PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
5
Eloge funèbre de MICHEL PELCHAT, sénateur de l'Essonne
M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Michel Pelchat. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Notre collègue et ami Michel Pelchat, sénateur de l'Essonne, s'est éteint le 12 février dernier. A l'annonce de cette nouvelle, qui a claqué comme un coup de tonnerre, l'inquiétude a fait place à la consternation. Le mal implacable qui minait la santé de Michel Pelchat depuis plusieurs mois avait eu raison de son courage, de sa vitalité et de son énergie.
Sa disparition a été ressentie d'autant plus vivement que Michel Pelchat était particulièrement assidu à nos travaux et particulièrement apprécié, sur toutes les travées, par ses collègues.
Né le 8 juillet 1935 à Paris, Michel Pelchat accomplira un parcours original.
Engagé à dix-sept ans dans la marine nationale, il va participer à la campagne d'Indochine. C'est dans « la Royale » qu'il va acquérir ses premières formations spécialisées, qui lui permettront, une fois rendu à la vie civile, d'entrer en qualité de technicien à l'établissement de Saclay du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA.
Cette période fondatrice de sa vie porte en filigrane ce qu'il sera plus tard, et jusqu'à son dernier souffle : un homme d'action, toujours soucieux d'améliorer la vie quotidienne de ses concitoyens ; un homme d'ouverture, toujours tourné vers l'avenir pour mieux le préparer ; un homme profondément humain, un humaniste, toujours ouvert aux autres dans le respect de leurs différences.
Engagé dans la vie syndicale au CEA, Michel Pelchat sera une figure de l'action syndicale à Saclay. En 1971, Michel Pelchat adhère au parti socialiste, sous l'étiquette duquel il est élu, pour la première fois en 1976, conseiller général de Gif-sur-Yvette.
Réélu en 1979, sans étiquette cette fois, il participera activement à la vie de l'assemblée départementale de l'Essonne, dont il sera membre de façon ininterrompue jusqu'en 1998.
Dans l'exercice de ce mandat, il aura notamment la responsabilité des équipements publics, des transports et de la circulation. Il y donnera toute sa mesure : celle d'un bâtisseur, d'un meneur d'hommes et d'un visionnaire.
Il contribuera fortement - à sa manière, c'est-à-dire avec efficacité, pugnacité et conviction - à façonner l'identité de ce nouveau département, créé en 1964 par le Général de Gaulle, pour desserrer Paris et sa couronne et favoriser l'émergence de la région d'Ile-de-France.
En 1983, notre collègue, qui a rejoint les Républicains indépendants, fait son entrée au conseil municipal de Gif-sur-Yvette. Il y siégera jusqu'à sa mort, manifestant pour « sa ville », comme il aimait à l'appeler, un attachement sans faille et une passion quasi charnelle.
L'année 1986 marquera une nouvelle étape dans la carrière de Michel Pelchat. Elu en mars député de la 5e circonscription de l'Essonne, il sera très tôt remarqué au Palais-Bourbon par ses interventions vigoureuses, percutantes et argumentées. Il exprimera ainsi ses convictions, ses idées et ses propositions, notamment dans le domaine de la télévision et de ses développements technologiques, ou dans celui de la promotion de la chanson française par l'introduction de quotas de diffusion pour en sauvegarder la vitalité. Mais son domaine de prédilection reste - comme un signe de fidélité à ses origines professionnelles - celui de la recherche. Cette compétence et ce goût serviront sa circonscription, où sont implantées des institutions aussi prestigieuses que le CEA, où il commença sa carrière civile, l'Ecole polytechnique, le CNRS ou encore l'Ecole supérieure d'électricité.
Rapporteur du budget de la communication audiovisuelle, Michel Pelchat sera l'auteur d'une étude remarquée sur la télévision dans les départements et territoires d'outre-mer. Il corédigera dès 1989, avec M. Raymond Forni, une contribution décisive sur la télévision à haute définition dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Toujours soucieux de prévoir les évolutions plutôt que de les accompagner ou de les subir, il portera souvent un regard précurseur sur des sujets qui retenaient son attention.
En 1995, Michel Pelchat, fort de près de vingt années d'engagement public, fait son entrée au Palais du Luxembourg. Membre de la commission des affaires culturelles, puis de la commission des affaires étrangères, il apportera une empreinte toute particulière à ces instances.
Président de l'association de la télévision du futur, il manifestera toujours un intérêt soutenu à l'évolution des médias audiovisuels, imprimant aux débats sur ces sujets la marque d'un connaisseur, voire d'un expert, mais aussi et surtout d'un visionnaire.
En dépit d'un échec aux élections cantonales de 1998, Michel Pelchat n'en poursuivra pas moins son activité inlassable au service de son département, en qualité de président du syndicat mixte de traitement des ordures ménagères de la vallée de Chevreuse, où il exprimera très concrètement son attachement viscéral à la défense de l'environnement.
Apôtre de la coopération intercommunale, il sera élu premier vice-président de la communauté d'agglomération du plateau de Saclay qu'il avait contribué de façon décisive à mettre en place.
Au Sénat, devenu membre de la commission des affaires étrangères, dont il deviendra vice-président, il oriente à partir de 1998 prioritairement sa réflexion vers l'international.
Rapporteur de nombreux projets de loi, dont le dernier en date et non le moindre fut celui relatif à la répression de l'activité mercenaire, il prend des positions publiques très courageuses en faveur de l'arrêt de l'embargo contre l'Irak, de l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne ou encore contre l'intervention anglo-américaine en Irak. Tout récemment, en décembre 2003, il avait apporté son soutien à la dernière initiative de paix israélo-palestinienne au Proche-Orient, qui s'était exprimée dans le cadre informel de ce qu'on a appelé le « Pacte de Genève ».
Mais cette activité n'était pas exclusive. Très soucieux de la protection de l'environnement à l'échelon local, il était aussi attentif à tous les textes législatifs qui contribuaient à limiter la pollution et à promouvoir le développement durable.
Cet homme, d'une grande élégance naturelle, aux goûts et aux engagements éclectiques, toujours soucieux de placer son action et sa réflexion dans le long terme, était aussi attentif au concret. C'est ainsi qu'il n'hésitait pas il y a peu, dans le cadre des rencontres Sénat-Entreprises, à suivre un stage dans une chocolaterie, pour ensuite créer au Sénat un groupe d'étude ad hoc et batailler contre une norme européenne autorisant l'introduction de graisse végétale dans la fabrication de ce produit. Qui ne se souvient ici de ses interventions !
Sportif accompli, il avait été, très jeune, un cycliste remarqué. Cette passion pour le sport - du rugby au demi-fond, de l'alpinisme au golf - sera une constante de sa vie, qu'il exprimait encore il y a peu à la présidence du club de rugby de Gif-sur-Yvette.
Ce parcours exceptionnel, d'un homme engagé tout jeune dans la marine nationale et qui, par son énergie, son intelligence, et aussi par le charme qu'il exerçait naturellement sur ses concitoyens, est parvenu à gravir ce que les Romains appelaient la carrière des honneurs, suscite le respect.
A son épouse Catherine, à ses enfants, à ses petits-enfants, à sa mère et à tous ses proches, j'exprime les condoléances sincères du Sénat et la part personnelle que je prends à leur peine.
A ses collègues de la commission des affaires étrangères et aux membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire auquel il appartenait, j'exprime ma tristesse et les assure de ma sympathie profondément émue. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, au nom du Gouvernement, m'associer à l'hommage que vous rendez aujourd'hui à notre ami et collègue Michel Pelchat. La maladie qui l'a emporté était terrible, implacable. Il l'affrontait avec courage, pied à pied, jour après jour, sans se départir de la sérénité qu'il a affichée tout au long de sa vie. Catholique convaincu, il faisait face à ses souffrances, sans amertume, sans abdiquer non plus.
Jusqu'au bout, Michel Pelchat a assumé son mandat. Chacun a pu alors apprécier sa force de caractère. Le courage qu'il a montré face à la maladie était d'ailleurs dans le droit fil des principes qui présidaient à ses choix politiques.
Cet engagement n'était pas un vain mot ni un choix de convenance. C'est en effet en 1952 que Michel Pelchat rejoint la marine nationale durant la guerre d'Indochine, un choix qui plaç ait dès lors cet engagement sous le signe du courage et de la volonté de servir. Michel Pelchat n'était alors âgé que de dix-sept ans. Sous-marinier pendant deux ans, il rejoint ensuite le fameux commando Jaubert, au sein duquel il participe à l'opération stratégique «Atlante», dont le but était de dégager de l'emprise viêt-minh la route coloniale longeant la côte. A cette occasion, Michel Pelchat se distingue par une conduite jugée exemplaire. Devenu député, de nombreuses années plus tard, il n'oubliera pas ses anciens frères d'armes et déposera deux propositions de lois visant à faire obtenir la nationalité française aux soldats étrangers ayant combattu dans une unité de l'armée française.
Revenu à la vie civile, Michel Pelchat entre comme technicien au département métallurgique du centre de Saclay du Commissariat à l'énergie atomique, en avril 1959. Il y manifeste ses capacités d'adaptation et d'initiative, ainsi que son goût du travail en équipe. Déjà, son souci de favoriser les relations entre la recherche et l'industrie guide ses actions. Plus tard, en tant que parlementaire, il plaidera pour que la recherche française se mette au service de l'industrie, et pour qu'elle s'efforce d'attirer en France les jeunes chercheurs.
Soucieux de se mettre au service des autres, Michel Pelchat avait choisi de s'investir au profit de ses concitoyens, de son canton, de son département. Il assumait avec passion et détermination ses mandats locaux.
Elu du canton de Gif-sur-Yvette, il siège au conseil général de l'Essonne de 1976 à 1998. Premier vice-président de 1982 à 1998, il prend en charge les équipements publics, les transports et la circulation. Il marque littéralement l'Essonne de son empreinte, avec la construction de grands équipements tels que l'Institut de biotechnologie des plantes d'Orsay, l'université d'Evry, des collèges, des casernes de pompiers... la liste est longue. Notre ami Pierre-André Wiltzer, qui a travaillé à ses côtés dans l'Essonne, a d'ailleurs dit de Michel Pelchat qu'il le considérait comme «un vrai bâtisseur ».
Homme de terrain, homme de proximité aussi, on a pu dire de lui qu'aucune des réalités locales ne lui était étrangère. Dernièrement, le mandat dont il se préoccupait le plus était d'ailleurs celui de président du syndicat intercommunal des ordures ménagères de la vallée de Chevreuse. Elu à ce poste en 1995, il était parvenu à réduire les rejets de polluants de l'usine de Villejust, et à mettre en place le premier parc français de bennes alimentées au gaz naturel, le combustible le moins polluant du marché.
Au service de sa ville, de son canton et de son département, Michel Pelchat a ainsi fait preuve d'une énergie sans faille, d'une volonté tenace et d'une abnégation exemplaire.
Elu local estimé, Michel Pelchat était également un parlementaire de grande valeur. C'est en tant que député UDF de l'Essonne qu'il rejoint l'Assemblée nationale en 1986, où il sera réélu en 1988 et en 1993. Dès son arrivée, il s'inscrit à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, dont il deviendra vite le secrétaire. Désigné comme rapporteur lors de l'examen en 1993 du projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il va confirmer au fil des débats une vaste connaissance des questions touchant à l'audiovisuel et aux nouvelles technologies, et permettre ainsi de mieux préciser les attributions du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Au sein de la commission des affaires culturelles - comme, plus tard, au Sénat -, il sera un inlassable promoteur du service public de l'audiovisuel.
Expert respecté et écouté, homme d'action et de conviction, Michel Pelchat est élu au Sénat en 1995. Dès son arrivée à la Haute Assemblée, il est membre de la commission des affaires étrangères. Plus tard, en 1999, il sera élu vice-président du groupe de prospective du Sénat, puis membre de la délégation pour la planification en 2001.
Mais c'est indéniablement au sein de la commission des affaires étrangères, dont il deviendra vice-président en 2001, que Michel Pelchat va donner sa pleine mesure. La mesure, d'abord, de son impressionnante capacité de travail et de son indéfectible volonté de faire avancer les choses dans le bon sens ; la mesure, surtout, de ses indéracinables convictions humanistes, de sa soif de justice et de liberté.
En tant que rapporteur de nombreux projets de loi, Michel Pelchat a pu manifester ses aspirations, ses espoirs, mais aussi ses craintes, sur des sujets variés.
Il s'inquiétait ainsi du phénomène de prolifération nucléaire et regrettait la portée limitée des instruments internationaux destinés à l'endiguer.
Plus généralement, il appelait de ses voeux l'émergence d'un monde régi par le droit, dans lequel les violations des règles les plus fondamentales seraient sanctionnées. Adepte du développement durable, il prônait une régulation de la mondialisation et du libre-échange, ainsi que la solidarité avec les pays pauvres.
Michel Pelchat a également mené un long combat pour le respect des droits les plus élémentaires, au sein de nombreux groupes d'amitié, comme au sein du groupe d'étude des droits de l'homme : un combat nécessaire et jamais achevé, dans lequel il s'impliquait sans relâche.
En tant que membre de la commission des affaires étrangères, il a participé à la mission qui s'est rendue en Irak en juin 2001. Ceux qui ont pu le côtoyer à cette occasion se souviennent certainement combien il avait été heurté et choqué en constatant les conséquences humanitaires de l'embargo. De la même façon, il s'était mobilisé en faveur d'un règlement politique pacifique et durable au Moyen-Orient, en participant à une mission de paix en Israël et en Palestine, en mars 2002.
Enfin, Michel Pelchat était très sensible à la situation politique du Viêtnam. Comme président du comité français pour la démocratie au Viêtnam et comme membre du groupe France-Viêtnam, il avait répondu sans aucune hésitation à l'appel de ses amis vietnamiens, et avait manifesté en leur compagnie. Face aux dictatures, il refusait la moindre concession.
Il justifiait ainsi son engagement : « Les affaires intérieures de l'humanité me concernent car j'ai la prétention d'en faire partie. »
Mais pour ceux qui ont eu la chance de le côtoyer plus personnellement, Michel Pelchat était aussi un homme de culture, un amoureux de musique, passionné de chanson française et grand amateur de chocolat. Un sportif accompli également, qu'il s'agisse de rugby, de cyclisme ou, plus récemment, de golf. Un catholique engagé, enfin, qui avait introduit en Irak, malgré l'embargo, un appareil destiné à diagnostiquer les cancers du sein « au nom », disait-il, « des valeurs chrétiennes et des idéaux républicains auxquels elles sont attachées ». En effet, il articulait en permanence les exigences de sa foi chrétienne et ses activités d'élu républicain. C'est pourquoi, également, il se montrait capable de dépasser les clivages politiques, afin de ne viser que l'intérêt commun.
Au-delà du parcours exemplaire du soldat, du professionnel, de l'élu local et du parlementaire, c'est donc aussi à l'homme que nous rendons aujourd'hui hommage. Respecté pour ses qualités personnelles comme pour la qualité de son engagement au service des autres et de la démocratie, Michel Pelchat a marqué la Haute Assemblée de manière indélébile, comme il a marqué sa ville et son département. L'émotion qui a suivi l'annonce de son décès a permis de prendre la mesure de la popularité dont il jouissait. Je m'associe à cette émotion, comme je m'associe à la peine immense ressentie par son épouse, par ses enfants, par toute sa famille.
Sa fidélité en amitié, son exigence envers lui-même, son courage et sa force de caractère lui ont valu une estime et une affection très largement partagées. Ses amis, d'ailleurs, se comptent sur la plupart de ces travées, à droite comme à gauche. C'est tout à leur honneur.
Je voudrais, enfin, rappeler le courage avec lequel Michel Pelchat a affronté cette maladie terrifiante, douloureuse, éprouvante. Chacun ne peut que s'incliner devant une telle force morale. Elle fait de Michel Pelchat un exemple.
Monsieur le président, vous l'avez dit, Michel Pelchat incarnait avec brio les valeurs du Sénat. Aujourd'hui, au nom du Gouvernement, je le salue avec respect, et avec émotion.
M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, selon la tradition, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants, en signe de deuil.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
COMMUNICATIONs électroniques
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 215, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. [Rapport n° 244 (2003-2004) et avis n° 249 (2003-2004).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie . Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec Renaud Donnedieu de Vabres, qui, dans un instant, vous détaillera le dispositif intéressant plus spécifiquement la communication audiovisuelle, nous avons l'honneur de vous présenter aujourd'hui, au nom du Gouvernement, le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.
Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons eu ici même un débat tout à fait passionnant sur le texte relatif à la confiance dans l'économie numérique. Je me félicite d'avoir l'occasion de reprendre avec la Haute Assemblée le dialogue noué à cette occasion, tant il est vrai que les enjeux attachés au développement de l'économie numérique sont essentiels pour l'avenir.
Le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle que le Gouvernement vous soumet aujourd'hui tire les conséquences des premières années d'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications et prend en compte les profondes mutations techniques et économiques que ce secteur est en train de vivre.
Ce projet de loi parachève une vaste réforme de la réglementation engagée à l'échelon européen dès 1998. Il permettra ainsi de transposer dans le droit national six directives adoptées en 2002 qui constituent ce que l'on appelle, de façon lapidaire, le « paquet télécoms ».
J'ajouterai que le texte que vous examinez aujourd'hui complète le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, adopté par le Sénat la semaine dernière en deuxième lecture, qui définit le cadre juridique de l'internet en France et fournit des garanties pour la transparence, la sécurité et la loyauté des transactions électroniques. Il complète également la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, qui transpose les dispositions du « paquet télécoms » relatives au service universel des télécommunications.
Il se traduit, concrètement, par une très large refonte du droit des télécommunications et du fonctionnement de la régulation.
Ce projet de loi marque également de nouvelles avancées dans plusieurs domaines importants de la communication audiovisuelle : télévision numérique terrestre, télévision locale, radio numérique, etc. Renaud Donnedieu de Vabres reviendra tout à l'heure sur ces apports.
Avant d'entrer dans le détail des dispositions proposées, je rappellerai l'importance des technologies de l'information et des communications pour l'économie de notre pays.
Le débat sur la confiance dans l'économie numérique m'a déjà donné l'occasion de souligner l'ampleur de la révolution numérique en cours et le défi qu'elle représente pour la France. Je crois qu'il n'est pas inutile d'en montrer à nouveau toute la portée.
Nous connaissons actuellement une révolution numérique qui s'articule autour de trois volets : le développement de l'internet et des services en ligne, la mutation du monde des télécommunications et l'image numérique.
Cette révolution numérique accélère les échanges et la vitesse de circulation des informations, elle améliore la productivité, elle ravive la concurrence. Elle est source de croissance, car elle crée de nouveaux besoins en équipements et en services. Grâce à l'accès facilité à l'information, à la culture, au divertissement, elle est aussi un facteur essentiel de liberté et d'égalité. Elle est ainsi un outil de développement pour les activités existantes, en même temps qu'un nouveau secteur de l'économie, massivement créateur d'emplois.
Ce secteur industriel représente 7 % du PIB, le produit intérieur brut, et contribue largement à la croissance. Pour en exploiter pleinement le potentiel, nous devons créer un cadre favorable à l'innovation, adapter notre pays à ces nouvelles technologies et réduire la « fracture numérique ».
Au cours des deux dernières années, le précédent gouvernement a agi en ce sens dans le cadre du plan RESO 2007.
Parmi les mesures prises, je me contenterai de rappeler les deux baisses des tarifs de gros de l'ADSL que le Gouvernement a approuvées. Ces décisions ont permis le décollage du marché et ont conduit, en un an, à une augmentation de 150 % du nombre d'abonnés, qui dépasse aujourd'hui quatre millions. La France est le pays d'Europe où la croissance du haut débit est la plus rapide. L'objectif de dix millions d'accès à haut débit en 2007 fixé par le Président de la République est en passe d'être atteint.
Le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle s'inscrit dans cet effort. Il définira pour plusieurs années les conditions d'exercice des activités de communications électroniques, et donc notre capacité à tirer parti du potentiel de croissance considérable de ce secteur. Il s'agit de confirmer et d'amplifier les bénéfices tirés de l'ouverture à la concurrence, qui s'est traduite par une multiplication des offres pour le consommateur, par un coup de fouet à l'innovation technologique et par une baisse considérable des tarifs.
J'en viens précisément au dispositif du projet de loi qui définit un cadre réglementaire simple et sûr de nature à donner confiance aux investisseurs et qui sera propice au développement du secteur.
Ce texte repose sur quelques principes simples : concurrence, convergence, neutralité technologique et sécurité juridique.
Ses dispositions se regroupent en quatre volets essentiels que je veux évoquer maintenant.
Le premier volet tire les conséquences juridiques de la convergence entre les télécommunications et l'audiovisuel.
Les technologies numériques bouleversent l'articulation de ces deux secteurs. La radio et la télévision peuvent désormais être diffusées par des lignes téléphoniques ou par Internet, tandis que les réseaux câblés et le satellite proposent des services téléphoniques et Internet à haut débit. Le lancement récent d'offres associant téléphone, télévision et Internet témoigne de façon spectaculaire de cette évolution. Il faut donc, naturellement, harmoniser la réglementation.
A cette fin, le projet de loi définit un régime juridique unique pour l'ensemble des « réseaux de communications électroniques», qui s'appliquera en particulier aux réseaux câblés. Ces réseaux peuvent aujourd'hui offrir tous les autres services, mais leurs exploitants restent enfermés dans un carcan juridique qui les a conduits à une situation financière souvent difficile. Toutes ces contraintes vont être supprimées pour rendre leur développement enfin possible.
En corollaire, tous les services de radio et de télévision relèveront du contrôle du CSA, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, quel que soit le support utilisé. Le rôle du Conseil sera de veiller au pluralisme de l'information et à la protection des mineurs. A cette fin, ses pouvoirs d'investigation seront renforcés. A la plus grande liberté d'entrer sur le marché répond donc une plus grande vigilance de l'Etat en matière de protection de l'enfance et de démocratie.
Le deuxième volet du projet de loi porte sur l'instauration d'un régime de liberté d'entrée sur le marché.
Le projet de loi prévoit ainsi la suppression des autorisations individuelles d'opérateur : une simple déclaration auprès de l'ART, l'Autorité de régulation des télécommunications, suffira pour établir un réseau ouvert au public, fournir un service téléphonique ou établir un réseau câblé. La suppression de cette démarche administrative très lourde permettra de dynamiser l'offre de services.
Le troisième volet du projet de loi permet la refonte de la régulation du secteur des télécommunications.
L'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications s'est accompagnée de la mise en place d'une régulation sectorielle. Sans cette régulation, la concurrence n'aurait pas pu se développer.
A terme, la régulation sectorielle a priori doit être remplacée par l'application a posteriori du droit de la concurrence. Cependant, malgré les progrès réalisés depuis sept ans, le marché n'a pas encore atteint les conditions qui permettent d'entériner cette évolution. La concurrence s'est développée, mais elle reste inégale selon les segments du marché. Elle demeure fragile. La disparition de la régulation sectorielle n'est donc pas encore à l'ordre du jour. La régulation doit être allégée là où la concurrence est bien installée, mais tous ses moyens d'intervention doivent être maintenus là où la concurrence est plus faible et plus aléatoire.
Pour tenir compte de ce double impératif, le projet de loi définit un mécanisme original permettant d'adapter en permanence la régulation à la réalité technologique et à la situation concurrentielle des marchés.
Les obligations des opérateurs « puissants sur le marché », qui constituent le coeur de la régulation, ne seront plus figées dans les textes législatifs ou réglementaires. Elles seront définies par l'ART au terme d'un processus en trois étapes : l'identification des marchés pertinents, puis la détermination des opérateurs puissants sur ces marchés pertinents, enfin la définition des obligations imposées aux opérateurs puissants en vue de pallier les défaillances du marché qui auront été constatées.
L'ART sera secondée par le Conseil de la concurrence dans cette démarche qui s'appuiera sur les concepts et les outils du droit de la concurrence.
Dans ce nouveau cadre, le contrôle a priori sera limité aux seuls cas dans lesquels des déséquilibres forts entre opérateurs seront constatés. Lorsqu'un marché sera identifié comme concurrentiel, les litiges qui le concernent relèveront du seul Conseil de la concurrence. La logique des « marchés pertinents » consiste donc, en quelque sorte, à confier au régulateur le soin d'organiser la transition vers l'application du droit commun de la concurrence à mesure que les marchés deviennent concurrentiels.
La régulation portera en priorité sur les marchés de gros, le contrôle des marchés de détail n'intervenant qu'en deuxième instance.
Nous devons bien sûr veiller à ce que cette régulation soit pleinement adaptée à l'exigence de l'innovation. Dans ce but, l'Assemblée nationale a souhaité établir une exception au profit des services technologiquement innovants. La discussion des articles nous permettra d'approfondir cette question, en veillant naturellement à retenir un dispositif qui soit conforme à la directive.
Je souhaite cependant m'attarder quelques instants sur la question du contrôle des tarifs de détail de France Télécom qui a fait l'objet d'un débat nourri à l'Assemblée nationale et dans la presse économique. Un certain contrôle a priori des tarifs demeure nécessaire aussi bien pour garantir le caractère abordable du service universel que pour protéger la concurrence et les consommateurs.
Le projet de loi prend en compte cet impératif mais modifie les modalités du contrôle : les tarifs de France Télécom seront contrôlés non plus par le Gouvernement, mais par l'Autorité de régulation ; le contrôle prendra la forme non plus d'une homologation mais d'un pouvoir d'opposition. L'opérateur historique y gagnera une plus grande liberté dans la fixation de ses tarifs, sans que l'efficacité du contrôle soit amoindrie.
L'expérience de sept années de fonctionnement de la régulation a également montré la nécessité de doter l'ART des moyens nécessaires pour garantir la mise en oeuvre effective de ces décisions.
Le projet de loi renforce l'ART sur plusieurs points.
Tout d'abord, s'agissant des pouvoirs d'enquête de l'ART, ceux-ci sont alignés sur ceux de la Commission de régulation de l'énergie. L'ART pourra ainsi effectuer des enquêtes sur place, dans les locaux des opérateurs.
Ensuite, pour ce qui est des pouvoirs de sanction, l'ART pourra prononcer des mesures conservatoires et demander au juge des référés du Conseil d'Etat de prononcer une astreinte à l'encontre d'un opérateur qui ne respecterait pas ses obligations.
Enfin, en ce qui concerne le règlement des litiges, l'ART dispose déjà d'une compétence de règlement des différends en matière d'interconnexion ; cette compétence est élargie par le projet de loi, notamment à toutes les questions d'accès aux réseaux.
L'Autorité de régulation des télécommunications joue un rôle crucial dans ce dispositif. Mais son action est encadrée : elle s'accomplit en coordination avec les régulateurs des autres pays membres et la Commission européenne.
L'Assemblée nationale a cependant souhaité renforcer l'évaluation de l'action du régulateur. Elle a notamment prévu la possibilité, pour une commission permanente du Parlement, de lui demander de rendre compte des résultats obtenus au regard des principaux objectifs de la régulation. Le Gouvernement n'a pas d'objection à formuler sur cette démarche dès lors que l'indépendance de l'ART n'est pas remise en cause et que l'unité de la régulation est préservée.
Le quatrième volet du projet de loi concerne les fréquences radioélectriques.
L'apparition de nouveaux usages des fréquences - boucle locale radio, Wifi... - et le développement de la téléphonie mobile ont fortement accru la tension sur les ressources en fréquences. Dans le même temps, la gestion des fréquences reste profondément marquée par l'histoire : la répartition des fréquences entre administrations et autorités affectataires est largement figée et ne suit pas l'évolution des usages. Dans ses méthodes, la gestion des fréquences reste très administrative et laisse peu de place aux mécanismes économiques.
L'amélioration de la gestion des fréquences radioélectriques constitue donc un enjeu économique important pour les années à venir. Le projet de loi permettra l'introduction de quelques outils nouveaux de gestion des fréquences de télécommunications, comme les marchés secondaires, qui, au moins pour certains usages marchands, permettront une meilleure adéquation des moyens aux besoins.
Le projet de loi tend également à renforcer les compétences de l'Agence nationale des fréquences en matière de surveillance de l'exposition du public aux champs électromagnétiques et à compléter les dispositions qui figurent dans le projet de loi relatif à la santé publique.
En conclusion, je veux souligner que l'adoption de ce projet de loi marquera une étape importante dans l'ouverture de la France à la modernité numérique. La politique menée depuis deux ans produit des résultats très positifs : les Français s'équipent et la demande croît. Les services de la nouvelle économie vont prendre leur envol dans les mois à venir. Ils contribueront à atteindre un objectif essentiel qui doit tous nous rassembler : faire de la République numérique une réalité bien ancrée au coeur de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un grand plaisir et un grand honneur pour moi de parler devant le Sénat pour la première fois et de présenter à la Haute Assemblée le présent projet de loi. En effet, si ce texte a certes pour objet la transposition de directives européennes, il s'accompagne aussi d'autres ambitions, qui ont été portées à l'Assemblée nationale par mon prédécesseur : il traduit la volonté du Gouvernement d'accompagner et d'anticiper les bouleversements technologiques et économiques du secteur audiovisuel.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je veux tout d'abord saluer le texte que vous avez adopté la semaine dernière, à savoir le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique. II s'agit là d'un texte majeur, fondateur, puisqu'il établit les frontières claires entre la communication audiovisuelle et les autres services de communication au public. Ce faisant, il donne au Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, une compétence pleine et entière sur les services de radio et de télévision, quels que soient les vecteurs de diffusion. II s'agit là d'un point tout à fait essentiel à l'heure où télévision et radio ne sont plus attachées à un mode de diffusion particulier.
La télévision et la radio utilisent désormais les lignes téléphoniques et l'internet pour leur diffusion. Les réseaux câblés et le satellite, dédiés essentiellement à la diffusion des radios et des télévisions, proposent également de plus en plus des services téléphoniques et l'accès à l'internet haut débit.
Les frontières traditionnelles du droit des médias et des télécommunications ont explosé. En bâtissant une nouvelle architecture, en définissant les notions de radio et de télévision, une traduction juridique a été donnée à la convergence que nos concitoyens vivent quotidiennement. La loi n'est plus en décalage avec les faits.
En effet, le secteur audiovisuel est confronté, depuis quelques années, à de nouveaux défis liés à la multiplication de l'offre de programmes et de chaînes. Si l'ouverture, la découverte et la connaissance de l'autre, que cette offre très riche permet, sont une chance, il n'en reste pas moins que nous devons rester très attentifs aux risques d'uniformisation et de perte des identités qui sont parfois ressentis par nos concitoyens.
II nous appartient d'exercer une vigilance accrue dans la défense des principes fondamentaux de la liberté d'expression et de la régulation.
Les enjeux du texte qui vous est soumis aujourd'hui sont donc fondamentaux. Celui-ci vise en effet à permettre le développement des contenus sur tous les supports de diffusion et donc de notre industrie des programmes, à contribuer au développement des nouvelles technologies, qu'elles concernent la télévision ou la radio, ainsi qu'à favoriser la communication de proximité dont notre pays a plus que jamais besoin en donnant aux télévisions locales les moyens de devenir de vrais opérateurs de notre paysage audiovisuel.
Je voudrais souligner combien le téléspectateur est au centre de ce projet de loi.
M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelle., et M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. C'est à lui que doit bénéficier l'ensemble de ces dispositions, qui lui donnent accès à une offre accrue de programmes.
M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. La technologie n'est pas une finalité en soi. Elle n'a de sens que si elle est au service du pluralisme et permet une offre renouvelée et diversifiée. C'est la raison pour laquelle je souhaite insister non seulement sur la plus grande liberté de créer et d'entreprendre qu'apporte ce texte sur fond de neutralité technologique, mais aussi sur la consolidation de la régulation des contenus et des supports qui en est le corollaire.
L'adaptation de la loi sur la liberté de communication au cadre juridique communautaire implique un régime juridique unifié des réseaux et services de communications électroniques. Désormais, l'établissement et l'exploitation des réseaux câblés, satellitaires ou téléphoniques sont soumis à un simple régime déclaratif. Pour les réseaux câblés distribuant télévisions et radios, il s'agit d'un véritable allégement des contraintes.
Cette disposition s'ajoute à la levée du plafond limitant à huit millions d'habitants le bassin maximal susceptible d'être desservi par un même opérateur.
A ce stade, je souhaiterais évoquer la disposition introduite à l'Assemblée nationale sur l'obligation de reprise des chaînes hertziennes terrestres sur les réseaux de communications électroniques. Ce nouveau dispositif vise à donner plus de liberté aux éditeurs de chaînes pour choisir leur mode de distribution sur les différents réseaux de communication électronique. Le régime de la loi de 1986 est en effet marqué par les conditions du démarrage du câble en France. Son adaptation aux réalités d'aujourd'hui est indispensable. II est légitime que les éditeurs de télévisions puissent seuls décider de confier leur diffusion aux opérateurs de leur choix, qu'il s'agisse d'une diffusion par câble, ADSL ou satellite. C'est là le respect d'une liberté fondamentale pour tout entrepreneur, que seul le droit de la concurrence peut venir encadrer, dans l'intérêt du téléspectateur.
Cette liberté accrue et légitime pour les éditeurs ne va pas sans la prise en compte des intérêts des téléspectateurs.
C'est le sens qu'il faut donner à la préservation du « service antenne » dans les immeubles câblés. C'est également la raison pour laquelle le nouveau dispositif concilie la protection du consommateur et le libre choix de l'entreprise dans le respect de la neutralité technologique.
Ainsi, l'obligation de reprise concerne toutes les chaînes publiques dans toutes les offres de télévision, que ce soit sur le câble, le satellite ou les autres réseaux nouveaux de distribution de la télévision, notamment l'ADSL. La reprise des canaux locaux du câble est maintenue dans l'intérêt croissant des téléspectateurs pour l'offre de programmes de proximité.
Par ailleurs, le projet de loi garantit le maintien de la réception des chaînes hertziennes en clair pour les foyers qui résident dans des immeubles collectifs. C'est un point essentiel dans la mesure où les personnes concernées ont perdu la possibilité de recevoir ces chaînes via une antenne « râteau ». Les éditeurs concernés ne pourront donc s'opposer à la reprise de leurs services par les réseaux internes aux immeubles lorsque ces réseaux sont raccordés au câble.
S'agissant des autres réseaux, le choix est de privilégier la négociation entre les distributeurs et les éditeurs de services. C'est un facteur sain de liberté et de concurrence, d'autant que les chaînes disposeront du droit d'accéder, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, aux décodeurs et aux guides de programmes utilisés par les offres de bouquets de télévision.
La question pourra se poser au cours de nos débats sur l'opportunité de prévoir une disposition transitoire, afin de prendre en compte la situation spécifique des abonnés individuels du câble. Toutefois, ces derniers ne courent guère de risques dans la mesure où aucune chaîne en clair par voie hertzienne terrestre financée entièrement par la publicité ne saurait se priver d'une couverture maximale de la population. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Raoul. Ce n'est pas prouvé !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Cette liberté accrue implique une consolidation des pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le projet de loi dote le CSA d'un pouvoir de règlement des litiges entre les chaînes de télévision et les entreprises qui commercialisent ces chaînes. II s'agit d'une étape importante dans l'exercice de la régulation. En effet, il ne me paraît pas possible que des libertés accrues ne s'accompagnent pas d'une régulation renforcée. Ce pouvoir de règlement des litiges s'exercera dans le respect des prérogatives et des compétences des autres autorités de régulation, notamment le Conseil de la concurrence. Il n'y aura pas de chevauchement entre les pouvoirs des deux instances.
Ainsi, le texte qui vous est proposé clarifie le champ d'examen des litiges soumis au CSA, lequel portera sur le respect des principes fondamentaux, notamment le caractère pluraliste des courants de pensée et d'opinion, la sauvegarde de l'ordre public, la protection du jeune public, la dignité de la personne humaine et la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme. Je salue ici le travail de la commission des affaires économiques, qui a beaucoup contribué à l'amélioration du texte.
M. Pierre Hérisson , rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Merci !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le développement d'une offre locale diversifiée est un autre enjeu de ce texte. A la différence de nos voisins européens, notre paysage télévisuel local reste encore pauvre.
Mme Danièle Pourtaud. C'est exact !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Pourtant, le téléspectateur ressent le besoin de programmes de proximité, comme le montrent les scores d'audience des programmes régionaux de France 3. Le Gouvernement a donc choisi de lever les contraintes qui pesaient sur le développement des télévisions locales, notamment en assouplissant le dispositif anticoncentration qui les bridait. Tous les acteurs locaux doivent en effet pouvoir participer, aux côtés du service public, à cette offre télévisuelle élargie.
M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. L'ouverture à la publicité télévisée des secteurs interdits, qui est entrée en vigueur le 1er janvier dernier, permettra ainsi aux chaînes locales de disposer de nouvelles recettes publicitaires, en particulier en provenance de la distribution.
Le Gouvernement a cependant veillé à ce que cette ouverture soit progressive et ciblée, notamment sur les chaînes hertziennes nationales, de façon à limiter l'impact sur les ressources des radios et de la presse écrite régionale et locale. De mon point de vue, le développement des télévisions locales ne saurait évidemment se faire au détriment de la viabilité économique de la presse régionale et départementale. Je veillerai particulièrement au maintien de cet équilibre.
Des allégements fiscaux ont également été décidés. La dernière loi de finances a permis d'exonérer les télévisions locales de la taxe alimentant le fonds de soutien à l'expression radiophonique, et cela sans préjudice pour les radios. Les appels à candidature lancés par le CSA pour l'attribution d'une douzaine de fréquences analogiques locales, combinés avec les mesures incitatives prises par le Gouvernement et les facultés nouvelles apportées par ce projet de loi, devraient permettre l'émergence d'une nouvelle génération de télévisions locales.
Le développement d'une offre audiovisuelle diversifiée passe également par la radio. Avec plus de 6 000 fréquences, notre paysage radiophonique en bande FM, héritage des pionniers de la libéralisation des ondes que nous avons tous en mémoire vivante, est riche, beaucoup plus riche que celui de nos voisins européens. Toutefois, la bande FM est aujourd'hui saturée, preuve de la vigueur de ce mode de communication. Il convient donc d'optimiser le spectre des fréquences analogiques et d'anticiper tous les développements possibles de radio numérique dans toutes ses composantes techniques en lui offrant un cadre juridique pour se développer. En effet, l'opportunité que représente le renouvellement d'ici à deux ans de plusieurs centaines d'autorisations doit être mise à profit pour explorer les voies permettant d'améliorer l'utilisation de la bande FM.
Le CSA devra dans les trois mois de la publication de la loi organiser une consultation contradictoire relative à l'utilisation de la ressource hertzienne dévolue aux différents services de radio en mode analogique. Afin de laisser à l'instance de régulation le temps d'étudier les conditions actuelles et futures de la bande FM, l'autorité de régulation se voit autorisée à proroger, hors appel aux candidatures et pour une durée ne pouvant excéder deux ans, les autorisations des services de radio en mode analogique.
Parallèlement, il ne fallait pas laisser le possible développement de la radio numérique sans cadre juridique. La numérisation de la radio est inéluctable, même si celle de la bande FM est encore lointaine. De nombreux projets apparaissent : relance de la radio numérique selon la norme DAB, numérisation des ondes moyennes, numérisation des ondes courtes, radiodiffusion directe par satellite. Le projet de loi propose un cadre souple qui permet d'accompagner toutes les technologies et qui bénéficie dans ses grands équilibres d'un soutien de l'ensemble des acteurs radiophoniques.
Je veux maintenant en venir à la télévision numérique hertzienne terrestre, la TNT, dont le cadre juridique est né ici, au Sénat, lors de la discussion de la loi du 1er août 2000 et à l'occasion des nombreux colloques que vous avez organisés sur ce sujet. Je salue le volontarisme de la commission des affaires culturelles en faveur de la TNT.
M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelles. Merci, monsieur le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je partage pleinement votre analyse sur l'apport que représente cette nouvelle technologie pour les nombreux foyers qui ne sont pas raccordés au câble ou équipés d'une antenne parabolique. Ils ne doivent pas être les laissés-pour-compte d'une offre télévisuelle élargie. Je pense comme vous que la TNT peut être, en outre, une véritable opportunité pour les télévisions locales.
Permettez-moi également d'évoquer le travail considérable accompli ces dernières années par le CSA, sous l'impulsion de Dominique Baudis. Il nous importe à tous que, comme toute nouvelle technologie, son démarrage s'opère dans des conditions optimales aussi bien sur le plan technique et financier qu'en termes d'offres de chaînes. C'est la raison pour laquelle, tout en partageant vos objectifs, je pense qu'il est prématuré de fixer une date d'arrêt de l'analogique.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Avant de fixer cette date, nous devons être bien conscients qu'elle n'aura de portée réelle que si les investissements des industriels correspondent à la demande du public et des opérateurs.
M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. De même, il convient de lever certaines questions cruciales pour les téléspectateurs et ne pas les inciter, dans un sens ou dans l'autre, vers des choix technologiques non confirmés.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles . C'est raisonnable !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Il en est ainsi, par exemple, de la couverture des zones d'ombre, guère possible en TNT et qui implique, pour éviter des écrans noirs pour des milliers de foyers, de prévoir des solutions techniques de substitution. II s'agit là tout simplement du respect le plus élémentaire du droit à l'information du public. Pour ma part, je préfère, plutôt que de fixer par voie législative une date de démarrage, dont aujourd'hui il n'est pas certain qu'elle puisse être tenue, vous proposer de confier au CSA une étude des différentes questions techniques, en particulier en matière de normes, qui se posent pour préparer ce basculement inéluctable de l'analogique vers le numérique.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles . Très bien !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Il est tout à fait essentiel à mes yeux que la technologie choisie réponde à l'impératif de disponibilité opérationnelle pour tous.
J'en viens maintenant à d'autres points qui me tiennent également à coeur. Le projet du Gouvernement permet de renforcer le service public audiovisuel en proposant d'intégrer Réseau France Outremer, RFO, au sein de France Télévisions. Cette intégration vise à donner de nouvelles perspectives de développement à RFO en l'adossant à un groupe puissant. Elle favorisera également la diffusion des images d'outre-mer en métropole sur les antennes de France Télévisions. A cet effet, un amendement au texte adopté par l'Assemblée nationale vous sera présenté afin d'optimiser cette filialisation d'un point de vue fiscal.
Cette intégration renforcera la position de RFO comme média audiovisuel de référence dans l'outre-mer à travers le développement de la production et de la diffusion de programmes de proximité. Mais elle sera également un facteur de promotion de la mosaïque des outre-mers, expression de la diversité, de la force et de l'unité de notre République à laquelle ces populations sont si fortement attachées.
Dans le contexte de violences internationales qui caractérise notre monde, je voudrais en outre souligner le nouveau pouvoir du CSA pour contrôler et sanctionner, le cas échéant, les chaînes extra-européennes diffusées sur des satellites relevant des compétences françaises. Le CSA pourra ainsi disposer des moyens d'obliger l'opérateur satellitaire français à arrêter de diffuser une chaîne dont les programmes heurteraient les principes fondamentaux fixés par la loi française, notamment le respect de la dignité humaine ou la répression des propos racistes, xénophobes ou antisémites.
A travers votre approche, votre implication, votre travail, vous l'aurez bien compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi va bien au-delà de la simple transposition de directives européennes. Il constitue un véritable tournant pour le cadre juridique de l'audiovisuel en libérant les initiatives tout en préservant les principes fondamentaux de la liberté de communication et de la régulation, pour le plus grand bénéfice de nos concitoyens.
Enfin, je souhaiterais souligner la qualité du travail mené par vos rapporteurs sur l'ensemble des questions soulevées par ce projet de loi, et remercier les deux commissions concernées pour leur travail considérable. Je ne doute pas que la combinaison de nos énergies - les vôtres sont confirmées, la mienne est nouvelle - permettra de concrétiser nos ambitions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Bernard Angels remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)