PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, enfin arrive en discussion le projet de loi relatif à la sécurité civile.

Il faut dire que le calendrier parlementaire, si fluctuant, nous a fait douter que ce texte - pourtant présenté comme fondamental - ne vienne en discussion avant un été que nous sommes nombreux, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à redouter. En effet, la sécheresse, déjà importante, gagne en profondeur ; celle de 2003 marque encore les végétaux, qui sont donc très inflammables.

Les incendies de forêts, dont nous avons déjà essuyé les prémices, risquent fort d'être à nouveau catastrophiques, en particulier pour les pompiers, dont le dévouement et la compétence sont exemplaires.

Au-delà de ce retard, il faut bien dire, monsieur le ministre, que, malgré certaines avancées consensuelles - je pense, notamment, à la simplification des plans d'urgence, à la meilleure identification des acteurs, aux obligations mises à la charge d'exploitants de service public et de communication -, ce texte, comme celui qui avait été présenté par Daniel Vaillant à la fin de la législature précédente, reste bien en deçà des attentes par manque d'ambition.

Certes, il y a les orientations qui figurent en annexe. Toutefois, celles-ci n'ont, comme l'a fort opportunément rappelé notre rapporteur, aucune portée normative. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 août 2002 à propos de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, a ainsi jugé que « les orientations présentées dans le rapport figurant à l'annexe I de la loi déférée ne relèvent d'aucune des catégories de textes législatifs prévues par la Constitution et ne sont dès lors pas revêtues de la valeur normative qui s'attache à la loi. »

Il est vrai que faire des annexes, cela ne mange pas de pain, d'autant moins de pain qu'elles ne valent même pas engagement financier de l'Etat.

Les dernières annonces de Bercy augurent mal du sort des engagements pris par le gouvernement Raffarin I lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation pour la justice ou de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure : la rigueur demandée par le ministre des finances et les coupes claires et autres économies d'échelle qu'elles entraînent nous font mesurer à quel point les craintes que vous avez vous-même exprimées, monsieur le ministre, avec votre collègue de la justice, se trouvent fondées.

Bien loin de promesses on ne peut plus hypothétiques et conditionnelles à l'heure où le budget consacré, à l'échelon national, à la sécurité civique reste bien « modique » - pour reprendre le terme de notre rapporteur -, on était pourtant en droit d'attendre que le Gouvernement s'engage dans le cadre d'un projet de loi de programmation.

Reconnaissons toutefois que cette attitude fait largement écho à la logique de désengagement financier de l'Etat et à la marche forcée vers la départementalisation des politiques publiques que consacre le projet de loi sur les responsabilités locales.

Les élus - y compris dans vos propres rangs, monsieur le ministre, souvenons-nous de la proposition de notre collègue Alain Vasselle - ne s'y trompent pas, qui réclament, pour certains d'entre eux, une étatisation des services de secours.

Cette piste est loin d'être aberrante, si l'on veut bien convenir que la sécurité civile a partie liée avec la protection civile, la défense civile et la sécurité intérieure et si l'on prend acte de ce que l'Etat dispose du pouvoir opérationnel. Comment ne pas y voir la marque des missions régaliennes de l'Etat que votre gouvernement, sous prétexte d'allègement des charges de l'Etat, tend bien à sacrifier sur l'autel des déficits publics ? Après « l'Etat ne peut pas tout faire », c'est le règne de « l'Etat ne peut rien faire » !

Par comparaison, le projet de loi déposé par la précédente majorité se donnait, au contraire, clairement comme premier objectif « d'améliorer la capacité de l'Etat à gérer les crises », donnant, par là même, la signification de l'engagement national en faveur de la sécurité civile et l'importance en matière de coordination et d'équité.

Cet engagement apparaît d'autant plus essentiel que, dans l'avenir, les besoins et les dépenses en matière de sécurité civile vont aller croissant : si les 235 % d'augmentation enregistrés entre 1997 et 2001 sont en partie imputables à la mise à niveau des équipements, assurée à 55 % par les communes et à 37 % par les départements, il n'y a aucune raison de croire aujourd'hui que ces dépenses vont stagner.

D'abord, parce que la demande de protection contre les risques naturels ou technologiques est croissante, induisant des normes de sécurité de plus en plus exigeantes. Ensuite, et surtout, parce que la précarisation et la paupérisation des populations les plus vulnérables, qui sont dans la logique de ce gouvernement, appelleront des interventions croissantes des sapeurs-pompiers dans le secours aux personnes, qui représente déjà aujourd'hui près de 60 % des interventions.

Dans nos communes, les sapeurs-pompiers - on le sait bien - font en réalité souvent office non seulement de secours d'urgence mais également de SAMU social. Et c'est vrai aussi pour le bataillon des marins-pompiers.

Or c'est bien de cela qu'il nous faut parler aujourd'hui. La logique de financement est, en effet, à mettre en relation avec la pénurie organisée des services médicaux d'urgence et les lacunes des systèmes sociaux d'aide aux personnes isolées ou démunies, révélées - ô combien ! - par la tragédie caniculaire de l'été dernier.

Au fur et à mesure des régressions dans le système de santé et de solidarité, on crée corrélativement les conditions d'une augmentation exponentielle des dépenses des SDIS.

C'est bien, en effet, pour pallier les insuffisances ou les carences de ce système que la loi de 2002 a institué la participation financière de l'hôpital public aux interventions effectuées à la demande de la régulation médicale du SAMU, une fois l'indisponibilité des transporteurs privés constatée.

Avouons tout de même que le système est pervers, monsieur le ministre. En effet, plutôt que d'augmenter les moyens de ces services ou d'organiser des systèmes d'astreinte, on organise la carence à moindre coût !

Ce faisant, on alimente l'idée d'un service indu, enfonçant un peu plus le clou de la remise en cause du principe de gratuité des secours. Les divers coups de griffe portés à ce principe ces dernières années, et notamment la participation aux frais de secours - d'abord en montagne et, depuis 2002, pour toute activité de loisirs -, ne sauraient le masquer.

On aurait pourtant tort d'oublier les origines de ce principe, qui a été posé par une ordonnance royale du 11 mars 1733. La gratuité était alors une condition d'efficacité du service des gardes-pompes, car trop de personnes hésitaient à y recourir de crainte d'avoir à en payer le prix.

La gratuité est ainsi la garantie de l'égalité de tous devant les secours, mais aussi de l'efficacité du dispositif au profit de l'ensemble de la collectivité.

Plutôt que de s'engager dans la voie ici choisie, il aurait été préférable de prendre en compte la responsabilité des entreprises en les obligeant à participer financièrement aux différents dispositifs de sécurité, alors que, par souci d'économie, elles cherchent trop souvent à transférer de nouvelles charges aux SDIS au lieu d'organiser la sécurité de leurs installations. Le projet de loi sur les risques industriels le démontrait très clairement, monsieur le ministre.

De même, les compagnies d'assurances ne sont pas toujours mises à contribution, alors même qu'elles sont les premières à bénéficier d'une sécurité civile performante. Mais on nous rétorquera sans doute encore que « cette solution nécessite de sérieuses études », comme cela nous avait été opposé quand nous défendions les amendements que nous avions déposés en ce sens en 2002.

Sauf à vouloir étrangler les SDIS, il faudra pourtant bien que l'Etat prenne la mesure de ses responsabilités.

Comme vous le dites vous-même, monsieur le rapporteur : « Le texte n'est pas à la hauteur des enjeux financiers auxquels les services d'incendie et de secours sont confrontés. »

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. J'ai dit ça, moi ? (Sourires.)

M. Robert Bret. Oui, je vous renvoie à votre rapport, au demeurant excellent, monsieur le rapporteur.

Nous sommes ainsi plusieurs, comme Paul Girod à l'instant, à nous poser des questions sur la reconnaissance de la place de la réserve civile et des associations dans cette architecture dont l'Etat est le grand absent. Et là, un affreux doute nous saisit : quelle économie de personnel si l'on choisit de s'appuyer sur des bénévoles associatifs et des réservistes en lieu et place des sapeurs-pompiers ! Mais aussi, quel déclin dans l'exigence de qualité !

N'organise-t-on pas une sorte de secours au rabais, d'autant plus inacceptable pour des sapeurs-pompiers qui payent un lourd tribut à la défense de nos concitoyens ? Ne l'oublions pas, on dénombre vingt-cinq morts en service en 2002, treize en 2003, cinq depuis le début de l'année. Et pourtant, le statut des sapeurs-pompiers est bien loin de la reconnaissance qu'ils sont en droit d'attendre de la part de la nation.

Nous avons voulu éviter toute ambiguïté, en déposant un amendement qui tend à supprimer la constitution des réserves, en particulier départementales, afin qu'il n'y ait aucune confusion sur la possibilité de confier à des réservistes le travail de spécialistes.

La sécurité civile doit être l'affaire de tous, dites vous, monsieur le ministre. Comment ne pas souscrire à cette affirmation, qu'il serait d'ailleurs souhaitable d'inscrire en toutes lettres dans la loi ? Nous approuvons, par exemple, l'apprentissage des gestes de premier secours, mais nous savons tous bien que, si ces gestes ne sont pas répétés régulièrement, ils s'oublient.

Alors pourquoi ne pas répéter cette obligation tout au long de la vie professionnelle ? Les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'apparaissent-ils pas tout désignés pour mettre en oeuvre cette disposition ? Ayons l'audace d'inscrire dans la loi cette formation aux gestes de premier secours tout au long de la vie !

A cet effet, il paraît nécessaire de « donner un coup de pouce » aux entreprises. Il est vrai que l'engagement citoyen ne fait pas toujours bon ménage avec le profit. Vous le savez, les sapeurs-pompiers volontaires ont parfois bien du mal à exercer correctement leur mission, car les employeurs freinent plus souvent qu'ils n'encouragent cet investissement citoyen pourtant indispensable. Les initiatives en faveur du volontariat ne passent-elles pas d'abord par la coopération des employeurs face à un recul jugé par beaucoup inéluctable ?

Pour conclure, vous me permettrez de m'attarder sur les lacunes criantes du projet de loi en matière de prévention, sujet qui tient particulièrement à coeur à l'élu d'une région qui voit se succéder incendie de forêt sur incendie de forêt. La prévention, c'est le talon d'Achille de ce projet de loi.

Relisant récemment les propos que tenait mon camarade et ami Louis Minetti en 1987, au moment de la discussion du projet de loi sur la sécurité civile, je les trouvais d'une actualité troublante. Ce texte, disait-il, « privilégie l'action a posteriori, une fois que la catastrophe a opéré ses premiers ravages ou ses ravages tout court. Les mesures qui permettent de prévenir les risques ne sont pas prises en compte. Telle est la critique fondamentale que je voulais exposer. » On mesure le peu de chemin parcouru depuis.

Que sont les conclusions de la commission d'enquête sur les inondations de la Somme devenues ? Quels sont les enseignements de la commission d'enquête sur la canicule qui ont été tirés ici ?

Le projet de loi, dans son annexe, fait peut-être état de prévision, mais pas de prévention, comme si ce gouvernement était incapable d'envisager la prévention autrement qu'au travers du prisme de la répression. De même que la prévention de la délinquance signifie pour vous la généralisation des enregistrements vidéo ou l'enrôlement des bailleurs privés comme auxiliaires de police, la prévention des incendies de forêt passerait par l'institution de franchises d'assurance pour des propriétaires récalcitrants, franchises qui ne profitent d'ailleurs pas aux SDIS, faute de fonds de réversion. La prévention serait ainsi le durcissement des sanctions contre les incendiaires ! Croit-on vraiment que l'on va ainsi éviter que des milliers d'hectares ne partent en fumée chaque année ?

Si les sénateurs communistes ne sont pas défavorables à des sanctions, même aggravées, contre les incendiaires, il doit être clair - et cela ne l'est pas - qu'elles ne suffisent pas à épuiser pour autant le débat. Une politique de simple répression risque fort de n'atteindre que quelques lampistes - même coupables - sans toucher aux causes les plus importantes des incendies de forêt.

Selon les statistiques dont je dispose, par exemple les enquêtes de gendarmerie, seuls 20% des départs de feux dans les six principaux incendies du massif des Maures de l'été dernier sont le fait d'actes de malveillance.

Des pistes en faveur d'une meilleure prévention existent, monsieur le ministre, par exemple, le renforcement des règles d'urbanisme. La dispersion des maisons individuelles, ce que l'on appelle le « mitage », notamment en zone NB, est une source de risques sérieux et de problèmes graves au moment des incendies. On est même obligé de déplacer les colonnes de secours vers ces maisons-là, au détriment de l'espace forestier, pour protéger les personnes et leurs biens.

Il faut également proposer l'allongement à cent mètre de la zone d'écobuage.

Je pense aussi, notamment, à l'entretien et à l'exploitation des massifs forestiers méditerranéens, avec la sylviculture, mais aussi grâce au retour de l'agriculture, avec la culture de la vigne et de l'olivier, qui sont des pare-feu naturels.

Une démarche globale d'aménagement du territoire est également nécessaire. Ne faudrait-il pas créer une mission d'information qui mette à plat l'ensemble des dispositifs préventifs ainsi que les nombreux codes concernés, et dont les travaux déboucheraient sur une proposition de loi permettant de faire le tour du problème et d'apporter des réponses adaptées ?

Au regard des observations que je viens de formuler, les sénateurs communistes ne peuvent que prendre acte des lacunes actuelles de votre projet de loi en termes de prévention et de financement. Les défis de la sécurité civile ne sont pas pris en considération, et il y a fort à parier que la question soit de nouveau en chantier rapidement : après 1996, 2002, 2004, bientôt 2005 ?

Les membres du groupe CRC ne peuvent donc pas approuver ce projet de loi dans sa rédaction actuelle.

Nous allons suivre les débats, mais je doute fort que ce texte soit suffisamment positif à l'issue de nos travaux pour que nous puissions le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier M. le rapporteur de l'important travail d'analyse qu'il a effectué avec la commission, et assurer M. le ministre de toute notre compréhension sur un dossier aussi délicat.

Sénateur non inscrit, je ne dispose que d'un temps de travail très limité, raison pour laquelle je me contenterai d'évoquer deux problèmes relatifs aux sapeurs-pompiers volontaires.

Je connais plutôt bien le sujet, puisque je préside depuis quatorze ans un service départemental d'incendie et de secours. Avec 3 500 sapeurs-pompiers volontaires pour 300 000 habitants, l'Aube est le département de France qui a la plus forte proportion de sapeurs-pompiers volontaires par rapport à sa population. Il serait donc bienvenu, puisque nos travaux ont pour objet d'encourager les vocations, de nous demander comment nous en sommes arrivés à ce résultat quand il n'y a plus de sapeurs-pompiers volontaires ailleurs.

Au fil des différentes réformes prônées par les différents ministres qui se sont successivement occupés de ce problème, j'ai observé l'évolution des normes, l'évolution du coût des filières, l'évolution du coût de la départementalisation, des 35 heures, notamment. D'ailleurs, monsieur le rapporteur, le coût est bien supérieur à 25 euros par habitant. On atteint tout de même un bon ratio, avec un équipement de qualité.

Le SDIS de mon département a fait l'objet d'une inspection. Il en ressort que notre dépense est inférieure à la moyenne, ce que l'on nous reproche ! Mais imaginez que je songe à rattraper la moyenne : je la ferai remonter d'autant ! (Sourires.)

Mais je reviens aux sapeurs-pompiers volontaires.

En premier lieu, je ne suis pas certain qu'il faille encourager les jeunes à devenir sapeurs-pompiers volontaires dès l'âge de seize ans.

En effet, les sapeurs-pompiers interviennent de plus en plus souvent pour des accidents de la route et, à seize ans, on n'est pas nécessairement armé pour désincarcérer des corps. Je comprends les problèmes de recrutement qui se posent, mais je ne suis pas sûr qu'un jeune de cet âge soit suffisamment mature et aguerri pour supporter tout ce qu'implique un accident de la route, même très en amont.

En outre, à cet âge-là, beaucoup de jeunes sont encore lycéens. Même si je comprends leur souhait de continuer après leur formation, je ne pense pas qu'être sapeur-pompier volontaire soit une bonne chose pour eux ; nous devrions y réfléchir plus avant, nous qui nous nous indignons quand nous voyons des reportages montrant des enfants de quatorze ans faire la guerre. Nous savons bien, alors, que ce n'est pas un exemple à suivre !

En second lieu, je me dois de dire ici que la réforme de la retraite dans laquelle on veut nous engager, et qui semble faire plaisir à tout le monde, ne pourra en aucun cas avoir les effets attendus. Je présenterai à cet égard un amendement de suppression, mais c'est plutôt un appel à la réflexion collective.

De quoi s'agit-il ? Le système actuel n'est peut-être pas très efficace et l'on souhaite le remplacer pour, paraît-il, inciter les sapeurs-pompiers volontaires à rester plus longtemps.

La durée moyenne d'exercice à l'heure actuelle est de huit ans. Pour accéder à la retraite, il faut attendre vingt ans. Pour un coût de 100 millions d'euros, on va donc mettre en place un système qui ne permettra qu'à un pompier volontaire sur quatre d'accéder un jour à la retraite.

Pour l'instant, tous les sapeurs-pompiers volontaires croient qu'ils vont avoir droit à une retraite, car c'est en ces termes que la chose leur a été présentée. Demander à celui qui s'arrête aujourd'hui au bout de huit ans ou de dix ans de rester suffisamment longtemps pour totaliser vingt années afin de bénéficier d'une retraite n'aura pas l'effet incitatif escompté. De plus, quand les sapeurs-pompiers volontaires s'apercevront que cette réforme, très coûteuse, ne leur servira à rien, ils descendront dans la rue pour manifester leur insatisfaction, et avec de bonnes raisons de le faire.

Il serait donc à mon sens opportun de leur proposer autre chose et c'est ce que j'ai fait, car je ne prône pas de suppression sans faire de proposition.

Le problème auquel nous sommes confrontés est d'inciter les jeunes volontaires à rester plus longtemps, dans la mesure où l'on a investi sur eux en termes de formation et d'équipement. Dans mon département, nous parvenons à faire deux fois mieux que la moyenne nationale.

Pour inciter ces jeunes à rester au-delà des cinq premières années pendant lesquelles ils ont reçu une formation et un équipement, je propose de leur accorder, tous les cinq ans, une prime d'engagement. Ainsi, celui qui aura effectué une période de douze ans aura intérêt à continuer pendant encore trois ans. Mais vous n'inciterez jamais un sapeur-pompier volontaire à rester s'il sait qu'il doit encore effectuer douze ou quinze ans pour avoir droit à une retraite. Vous n'aurez pas atteint votre objectif et cela coûtera fort cher.

Enfin, j'espère que l'on nous proposera une réforme du financement, sujet que j'ai déjà abordé avec M. Sarkozy.

Je propose que l'on remplace la part des communes, qui va disparaître en 2006, par l'attribution aux départements d'une fraction de la taxe sur les conventions d'assurances dont l'évolution est actuellement supérieure à celle de la DGF, par exemple. Cette nouvelle ressource nous permettrait, si on lui donne une base un peu plus importante, d'assumer les évolutions financières actuelles.

Monsieur le ministre, je compte sur vous pour poursuivre la discussion sur les quelques points que je viens d'évoquer.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le ministre, on doit vous donner acte que ce projet de loi répond à une véritable nécessité : l'adaptation de la législation à la réalité de notre époque.

Pour autant, vous n'avez pas, me semble-t-il, posé la vraie question : quelle sécurité souhaite-t-on pour notre pays ? En réalité, vous nous proposez d'adopter une série de mesures qui, prises isolément, ont quelques mérites, mais je ne vois pas très bien le squelette de l'ensemble de la sécurité.

M. Charles Gautier. Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest. Il ne faut pas voir le squelette, il faut voir l'ensemble !

M. François Fortassin. Il n'est pas mauvais, mon cher collègue, d'avoir un squelette en bon état ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest. Il ne faut pas qu'il se voie !

M. François Fortassin. Si l'on met un peu de muscle autour, c'est encore mieux. En l'occurrence, le squelette n'est pas visible, mais, en plus, la musculature est légèrement déficiente !

Il est vrai que les risques sont nombreux et qu'ils s'accentuent. Il s'agit d'abord des risques naturels - sécheresse, inondations, problèmes environnementaux tels qu'en a créés la catastrophe de l'Erika - mais également des risques industriels - on se rappelle l'explosion de l'usine AZF, mais on pourrait multiplier les exemples - sans parler du terrorisme.

Face à cette montée des risques, votre projet de loi nous paraît manquer d'audace. Qui plus est, dans certains domaines, il n'est pas dénué d'incohérence. En effet, d'un côté, vous dites que l'Etat, à travers la personne du préfet, doit être au coeur du dispositif et, de l'autre, vous affirmez que, du fait de l'efficacité de la décentralisation « nouvelle formule », le président du conseil général doit être en première ligne. C'est un peu « l'armée mexicaine » !

Votre projet de loi se borne surtout à réaffirmer des principes déjà énoncés en 1987 et en 1996.

Les acteurs locaux doivent intervenir pour les risques quotidiens, la gestion des risques majeurs ressortissant à l'Etat. Mais votre texte ne va pas assez loin. Comment peut-on accepter que, pour les risques quotidiens, le président du SDIS soit en permanence sur le terrain avec le colonel des sapeurs-pompiers et, pour les risques plus importants, que le préfet, ou son directeur de cabinet, voire un sous-préfet, assume la responsabilité des opérations ? De surcroît, qui paie ?

Plusieurs sénateurs socialistes. C'est toute la question !

M. François Fortassin. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il convient, dès lors qu'il existe un risque évalué comme important et que le préfet intervient, que la solidarité nationale s'exerce, même à l'échelle d'un département, selon un principe fondamental et sur lequel l'ensemble des élus, toutes sensibilités confondues, s'accordent : qui paie commande, et qui commande paie.

M. Charles Gautier. Très bien, c'est le bon sens !

M. François Fortassin. C'est effectivement le bon sens et, en matière de sécurité, il n'est pas à négliger.

En ce qui concerne le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires, on observe effectivement un effritement. Nous souscrivons au principe d'une allocation de fidélisation et de reconnaissance, mais il faut aller plus loin et exonérer ces sommes de l'impôt. Il faut également prévoir une exonération des charges sociales de manière à favoriser, et je présenterai un amendement sur ce sujet, les entreprises citoyennes.

Mes chers collègues, vous êtes un certain nombre à considérer que les entreprises paient trop de charges. Alors, commencez par proposer des allègements de charges en direction des entreprises citoyennes qui acceptent d'inciter une partie non négligeable de leur personnel à devenir des sapeurs-pompiers volontaires.

Monsieur le ministre, je regrette d'avoir à vous le dire de façon aussi peu académique, mais la réserve que vous voulez mettre en place m'a tout l'air d'une « gadgétisation ». Elle va sans doute être très bien perçue par les médias. Toutefois, cela me rappelle une expérience personnelle, lorsque, après avoir effectué mon service militaire, j'ai été versé dans la réserve de la gendarmerie nationale. Fort heureusement pour la gendarmerie nationale, je n'ai jamais eu à exercer ces fonctions ! (Rires.)

Une réserve ainsi « gadgétisée » n'est pas souhaitable. En effet, si, localement, sur telle ou telle catastrophe, l'engagement sera très fort, je crains qu'il ne s'étiole très rapidement. Il faut faire fortement appel en ce domaine au civisme. Les élus locaux, l'Etat et les entreprises doivent jouer un rôle véritablement incitatif et la meilleure façon d'y parvenir, c'est de dire que la solidarité nationale s'exerce. Mais pour que cette solidarité s'exerce au même niveau dans tous les départements,...

M. Jean-Jacques Hyest. Il faut payer !

M. François Fortassin. ... il faut que l'Etat accepte de payer de manière différentielle.

M. François Fortassin. Il existe dans notre pays une solidarité sociale qui s'exerce à peu près convenablement ; on recherche vainement une solidarité territoriale ; il serait bon qu'il y ait une solidarité sécuritaire.

Monsieur le ministre, en fonction du sort qui sera réservé aux amendements de bon sens que nous proposerons, nous nous déterminerons sur ce projet de loi. Pour l'instant, quant à moi, je réserve ma réponse. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous dire que ce projet de loi de modernisation de la sécurité civile est complètement mal venu et inutile serait faux ; il s'y trouve même des dispositions que nous approuvons.

Vous dire qu'il est enthousiasmant et que nous allons le voter serait tout aussi faux, car il est entaché d'une tare fondamentale quoique fréquente : il prévoit des améliorations souvent positives sur le dos des collectivités territoriales, c'est-à-dire au compte du contribuable local, qui, pour être le même que le contribuable national, n'en subit pas moins une fiscalité encore plus injuste que la fiscalité nationale. Aucune mesure préconisée dans ce texte n'est en effet financée et nous sommes dans la situation où, comme de vieux couples sages, on évite de parler des choses qui fâchent, et, en l'occurrence, ce qui fâche ici, c'est l'argent.

Je parle de vieux couples à dessein et j'évoquerai, pour ne plus y revenir, sachant bien que vous me répondrez, comme l'ont fait d'autres ministres de différents bords, que le temps n'est pas venu, ou que l'étude n'est pas faite..., j'évoquerai, disais-je, cette tare en quelque sorte consubstantielle à la décentralisation de la sécurité civile et qui tient à ce copilotage entre l'Etat et les collectivités territoriales ou, plus précisément, et de plus en plus, entre le conseil général et le préfet. L'Etat décide ou « propose avec insistance », et les collectivités territoriales sont obligées d'appliquer les mesures sauf à être dans une incertitude juridique dangereuse. C'est le vieux principe corrigé de Descartes : « je pense, donc tu suis » !

En l'occurrence, nous adhérons, dans son principe, à l'idée d'une « conférence nationale de concertation ». Mais pourquoi nous la proposer maintenant, alors que nous réclamions depuis des mois qu'elle s'applique à l'ensemble des questions de décentralisation ?

Oui, il faut une instance où les collectivités territoriales seront, à l'échelle nationale, parties prenantes aux négociations salariales des fonctionnaires, à la définition et à la mise en oeuvre des nouvelles normes, aux négociations des avantages sociaux en termes d'indemnité et de temps travaillé, aux conventions collectives lorsqu'elles ont des répercussions sur les budgets des collectivités... et je pourrais citer bien d'autres mesures. Faute de mettre en place une telle structure, nous passerons à côté d'une vraie politique de confiance pourtant indispensable entre l'Etat et les collectivités territoriales, que vous appeliez tout à l'heure de vos voeux, monsieur le ministre.

De toute façon, si l'on doit s'en tenir à une instance limitée à la sécurité civile, il est tout à fait regrettable que l'on ne retrouve pas dans ce texte la traduction des propos de M. Devedjian, lors de son audition devant la commission des lois à l'occasion de l'examen du budget de l'intérieur et de la sécurité civile pour 2004. Il soulignait que le projet de loi de modernisation de la sécurité civile « instaurerait une nouvelle conférence nationale des services d'incendie et de secours, instance paritaire nationale de dialogue et de concertation, qui aurait compétence consultative sur toutes les mesures nationales affectant ces services dont les avis s'imposeraient à l'administration ».

C'était là exprimer une grande ambition. Elle est abandonnée. Tous les élus vont le regretter, même s'ils avaient pu craindre que cette déclaration ne soit empreinte de quelque démagogie.

Proposer une telle instance pour les seules questions relatives à la sécurité civile est également un peu démagogique et donne l'impression d'un miroir aux alouettes destiné à séduire à peu de frais les élus inquiets des charges induites par ce texte.

Je le répète : une telle instance n'a de sens que pour l'ensemble des mesures concernant les collectivités territoriales.

Imaginez ce qui ce serait passé si ce projet de loi avait été soumis pour avis à la Conférence nationale ! Qu'auriez vous fait ? Ce projet de loi aurait-il était déposé en l'état, sans étude d'impact, sans aucun financement, comme c'est le cas actuellement ? Certainement pas !

C'est pourquoi je pense que le Gouvernement cherche à abuser de la crédulité supposée des élus. Que n'avez-vous accepté, lors du débat en première lecture du projet de loi relatif aux responsabilités locales, qui reviendra bientôt devant nous, notre amendement tendant à proposer une instance de ce type ! Celui-ci, en effet, évoquait toutes les évolutions nationales qui peuvent avoir des répercussions sur les budgets locaux.

Quant à la concertation, elle est certes nécessaire et appréciée des élus. Mais ce que ceux-ci veulent avant tout, c'est la compensation des charges nouvelles transférées.

S'agissant spécifiquement de la protection civile, le double pilotage qui en résulte est tellement vicié - et ce malgré tout l'intérêt, que je sens bien, de sauver les relations entre élus et sapeurs-pompiers - qu'il vaudrait mieux que l'Etat récupère cette mission de sécurité, essentiellement et fondamentalement régalienne, et que les collectivités agissent seulement par le biais du financement qu'elles assurent actuellement et par délégation de l'Etat. En tant que représentants de l'Etat, les maires pourraient ainsi réaliser le lien de proximité avec les sapeurs-pompiers.

Certes, les mesures envisagées dans ce projet de loi comportent des aspects positifs.

Qui ne pourrait adhérer à vos propositions concernant la sensibilisation de la population, et spécialement des jeunes, aux risques ? J'allais dire que cela ne coûte pas cher. Or cela peut coûter cher !

A cet égard, nous confirmez-vous, monsieur le ministre, que ce sont les collectivités locales qui financeront, d'une façon ou d'une autre, cette proposition ? Or, vous en conviendrez avec moi, l'éducation et la sécurité constituent tout de même des missions essentiellement régaliennes !

La simplification et la rationalisation introduites dans le plan Orsec, en particulier dans les plans communaux de sauvegarde associés à la responsabilisation confirmée, voire renforcée des maires, sont également des mesures positives, même si l'on demande toujours plus aux édiles municipaux : les budgets communaux devront faire face à des charges supplémentaires afin de respecter les normes nouvelles sur lesquelles ces élus n'auront pas été consultés.

Certes, la sécurité à un prix qu'il faut bien évidemment payer, personne ne le conteste. Mais l'Etat ne devrait pas s'exonérer de cette charge essentiellement régalienne.

Par ailleurs, l'obligation de diffusion gratuite des messages d'alerte pour les médias audiovisuels va de soi. J'approuve cette mesure, car cela va mieux en le disant.

De même, si l'intégration des associations compétentes dont l'objet social et les plans d'intervention comprennent la sécurité civile doit être revue dans le détail, elle est intéressante dans son principe par la cohérence et la sélection qu'elle tend à introduire.

Jusqu'alors, le recours aux associations de sécurité civile était réglé par convention ou réquisition. Demain, elles seront des acteurs à part entière des opérations de secours puisqu'elles « sont engagées, à la demande de l'autorité de police compétente ou lors du déclenchement du plan Orsec, pour participer aux opérations de secours, aux actions de soutien aux populations et à l'encadrement bénévole ».

Cette intégration est une bonne chose mais elle ne doit cacher ni le manque de moyens, ni la diminution du nombre de sapeurs-pompiers volontaires, ni l'absence de moyens supplémentaires apportés par l'Etat.

Les mesures les plus intéressantes ont été ajoutées au projet initial au profit des sapeurs-pompiers. Elles sont positives, mais il est bien évident qu'il s'agit de contorsions pour améliorer la situation de fin de carrière des sapeurs-pompiers, en faisant corriger par les finances locales les effets les plus néfastes de la réforme Fillon sur les retraites. Nous reviendrons longuement sur ces points.

Les aspects positifs existent. Je ne les nie pas, même si nous aurions aimé un projet de loi qui ait plus de souffle que ce catalogue sans âme. La sécurité civile le méritait, ainsi que l'ensemble des sapeurs-pompiers, dont chacun souligne le travail exemplaire.

A l'inverse, bien des mesures sont discutables, voire carrément négatives.

J'avoue avoir quelque difficulté à me passionner pour la composition des conseils d'administration des SDIS, dont on parle depuis plusieurs années et que l'on corrige sans cesse. Faut-il plus ou moins de conseillers généraux et selon quel pourcentage ? C'est sans doute une question à traiter, mais il vaudrait mieux mettre en place des structures qui incitent non pas au conflit mais à l'accord et à la clarté, ce qui n'était pas le cas de la loi de 1996, comme je l'avais dénoncé à l'époque.

De ce point de vue, la suppression de la possibilité offerte aux départements de transformer les SDIS en services du conseil général est une mauvaise mesure : on supprime une disposition qui présentait le double avantage d'éviter de faire voter des dépenses par des représentants du second degré et de se passer d'un débat public qui aurait forcément entraîné la présentation par le président du conseil général d'un rapport sur ledit service. Autrement dit, on ne prend pas le chemin de la lisibilité.

Par ailleurs, faire fixer la contribution du département au budget du SDIS par une délibération du conseil général est une demi-mesure qui ne résoudra pas le problème du financement. Pour plagier notre rapporteur, et comme le disait mon collègue Robert Bret, cette mesure n'est assurément pas à la hauteur des enjeux financiers auxquels les SDIS sont confrontés.

La transparence fait l'objet d'une demande croissante. Il faut désormais parvenir à ce que le coût de l'intervention des services soit connu : au-delà des critiques que l'on peut adresser à l'Etat dans ce domaine, il y va de la responsabilisation des citoyens, qui doivent comprendre que le service public des pompiers a un coût et, ne serait-ce que pour respecter la dignité de leur mission, que l'on ne saurait les utiliser comme de simples plombiers ou serruriers, en particulier le dimanche, en ville.

Vous avez abordé, monsieur le ministre, la question des volontaires et vous avez marqué votre souhait, dans la ligne d'autres mesures antérieures, votées notamment sur l'initiative de Daniel Vaillant, de travailler à l'amélioration de leur situation. Mais la constitution des réserves communales et départementales telles que vous les concevez risque d'aller à l'encontre de cet objectif.

Nous vous proposerons donc la mise en place d'une réserve nationale, opérationnelle par département ou groupe de départements si cela est nécessaire, qui serait essentiellement du ressort de l'Etat et financée par lui. Elle serait également limitée en nombre et composée, sur la base du volontariat, de spécialistes : anciens pompiers, professions médicales et paramédicales, spécialistes des transmissions, etc.

Mes amis et moi-même évoquerons d'autres insuffisances de ce projet de loi au cours du débat. Celles-ci portent sur l'absence de reconnaissance de la dangerosité du métier de pompier, sur l'absence systématique de comité d'hygiène et de sécurité dans les départements, sur les lourdeurs des dispositifs concernant les établissements interdépartementaux, alors que la plupart des questions soulevées peuvent se régler par de simples conventions, etc.

Mais l'essentiel demeure bien l'absence d'étude d'impact sur les coûts, que l'on peut imaginer très élevés. C'est cette raison de fond qui, faute d'explication convaincante de votre part, monsieur le ministre, entraînera de notre part un vote négatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité civile est l'affaire de tous. C'est l'une des richesses les plus précieuses de notre société, fondée sur l'élan du coeur, sans compter la force immuable du dévouement et de la générosité. Elle est aussi l'expression de la solidarité et de la fraternité entre les hommes.

Il est de notre devoir d'adapter notre sécurité civile aux exigences d'une société en permanente évolution. Oui, il faut savoir adapter à notre temps les nécessités et les impératifs de sécurité, et parfois même les devancer. Votre initiative, monsieur le ministre, est en ce sens déterminante !

Les menaces naturelles sont multiples, imprévisibles : du feu à la folie des hommes, jusqu'aux tremblements de terre ou aux inondations. Les sapeurs-pompiers ne sont plus ces soldats appelés pour maîtriser un feu de cheminée, un écobuage ou simplement un incendie : ils sont nos gardes du corps permanents, disponibles, déterminés et compétents chaque fois que l'homme est en danger, sous le coup d'un sinistre individuel ou collectif.

La sécurité civile a certes un coût, mais la vie d'un homme n'a pas de prix.

Néanmoins, nous ne pouvons vivre sous cloche, dans un monde où le risque zéro n'existerait pas mais où nous serions tous condamnés à la passivité et à l'inaction.

Reconnaître le risque zéro, c'est croire en un monde ankylosé et complètement paralysé. Je prendrai un seul exemple : le risque climatique est difficile à prévoir, ainsi que les nombreuses conséquences qui s'y rattachent, notamment les incendies de forêt.

Qu'il me soit permis de saluer le courage, la détermination et la volonté de l'ensemble de nos sapeurs-pompiers bénévoles et professionnels - 200 000 bénévoles et 40 000 professionnels -, qui sont le symbole et l'expression d'une solidarité personnalisée à visage humain, mais également d'une proximité inaltérable générant une force répartie sur tout le territoire.

En effet, la commune est la base de la sécurité. Elle est le berceau de l'engagement premier au service de ses concitoyens. L'appartenance à une commune suscite dès les premiers instants une vocation à servir dans la première armée de la nation, celle du feu, pour laquelle on éprouve beaucoup d'admiration.

Le bénévolat est la première des richesses dans cet engagement de proximité et de mixité sociale. C'est d'abord cela le civisme.

Le bénévolat est l'âme du service, le volontariat en est l'uniforme. Il est important de maintenir précieusement ce trésor de démonstration et d'expression, tout en cherchant à l'accompagner de dispositifs adaptés permettant d'assurer la reconnaissance de l'Etat, sans vouloir non plus trop le fonctionnariser.

C'est en ce sens que la mise en place d'un nouvel avantage de retraite doit permettre de compenser les handicaps nombreux liés à l'exercice de cette mission.

Les sapeurs-pompiers volontaires sont de grands serviteurs non pas de l'Etat mais de notre pays. Ils sont reconnus et appréciés. Ils s'organisent pour répondre présents tous les jours, à tout instant, à toute heure, souvent au détriment de leur vie de famille et de leurs loisirs.

Ils ont simplement la foi, certains diraient la flamme, du service pour les autres. Contrairement à notre société qui devient trop souvent individualiste, ces hommes et ces femmes ont le souci du devoir bien accompli.

Malgré l'évolution des techniques et la mise en place de nouveaux matériels, gageons qu'il y aura encore, toujours, partout et pour longtemps, des femmes et des hommes pour agir et vaincre. Sans leur présence et leur dévouement, la sécurité civile dans notre pays ne serait que théorie et illusion.

Oui, seuls les pompiers constituent les témoins privilégiés de notre sécurité civile. Ils sont les forces vives de la nation, immédiatement disponibles pour assurer sans relâche la sécurité de notre quotidien. Ils sont le réservoir d'une humanité renouvelée, précieuse et essentielle à notre pays.

Leur force sur l'ensemble de notre territoire national, c'est leur présence bénévole, y compris dans les parties les plus reculées où l'installation d'un service de ce type pourrait être pour le moins inabordable ; d'où l'importance de structurer et d'assurer un bon maillage de nos territoires, en particulier de nos territoires de montagne.

Pour accrocher la vie, il faut des services. En effet, sans service, il n'y a plus de vie. Se sentir en sécurité est l'une des conditions essentielles pour choisir de vivre et de rester dans nos pays éloignés des grands axes de communication. Au coeur des massifs montagneux ou des territoires ruraux, par exemple, sans la présence de pompiers, la vie partirait peu à peu et rien ne pourrait la retenir.

J'ai souffert personnellement de la restructuration de trois corps de sapeurs-pompiers au sein de mon canton. J'ai pu ainsi mesurer combien leur absence avait provoqué un immense vide, très pénalisant non seulement pour les missions qui leur incombent mais bien au-delà.

En effet, nos sapeurs-pompiers sont bien souvent des moteurs de la vie associative. Ils sont le lien de l'unité de nos communes et de nos villages. Grâce à eux, le tissu associatif trouve son dynamisme et tout son intérêt.

« Quand la sirène sonne, je ferme le magasin et je cours à la caserne, ce qui pose parfois des problèmes lorsqu'il y a des clients » : ce sont les mots d'une jeune femme de vingt-six ans, sapeur-pompier au centre de secours d'un chef-lieu de canton situé au coeur du Massif central, à plus de 1 000 mètres d'altitude, qui n'hésite pas à se rendre disponible tout en travaillant seule. Nous les avons entendus, Adrien Gouteyron et moi-même, lors de notre congrès départemental, dimanche dernier.

Avec les sapeurs-pompiers, la sécurité nous accompagne, elle nous précède. Sans eux, elle devient un espoir, un besoin, une inquiétude. Certes, ils sont avant tout les soldats du feu, mais aussi les premiers acteurs de notre sécurité. Ils n'en oublient pas pour autant, dans leur quotidien, cette flamme qui les anime et rejaillit à tout moment.

A ce titre, je voudrais saluer cette belle initiative que représente la création des jeunes sapeurs-pompiers, car elle donne à notre jeunesse un nouvel état d'esprit : l'envie de se dépasser, l'aspiration à être utile dans la société de demain. Nous devons encourager de telles initiatives et mieux les accompagner : ainsi, la généralisation de l'apprentissage des premiers gestes est une excellente idée.

Le souci de proximité, comme en témoigne la volonté du Gouvernement de donner la priorité à l'échelon local, est important, mais il ne doit pas servir d'échappatoire en laissant à la charge des seules communes la création de plans communaux de sauvegarde.

Certes, il est important d'associer l'ensemble des acteurs de la vie civile à la protection de la sécurité de tous, mais il me paraît essentiel de ne pas multiplier les niveaux au sein du schéma d'organisation des services de secours.

En effet, rien ne serait plus grave que de maintenir un système où la superposition des responsabilités ou des initiatives d'alerte créerait une situation de concurrence et nuirait gravement à la transparence indispensable à la continuité des services de protection.

Les efforts des collectivités territoriales en la matière sont constants, voire marqués par une inflation. Nous avons abordé voilà peu, dans cet hémicycle, l'examen d'un texte fort important : le projet de loi relatif aux responsabilités locales. La sécurité civile relève-t-elle réellement de ces dernières ? N'a-t-elle pas une dimension nationale, qui dépasse très largement le champ d'une vision purement locale ? Je voudrais simplement témoigner, à cet instant, de l'engagement sans précédent de nos départements et de nos communes en la matière.

L'Etat a lui aussi sa part dans la mise en place d'une politique nationale de sécurité publique, car, nous le savons, les risques n'ont pas d'échelle ni de frontières !

En conclusion, je soulignerai qu'il est dommage que l'initiative gouvernementale n'ait pas accordé davantage de place à la situation professionnelle des sapeurs-pompiers volontaires, à la nécessaire articulation avec les employeurs privés ou publics. Je prendrai un seul exemple à cet égard : ne pourrait-on imaginer d'inclure dans le champ de la médecine du travail la visite médicale visant à déterminer l'aptitude physique aux fonctions de sapeur-pompier volontaire ? Cela éviterait des doublons, tout en permettant aux employeurs de réaliser des économies qui seraient fort appréciées. J'ai d'ailleurs déposé un amendement à cette fin.

Ce sont là, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques réflexions de l'élu d'un département rural très attaché à ses pompiers. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Mon expérience en matière de sécurité civile étant très courte, j'éprouve quelques scrupules à prendre la parole après tous les experts qui m'ont précédé à cette tribune, parmi lesquels se trouvent même des gendarmes réservistes ! (Sourires.)

Cela étant, monsieur le ministre, on pourrait vous dire, à propos de ce texte : « cent fois sur le métier remettez votre ouvrage » ! En effet, depuis quelques années, particulièrement depuis 1992, quand déjà la loi relative à l'administration territoriale de la République posa le principe de la départementalisation des services d'incendie - j'ai quelques raisons de m'en souvenir ! -, nous ne comptons plus les textes sur la sécurité civile.

Deux volets principaux ont largement occupé les ministres de l'intérieur successifs et les parlementaires, qui, au Sénat, n'oublient pas, bien entendu, qu'ils représentent les collectivités locales.

Le premier de ces volets, qui justifie le dépôt de ce projet de loi d'orientation, intervenant après l'élaboration de la loi de 1987, concerne l'organisation de la sécurité civile, composante majeure, comme l'indique l'exposé des motifs, de la politique générale de sécurité intérieure et de défense civile.

A ce propos, il me semble que certains d'entre nous se sont montrés extrêmement sévères pour un projet de loi que je crois ambitieux. Personnellement, je considère qu'il revient à la loi de définir les principes, qui doivent ensuite être mis en oeuvre dans le cadre réglementaire. Sur ce point, nombre de nos collègues ont tendance à oublier les termes des articles 34 et 37 de la Constitution de 1958 ; cela peut même parfois arriver au Gouvernement !

Le second volet concerne ces acteurs majeurs de la sécurité civile que sont les sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, et l'organisation territoriale des services d'incendie.

Indéniablement, de grands progrès ont été accomplis en matière de prévention, au travers par exemple des plans particuliers de prévention des entreprises, notamment depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1987. On ne peut prétendre que rien n'a été fait sur ce point. Ainsi, monsieur Bret, j'estime que l'organisation de la lutte contre les incendies de forêt dans le sud de la France a tout de même progressé ces dernières années. L'Etat y consacre d'ailleurs des moyens qui ne sont pas négligeables.

Cependant, le Haut Comité de la défense civile, présidé par notre collègue Paul Girod, ne cesse de rappeler que notre pays ne sait pas, comme d'autres, susciter un véritable engagement civique de la population. Des comparaisons ont été établies à l'échelle européenne en cette matière, et il s'agit là d'un vrai problème. Même si la mobilisation des moyens humains et matériels professionnels demeure la composante essentielle de l'organisation des secours, encore faut-il rappeler que plus des quatre cinquièmes des sapeurs-pompiers sont des volontaires. On ne peut donc que se féliciter de la présentation de mesures tendant à une plus grande responsabilisation des citoyens.

Toutefois, monsieur le ministre, si les réserves de sécurité civile communales, proches du terrain, peuvent paraître utiles, à condition qu'elles ne constituent pas la résurgence de pseudo corps de sapeurs-pompiers communaux, il vaut mieux s'appuyer sur les associations partenaires du service public ayant pour objet la sécurité civile que créer des réserves départementales qui risquent de rester peu efficaces, faute d'entraînement opérationnel. Je crois cependant possible de progresser dans ce domaine, peut-être en menant des expérimentations qui permettraient de vérifier la pertinence des propositions avancées.

En effet, le soutien de l'assistance aux sinistrés et le renfort des équipes de crise nécessitent une action au plus près du terrain, ou le recours à des équipes déjà organisées et structurées.

Je ne ferai pas de commentaire particulier sur les dispositions concernant la protection générale de la population et l'organisation des secours, si ce n'est pour rappeler que l'efficacité et la pertinence des plans de secours supposent une vigilance permanente s'agissant de leur mise à jour, et surtout l'organisation d'exercices réguliers.

De ce point de vue, les armées nous démontrent quotidiennement que, sans exercices, il ne peut y avoir de réelle capacité opérationnelle. Chacun sait, monsieur le ministre, que le facteur temps est l'enjeu dans la mobilisation des moyens pour faire face aux catastrophes. Au-delà des moyens des services publics, je pense par ailleurs que l'on ne fait pas suffisamment appel aux moyens des entreprises, lesquelles possèdent souvent à la fois une expertise technique et des matériels lourds spécifiques, qui peuvent s'avérer indispensables pour certains types d'intervention.

A cet égard, il est arrivé que, dans un département touché par d'abondantes chutes de neige, les pauvres moyens de la DDE ne suffisent pas à assurer le déneigement. Si l'on avait pris la précaution de recenser l'ensemble des moyens disponibles et de prévoir les modalités de leur mise en oeuvre, cela aurait permis, me semble-t-il, de gagner du temps. Il en va de même, d'ailleurs, s'agissant des inondations. On a parfois fait appel, dans de telles circonstances, à des capacités d'intervention étrangères, alors que, j'en suis persuadé, des entreprises françaises possédaient des moyens techniques, que l'on n'a pas su mobiliser à temps.

Il va sans dire que, à l'échelon des services déconcentrés de l'Etat, sous l'autorité des préfets ou des préfets de zone, la sécurité civile doit bénéficier d'une priorité particulière et d'une réelle disponibilité permanente des moyens. Cela étant, comme l'indique l'article 2 du projet de loi, les missions de sécurité civile sont assurées principalement par les sapeurs-pompiers des SDIS et des unités militaires affectées. Je pense en particulier, disant cela, au bataillon des marins- pompiers de Marseille.

M. Jean-Jacques Hyest. C'est dire l'importance du titre III du projet de loi, relatif aux services d'incendie et de secours.

Tout d'abord, il faut sans doute rappeler, puisque certains semblent ne pas l'avoir encore compris, que seul le préfet, dans le cadre de la mission générale de coordination de l'organisation des secours qui lui est dévolue, est en mesure, comme le maire dans sa commune, de veiller à la mise en oeuvre opérationnelle des moyens des SDIS, de l'Etat ou des collectivités locales.

Dans ce domaine, l'outil essentiel pour vérifier le niveau des moyens du SDIS est le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques, qui révèle de grandes disparités de moyens entre les départements, si j'en crois les statistiques publiées par le ministère de l'intérieur. Certains peuvent faire des économies tout en étant plus opérationnels que d'autres qui dépensent davantage, paraît-il ; sans doute sont-ils plus intelligents ! Certes, et cela fait tout l'intérêt des schémas départementaux, l'urbanisation, les risques industriels ou environnementaux ne sont pas partout identiques, et l'on ne doit pas tomber, comme on y tend parfois, dans un perfectionnisme illusoire.

En ce qui concerne les SDIS - je me souviens, comme beaucoup d'entre vous, mes chers collègues, du débat quelque peu impromptu que nous avions eu sur ce thème à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité -, l'implication croissante des départements devient, enfin, une évidence. Cela étant, la spécificité des missions des SDIS, qui doivent être, de mon point de vue, présidés par les présidents de conseil général, justifie la pérennité d'un établissement public ayant de forts liens avec l'assemblée départementale.

A cet égard, la présence active, au sein du conseil d'administration du SDIS, des représentants des communes est souhaitable, et même indispensable.

En effet, même si, à terme, l'essentiel du financement des SDIS revient aux conseils généraux, n'oublions pas la mission générale des maires en matière de sécurité. Par ailleurs, leur implication, qu'a évoquée dans son émouvant témoignage notre collègue Jean Boyer, dans la promotion et le développement du volontariat des sapeurs-pompiers justifie également leur participation à la gestion des SDIS. Sur ce plan, je pense que la départementalisation n'est pas un obstacle au développement du volontariat : on peut mobiliser les volontaires, même dans le cadre départemental. Ainsi, dans un département que je connais bien, l'effectif des volontaires a progressé de moitié depuis 1992.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé qu'une évolution était envisagée dans le financement des SDIS, sans que cela doive amener, comme certains de nos collègues le proposent, à instaurer un impôt local spécifique. Je pense pour ma part que créer une ressource évolutive représenterait un grand progrès. Il me paraît cependant souhaitable de prendre le temps de la réflexion, car nombre d'équilibres doivent être trouvés en matière de modes de financement, et de maintenir au moins jusqu'en 2008 la situation actuelle, avec le gel des participations des communes et des établissements publics de coopération intercommunale.

Néanmoins, l'augmentation des budgets des SDIS, exponentielle dans certains départements, en tout état de cause toujours très importante, inquiète à l'évidence les élus locaux, et doit être analysée afin de trouver des remèdes spécifiques. L'avalanche de textes réglementaires, concernant notamment les personnels, les effets de la réduction du temps de travail, qui était peut-être souhaitable, les nouvelles normes de sécurité, souvent utiles - nous devons aujourd'hui doter nos sapeurs-pompiers de la nouvelle veste de feu, le cuir pouvant, au terme de nombreuses années, se révéler dangereux dans certaines circonstances -, entraînent un alourdissement considérable des dépenses. J'espère, monsieur le ministre, que l'institution de la conférence nationale des services d'incendie et de secours contribuera à enrayer cette dérive, mais, compte tenu de la nature des missions des SDIS, le poids des dépenses de personnel continuera à conditionner l'évolution des budgets.

Dans cette optique, la création d'établissements publics interdépartementaux pour la mutualisation de moyens lourds et la formation est une voie intéressante. Je me réjouis notamment, monsieur le ministre, que l'on veuille mutualiser la formation des officiers de sapeurs-pompiers professionnels, à l'instar de ce qui a été fait pour la formation des administrateurs territoriaux, avec la création de l'Institut national des études territoriales. En effet, jusqu'à présent, un certain nombre de départements formaient des personnels qui pouvaient ensuite être affectés ailleurs. Le dispositif présenté me paraît tout à fait acceptable, à condition que la formation des officiers soit dispensée sous l'autorité du ministère de l'intérieur et ne soit pas confiée à un organisme qui ne dépendrait pas de ce dernier. J'ignore si le taux plafond de 2 % pour la majoration destinée à assurer le financement de cette formation correspond exactement aux besoins. Peut-être faudra-t-il affiner le calcul, mais j'imagine que des études ont été conduites sur ce point.

Quoi qu'il en soit, les moyens de certains SDIS devront nécessairement être mis à niveau, des lacunes ayant été révélées par la départementalisation. A ce titre, je puis affirmer que, depuis vingt-cinq ans, en Seine-et-Marne, on est aussi bien protégé à Meaux qu'à Fontainebleau ou à Villiers-Saint-Georges, cette situation étant le fruit d'un effort mené depuis de très nombreuses années.

Une autre cause de l'augmentation des budgets des SDIS est la demande de plus en plus importante de nos concitoyens, phénomène qui a souvent été souligné. L'évolution est particulièrement sensible en matière de secours aux personnes, même si certaines interventions peuvent être facturées, comme le font de nombreux SDIS.

Du fait des problèmes d'organisation de la permanence des soins aujourd'hui dans notre pays et de l'insuffisance, dans de nombreux cas, de la réponse de l'urgence médicalisée, les interventions indues ne cessent de croître dans ce domaine, atteignant, dans certains SDIS, plus du tiers des interventions.

Même si des textes permettent la prise en charge financière de certaines d'entre elles, leur remboursement dérisoire - et j'insiste sur ce qualificatif - risque de provoquer, au contraire, une limitation du nombre des interventions, parce que les SDIS seront encore plus sollicités.

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que votre dialogue, notamment avec le ministère de la santé, permette de clarifier ce sujet délicat, afin que les SDIS ne supportent pas ces dépenses qui ne relèvent pas de leur mission.

Le dernier volet, et non le moindre, du projet de loi concerne le statut des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Ils ont toujours l'impression, sans doute à tort, que les pouvoirs publics ignorent leurs préoccupations. Pourtant, de nombreuses avancées ont déjà été accomplies et le présent texte fait un grand pas dans leur direction.

Une bonne fois pour toutes - cela va de soi mais je le souligne -, le statut des sapeurs-pompiers professionnels, comme celui des militaires, de la gendarmerie ou des personnels de la police nationale, tient compte de ces préoccupations. Il importe de reconnaître la dangerosité de cette profession, tout en rappelant que les sapeurs-pompiers volontaires sont soumis aux mêmes risques.

Les améliorations apportées à la fin de carrière et aux congés de difficultés opérationnelles devraient satisfaire la grande majorité des sapeurs-pompiers. Les exigences de quelques-uns sont insupportables financièrement - et ils le savent bien. De surcroît, elles dépassent très largement ce qui existe pour des situations comparables : l'équivalence avec la police nationale, ce n'est pas mal !

En ce qui concerne les volontaires, la mesure prévue en matière de reconnaissance complète utilement ce que l'on doit à ces hommes et femmes qui se dévouent quotidiennement au service de nos concitoyens.

Certes, et cela a été évoqué, l'organisation de leur disponibilité pourrait être encore améliorée, mais je rends mes collègues attentifs au fait qu'il est toujours facile de dire que les entreprises doivent accomplir un effort. N'oublions pas cependant que le monde dans lequel nous vivons n'est pas figé et que la mobilité des personnels est fréquente. Dans les départements urbains, le volontariat a toute sa place, mais on n'est pas toujours disponible dans la journée. Or, il faut assumer au mieux les missions des SDIS, quels que soient le jour et l'heure.

Bien entendu, tout doit être fait pour permettre aux sapeurs-pompiers volontaires d'exercer des responsabilités d'encadrement.

Leur fidélisation, qui est souhaitable, devrait être améliorée grâce aux mesures que vous proposez, monsieur le ministre. L'Etat s'étant engagé à financer partiellement ces dernières, je suis convaincu que les SDIS y trouveront leur compte, tant la rotation accélérée des volontaires est onéreuse en matière d'organisation et de formation initiale.

Il n'était pas dans mon intention d'évoquer les jeunes sapeurs-pompiers, mais j'y suis incité par l'un de nos collègues. Je dirai brièvement que les jeunes sapeurs-pompiers constituent une pépinière formidable et une école de civisme pour des adolescents et des jeunes. On observe des réussites considérables dans certains départements.

S'agissant de l'engagement à seize ans, je partage le sentiment qu'il ne faut pas impliquer les jeunes dans n'importe quelle intervention. En revanche, s'ils ne sont pas fidélisés à seize ans, on ne peut bien souvent plus compter sur eux lorsqu'ils atteignent l'âge de dix-huit ans.

La mesure proposée est bonne, à condition toutefois de faire passer aux jeunes de seize ans le brevet de sapeur-pompier, pour qu'ils deviennent parfaitement opérationnels à l'âge de dix-huit ans. Telle est la solution qui a été expérimentée dans certains départements et qui a donné toute satisfaction.

Monsieur le ministre, les sapeurs-pompiers attendaient ce projet de loi. Il contient des mesures positives. Les responsables connaissent les limites budgétaires des SDIS. Des améliorations sont apportées au statut des sapeurs-pompiers professionnels et aux congés de difficultés opérationnelles. Les établissements publics ont su, dans certains cas, conserver leurs sapeurs-pompiers en difficultés opérationnelles en leur confiant des tâches à caractère administratif ou technique. C'est une bonne chose pour les volontaires.

C'est donc un projet équilibré qui nous est soumis. Il a fait l'objet d'une large concertation. D'ailleurs, le protocole d'accord a été signé par vous-même, monsieur le ministre, ainsi que par un certain nombre d'organisations professionnelles, notamment par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, dont je tiens à saluer la responsabilité et le civisme.

Le présent projet de loi devrait permettre une stabilisation indispensable du statut des SDIS et constitue une reconnaissance réelle de ce que la nation doit aux sapeurs-pompiers. Ces derniers sont prêts à continuer de servir leurs concitoyens, à condition que nous ayons la manière d'exprimer cette reconnaissance. Nous l'aurons, j'en suis sûr ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Serge Vinçon remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)