SEANCE DU 10 DECEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 59
sexies.
- I. - L'article 315 du code général des impôts est
ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "et qui ne se livrent pas au commerce
des alcools dans le canton du lieu de distillation et les communes limitrophes
de ce canton" sont supprimés ;
« 2° Les troisième et quatrième alinéas sont supprimés.
« II. - Après les mots : "l'allocation en franchise, ", la fin de l'article
316 du même code est ainsi rédigée : "les propriétaires de vergers, fermiers,
métayers qui mettent en oeuvre des fruits frais provenant exclusivement de leur
récolte pour la distillation".
« III. - L'article 317 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
«
a)
Dans la première phrase, après les mots : "d'autres personnes que
leur conjoint survivant", sont insérés les mots : ", pour une durée de cinq
années à compter du 1er janvier 2003 " ;
«
b)
Dans la dernière phrase, après les mots : "Ce droit est également
maintenu", sont insérés les mots : ", pour une durée de cinq années à compter
du 1er janvier2003," ;
« 2° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les bouilleurs de cru, non titulaires de l'allocation en franchise,
bénéficient d'un droit réduit de 50 % du droit de consommation mentionné au 2°
du I de l'article 403 dans la limite d'une production de 10 litres d'alcool pur
par campagne, non commercialisables. » ;
« 3° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
«
a)
Après les mots : "En cas de métayage, l'allocation", sont insérés
les mots : "ou la réduction d'impôt" ;
«
b)
Les mots : "d'en rétrocéder une partie" sont remplacés par les
mots : "de rétrocéder une partie des alcools concernés" ;
«
c)
Après les mots : "dont celui-ci bénéficie en franchise", sont
insérés les mots : "ou au titre de la réduction d'impôt".
« IV. - Dans le premier alinéa de l'article 324 du même code, après les mots :
"en sus de l'allocation en franchise", sont insérés les mots : "ou de la
réduction d'impôt mentionnées à l'article 317".
« V. - Dans le premier alinéa de l'article 403 du même code, après les mots :
"En dehors de l'allocation en franchise", sont insérés les mots : "ou de la
réduction d'impôt mentionnées à l'article 317".
« VI. - Dans le premier alinéa de l'article 406 du même code, après les mots :
"à titre d'allocation familiale", sont insérés les mots : "ou de la réduction
d'impôt mentionnées à l'article 317". »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° II-138, présenté par M. Hérisson, est ainsi libellé :
« Supprimer le 1° du III de cet article. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° II-48 rectifié
bis
est présenté par M. Détraigne, Mmes
Férat, G. Gautier et Gourault, MM. Amoudry, Bécot, Hérisson, Zocchetto, Arnaud
et Moinard.
L'amendement n° II-52 rectifié est présenté par MM. Ostermann, Besse, Bizet,
de Broissia, César, Doublet, Eckenspieller, Flandre, Fournier, Hamel, Hoeffel,
Le Grand, Leroy, Murat, de Richemont, Rispat et Vasselle.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Aux paragraphes
a
) et
b
) du 1° du III de cet article,
remplacer les mots : "cinq années", par les mots : "dix années" ».
L'amendement n° II-138 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour défendre l'amendement n° II-48
rectifié
bis
.
M. Yves Détraigne.
L'article 59
sexies
, qui a été introduit par l'Assemblée nationale,
prévoit de faire bénéficier les bouilleurs de cru d'un droit réduit de 50 % ou
dans la limite d'une production de dix litres d'alcool pur, mais, en
contrepartie, il prévoit l'extinction de cette franchise à l'issue d'une
période de cinq ans à compter du 1er janvier 2003.
Si mon collègue M. Pierre Hérisson avait été présent, il aurait purement et
simplement proposé à notre assemblée de supprimer cette période transitoire de
cinq ans pour revenir au caractère inaliénable du « privilège », comme l'on dit
des bouilleurs de cru.
Suivi par un grand nombre de collègues qui ont cosigné cet amendement et par
d'autres encore qui ont signé l'amendement n° II-52 rectifié, je propose la
solution du juste milieu, à savoir que la période transitoire de cinq ans soit
portée à dix ans.
Quoi qu'il en soit, le nombre des bouilleurs de cru va s'amenuisant de manière
tout à fait naturelle. Porter la durée de ce privilège à dix ans ne va donc pas
à l'encontre de l'extinction progressive des ayants droit.
M. le président.
La parole est à M. Joseph Ostermann, pour défendre l'amendement n° II-52
rectifié.
M. Joseph Ostermann.
Cet amendement est identique à celui que vient de présenter M. Détraigne.
Je tiens tout d'abord à remercier le Gouvernement d'avoir abordé ce problème
avec autant de détermination.
L'amendement n° II - 52 rectifié vise à porter de cinq à dix ans la durée du
privilège des bouilleurs de cru. En 1992, nous comptions environ 410 000 ayants
droit ; aujourd'hui, ils sont environ 300 000 ; dans cinq ans, il n'en restera
que 100 000 et, dans dix ans, nous constaterons l'extinction naturelle de ce
droit.
J'estime donc que, pendant ces quelques années supplémentaires, les deux
privilèges pourraient se côtoyer.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comment rester insensible à ces plaidoyers compte
tenu de la qualité de ces produits familiaux issus de nos terroirs, qui
symbolisent un certain art de vivre à condition que l'on n'en abuse pas ?
(Marques d'approbation sur l'ensemble des travées.)
M. Détraigne ayant prôné non pas le maintien
ad vitam aeternam
de ce
dispositif, qui est prévu sur cinq ans, mais simplement saprolongation sur dix
ans, la commission des finances n'est pas défavorable à sa proposition. Elle ne
veut pas paraître excessivement rigoriste en toutes choses !
Nous souhaitons nous montrer équitables et modérés en ce domaine. Nous savons
bien que nombre de bénéficiaires de ce régime spécifique sont des personnes
âgées ayant relativement peu de moyens et que, dans un laps de temps qui ne
sera hélas ! pas très long, la diminution naturelle de leur nombre opérera ses
effets.
Dans ces conditions, l'amendement de M. Joseph Ostermann et celui de M. Yves
Détraigne nous semblent parfaitement raisonnables. La commission, bien sûr,
souhaiterait entendre le Gouvernement, mais elle a émis un avis de sagesse
favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
A l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'en est remis
à la sagesse dès lors que la mesure permettait de supprimer à terme le
privilège tout en conciliant la préservation de l'environnement grâce à
l'entretien des vergers et la simplification des formalités de suivi et de
contrôle administratifs.
La prorogation de l'allocation en franchise du droit de consommation pour une
durée de cinq ans supplémentaires modifierait l'équilibre qui avait été trouvé
à l'Assemblée nationale et irait à l'encontre des objectifs du Gouvernement. Je
prie la Haute Assemblée de bien vouloir prendre en compte le souci d'équilibre
du Gouvernement. Je sollicite aussi la compréhension des auteurs des deux
amendements et je leur demande de les retirer. A défaut, l'ancien sénateur du
bocage ornais que je suis sera dans la triste obligation d'émettre un avis
défavorable.
M. le président.
Monsieur Détraigne, l'amendement n° II-48 rectifié
bis
est-il maintenu
?
M. Yves Détraigne.
M. le ministre nous a dit qu'il s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée
nationale. M. le rapporteur général nous a indiqué qu'il s'en remettait à la
sagesse du Sénat. La sagesse de ce dernier valant bien celle de l'Assemblée
nationale, je maintiens l'amendement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est irrécusable !
M. le président.
Monsieur Ostermann, l'amendement n° II-52 est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann.
Cet amendement respecte l'équilibre financier. Je le maintiens donc, en
espérant que le Gouvernement sera compréhensif.
M. le président.
Il va boire le calice jusqu'à la lie !
(Sourires.)
La parole est à M.
Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret.
(L'orateur se dirige vers un micro situé au centre de l'hémicycle.)
Je
m'éloigne des travées socialistes pour dire que je suis favorable à ces deux
amendements identiques.
M. Gérard Braun.
Eh oui, la mirabelle de Lorraine !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret.
Chacun sait bien dans cette enceinte que, l'an dernier comme les années
précédentes, nous avions discuté de ces questions relatives à l'exploitation
des vergers familiaux. Le dispositif fiscal ne favorisait pas jusqu'à présent
l'entretien de ces vergers qui produisent quelques litres de mirabelle, de
quetsches ou de calvados, selon les régions.
Que l'on ne vienne pas nous dire que cette disposition pourrait favoriser le
développement de l'alcoolisme ! Sinon, il faudrait interdire les importations
de whisky ou la consommation d'autres alcools beaucoup plus dangereux pour la
santé de nos concitoyens ! A titre personnel, je le répète, je suis favorable à
ces amendements.
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant.
Nous discutons de nouveau d'un produit agricole. Or, hier soir, lors de
l'examen d'un amendement relatif à la culture de l'olivier, j'ai indiqué que
l'emblème du corps préfectoral était le rameau d'olivier alors que ce sont les
feuilles de chêne...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Et M. Charasse n'a pas relevé !
M. Paul Loridant.
Je voudrais par conséquent présenter mes excuses au corps préfectoral. Je suis
bien entendu un défenseur des représentants de l'Etat, le chêne symbolisant,
comme l'olivier d'ailleurs, la longévité et la continuité.
S'agissant plus particulièrement de ces amendements, le groupe communiste
s'abstiendra.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je voudrais lever toute ambiguïté, car Joseph Ostermann
a craint que ce ne soit l'équilibre financier qui me préocupe : ce n'est pas le
cas pour une fois. Ce qui me préoccupe, c'est l'équilibre entre, d'une part, le
souci de laisser vivre nos terroirs et de permettre que ces productions soient
sauvegardées et, d'autre part, le maintien de la lutte contre l'alcoolisme.
Je voudrais simplement attirer l'attention de la Haute Assemblée sur le fait
que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale a été accueilli diversement.
A trop pousser cet avantage, vous pourriez risquer d'avoir à reculer... C'est
la mise en garde que je vous adresse.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-48 rectifié
bis
et
II-52 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 59
sexies,
modifié.
(L'article 59
sexies
est adopté.)
Articles additionnels après l'article 59 sexies