SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Organismes génétiquement modifiés. - Discussion d'une question orale avec débat. (Ordre du jour réservé.) (p. 2).
MM. Jean Bizet, auteur de la question ; Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information ; Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques ; Gérard Le Cam, Bernard Fournier, Yves Détraigne, Mme Odette Terrade.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
Clôture du débat.
3. Ordre du jour (p. 3).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 18 de M. Jean Bizet à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies sur les organismes génétiquement modifiés.
Cette question a été inscrite par la conférence des présidents à l'ordre du jour réservé à la demande de la commission des affaires économiques, à la suite des travaux de la mission d'information présidée par M. Jean Bizet et dont le rapporteur était M. Jean-Marc Pastor.
Ce débat intervient alors que le protocole sur la bio-sécurité, dit « protocole de Carthagène », est sur le point d'entrer en vigueur du fait de sa ratification, vendredi dernier, par un cinquantième Etat, l'Etat insulaire de Palau.
La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question.
M. Jean Bizet, président de la mission d'information sur les organismes génétiquement modifiés. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 17 octobre dernier, le dossier des organismes génétiquement modifiés est entré dans une nouvelle phase, sans que tout le monde politique et l'opinion publique en aient réellement pris conscience. En effet, à cette date, la directive communautaire n° 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'OGM est entrée en vigueur. Du reste, madame la ministre, vous pourrez sans doute nous faire part du calendrier de sa transposition en droit national.
Avec l'entrée en vigueur de cette directive, les raisons qui avaient poussé à l'adoption, en 1999, d'un moratoire de fait sur la commercialisation et l'importantce de nouveaux OGM ne semblent plus d'actualité. L'Union européenne et ses Etats membres sont en train de se doter de la législation la plus rigoureuse du monde en la matière, fondée sur l'étiquetage et la traçabilité des produits, conformément à une application très stricte du principe de précaution. Sur ce point, pouvez-vous, madame la ministre, nous communiquer le dernier état d'avancement des négociations communautaires ?
Malgré tous les gages qui ont été donnés pour garantir l'innocuité pour l'homme et pour l'environnement des OGM, les inquiétudes de nos concitoyens ne sont pas toutes levées, même si l'on sent bien que ce dossier ne fait plus l'objet de la même passion qu'il y a quelques années. C'est pourquoi j'ai souhaité avoir ce débat ici, aujourd'hui, afin que la représentation nationale puisse se saisir pleinement de ce dossier. En effet, je suis convaincu que les biotechnologies représentent d'ores et déjà un pan vital de notre économie et de notre recherche.
Le rapport de la mission d'information de la commission des affaires économiques sur les enjeux économiques et environnementaux des OGM a ainsi mis en évidence les multiples utilisations possibles des OGM, qui débordent largement le champ de l'alimentation. Qu'il s'agisse de leurs applications médicales et industrielles ou de phytoremédiation, les OGM couvrent des domaines offrant de considérables perspectives de développement, mais dans lesquels la France et l'Europe sont malheureusement en train de prendre un lourd retard.
Nous avons assez largement raté, du point de vue industriel et commercial, le développement rapide de l'informatique et des technologies de l'information. Prenons garde de ne pas reproduire cette erreur dans le domaine des biotechnologies.
Je rappelle que, depuis 1998, 61 % des entreprises privées du secteur des biotechnologies ont annulé des projets de recherche sur les OGM. Le nombre d'essais n'a cessé de baisser en France, comme dans la plupart des Etats membres de l'Union européenne.
Autre signe particulièrement préoccupant, à mon sens : le programme Génoplante, reposant sur un partenariat public-privé, est aujourd'hui menacé par le retrait annoncé de Bayer CropScience, un des principaux participants du secteur privé. Cela est extrêmement inquiétant vu la qualité internationalement reconnue de ce programme.
Il nous faut donc débattre, écouter les inquiétudes de nos concitoyens et dissiper les malentendus.
Comme toute innovation, les OGM peuvent comporter des risques. Mais une société moderne peut-elle se développer si elle n'accepte aucun risque ? Je ne le crois pas. Dans le cadre de la mission d'information, nous avons rappelé les différents aspects des risques envisageables, qui sont souvent très mal connus par nos concitoyens.
N'y a-t-il pas un important effort d'information auprès de nos concitoyens à mener sur les buts et les moyens de la recherche moderne ? Certaines données mériteraient d'être plus et mieux diffusées, par exemple celles qui concernent le risque de présence fortuite d'OGM dans des cultures non OGM : lors de son audition par la mission d'information, le professeur Douce nous a signalé que les pollens avaient des durées de vie très variables, celle du pollen de maïs, en l'occurrence, ayant une durée de vie très courte - de quelques secondes à quelques heures, suivant les conditions d'hygrométrie et de température - et une capacité de dispersion très réduite, puisque 90 % du pollen tombe dans un rayon de dix mètres.
Je pense que le Gouvernement peut contribuer largement à ce que ce dossier soit traité avec pragmatisme, sans idées préconçues, en faisant le partage entre des OGM profitables à la collectivité et d'autres qui le sont moins.
Aborder les OGM au cas par cas, avec un regard neuf, à la fois critique et ouvert, passe aussi par des actes simples et forts, qui pourraient du reste recueillir l'assentiment du plus grand nombre, à l'image du consensus d'étape auquel les différents groupes politiques sénatoriaux sont parvenus dans le cadre de notre mission d'information.
Je profite d'ailleurs de l'occasion pour remercier tous les membres de cette mission, notamment son rapporteur, Jean-Marc Pastor, de cette recherche de consensus.
C'est dans cet esprit que notre mission avait adopté à l'unanimité onze propositions.
Au nombre de celles-ci, la levée du moratoire : au vu des éléments que j'ai indiqués, envisagez-vous, madame la ministre, d'agir au niveau européen pour que soit levé le moratoire, et dans quels délais ?
Comment, par ailleurs, concevez-vous la coexistence des différentes filières de production agricoles à un moment où la Commission européenne semble désireuse de se décharger sur les Etats membres de la gestion de cette question ?
Comment concevez-vous la réorganisation des instances de contrôle et de biovigilance en matière d'OGM ?
Quels éléments pouvez-vous, en outre, nous fournir sur l'indispensable et urgente relance de la recherche, par des mesures budgétaires mais aussi par une revalorisation sociale du rôle de la recherche, garante de notre développement économique à venir, et donc de notre indépendance nationale ?
Ce dossier, riche de dimensions européennes, comporte également de nombreux aspects internationaux. Douze pays, dont les Etats-Unis, viennent d'entamer une procédure de plainte auprès de l'OMC - l'Organisation mondiale du commerce - contre le moratoire européen. On ne saurait voir là un argument pour la levée du moratoire, mais il ne faudrait pas non plus que la conclusion à laquelle notre mission était parvenue après un travail de plus d'un an soit écartée au seul motif d'une irritation, au demeurant légitime, devant cette manoeuvre entreprise au sein de l'OMC et inscrite en réalité dans le cadre plus général des grandes négociations commerciales entre l'Europe et les autres pays développés.
Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, comment le Gouvernement entend réagir à cet égard ?
Pour conclure, je formulerai un souhait : que, à l'image de l'attitude constructive, tolérante et pragmatique qui a caractérisé le travail de notre mission d'information pendant un an et demi, ce débat puisse contribuer à éclaircir les enjeux de ce dossier et à diriger l'action publique dans un sens qui soit profitable au plus grand nombre de nos concitoyens. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information sur les organismes génétiquement modifiés. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà dix-sept mois, la mission constituée au sein de la commission des affaires économiques de notre assemblée se donnait pour objectif de faire le point sur l'évolution du dossier des OGM. Pendant quinze mois, elle a auditionné près de soixante-dix personnalités représentant les multiples acteurs intervenant dans ce domaine : experts scientifiques, industrie agroalimentaire, monde agricole, sphère politique et institutionnelle, consommateurs ou encore autorités éthiques.
Je profite de l'occasion que me fournit ce débat pour renouveler mes remerciements à toutes ces personnes de l'éclairage qu'elles ont bien voulu nous apporter et de nous avoir fait bénéficier de leurs compétences et de leurs points de vue, qui étaient multiples et très enrichissants.
Le rapport qui a été rendu public le 21 mai et qui a dû vous être remis, madame la ministre, n'est que la traduction directe de ces auditions et des enseignements que nous en avons tirés, étant entendu que nous avons voulu à notre tour comprendre et tenter d'expliquer, mais également poser des jalons.
Nous nous sommes bien sûr interrogés sur l'opportunité d'un tel travail.
En effet, plus d'une vingtaine de rapports sont recensés sur la problématique, et notamment celui que rédigea en 1998 mon illustre collègue Jean Bizet. Je citerai également - en prenant toutefois le parti de ne pas les citer tous, vous m'en excuserez - le rapport de Jean-Yves Le Déaut, président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en 1999, celui de Philippe Kourilsky et Geneviève Viney, la même année, celui de Marie-Hélène Aubert, en 2000, et, plus récemment, celui de Bernard Chevassus-Au-Louis, commissaire au Plan, et enfin celui des quatre sages.
On pourrait donc voir notre travail comme un rapport de plus !
Toutefois, le dossier étant en phase d'évolution perpétuelle, il s'agissait d'en actualiser l'état des lieux tout en s'efforçant de réaliser ce consensus d'étape que vient d'évoquer M. Jean Bizet. Je ne sais pas si nous sommes parvenus à ce consensus, mais nous avons voulu marquer une étape dans la compréhension du sujet, de façon à appréhender le mieux possible ce qui nous est présenté comme un progrès. Et nous considérons qu'il y a bien là un progrès.
Je l'avoue, je ne suis pas un spécialiste de la question, qui est d'ailleurs fort complexe, mais j'y ai été confronté en tant qu'élu local et j'ai rapidement constaté que, malgréla profusion d'écrits et de débats, mes pairs étaient finalement peu informés alors qu'ils sont parfois concernés directement parce que des OGM sont présents sur le territoire de leur commune et que, soumis à diverses pressions, ils peuvent être conduits à prendre des décisions sans posséder le minimum d'éléments de compréhension. Il importait donc que le Sénat, dont je n'ai pas besoin de rappeler quel est son rôle vis-à-vis des collectivités locales, se charge de leur fournir des clés d'analyse.
J'ajoute que le tandem que nous formons avec le président Bizet nous a permis de faire valoir quelquefois des sensibilités différentes, ce qui constitue, je crois, un des intérêts du rapport, tout au moins dans ses aspects les moins techniques. C'est d'ailleurs pour exprimer ma sensibilité que j'interviens dans la discussion d'aujourd'hui au nom de mon groupe politique.
A priori nous avons mis à plat l'essentiel de la problématique. J'espère que les propositions qui en résultent ne dormiront pas dans un placard et que leur application permettra de contribuer à combler le fossé qui s'est creusé dans l'opinion publique. Ces propositions tiennent compte des approches variables, voire opposées, qui ont été mises en exergue tout au long des auditions qui se sont déroulées durant ces quinze mois.
C'est pourquoi nous attachons d'autant plus de prix à la réponse que vous ferez, madame la ministre, au nom de votre collègue le ministre de l'agriculture mais aussi en votre nom propre, sur cette question que nous étions convenus de poser au sein de notre commission : quel sort prévoyez-vous de réserver aux onze propositions du rapport ?
Bien entendu, je vous donne acte que la réponse ne dépend pas que de vous ni de M. Gaymard, puisqu'il s'agit d'une question qui relève d'au moins quatre ministères. Mais je ne doute pas que vous apporterez des éléments qui préciseront les intentions du Gouvernement car votre ministère a été désigné spécifiquement pour traiter ce sujet.
La notion de progrès est attachée à l'importance des apports sociaux d'une innovation. Or le moins que l'on puisse dire, et c'est l'objet de la première partie du rapport, c'est que l'on ne perçoit pas d'emblée ces apports s'agissant des OGM. Cela a contribué à alimenter les suspicions et probablement à accentuer des antagonismes qui paraissent très difficiles à surmonter, comme l'ont confirmé les quatre sages.
Le consommateur, par exemple, ne perçoit pas directement l'avantage des OGM : il sait qu'ils ne pourront influencer la qualité nutritive ou gustative d'une tomate ou d'un fruit, produits qui ne seront pas moins cher.
En revanche, les risques sont davantage perçus par l'opinion publique du fait de l'ampleur des inconnues.
Qu'en est-il du risque sanitaire à moyen et long terme ? Nous ne connaissons pas la réponse.
Qu'en est-il du risque environnemental ? On relève l'apparition possible de résistances aux pesticides et aux herbicides et la prudence que cela suppose dans les pratiques.
Quant au risque d'appropriation du vivant, il pose directement une question d'ordre éthique.
Certes, du côté des bénéfices, on a pourtant une potentialité qui paraît très importante avec, à la clé, la résorption des carences alimentaires, la dépollution des sols, sans parler des alicaments. Mais ce sont des bénéfices pour l'avenir qui ne parviennent pas à dissiper le sentiment partagé de l'opinion publique.
N'oublions pas, en outre, les années quatre-vingt-dix et le discrédit jeté sur le scientifique, sur le politique aussi, avec les affaires du sang contaminé et de la vache folle, notamment.
Dès lors, il n'était pas illégitime de se poser la question de l'utilité actuelle pour la société des produits génétiquement modifiés, les PGM. Un certain nombre de citoyens se sont posés cette question et continuent d'ailleurs de se la poser.
Ils s'interrogent peu, en revanche, sur les applications médicamenteuses, elles sont soumises, il est vrai, à des procédures sophistiquées.
Pourtant, aujourd'hui même, un médicament sur six est un PGM et, dans les cinq ans qui viennent, ce sera quasiment le cas des deux tiers. J'ajoute qu'aujourd'hui 70 % des fromages sont des PGM sans que cela pose de problèmes spécifiques.
Pour reprendre la métaphore figurant dans l'introduction du rapport : à partir du moment où le mot représentant le gène est introduit de manière aléatoire dans la phrase, quelle maîtrise a-t-on sur le sens global de cette dernière ? Or, aujourd'hui, rien ne garantit la stabilité totale de ce gène quand il est replacé dans son nouvel environnement. C'est tout un champ de recherche qui est ouvert et chacun doit faire preuve d'une grande prudence et de beaucoup de modestie.
Je ne peux par ailleurs oublier de parler du rôle dévastateur des Etats-Unis qu'ils continuent leurs recherches et qui déposent des brevets au risque de bloquer demain un pan entier de l'économie mondiale entre les mains de seulement quelques multinationales.
Toucher au vivant appartient à l'humanité et non à une poignée d'hommes. Que faisons-nous, madame la ministre, pour mettre un frein à ces pratiques ?
Il nous appartenait donc, à nous sénateurs, de dire que de nombreuses interrogations jalonnent ce dossier afin que le politique puisse être réellement crédité de l'objectivité nécessaire qui, si elle n'est pas de nature à répondre aux questions posées, doit tout de même permettre d'introduire un élément de consensus non seulement sur ce que l'on ne sait pas, mais aussi sur ce que l'on sait et de parvenir à dégager des axes de travail. Tel a été l'objet de ce rapport.
Il ne faut plus que nos concitoyens aient le sentiment d'être trompés sur les avantages de la technologie OGM, car ils ont dans l'idée qu'elle ne sert que les grands groupes de l'agroalimentaire dont les objectifs sont éloignés de l'intérêt général et en faveur desquels le rapport de force économique est déjà largement favorable.
En matière plus spécifiquement agricole, puisque la question s'adressait également à M. Gaymard, l'intérêt économique même est variable.
M. Riba, directeur de recherche à l'INRA, nous a expliqué que le maïs transgénique n'était pas la panacée, y compris outre-Atlantique, et qu'en France il ne serait pas intéressant de le généraliser, même si l'on peut aujourd'hui concevoir des maïs dans lesquels on introduit une enzyme qui réduit la teneur en phosphates.
S'agissant des biocarburants, l'éthanol ne peut se concevoir a priori de manière concurrentielle au pétrole, sauf éventuellement à produire des protéagineux, consommateurs d'azote, que l'Europe importe pour l'instant à hauteur de 75 % dans le cadre de l'OMC.
Pour ce qui est du colza transgénique, il aurait un intérêt limité. Il pose de surcroît un problème pour l'environnement en raison des repousses.
M. Babusiaux nous confiait d'ailleurs son étonnement que les études économiques ne soient pas plus nombreuses et qu'elles ne répondent pas à des méthodes reconnues, objectives et fiables. Je le cite : « Sur les cultures les plus susceptibles d'intéresser les agriculteurs français, il n'y a pas de résultats suffisamment fiables pour couper court à toute discussion dans un sens ou dans un autre. » Par conséquent, le champ de recherche est énorme et les études méritent d'être poursuivies.
Il est primordial de chercher à objectiviser le débat, faute de quoi nous entretiendrions l'exaspération de nos concitoyens et nous leur donnerions l'impression qu'il n'a pas été donné de suite aux conférences, aux rapports et aux études qui ont été réalisés. C'est aussi dans ce sens que notre mission d'information a travaillé.
Quatre thèmes ont servi de fil conducteur pour établir ce rapport : premièrement, l'étiquetage et la traçabilité, car le consommateur a le droit de savoir ce qu'il mange, pour assurer le libre choix du consommateur ; deuxièmement, la protection de l'agriculture fermière biologique afin de respecter le libre choix du producteur également ; troisièmement, la transparence plus importante dans les procédures de contrôle pour rassurer le consommateur ; quatrièmement, enfin, la poursuite de la recherche en biotechnologie afin d'éviter que notre recherche publique ne soit distancée par des travaux des multinationales privées.
Au regard de l'emprise croissante des OGM dans le monde et compte tenu des évolutions possibles de la PAC, c'est-à-dire des incertitudes de cette politique, on s'oriente vers un système de coexistence dont je ne suis pas certain à ce jour qu'il ne mute pas rapidement pour conduire à une ségrégation. Dans ce cas, il faudrait comprendre que les productions non-OGM pourraient être délocalisés sauf celles qui sont liées au terroir, comme les appellations d'origine contrôlée, les AOC.
J'attends donc avec grand intérêt, madame la ministre, votre réponse à la question posée par mon collègue Jean Bizet sur la coexistence des différentes cultures. Une réponse affirmative nous confirmant que le Gouvernement souhaite promouvoir et mettre en oeuvre la coexistence des différentes cultures, comme nous le souhaitons tous, implique la mise en place d'un solide encadrement, afin de limiter la présence fortuite des OGM dans les autres cultures.
J'attendais même de M. le ministre de l'agriculture de la pêche et des affaires rurales qu'il nous donne des assurances sur le cantonnement des OGM en cas de difficulté d'implantation dans certaines zones où les agriculteurs choisiront de se consacrer majoritairement aux cultures conventionnelles ou biologiques.
Garantir l'existence de la filière non-OGM revient bien sûr à se poser la question des seuils de l'étiquetage.
L'idéal serait de pouvoir définir un seuil par espèce, mais nous en sommes à la définition d'un seuil conventionnel global à partir duquel l'étiquette mentionnerait la présence d'OGM. Madame la ministre, comme vous le savez, il importe que les textes paraissent au plut tôt, aussi bien pour l'étiquetage que pour la traçabilité.
Il s'agit d'abord de la transposition de la directive 2001/18. Il n'y a pas encore été procédé, mais votre collègue Mme Bachelot nous a promis que le projet de loi serait discuté en premier lieu par le Sénat.
Il s'agit aussi de la réglementation complémentaire que vous aviez évoquée lors de votre audition par la commission des affaires économiques. J'ai bien noté que vous avez souhaité prendre un peu de temps pour ce faire afin de ne commettre aucune erreur. Cependant, je vous remercie de veiller à éviter tout retard à cet égard afin de franchir cette étape cruciale pour l'information du consommateur et permettre d'aller plus avant en matière de régulation des OGM.
Le corollaire de l'étiquetage est le moratoire. Lorsque le Gouvernement décidera, en tant que porte-parole de la France, la levée du moratoire adopté en 1999 lors du Conseil européen de Luxembourg, il vous faudra l'assumer politiquement, si vous ne prenez pas d'autres mesures protectrices pour notre société. Cela est d'autant plus vrai que la levée du moratoire, afin qu'elle soit maîtrisée en l'absence de réglementation du champ d'utilisation des OGM, appelle de nouvelles précautions et requiert la mise en oeuvre d'une régulation sévère dont nous vous proposons les prémices dans ce rapport.
Garantir l'existence de la filière non OGM implique également de pouvoir assurer le risque OGM, alors que la tendance du système assurantiel consiste à ne pas couvrir un risque qui paraît trop important. La loi sur les droits des malades en a fourni un exemple.
Face à cette évolution préoccupante, il conviendrait de distinguer selon la nature du risque.
Pour couvrir le risque économique associé à la présence fortuite d'OGM dans des cultures conventionnelles ou biologiques, il appartiendrait aux semenciers d'indemniser le dommage.
Le risque d'atteinte environnementale serait envisagé via un fonds de mutualisation abondé par les semenciers. Il appartiendrait, selon nous, à l'Etat de contrôler ce fonds.
Quant au risque dit « sériel », l'Etat pourrait accorder sa garantie au titre des risques non prévisibles.
Je me permets d'attirer l'attention sur un aspect capital, l'obligation d'assurance, qui fait l'objet d'un consensus et selon laquelle, en cas de préjudice pour le producteur d'agrobiologie ou le semencier traditionnel, une responsabilité doit être recherchée, la liberté ayant pour corollaire cette responsabilité. Or seule l'assurance garantit que la responsabilité jouera effectivement.
Pour le Gouvernement, faire preuve d'une volonté d'avancer sur ce point, y compris en ce qui concerne les expérimentations, serait significatif, madame la ministre, car vous auriez dès lors mis en oeuvre l'obligation de prudence à laquelle nous sommes tenus.
Cette prudence, que nous appelons de nos voeux, fait référence au principe de précaution, dont M. Kourilsky, coauteur d'un rapport sur le sujet, nous a dit qu'il devait s'analyser non pas comme un principe d'abstention, mais plutôt comme une démarche impliquant des modes d'action particuliers dans un contexte d'incertitude.
Il s'agit de compenser l'incertitude par une rigueur d'autant plus grande en matière de procédures. Or, depuis la première application du principe de précaution qui avait succédé au moratoire d'Asilomar en Californie, ce principe n'est toujours pas reconnu en tant que principe général du droit international général.
Même si la primauté de ce principe résulte en théorie d'une évolution de la jurisprudence internationale, je vous serais reconnaissant, madame la ministre, de vous faire mon interprète auprès de votre collègue chargée de l'environnement afin que le Gouvernement travaille à faire progresser le droit international à ce sujet.
Enfin, je ne saurais conclure mon propos sans évoquer un rétablissement souhaitable des budgets de la recherche.
Comme vous ne l'ignorez pas, madame la ministre, l'effort de la nation consacré à la recherche est faible en comparaison de ce qu'il est aux Etats-Unis. Il vous faut user de votre force de conviction - et nous savons que vous en avez - pour persuader vos collègues, M. le Premier ministre et M. le ministre des finances, qu'il est important de débloquer des crédits pour la recherche. A défaut, nous continuerions d'être à la remorque des pays d'outre-Atlantique. De plus, nous n'aurions aucune chance de parvenir durablement au consensus ou au quasi-consensus que, personnellement, j'appelle de mes voeux.
En vous remerciant par avance des réponses que vous nous apporterez, je souhaite que, entre le refus de principe et l'attitude libérale, l'Europe parvienne à poser les bases d'une troisième voie, celle d'une exploitation responsable des biotechnologies dans le respect de la santé et de la sécurité, dans le respect de la préservation de l'environnement, et qui fasse l'objet de l'acceptation du plus grand nombre.
Dans cette optique, il est nécessaire de faire preuve d'un grand discernement à l'égard des applications possibles, car le progrès exige, par respect pour l'humanité, que les avancées scientifiques soient choisies pas à pas, en connaissance de cause, ou, lorsque ce n'est pas possible, avec toute la prudence à laquelle invitent les implications potentielles des découvertes.
Mon collègue M. Bizet et moi-même avons visité aux Etats-Unis un centre de recherche où nous avons découvert un transfert de gènes interespèces entre une vache Holstein et une truie chinoise : le gène laitier avait été transféré avec succès, sur le plan technique, sur le génome de la truie. La production de lait de la trentième génération était supérieure de près de 60 % à celle des autres.
Où doit s'arrêter la recherche ? Où doit s'arrêter la science ? Qui contrôle, qui réglemente tout cela ? A qui, demain, toutes ces manipulations profiteront-elles ? Autant de questions qu'il faut se poser aujourd'hui, autant de questions que la politique et la société doivent se poser. Car nous touchons à la fois à la propriété du vivant et à l'homme. Une question d'éthique apparaît qui nous oblige à recadrer et à stopper le laisser-faire.
Nous estimons, madame la ministre, que les onze propositions qui vous ont été soumises sont une base de sécurisation indispensable face aux enjeux. Je me permets de les rappeler ici, car elles ont fait l'objet de longues discussions avant de recevoir une approbation unanime.
Premièrement : respecter et, au besoin, protéger la recherche dès lors qu'elle se plie, comme de juste, au principe de précaution. Il nous semble indispensable de pouvoir continuer à travailler en ce sens.
Deuxièmement : encadrer les cultures de plantes génétiquement modifiées pour assurer le maintien de l'agriculture traditionnelle et celui de l'agriculture biologique, qui est l'image de la France.
Troisièmement : fixer des seuils d'étiquetage de présence d'OGM réalistes. Aujourd'hui, la Commission européenne propose 0,9 %.
Quatrièmement : soutenir la recherche en rétablissant les budgets de recherche publique, en encourageant les partenariats de recherche entre les secteurs public et privé - nous en avons en France des exemples très positifs - et en adressant un signe politique de soutien moral aux scientifiques de notre pays.
Cinquièmement : clarifier la situation en matière d'assurances en distinguant différents risques et en créant un fonds commun alimenté par les semenciers.
Sixièmement : lutter contre l'appropriation du vivant en défendant le COV, le certificat d'obtention végétale, notamment dans le cadre des négociations commerciales internationales, et en rappelant que seul le couple gène-fonction est brevetable, même si une évolution avec le gène dans un contexte précis mérite une analyse spécifique.
Septièmement : confier le contrôle des cultures en amont et en aval à une seule et même instance de contrôle et d'évaluation scientifique qui permette la pleine expression de la société civile. Ainsi, la Commission du génie biomoléculaire ne ferait plus qu'un avec le Comité de biovigilance et serait composée de scientifiques, tandis que, parallèlement, une commission d'évaluation des biotechnologies réunirait des membres de la société civile.
Huitièmement : soutenir la mise en place d'une biovigilance dans tous les pays du monde, notamment dans les pays en voie de développement, dans le cadre d'une agence mondiale de l'environnement dont la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, pourrait tenir le rôle avant qu'elle ne soit mise en place.
Neuvièmement : rendre effective l'information des élus locaux, notamment par l'élaboration de plans d'occupation des champs.
Dixièmement : la contrepartie du moratoire qui est en vigueur depuis quatre ans étant à présent fournie du fait de l'adoption de la directive européenne 2001/18 sur l'étiquetage et la traçabilité et de son entrée en vigueur le 17 octobre 2002, et, par ailleurs, le champ d'utilisation des OGM n'étant pas réglementé, il apparaît nécessaire de prendre rapidement de nouvelles précautions. Afin qu'elles soient mieux maîtrisées, il convient maintenant de dépasser et de renforcer la base de ce moratoire en conservant l'étiquetage et la traçabilité et en mettant en oeuvre les autres propositions, plus complètes et plus rassurantes pour la société.
Onzièmement : les commissaires de la mission sur les OGM souhaitent que soit élaborée une loi fondatrice relative aux biotechnologies - c'est la dernière proposition, mais elle est placée sous le signe de l'urgence, madame la ministre ! - qui donne vie à l'ensemble de ces propositions en les réglementant et en conférant plus d'espace à la recherche. Il reste entendu que des principes d'éthique et la mise en place de normes environnementales devront en fixer les conditions de développement, afin que l'usage de ces biotechnologies soit dûment contrôlé et que soient contenues les dérives auxquelles les expérimentations pourraient conduire. C'est également le voeu que forme le groupe auquel j'appartiens, le groupe socialiste.
Mes propos oscillent entre crainte et espoir, madame la ministre : ce dossier doit être non pas rejeté en bloc, mais traité avec une grande sagesse et une immense prudence, hors de toute passion, hors de toute forme de croyance aveugle. Il nous faudra donc poser de nouveaux garde-fous afin de contenir et de maîtriser une innovation qui touche à la place de l'homme sur terre et au devenir même de l'humanité.
Madame la ministre, mes chers collègues, n'oublions jamais ceci : rien ne montre que c'est la raison qui gouverne le monde, en dehors de la raison du plus fort. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques et du Plan.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà près d'un an et demi, le bureau de la commission des affaires économiques et du Plan décidait de consacrer une mission d'information au dossier des OGM.
Devant ce sujet aux multiples facettes qui concentre les passions et l'attention médiatique, la commission a voulu se donner le temps de la réflexion, de l'écoute et de la recherche d'un consensus. Comme cela vient d'être rappelé, il s'agit d'un consensus d'étape : il ne signifie pas que nous tirons tous exactement les mêmes conclusions de cette réflexion, mais, obtenu à l'unanimité, il exprime un accord fondamental sur l'approche retenue.
Celle-ci consiste à valoriser le pragmatisme ; elle privilégie également l'analyse au cas par cas, loin des généralités réductrices, ainsi que l'écoute de nos concitoyens.
Je saisirai l'occasion qui m'est apportée pour remercier de leur travail le président de la mission, Jean Bizet, et son rapporteur, Jean-Marc Pastor.
C'est parce que les sénateurs sont aussi des hommes de terrain et sont en contact direct avec la population qu'ils reconnaissent tous la complexité de ce dossier.
Président de la commission des affaires économiques et du Plan, je suis particulièrement frappé par un aspect de la question : notre incapacité croissante à gérer la complexité. Les médias et indirectement, à travers eux, nos concitoyens attendent de la classe politique des réponses claires et tranchées. Cela a pour conséquence qu'il devient de plus en plus difficile de présenter des positions pragmatiques, des analyses qui se gardent de toute généralisation ou simplification.
L'exemple des OGM est tout à fait frappant de ce point de vue. La lecture du rapport rédigé par la mission d'information m'amène à penser que la position que commande l'intérêt général n'est pas d'être pour ou contre les OGM : il s'agit de faire le tri entre, d'une part, ceux qui apportent quelque chose à la collectivité - ils seront peut-être indispensables demain, par exemple pour lutter contre les pollutions agricoles - et, d'autre part, ceux qui n'apportent pas grand-chose, voire pourraient être contre-productifs.
Madame la ministre, je me réjouis que Jean Bizet ait choisi d'interroger le Gouvernement par votre intermédiaire, car le domaine de la recherche résume tous les enjeux de ce dossier.
Nos concitoyens, il faut le dire - et je le déplore -, se sont éloignés de la recherche. Ils en perçoivent de plus en plus difficilement les objectifs, et ils contestent de manière croissante la légitimité des chercheurs à progresser dans des champs qui nous sont encore mal connus.
Je crois, madame la ministre, que notre pays est confronté à un véritable danger : celui de renoncer progressivement à son effort de recherche non pas, comme le craignent certains chercheurs, par souci d'économies budgétaires, mais bien plus à cause de l'affaiblissement continu du soutien de la nation aux femmes et aux hommes qui font de la recherche de notre pays l'une des premières au monde.
Madame la ministre, je souhaiterais ajouter une question à celles que Jean Bizet vous a posées fort à propos : comment allons-nous restaurer le lien de confiance entre les chercheurs et l'ensemble de nos concitoyens ?
Il nous faut rétablir cette confiance, madame la ministre, sans quoi nous perdrons du terrain dans le domaine de la recherche et, très rapidement, nous en perdrons dans le domaine industriel et commercial.
Pour ma part, je crois qu'il nous faut repenser d'urgence le lien qui unit les citoyens et la recherche. Ouvrir la recherche à la société passe sans doute non seulement par un développement des partenariats entre la recherche publique et la recherche privée, modèle qui a largement fait ses preuves chez nos concurrents, mais aussi, je le dis en anticipant quelque peu sur la suite de notre débat, par un effort financier de l'Etat en faveur de la recherche.
J'en viens enfin au dernier point qui me préoccupe : cette méfiance envers la recherche et ses fruits, que nous voyons s'exprimer de manière aiguë et passionnelle dans le dossier des OGM, n'est qu'une facette d'une tendance plus générale de notre pays : le repli frileux sur les situations connues, la reproduction de l'organisation sociale à son identique.
Notre société a de plus en plus peur du changement ; elle accepte de moins en moins la prise de risque, y compris lorsqu'il s'agit de faire progresser la médecine, et je le constate en tant que président des Hôpitaux publics. Soyons donc un peu plus « pastoriens », au lieu de nous transformer en porteurs de parapluies ouverts !
C'est l'attitude, au fond, de ceux qui n'attendent plus rien de l'avenir, de ceux qui ne croient pas que les choses peuvent changer, et changer en bien.
Mes chers collègues, je suis de ceux qui continuent à croire dans l'avenir, qui ont confiance dans le talent de nos concitoyens et dans les ressources de notre nation. En bref, je crois qu'il nous faut retrouver la confiance dans le progrès, source d'espoir pour l'avenir, et vous avez entendu mon plaidoyer. Sans cela, nous sombrerons dans l'atonie économique. Notre nation avait jadis foi dans le progrès : c'est cette foi qu'il nous faut ranimer, pour nous retrouver nous-mêmes et raffermir notre cohésion nationale.
Je suis donc de ceux qui pensent qu'il faut savoir accepter de prendre des risques, bien entendu avec les précautions et la sagesse qui s'imposent, pour que la France conserve une position conquérante sur la scène internationale.
Pour en revenir au débat d'aujourd'hui, j'estime que la relance de la recherche en biotechnologies, y compris sur les OGM, est une urgence absolue pour notre appareil économique, et donc pour notre bien-être collectif. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire : 67 minutes ;
Groupe socialiste : 36 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 14 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est en 1979 que le mot « biotechnologie » est apparu en France. La biotechnologie est l'utilisation des fonctions biologiques comme outil technologique dans l'agriculture, l'industrie et la médecine. Les fonctions biologiques s'intéressent aux cellules animales et végétales, aux micro-organismes et aux enzymes.
L'influence de la biotechnologie sur l'amélioration de la production agricole se greffe sur une longue tradition d'amélioration biologique de l'agriculture : céréaliculture huit mille ans avant notre ère ; assolement à l'époque romaine ; domestication animale ; développement des cultures non vivrières ; amélioration des transports ; sélection animale et végétale ; évolution sanitaire, grâce aux travaux de Pasteur ; progrès des techniques de culture et amendements ; engrais chimiques liés à la métallurgie..., oui ! tout cela a contribué à faire évoluer l'agriculture, dont l'objectif premier était bien de nourrir les hommes, de lutter contre les famines.
Aujourd'hui, le problème se pose en termes quelque peu différents.
Il s'agit, premièrement, de nourrir les hommes dans les meilleures conditions ; deuxièmement, de préparer les générations à venir aux matières premières renouvelables afin de faire face à la diminution des réserves fossiles ; troisièmement, de limiter, voire de supprimer la pollution environnementale ; quatrièmement, de favoriser les relations Nord-Sud en luttant prioritairement contre la malnutrition et les famines, qui frappent essentiellement les populations agricoles : à cet égard, les OGM peuvent être aussi bien un outil d'oppression qu'un moyen de libération ; cinquièmement, de rééquilibrer les rapports entre grands pays industrialisés dans le cadre de la guerre alimentaire qu'ils se livrent.
Ce débat pose « en grand » la question de l'avenir des agriculteurs et de l'agriculture en France et dans le monde, de la place qu'ils vont occuper, du nouveau cadre légal et éthique qu'imposent ces révolutions technologiques qui, si elles sont inéluctables, sont aussi contrôlables et maîtrisables.
Une fois de plus, il s'agit non pas d'arrêter le progrès, de se comporter en obscurantistes, mais bien d'évaluer les enjeux et les conséquences de l'utilisation massive des OGM. Il s'agit de mettre la science au service de l'homme tout en écartant les spéculations purement mercantiles, grâce à une meilleure appréhension collective de cette science nouvelle qui est porteuse à la fois des plus grands espoirs et des plus grandes craintes.
La première question a trait au maintien du moratoire, que justifiait la nécessité de mettre en place des dispositifs d'étiquetage et de traçabilité.
De nombreux motifs sont invoqués dans le rapport de la mission d'information sur les OGM afin de justifier la levée du moratoire.
Nous partageons l'idée qu'il est nécessaire de ne pas créer ou accentuer le retard scientifique sur les plans national et européen. Les enjeux de la génomique sont tels, tout particulièrement dans les secteurs de la santé, de l'alimentation, des carburants, des plastiques, des fibres ou de la phytoremédiation, qu'il convient de ne pas prendre de retard et d'encourager la recherche.
Un autre argument concerne la dépendance de l'Europe en protéines végétales, qui est de l'ordre de 75 %. Cette question doit susciter le débat et, à nos yeux, remet en cause les accords de Blair House, qui doivent être dénoncés. Considérer que la solution réside dans le seul développement de la culture de soja transgénique en Europe me paraît un peu court. D'autres solutions existent, comme le développement des cultures de pois protéagineux, de féverole, de lupin : des encouragements par le paiement à l'hectare pourraient stimuler ces cultures. Le développement des cultures à biocarburants, qui procurent également des tourteaux riches en protéines, ne doit pas être négligé. Afin de balayer l'argument selon lequel les OGM permettraient de produire davantage, il serait sain que la première mesure arrêtée soit la suppression des 10 % de jachères en Europe. La luzerne, qui produit 2 500 kilogrammes de protéines à l'hectare - 800 kilogrammes pour le soja -, peut également être incorporée à l'alimentation des ruminants en quantité non négligeable ; cette plante, qui capte l'azote de l'air, présente d'énormes avantages écologiques et environnementaux.
En revanche, les arguments financiers portant à la fois sur le manque à gagner européen - 4,3 milliards de dollars par an - et sur le risque de se voir infliger une amende par l'OMC - évaluée à 4 milliards de dollars par an - ne peuvent en aucun cas justifier le tout-OGM, même accompagné du maintien d'un ersatz de filière non OGM.
Certes, le risque de condamnation par l'OMC existe, compte tenu de la fragilité juridique de la notion de « principe de précaution ». Mais accepter de reculer sur ce point, c'est laisser la porte ouverte, demain, à l'invasion par tous les produits mondiaux, qu'ils soient sains ou non, dangereux ou pas. Zéro barrière, zéro législation : c'est ce que veulent les ultralibéraux des Etats-Unis et des autres pays du groupe de Cairns, qui rêvent de domination alimentaire et de milliards de dollars sans se soucier du lendemain, de la santé humaine, de la démocratie.
De nombreux arguments plaident en faveur d'une ouverture réduite et ultraréglementée des OGM : la conservation des semences anciennes adaptées au terrain et au climat ; le droit de produire soi-même ses semences ; le risque de voir les adventices et les insectes ravageurs devenir résistants aux herbicides et aux insecticides ; le risque de développement de cancers ; les atteintes à la biodiversité par l'uniformisation ; les incertitudes sur le long terme en général.
La levée du moratoire, même étayée par les dix autres propositions contenues dans le rapport, risque d'être interprétée par la société comme un sauf-conduit délivré aux apprentis sorciers. Les communistes sont des hommes et des femmes ouverts sur le monde ; ils luttent contre l'obscurantisme et sont prêts à encourager et à faciliter ce qui est bon pour l'homme. Mais, ici, s'agit-il de cela, ou bien s'agit-il d'un levier supplémentaire donné à l'ultralibéralisme ?
Enfin, les propositions qui conditionnent la levée du moratoire appellent quelques observations relatives à la lutte contre l'appropriation du vivant et à la promotion du certificat d'obtention végétale, le COV.
Les communistes ont toujours été farouchement opposés à toute brevetabilité du vivant, qui serait à la fois une négation de la liberté humaine et porterait un très grand préjudice à la biodiversité. La brevetabilité du vivant traduit aussi bien la spéculation mercantile de la recherche privée que les grandes insuffisances de la recherche publique, pour laquelle le retour sur investissement se fait naturellement par les retombées économiques sur les secteurs concernés.
Tous les gouvernements sont coupables en matière de recherche publique : plus soutenue, celle-ci aurait permis à la fois de mieux éclairer les citoyens sur les risques et les chances des OGM et d'accomplir des efforts considérables pour adapter les semences à l'agriculture biologique, trop souvent contrainte d'utiliser des cultivars à la méthode bio. Je veux également vous citer l'exemple de cet Américain, Larry Proctor qui, après avoir séjourné au Mexique, a réussi à faire breveter le haricot de couleur jaune, cultivé au Mexique depuis des siècles. Il a également réussi à bloquer les exportations par les paysans mexicains de haricots jaunes vers les Etats-Unis d'Amérique. Il faut méditer cet exemple !
La question ayant trait à la cohabitation des différentes cultures pose, à la fois, la problématique de la dissémination, celle de l'aménagement de niches non-OGM et celle des possibilités d'assurance du risque.
La dissémination par le vent, par les insectes, les risques de mélanges dans les bateaux, les camions ne sont ni à écarter ni à minimiser. Qui paiera les analyses afin de savoir si une culture a été polluée au-delà du seuil établi non-OGM ? Quelle assurance s'engagera sur les dégâts immédiats et sur ceux du long terme ? La cohabitation ne s'annonce pas facile sur le terrain au regard de l'opinion publique et des distances de recul nécessaires.
Oui, tout cela mérite, madame la ministre, d'être pris en compte et acté avant d'aller plus loin.
Poser les problèmes, c'est commencer à y répondre. Il y va de la responsabilité de l'Etat qui, tôt ou tard, sera interpellé.
Quant au certificat d'obtention végétale préconisé dans le rapport, il traduit une politique du moindre mal. Sans être opposé au droit du brevet dans l'absolu, celui-ci doit être très limité dans le temps et permettre des exceptions, notamment en direction des pays en voie de développement envers lesquels les pays développés ont une lourde dette à acquitter au regard du détournement effectué ces dernières décennies sur leur agriculture vivrière au profit d'agricultures industrielles d'exportation.
En conclusion, ce débat, qui doit être considéré comme un débat d'orientation sur les OGM, doit tenir compte des directives européennes en préparation. La Commission européenne, qui n'est pas hostile aux OGM, compte sur la complaisance du Parlement européen et de certains Etats membres pour que les textes relatifs à l'étiquetage et à la traçabilité soient le moins contraignants possible. C'est dans les mois à venir qu'elle devrait se prononcer. Aussi, madame la ministre, que pèseront les décisions françaises et les lois à venir face à l'Europe.
Les communistes veulent adopter une position rationnelle constructive et citoyenne au sujet des OGM.
C'est donc par une recherche publique soutenue, une recherche privée contrôlée, des outils d'évaluation et d'information communs aux experts comme aux profanes, et une grande politique de vulgarisation scientifique que nous pourrons éclairer les Françaises et les Français. Ils doivent pouvoir, à tout moment, dire leur mot dans ce débat qui concerne leur quotidien et leur avenir. Descartes parlait de l'homme qui voulait « se rendre comme maître et possesseur de la nature ». Ne laissons cette possibilité à qui que ce soit, sinon au peuple et à la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nos sociétés ont réalisé des progrès scientifiques considérables dans le domaine de la connaissance du vivant. Des techniques modernes permettent désormais d'accélérer le processus naturel qu'est la modification du patrimoine génétique d'un organisme vivant.
Dès lors, les apports du génie génétique suscitent beaucoup d'espoirs, car ils peuvent avoir des applications variées dans les domaines de la santé, de l'agriculture, de l'environnement, de l'énergie, et de l'industrie.
Cependant, ces évolutions soulèvent subséquemment de nombreuses interrogations, qu'elles soient d'ordre éthique, environnemental, sanitaire ou socio-économique.
Ces interrogations, légitimes, entraînent nécessairement l'apparition de méfiance et d'inquiétude chez nombre de nos concitoyens.
La question des OGM s'inscrit pleinement dans ce cadre. C'est pourquoi elle revêt un caractère particulier pour l'avenir de nos sociétés.
La question des OGM est d'importance, mais elle est complexe. Peut-être serait-il plus judicieux de dire que la question des OGM est d'importance parce qu'elle est complexe.
En effet, d'une part, elle touche des domaines de la vie domestique de nos concitoyens, à savoir la santé, l'alimentation et la nature ; d'autre part, elle se situe à la croisée de plusieurs autres débats : notre rapport à la science, le choix d'un modèle agricole et alimentaire, le rôle des multinationales, l'information des citoyens-consommateurs et la prise de décision en matière de risques.
Par ailleurs, nous devons tenir compte d'un climat tendu, voire passionnel, du fait de la récente succession de crises alimentaires et sanitaires. Je citerai pour mémoire le sang contaminé, le boeuf aux hormones, la vache folle, le poulet à la dioxine...
C'est pourquoi je tiens à souligner toute la pertinence de l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, qui a choisi de confier à notre excellent collègue Jean Bizet la présidence d'une mission d'information sur les biotechnologies.
Son rapport, qui a été adopté à l'unanimité, est le fruit d'un travail sérieux et approfondi qui non seulement permet de poser sereinement les termes du débat, mais également formule plusieurs propositions intéressantes.
Je pourrais faire miennes nombre des remarques contenues dans ce rapport ; je me contenterai de relever trois points particuliers.
Première remarque : la question du risque des OGM doit être clairement posée et la réponse scientifiquement établie, qu'il s'agisse de risque sanitaire ou environnemental. Par conséquent, le développement des programmes de recherche est l'une des priorités.
Deuxième remarque : en matière d'OGM, il est impossible de se contenter d'une vision franco-française, tant les enjeux internationaux se placent au premier plan et tant la perception des OGM est radicalement différente entre les Etat-Unis et l'Europe.
Les Etat-Unis font, en effet, figure de pionniers avec plus de 80 % des cultures OGM mondiales et 70 % des brevets OGM. Les OGM n'y sont pas considérés comme potentiellement dangereux. Dans ces conditions, les Etats-Unis plaident pour une totale application des principes du libre échange dans les instances internationales, notamment à l'OMC.
A l'inverse, l'Europe et la France ont choisi un régime juridique strict d'autorisation, au cas par cas, et ne souhaitent pas voir le vivant être l'objet de brevet.
L'enjeu économique et stratégique est donc fort : pouvons-nous nous laisser distancer dans la maîtrise des sciences du vivant ? Notre dépendance agricole en oléo-protéagineux nous permet-elle le maintien durable d'un approvisionnement non-OGM ?
Ce contexte international est, en outre, pleinement d'actualité. A l'OMC, les Etats-Unis viennent de déposer une plainte contre l'Union européenne pour qu'elle lève le moratoire sur les OGM.
Par ailleurs, le protocole de Carthagène, que la France a ratifié en début d'année, va entrer en vigueur à l'automne puisqu'un cinquantième Etat, l'Etat de Palau, vient de le ratifier. Cet accord, qui se fonde sur le principe de précaution, régit les mouvements internationaux d'OGM en les soumettant à une procédure de consentement préalable. Même si ce protocole ne résout pas toutes les questions, notamment celle de son articulation avec les règles de l'OMC, il est le premier accord contraignant qui traite des échanges d'OGM et participe donc pleinement d'une plus grande sécurité environnementale. Cependant, les Etats-Unis n'y sont pas partie.
Troisième remarque : convenons que la levée du moratoire européen est maintenant probable, puisque la traçabilité des transgéniques est garantie par de nouvelles règles d'étiquetage. Le Parlement européen doit être saisi de ce sujet au cours de l'été, me semble-t-il.
Le dispositif qui est en passe d'être retenu, en plus des directives de 1990, sera l'un des plus rigoureux et des plus complets au monde.
Dans ces conditions, la gestion du dossier des OGM justifie une approche pragmatique, en sériant les problèmes d'ordre différent : juridique, économique, médical, sanitaire et environnemental. Grâce à notre collègue Jean Bizet, l'organisation du présent débat y participe pleinement. Dans son rapport, notre collègue formule de nombreuses propositions auxquelles nous souscrivons dans leur grande majorité.
En particulier, il me semble indispensable d'améliorer l'information de nos concitoyens et d'approfondir notre réflexion sur le principe de précaution. En effet, malgré l'absence de preuve de risque effectif, notamment en matière sanitaire, le cas des OGM montre que les réglementations, les plus strictes possible n'ont pas toujours un rôle sécurisant auprès des consommateurs.
En conséquence, les incertitudes doivent être levées par un développement accru de la recherche, une réflexion sur le long terme et une information transparente de nos concitoyens. En particulier, la comparaison doit être faite avec d'autres modes de production plus conventionnels, comme ceux qui prévoient le recours aux pesticides et insecticides.
Par ailleurs, nous nourrissons dorénavant un rapport social à la nature comportant une demande croissante de sécurité, qui ne peut malheureusement, malgré les souhaits de certains, être absolue, je le soulignais au début de mon propos. Cependant, nous sommes nombreux à penser que, si nous évoquons le principe de précaution, celui-ci ne doit pas justifier l'inaction ; au contraire, il devrait être un impératif d'action, fondé sur une analyse bénéfices-risques. Il faut y veiller, notamment dans le dossier des OGM.
Enfin, nous devons avoir conscience que le débat est amené à évoluer rapidement, car la science elle-même progresse. Ainsi, des OGM dits « de deuxième génération » sont obtenus par chirurgie génétique et donnent des produits qui se rapprochent des hybrides. Ayons conscience que les OGM ne constituent pas un ensemble indissociable et qu'ils doivent être appréhendés en fonction de l'évolution de leurs techniques.
Pour conclure, je tiens à rappeler combien la présente discussion est une bonne initiative, de nature à clarifier le débat sur les OGM.
La réflexion doit précéder l'action, comme le Gouvernement s'y applique dans de nombreux dossiers. Nous percevons déjà que les choix futurs devront être guidés par plusieurs principes : le respect du vivant, la recherche, l'information des citoyens, le souci de précaution.
C'est donc la sagesse qui semble se dessiner. Nous devons, mes chers collègues, nous en féliciter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur les OGM que nous engageons aujourd'hui est plus que jamais d'actualité. La ratification, voilà moins d'une semaine, du protocole sur la biosécurité par l'Etat insulaire de Palau, cinquantième Etat signataire, va permettre l'entrée en vigueur de ce traité régissant les mouvements internationaux d'OGM dès le mois de septembre prochain.
Plus de trois années de négociation ont été nécessaires pour parvenir à cet accord, qui donnera la possibilité aux pays qui le souhaitent de refuser l'entrée d'OGM sur leur territoire. Ce protocole devrait donc permettre à l'Union européenne d'échapper à la plainte déposée contre elle par les Etats-Unis auprès de l'Organisation mondiale du commerce.
Parallèlement, l'Union européenne se déclare sur le point de lever le moratoire en vigueur depuis 1999 et, au cours des prochaines semaines, le Parlement européen devrait se prononcer sur l'accord qui a été conclu entre les ministres de l'agriculture des Quinze, le 28 novembre dernier, en ce qui concerne l'étiquetage.
Cet accord prévoit l'abaissement à 0,9 % du seuil requis pour l'étiquetage des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. Ce seuil ne concerne que les OGM qui ont obtenu une autorisation de commercialisation dans l'Union européenne. Les produits importés contenant des OGM non autorisés dans la Communauté mais ayant fait l'objet d'une évaluation scientifique favorable ne seraient plus tolérés au-delà d'un plafond de 0,5 %.
A ce titre, la mission d'information sur les OGM a estimé que ce seuil était particulièrement bas. J'aimerais, madame la ministre, connaître votre sentiment à ce sujet.
Personnellement, je suis favorable à la levée du moratoire européen, et je rejoins en cela les conclusions du rapport de nos collègues MM. Bizet et Pastor, dont je souligne la qualité ; le groupe de l'Union centriste a d'ailleurs fait siennes leurs propositions. En effet, refuser un développement encadré des OGM sur notre territoire me semblerait fort dommageable.
Continuer à minimiser, voire à ignorer, le phénomène OGM revient à démobiliser nos chercheurs en la matière, à contribuer à la fuite de nos cerveaux et à nous réduire à l'état de dépendance. Est-ce cela que l'on veut pour notre recherche ? Peut-on se permettre de prendre tant de retard dans le secteur des biotechnologies et d'être, à ce titre, dépendant des brevets et des recherches des pays tiers ?
Ce n'est pas vous, madame la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, qui réfuterez l'importance stratégique de ce secteur pour la recherche française et européenne dans les années à venir.
Trois chiffres me semblent particulièrement révélateurs de la situation de notre pays. Tout d'abord, en France, toutes espèces confondues, environ soixante essais de plantes transgéniques ont été effectués en plein champ en 2002, soit seulement une quinzaine d'hectares, essentiellement de maïs, par rapport aux milliers d'hectares qui sont chaque année consacrés à tester de nouvelles variétés agricoles. Ensuite, dans l'Union européenne, le nombre de notifications d'essais d'OGM sur le terrain a baissé de 76 % entre 1998 et 2001. Enfin, dans le même temps, plus de mille dossiers de demandes d'expérimentation ont été déposés aux Etats-Unis, plus d'un quart émanant d'ailleurs d'universités et ayant pour objectif clairement affiché la recherche fondamentale.
Il est donc clair que l'Union européenne, et en particulier notre pays, sont en train de prendre du retard dans ce domaine eu égard aux grands concurrents agricoles que sont notamment les Etats-Unis et plusieurs pays émergents.
Promouvoir les biotechnologies est un facteur crucial d'indépendance nationale. Au nom de quoi devrait-on imposer à nos agriculteurs de devoir produire à un moindre coût et toujours mieux, c'est-à-dire en protégeant l'environnement et en améliorant qualité et traçabilité, sans leur permettre de bénéficier, s'ils le souhaitent, des avancées scientifiques en la matière ?
L'avenir de notre agriculture est en jeu. Il nous faut maintenir notre compétitivité face à la concurrence mondiale, et l'Europe ne peut dédaigner aucun moyen sûr et maîtrisé permettant d'améliorer sa production agricole. D'autant que la réglementation européenne en matière d'OGM assure désormais un niveau élevé de protection du producteur et du consommateur.
A ce titre, le projet de règlement présenté en juillet 2001 par la Commission européenne, qui fixerait les règles de traçabilité à la fois pour l'ensemble des OGM et pour les produits destinés à l'alimentation qui sont issus d'OGM, paraît une réponse adaptée et opportune.
Madame la ministre, si le consommateur doit avoir la liberté de choisir entre produits OGM et non-OGM et être informé en conséquence, les agriculteurs doivent, dans le même temps, pouvoir décider de leurs pratiques : conventionnelle, biologique ou OGM. Or, on le sait aujourd'hui et il n'y a pas lieu de s'en cacher, la culture biologique, pour intéressante qu'elle soit, ne peut en aucun cas satisfaire les besoins alimentaires de la planète.
Au contraire, la production et la commercialisation de plantes transgéniques s'inscrivent dans un contexte où l'amélioration génétique doit être perçue comme un facteur essentiel de la compétitivité de l'agriculture.
Enfin, madame la ministre, il y va de notre crédibilité à terme. L'Union européenne peut-elle encore refuser les OGM sur son territoire au vu de sa dépendance en matière d'approvisionnement en oléo-protéagineux ?
L'Union européenne consomme chaque année, afin d'alimenter son bétail, 30 millions de tonnes de tourteaux de soja et sa dépendance s'est encore accrue depuis l'interdiction des farines animales en 2001. Or plus de la moitié des surfaces mondiales cultivées en soja le sont en soja OGM.
Economiquement parlant, nous devons être conscients de la difficulté pratique croissante qu'il pourrait y avoir, pour l'Europe, à maintenir durablement un approvisionnement de masse non-OGM et à rester en même temps une grande puissance agricole mondiale. Et, au-delà de ces considérations économiques, il est temps de mettre fin à cette forme d'hypocrisie qui consiste à refuser les OGM à l'intérieur de notre pays tout en étant contraints aujourd'hui d'importer massivement des OGM en provenance de pays tiers à des fins d'alimentation animale !
M. Jean Arthuis. Bien sûr !
M. Yves Détraigne. Madame la ministre, je comprends les inquiétudes, légitimes, de nos concitoyens, surtout après l'émotion suscitée par les farines animales. En revanche, je ne peux cautionner les actes idiots des prétendus commandos anti-OGM - ils ont encore sévi dernièrement dans mon département -, qui ressemblent plus à des gesticulations politico-médiatiques, voire à des manifestations d'obscurantisme, qu'à une véritable défense du consommateur et de l'environnement.
En l'état actuel de nos connaissances, il est évident que l'absence de preuve du risque sanitaire s'accompagne de l'impossibilité de prouver l'absence de risque. Permettez cette digression au rapporteur du projet de loi relatif aux risques technologiques et naturels : le risque zéro n'existe pas non plus en matière de biotechnologies, mais le risque d'immobilisme et d'inaction est, selon moi, encore plus grand en la matière !
Pour conclure, les potentialités du génie génétique en agriculture paraissent importantes. On peut y voir une nouvelle voie d'évolution technique, reposant un peu moins sur les produits chimiques, et un moyen supplémentaire d'adapter la production agricole à divers usages et à différentes conditions de milieu. Aussi est-il essentiel, en même temps que la levée du moratoire et le développement de la recherche scientifique, de garantir la coexistence de toutes les filières de notre agriculture. Il y va de l'avenir d'un développement rural équilibré et serein.
Madame la ministre, je vous remercie par avance de bien vouloir nous préciser les propositions du Gouvernement en matière de coexistence des filières agricoles et ses intentions en matière d'autorisation des OGM sur le territoire français. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, au cours des longs mois d'auditions auxquelles a procédé la mission d'information, j'ai pu constater que la question des organismes génétiquement modifiés est complexe et qu'elle ne peut être réduite à un simple débat « pour ou contre », tant les applications sont vastes, diversifiées et porteuses de progrès possibles pour l'humanité, comme l'a rappelé mon collègue et ami Gérard Le Cam.
Comme pour toute recherche scientifique, se pose la question de l'utilisation des découvertes, surtout lorsque les avancées possibles peuvent être concentrées entre les mains d'une poignée de grandes firmes internationales. C'est pourquoi il est important que le politique légifère sereinement, indépendamment des diktats de l'Organisation mondiale du commerce.
Le développement de l'insécurité sanitaire et alimentaire ne repose pas sur « un refus obscurantiste de tout progrès scientifique » de la part de l'opinion publique, des consommateurs ou des agriculteurs.
Les actions revendicatives contre les OGM menées par des agriculteurs et des associations, en France et dans le monde, reposent essentiellement sur la liberté de choix en matière de production et de consommation de produits sans OGM ainsi que sur la nécessité d'une information plus transparente sur toutes ces questions qui touchent à la recherche et à la santé humaine.
Dans un contexte marqué ces dernières années par la répétition de crises alimentaires et sanitaires, l'inquiétude légitime des producteurs comme des consommateurs est fondée sur plusieurs constats.
Premièrement, les conséquences à long terme sur les organismes humains, végétaux et animaux sont aujourd'hui encore trop mal connues pour que l'on puisse se permettre de libéraliser sans réserve l'utilisation des OGM.
Ainsi, l'introduction d'un gène nouveau dans l'organisme naturel peut entraîner la production de toxines. Les OGM producteurs de pesticides devraient donc être testés comme des pesticides, avec des expérimentations de toxicologie et de cancérologie, ce qui n'est pas le cas actuellement. De plus, le risque d'allergies alimentaires n'est pas négligeable.
Deuxièmement, la seule certitude admise par tous est que, aujourd'hui, il est impossible de garantir le « zéro OGM » dans les productions alimentaires, animales ou humaines : le confinement des productions agricoles avec OGM est impossible.
Troisièmement, la guerre économique et politique que livrent les Etats-Unis à l'Europe et au monde, notamment aux pays en voie de développement, en exerçant une énorme pression sur le marché via les trusts agroalimentaires américains, est un paramètre extrêmement important, et une atteinte à l'autonomie de notre pays.
Cela justifie que le développement des OGM soit inscrit dans un cadre réglementaire très exigeant. Les dispositifs nationaux et communautaires doivent garantir le plus sûrement possible la santé publique française, européenne et mondiale.
Nous devons inscrire l'utilisation des organismes génétiquement modifiés dans la perspective d'un développement durable, c'est-à-dire celle de la préservation de notre planète, de toutes ses espèces animales et végétales pour les générations futures, sans pour autant concevoir à la place de ces générations ce que sera l'avenir.
Il n'existe aucune activité humaine qui soit sans conséquences. Cependant, il importe de répondre aux exigences de prudence et aux interrogations de nos concitoyens par la mise en oeuvre permanente du principe de précaution, principe qui doit être défini, non pas comme un instrument figeant toute recherche scientifique et toute évolution, mais bien comme un instrument de protection du bien-être commun.
Aujourd'hui, les enjeux marchands et politico-stratégiques mondiaux autour de la production et donc de la prolifération planétaire des OGM exigent que nous prenions toutes nos responsabilités pour légiférer non pas sous la pression de lobbies financiers, mais avec le souci d'une garantie optimale de sûreté alimentaire pour l'ensemble des populations et le respect de la biodiversité.
Les OGM sont un véritable pactole pour une demi-douzaine de grands groupes obtenteurs de semences qui sont à l'agriculture ce que Vivendi Universal est à la culture !
L'introduction des semences génétiquement modifiées dépossède les paysans de la maîtrise accumulée par des siècles d'innovation et de recherche collectives d'un héritage culturel et historique que sont les semences sélectionnées.
Les paysans de chez nous comme ceux du tiers monde sont dessaisis de leur savoir et de leur savoir-faire.
L'enjeu financier est énorme : on parle de plusieurs milliards de dollars.
Comment ne pas évoquer la pression des lobbies agro-alimentaires dans le débat ?
Comment ne pas évoquer l'équilibre vital qu'il nous faut maintenir entre l'avancée des technologies et de la science, et sa protection par une législation appropriée et indépendante du marché ?
La recherche doit avoir les moyens de cette indépendance. De ce point de vue, madame la ministre, nous ne pouvons qu'être inquiets et dénoncer les réductions de budget qui affectent votre ministère, en particulier les crédits alloués à la recherche publique.
L'extrême méfiance de l'opinion publique à l'égard des OGM est aussi alimentée par le fait que les recherches sur les organismes génétiquement modifiés sont, pour une large majorité d'entre elles, financées et développées par des firmes qui produisent et commercialisent ces mêmes produits.
L'équilibre entre recherche publique et recherche privée est un gage de sécurité lorsqu'il s'agit de sujets aussi sensibles que la santé et le devenir de l'être humain.
Il est de la responsabilité de la recherche de vulgariser ses travaux, d'informer les citoyens, de permettre le débat public et contradictoire.
On ne gagnera le pari de la sécurité alimentaire, de la sécurité sanitaire et du développement durable de notre planète que grâce à une information large et transparente de l'ensemble des acteurs et des partenaires concernés. Le rapport dense et documenté de la mission d'information du Sénat et les propositions qu'il contient en sont un élément.
Sur cette question, comme sur tous les sujets de société, nous n'avons rien à craindre de la démocratie. Le temps est venu du débat pour donner à chacun le moyen de devenir un consommateur, un acteur, un citoyen, libre de ses choix. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, MM. Bizet et Pastor ont souligné avec pertinence les principaux enjeux des biotechnologies, je n'y reviendrai donc pas. Je soulignerai simplement combien le secteur de la recherche et de l'innovation est stratégique pour notre pays et pour l'Europe. Votre action au sein de la mission d'information sur les enjeux économiques et environnementaux des OGM, mesdames, messieurs les sénateurs, est donc en parfaite synergie avec la volonté de mon ministère.
Le rapport de la mission d'information présente une somme d'informations considérable et a abouti à des propositions claires. Le Gouvernement félicite particulièrement son président, M. Jean Bizet, et son rapporteur, M. Jean-Marc Pastor, pour le remarquable travail qu'ils ont réalisé en ayant le souci de prendre en compte tous les points de vue et de les aborder avec sérénité.
Comme M. Yves Détraigne, notamment, l'a souligné, la parution de ce rapport ne pouvait pas être plus opportune au moment où se pose la question de la sortie du moratoire, où douze Etats viennent de porter plainte contre l'Union européenne à ce propos, où l'entrée en vigueur du protocole « biosécurité » n'est plus que l'affaire de quelques mois, et où le Gouvernement travaille sur la transposition de la directive 98/81 et, surtout, de la directive 2001/18.
Le Gouvernement a en effet la volonté de transposer rapidement, par voie législative, ces textes qui font aujourd'hui l'objet d'un contentieux au niveau européen pour retard de transposition.
S'agissant de la directive 98/81, nous en sommes déjà au stade du recours en manquement. La Cour de justice des Communautés européennes pourrait prononcer un arrêt de condamnation très prochainement.
Concernant la directive 2001/18, la Commission a adressé à la France, au mois d'avril, un avis motivé, et la saisine de la Cour paraît déjà inévitable.
Le travail interministériel sur ces transpositions est donc entré dans sa phase finale et le texte de loi devrait pouvoir être proposé par le Gouvernement à la fin de l'été. C'est le ministère de la recherche et des nouvelles technologies qui est porteur de ce projet.
Au-delà de cet aspect législatif important, la question orale, en ouvrant le débat de ce matin, a été l'occasion d'élaborer une position gouvernementale consensuelle sur l'ensemble des propositions contenues dans ce rapport.
En effet, le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, celui de l'écologie et du développement durable, celui de la santé, de la famille et des personnes handicapées, le ministère chargé de la consommation, aussi, se sont rapprochés, afin de vous apporter aujourd'hui une analyse consensuelle de vos propositions.
Vous l'avez dit, il y a beaucoup de complexité dans ce dossier. Pour M. Larcher, il nous faut gérer la complexité ; pour M. Fournier, l'importance de ce dossier tient à sa complexité. La responsabilité de la recherche est sans doute d'être en première ligne en cette matière. En effet, la sérénité, l'écoute, cette relation de confiance entre science et société sont nécessaires dans un débat où les enjeux sont tels.
Pour plus de clarté et de cohérence dans ma réponse aux différents orateurs, je reprendrai successivement les propositions consensuelles et unanimes du rapport.
Proposition n° 1 : respecter et, au besoin, protéger la recherche, dès lors qu'elle se plie comme de juste au principe de précaution.
La recherche sur les biotechnologies végétales, incluant la phase ultime des essais au champ, doit être encouragée pour plusieurs raisons essentielles qui sont clairement exposées dans le rapport.
Ainsi, le maintien d'une expertise dans notre pays, notamment dans la recherche publique, doit nous permettre de conserver une autonomie de jugement et de veille et une capacité de décision, quelles que soient les mesures prises par les autres pays.
En accord avec le souhait exprimé par M. Bernard Fournier, nous affirmons la nécessité de réduire l'incertitude sur des questions scientifiques concernant, notamment, la biovigilance et les comparaisons entre les différents modes de production, tout comme la nécessité d'explorer les potentialités de la transgenèse - elles sont reconnues dans d'autres domaines - pour l'amélioration variétale, en particulier dans la perspective d'une agriculture durable offrant une plus grande autonomie alimentaire aux pays les moins avancés, monsieur Le Cam.
Il est également important de préserver l'indépendance technologique et économique de notre agriculture, en ne renonçant pas a priori aux outils performants de la transgenèse pour créer de nouvelles variétés, monsieur Détraigne.
Comme l'a souligné M. Bizet, toute innovation peut comporter des risques, mais une société moderne ne peut se développer sans accepter ces risques et les gérer en conséquence. M. Pastor a lui-même insisté sur l'importance des aspects sociaux de l'innovation et sur la nécessité que cette dernière soit bien comprise.
L'exploration du potentiel des OGM doit être conduite dans l'esprit de l'article 9 de la charte de l'environnement, qui prévoit que « la recherche et l'innovation doivent concourir à la préservation de l'environnement et à sa mise en valeur ». Cette exploration doit donc, pour ce qui est de la dissémination des OGM, respecter strictement le cadre réglementaire inspiré du principe de précaution inscrit à l'article 5 de la charte. J'espère qu'ainsi je peux rassurer Mme Terrade.
Dans ce cadre rigoureux, il n'est pas admissible que les chercheurs ne puissent pas conduire leurs travaux en toute sérénité. Les délits concernant des destructions d'essais doivent donc être sanctionnés. En contrepartie, les chercheurs doivent mieux rendre compte, vis-à-vis de nos concitoyens, des objectifs et des incertitudes de leur travail.
Proposition n° 2 : encadrer les cultures de plantes génétiquement modifiées pour garantir l'existence d'une filière non étiquetée OGM.
L'acceptation, après un examen attentif au cas par cas, de la possibilité de cultiver, à des fins de recherche et développement ou de mise sur le marché, des plantes génétiquement modifiées, ne doit en aucun cas mettre en péril les filières non étiquetées OGM, traditionnelle ou biologique.
Comme pour les consommateurs, les agriculteurs doivent disposer du choix entre OGM et non-OGM dans leur activité. MM. Pastor et Détraigne ont bien exposé ce problème. Cette possibilité impose naturellement que soit mises en place, au niveau de chaque Etat et à l'issue d'une négociation transparente entre les différents intéressés - agriculteurs, semenciers, instituts techniques -, des procédures techniques réalistes pour la mise en culture d'OGM respectant cette contrainte.
Ces mesures de gestion agricole, qui abordent notamment les distances, les zones tampons, les pièges à pollens, les dates de culture et leurs rotations - il y a là non seulement un aspect spatial, mais aussi un aspect temporel -, doivent s'inscrire dans un code de bonnes pratiques, à définir pour chaque variété, dont la mise en oeuvre pourra incomber aux instituts techniques tels que le centre technique interprofessionnel des oléagineux métropolitains, le CETIOM, ou l'association générale des producteurs de maïs l'AGPM.
L'efficacité de ces mesures de gestion doit être suivie et évaluée dans le temps et l'impact économique d'éventuels écarts doit être géré avec responsabilité.
Proposition n° 3 : fixer des seuils d'étiquetage de présence d'OGM.
Cette question des seuils doit être abordée avec une vision claire et ferme des objectifs fixés, avec pragmatisme, dans un monde où, vous le savez, les surfaces cultivées en OGM ont un taux de croissance à deux chiffres et représentent déjà plus du double de la surface agricole utile française.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la dépendance de l'Europe, en particulier dans le domaine des oléo-protéagineux. Fixer des seuils trop bas risquerait de rendre économiquement impossible la coexistence des filières. Cela dérogerait même à la tolérance habituelle dans la notion de pureté variétale, avec le risque que cela se retourne contre les défenseurs des agricultures traditionnelle ou biologique.
Monsieur Détraigne, le seuil de 0,9 % pour les produits finis, qui a fait l'objet, après de difficiles et longues négociations, d'un accord politique au Conseil à la fin de 2002, apparaît comme un point d'équilibre que la France doit soutenir avant sa mise en oeuvre. Son adoption définitive est encore soumise au vote du Parlement européen, qui pourrait intervenir assez rapidement, l'examen en session plénière débutant le 1er juillet prochain. Il semble que tout soit fait pour que l'on maintienne le consensus qui a été proposé, ce qui pourrait conduire à une publication en septembre 2003, et à une entrée en vigueur vingt jours après, donc au tout début de l'automne.
Proposition n° 4 : soutenir la recherche par le soutien économique aux entreprises, par un rétablissement des budgets de la recherche publique, car il est important de conserver une recherche indépendante, et par l'encouragement à des partenariats féconds entre le public et le privé, afin de pouvoir donner un signe politique fort de soutien à nos scientifiques impliqués dans ce domaine.
MM. Gérard Larcher et Jean Bizet ont insisté sur le rôle social de la recherche et cela me paraît tout à fait essentiel : c'est aux acteurs de la recherche et aux politiques de mieux expliquer l'importance de ce rôle à nos concitoyens.
Le premier rôle social de la recherche est évidemment de répondre à leurs attentes, notamment pour l'amélioration de la santé et la création de valeurs partagées à partir de la connaissance ; il faut aussi engager très tôt cette réflexion au service des pays en voie de développement, comme M. Le Cam l'a souligné.
Le deuxième rôle social de la recherche est de garantir l'expertise indispensable à la préparation de la décision politique, notamment dans le domaine de la gestion du risque.
Le troisième rôle, qui est la motivation quotidienne des chercheurs eux-mêmes, est bien sûr la production de connaissances nouvelles dans une quête cognitive, essentielle à la nature humaine, quête qui, à un moment donné, peut nous permettre de lever des verrous, d'avancer, et dont nous ne pouvons bien sûr pas nous couper.
Ce rôle social capital appelle une réponse claire du Gouvernement.
L'innovation technologique des entreprises sera d'abord soutenue au travers des mesures du « plan innovation » qui a été présenté en décembre dernier par Nicole Fontaine et moi-même, et qui devrait faire, à l'automne, l'objet d'un projet de loi permettant de donner une impulsion nouvelle à l'innovation.
Mais ce n'est pas suffisant dans le domaine des biotechnologies, qui présente effectivement des spécificités.
Un plan sectoriel pour les biotechnologies est en préparation et devrait être annoncé après l'été. Il comportera notamment des mesures qui bénéficieront aux entreprises de biotechnologie végétale.
Dans une situation économique difficile, l'Etat doit faire un effort particulier pour soutenir la recherche publique dans le domaine des biotechnologies végétales.
Vous avez évoqué, monsieur Bizet, le soutien au programme Génoplante. Ce programme, qui est un modèle des interactions dans ce domaine des recherches en biotechnologie végétale, puisque des partenaires privés y sont impliqués, est financé à 60 % par des fonds publics. Ce soutien, qui était assuré jusqu'en 2003, devrait ainsi être renouvelé.
Le ministère de la recherche souhaite voir ce programme important évoluer dans plusieurs directions.
En premier lieu, il veut ouvrir plus largement ce programme à des entreprises privées de petite taille pour pouvoir favoriser l'interaction entre public et privé dans le secteur des biotechnologies végétales. Comme l'a souligné Gérard Larcher, ce type de partenariat est important pour restaurer le lien de confiance entre les chercheurs et nos concitoyens.
En deuxième lieu, nous devons afficher une ambition plus nette d'aborder l'amélioration variétale par la transgenèse.
En troisième lieu, une struturation européenne permettant de pallier l'absence du sixième programme cadre de recherche et de développement, le PCRD, sur ce secteur, doit être mise en place.
Enfin, par l'intermédiaire de ce programme Génoplante, nous allons évoluer dans une direction que MM. Pastor et Le Cam ainsi que Mme Terrade ont évoquée, à savoir une prise en charge de l'élaboration d'un système de mise en commun des brevets de ce secteur à l'échelle de l'Union européenne, avec une ouverture vers les pays en voie de développement.
Les mesures du « plan biotechnologie », les choix budgétaires affichés en faveur des biotechnologies végétales et l'engagement ferme du Gouvernement de faire respecter les expérimentations au champ constitueront un signe politique clair en faveur des scientifiques.
Proposition n° 5 : clarifier la situation en distinguant les différents risques. Cette proposition, également évoquée par M. Le Cam, vise l'obligation d'assurance.
En ce qui concerne le premier aspect, la perte économique, il faut savoir que, contrairement aux allégations de certains, la législation actuelle permet de gérer les éventuels dommages économiques qui seraient engendrés par la culture d'OGM à proximité de productions non-OGM valorisées en tant que telles. Il suffit de s'appuyer sur les dispositions concernant les troubles du voisinage ou sur la responsabilité du fait des choses prévue par l'article 1384 du code civil. Parallèlement à la jurisprudence que les juges établiront pour préciser les conditions dans lesquelles d'éventuels préjudices économiques subis par les « agriculteurs non-OGM » pourront être indemnisés, la mission d'information propose de créer un fonds de mutualisation, proposition qui devra être discutée avec les différents intéressés : assurances, semenciers, agriculteurs.
L'atteinte environnementale éventuellement due aux OGM entrera prochainement dans le champ de la directive européenne sur la responsabilité environnementale, qui doit faire l'objet d'une position commune avant la fin de la présidence grecque.
Le texte dispose que le responsable du dommage environnemental, qu'il s'agisse de la biodiversité, des eaux ou des sols, devra, sous la responsabilité de l'autorité compétente, réparer ledit dommage. La lourdeur prévisible des contentieux et le souci de mise en oeuvre rapide des mesures correctrices constituent un argument en faveur de la proposition formulée dans le rapport de créer un fonds de mutualisation. On peut éventuellement établir un parallèle avec le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, le FIPOL, bien que ce fonds vise à indemniser les parties privées, alors qu'aucune indemnisation de ce type n'est envisagée par la directive européenne. Cette option intéressante doit, là encore, faire l'objet d'une discussion approfondie avec les intéressés.
L'Etat doit montrer sa volonté politique de soutien au secteur des biotechnologies en affirmant sa capacité à assumer le risque sériel, en partenariat avec les bénéficiaires économiques des développements. L'option d'un fonds dédié, garanti par l'Etat au-delà d'un certain seuil, doit donc être explorée. Ces propositions sont de la plus haute importance et nous amèneront à nous positionner dans la réflexion.
Proposition n° 6 : défendre le certificat d'obtention végétale, le COV.
La France a été, au début des années soixante, à l'initiative de la mise en place du COV défini par la convention de l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales, l'UPOV. Ce mode alternatif de gestion de la propriété intellectuelle, qui rémunère l'obtenteur d'une variété végétale sans entraver le libre accès à la diversité biologique pour de nouvelles innovations, paraît très bien adapté à la filière végétale.
La France se doit de le défendre et d'en limiter les dérives déjà esquissées, comme la révision, en 1991, de la convention UPOV qui a introduit le critère de dérivation essentielle. Ce critère permet d'étendre la protection d'une obtention à des variétés génétiquement très proches et rapproche ainsi le COV du brevet. Or la France n'a pas ratifié cette convention.
Au-delà du COV, la France doit, au sein de l'Union européenne, prendre une part active à la construction d'un système de mise en commun des brevets du secteur des biotechnologies végétales, s'inspirant de Génoplante, voire de l'ensemble des biotechnologies. L'accès privilégié des pays en voie de développement à cette propriété intellectuelle doit également être défendu par le Gouvernement dans le cadre d'une politique nationale humaniste et clairvoyante.
Proposition n° 7 : réorganiser le système de contrôle pour plus de transparence.
Il est déjà prévu que le projet de loi portant transposition des directives 98/81 et 2001/18, et qui correspond à un choix national, abordera la réforme des instances d'évaluation. Le texte actuel prévoit de renforcer l'expertise de la commission du génie biomoléculaire, la CGB, en substituant de nouveaux experts scientifiques aux représentants de la société.
Vous avez évoqué le positionnement du comité de biovigilance. C'est une question tout à fait pertinente, mais difficile. L'option du regroupement de la CGB et du comité de biovigilance au sein d'une même instance offre l'avantage de simplifier le dispositif national et de nourrir l'instance qui évalue a priori le retour d'expérience permettant le suivi de la mise en oeuvre du plan de surveillance.
Nous en avons discuté ; d'autres arguments vont à l'encontre de cette fusion : la commission de génie biomoléculaire a un rôle exclusif d'expertise du risque, alors que le rôle du comité de biovigilance peut être perçu davantage comme un appui opérationnel à la gestion du risque. Il pourrait y avoir confusion des genres, des missions, si les deux instances étaient fusionnées.
Le Gouvernement est tout à fait conscient qu'une évolution rapide est indispensable, mais le dispositif doit encore être discuté non seulement au sein du Gouvernement, mais bien sûr avec le Parlement.
Votre intéressante proposition d'un deuxième cercle d'expertise doit être prise en compte dans le projet de loi. Cette instance, encore à définir, aurait pour mission d'élaborer tous les deux ans un rapport établissant un bilan de l'évolution des connaissances, des pratiques scientifiques et des pratiques commerciales relatives à la dissémination volontaire d'OGM.
Comme M. Fournier l'a dit, les évolutions rapides permises par les avancées scientifiques nous incitent à envisager différentes pistes de réflexion et à rester ouverts au dialogue.
A ce stade de nos réflexions et de nos discussions, il n'est pas apparu pertinent que cette nouvelle instance, ce deuxième cercle d'expertise, s'exprime sur chacun des dossiers d'autorisation, dont le contenu, essentiellement technique, permet l'évaluation du risque que représente la dissémination d'un OGM particulier. En revanche, la société civile doit absolument intervenir dans un bilan effectué a posteriori et en toute transparence sur l'impact scientifique, environnemental, sanitaire, social et économique des cultures d'OGM. Cette évaluation du risque, sur laquelle la société civile doit se prononcer, est tout à fait fondamentale, ainsi que M. Pastor l'a souligné.
On pourrait de plus proposer que ce deuxième cercle soit chargé d'un rôle d'information vis-à-vis du public sur ces différents impacts, sur les dispositifs d'expertise et sur les modes de gestion des risques.
M. Gérard Larcher a évoqué avec raison la nécessité de rétablir la relation de confiance entre les citoyens et les chercheurs, mais aussi entre les politiques et les chercheurs. Je rejoins également Mme Terrade qui a évoqué le respect de la vie, l'importance de la recherche, l'information du citoyen et la nécessité de rester au plus proche d'une attitude de précaution.
Proposition n° 8 : soutenir la mise en place d'une biovigilance dans tous les pays du monde, dans le cadre d'une agence mondiale de l'environnement, dont la FAO pourrait tenir le rôle avant que cette agence soit mise en place.
Dans la « stratégie nationale de développement durable », récemment présentée au comité interministériel du développement durable, le Gouvernement a réaffirmé sa volonté de favoriser la mise en place d'une organisation mondiale de l'environnement.
Cet instrument devrait contribuer activement à la mise en oeuvre du protocole de Carthagène sur la biosécurité, qui entrera en vigueur le 11 septembre 2003, en renforçant les capacités de contrôle et de gestion des pays en développement, ce qui leur permettra d'exercer une biovigilance efficace.
Proposition n° 9 : rendre effective l'information des élus locaux, notamment par l'élaboration d'un plan d'occupation des champs, POC.
L'information des élus locaux dont les communes sont potentiellement concernées par des essais au champ avant que la décision administrative ne soit prise est une absolue nécessité, reconnue par le Gouvernement. Cette nécessité a d'ailleurs été prise en compte pour la campagne d'autorisations de 2003, initiée au printemps : les maires des communes concernées par les programmes de recherches ont été spécifiquement informés par les services régionaux du ministère de l'agriculture.
A cet égard, une procédure pilote d'information et de consultation du public, via Internet, a été mise en place. Le retour d'expérience, avec quelque six cents réponses électroniques, est globalement positif même si le format peut encore être adapté, et il va nous permettre de mieux ajuster le dispositif réglementaire que nous devons définir dans le cadre de la transposition de la directive européenne 2001/18. Cette pratique nous a donc fourni de nombreux éléments d'information.
A l'intérieur de ce dispositif, l'implication des maires dans les modalités d'information et de consultation du public est d'ores et déjà prévue dans les textes réglementaires d'application. Ainsi, les maires auront la possibilité de demander l'organisation de débats publics avant la décision d'un essai.
Une fois les essais décidés, le Gouvernement est favorable à une transparence maximale sur leur localisation, afin de gérer au mieux la coexistence des cultures OGM et non-OGM. Cette volonté de transparence et d'information ne doit cependant pas écarter la question du droit privé, en ce qui concerne notamment la localisation très précise des parcelles. Le Gouvernement est attentif à tous ces aspects.
La proposition n° 10 est très ambitieuse : adopter une loi fondatrice sur les biotechnologies, qui mettra l'accent sur l'encadrement éthique du développement des biotechnologies ; la mise en place des normes environnementales ; l'encouragement et l'encadrement de la recherche tant publique que privée.
Je vous remercie, monsieur Pastor, d'avoir mis l'accent sur des points aussi importants. Le Gouvernement étudie en ce moment même avec attention cette proposition.
Les règles relatives à la transposition des directives européennes nous imposent cependant de traiter avec un certain découplage dans le temps ces questions.
Mais, bien évidemment, dans le cadre du « Plan biotechnologie » que j'évoquais tout à l'heure, un projet de loi ambitieux intégrant ces différents volets pourrait être envisagé.
Le ministère délégué à la recherche et aux nouvelles technologies est en tout cas très attentif à la nécessité de mettre en place un cadre législatif ambitieux autour des biotechnologies, en particulier des biotechnologies végétales.
Proposition n° 11 : lever le moratoire en vigueur depuis quatre ans. La France a opté, vous le savez, pour la sortie du moratoire dès l'entrée en vigueur des règlements NF sur la traçabilité et l'étiquetage. Ces deux règlements feront l'objet d'un vote au Parlement européen lors de la session plénière débutant le 1er juillet prochain et tout semble indiquer qu'ils pourraient être adoptés sans procédure de conciliation. Dans l'hypothèse d'une adoption, leur entrée en vigueur serait donc effective dès le début de l'automne.
Messieurs Bizet, Pastor, Détraigne, Le Cam, vous avez tous mis en avant le caractère rigoureux et contraignant des réglementations européennes. Elles ont précisément été conçues pour entourer d'un cadre de responsabilité, de transparence, de prudence et d'analyse au cas par cas la délivrance des autorisations de mise sur le marché.
Le Gouvernement ne souhaite pas que de nouvelles contraintes viennent encore retarder cette évolution.
Dans votre rapport apparaît bien le fait qu'à un moment donné il faut prendre des décisions, les porter, les expliquer, plutôt que de rester dans une zone de flou : il faut que les encadrements réglementaires très forts que nous mettons en place soient compris si l'on veut obtenir la confiance du monde de la recherche et l'appropriation par chacun de l'enjeu considérable qui est en cause.
Comme cela a été rappelé lors du Conseil « agriculture » du 26 mai, les mesures permettant de gérer la coexistence des filières sont du ressort des Etats, et l'utilité d'une éventuelle harmonisation européenne ne doit pas conduire à différer encore la sortie du moratoire.
De même, la gestion de la responsabilité face aux différents risques et les solutions pratiques évoquées dans la proposition n° 5 du rapport sont du ressort de chaque Etat.
La sortie prochaine du moratoire devrait contribuer à désamorcer la procédure de plainte entamée à la mi-mai devant l'OMC par les Etats-Unis, le Canada et l'Argentine, associés à neuf autres pays.
Cette procédure est à ses débuts, et l'évolution de la situation européenne pourrait intervenir avant toute décision d'un panel de l'OMC qui serait mis en place pour régler ce différend.
Du côté européen, c'est à la Commission, de par ses compétences en matière de commerce, de réagir face à ce contentieux. Il est cependant important, sur le plan national, que la gestion de ce contentieux n'affecte pas notre volonté de promouvoir les biotechnologies dans notre pays, de les encadrer et d'explorer leur potentiel, en particulier dans le domaine végétal. Il nous faut donc être attentifs à la gestion de ce dossier.
Vous l'aurez certainement compris au travers de mon intervention, le Gouvernement a dans l'ensemble une perception très favorable du rapport exemplaire préparé par la mission d'information sur les enjeux économiques et environnementaux des OGM. Je rassure M. Pastor : ce ne sera pas « un rapport de plus » !
Je souhaite vivement - et je partage cette ambition avec mes collègues du Gouvernement que je représente aujourd'hui - que ce rapport soit à brève échéance le point de départ d'un travail qui aboutisse concrètement à des avancées significatives, non seulement sur le plan législatif et réglementaire, mais aussi dans la sphère de la recherche et de l'économie.
Le capital extraordinaire que représentent nos chercheurs, femmes et hommes, constitue notre potentiel d'excellence. Je vous remercie donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous être mobilisés en faveur de la recherche.
La France tout entière doit se mobiliser pour faire fructifier son capital scientifique et, bien sûr, entrepreneurial. C'est fondamental. Ne délaissons donc pas les biotechnologies végétales. Il faut dans ce domaine organiser un débat rigoureux, serein, encadré, et vous y avez contribué.
Nous disposons, en France et en Europe, d'atouts exceptionnels. Nous devons les faire valoir à l'échelle mondiale. C'est, je crois, le sens de notre ambition nationale et européenne : exprimer avec compétence nos choix et utiliser notre potentiel pour relever cet enjeu fondamental pour l'humanité.
Votre mobilisation et vos excellentes propositions nous permettent d'avancer ; je vous en remercie, comme je vous remercie de ce plaidoyer en faveur de la recherche comme facteur de progrès ! (Applaudissements.)
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 24 juin 2003 :
A neuf heures trente :
1. Dix-huit questions orales.
Le texte des questions figure en annexe.
A seize heures et le soir :
2. Discussion du projet de loi (n° 195, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, pour la confiance en l'économie numérique.
Rapport (n° 345, 2002-2003) de MM. Pierre Hérisson et Bruno Sido, rapporteurs de la commission des affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 342, 2002-2003) de M. Louis de Broissia, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Avis (n° 351, 2002-2003) de M. Alex Türk, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 23 juin 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 23 juin 2003, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ? ...
La séance est levée.
(La séance est levée à onze heures vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD