SEANCE DU 2 DECEMBRE 2002
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'industrie.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Clouet,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le
ministre, mes chers collègues, nous avons assisté ces dernières années à la
disparition progressive de ce qui fut le ministère de l'industrie.
Le bas de la courbe a été atteint avec le premier gouvernement de M.
Jean-Pierre Raffarin, qui ne comportait pas de ministère de l'industrie.
Heureusement, le second, grâce à vous, madame, a retrouvé un ministre, même
s'il n'a pas pour autant retrouvé un budget, mais nous y reviendrons.
Au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le
ministre de l'industrie a sous son autorité quatre directions, dont trois
seulement sont générales. On ne comprend guère pourquoi, mais c'est ainsi !
Il s'agit tout d'abord de la direction générale de l'énergie et des matières
premières, qui supervisait le nucléaire jusqu'en février 2002, date à laquelle
elle a perdu le contrôle de la sécurité. Cette direction est également
compétente pour les hydrocarbures, le gaz, l'électricité, le charbon et les
énergies renouvelables.
Il s'agit ensuite de la direction générale de l'industrie, des technologies,
de l'information et des postes. On peut, là aussi, se demander ce que font les
postes au sein du ministère de l'industrie !
Il s'agit encore de la direction - cette fois - non générale, elle, de
l'action régionale et de la petite et moyenne industrie.
Enfin, le 22 février dernier a été créée une nouvelle direction générale de la
sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui assure le contrôle de la sûreté
nucléaire et de la radioprotection, hors défense.
De surcroît existent dans les régions les directions régionales de
l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, placées sous
l'autorité conjointe de Mme la ministre déléguée à l'industrie et de Mme la
ministre de l'écologie et du développement durable.
Voilà pour la structure administrative.
J'en viens à la présentation financière.
Ainsi que je l'ai précisé, il n'y a pas de budget. Pour trouver les crédits
alloués au ministère de l'industrie, il faut fouiller dans les agrégats : on
finit par trouver un agrégat 21, puis un agrégat 22, suivis d'un agrégat 23 et,
enfin, d'un agrégat 24, auxquels s'ajoute l'agrégat mixte 18, créé cette
année.
L'agrégat 18 concerne les services de l'action régionale pour la sécurité et
la compétitivité industrielles ; l'agrégat 21, l'énergie, hors charbon ;
l'agrégat 22, les PMI, la recherche et l'innovation ; l'agrégat 23, la
formation, les télécommunications et « divers ». Ce mot : « divers » pourrait
être employé plus souvent dans cette liste d'agrégats, tant leur contenu,
effectivement, est bien divers !
Enfin, l'agrégat 24 concerne les reconversions et les restructurations.
Au total, les quatre agrégats purement industriels représentent 2,5 milliards
d'euros.
Si l'on tente - exercice habituel - d'établir une comparaison d'une année sur
l'autre, on relève, en valeur absolue, une augmentation de 7 %. Il est
cependant difficile d'accorder une signification précise à ce chiffre, car les
agrégats du ministère de l'industrie multiplient les reports et les
annulations, si bien que l'on est à peu près certain de ne pas trouver à la
sortie ce que l'on avait enregistré à l'entrée.
L'exemple le plus frappant en est donné par l'affectation au budget de
l'industrie de 200 millions d'euros se substituant à l'impôt sur le revenu des
personnes physiques pour alimenter l'Institut français du pétrole. Hormis cette
somme, l'augmentation atteint 1,6 % : elle est donc à peu près équivalente à
celle que l'on constate pour un grand nombre de budgets.
Votre budget, madame le ministre, est très « plombé », si j'ose m'exprimer
ainsi, par le poids de l'énergie : aux Charbonnages de France sont affectés 444
millions d'euros, et 428 millions d'euros au Commissariat à l'énergie atomique,
le CEA. Les Charbonnages sont tournés vers le passé, alors que le CEA est
tourné vers l'avenir. Ensemble, ces deux organismes mobilisent entre 38 % et 40
% de vos crédits. Ce sont là les données les plus significatives.
Quelles autres variations méritent d'être signalées, outre les 200 millions
d'euros de l'Institut français du pétrole ?
A l'agrégat 22 figure une forte baisse - de 22 % - de la recherche
industrielle et de l'innovation, ce qui pourrait évidemment faire sursauter si
l'on ignorait que cet agrégat croule sous le poids des reports.
Autre variation intéressante : à la suite d'une décision prise à Bruxelles,
nous constatons la suppression des autorisations de programme des constructions
navales. On fait beaucoup de choses à Bruxelles, y compris supprimer les
autorisations de programme des constructions navales !
Il s'ensuit, dans ce même domaine, la reconduction des crédits de paiement.
S'agissant des autres aspects de ce projet de budget, il convient de se
reporter au rapport qui vous a été remis.
En conclusion, je soulignerai que cette accumulation de crédits disparates et
variant d'une année à l'autre ne saurait donner une véritable idée de l'apport
public à la politique industrielle de la France. Voilà plusieurs exercices que
je fais cette constatation, d'abord devant vos prédécesseurs, et maintenant
devant vous, madame la ministre, mais en vain. Il reste toujours à chiffrer la
participation des fonds publics à la politique industrielle de la France ;
peut-être l'année prochaine, si nous nous trouvons de nouveau face à face,
pourrez-vous enfin me donner une réponse ?
Ces crédits ont été approuvés, mais ce ne sont, encore une fois, que des
éléments du budget plus général du ministère des finances. C'est sur celui-ci
qu'interviendra le vote final.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson,
en remplacement de M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission
des affaires économiques et du Plan, pour l'industrie.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais présenter le
rapport sur les crédits consacrés à l'industrie en vous demandant de bien
vouloir excuser mon collègue Francis Grignon, qui est retenu à Strasbourg
aujourd'hui.
Les crédits consacrés à l'industrie dans le projet de loi de finances pour
2003 hors postes et télécommunications enregistrent une légère diminution de
1,66 % par rapport à 2002 et s'établissent à 1 830 millions d'euros. Les
autorisations de programme sont, en revanche, presque stables.
Toutefois, ce projet de budget a été élaboré avec l'ambition de renforcer la
compétitivité des entreprises françaises grâce à une politique active en faveur
de l'innovation et de la recherche.
Une attention toute particulière est donnée au soutien aux petites et moyennes
industries, et les capacités d'intervention en leur faveur sont maintenues à un
haut niveau en 2003, soit 236 millions d'euros. Ces actions sont désormais
intégralement contractualisées dans le cadre des contrats de plan
Etat-région.
Ce projet de budget vise également à accompagner les entreprises et les
régions victimes de sinistres industriels. Ainsi, les crédits accordés aux
restructurations industrielles enregistrent une hausse importante. En effet,
vous nous proposez, madame la ministre, un doublement de ces dotations.
Je voudrais maintenant faire quelques observations sur des secteurs
industriels spécifiques.
Par rapport à la situation difficile dans laquelle se trouvent les industries
du textile et de l'habillement, je voudrais me féliciter des mesures que vous
avez annoncées, madame la ministre, en faveur de ce secteur, à l'occasion de la
question orale avec débat posée par M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
Par ailleurs, l'industrie sidérurgique européenne est au coeur d'un conflit
commercial avec les Etats-Unis, du fait de la hausse des droits de douane
décidée par le gouvernement américain en mars dernier. L'Union européenne
avait, dans des délais remarquables, adopté un plan de riposte visant à
surtaxer toute une gamme de produits importés des Etats-Unis, même si ce plan
n'a pas trouvé à s'appliquer pour le moment. En outre, un contentieux est en
cours auprès de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce. Il devrait aboutir
au cours du printemps 2003. Il conviendra donc d'être vigilant à l'issue de ce
conflit.
Je dirai également un mot de l'industrie automobile et de l'évolution du
régime de la distribution en Europe.
La commission des affaires économiques a déjà eu l'occasion d'étudier ce
dossier en mai dernier, lors de l'examen de la proposition de résolution
déposée par notre collègue Francis Grignon. Malgré les démarches de la
commission des affaires économiques, la Commission européenne a très peu
infléchi sa position initiale.
L'examen de ce dossier a permis de voir que les pouvoirs de la Commission
européenne en matière de concurrence sont sûrement, en tout cas probablement,
disproportionnés. Il appartiendra à la Convention sur l'avenir de l'Union
européenne de prendre ce problème à bras le corps. En effet, il n'est pas
normal que l'avis des Etats membres, plus particulièrement des parlements, ne
soit pas pris en compte sur de tels sujets, qui peuvent engendrer des
conséquences dévastatrices, telle la fragilisation de l'industrie automobile,
dans ce secteur d'activité de première importance dans un pays comme la
France.
Sur la question des brevets, je précise simplement que l'accord de Londres,
qui devrait permettre une baisse du coût du brevet européen, devrait être
ratifié très prochainement. Il importera d'être attentif aux mesures qui seront
proposées pour accompagner cette ratification et qui viseront à soutenir le
dépôt de brevets par les entreprises et les centres de recherche.
Enfin, je souhaite dire un mot des actions prévues en faveur de la
normalisation et du développement de la qualité.
L'association française de normalisation est placée au coeur du système de
normalisation français. Elle est chargée d'une mission générale de recensement
des besoins en normes nouvelles et de représentation des intérêts français dans
les instances internationales de normalisation.
La définition des normes internationales et européennes constitue un enjeu
majeur dans la compétition économique de demain, car leur respect constitue le
meilleur gage de compétition loyale entre les entreprises.
Or l'influence française dans la définition des normes européennes et
internationales semble en perte de vitesse, même si un plan stratégique pour
l'AFNOR a été défini pour la période 2002-2005 afin de renforcer cette
influence. En effet, trop souvent les normes constituent des freins au
développement de l'activité de nos entreprises et de nos industries. Il
conviendra donc d'être attentif à l'évolution de cette question.
Compte tenu de tous ces éléments et des nouvelles orientations impulsées par
le Gouvernement en matière de politique industrielle, j'émets, mes chers
collègues, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, un avis
favorable pour l'adoption de ces crédits.
(Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je vous donne de nouveau la parole, monsieur Hérisson, pour présenter votre
rapport sur les technologies de l'information et de la poste.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les technologies de l'information et La Poste.
Je ne m'attarderai pas
sur l'examen des 437 millions d'euros que le projet de loi de finances pour
2003 prévoit, comme l'an passé et selon une présentation très éclatée, de
consacrer au secteur des postes et télécommunications.
La vraie nouveauté du budget pour 2003 est ailleurs : elle se trouve à
l'article 13 de la première partie du projet de loi de finances. Cet article
prévoit enfin, après cinq ans de promesses non tenues, de normaliser la
fiscalité locale de France Télécom, c'est-à-dire d'imposer l'entreprise pour
chaque établissement ou propriété.
Je souligne l'immense mérite de cet article qui met fin à une anomalie, à
savoir l'affectation directe au budget de l'Etat de recettes fiscales d'origine
locale. Il met aussi fin, sans alourdir pour autant la charge fiscale de
l'opérateur historique, à la distorsion de concurrence qui le pénalisait par
rapport à ses concurrents. En outre, le dispositif prévu à cet article
maintient le niveau de la péréquation.
Madame la ministre, je vous sais gré d'avoir engagé cette réforme. Toutefois,
en qualité de vice-président de l'Association des maires de France, je ne peux
pas céder à l'illusion du trompe-l'oeil puisqu'un impôt local continuera
d'alimenter indirectement les caisses de l'Etat.
En effet, l'Etat reprend d'une main ce qu'il rend de l'autre, alors même que
les collectivités subissent des transferts de charges considérables en matière
d'aménagement numérique du territoire. Il ne reste, évidemment, qu'à déplorer
que le précédent gouvernement ait laissé derrière lui les finances publiques
dans un état tel que le Gouvernement en soit réduit à neutraliser l'opération
pour le budget de l'Etat.
La faible incidence budgétaire des postes et télécommunications contraste avec
l'importance considérable de ces secteurs pour les clients, usagers et
contribuables.
J'évoquerai d'abord les fortes turbulences traversées par les acteurs du
secteur des télécommunications.
Je considérerai d'abord les opérateurs, au premier rang desquels l'opérateur
historique, dont le bilan est très dégradé - une dette colossale de 70
milliards d'euros, 12 milliards d'euros de provisions exceptionnelles - mais la
performance opérationnelle indéniable.
Afin de parer à la crise de financement qu'annoncent les fonds propres
négatifs, M. Thierry Breton finalise avec vous un plan de redressement, que
notre assemblée examinera de près, en étant tout spécialement attentive à ses
prolongements législatifs éventuels, ainsi qu'à son « euro-compatibilité ».
L'avance d'actionnaire de 9 milliards d'euros annoncée ce matin aura-t-elle la
bénédiction de Bruxelles ?
La situation des équipementiers de télécommunications est tout aussi
préoccupante et l'horizon fuyant de l'UMTS - universal mobile telecommunication
system - ne permet pas d'espérer une amélioration.
Pourtant, le marché des télécommunications a encore connu en 2001 une
croissance à deux chiffres, soutenue par les mobiles et par Internet.
Cependant, le développement des télécoms se trouve encore entravé : d'une
part, par l'enlisement du dégroupage, dont on peut espérer que la nouvelle
offre de référence de France Télécom permettra enfin de sortir ; d'autre part,
et sur un autre registre, par l'inquiétude croissante des populations quant aux
risques supposés de la téléphonie mobile pour la santé.
Enfin, ce développement doit être mis au service de l'aménagement du
territoire.
La proposition de loi sénatoriale, que je vous remercie d'avoir soutenue,
madame la ministre, est une étape importante vers la couverture en téléphonie
mobile des centres-bourgs et vers une meilleure couverture de l'ensemble du
territoire. Mais il nous faut également favoriser, peut-être en l'intégrant
dans le service universel, l'accès de tous au haut débit. Je salue à cet égard
l'impulsion donnée par le Premier ministre.
L'année 2002 aura également été décisive pour La Poste. Une nouvelle directive
européenne programme désormais l'ouverture à la concurrence en trois étapes :
2003, c'est-à-dire demain, puis 2006, enfin la libéralisation totale en 2009,
cette dernière étant à confirmer.
Or notre opérateur postal, avec lequel il nous faudra travailler dans le cadre
d'un contrat de plan qui permette une véritable modernisation sur le
territoire, n'a pas profité des années passées pour se préparer, enregistrant
même une perte pour l'exercice 2001.
Outre les échéances européennes, La Poste se trouve aussi devant la nécessité
de renégocier les accords Galmot, relatifs au service public de transport de la
presse. Surtout, c'est l'arrivée à échéance du contrat de plan entre l'Etat et
La Poste qui offre l'opportunité de moderniser cette entreprise publique, qui
est la première entreprise de main-d'oeuvre de notre territoire.
Il s'agit là d'un enjeu majeur pour l'avenir de cette grande entreprise
publique, qui doit retrouver un équilibre entre ses trois métiers que sont le
courrier, les activités financières et, bien évidemment, les services du
colis.
Dans cette perspective, je regrette que La Poste, entreprise de main-d'oeuvre
par excellence, se trouve exclue des mesures d'allégement de charges sociales
sur les salaires prévues par le projet de loi Fillon. Afin que le handicap
concurrentiel de La Poste ne se trouve pas aggravé, ce sujet devra être abordé
lors de la négociation du contrat de plan.
J'insiste, madame la ministre, sur l'importance décisive de ce contrat de
plan, qui devra être préparé sans précipitation et dans une grande transparence
avec le Parlement.
Vous savez que la commission des affaires économiques n'a pas attendu que La
Poste soit au pied du mur pour réclamer une grande loi d'orientation postale,
indispensable notamment pour régler le dossier des retraites et prévoir le
financement de l'aménagement postal du territoire. Je rappelle, à cet égard, le
rapport tout à fait remarquable du président de la commission des affaires
économiques, notre collègue Gérard Larcher.
Je conclurai en indiquant que la commission des affaires économiques et du
Plan a émis un avis favorable sur les crédits relatifs à La Poste et aux
technologies de l'information figurant dans le projet de budget pour 2003.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.
M. Roland Courteau,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'énergie.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, qu'il me soit tout d'abord permis de saluer le remarquable travail
effectué par mon prédécesseur, Jean Besson, en cette fonction de rapporteur.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Cette année, l'attention de notre commission des affaires économiques s'est
portée sur quatre sujets d'importance.
Le premier d'entre eux concerne la libéralisation des marchés énergétiques, au
sujet de laquelle le Sénat a, sur l'initiative de notre commission, adopté une
résolution. Si la commission des affaires économiques se félicite des résultats
du dernier Conseil des ministres de l'énergie, je ne peux, à titre personnel,
que vous faire part, madame la ministre, de mon inquiétude sur le processus de
libéralisation engagé.
Les exemples de libéralisation ayant abouti se multiplient, comme en
Californie, où le prix de l'énergie a augmenté de plus de 40 %, en Espagne, où
ont eu lieu de nombreuses coupures de courant et au Royaume-Uni, où plus de 85
000 particuliers ont saisi les autorités de la concurrence.
Je suis, à titre personnel, très inquiet des incidences de la libéralisation
sur le service public et la péréquation tarifaire, et ce n'est pas le rapport
intermédiaire de la Commission qui permettra aux autorités de « rectifier le
tir » en 2006 si le processus est, comme je le crois, mal engagé.
Je suis également préocupé par les conséquences de l'accès des tiers aux
stockages gaziers et par celles de la séparation juridique des opérateurs
historiques puisque aussi bien la possiblité d'exemption que vous avez obtenue
à Bruxelles devra être octroyée conjointement par les Quinze et par le
Parlement européen, ce qui n'est pas une mince affaire !
Autrement dit, l'accord du 25 septembre me déçoit, et il me surprend d'autant
plus que les conclusions du sommet de Barcelone, formulées en présence du
Président de la République et du Premier ministre d'alors, ne permettaient pas
de présager un tel revirement huit mois plus tard.
La commission des affaires économiques suit également avec la plus grande
attention deux dossiers qui intéressent EDF.
Il s'agit, d'une part, du processus de négociation qui permettra, nous le
souhaitons tous, de résoudre le problème que pose le financement des retraites.
A titre personnel, je souhaite vous dire, madame la ministre, combien je suis
attaché au maintien des droits acquis des salariés.
Il s'agit d'autre part, de la politique d'acquisition d'EDF à l'étranger, dont
nous croyons la réorientation nécessaire, car elle ne semble pas porter tous
les fruits que l'on en attendait, c'est le moins que l'on puisse dire.
Le troisième sujet dont je souhaiterais souligner l'importance cruciale
concerne les énergies renouvelables et la lutte contre le réchauffement
climatique.
La commission des affaires économiques est unanimement favorable au
développement des énergies renouvelables, afin que soient respectés les
engagements du protocole de Kyoto. Nous observons cependant avec préocccupation
l'accroissement régulier des émissions dues aux transports. Le recours, à
terme, à la technologie de la pile à combustible nous semble constituer un
motif d'espoir, même si, nous en sommes conscients, beaucoup reste à faire à
cet égard.
De même, la commission des affaires économiques à émis des réserves quant à
l'étendue de l'obligation d'achat telle qu'elle résulte de la loi du 10 février
2001, considérant que son champ est trop large.
A titre personnel, je demeure pourtant convaincu que le développement de la
petite hydro-électricité, de l'énergie solaire et de l'énergie éolienne est
conditionné par l'existence d'une obligation d'achat.
Plusieurs de mes collègues ont également fait part de leurs préoccupations
s'agissant de l'évolution des crédits de l'Agence de l'environnement et de la
maîtrise de l'énergie, l'ADEME. Ils souhaiteraient obtenir des assurances sur
le devenir de ces crédits et le maintien de la contribution de l'Etat à cette
agence.
Dernier sujet important : le nucléaire. Vous le savez, mes chers collègues, la
commission des affaires économiques considère qu'il n'existe pas, pour le
moment, d'alternative à la production d'électricité nucléaire pour notre pays.
Cependant, le renforcement de la sûreté et de la transparence des procédures
constitue la condition
sine qua non
de l'acceptabilité sociale de
l'énergie nucléaire. C'est pourquoi nous considérons qu'il est nécessaire
d'examiner dès que possible le projet de loi sur la transparence nucléaire et
de faire le point sur le problème de la gestion des déchets ainsi que sur les
trois axes de recherche en cours.
La commission a noté avec satisfaction que, pour assurer l'avenir, la France
avait également constitué différents fonds destinés au démantèlement des
installations nucléaires.
Nous savons qu'une directive sur la transparence est également en cours de
discussion à Bruxelles. Nous souhaiterions obtenir des assurances sur le fait
qu'il n'en résultera pas une diminution globale des garanties dont disposent
actuellement nos concitoyens du fait de l'existence, en France, d'un système de
sécurité nucléaire, qui a d'ailleurs été récemment clarifié et renforcé.
La commission des affaires économiques estime enfin que, pour préparer
l'avenir, il est souhaitable d'engager dès que possible l'industrialisation
d'un réacteur de nouvelle génération de type EPR, susceptible d'améliorer la
sûreté en divisant par dix les risques de fusion du coeur.
Mes chers collègues, contrairement à son rapporteur pour avis qui, vous n'en
serez pas surpris, compte tenu de tous les motifs d'inquiétude qu'il a évoqués,
lui proposait de rejeter les crédits de l'énergie figurant dans le présent
projet de loi de finances, la commission des affaires économiques et du Plan a
émis un avis favorable sur l'adoption de ces mêmes crédits.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel.
Madame la ministre, la discussion budgétaire nous donne l'occasion non
seulement d'analyser vos propositions contenues dans le projet de loi pour 2003
mais aussi de débattre utilement des importantes questions d'actualité qui
concernent votre département ministériel.
A périmètre constant, les crédits de l'industrie pour 2003 sont en baisse par
rapport au budget précédent, de 1,62 % pour les dépenses ordinaires et les
crédits de paiement et de 0,41 % pour les autorisations de programme.
Les dotations consacrées à La Poste et aux télécommunications sont en baisse
de 0,2 % par rapport à 2002. Ces dotations, il est bon de rappeler, avaient
connu une progression de 4,6 % en 2000, de 1,6 % en 2001 et de 2,2 % en 2002.
Quelles grandes tendances peut-on dégager de ces chiffres ?
Dans le domaine de l'énergie, le budget est marqué par une priorité affichée à
l'ouverture des marchés énergétiques.
La forte augmentation des crédits attribués à la commission de régulation de
l'électricité s'explique évidemment par l'extension de ses compétences au
secteur gazier, mais on y devine aussi la volonté politique d'accélérer
l'ouverture à la concurrence des marchés électrique et gazier. J'y
reviendrai.
L'ADEME est traitée de manière paradoxale. Vous lui accordez, madame la
ministre, une augmentation importante de crédits pour soutenir les efforts en
faveur des énergies renouvelables, mais votre collègue ministre de l'écologie
et du développement durable opère une réduction drastique de ses moyens.
Au bout du compte, les capacités d'engagement de l'ADEME en 2003 seront ainsi
inférieures de 30 % aux moyens accordés en 2002, ce qui inquiète à juste titre
les élus en charge de la gestion des déchets.
Les crédits destinés à financer les études portant sur la sûreté nucléaire et
la radioprotection chutent de façon importante.
Nous avons aussi noté l'apparente stabilisation des crédits consacrés aux
restructurations industrielles : on observe à la fois une croissance des moyens
affectés aux reconversions et restructurations et une diminution très forte des
crédits consacrés à l'« après-mines » et au fonds d'industrialisation de la
Lorraine.
L'un des éléments clés du budget de l'industrie est le chapitre 66-01,
consacré au développement de la recherche et de l'innovation.
Nous devons déplorer que les dotations allouées à ce chapitre reculent, tant
en crédits de paiement qu'en autorisations de programme, alors qu'elles sont
appelées à financer les pôles de compétence que sont, par exemple, les
biotechnologies, les entreprises médianes, la société de l'information.
Un constat similaire s'impose pour les crédits soutenant l'investissement des
PME. Nous relevons là un manque d'ambition, une stratégie qui peut conduire au
sacrifice de l'avenir.
Dans ce budget, les écoles d'ingénieurs, l'Ecole des mines en particulier,
tirent leur épingle du jeu, ce dont nous nous félicitons.
Pour ce qui est des dotations consacrées à La Poste et aux télécommunications,
trois lignes budgétaires retiennent notre attention.
Tout d'abord, les aides au transport de la presse mobilisent 66 % des crédits
réservés à La Poste et aux télécommunications, elles sont maintenues au niveau
de 2002, soit près de 290 millions d'euros. Il s'agit là d'un point clé dans
les relations entre La Poste et l'Etat.
Le futur contrat entre ces deux partenaires pourra-t-il laisser le soutien de
l'Etat à ce niveau, alors que La Poste évalue le coût du service rendu à 800
millions d'euros ?
S'agissant, ensuite, des crédits en faveur des administrations et autorités
des postes et télécommunications, vous avez proposé d'accroître de manière
significative les moyens alloués à l'autorité de régulation des
télécommunications, l'ART, répondant ainsi à une attente affirmée de ladite
autorité. Cependant, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à
réduire de 100 000 euros les crédits inscrits à ce titre.
Ce qui me paraît surtout important, c'est que cette discussion budgétaire vous
amène, madame la ministre, à prendre une position claire, que beaucoup
attendent : envisagez-vous, oui ou non, d'étendre les compétences de l'ART à la
régulation postale ?
La dotation de la commission supérieure du service public de La Poste et des
télécommunications est simplement reconduite pour la troisième année
consécutive.
Le nouveau président de cette commission, que je salue, a de légitimes
ambitions de travail et il saura, j'en suis sûr, vous convaincre, madame la
ministre, de la nécessité de revoir à l'avenir cette dotation à la hausse.
En ce qui concerne l'effort budgétaire en faveur des écoles de
télécommunications, qui a été continu de 1997 à 2002, il marque le pas cette
année.
Au cours de la précédente législature, les subventions de l'Etat sont passées
de 62,9 millions à 89,7 millions d'euros, soit une hausse de 42 %.
L'objectif était d'augmenter le nombre de diplômes délivrés par le groupe des
écoles de télécommunications, le GET, pour qu'il atteigne 1 500 par an, et de
faire passer de 400 à 600 le nombre des chercheurs-enseignants du GET.
Madame la ministre, partagez-vous cette ambition ? Quelle est, dans ce
domaine, votre « feuille de route » pour la présente législature ?
Je souhaite à présent dépasser le cadre budgétaire et m'arrêter sur les
questions d'actualité qui placent votre ministère en première ligne, comme cela
a été rarement le cas auparavant.
Nous nous trouvons en effet face à des enjeux qui mobilisent les acteurs
politiques, économiques et sociaux. Vous me permettrez de relever ceux qui me
paraissent les plus saillants : les restructurations industrielles et les
licenciements économiques massifs ; la diffusion de l'innovation dans les
entreprises ; EDF-GDF ; le domaine des télécommunications et La Poste.
Ces dossiers suscitent des attentes, des interrogations, qui appellent des
clarifications, des prises de position.
Madame la ministre, de nombreuses questions vous ont été posées sur ces thèmes
lors du débat budgétaire qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale. Vous y avez
parfois apporté des réponses, mais certaines sont restées incomplètes.
Le Gouvernement a annoncé une loi d'orientation sur l'énergie, des mesures en
faveur de l'innovation, ainsi qu'un plan d'accompagnement pour France
Télécom.
Nous salivons d'impatience, madame la ministre, une impatience que vous devez
comprendre.
On pourrait faire un parallèle osé en rappelant, à ceux qui sont passionnés
par ces problèmes, la phrase célèbre : « Le meilleur moment de l'amour, c'est
quand on monte l'escalier. »
(Sourires.)
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Clemenceau !
M. Pierre-Yvon Trémel.
Mais nous sommes déjà dans l'antichambre, et je m'autorise à vous poser des
questions précises sur lesquelles vous saurez certainement m'apporter des
éléments d'information concrets.
S'agissant tout d'abord des restructurations industrielles, le service
statistique du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité
a recensé, sur les dix dernières années, 3,5 millions de licenciements
économiques, dont 208 000 pour les trois premiers mois de l'année 2002.
Quels moyens préconisez-vous, madame la ministre, au regard des rapports qui
ont été établis par MM. Aubert et Viet, pour essayer d'anticiper les mutations
structurelles des entreprises ?
S'agissant ensuite de l'avenir d'EDF et de GDF, notre débat ne peut bien sûr
se dérouler sans évoquer « l'après 25 novembre ».
Vous avez estimé que nous étions « parvenus à un compromis global acceptable
pour tous les Etats membres, y compris la France ». Nous ne partageons ni votre
conclusion... ni votre optimisme.
Nous attendons, madame la ministre, que vous nous disiez comment il sera
possible de sauvegarder la péréquation tarifaire, de gérer la situation de 67
000 personnes travaillant au sein d'EDF-GDF Services, et de garantir que cette
libéralisation entraînera l'obtention d'un service équivalent et de meilleurs
prix pour les entreprises et pour les ménages.
J'en viens au secteur des télécommunications : l'urgence, c'est le plan de
sauvetage de France Télécom.
Peut-être, madame la ministre, pourrez-vous nous en dire un peu plus,
aujourd'hui, sur l'implication de l'Etat et sur l'emploi au sein de France
Télécom.
L'urgence, c'est aussi la nécessité de trouver une issue à la grave crise
traversée par le secteur des télécommunications.
Opérateurs et équipementiers vivent une période noire depuis plusieurs mois,
sans signe de reprise à court terme.
La Bretagne, la région de Lannion, en particulier, est au bord de l'asphyxie :
1 700 suppressions d'emplois.
Comment comptez-vous passer aux actes, madame la ministre, pour relancer
l'investissement ?
Nous sommes tous d'accord sur les analyses concernant la fracture numérique,
et la nécessité de relance du haut débit. Nous souhaiterions avoir des signes
concrets de cette volonté dans les semaines et les mois qui viennent.
Je veux, enfin, redire combien nous attendons la sortie du contrat d'objectifs
entre La Poste et l'Etat. La Poste est confrontée à des mutations profondes et
nous souhaitons connaître les orientations stratégiques du Gouvernement face à
des problèmes récurrents comme le financement des missions de service public,
le financement des retraites des postiers ou l'élargissement des services
financiers.
Le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques de
l'Assemblée nationale qualifie ce budget de « budget serré sans être sacrifié »
; quant à son collègue rapporteur spécial de la commission des finances, il
estime que « dans ce budget, il y a ce qui se voit et il y a ce qui ne se voit
pas ».
Ce qui se voit, madame la ministre, c'est le sacrifice de l'avenir et
l'absence d'ambition dans une conjoncture difficile.
Ce qui ne se voit pas, ce sont les signes, les pistes pour répondre aux grands
enjeux devant lesquels sont placés nos entreprises et nos services publics.
Le groupe socialiste, qui aurait souhaité voir d'autres choix, se prononcera
donc contre l'adoption de votre projet de budget.
(Applaudissements sur les
travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est à la
place de mon collègue et ami M. Yves Coquelle, qui, habituellement, intervient
sur ce budget pour le groupe communiste républicain et citoyen, que je ferai
cette intervention.
C'est dans une conjoncture industrielle particulièrement déprimée que nous
devons aujourd'hui débattre du projet de budget de l'industrie.
D'après les indicateurs de l'INSEE, le moral de nos industriels est au plus
bas : ils prévoient ainsi, pour 2002, une diminution de leurs investissements
de 7 %. Dans l'industrie manufacturière, la chute est encore plus marquée
puisqu'elle atteint 9 %. Cette contraction de l'activité industrielle, outre
son côté inquiétant étant donné la faiblesse des taux d'intérêt, a évidemment
des répercussions dans le domaine des services, par le biais notamment du
secteur des services aux entreprises.
Plus globalement, à travers des effets de transmission, c'est l'ensemble de
l'activité économique qui est touchée, démentant de manière flagrante les
prévisions de croissance affichées par l'ensemble des conjoncturistes et par le
Gouvernement.
Les conséquences sont immédiatement visibles : les plans de restructuration se
multiplient, infléchissant à la hausse la courbe du chômage. De source
syndicale, les plans sociaux recensés entre le 15 septembre et le 15 octobre ne
concerneraient pas moins de 40 000 personnes. Et l'on sait que, depuis cette
date, la liste s'est encore allongée. L'INSEE, quant à lui, annonce pour les
quatre derniers mois de l'année 80 000 demandeurs d'emploi supplémentaires.
Cette situation pèsera inévitablement sur la consommation et, en retour, sur la
croissance économique.
Or, loin de tenter de contenir cette hémorragie d'emplois, le Gouvernement
veut, au contraire, supprimer les dispositifs de la loi de modernisation
sociale qui auraient pu constituer encore quelques ultimes obstacles aux
pratiques actuelles qui font de l'emploi la variable d'ajustement. Pis : il
s'évertue, semble-t-il, à assouplir encore le peu de contraintes qui pèseraient
en ce domaine sur les entreprises.
Au plus haut de l'euphorie boursière, certaines entreprises comme Danone ou
Michelin, affichant pourtant des profits confortables, multipliaient les plans
sociaux. Aujourd'hui, de nombreuses entreprises licencient sous prétexte de
débâcle financière.
Après nos vieilles industries du textile ou de la sidérurgie, ce sont nos
industries de pointe, de haute technologie, au premier rang desquelles figurent
celles des technologies de communication, qui licencient massivement.
En septembre dernier, Alcatel annonçait son intention de supprimer 10 000
nouveaux emplois entre la fin de l'année 2002 et le début de l'année 2003.
Selon son P-DG, la nécessité de réduire de 30 % ses coûts par rapport à 2002
devait conduire le groupe à se recentrer sur ses usines à forte valeur ajoutée,
riches en innovations de produits, et à externaliser les autres sites de
production. Il précisait : « Malheureusement, cela se traduit par des
suppressions d'emplois importantes, car nous sommes une entreprise de
main-d'oeuvre intellectuelle. »
Autrement dit, il s'agissait cette fois de licencier du personnel formé et
qualifié. Le développement de la sous-traitance, qui permet de réduire
drastiquement les coûts en économisant sur la masse salariale, en grignotant
les statuts du personnel, en multipliant les contrats précaires, bref, en
flexibilisant l'outil de production et la main-d'oeuvre, donne la clé de
lecture du concept, pour le moins inquiétant, d'« entreprises sans usines ».
La situation, madame la ministre, est extrêmement grave !
Elle est amplement révélatrice de l'échec d'une politique qui s'en remet
aveuglément aux seules forces du marché, de l'échec de votre politique
d'incitations fiscales et de réduction des charges sociales qui, outre qu'elle
met en danger notre système de sécurité sociale, nous engage sur la voie d'une
croissance particulièrement faible et instable, frôlant dangereusement la
récession.
Elle exige des mesures autrement plus volontaristes, à la hauteur d'une
véritable politique industrielle, dégagées des pressions qu'exercent sur elle
les marchés financiers, règne par excellence du court terme. Nous devons
réorienter les richesses créées et les profits vers les investissements
productifs, générateurs d'emplois et de revenus susceptibles d'alimenter la
consommation, plutôt que d'entretenir la spéculation et de favoriser les
multiples opérations de croissance externe réalisées, dans la plupart des cas,
sans réel projet industriel à la clé.
Or, si les autorisations de programme sont d'un montant comparable à celui de
2002, les crédits de l'industrie s'élèvent, eux, à 1,96 milliard d'euros, en
baisse de 1,6 %. Cette médiocrité budgétaire, entièrement soumise aux critères
du pacte de stabilité, vous oblige à une certaine sélectivité.
Certes, au rang de vos priorités figurent notamment la recherche et
l'innovation, ce qui est appréciable. Il n'en demeure pas moins que ces aides
destinées à conforter la compétitivité des entreprises seront largement
insuffisantes si elles ne sont pas complétées par des moyens de régulation
appropriés.
Or, précisément, vous souhaitez renforcer le rôle de la CRE, autorité dont
nous avons à maintes reprises dénoncé le caractère non démocratique. Cette
autorité affiche clairement ses intentions de pousser plus avant le processus
de déréglementation et d'ouverture à la concurrence, avec comme conséquence le
démantèlement des services publics énergétiques. Mais j'y reviendrai dans une
intervention portant sur le titre III, tout à l'heure.
Madame la ministre, le groupe communiste républicain et citoyen constate que
votre budget choisit le repli, la voie de la régression économique et sociale.
Nous le regrettons, et c'est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de votre
ministère pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans la mesure
où les différents rapporteurs ont exprimé à la fois leur approbation et leurs
suggestions - que je partage -, avec infiniment plus de compétence que je ne
pourrais le faire moi-même, je souhaiterais attirer votre attention sur un
certain nombre de préoccupations très fortes de nos concitoyens à l'égard de
l'évolution de notre politique industrielle.
Tout d'abord, comment ne pas évoquer, alors que les médias leur consacrent
chaque jour des commentaires aussi étoffés que parfois contradictoires, la
situation de La Poste, de France Télécom, de EDF et de GDF ?
Vous le savez, madame la ministre, les élus sont extrêmement attachés à la
présence des bureaux de poste sur notre territoire, à ce maillage exceptionnel
permis par 300 000 agents et 17 000 bureaux de poste répartis dans toute la
France. Les maires ont d'ailleurs à coeur de faciliter la poursuite de cette
implantation par la mise à disposition de locaux aussi bien dans les petites
communes rurales que dans les quartiers des grandes villes.
Bien évidemment, il s'agit pour l'entreprise d'une contrainte financière qui,
au même titre que le soutien au transport et à la distribution de la presse,
relève des obligations de service public et justifierait donc à la fois
évaluation et compensation intégrale. On ne peut en outre multiplier à l'infini
les charges et brider les virtualités.
Les services financiers de La Poste concourent notablement à son équilibre
économique sans oublier le rôle social et d'aménagement du territoire qu'ils
remplissent. De plus, ils ont un besoin urgent de diversification et
d'élargissement leur permettant de s'ouvrir à une nouvelle clientèle dont ils
ne peuvent satisfaire aujourd'hui la légitime exigence. Le moment paraît
opportun, alors que 2003 verra à la fois la signature d'un nouveau contrat de
plan et la poursuite de la libéralisation du courrier, de faire rimer, comme le
souhaite le Gouvernement, service public et compétitivité.
S'agissant de France Télécom, des 240 000 personnes employées par l'entreprise
et du caractère éminemment stratégique de son activité, on peut bien sûr
pleurer sur le lait renversé et sur le caractère abyssal d'une dette oscillant,
selon les évaluations des uns et des autres, entre 70 milliards et 80 milliards
d'euros - deux siècles du budget de la région Poitou-Charentes, avait, je
crois, relevé le Premier ministre dans une émission télévisée. Mais il importe
surtout de se poser deux questions. Comment en est-on arrivé là ? Quand et
comment va-t-on en sortir ?
S'agissant d'une entreprise dans laquelle les capitaux publics sont
majoritaires, il ne paraît guère douteux que des choix stratégiques très
lourds, comme l'achat d'Orange et d'une licence UMTS britannique, n'ont pas été
opérés dans un contexte de transparence adéquat et ils nous laissent perplexes
sur l'attitude de l'actionnaire majoritaire, c'est-à-dire l'Etat.
Il est plus qu'urgent que se mettent en place des moyens adaptés et rénovés de
gouvernance des entreprises publiques permettant d'éviter le renouvellement de
pareilles désillusions ou, à tout le moins, imposant que la puissance publique,
légitimée par le suffrage universel, prenne à l'avenir toutes ses
responsabilités pour des investissements de cette dimension.
Aujourd'hui, nous sommes demandeurs de scénarios réalistes de résorption de la
dette, limitant la « casse » pour le personnel et les petits actionnaires et
mobilisant la responsabilité de l'actionnaire majoritaire qu'est l'Etat. Il
convient, en outre, de faire vite, car il y aurait péril en la demeure,
d'autant plus que des enjeux particulièrement sensibles, comme le développement
du haut débit, ne peuvent guère attendre.
Enfin, car il faut bien se limiter à quelques exemples particulièrement
significatifs, la situation de EDF et GDF, si elle est loin d'inspirer les
mêmes inquiétudes, n'en suscite pas moins un certain nombre d'interrogations.
Vous avez vous-même tenu à rassurer le personnel, madame la ministre, en
déclarant devant l'Assemblée nationale que l'adaptation à la libéralisation de
ces deux grandes entreprises et l'ouverture minoritaire de leur capital ne
remettront en cause ni le statut des agents ni le système actuel de financement
des retraites.
Je voudrais cependant mettre l'accent sur un certain paradoxe dans l'évolution
des relations entre EDF et GDF.
En effet, dans le domaine industriel, le rapprochement initial entre les
services publics de l'électricité et du gaz fut, d'abord, le fruit d'une
volonté politique bien plus que d'une analyse économique. En 1946, alors que le
gaz était, à l'époque, une production purement locale, Marcel Paul proposa la
création d'un établissement public unique « EGF ». Puis, avec l'apparition du
gaz naturel dans les années cinquante, les deux entreprises se sont rapprochées
au point d'avoir aujourd'hui une grande partie de leur personnel en commun.
Enfin, depuis quelques années, une révolution technico-économique est apparue
dans le domaine énergétique avec la mise au point de turbines à gaz, permettant
de produire de l'électricité de manière très compétitive.
Or on voit aujourd'hui EDF afficher son ambition de devenir un « grand gazier
», en rachetant des sociétés étrangères dans ce domaine, tandis que, de son
côté, GDF recherche des partenariats auprès des pétroliers ou de Suez.
Pourquoi, précisément aujourd'hui, « détricoter » le maillage entre EDF et GDF,
alors que les synergies industrielles entre les deux entrepreneurs sont plus
fortes que jamais ?
Dans un tout autre ordre d'idées, permettez-moi, madame la ministre, de
réaffirmer clairement que c'est bien à l'Etat d'assumer son rôle de péréquation
et d'équité dans la prise en charge des pollutions héritées du passé industriel
et, sur ce point, je souhaite être rassuré quant à la diminution des crédits
liés à la gestion de « l'après-mines ».
Ainsi, lorsque les Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais ont arrêté
leurs activités, elles ont cessé d'assurer la maîtrise d'ouvrage du
fonctionnement des stations de pompage d'évacuation des eaux souterraines, mais
aussi des eaux de surface. Comme nous l'a récemment démontré, lors des assises
de la décentralisation de Lille, notre collègue député Christian Decocq, c'est
désormais un système hydraulique complet de l'ensemble de l'ancien bassin
minier qui doit être géré pour un coût de fonctionnement évalué à 70 millions
d'euros par an.
Il me semble profondément anormal que des négociations liées aux sorties de
concessions puissent imposer aux collectivités territoriales d'accepter le
transfert de la gestion de ces stations de pompage, quitte à en supporter à
tout jamais les charges de fonctionnement, contre une indemnité forfaitaire
limitée au coût de sept années dudit fonctionnement, sous prétexte qu'elle est
versée en une seule fois.
Dans une région comme le Nord - Pas-de-Calais, qui a tant fait pour la
reconstruction de notre pays et qui se relève des trois crises terribles du
charbon, de la sidérurgie et du textile, ce n'est pas du misérabilisme que
d'attendre de l'Etat qu'il assume la charge des pollutions de stock : sédiments
toxiques déposés dans le lit des rivières et canaux, pollution des sols sans
comparaison avec le nombre de sites concernés et conséquences des activités
charbonnières. Débarrassés de ces handicaps, nous pourrons parfaire la réussite
de notre reconversion.
En conclusion, je tiens à rappeler toute l'importance que le groupe du
Rassemblement pour la République accorde à la politique industrielle à l'égard
du tissu de nos PME et PMI et des créateurs d'entreprises. Nous faisons
totalement confiance au Gouvernement, et à vous-même, madame la ministre, pour
instaurer les conditions optimales à la liberté d'entreprendre et au
développement de l'investissement et de la croissance. C'est aussi en rénovant
l'environnement législatif, réglementaire et fiscal de nos entreprises, tout en
facilitant la recherche et l'innovation que nous gagnerons la bataille de
l'emploi.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma
contribution au débat portera sur deux points : le nucléaire et la place des
collectivités locales dans le marché européen de l'énergie.
S'agissant du nucléaire, j'affirme avec constance trois convictions : d'abord,
le nucléaire doit rester un pilier essentiel de notre politique énergétique ;
ensuite, il est impératif de poursuivre les recherches sur les réacteurs du
futur pour assurer le renouvellement de notre parc productif ; enfin, il est
tout aussi indispensable de garantir la sûreté des installations.
Les récentes décisions des Etats-Unis et de la Finlande témoignent de la
compétitivité d'une telle option après quinze ans d'un « hiver nucléaire » qui
aura touché presque tous les pays occidentaux, à l'exception de la France, il
convient de le souligner.
Notre pays a la chance de pouvoir s'appuyer sur le groupe Areva, leader
mondial en ce domaine. L'entreprise a mis au point le réacteur du futur, « EPR
», fruit d'une coopération entre Framatome et Siemens.
D'une puissance de 1 450 mégawatts, ce réacteur permettra de diviser par dix
les risques de fusion du coeur, et donc d'accroître en proportion inverse la
sécurité. Il permettra également d'optimiser le rendement du combustible.
Les études sont achevées depuis quatre ans, et il est vraiment impératif
d'engager la construction d'une centrale de référence. C'est un impératif pour
le renouvellement de notre parc ; c'est aussi un impératif industriel
majeur.
C'est pourquoi je souhaite vivement connaître, madame la ministre, vos
intentions et celles du Gouvernement, alors que vous annoncez la préparation
d'un projet de loi d'orientation sur l'énergie.
Le deuxième point de mon intervention concerne la place des collectivités
locales dans le marché européen de l'énergie. Nous connaissons, depuis le
récent conseil des ministres de l'énergie, le calendrier probable de
libéralisation du marché.
Je regrette, pour ma part, que le conseil des ministres s'oriente vers une
ouverture complète du marché, sachant que la clientèle des particuliers risque
d'être très fragilisée face aux puissants groupes qui vont dominer le marché
européen. Je redoute aussi un déséquilibre tarifaire important entre les zones
urbaines et les zones rurales.
En tout état de cause, les échéances annoncées nous laissent peu de temps.
L'heure est à l'action et, dans ce contexte d'ouverture complète, les
collectivités locales vont avoir à jouer un rôle déterminant pour faire valoir
les impératifs du service public et de l'aménagement du territoire.
Nous devons impérativement nous mettre en situation d'évoluer efficacement
dans ce périmètre européen dont les règles sont sensiblement différentes des
nôtres et qu'à vrai dire nous connaissons peu.
Pour être acteurs de ce marché et non pas le subir, nous devons à mon sens
travailler dans deux directions.
Premièrement, il faut harmoniser notre spécificité française avec la nouvelle
règle du jeu. Nous sommes les héritiers d'une conception du service public qui
nous permet de disposer d'un parc productif et d'un réseau solides et
performant. Les collectivités locales, le plus souvent regroupées à l'échelon
départemental, sont propriétaires d'un réseau de distribution de qualité et, de
plus, d'une qualité homogène en tout point du territoire, sous réserve, bien
entendu, de réaliser les extensions nécessaires.
Cela pourrait se faire grâce à une péréquation nationale concernant
l'investissement initial comme la maintenance et le renouvellement grâce au
régime du concessionnaire unique.
Si nous n'y prenons garde et si nous n'installons pas de solides verrous, cet
atout majeur risque de s'altérer bien rapidement.
N'oublions pas que, dans quelques mois, en 2004, 65 % du marché destiné aux
professionnels sera ouvert à la concurrence. Il est évident que cette ouverture
va générer une tension sur les prix, peut-être pas durable, mais certainement
suffisante pour détourner les opérateurs des missions non génératrices de
valeur ajoutée.
Pour prévenir une telle situation, je propose, tout d'abord, de conforter les
mécanismes publics de financement de l'électrification rurale, en prenant en
compte, notamment, la distinction désormais nécessaire entre acheminement et
fourniture dans les assiettes de calcul..
Je propose ensuite d'imposer aux distributeurs des cahiers des charges
rigoureux édictant des normes techniques impératives pour la construction, le
renouvellement, la fiabilisation des réseaux ou encore l'accueil et le service
des usagers. Il s'agit de garantir une péréquation non seulement des tarifs de
l'acheminement de l'électricité et du gaz, mais aussi la qualité du service en
tout point du territoire national.
Je propose enfin de reconnaître aux collectivités locales un véritable pouvoir
de contrôle et de sanction pour imposer le respect des obligations définies par
les cahiers des charges. Sans cette contrainte, ces obligations resteront
purement théoriques.
La deuxième direction dans laquelle nous devons travailler est de rechercher
les points de convergence avec ce qui se fait en Europe, en particulier en
matière d'association des collectivités locales à la protection des petits
consommateurs.
Les collectivités peuvent jouer un rôle essentiel, à condition de s'organiser,
d'imaginer des partenariats entre elles ou en économie mixte avec des
producteurs industriels, à condition que les instruments juridiques, en
particulier le code des marchés publics, s'adaptent à la spécificité de ce
marché.
Parmi les possibilités à explorer, je pense aux groupements d'achats à un
échelon probablement interdépartemental, ou régional, à l'organisation, le cas
échéant, d'un service public local de fourniture au profit des particuliers, ou
encore à des participations aux moyens de production, à des quotes-parts en
production ou en réservation d'énergie.
Soyons-en conscients, une telle démarche sera particulièrement difficile.
Ne perdons pas de vue aussi que l'énergie, en particulier l'électricité, n'est
pas une marchandise comme les autres. Outre les critères de prix, il conviendra
de prendre en compte la continuité de fourniture, l'adaptation aux variations
de la demande... Tout cela suppose des contrats d'alimentation intégrant durée
et pérennité de la ressource. Autant d'exigences difficiles à concilier avec le
code des marchés publics !
Je tenais, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à
vous livrer ces quelques réflexions complémentaires de celles de mon ami Trémel
qui sont aussi celles de la Fédération nationale des collectivités concédantes
et des régies.
Je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez prendre en compte ces
enjeux, pour faire évoluer, avec les ministres concernés, le cadre
institutionnel appelé à réglementer de telles procédures.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Madame la ministre, M. Jean Clouet a mis en
évidence, dans son rapport spécial, les conditions de financement de la dette
de Charbonnages de France et je souhaite revenir un instant sur ce point
particulier.
La Cour des comptes elle-même s'est interrogée sur les modalités de ce
financement. Charbonnages de France gère sa trésorerie, et sa dette atteint
aujourd'hui à peu près 5 milliards d'euros. Comme Charbonnages de France ne
jouit pas sur le marché d'une cotation du meilleur niveau, il en résulte une
pénalité que la Cour a estimée à 2 % voire 3 % d'intérêts supplémentaires.
Si l'Etat reprenait à sa charge cet endettement et le gérait lui-même
directement ou par un établissement de défaisance, il en résulterait sans doute
une économie de l'ordre de 15 millions d'euros.
Je me permets d'insister sur ce point et d'interroger le Gouvernement sur ses
intentions. Cette question a en effet un impact direct sur les finances
publiques.
Il ne faudrait pas, par inertie, accréditer l'idée que l'Etat accorde une
sorte de rente de situation aux prêteurs de Charbonnages de France. Il n'y a
d'ambiguïté pour personne, c'est l'Etat qui est garant du remboursement de
cette dette, il serait donc judicieux qu'il la gère directement et obtienne un
allégement de sa charge.
Au nom de la commission des finances, je vous serais reconnaissant, madame la
ministre, de nous apporter quelques précisions sur ce point.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée à l'industrie.
J'ai bien entendu la question posée par
M. le président de la commission des finances au nom de sa commission et je
souhaite immédiatement lui apporter une réponse positive.
Je puis vous assurer que le Gouvernement est tout à fait favorable au principe
de la reprise de la dette de Charbonnages de France par l'Etat.
Les modalités d'un tel transfert sont actuellement à l'étude.
Je tiens maintenant à remercier MM. les rapporteurs, Mme la sénatrice et MM.
les sénateurs de la qualité et de l'intérêt tout particulier de leurs
interventions. Je souhaite leur apporter les réponses les plus précises
possible.
Je puis d'emblée assurer les rapporteurs pour avis et le rapporteur spécial,
Jean Clouet, que, dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi organique
sur les lois de finances, nous chercherons, avec votre concours, à améliorer la
présentation des crédits du ministère de l'industrie dès l'année prochaine pour
qu'ils gagnent en lisibilité.
Autrement dit, si nous nous retrouvons l'année prochaine, je m'engage à aller
dans cette direction.
En attendant cet effort nécessaire de simplification, je vais tenter de
dégager la signification politique de ces lignes et de ces agrégats
budgétaires.
Le budget pour 2003 du ministère de l'industrie a pour ambition de favoriser
la compétitivité des entreprises françaises. En cela, nous cherchons à
atteindre cinq objectifs, que je rappelle brièvement : mettre en oeuvre une
politique énergétique indépendante, sûre et équilibrée ; donner aux entreprises
les moyens d'une croissance soutenue et durable par une politique active en
faveur des PMI, de l'innovation, de la recherche, du développement et de la
formation ; faciliter les mutations industrielles par une aide appropriée aux
entreprises et aux régions victimes de sinitres industriels ; préparer l'avenir
de La Poste et, enfin, favoriser le développement des télécommunications.
Dans un contexte budgétaire difficile - je n'ai pas besoin de le rappeler -
les crédits d'investissement, c'est-à-dire ceux qui permettent de préparer
l'avenir, sont stabilisés.
Par souci d'une gestion rigoureuse des deniers publics, les dépenses courantes
diminuent pour leur part de 1,1 % tout en permettant, grâce à l'utilisation des
soldes disponibles, le financement des actions prioritaires.
S'agissant de la mise en oeuvre d'une politique de l'énergie indépendante,
équilibrée et sûre, et sans détailler le contenu du projet de budget que vous
connaissez tous parfaitement, je souhaiterais insister, à l'instar du
rapporteur pour avis, M. Roland Courteau - même si nous divergeons sur les
objectifs retenus -, sur le fait que ce budget s'inscrit dans un ensemble plus
vaste de réformes qui visent à refonder la politique énergétique française face
à un monde qui change.
Nous vivons dans un monde plus ouvert. La libéralisation des marchés,
notamment ceux de l'énergie, se poursuit en effet partout dans le monde,
entraînant restructuration et création de grands ensembles régionaux.
Nous vivons dans un monde plus complexe et dans lequel les problèmes
environnementaux, liés notamment à l'effet de serre, se posent de manière
globale et deviennent un élément déterminant du dialogue Nord-Sud, comme le
Président de la République l'avait souligné au sommet de Johannesburg. Le
Gouvernement, vous le savez, considère que le développement durable est
désormais une priorité à laquelle nous avons d'ores et déjà consacré, jeudi
dernier, un séminaire réunissant tous les ministres.
Nous vivons enfin dans un monde plus incertain : les attentats du 11 septembre
2001 comme la tragédie permanente du Moyen-Orient ou les menaces d'une guerre
en Irak, même si le danger s'en est peu éloigné, démontrent bien que la
sécurité d'approvisionnement est une exigence d'une parfaite actualité.
Face à ces évolutions, le Gouvernement entend poursuivre et encadrer la
libéralisation des marchés de l'énergie en veillant à une coexistence
équilibrée entre concurrence et service public, dont je maintiens et affirme
qu'il est parfaitement possible de concilier les exigences !
Cette volonté gouvernementale est matérialisée dans le projet de loi sur les
marchés énergétiques que vous avez approuvé en première lecture, le 17 octobre,
et qui sera examiné à l'Assemblée nationale le 11 décembre prochain.
Par ailleurs, au plan européen, alors que la France était encore, voilà
quelques semaines, complètement isolée face à ses quatorze partenaires, nous
avons obtenu, lundi dernier, au conseil des ministres européens de l'énergie à
Bruxelles, un compromis qui établit un équilibre satisfaisant entre les
obligations de service public, la libéralisation progressive des marchés de
l'électricité et du gaz et les conditions de l'adaptation de nos entreprises
EDF et GDF pour qu'elles puissent pleinement tirer parti de leurs remarquables
atouts. Ce compromis ayant été trouvé, vous ne serez pas surpris, monsieur
Courteau, que je ne puisse partager votre analyse sur ce point.
En revanche, comme vous l'avez souligné, monsieur Besson, nous partageons la
même volonté de préserver un service public de qualité sur l'ensemble du
territoire dans des conditions de prix et de service identiques. A cet égard,
je dirai que jamais un texte communautaire n'a été aussi loin que celui que
nous avons approuvé à Bruxelles, lundi dernier, dans la reconnaissance des
missions de service public, vous le savez fort bien.
L'ouverture du marché aux ménages supposera de prendre des dispositions
nécessaires dans la loi de transposition du deuxième paquet de directives
européennes. J'ai bien noté, monsieur Besson, vos différentes remarques qui
viendront alimenter notre réflexion à cette occasion.
Notre deuxième objectif est de donner les moyens aux deux grandes entreprises
nationales EDF et GDF de s'adapter à cette libéralisation et d'en tirer le
meilleur profit, autrement dit, de devenir deux grandes entreprises
européennes.
Cela passe par une ouverture minoritaire de leur capital qui leur permettra,
d'une part, de nouer des alliances et, d'autre part, de réunir les capitaux
nécessaires à leur développement autrement que par un endettement au risque
difficilement maîtrisable, comme nous avons eu, hélas, l'occasion de le
constater dans le cas d'autres entreprises, qu'elles soient privées ou
publiques.
Cette évolution - je ne le dirai jamais assez - se fera évidemment sans
remettre en cause le statut des agents et en veillant à ce que le système
spécifique de financement des retraites reçoive les garanties nécessaires.
Troisième objectif : doter la France d'une loi d'orientation sur les énergies
qui définira et précisera, après un grand débat national qui se tiendra au
début de l'année prochaine, nos grandes options énergétiques en matière
nucléaire, en matière d'énergies renouvelables pour atteindre l'objectif prévu
par les textes européens de 21 % d'énergies renouvelables, en matière de
maîtrise de la sécurité d'approvisionnement de l'énergie.
Je sais la part active que d'ores et déjà, monsieur Besson, ainsi qu'un
certain nombre de vos collègues, vous êtes prêts à y apporter.
Par ailleurs, nous devons donner aux entreprises les moyens d'avoir une
croissance soutenue et durable en engageant une politique active en faveur de
l'innovation, de la recherche et du développement et de la formation.
Comme l'a très bien souligné M. Jean Clouet, l'innovation constitue un facteur
décisif de notre compétitivité.
La capacité de nos entreprises à innover et la diffusion des efforts de
recherche et de développement dans l'industrie sont en effet un facteur
déterminant de la croissance de notre économie. Au cours des dernières années,
nous avons constaté que plus de la moitié de la croissance dans les pays
développés est issue des secteurs innovants et de la diffusion de l'innovation
dans les entreprises.
Or, jusqu'à présent, nos efforts dans ce domaine sont restés, vous en
conviendrez, nettement insuffisants. En effet, les dépenses totales de
recherche et de développement représentent en France un peu moins de 2,2 % du
PIB, ce qui est inférieur à nos partenaires allemands, japonais, ou américains.
En réalité, les dépenses du secteur public sont comparables à celles de nos
partenaires, et ce sont les dépenses des entreprises privées qui sont
inférieures.
Nous devons donc trouver plus particulièrement les moyens d'aider et d'inciter
les entreprises à investir dans la recherche et le développement, ainsi que
dans l'innovation. L'Union européenne a retenu l'objectif de 3 % du PIB
consacrés à la recherche et au développement à l'horizon 2010 ; tel est aussi
l'objectif que le Président de la République nous a assigné, et que nous
tentons d'atteindre.
Dès mon arrivée au Gouvernement, j'ai lancé un important travail de réflexion
sur ce sujet au sein de mon ministère, avec le plein appui de M. Francis Mer,
du Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, et en liaison étroite avec Mme
Claudie Haigneré.
Plusieurs pistes sont en train d'être examinées. Elles découlent pour
l'essentiel des propositions formulées par les entreprises elles-mêmes ou par
leurs instances représentatives, car notre souci est d'apporter les réponses
les plus concrètes et les plus efficaces possible aux besoins qui ont été
exprimés par les professionnels issus du terrain. D'ici à quelques jours, je
serai en mesure de proposer une série d'actions visant à redynamiser
l'innovation dans les entreprises.
Les mesures envisagées vont constituer un soutien très important à ceux qui
apportent aux sociétés innovantes les moyens de se développer - il sera ainsi
créé un véhicule juridique et fiscal pour les « investisseurs providentiels » -
ainsi qu'aux « jeunes entreprises innovantes ».
Elles s'adresseront à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et
leur ancienneté, puisque celles-ci pourront bénéficier d'une puissante
rénovation du crédit impôt recherche.
Elles viseront enfin à simplifier les circuits d'aide à l'innovation par la
décentralisation et par la déconcentration, en confiant à l'ANVAR, l'Agence
nationale de valorisation de la recherche, un rôle de coordination accru dans
les territoires et à favoriser la valorisation de la recherche et du
développement dans les entreprises avec une série de mesures concrètes.
Globalement, le ministère consacrera près de 200 millions d'euros à la
formation d'ingénieurs.
En particulier, sur la base de propositions formulées en 2001 par un groupe de
travail composé d'industriels et d'enseignants, les écoles des mines mettront
en oeuvre, à compter de 2003, un nouveau plan d'orientation stratégique. Ce
plan permettra d'accroître encore la démarche d'ouverture des élèves ingénieurs
vers l'entreprise par la généralisation de l'entrepreneuriat, d'orienter la
recherche sur une anticipation des besoins des entreprises et d'accentuer
l'ouverture des écoles, au plan tant international que régional.
La poursuite, en 2003, de l'installation du centre de micro-électronique de
Gardanne s'inscrit dans la logique de ce plan de développement.
Par ailleurs, une plus grande coordination des actions des écoles sera
recherchée. Globalement, les écoles des mines bénéficient d'un budget de 100,5
millions d'euros, en augmentation de 4 % par rapport à 2002.
La dotation du groupement des écoles de télécommunication, le GET, augmentera
dans une proportion moindre, de l'ordre de 1,1 %, pour tenir compte du rythme
réel de son développement.
Une attention toute particulière sera portée aux PMI.
Les capacités d'intervention en faveur des PMI sont maintenues à un haut
niveau en 2003, à savoir 236 millions d'euros. Elles se décomposent en deux
rubriques principales.
D'une part, les crédits de l'ANVAR, dont le niveau est conforme aux
engagements prévus dans le contrat pluriannuel 2000-2003 de l'Agence,
permettront à celle-ci de réaliser les objectifs prioritaires qui lui ont été
assignés.
D'autre part, les actions en matière de développement des PMI et de diffusion
des technologies sont gérées au niveau régional et intégralement
contractualisées dans les contrats de plan Etat-région. Les crédits inscrits
dans le projet de loi de finances pour 2003 permettent de couvrir les
engagements pris.
Je partage pleinement le souci exprimé par M. le rapporteur spécial sur la
nécessité de soutenir les secteurs d'activité plus traditionnels comme, par
exemple, le textile. Comme vous le savez, j'ai eu l'occasion de m'exprimer à ce
sujet devant votre Haute Assemblée le 10 octobre dernier. A l'invitation de M.
le président Christian Poncelet, j'ai pu, le 4 novembre, comprendre mieux
encore les difficultés de ce secteur sur le terrain. Une série de mesures
adaptées à leur situation spécifique ont été - ou vont être - prises pour les
aider à réussir leur mutation.
De la même manière, je suis très attentive à deux secteurs évoqués par M.
Grignon dans son rapport.
Le premier concerne les produits sidérurgiques, qui ont été brutalement
confrontés au doublement des droits de douane décidé unilatéralement par le
gouvernement américain en mars dernier.
Dans ce dossier, la France a vigoureusement soutenu la position de fermeté
proposée par la Commission. Les mesures définitives de sauvegarde communautaire
sont désormais en vigueur pour trois ans. En ce qui concerne les mesures de
rétorsion, le Conseil a tenu compte des concessions américaines qui ont, de
fait, exonéré la moitié des exportations de produits européens. Globalement les
industries françaises et, plus largement, européennes ont accueilli
favorablement les choix de la Commission. C'est une manifestation de fermeté et
de cohésion communautaires dont nous pouvons nous féliciter. Nous souhaiterions
qu'elle soit exemplaire.
Ainsi, et en sens inverse, dans son rapport, M. Grignon a tout à fait raison
de souligner la grave préoccupation que suscite la décision de la Commission
relative au régime de la distribution automobile.
Il est vrai que, malgré de très nombreuses démarches, entreprises tant par le
Gouvernement que par la commission du Sénat, le commissaire Monti a très peu
infléchi sa position initiale. Il est cependant difficile d'apprécier
précisément l'ampleur des mutations que ce nouveau règlement va entraîner sur
les structures de vente et d'entretien des véhicules, en particulier au niveau
territorial.
D'une part, pour le consommateur, on peut s'attendre à un renforcement de la
convergence des prix hors taxe de vente de véhicules au sein de l'Union
européenne, mais il est difficile de présumer que celle-ci se produira à la
baisse, comme l'espère la Commission. Il est plus probable que les écarts de
fiscalité seront très clairement mis en évidence.
D'autre part, pour l'après-vente sont à prévoir un resserrement des réseaux
sur le plan géographique, une plus grande technicité, des services nouveaux -
information en ligne, formules forfaitaires d'entretien, interventions rapides,
etc. - et, enfin, une plus grande concurrence à terme en ce qui concerne le
prix des pièces de rechange.
Toutefois, les constructeurs automobiles français et européens estiment
aujourd'hui que ce nouveau règlement préserve tout de même l'essentiel, à
savoir la propre maîtrise de leurs réseaux. Or ce point est fondamental non
seulement pour la dynamique d'innovation et la politique d'entretien, mais
aussi la sécurité des automobilistes.
Sur un plan plus général, M. Hérisson a évoqué les perspectives de la
convention afin de réfléchir à un meilleur équilibre institutionnel et
politique. A titre personnel, je rejoins tout à fait la préoccupation qu'il a
exprimée.
Plusieurs intervenants ont insisté, à juste titre, sur l'action tout à fait
essentielle tendant à retrouver les moyens d'une politique dynamique en matière
de reconversion et de restructuration industrielles. Il s'agit là d'un axe
fondamental de la politique que je souhaite mener, qui concerne
l'accompagnement des mutations industrielles. Monsieur le rapporteur spécial
est intervenu à juste titre à ce sujet.
L'innovation technologique et la concurrence internationale nécessitent des
adaptations de plus en plus rapides de notre économie et de nos entreprises.
Certains secteurs, et certains bassins d'emplois, sont déjà et vont être, hélas
! à nouveau touchés par ces évolutions.
Notre politique dans ce domaine est de veiller d'abord à sauvegarder les
activités et les emplois qui peuvent l'être en travaillant en étroite liaison
avec le Comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI, et
les collectivités territoriales sur tous les dossiers d'entreprises en
difficulté. Mais notre intervention ne s'arrête pas là : nous veillons
également à favoriser, dans les bassins les plus touchés, les actions de
redéploiement industriel vers d'autres activités.
Les moyens de cette politique d'accompagnement et de redéploiement industriel
ont été prévus dans le projet de loi de finances pour 2003. Ils ont été doublés
par rapport à 2002, passant de 18,2 millions d'euros à 35 millions d'euros en
crédits de paiement. Cela concerne le fonds d'intervention sur la Lorraine, qui
obtient 15,38 millions d'euros ; monsieur Trémel, je ne suis pas d'accord avec
vos conclusions. Ces moyens seront bien sûr mis en oeuvre dans chacune des
régions, en étroite concertation avec les élus locaux. J'irai d'ailleurs sur le
terrain, partout où cela sera utile, pour m'en assurer.
J'en viens à l'avenir de La Poste. Messieurs les rapporteurs, mesdames,
messieurs les sénateurs, l'examen du budget du ministère est un moment
privilégié pour parler ensemble de l'avenir de La Poste. Vous l'avez souligné,
monsieur Hérisson, 2003 sera, il est vrai, une année importante pour La Poste,
qui verra la signature d'un nouveau contrat de plan avec l'Etat. Celui-ci sera
discuté et négocié à partir des propositions que le nouveau président de La
Poste, M. Jean-Paul Bailly, nous fera à la fin de l'année. Quels en sont les
principaux enjeux ?
A partir de 2003, une nouvelle étape de la libéralisation progressive du
courrier sera franchie. Le courrier d'un poids de plus de 100 grammes, contre
350 grammes aujourd'hui, pourra être ainsi être librement distribué.
Je partage naturellement la préoccupation de M. Hérisson sur la nécessité de
concilier la compétitivité de La Poste et l'accomplissement de ses missions de
service public.
A cet égard, je voudrais souligner que la direction européenne reconnaît les
missions de service universel fournies par La Poste. Cette orientation conforte
les missions actuelles de service public en France. Le Gouvernement y est
particulièrement attentif et veillera à l'amélioration constante de la qualité
de la distribution du courrier.
Ainsi, s'agissant des missions de service public, la loi en confie deux à La
Poste : la distribution du courrier six jours sur sept pour tous les Français
et toutes les entreprises, ainsi que le transport et la distribution de la
presse. Mais, au-delà du service public, La Poste exerce des missions d'intérêt
général pour la collectivité. Il s'agit de l'aménagement du territoire, de la
présence en zone urbaine sensible et de la gestion des livrets A pour le compte
des populations fragiles.
Comme vous, monsieur Lecerf, je suis particulièrement attachée, dans le cadre
de ces missions, à la présence de La Poste sur l'ensemble de notre territoire.
Il s'agit là d'un élément de la cohésion nationale et sociale que nous devons
absolument préserver.
(M. Joseph Ostermann applaudit.)
Le Gouvernement veille à ce que La Poste, service public auquel les Français
et nous-mêmes sommes très attachés, continue à être compétitive en se
modernisant pour offrir des services de qualité partout, à tous ses
utilisateurs et dans les meilleures conditions de coût. Il veille également à
ce que les évolutions soient menées dans le cadre d'un dialogue social de
grande qualité, d'une large concertation avec les organisations syndicales et
les personnels concernés.
L'accroissement de la part du courrier en concurrence ainsi que différentes
observations des autorités européennes me conduisent aujourd'hui à m'interroger
sur le dispositif pertinent de régulation du service postal.
Monsieur Trémel, le ministère travaille actuellement sur plusieurs dispositifs
de régulation possibles. Je ferai très prochainement des propositions sur ce
sujet à M. le Premier ministre et, le cas échéant, le Parlement pourrait être
amené à se prononcer.
Parmi les grands enjeux de l'année 2003, citons aussi la renégociation des
accords entre La Poste, l'Etat et la presse, car les accords précédents, dits
accords Galmot, ont expiré à la fin de l'année 2001. Ces accords concernant le
transport et la distribution de la presse représentent un enjeu considérable,
d'abord pour l'Etat, qui inscrit une contribution de 290 millions d'euros dans
le projet de loi de finances, ensuite pour La Poste, pour qui la presse
représente une part significative de son trafic et, enfin, pour la presse, à
qui la distribution postale permet de fidéliser les lecteurs abonnés.
Ces grands sujets feront partie du contrat de plan à venir de La Poste. Au
cours de l'année 2003, j'aurai l'occasion de m'exprimer sur les différentes
dispositions qu'il contiendra et de les mettre en perspective pour conforter
l'avenir de ce grand service public auquel les Français et le Gouvernement sont
très attachés.
Enfin, il convient de favoriser le développement des télécommunications.
Comme l'a souligné M. Hérisson, les télécommunications constituent un secteur
qui connaît de graves difficultés, mais qui reste tout à fait majeur dans notre
économie et qui conserve un potentiel important de croissance. Telle est la
conviction du Gouvernement, dont la politique a pour ambition de favoriser le
développement des télécommunications.
La croissance de ce marché est bien inférieure aux prévisions et les
entreprises sont dans une situation financière difficile, qui fragilise
notamment l'emploi. Il est bien connu que l'une des causes de cette situation
provient des lourdes ponctions que les différents Etats européens ont
effectuées sur les opérations de téléphonie mobile de troisième génération.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Très bien !
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Afin de renouer avec la croissance et le succès que
l'industrie européenne a connu avec le développement du GSM, le
Global
System for Mobile Communications
, le président de la République a transmis
tout récemment au président de la Commission européenne et au président en
exercice du Conseil européen quelques éléments de réflexion sur ce sujet et
tendant à faciliter le déploiement des réseaux du futur par les opérateurs et à
en assouplir les conditions d'exploitation, à mobiliser des aides européennes
au financement de la construction des réseaux, tels les fonds européens et la
Banque européenne d'investissement, et à financer des programmes de recherche
pour accélérer l'émergence de nouveaux services de télécommunications, par
exemple la vidéo.
Je me réjouis que ces suggestions françaises aient été mises à l'ordre du jour
du prochain Conseil des ministres européens des télécommunications, les 4 et 5
décembre prochain. Je serai tout à fait heureuse de soutenir devant ledit
Conseil ces propositions du Président de la République française.
En ce qui concerne France Télécom, je rappelle qu'il s'agit d'une très grande
entreprise, performante et essentielle pour la collectivité. Elle emploie 240
000 personnes. Elle connaît, chacun le sait, des difficultés financières liées
à des investissements hasardeux et mal menés au plus haut de la « bulle »
financière des télécommunications.
Le Gouvernement a pris la mesure de ces difficultés et entend les traiter avec
méthode et sans précipitation excessive, qui nuirait à l'entreprise.
M. Thierry Breton, le nouveau président, est à pied d'oeuvre depuis le 2
octobre dernier. Il a toute la compétence et l'expérience nécessaires et,
naturellement, toute la confiance du Gouvernement. Un conseil d'administration
de France Télécom se tiendra le 4 décembre prochain. A cette occasion, son
président présentera les conclusions de l'état des lieux qu'il a conduit depuis
son arrivée, ainsi que la stratégie et le plan de redressement qu'il propose
pour l'entreprise.
A cet égard, le renforcement des fonds propres de France Telecom est
indispensable à son rétablissement financier. Les modalités n'en sont pas
encore définitivement fixées. Elles devront être élaborées par l'entreprise en
liaison avec les actionnaires et les investisseurs. L'Etat soutiendra
financièrement cette opération, en jouant son rôle d'actionnaire dans le cadre
des règles communautaires. Comme l'a souligné M. Lecerf à juste titre, le
Gouvernement aura à coeur de prendre en compte, dans toute la mesure du
possible, la situation des actionnaires individuels et salariés.
En conclusion, je tiens à souligner que le projet de budget du ministère de
l'industrie pour 2003 a été construit sur un équilibre entre la nécessité de
gérer au mieux les crédits publics et la préservation de l'avenir. En effet, et
vous avez pu le constater, nos priorités portent sur la formation,
l'innovation, en particulier dans les PMI, le développement de secteurs majeurs
comme La Poste et les télécommunications et, enfin, la disponibilité d'une
énergie compétitive.
Cette politique s'inscrit dans la dimension européenne. En étroite
concertation avec mes homologues allemands, nous agissons pour que l'Union
européenne redevienne un territoire attractif pour le développement industriel.
Il s'agit non seulement de permettre aux secteurs porteurs comme les
biotechnologies ou les nouvelles techniques de l'information et de la
communication de réaliser tout leur potentiel, mais aussi de créer des
conditions plus favorables d'un développement de secteurs plus traditionnels,
constitués de dizaines de milliers d'entreprises, souvent familiales, et
employant des centaines de milliers de salariés.
Nous refusons toute fatalité qui condamnerait une grande partie de notre tissu
industriel. Notre politique, visant à libérer les énergies créatrices, devra
redonner à toutes nos entreprises industrielles, quels que soient leur taille
et leur secteur, un avenir et, surtout, une confiance dans l'avenir.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'industrie seront mis aux
voix aujourd'hui même, à la fin de l'examen des crédits affectés au commerce
extérieur.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 23 186 385 euros. »