recettes a été sensiblement augmentée pour 2003. Je souhaite que, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée, M. Jean-Pierre Leclerc me fasse savoir s'il estime qu'il y a lieu de modifier plus profondément les mécanismes de l'avance sur recettes.
Au demeurant, le mandat de M. Frédéric Mitterrand, qui préside la commission, prenant fin en début d'année, nous serons conduits à lui nommer un successeur, ce qui sera également l'occasion de manifester la volonté du Gouvernement dans ce domaine.
Pour ce qui est de la participation des chaînes de télévision, je souhaite rappeler que j'ai confié à M. Jean-Pierre Leclerc une mission d'expertise. Celle-ci traite également de l'engagement de la télévision en faveur de la production cinématographique. J'examinerai ses propositions et ses analyses avec la plus grande attention. Je reste néanmoins très attaché à l'idée que la télévision, pour laquelle le cinéma est un élément de programmation attractif, contribue largement, par ses coproductions et ses achats de droits, au financement du cinéma. C'est ce lien entre le cinéma et la télévision qui explique, pour une large part, qu'ait été maintenu un fort niveau de production en France, alors qu'il déclinait dans beaucoup d'autres pays.
Pour ce qui est des efforts déployés à l'international en faveur du cinéma français, il me semble très important de développer les liens destinés à favoriser le cinéma européen et sa promotion. C'est le sens que j'ai donné à nos nouvelles relations avec l'Italie, comme à celles que nous entretenons de façon plus forte avec l'Allemagne.
Cependant, je crois devoir souligner que l'excellence des résultats à l'exportation des films français l'an dernier tient beaucoup au soutien apporté par les pouvoirs publics à l'action des exportateurs, tant au travers des mécanismes d'aide du CNC qu'au travers des actions d'Unifrance.
Je voudrais aussi répondre à vos interrogations sur nos actions dans les régions. Les crédits déconcentrés dans les DRAC pour le développement culturel augmentent globalement de 2,4 %. La répartition des crédits entre les différentes interventions est l'objet des conférences budgétaires qui ont lieu actuellement avec les DRAC.
Pour ce qui est de l'éducation à l'image, une mesure nouvelle de 100 000 euros de crédits centraux a été décidée pour la mise en place de nouveaux pôles régionaux d'éducation et de formation au cinéma et de nouvelles opérations « lycéens au cinéma ».
Enfin, vous avez évoquez la question du patrimoine cinématographique. La mission que j'ai confiée à Serge Toubiana devra m'aider à définir une politique globale pour l'ensemble des institutions patrimoniales du film en France. En font partie, vous l'avez dit, la Cinémathèque française, la Bibliothèque du film et de l'image et les Archives françaises du film.
Je voudrais enfin rappeler que le plan de restauration des films anciens qui a été engagé en 1991 est toujours en vigueur et qu'il est doté des crédits nécessaires. Les films sur support nitrate auront tous été restaurés ou sauvegardés à l'horizon 2005. Bien entendu, la restauration du patrimoine cinématographique sera poursuivie dans les années qui suivront et les missions générales de conservation et de restauration confiées à l'Etat continueront d'être financées par le ministère de la culture.
Dans le même temps, en matière de conservation, des moyens très importants sont actuellement dégagés pour la mise en conformité permanente des bâtiments existants et la construction de nouveaux bâtiments sur les sites de Bois-d'Arcy et de Saint-Cyr.
Des moyens seront également dégagés pour la sécurisation des archives de la Bibliothèque du film et de l'image. Une étude a été menée en 2002 sur ce thème et ses résultats seront pris en compte sur la base des conclusions de la mission qui a été confiée à Serge Toubiana.
Par ailleurs, comme vous le soulignez, les crédits qui sont affectés au spectacle vivant augmentent de façon significative : 3,51 %. Cette augmentation prend en compte l'effet du dispositif des 35 heures sur l'équilibre financier des institutions culturelles et celui du doublement des cotisations décidées par l'UNEDIC pour les employés qui relèvent des annexes 8 et 10 de l'intermittence du spectacle.
Nous avons le souci de tout faire pour permettre aux institutions culturelles, notamment aux institutions du spectacle vivant, de rétablir des marges artistiques significatives.
Je souhaite également que puisse être marqué le soutien du ministère de la culture à un certain nombre de secteurs émergents qui, parfois, ont été plus faiblement soutenus que d'autres : la danse, la musique baroque, les arts de la rue et les arts du cirque, encore que, s'agissant de ces deux derniers secteurs, l'engagement de l'Etat au cours des dernières années a été tout à fait significatif.
Je souhaite aussi que, globalement, soit renforcé l'enseignement professionnel de l'art dramatique, notamment au travers de l'ouverture de l'école du Théâtre du Nord et du Centre dramatique national de Lille.
Enfin, s'agissant du devenir du régime de l'intermittence du spectacle, je vous confirme que le Gouvernement est attaché à sa pérennisation, car elle est nécessaire à la vitalité artistique de notre pays.
M. François Fillon et moi-même avons confié une mission à nos inspections. Les conclusions nous seront remises le 2 décembre prochain. Nous aviserons alors, avec l'ensemble des partenaires du secteur, sur les mesures à prendre afin d'assurer et d'affirmer la nécessaire pérennité de ce régime particulier. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qui peut ignorer l'angoisse existant dans beaucoup d'esprits, de coeurs, de corps des femmes et des hommes de notre temps ? Chacun a l'impression, parfois bien réelle, de risquer comme un « coup de pioche » dans sa vie.
Le ruban du temps de la vie personnelle et collective se dévide douloureusement et, après une vraie colère, c'est souvent le désemparement de soi, l'enfermement, et c'est un quotidien où il n'y a plus de temps à vider d'autres querelles que celles qui se présentent au coin de la rue.
Il manque un chant pour demain. Le jet quasi volcanique qui frappe tel ou tel éclabousse toute la société. Habitant depuis 1955 à Aubervilliers en HLM, où babillait heureuse et espérante la société, je vois bien qu'aujourd'hui s'y substituent trop souvent le mutisme, l'incommunicabilité malheureuse et désespérée, sans porte de sortie, sauf parfois celle de la vengeance imaginaire qui, le 21 avril dernier, a cogné à la vitre de notre France.
Eh bien, un homme de théâtre exigeant, talentueux, créateur, Didier Besace, m'a happé, conquis à travers la mise en scène d'une pièce éblouissante de clarté et d'ombres, bêchant le terrain humain et qui, dans son champ de force apparemment très petit, fait se jouer toute l'histoire du monde.
Cette pièce raconte l'histoire d'un professeur, Eléna Sergueievna, confrontée à une violence concertée de certains de ses élèves. Eléna se dresse, ne cède pas et ne résume pas ses élèves à leur violence. Cette pièce est pour tous ceux qui la voient comme une gifle réveillante ; elle les attache à la corde des mots de son texte simple, sans frime, sans esbrouffe, intouché par les niaiseries à la mode et leur langue ouvre-boîte ou passe-partout.
Moi aussi, je me suis attaché à cette pièce à hauteur de civilisation, appelant sans mot d'ordre à la responsabilité, au travail de pensée et d'imagination, pour la définir, la faire vivre, « se souvenir de l'avenir ».
J'ai cité le cas du théâtre de la Commune, mais il en est d'autres : le théâtre de la Colline, l'Ensemble intercontemporain, le théâtre du peuple de Bussang, les Carnets de Dominique Bagouet, la Cité de la musique, ou encore le salon du livre de la jeunesse de Montreuil, Lissas, Uzeste, Beaubourg.
Et, dernier bijou, L'Homme sans passé de Kaurismäki, film d'intelligence décapante sur la violence réelle de ce début du siècle et la possibilité de se dresser, la possibilité de gagner. « M », c'est le nom du personnage qui a été attaqué extrêmement violemment par trois hommes. C'est une « Eléna masculine », il se dresse et ne résume pas l'autre à la violence. Il prend une distance humaine et renverse avec humour la vapeur.
Tout cela se mêle, je le mêle, avec une société sans le mur de Berlin - et c'est une bonne chose -, mais avec le mur toujours plus haut de l'argent, et cela devient une catastrophe : le marché roi, la philosophie de la consommation reine, l'inversion du rapport culture-argent, la femme, l'homme invités de raccroc.
Eh bien, le budget 2003 n'est pas en ramage avec les enjeux que je viens d'évoquer. Il rompt ce budget, avec le 1 %. Et je sais ce que cela veut dire, moi qui ai été porte-parole du comité national pour le 1 % en 1969. Trente-trois ans pour le construire et six mois pour en blesser profondément la réalité, encore plus la symbolique ! Bercy, comptable supérieur par excellence, n'a accepté que 0,98 %, à l'encontre de l'audit organisé par le ministre de la culture avec KPMG, qui indiquait que le budget irait nécessairement jusqu'à 1,1 %.
« Régler une démarche de civilisation sur la comptabilité et sa caisse sonnant plus ou moins creux, c'est fiche en l'air toute politique, toute perspective artistique ou toute prospection populaire ; c'est arrêter la marche en avant » ; ces mots sont de Jean Vilar, en 1971.
Et on ne sait pas encore s'il y aura un gel, mais on sait déjà, par un amendement depuis ce matin, véritable croche-pied à votre encontre, monsieur le ministre, qu'on va nous demander, et sans doute voter, deux millions d'euros d'économie.
M. Ivan Renar. Trois !
M. Jack Ralite. Non, deux ! Mais deux, c'est déjà comme trois, n'est-ce pas ?
Allons un peu dans le creux de ce recul dont je crains fortement qu'il ne perdure et que, de fil en aiguille, tout commence à se découdre.
Un peu d'arithmétique : pour la rue de Valois, le budget 2003, c'est plus 3,9 % qu'on espère engager ; pour Bercy, c'est moins 5,2 % qu'on dépensera.
Bien entendu - et je sais la part que vous y avez prise, monsieur le ministre - il y a dans les chapitres des augmentations auxquelles je ne suis pas insensible, vous les avez d'ailleurs présentées.
Mais ce qui me fait mal, c'est que ce budget ne retourne pas toutes les cartes du jeu. Il y a comme un colin-maillard du budget de la culture. Considérons deux pages du bleu budgétaire, les pages 146 et 147. En général, on ne les lit pas parce qu'elles récapitulent et, pourtant, elles disent beaucoup de choses vraies et traitent des espoirs ; vous l'allez voir, certains dégringoleront en 2004. Elles parlent de l'avenir, mais pas comme une jeune fille se racontant ses fiancés futurs.
Lisons scrupuleusement les crédits. Pour le budget 2004, sur les autorisations de programme antérieures à 2003, il faudra 350 millions d'euros - j'arrondis. Sur les autorisations de programme demandées en 2003, il faudra 128 millions d'euros. Au total, ce sont 483 millions d'euros qu'il faudrait ouvrir en 2004. Mais comme ont été annulés 320 millions d'euros de crédits de paiement inscrits par Catherine Tasca, il manquera au ministère 162 millions d'euros l'année prochaine, soit 6 % du budget. Passer de moins 5,2 % à plus 6 %, c'est une gageure.
Vous êtes dans la situation, monsieur le ministre, d'un ouvrier dont le patron a diminué le salaire, mais qui avait quelques modestes économies qui lui permettent de tenir l'année nouvelle, 2003. Mais après, si le patron persiste, comment ferez-vous, sauf intervention « sanctuarisante » du Président de la République... qui, avec tout le respect que je lui dois, pour cette année, a avalisé les moins 5,2 % ?
Je ne veux pas dire plus. Je pense qu'ainsi la clarté est affranchie : 2004 et après seront des rendez-vous dramatiques, risquant d'enfermer l'espoir de notre avenir culturel. C'est dire si réagir est incontournable. Il n'y a plus d'accommodement de couloir, il y a l'action.
Et je pense que les 3, 4 et 5 février prochains, à la Bibliothèque nationale de France, le comité de vigilance des artistes, qui organise un colloque international pour garantir la diversité culturelle aura une très, très large audience active et que votre ministère pourra s'appuyer sur lui en favorisant son existence et ses objectifs.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ralite.
M. Jack Ralite. Mon questionnement essentiel est donc celui-ci : le budget 2004, qu'en sera-t-il ?
Car vous avez entre les mains, monsieur le ministre, à côté d'autres, les vies de la « chère Eléna » et de l'homme sans passé, « M », d'un professeur et d'un soudeur de fiction théâtrale et cinématographique qui sont du combustible pour la vie, pour notre vie. Mettons-le à feu, voulez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, parler du budget de la culture, c'est parler, d'une certaine façon, de la rencontre du ciel et de la terre, de l'espérance et de la réalité, du rêve et des contraintes. Cela nous impose justement de ne pas nous contenter de rêver, et encore moins de nous laisser bercer d'illusions.
En présentant ce projet de budget, j'ai pris le parti de la sincérité à l'égard de la réalité des moyens dont dispose le ministère de la culture pour mettre en oeuvre la politique culturelle de la nation. Je n'ai cessé de le dire au cours des dernières semaines, les budgets précédents avaient en grande partie un caractère fictionnel dans la mesure où, l'effet d'affichage de la présentation du budget passé, personne ne se souciait plus de savoir quelle en avait été l'exécution. Alors que le budget semblait s'approcher du seuil de 1 % sur lequel on avait fixé l'horizon de notre espérance, on se rendait compte que la réalité de l'exécution du budget se situait bien en dessous, beaucoup plus proche de 0,85 % ou de 0,86 % que de 1 %. J'ai donc décidé, cette année, de solliciter de la part du Parlement le renforcement des parties mobilisables de mon budget, notamment les titres III et IV, et de cesser la course folle au gonflement du titre V en crédits inemployables et inemployés.
Les grandes institutions du rêve et de l'utopie que vous avez citées, monsieur le sénateur, figurent pour certaines d'entre elles au titre III du budget de la culture. Aucune d'entre elles ne se trouvera dépourvue des crédits réels que je vous propose d'adopter.
Le titre V est, certes, utile à la mise en oeuvre de la politique culturelle, mais il est à mes yeux suffisant qu'il soit doté des crédits nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de notre ministère et qu'il ne serve pas de simple mise en silo de crédits uniquement destinés à l'affichage.
Selon vous, monsieur le sénateur, ce budget est convenable et bon ; je ne veux pas outrepasser votre analyse, mais c'est le budget pour 2004 qui constitue notre horizon, notre rendez-vous. C'est vrai, sans doute, mais j'ai confiance en la capacité du Gouvernement a élaborer et à vous proposer pour 2004 un budget qui épousera la logique à la fois de vérité budgétaire et de détermination à l'égard de la politique culturelle de notre pays qui anime le budget pour 2003.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, en tant que ministre de la culture, vous êtes aussi, en France, le ministre de la langue française. Une délégation générale à la langue française est d'ailleurs rattachée à vos services.
Nous sommes nombreux sur toutes ces travées - j'en suis sûr - à être attachés au rayonnement international de notre langue, que cinquante-cinq pays ont choisi, avec nous, d'avoir en partage.
Mais comment ce rayonnement pourrait-il être assuré si le français cesse, en France même, d'être d'un usage normal ?
J'illustrerai mon inquiétude par quelques exemples. La loi du 4 août 1994 relative à la langue française, dite loi Toubon, du nom d'un de vos prédécesseurs, fait obligation de recourir au français pour « la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi, l'utilisation, la description de l'étendue d'un bien, d'un produit ou d'un service ». Or la réglementation européenne a contraint votre précédesseur, par une circulaire du 20 septembre 2001, à accepter que cette information du consommateur puisse, en France, se faire dans une langue considérée comme généralement comprise - traduction : l'anglais - accompagnée de pictogrammes.

Monsieur le ministre, je vous ai interrogé sur la possibilité de revenir sur cette singulière circulaire. Vous m'avez fait part de l'impossibilité dans laquelle vous êtes de remettre complètement en cause cette circulaire du fait de la législation européenne précédemment acceptée par la France. Je comprends votre embarras et nous ne saurions vous en faire grief.
Je sais que vous avez à coeur de limiter cette stupéfiante dérive. Toutefois, quelles dispositions le Gouvernement, dans son ensemble, compte-t-il prendre pour que la France ne laisse plus l'Europe glisser vers des errements linguistiques aussi pervers ?
Qu'en sera-t-il aussi, monsieur le ministre, de l'éventuelle ratification par la France du protocole de Londres sur les brevets, hélas ! signé par le précédent gouvernement alors qu'il était refusé par nos alliés naturels des pays latins, à savoir l'Espagne et le Portugal ? Le président du Sénat, M. Poncelet, s'est prononcé sur ce sujet dans un discours à Brive, le 8 novembre 2002.
Allez-vous nous demander de ratifier ce texte ? L'accepter en l'état serait en contradiction avec notre volonté maintes fois proclamée de garantir en Europe la diversité linguistique et culturelle. Aussi je fais mienne la forte affirmation du président Poncelet : c'est la Commission, et même la Cour de justice de Luxembourg, qui sont en infraction avec le principe même qui fonde la volonté des Européens de vivre ensemble quand ils veulent nous contraindre, sur ce plan, à baisser la garde et à ne pas assurer la bonne protection de notre langue en France.
Voilà, monsieur le ministre, une question sur laquelle je voulais vous interroger, comme j'interrogerai bien sûr le ministre en charge de la francophonie. Mais il faut dans ces affaires de la volonté, une volonté partagée par tous les membres du Gouvernement. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour être au premier chef le combattant de cette grande cause. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, vous le savez, la question de la francophonie est complexe compte tenu du mode d'organisation de la responsabilité publique, notamment de la responsabilité gouvernementale en la matière.
Si le ministère de la culture et de la communication a la charge de veiller à l'usage du français en France, il n'a pas la responsabilité, qui incombe au ministère en charge de la francophonie, de la diffusion et de l'usage du français sur la scène internationale. Néanmoins, il va de soi que ce choix d'organisation de la responsabilité ne doit pas constituer en soi un obstacle à la cohérence de l'action gouvernementale dans ce domaine.
Je prends soin, naturellement, sur toutes ces questions, de travailler avec le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, Pierre-André Wiltzer. Nous nous sommes récemment entretenus de la question de l'usage du français dans les instances internationales, qui, j'ai pu le constater à plusieurs reprises, était menacé. Plusieurs de mes collègues, en participant à des conférences internationales - notamment Mme Bachelot-Narquin à Johannesburg, où elle précédait le Président de la République - ont pu constater la faible place qui était finalement accordée à l'usage du français.
Pour ma part, lors de mes déplacements à l'étranger, en particulier lors du conseil des ministres européen, je m'efforce toujours d'exiger que le français soit considéré comme une langue de travail.
La question de l'usage du français dans notre pays est confiée, au sein du ministère de la culture, à la délégation à la langue française et aux langues de France. Nous sommes très attachés, autant que nos moyens d'investigation nous le permettent, au respect des textes, et singulièrement de la loi Toubon sur l'usage de la langue française.
Nous avons pu constater à plusieurs reprises des infractions ou des dérives, parfois consenties par les gouvernements précédents, notamment en matière d'étiquetage.
L'été dernier, j'ai été conduit à réagir avec mon collègue Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, face à l'usage de plus en plus répandu de l'étiquetage en langue étrangère accompagné de pictogrammes.
Cette situation n'est pas satisfaisante, et le Gouvernement compte bien, dans le respect, naturellement, de la réglementation européenne, y mettre un terme.
S'agissant des brevets, le texte auquel vous avez fait référence ne sera ratifié par le Gouvernement qu'avec la garantie qu'ils seront effectivement traduits en langue française, et ce aux frais de l'INPI, l'Institut national de la propriété industrielle, établissement public chargé de la protection des brevets.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que je souhaitais vous répondre. Il s'agit d'un domaine de responsabilité important, tant il est vrai que la langue française est la première expression de notre culture. Nous devons veiller à ce qu'elle demeure une langue d'usage internationale, une langue de production culturelle dans le domaine de la cinématographie et de la littérature, une langue largement diffusée, respectée et convenablement traitée sur notre territoire et dans le cadre de nos institutions.
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le ministre, je vous poserai trois questions.
Les CAUE, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, ont vingt-cinq ans d'existence. Quatre-vingt-sept départements en sont dotés. Par les missions qu'ils remplissent, ils contribuent à améliorer la qualité architecturale, urbaine et environnementale. Informer, former, conseiller et assister sont les tâches assignées à ces associations présidées par un élu, composées d'autres élus, d'actifs socioprofessionnels, de représentants des services détachés de l'Etat et de la société civile. Les conseils agissent à l'échelon de proximité, celui du territoire départemental, et leur activité ne relève pas de l'acte marchand ni de toute forme de maîtrise d'ouvrage.
Ils sont financés par une taxe départementale dont l'assiette est celle de la taxe locale d'équipement. Or, aujourd'hui, les CAUE ne sont plus en mesure, sur le plan financier, de répondre aux nouvelles préoccupations de la société ou de s'intéresser aux nouveaux champs qui s'ouvrent à eux.
Depuis les lois de décentralisation jusqu'à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, entre lesquelles s'intercalent les différents textes relatifs à l'aménagement du territoire, bien des modifications sont intervenues, ayant imposé des adaptations réalisées avec des moyens qui, au fil des années, sont en diminution.
De nouvelles échelles territoriales sont apparues, ce qui a entraîné des réorganisations institutionnelles d'entités dotées de compétences étendues, comme les communautés de communes, les communautés d'agglomération, les communautés urbaines. L'émergence de notions comme le développement durable dans l'aménagement ou le renforcement des préoccupations qualitatives dans la planification ont modifié l'approche traditionnelle.
Les citoyens demandent à être associés plus étroitement aux démarches touchant à l'architecture, à l'urbanisme et à l'environnement. Cette exigence de démocratie locale et la nécessité de s'approprier des procédures de plus en plus complexes vont renforcer le rôle des médiateurs, organisateurs et animateurs du débat public. Les CAUE sont en mesure d'assumer ce rôle grâce à une neutralité et à une indépendance favorables à la crédibilité du dialogue entre élus et habitants.
C'est précisément cette vocation que leur reconnaît la loi SRU, au travers de l'article L. 121-7 du code de l'urbanisme, qui dispose que « les communes ou établissements publics compétents peuvent avoir recours aux CAUE lors de l'élaboration, de la révision ou de la modification de leurs documents d'urbanisme ». Ainsi, la mission de « développement de l'esprit de participation du public », confiée dès 1977 aux CAUE, se voit ici amplifiée, ce qui confère à leur action une fonction très spécifique de médiation, qui concourt à intégrer l'inspiration sociale dans l'action des collectivités publiques.
A l'évolution des missions et à l'élargissement des champs d'action répond une diminution des moyens financiers.
La taxe départementale qui alimente les CAUE est attachée au seul permis de construire. Elle est donc par nature fluctuante et rend aléatoire toute prévision budgétaire. Par ailleurs, les difficultés de sa liquidation et de son recouvrement en accentuent encore les aspects mouvants.
La baisse structurelle de la construction neuve a conduit à une régression du produit de la taxe : en 1999, le niveau de 1990 était à peine atteint, alors que dix départements supplémentaires l'avaient instaurée.
Il convient donc aujourd'hui de doter les CAUE de ressources adaptées, afin de leur apporter les moyens indispensables à l'accomplissement et au renforcement de leurs missions de service public.
La fédération nationale des CAUE propose la création d'une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties. La ressource fiscale, qui s'appuierait ainsi sur l'ensemble du domaine bâti, offrirait une réelle stabilité tout en restant simple, et elle refléterait la globalité des actions menées. Il a été calculé que, avec un taux départemental plafonné à 0,15 % et une cotisation nationale au taux unique de 0,05 %, dont la redistribution comporterait une partie pondérée par le potentiel fiscal départemental, les CAUE parviendraient à mener à bien les missions qui leur sont confiées en établissant une solidarité entre les contribuables pour la mise en oeuvre de politiques d'intérêt national dans les départements tant ruraux qu'urbains.
Peut-on espérer, monsieur le ministre, que cette demande fondée de réforme soit satisfaite ?
Le deuxième point de mon propos aura trait au siècle qui vient de s'achever. Il aura été riche de créativité. Objets et meubles ont été revisités ; Ruhlmann, André Dubreuil, Starck, Serge Roche, Mourgue permirent la transmutation de l'objet utilitaire en oeuvre d'art. Il me semble indispensable de réfléchir dès maintenant au choix d'un lieu qui pourrait accueillir ces productions. Vous-même, monsieur le ministre, aviez exprimé l'idée d'« exiler » une partie des collections de design, pour fonder, en liaison avec le Vitra Museum, un nouvel espace hors les murs. Mme Marie-Claude Baud, pour le compte du Musée des arts décoratifs, avait cherché un terrain pour y édifier des réserves visitables. Un tel projet est-il à l'étude, monsieur le ministre ?
Le dernier point que je souhaite aborder ce soir concerne l'animation culturelle en milieu rural. Au-delà des enseignements artistiques en milieu scolaire, une pratique culturelle ancrée s'acquiert par la possibilité soit de suivre des enseignements, soit de fréquenter des lieux d'exposition ou des manisfestations à caractère permanent ou renouvelé.
La bonne approche, pour éveiller une sensibilité de mélomane, consiste à pousser la porte de l'école de musique départementale. Les talents sont là, mais souvent les recrutements se heurtent à des problèmes de financement, ce qui limite les effectifs.
Certains de ces enseignants - c'est le cas dans mon département - rejoignent une formation orchestrale où ils retrouvent d'autres instrumentistes de haut niveau rassemblés en association. Après deux ans d'existence et la mise en oeuvre d'une politique de mobilité géographique qui l'a conduit à se produire dans des communes qui n'avaient jamais connu une telle manifestation, l'orchestre s'inquiète pour son avenir si aucun soutien financier ne suit.
Hier, je présidais, ici même, la deuxième édition du colloque « tourisme et métiers d'art », qui préludait aux journées des métiers d'art qui commencent aujourd'hui. Les professionnels actifs concernés, au nombre de 30 000, ont vu leur effectif augmenter de plus de 20 % en vingt ans, ce taux de croissance atteignant même 36 % pour les artisans d'art, alors que l'emploi total ne progressait que de 7,4 %. Leur source est dans la tradition, dans des savoir-faire séculaires qui ont progressivement été adaptés et complétés pour y intégrer ce que le progrès peut apporter sans les dénaturer. Les métiers d'art sont, par ailleurs, des activités qui donnent toute sa valeur à l'homme ; ils n'existent que par la conjonction de la dextérité manuelle, de la créativité artistique, de l'imagination et de l'approche de la beauté.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bernard Joly. Le poids économique des métiers d'art ne cesse de progresser : le chiffre d'affaires qu'ils engendrent chaque année est de l'ordre de 3,2 milliards d'euros, et leur valeur ajoutée dépasse le milliard d'euros. De ces activités peuvent naître des projets de développement local très porteurs et propres à irriguer tout un espace de vie économique et sociale.
Il me semble, monsieur le ministre, qu'il y a là matière à mettre en place et à soutenir des actions qui pourront se conjuguer avec celles de votre collègue chargé des PME, du commerce et de l'artisanat. J'aimerais avoir votre sentiment sur ce sujet. (M. Jacques Legendre applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, il est vrai que la source principale de financement des CAUE, à savoir la taxe départementale affectée, se révèle inadaptée, complexe, instable et surtout variable d'un département à l'autre.
Une réforme de cette taxe a été préparée par mes services, en concertation avec ceux du ministère des finances. Nous devons en effet envisager la mise en place d'un mode de financement plus stable, plus régulier et moins sujet à des variations sur le territoire de notre pays.
Cette nécessaire réforme du financement des CAUE doit s'accompagner d'une réactualisation de leurs missions. C'est la raison pour laquelle j'ai créé une mission d'expertise, conjointement avec les ministères chargés de l'équipement et de l'écologie. Celle-ci doit débuter ses travaux au début du mois de décembre, et je compte bien fixer un terme proche à la remise de ses conclusions. Je sais toute la place que les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, créés en 1977, occupent dans la problématique de la mise en oeuvre d'une meilleure qualité architecturale, urbaine, paysagère et environnementale. Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la situation de la culture du design dans notre pays ou, de façon plus générale, de la culture des arts décoratifs du xxe siècle. Paradoxalement, notre patrimoine reste, dans ce domaine, extrêmement lacunaire. Pourtant, les collections publiques existent, et l'histoire des arts décoratifs en France est l'une des plus brillantes qui soit au monde : il me suffira ici de me référer à mon tour aux grands noms des arts décoratifs ou des arts appliqués du xxe siècle que vous avez cités.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à Mme Béatrice Salmon, directrice du Musée des arts décoratifs et de l'Union centrale des arts décoratifs, qui a succédé à Mme Baud, d'étudier la faisabilité d'une présentation des collections d'art décoratif du xxe siècle dans le bâtiment du Musée des arts africains et océaniens, qui sera bientôt vacant, puisque, dès le début de l'année prochaine, les collections de ce musée rejoindront les réserves du futur musée du quai Branly. Ce bâtiment est un chef-d'oeuvre de l'entre-deux-guerres, et il y aurait donc une résonance parfaite entre les collections qu'on y présenterait et son identité, d'autant plus que plusieurs de ses ensembles décoratifs sont déjà protégés, notamment des ensembles mobiliers, en particulier le bureau du maréchal Lyautey.
Par ailleurs, il est évident qu'il ne faudrait pas s'arrêter à ce seul concept d'arts décoratifs du XXe siècle. Il convient de s'ouvrir également à la réalité de la production industrielle du XXe siècle, ce que l'on appelle couramment le design. Sera-ce dans le cadre d'une coopération avec le musée Vitra ? Cela reste à voir. En tout cas, nous avons là aussi, dans les collections des institutions nationales, suffisamment d'oeuvres pour alimenter la présentation d'un musée de ce type. Il s'agit non pas, dans mon esprit, de créer une institution nouvelle, mais bien d'assurer un prolongement possible à l'activité du Musée des arts décoratifs.
Pour ce qui concerne les métiers d'art, qui ont longtemps été mal aimés du ministère de la culture, je souhaite marquer le réengagement de celui-ci en leur faveur. Je viens d'ailleurs de désigner, voilà quelques jours, six nouveaux maîtres d'art, en liaison avec le Conseil national des métiers d'art. Il y a vraiment lieu, à mon sens, d'engager, en concertation avec tous les autres ministères concernés, des actions visant à permettre la pérennité de ces métiers, la transmission des savoir-faire et la formation des futurs maîtres. Je crois que les journées nationales des métiers d'art, qui se dérouleront à partir de demain, contribueront à une meilleure connaissance par nos concitoyens de ce vaste secteur de la création et de la production.
Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, la question de la vie culturelle en milieu rural. Nous sommes confrontés là à une véritable gageure, à un véritable enjeu. En effet, j'ai toujours estimé que, dans notre pays, il existait sans doute deux grands types de zones de déshérence culturelle : la périphérie des grandes villes et les zones rurales, que l'on oublie trop souvent. L'isolement des hommes y est de plus en plus marqué, la difficulté de communiquer y est de plus en plus grande, la possibilité de rencontre avec le monde d'aujourd'hui, notamment dans ses aspects culturels, y est extrêmement contrainte.
C'est la raison pour laquelle je souhaite proposer aux collectivités locales un vaste plan national, par lequel le ministère de la culture s'engagera en vue de mettre en place, sur l'ensemble du territoire, notamment dans ces zones plus délaissées que d'autres, des équipements culturels de proximité, en particulier des médiathèques. En effet, j'ai toujours estimé que c'était à travers le livre que pouvait se produire la première et plus efficace rencontre des citoyens avec le savoir, avec la connaissance, avec la culture, avec l'esprit critique, avec tout ce qui fait la qualité d'homme.
M. le président. La parole est à M. Henri Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, vous êtes un homme de culture engagé dans un gouvernement pour qui la culture ne constitue par une priorité. Vous avez, pendant quelques mois, réussi à masquer avec talent cette situation. Vous voilà aujourd'hui rattrapé par la réalité ! En effet, tous les arbitrages de Matignon vous ont été défavorables, les uns après les autres, inexorablement : sur le montant de la redevance télévisuelle, sur ses modalités de perception, sur l'agrément donné au doublement des cotisations chômage des intermittents du spectacle, sur les amputations de crédits pour le budget en cours. J'en suis désolé pour vous, mais surtout pour l'ensemble des professionnels de la culture et de l'audiovisuel, qui voient désormais s'assombrir les perspectives qui leur sont ouvertes.
Les arbitrages vous ont apparemment également été défavorables s'agissant de votre projet de budget pour 2003, qui marque une baisse de 5,2 % par rapport à l'année précédente, malgré l'engagement solennel de Jacques Chirac de le « sanctuariser ».
Vous avez choisi, jusqu'à présent, de faire contre mauvaise fortune bon coeur, et vous avez présenté tous vos revers comme autant d'éclatantes victoires. Ce soir, votre présentation du projet de budget de la culture n'échappe pas à cette règle, et c'est ainsi que vous essayez de faire passer une amputation de 5,2 % de vos crédits pour une augmentation de 3,9 % de vos moyens !
Je remarque que les crédits en hausse au titre III ne comprennent pas l'augmentation des cotisations des intermittents du spectacle, et que ceux du titre IV ne compensent pas la baisse du nombre des emplois permanents de votre ministère.
Mais surtout, vous réussissez ce tour de passe-passe, comme vient de le souligner M. Jack Ralite, en puisant dans la réserve de crédits d'investissement et de paiement non consommés de votre ministère pour financer vos interventions en 2003 et réduire de 205 millions d'euros les crédits de paiement qu'il était prévu d'affecter l'année prochaine.
Il est vrai que le taux de consommation des crédits d'investissement et de paiement s'est dégradé depuis 1998. Il n'y a là ni façade, ni posture, ni imposture. Le rapport Labrusse explique cette dégradation par un ensemble de raisons conjoncturelles : la tempête de 1999 et d'autres événements malheureux subis par les monuments historiques, la « surchauffe » du marché du bâtiment au cours de ces années, qui a condamné nombre d'appels d'offres à demeurer infructueux, et d'autres raisons encore, que je ne prendrai pas le temps d'évoquer ici.
Il n'empêche que ces crédits non consommés correspondent à des dépenses bien réelles, programmées et, pour la plupart d'entre elles, déjà engagées. Il faudra donc bien payer ! Vous ne pourrez pas rééditer l'an prochain le recyclage auquel vous vous livrez aujourd'hui : en 2004, vous ne disposerez plus de crédits non consommés pour financer vos interventions.
Au contraire, il vous faudra trouver des crédits supplémentaires pour remplacer ceux que vous utilisez aujourd'hui. Il faudra, par exemple, d'après les tableaux des échéanciers, ouvrir, en 2004, 302 millions d'euros de crédits de paiement au titre V, ce qui rognera d'autant les capacités dans les autres secteurs.
L'état prévisible des finances publiques en 2003, et plus encore en 2004, ajouté au peu de cas que le gouvernement auquel vous appartenez fait du secteur culturel, me fait douter non pas de vos intentions, monsieur le ministre, mais de votre capacité à rembourser alors les « avances » que vous consentez aujourd'hui.
Ma question sera donc simple : êtes-vous bien sûr d'obtenir ces crédits indispensables l'an prochain, ou bien vous livrez-vous à un acte de foi ? Quelles assurances, quelles garanties avez-vous obtenues en ce sens ? J'espère que vous ne me répondrez pas que tout cela n'est pas bien grave et que ces dépenses supplémentaires seront transférées aux collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation, ou au mécénat dans le cadre de son développement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, j'ai la profonde conviction qu'un discours sur le budget ne peut pas tenir lieu de discours de politique culturelle : la question des moyens n'est pas réductible à la question des perspectives, et vice-versa.
Je vous ai dit ce que je pensais des présentations qui avaient été faites du budget du ministère de la culture au cours des années précédentes. Elles relevaient de l'exercice d'illusion, notamment en période de préparation des élections. Elles visaient à présenter d'une façon gratifiante un manque de projet culturel dont ont tout de même témoigné les très nombreux incidents qui ont émaillé la vie culturelle au cours des années précédentes.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Absolument !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. J'ai préféré faire le choix de responsabiliser les chefs d'établissement plutôt que d'entretenir avec eux des relations orageuses donnant lieu à des éclats dans la presse. J'ai préféré dans tous les cas faire en sorte que des moyens réels soient dégagés pour les projets culturels, pour les institutions culturelles, pour des perspectives culturelles.
Aucun des bénéficiaires des actions du ministère de la culture n'aura à se plaindre de ce budget, de l'engagement de l'Etat, de l'engagement du Gouvernement à son égard, et c'est là ce qui m'importe. Je vous donne rendez-vous à la fin de l'année 2003, et nous verrons alors qui aura eu raison : aura-t-on eu raison de préférer la vérité à l'affichage ? Aura-t-on eu raison de préférer l'exécution à la vaticination budgétaire ? J'ai fait le choix de la vérité, j'ai fait le choix de la sincérité.
Quant à 2004, monsieur le sénateur, ni vous ni moi ne savons aujourd'hui ce que sera l'état de notre pays à ce moment-là, ni vous ni moi ne savons ce que sera la conjoncture internationale. Nous n'avons ni vous ni moi de planche à billets, et il nous faut prendre en compte à la fois les intérêts profonds de notre pays, la réalité de sa situation économique et la réalité de sa situation budgétaire, et nous comporter tous de façon responsable.
C'est la meilleure façon d'être réellement responsables à l'égard de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Eric Doligé. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.
M. Philippe Richert. Le projet de budget prévoit pour 2003 une diminution de près de moitié de l'enveloppe consacrée au patrimoine. Vous nous avez expliqué à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que cette réduction serait sans conséquences sur les subventions accordées par l'Etat, dans la mesure où, si les crédits avaient été supérieurs, ils n'auraient pu être consommés. Nous pouvons entendre votre logique.
Toutefois, ce raisonnement suppose, me semble-t-il, que soient profondément revues en 2003 les procédures d'engagement des dépenses, afin d'éviter que, à la fin de l'exercice, on ne constate de nouveau une sous-consommation des crédits. Vous avez indiqué tout à l'heure quelques mesures qui devraient permettre d'aller dans ce sens, et nous serons très attentifs aux résultats qui pourront être obtenus d'ici à la fin de l'année 2003.
Par ailleurs, il sera nécessaire de prévoir en 2004 les conditions d'un réajustement des dotations afin d'assurer le financement des opérations programmées. En effet, nous savons tous que, si les enveloppes se sont révélées dans les années passées très supérieures aux capacités de consommation - d'où les excédents que nous avons accumulés d'année en année -, elles sont néanmoins très largement sous-évaluées eu égard à l'état de notre patrimoine.
Au-delà, ce réajustement s'impose pour assurer dans de bonnes conditions la décentralisation des compétences qui est préconisée en ce domaine. La commission de réflexion et de proposition que vous avez nommée vient de rendre ses conclusions. Je partage le souci qui a guidé ses travaux d'éviter une politique du patrimoine à géométrie variable et de conserver à l'Etat les prérogatives qui lui permettent de s'en porter garant.
Cependant, je trouve encore dans ces propositions la marque d'une frilosité qui me semble difficile à justifier au moment même où les marges de manoeuvre financières dont dispose l'Etat pour conduire cette politique s'amenuisent.
Si elle a proposé de déléguer au niveau local les crédits de l'Etat sous la forme de « dotations fléchées monuments historiques » - notion qui mériterait au demeurant d'être définie -, la commission ne s'est pas prononcée sur la collectivité territoriale qui pourrait être désignée pour les engager, suggérant que cette question soit tranchée après une phase d'expérimentation. En bref, il faut décentraliser, mais on ne sait toujours pas comment !
La voie de l'expérimentation est déjà ouverte. L'article 111 de la loi du 27 février 2002 a élargi le champ des transferts susceptibles d'être prévus par un protocole de décentralisation culturelle. Mais force est de constater que, jusqu'ici, les protocoles n'ont guère permis d'aboutir à des conclusions définitives, et ce pour une bonne raison : à l'exception de celui qui a été conclu avec le département de l'Isère, aucun ne prévoit de transfert de compétences !
Je crains que, à réfléchir encore et à expérimenter de nouveau, ce ne soit le patrimoine lui-même qui pâtisse de nos atermoiements. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite vous rappeler nos attentes à l'égard des propositions que vous serez amené à formuler sur la base des avis de la commission et des orientations qu'elle aura retenues.
La décentralisation ne doit pas avoir pour seule ambition de calquer le modèle étatique, celui des DRAC ; elle doit au contraire viser à accroître l'efficacité de l'action publique en déterminant quel est l'échelon le plus pertinent pour la conduire - et, je suis convaincu que, si l'on tient compte de la réalité locale, c'est du département qu'il s'agira, comme M. Nachbar, rapporteur pour avis, l'a très clairement indiqué tout à l'heure en se faisant le porte-parole d'une large majorité de la commission des affaires culturelles.
Certes, il faudra dans certains cas créer une dynamique. Ce sera d'autant plus aisé que les décisions prises en ce domaine seront inspirées par un souci de cohérence.
Ainsi, monsieur le ministre, ne serait-il pas opportun d'inclure l'archéologie préventive dans vos projets de décentralisation ? Les difficultés soulevées par l'application de la loi du 17 janvier 2002 démontrent les limites d'un système fondé sur la croyance en la toute-puissance de l'Etat. Ce sont aujourd'hui les aménageurs - et, au premier chef, les collectivités territoriales - qui supportent le coût de cette erreur d'appréciation que le Sénat avait dénoncée au cours des débats. Les propositions que nous avions alors formulées ouvraient la voie à une prise de responsabilité des collectivités en encourageant le développement de services archéologiques territoriaux, en particulier départementaux. On a préféré créer un monopole d'Etat qui aboutit à des résultats aberrants.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si, dans les orientations que vous voulez donner à la politique du patrimoine, vous souhaitez tenir compte de la nécessité de recréer de véritables pôles de compétences et de moyens en vous inspirant des réalités de terrain, ou bien si, au contraire, vous privilégierez une démarche consistant à distribuer méticuleusement, à chaque niveau de collectivité alternativement, les responsabilités dont l'Etat peut réellement se séparer, simplement parce que différents niveaux de collectivités vous sollicitent ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, la question très sensible et très délicate que vous soulevez du niveau des collectivités locales qui pourraient recevoir de la part de l'Etat délégation de ses propres missions en matière de politique du patrimoine est sans doute l'une des questions les plus complexes qu'ait abordées le rapport Bady, que vous venez d'évoquer. Sans doute avez-vous d'ailleurs observé la prudence dont fait preuve M. Bady dans ses conclusions !
Pour ma part, je pense qu'il serait aujourd'hui prématuré, voire imprudent, de régler définitivement cette question. De toute évidence, elle relèvera de la conclusion plus générale que le Premier ministre souhaitera donner à la réflexion commune du Gouvernement et des collectivités locales sur la décentralisation.
Nous sera-t-il possible de mener des expérimentations dans le domaine du patrimoine ? Là encore, la question est complexe dans la mesure où les actions concernées s'étendent sur des durées très longues : entre le moment où une décision est prise, où elle est programmée, financée, mise en oeuvre et enfin exécutée, et le moment où l'on peut constater le résultat, il se passe souvent des périodes très longues, des années parfois, quand le chantier est un chantier important.
On pourra se demander s'il ne faut pas, peut-être, que le parti pris précède l'expérimentation. Il sera en tout cas nécessaire que la règle du jeu soit clairement affichée, de façon à éviter des contradictions dans les attitudes que l'Etat pourrait adopter dans telle ou telle partie du territoire. L'essentiel est de faire en sorte que nous prenions tous conscience de la nécessité de mobiliser l'ensemble des acteurs publics et l'ensemble des acteurs sociaux autour des politiques publiques du patrimoine.
De façon très judicieuse, Jean-Pierre Bady, en me remettant son rapport, soulignait qu'il préconisait le passage d'une politique étatique à une politique nationale partagée par tous.
Vous évoquiez également, monsieur le sénateur, la question de la mobilisation des moyens budgétaires de l'Etat en faveur des politiques du patrimoine. En vous entendant, je me faisais la réflexion qu'il conviendrait peut-être qu'à partir de la fin de l'année 2003 je présente chaque année, comme le ferait une entreprise, les résultats des actions menées par le ministère et des dépenses qu'il aura réellement engagées, et ce tant dans le domaine du patrimoine que dans les autres domaines de l'action publique.
De cette façon, on pourrait peut-être définitivement sortir de la logique budgétaire, qui est en grande partie une logique fictionnelle donnant satisfaction à peu de compte, à une logique de la réalité, de l'exécution et du bilan conduit sur les actions réellement entreprises.
S'agissant de l'archéologie, je vous ai indiqué quelles étaient les orientations de la réflexion du Gouvernement en ce domaine. Elles inspireront le projet de loi que nous vous soumettrons très prochainement.
La loi du 17 juillet 2001 a défini un cadre qui assure aujourd'hui la mise en oeuvre des missions collectives en matière d'archéologie préventive. Cependant, son application suscite également de très nombreuses difficultés, et il nous appartient d'améliorer le dispositif, notamment en nouant un meilleur dialogue avec les collectivités locales et en leur accordant une réelle capacité de transaction. Il n'est pas bon, me semble-t-il, qu'un établissement public puisse imposer de facon unilatérale ses objectifs et faire supporter des dépenses à des collectivités locales lorsqu'elles engagent des investissements, qu'ils soient modestes ou importants.
Je crois beaucoup à la nécessité de rétablir le dialogue, de rétablir une véritable capacité transactionnelle, en prévoyant, bien sûr, le recours éventuel au préfet, au cas où un compromis ne pourrait être trouvé. Mais j'ai bon espoir que ces cas seront peu nombreux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, votre présence à la tête du ministère de la culture et de la communication marque la très grande volonté du Gouvernement d'accorder une place particulière à la politique culturelle.
Dans le cadre tracé par la discussion budgétaire, je souhaite appeler votre attention sur la nécessité de maintenir dans les régions une offre culturelle de qualité. La culture-spectacle centralisée qui s'est développée ces dernières années fait fi de nos richesses locales.
Je puiserai dans mon expérience d'élu local pour faire ressortir les anomalies de la politique à laquelle nous avons été trop longtemps soumis.
Le Loiret, département que j'ai l'honneur d'administrer, dispose d'un lieu culturel majeur pour le département et pour la ville d'Orléans : le Carré Saint-Vincent. Je vous rappelle, à titre d'anecdote, qu'il s'appelait à l'origine « théâtre Maurice-Genevoix », mais que la précédente majorité l'a débaptisé.
Il abrite quatre structures de création et de diffusion ayant des missions différentes mais partageant un seul et même lieu de travail et de représentation. Il présente également une caractéristique particulière : il héberge deux centres dramatiques nationaux.
Les quatre structures sont les suivantes : une scène nationale ; le centre national de création de la ville d'Orléans, appelé CADO ; le centre dramatique national ; enfin, le centre chorégraphique national.
Depuis la création du centre dramatique par M. Jack Lang, qui voulait un outil à sa mesure et souhaitait contrer la première scène, mise en place par François Léotard, ces quatre structures on ont fait l'objet de financements croisés de l'Etat, de la ville d'Orléans, du conseil général du Loiret et du conseil régional du Centre. Les trois collectivités et l'Etat ont toujours, non sans mal, essayé de traiter également les quatre structures dans la répartition de leur participation. C'est véritablement une leçon de choses par rapport à tout ce que nous avons dit voilà quelques instants !
Même si, en décembre 1997, le ministre de la culture de l'époque a renouvelé les conventions avec les structures, il était clair que l'Etat semblait vouloir, pour des raisons politiques médiocres, modifier unilatéralement les règles du jeu concernant le CADO. Ainsi, au début de 1998, la direction du théâtre a réduit de 500 000 francs ses subventions au CADO. Le ministre, Mme Trautmann, a renié sa propre signature au bout de trois mois à peine, sans justification aucune, au mépris des autres signataires et financeurs.
En septembre 1998, une mission d'inspection très orientée évoquait ouvertement la possibilité que l'Etat se retire de cette structure. Il est vrai que certains considèrent, en matière culturelle, que plus il y a de spectateurs moins le spectacle est bon, et que, a contrario , moins il y en a meilleur il est et plus il faut l'aider.
M. Jack Ralite. C'est ce qu'on entend dire depuis trente ans !
M. Eric Doligé. Entre 1999 et 2002, la part de l'Etat dans le budget du centre d'art dramatique d'Orléans est passée de 46 %, soit 553 000 euros, à moins de 12 %, soit environ 173 000 euros, et je me permets de rapporter cela aux diminutions de crédits dont nous avons parlé à plusieurs reprises : voyez ! l'Etat les a réduits par quatre fois, et sans aucune gêne à l'époque !
Aussi, puisque les deux centres dramatiques peuvent coexister, chacun poursuivant une programmation différente et touchant un public tout aussi différent, puisqu'il existe bien une complémentarité entre ces structures qui leur permet d'offrir ainsi une large diversité culturelle au Loiret, nous attendons de l'Etat qu'il recommence à financer ces quatre structures équitablement et sans parti pris, et ce sans surcoût pour lui : il doit s'agir d'un simple rééquilibrage.
Au moment où chacun parle de politique déconcentrée, monsieur le ministre, aidez-nous à préserver une offre culturelle déconcentrée qui plaît et qui fonctionne ! Dois-je vous rappeler que le CADO, au travers des spectacles qu'il a montés, a été distingué - fait unique en France - à quinze reprises par l'attribution de Molières ?
La position de l'Etat n'est pas tenable et n'est pas acceptée par les collectivités, obligées, en fonction des humeurs de certains, de modifier en dernière minute la répartition de leurs financements, qu'elles auraient voulus équitables et équilibrés.
Sur ce point, j'aimerais savoir si vous êtes prêt, en concertation avec les collectivités, à rétablir une politique juste. Dans l'affirmative, donnerez-vous les instructions à vos services et à vos représentants dans nos départements, le préfet et la DRAC, afin qu'ils jouent le jeu de la transparence et de la concertation et qu'une convention d'une certaine durée puisse être signée et respectée ?
En incidente, permettez-moi d'évoquer en deux mots le régime de travail des personnels du spectacle et l'utilisation des heures de nuit pour faire tourner les structures à des heures compatibles avec la disponibilité des spectateurs.
L'amendement relatif à ce sujet qui a été présenté au Sénat lors du récent débat sur les 35 heures a été retiré, à la demande de votre collègue M. Fillon, en échange de certains engagements. La question n'en demeure pas moins posée. Si une solution n'est pas trouvée rapidement, nous vivrons de graves problèmes de fonctionnement et de financement, avec le risque évident de voir disparaître les structures locales de ce type.
Je souhaite, monsieur le ministre, que nous puissions faire avancer sereinement ce dossier.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, soyez assuré que j'attacherai la plus grande attention au traitement de la situation du Carré Saint-Vincent, structure originale puisqu'elle rassemble un très grand nombre d'institutions : une scène nationale, un centre dramatique national, le CADO, et le centre chorégraphique national, dirigé par Joseph Nadj.
La situation que vous évoquez nous renvoie à la question de nos responsabilités croisées : responsabilité de l'Etat, responsabilité des collectivités locales. Pratiquement partout où il intervient sur le territoire, l'Etat le fait en concertation et en collaboration avec les collectivités locales. La question qui se pose à nous est de savoir comment concilier les objectifs d'une politique nationale dans le domaine du théâtre, dans le domaine de la danse, dans le domaine de la musique, avec la nécessité impérieuse de ne pas imposer de façon unilatérale ces objectifs aux collectivités locales, mais bien d'engager avec elles des discussions, d'engager une concertation permettant de dégager des objectifs communs.
Pour ce qui est du travail de nuit, il est vrai que la loi en vigueur, qui a été votée récemment, n'a pas pris en compte la situation particulière de certains secteurs, notamment celui du spectacle vivant. Presque tous les spectacles commencent après vingt heures et relèvent donc du travail de nuit, ce qui expose les organisateurs de ces spectacles - les théâtres, les festivals, en été notamment - à des difficultés insurmontables puisqu'ils sont confrontés à une législation qui n'est absolument pas adaptée au type d'activité qu'ils conduisent, cette constatation valant également pour la presse.
Il est donc nécessaire de mettre en chantier, d'une part, une réflexion et, d'autre part, une concertation avec les employeurs et les employés du secteur, afin d'être en mesure de soumettre au Parlement, le plus rapidement possible - car la situation est réellement tendue -, un projet de loi visant à permettre aux professionnels de ce secteur d'aborder la réalité de leur activité de façon plus satisfaisante.
Aujourd'hui, si l'on prend en compte les effets conjugués du doublement des cotisations des intermittents du spectacle, les effets des 35 heures et ceux du texte sur le travail de nuit, on constate que les professionnels du spectacle sont dans la quasi-impossibilité de fonctionner normalement et de produire.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur un patrimoine qui, je crois, vous est cher comme il l'est à nombre d'entre nous : le patrimoine urbain.
On parle beaucoup de patrimoine, et je participe à bien des égards au travail qui est fait en la matière, mais il faut bien dire que, dans la discussion budgétaire - j'ai lu les comptes rendus de l'Assemblée nationale et, ici, j'ai participé aux débats - la question du patrimoine urbain n'a pas vraiment été abordée.
Pourtant, avant vous ce soir, est intervenu M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Or il est évident que la dimension culturelle dans la ville, notamment à travers la dimension patrimoniale dans sa relation avec la création architecturale, avec l'urbanisme, pour porter le projet urbain au-delà des secteurs historiques en direction des quartiers difficiles, est tout à fait essentielle.
Vous avez, de ce point de vue, un outil exceptionnel que connaît bien la direction de l'architecture et du patrimoine : le secteur sauvegardé. Voilà une politique prestigieuse !
Nous voici au quarantième anniversaire de la loi Malraux. Ce serait peut-être l'occasion de marquer une étape et j'aimerais avoir votre avis sur ce point.
De nombreuses villes souhaitent s'engager dans cette politique des secteurs sauvegardés. A l'heure actuelle, une centaine de villes y ont adhéré.
Vous savez sûrement qu'au départ les plans de sauvegarde étaient très marqués par une dimension de sauvegarde ; ils sont devenus petit à petit de véritables outils de développement de mixité sociale. Le monde HLM est intervenu dans le quartier ancien. Des opérations avec l'ANAH ont été lancées.
Nous avons, les uns et les autres, sollicité cette agence pour qu'elle prenne en compte, sur des thématiques particulières, les secteurs sauvegardés et pour qu'elle finance des opérations en milieu historique particulier. Il faut poursuivre la négociation qui s'est amorcée car, en fait, il s'agit essentiellement de financements qu'il faut mettre en place auprès des propriétaires privés.
La question des monuments historiques dans les secteurs sauvegardés se pose comme partout ailleurs. Mais, là, il y a une dimension d'appui aux particuliers. Je pense que, par ses interventions, l'ANAH pourrait apporter un soutien beaucoup plus important. Il y a un énorme travail à réaliser sur les espaces publics.
Tout cela est à l'oeuvre. Désormais, les villes sont véritablement demandeurs de cette politique, alors qu'elles la ressentaient auparavant comme une contrainte. L'attitude des villes a totalement basculé. Mais, dès lors, des moyens, notamment des moyens d'étude, sont nécessaires. Cela ne représente pas des sommes considérables. Dans les redéploiements que vous envisagez de faire à partir des investissements, vous pourriez penser au budget d'étude et d'animation. Ce serait très utile pour mener à bien ces politiques.
Monsieur le ministre, le rayonnement international de cette politique des secteurs sauvegardés est incontestable. L'ambassadeur de France auprès de l'UNESCO vous en a d'ailleurs récemment parlé.
Le Centre du patrimoine mondial s'est fortement intéressé à elle. Il a ainsi demandé à la France de travailler avec l'UNESCO au développement des procédures mises en place en France, dans le monde entier. Votre ministère doit continuer à soutenir cette action, en relation avec d'autres ministères qui sont bien évidemment concernés par le sujet. Tel est le cas du ministère de l'équipement, du ministère de l'environnement, du ministère des affaires étrangères.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation des métiers, des métiers de l'architecture en général, mais plus particulièrement des métiers liés aux politiques des centres historiques. Ces métiers exigent à la fois une bonne connaissance du patrimoine et une bonne connaissance de l'urbanisme et de la création architecturale.
On pourrait imaginer de développer, dans la future école de Chaillot, qui sera rattachée à la Cité de l'architecture et du patrimoine, des formations qui nous font incontestablement défaut aujourd'hui.
Voilà toute une série de questions qui s'articulent autour d'un thème central, sur lesquelles je souhaiterais connaître votre avis, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur vous avez à juste titre rappelé l'importance de l'école de Chaillot. Rattachée à la Cité de l'architecture et du patrimoine, elle pourra déployer son activité pédagogique dans un cadre adapté, autour de deux grands pôles d'activités : le patrimoine, donc la référence au passé, et la création architecturale, c'est-à-dire l'ancrage dans la réalité.
Il faut d'ailleurs, une fois pour toutes, cesser d'opposer création et patrimoine, passé et présent. Tout cela s'intègre dans la même préoccupation de qualité et d'identité. En tout cas, l'école de Chaillot occupera une place importante dans ce dispositif.
Vous avez également eu raison de souligner à quel point le traitement du tissu urbain, des centres-villes, des secteurs protégés, est essentiel.
Nous n'avons pas encore suffisamment pris la mesure de l'attachement de nos concitoyens à ce qui constitue une bonne part de leur identité culturelle, à ce qui constitue pour la société un facteur puissant d'identification, à ce qui constitue pour nombre de nos villes un facteur d'attractivité.
Il y a une économie du patrimoine ; il y a une politique du patrimoine urbain.
On insiste régulièrement sur le fait que notre pays est l'une des principales destinations touristiques du monde. Cette situation, dont les répercussions économiques sont considérables, doit beaucoup à l'attractivité de nos grandes villes, certes, mais également, dans beaucoup de régions, à celle de nos villes moyennes, voire de nos petites communes.
Le patrimoine architectural et urbain de nos centres-villes mérite une attention toute particulière. La politique qui s'y applique trouve ses racines dans la naissance même des politiques culturelles de la Ve République, notamment dans l'action et les initiatives d'André Malraux, initiateur des secteurs sauvegardés.
Il existe aujourd'hui près d'une centaine de secteurs sauvegardés, couvrant près de 6 000 hectares et abritant environ 800 000 habitants.
Nous souhaitons naturellement renforcer cette politique de protection en veillant bien à ce que les collectivités locales, notamment les communes, y soient systématiquement associées de la façon la plus radicale. L'évolution de ces secteurs sauvegardés doit être considérée avec intelligence, ce qui ne veut pas dire avec négligence, sous l'angle de l'identité et du respect du patrimoine. Cette politique est incontestablement, pour notre ministère et pour sa direction de l'architecture et du patrimoine, un secteur d'engagement prioritaire.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture et figurant aux états B et C.

ÉTAT B



M. le président. « Titre III : 63 343 637 euros. »