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RAPPEL AU RÈGLEMENT
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Ries, pour un rappel au règlement.
M. Roland Ries. Madame la présidente, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 32, relatif à l'organisation de nos débats.
Aux termes de cet article, les séances du mardi matin commencent à neuf heures trente. Or, mardi dernier, nous n'avons entamé qu'à dix heures trente le débat sur le dossier extrêmement sensible de la « directive services » proposée par la Commission.
Vous le savez, mes chers collègues, ce débat n'a pu être mené à son terme parce qu'il était, en quelque sorte, « coincé » entre une émission télévisée qui s'était tenue la veille dans cet hémicycle et un débat sur la loi Fillon, programmé pour l'après-midi, à seize heures.
Madame la présidente, je voudrais une fois encore émettre au nom de mon groupe une solennelle protestation contre les conditions de travail qui nous ont été imposées à cette occasion. Je ne suis pas convaincu que la fonction première d'un hémicycle parlementaire soit de servir de décor à une émission de télévision, ou à d'autres manifestations du même type,...
M. Jacques Mahéas. C'est en effet ridicule !
M. Roland Ries. ... et je suis encore moins convaincu que cette émission puisse être prioritaire par rapport à nos travaux.
C'est pourtant ce qui s'est passé et, aujourd'hui, nous en récoltons les fruits amers : nous allons débattre cette nuit, après coup, d'une proposition de résolution qui devait, si j'ai bien compris, permettre au Président de la République, d'exprimer au Conseil européen - qui s'est tenu hier et aujourd'hui - un avis partagé par les parlementaires français.
Si l'Assemblée nationale a effectivement émis cet avis, le Sénat, lui, s'est arrêté au milieu du gué et n'émettra un avis que cette nuit, après la fin des travaux du Conseil.
C'est dire le peu de cas qui est fait aujourd'hui par le Gouvernement de l'avis de la deuxième chambre ! Mais je dois dire sur ce point que nous avons nous-même collaboré, d'une certaine façon, à notre propre disqualification...
Madame la présidente, je souhaite réaffirmer fortement ce soir le point de vue que j'avais exprimé la semaine dernière dans le cadre de la discussion générale.
La proposition de résolution signée par Jean-Pierre Bel et l'ensemble des membres du groupe socialiste s'articulait, faut-il le rappeler, autour de trois exigences.
Premièrement, nous demandions que le Gouvernement français manifeste une opposition ferme et nette à la « directive services » et qu'il exige de la Commission le retrait de ce projet.
Deuxièmement, nous demandions que, pour l'avenir, une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général soit élaborée préalablement à toute directive sur les services. II s'agissait pour nous, à travers ce préalable, de délimiter clairement les champs respectifs des services marchands et des services non marchands, pour sortir du jeu du marché un certain nombre de services publics qui doivent rester, de notre point de vue, de la compétence des autorités publiques.
Enfin, troisièmement, nous exigions, pour toute nouvelle directive sur les services, l'abandon pur et simple du principe du pays d'origine afin de respecter la démarche communautaire d'harmonisation par le haut des législations nationales et la reconnaissance mutuelle des législations les plus protectrices.
Je constate aujourd'hui que, si le Conseil n'a pas donné suite à l'ensemble de ces trois exigences, il a du moins abandonné le projet de directive dans sa version libérale et a réaffirmé la nécessité pour toute nouvelle directive de « préserver le modèle social européen ».
Nous considérons qu'il s'agit là d'un pas en avant important, même s'il reste encore bien du chemin à parcourir pour qu'un grand marché intérieur des services se développe partout en Europe sans remettre en cause les acquis sociaux, la fiscalité et les normes environnementales.
En conclusion, madame la présidente, mes chers collègues, je vous indique que les membres de mon groupe ne participeront pas à la discussion des amendements qui ont été déposés sur la proposition de résolution qui nous est soumise : ce débat tronqué n'a plus vraiment sa raison d'être aujourd'hui. Mais sachez que nous resterons, bien entendu, très vigilants pour empêcher qu'à l'avenir un « Bolkestein 2 » ne vienne prendre le relais de « Bolkestein 1 ».
Cela dit, nous serons présents tout à l'heure pour voter contre cette proposition de résolution, que nous ne pouvons approuver en l'état puisqu'elle est en retrait par rapport aux conclusions du Conseil européen d'hier et d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
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Services dans le marché intérieur
Suite de la discussion et adoption des conclusions modifiées du rapport rectifié d'une commission
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des conclusions du rapport de M. Jean Bizet fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur :
- la proposition de résolution (n° 177) présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E 2520) ;
- sa proposition de résolution (n° 182) présentée en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E 2520) ;
- la proposition de résolution (n° 209) de MM. Robert Bret, Gérard Le Cam, Mmes Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Michel Billout, Yves Coquelle, Mme Eliane Assassi, M. François Autain, Mme Marie-France Beaufils, M. Pierre Biarnès, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Annie David, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, M. Robert Hue, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera et Jean-François Voguet, présentée en application de l'article 73 bis du règlement relative à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E 2520) (n°s 230, 262, 236).
Je vous rappelle que nous avons commencé l'examen de ce texte le mardi 15 mars et que la discussion générale a été close.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter son rapport supplémentaire n° 262.
M. Jean Bizet, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis la discussion générale de la semaine dernière, la « directive services » a quelque peu évolué.
Jeudi dernier, le président de la commission des affaires économiques et du Plan, M. Emorine, notre collègue Roland Ries et moi-même avons participé à une rencontre interparlementaire sur la stratégie de Lisbonne au Parlement européen. Il m'a ainsi été possible de faire valoir certaines réflexions sur la stratégie de Lisbonne.
Cette rencontre a aussi permis au président Emorine et à notre collègue Roland Ries d'interroger directement le président de la Commission européenne, M. Barroso. Celui-ci leur a répondu de manière circonstanciée, mais je résumerai ses propos.
A la question que lui posait M. Emorine de savoir s'il était toujours favorable à une remise à plat de la « directive services », M. Barroso a répondu : « La Commission est prête à travailler avec le Parlement européen afin de réaliser toutes les adaptations nécessaires pour aller à la rencontre des préoccupations exprimées en France. » On ne peut pas être plus clair !
Il a aussi estimé que « le marché unifié des services est un grand projet pour l'Europe » - sur ce point également, on ne peut pas être plus clair - et que, « avec le sens de l'équilibre et un esprit de compromis dynamique, il serait possible de trouver une bonne solution ».
M. Barroso m'est apparu très sensible aux préoccupations françaises, tout en soulignant les responsabilités de notre pays.
Cette impression d'attention à l'expression française s'est trouvée confirmée par l'intervention de M. Borrell Fontelles, président du Parlement européen, qui a déclaré que, « sur la "directive services" comme sur les autres directives, la Commission européenne a un pouvoir de proposition, mais la responsabilité démocratique incombe au Parlement et au Conseil ». Il s'agit là de la procédure de codécision. Il a d'ailleurs ajouté que « la directive devrait être très sérieusement remaniée par le Parlement ». Il s'agit d'une attitude très démocratique.
Cette position a été confirmée par M. Wim Kok, ancien Premier ministre des Pays-Bas et président du groupe de travail à haut niveau sur la stratégie de Lisbonne, puisqu'il a pour sa part indiqué que « le réexamen de la "directive Bolkestein" est inéluctable ».
De plus, l'accord politique intervenu hier au Conseil européen confirme, comme nous le disions la semaine dernière, que c'est bien dans le cadre d'une « réécriture en profondeur » que nous devons travailler si nous voulons être utiles. Or il est aujourd'hui clair que l'on est engagé dans une réécriture complète de la proposition de directive, ce qui revient en fait à la rédaction d'un nouveau texte.
Je tenais à rappeler ce cadre avant la discussion de la proposition de résolution, dont l'alinéa 31 a été rectifié de la manière suivante : « Demande résolument l'abandon de la règle du pays d'origine dès lors qu'il n'existe pas de socle d'harmonisation ».
Cette disposition ne fait que reprendre, en la soulignant, l'idée, déjà présente, selon laquelle l'harmonisation des législations nationales doit dans tous les cas conserver la priorité sur une éventuelle application de la règle du pays d'origine, les études d'impact sectorielles que nous demandons au Gouvernement permettant au Parlement d'y voir plus clair.
Le fond et l'économie générale de la proposition de résolution sont donc inchangés, mais je tenais à vous présenter cette rectification de formulation avant que s'ouvre maintenant notre discussion sur le fond. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je rentre aujourd'hui de Bruxelles, ou s'est tenu le Conseil européen. Nous y avons discuté longuement de la révision de la stratégie de croissance de l'Union européenne.
Vous avez bien compris qu'à l'occasion de ce Conseil européen il a été pris acte des vives préoccupations exprimées par la France sur le projet de directive sur les services, préoccupations auxquelles se sont associés d'autres Etats membres et de nombreux parlementaires européens, après l'Assemblée nationale et le Sénat français. J'ai notamment entendu, à cet égard, ce qui a été dit mardi dernier, au cours de la discussion générale du présent projet de résolution.
Ces préoccupations, cela vient d'être rappelé, ne remettent pas en cause notre volonté commune d'approfondir le marché intérieur des services, mais elles mettent l'accent sur l'exigence de préserver le modèle social européen lors de la réalisation du marché intérieur des services pour promouvoir la croissance et l'emploi et pour renforcer la compétitivité.
Pour ce faire, nous avons besoin d'un cadre législatif approprié. Vous aurez d'ailleurs noté que, dans ses conclusions, le Conseil européen « considère que le débat en cours montre que la rédaction actuelle de la proposition de directive ne répond pas pleinement aux exigences exprimées » et « demande que tous les efforts soient entrepris dans le cadre du processus législatif pour dégager un large consensus répondant à l'ensemble de ces objectifs ». Il ajoute que « des services d'intérêt économique général efficaces ont un rôle important à jouer dans une économie performante et dynamique ».
Cette formulation correspond pleinement à la position exprimée hier, au cours de ce Conseil, par le Gouvernement et par le Président de la République, ce dernier rappelant que la proposition qui était sur la table était inacceptable en l'état et devait être remise à plat pour éviter toute atteinte au modèle social européen et aux services publics.
Ce message politique fort met un terme à l'impression de confusion qu'une série de déclarations récentes de commissaires ou du président de la Commission avaient pu engendrer dans nos médias et nos assemblées.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, nous prenons également acte de la volonté du président Barroso, manifestée à plusieurs reprises, d'aller à la rencontre des préoccupations exprimées, s'agissant particulièrement du dumping social.
Il appartient maintenant aux co-législateurs que sont le Parlement européen et le Conseil européen de procéder à la réécriture du texte.
Comme l'a souligné tout à l'heure le Président de la République lors de la conférence de presse qu'il a tenue à l'issue du Conseil européen, le développement du marché intérieur des services « doit se faire sur de nouvelles bases, de façon ordonnée, en s'appuyant sur une démarche d'harmonisation vers le haut, comme cela a toujours été le cas dans la construction de l'Europe, dans le respect des droits sociaux, des services publics et de la diversité culturelle ».
J'aborderai maintenant trois points de fond qui ont été évoqués lors du débat de mardi dernier sur la proposition de résolution.
S'agissant tout d'abord du principe du pays d'origine, il est indispensable de privilégier la poursuite du processus d'harmonisation. M. Mercier et Mme Hermange l'ont dit très clairement, le principe du pays d'origine, tel qu'il était proposé dans cette directive, ne doit pas pouvoir s'appliquer, dans un secteur donné, en l'absence d'un socle d'harmonisation.
A ce sujet, les conclusions des études d'impact sectorielles lancées par le Gouvernement contribueront à valider cette analyse et permettront d'affiner notre position.
Au niveau du Conseil, je note que, après le temps des grandes déclarations de principe, plusieurs Etats membres ont avancé dans leurs réflexions à mesure que les expertises progressaient sur le texte et que les difficultés concrètes se manifestaient. Et je pense aussi aux études d'impact que nous sommes en train de mener.
Ainsi, c'est maintenant l'Allemagne, la Belgique, la Suède, le Danemark, le Luxembourg et le Portugal, voire l'Espagne, qui se rapprochent de notre position, alors qu'il y a une semaine encore seules quelques voix s'exprimaient.
C'est ce qui explique la dynamique qui se met en place et qui s'est manifestée hier au Conseil européen pour aboutir à la feuille de route que vous connaissez.
Bien sûr, nous attendons les recommandations du Parlement européen sur ces préoccupations et ces évolutions, mais le sentiment qui est en train de se dégager est qu'au niveau du Conseil des ministres et du Conseil européen nous sommes dans une position différente de celle qui était la nôtre, par exemple, lors du conseil « compétitivité » de novembre 2004, où, si quelques réserves avaient été exprimées par certains, tout particulièrement par la France, elles n'avaient pas été reprises par la plupart de nos partenaires. Cela provient du fait que dans nos relations bilatérales aussi, nous travaillons à faire progresser notre vision.
Je profite par ailleurs de l'occasion qui m'est donnée ce soir pour démentir certains propos lus trop souvent dans la presse ou entendus dans la bouche de certains tenants du « non » à la Constitution, et qui sont des contrevérités flagrantes.
Certains ont prétendu que la proposition de directive sur les services pouvait poser des problèmes aux travailleurs originaires d'un autre Etat membre pour ce qui est de leurs conditions de travail et d'emploi en France. En fait, la directive 96/71/CE, qui concerne le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services, rappelle bien que ces travailleurs sont soumis aux conditions de travail et d'emploi du pays d'accueil.
M. Grignon l'avait signalé mardi dernier, précisant que, pour pouvoir aller jusqu'au bout de l'application de cette directive relative au détachement, encore fallait-il que les Etats membres gardent le contrôle de l'application effective de leur droit social national par les entreprises qui détachent des travailleurs sur leur territoire.
C'est pourquoi le Gouvernement demande le maintien de la déclaration préalable au détachement, élément fondamental pour conserver le contrôle dudit détachement.
Le deuxième point que je voulais évoquer concerne l'articulation de la directive « services » avec les directives sectorielles, point sur lequel s'est interrogé M. Hyest.
Le Gouvernement a demandé que soit très clairement affirmée la primauté du droit sectoriel et du droit spécialisé sur le droit général que mettrait en place une telle directive « horizontale ». Cette conception permet, à titre d'illustration, d'apporter des éléments de réponse à certaines préoccupations sectorielles.
Ainsi, M. Hyest a rappelé que la profession d'avocat est aujourd'hui soumise à deux directives sectorielles qui régissent la libre prestation et le libre établissement des avocats : la directive 77/249/CEE du 22 mars 1977, qui facilite l'exercice des prestations occasionnelles effectuées par un avocat d'un Etat membre dans un autre Etat membre, et la directive 98/5/CE du 16 février 1998, qui permet aux avocats ressortissants de la Communauté européenne de s'établir dans un autre Etat membre sans que leurs compétences professionnelles soient au préalable soumises à vérification.
Ces directives donnent toute satisfaction, à ma connaissance, aux intéressés, et continueront de s'appliquer. Dans ces conditions, l'apport de la « directive services » aurait été très marginal pour les avocats. Il aurait concerné essentiellement la simplification des procédures administratives, sans remettre en cause le fonctionnement actuel des barreaux et du Conseil de l'ordre.
Je terminerai en liant ce dossier au débat sur le traité constitutionnel.
Je rappellerai, compte tenu de ce qui a été dit - et que je pourrais qualifier parfois d'instrumentalisation -, que cette proposition de directive sur les services n'est en rien liée à la Constitution européenne. M. Le Cam et M. Retailleau le savent bien ! Cette proposition de directive a été formulée sur la base des traités existants et elle n'aurait pu être approuvée qu'avec une majorité au Parlement européen et au Conseil des ministres de l'Union européenne.
Prétendre, comme certains le font en dehors de cette enceinte, qu'un « non » au référendum du 29 mai aurait tué dans l'oeuf cette proposition de directive sur les services, c'est tout simplement mentir aux Français ! (MM. Robert Bret et Bruno Retailleau s'exclament.)
Je vois au contraire dans le débat concernant la directive sur les services un bel exemple de la vitalité démocratique de l'Union européenne et du fonctionnement des institutions européennes, celles-la mêmes qui seront renforcées par le traité constitutionnel. On peut en effet affirmer que jamais un projet de législation communautaire tel que celui dont nous discutons ce soir n'aura été examiné et discuté de manière aussi approfondie, avec la participation non seulement des responsables politiques et des élus nationaux et européens, mais aussi de la société civile et des partenaires sociaux.
La mobilisation a porté ses fruits. En effet, l'action conjuguée du Président de la République, du Gouvernement, du Parlement européen - où le texte sera examiné dans les prochains mois -, mais aussi de l'Assemblée nationale et du Sénat ont fait prendre conscience à la Commission des difficultés soulevées par cette proposition de directive et de la nécessité de suivre avec attention vos recommandations, mesdames, messieurs les sénateurs, pour faire évoluer le texte.
S'agissant, enfin, des services publics, je souhaite dire à Mme Tasca que le traité constitutionnel nous permettra effectivement de mieux les protéger, et nous avons besoin pour cela de mettre en oeuvre l'article III-122 de la Constitution européenne, grâce à un instrument juridique horizontal qui sécurisera le rôle, le fonctionnement et le financement des services publics.
Le Gouvernement réaffirme devant vous aujourd'hui sa détermination à obtenir satisfaction à cet égard.
Voilà quelques éléments de la feuille de route qui a été présentée au cours de ce Conseil européen par le Président de la République. Grâce à votre réflexion, à votre mobilisation, nous sentons évoluer les positions et nous avons maintenant la possibilité de réécrire ce texte pour qu'il corresponde aux ambitions d'une Europe qui se veut compétitive, d'une France qui se veut présente dans ce marché intérieur tout en faisant respecter ses exigences essentielles, et tout particulièrement son modèle social pour l'Europe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Bret et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 21, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des affaires économiques sur les propositions de résolution sur les services dans le marché intérieur (E-2520) (nos 230 et 262).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Après notre collègue Jean Bizet, vous avez voulu, madame la ministre, en préalable à notre discussion, nous rassurer. Nous pensons que ce sont plutôt les Françaises et les Français qu'il faudra convaincre !
M. Robert Bret. C'est une autre paire de manches !
M. Guy Fischer. Après l'accord survenu hier au Conseil européen, quel verbe dois-je utiliser ? Réécrire, reformuler, reprendre, ou plutôt rendre présentable la directive Bolkestein, qui soulève un tollé non seulement dans notre pays mais aussi parmi de nombreux peuples d'Europe, comme en témoigne l'euro-manifestation qui s'est tenue à Bruxelles samedi dernier ?
Pendant une année, la directive a été validée sur le plan européen. L'immense majorité de ceux qui aujourd'hui se félicitent de l'annonce du président de l'Union européenne de procéder à un remaniement profond de ce texte avaient soutenu sans sourciller ce même texte, devenu le symbole d'une Europe libérale, antisociale et de plus en plus décriée.
M. Michel Mercier. C'est bien de changer d'avis quand quelque chose ne va pas !
M. Guy Fischer. C'est vite oublier, monsieur Mercier, que les parlementaires européens, à l'exception des communistes, avaient voté cette directive le 13 février 2003, et que les représentants de chaque gouvernement l'avaient approuvé au sein du Conseil des ministres européen !
Pourquoi ce revirement ? Ne serait-ce pas la menace d'un refus par le peuple français de ratifier le traité constitutionnel qui susciterait cette sympathie subite pour une harmonisation des droits sociaux par le haut ? (M. Henri de Raincourt rit.) Riez, mon cher collègue, riez !
Ne serait-ce pas l'inquiétude qui monte dans le camp du « oui » face à certains sondages qui pousseraient les ministres et les gouvernements européens à mettre de côté ce texte, en espérant que cela soit suffisant pour contenir la poussée du « non » en France ?
La décision d'hier et les commentaires qui l'accompagnent s'apparentent à une tentative pour masquer, le temps d'un référendum, la réalité libérale qui caractérise la politique européenne.
Plus qu'une question préalable, j'aurais souhaité soulever une question de confiance. Comment, en effet, avoir confiance en des dirigeants politiques qui, dans une précipitation caricaturale, repoussent à plus tard - après le référendum, bien sûr - la reformulation d'une directive tout en affirmant la volonté de maintenir et de promouvoir les principes qui la gouvernaient, à savoir la libéralisation des services par la promotion sans limite de la concurrence ?
J'ai bien noté que le Président de la République s'était prononcé ce matin contre l'application du principe du pays d'origine. Très bien ! Mais pourquoi cette position n'a-t-elle pas été affichée lors de la réunion d'hier ? Ne faut-il pas aussi rappeler que M. Barroso, président de la Commission européenne, a affirmé ces derniers jours, avec d'autres, son refus de retirer la directive Bolkestein ?
Il faut cesser de jouer sur les mots : la directive n'est ni retirée, ni entérinée ; elle est reportée, pour qu'elle n'interfère plus, espèrent les partisans du « oui », dans la campagne référendaire.
Mais ce souhait risque fort de demeurer un voeu pieu. Si l'émotion que suscite la directive Bolkestein est forte, c'est parce que cette dernière est devenue la référence d'une certaine conception de l'Europe et préfigure ce que nous réserve le traité constitutionnel européen.
Oui ou non ce dernier prévoit-il, parmi les « objectifs de l'Union », l'établissement d'« un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » ? Oui ou non place-t-il au rang des « libertés fondamentales » « la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d'établissement » ?
M. Michel Mercier. C'est en 1791 que la loi a posé ces principes en France !
M. Guy Fischer. M. Barroso a beaucoup de défauts, mais pas celui de l'hypocrisie.
M. Robert Bret. Ce n'est pas comme certains !
M. Guy Fischer. « Quand je dis que nous sommes prêts à répondre aux véritables préoccupations sur la manière de fonctionner du principe du pays d'origine, cela ne signifie pas que nous allons abandonner ce principe », a-t-il affirmé.
M. Barroso a été rejoint et soutenu par le ministre espagnol de l'économie, qui, avec une franchise plus nette encore, a affirmé que « le principe de l'application du pays d'origine » était « un principe de base de la construction européenne ».
En France, tous les partisans d'hier de la directive ne trouvent plus de mots assez durs pour dénoncer le dumping social. Ont-ils oublié que la stratégie de Lisbonne érige la compétition et la libre concurrence au rang de valeurs de l'Union et qu'elle préfigure l'Europe telle qu'elle est conçue par le traité constitutionnel ?
Comment ne pas dénoncer l'opération de matraquage médiatique en cours pour tenter de faire croire à nos compatriotes qu'ils ont été entendus ?
Au demeurant, comment croire cela alors que MM. Chirac et Raffarin imposent depuis 2002 une purge libérale ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Comment croire cela alors que les ministres français approuvent systématiquement les directives qui apposent dans de nombreux domaines - je pense, par exemple, aux services publics - l'empreinte du libéralisme ?
L'enjeu est tel qu'un retard de quelques mois dans l'application de cette directive n'a pas si grande importance dans la mesure où le cap du libéralisme est maintenu. Mais les Françaises et les Français ne sont et ne seront pas dupes ! Ce recul pour mieux sauter ensuite apparaît, sinon bien tardif, pour le moins calculateur.
Pour lever le doute, pour couper court aux accusations d'hypocrisie ou de manipulation, il existe deux solutions.
La première consiste à demander le retrait de la directive pour bien préciser qu'elle ne sert plus de base de discussion, en votant notre proposition de résolution.
La seconde consiste, pour les Françaises et les Français, à refuser le traité constitutionnel européen afin de permettre l'ouverture de négociations en vue d'un nouveau traité qui ne pourrait plus fonder des textes tels que la directive Bolkestein. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Même si la commission des affaires économiques n'a pu examiner cette motion, avec l'accord de son président, Jean-Paul Emorine, et eu égard aux positions qu'elle a adoptées, j'émets un avis défavorable.
Une fois de plus, la directive sur les emplois et les services est instrumentalisée par ceux qui défendent le « non » au référendum. La délégation de la commission des affaires économiques qui s'est rendue à Bruxelles la semaine dernière a bien perçu, dans ses échanges avec les parlementaires européens et avec le président Barroso lui-même, le caractère tout à fait artificiel de cet amalgame entre le référendum du 29 mai et la directive sur les services.
La proposition de directive de la Commission européenne est inacceptable en l'état, tout le monde s'accorde à le reconnaître, et ce indépendamment du débat sur la Constitution européenne.
Bien au contraire, l'adoption de la Constitution européenne serait l'occasion de créer un cadre protecteur du modèle économique et social européen, notamment en matière de services publics, puisque le traité prévoit l'adoption d'une directive-cadre prenant en compte les spécificités de ces services.
M. Michel Mercier. Très bien !
M. Jean Bizet, rapporteur. La réécriture de ce texte engagée à Bruxelles et à laquelle concoure notre proposition de résolution est en train de régler les principales difficultés soulevées par la directive et, là encore, c'est indépendant de la question de Constitution européenne.
En tant que rapporteur de la commission des affaires économiques, je tenais à le rappeler afin de recentrer notre débat de ce soir sur les activités de services en Europe et sur nos emplois dans ce grand marché intérieur, car c'est de cela - et de cela uniquement - qu'il est question ce soir.
J'émets donc, je le répète, un avis défavorable sur la motion.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. Je crois m'être suffisamment exprimée à ce propos : je soutiens complètement la position de M. le rapporteur et j'émets, bien sûr, un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 21, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de résolution.
(La motion n'est pas adoptée.)
Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion du texte proposé par la commission tel qu'il a été rectifié dans le rapport supplémentaire.
Texte de la proposition de résolution
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vus les articles 43 à 55 du traité instituant la Communauté européenne,
Vu le texte E 2520 portant proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur,
Vue la convention 80/934/CEE sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980,
Vue la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services,
Vue la position commune arrêtée par le Conseil le 21 décembre 2004 en vue de l'adoption de la directive du Parlement et du Conseil relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles,
Vues les déclarations de la Commission européenne en date du 3 mars 2005 prenant acte de la nécessité de modifier profondément la proposition de directive relative au marché intérieur à l'occasion de son examen en première lecture par le Parlement européen ;
Considérant que la réalisation du marché intérieur des services est indispensable au développement économique et social de l'Union européenne ;
Considérant que la France, premier exportateur de services européen, pourrait en tirer beaucoup d'avantages, tant dans la perspective de la stratégie de Lisbonne que dans celle des négociations multilatérales engagées au sein de l'Organisation mondiale du commerce ;
Considérant que l'absence de législation communautaire en matière de réalisation du marché intérieur des services aboutirait à en confier l'entière responsabilité à la seule Cour de Justice des Communautés européennes ;
Considérant que l'harmonisation des législations nationales constitue depuis le traité de Rome un fondement de la méthode communautaire ;
Considérant que l'Union européenne ne saurait se construire sur une concurrence entre ses membres quant à la protection sociale et au degré d'exigence des normes juridiques, mais qu'elle doit au contraire viser à garantir aux populations des Etats membres un niveau élevé de solidarité sociale et de couverture juridique ;
Considérant le manque d'études d'impact sur l'application du principe du pays d'origine aux services dans le marché intérieur ;
Considérant que l'étendue des imprécisions et ambiguïtés de la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur ne permet pas de satisfaire cet objectif fondamental ;
Estime, en conséquence, que la proposition de directive est inacceptable en l'état ;
Demande instamment que soit affirmée la primauté du droit communautaire sectoriel sur la directive sur les services dans le marché intérieur ;
Demande solennellement la confirmation de l'application de la seule directive 96/71/CE en matière de détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services ;
Demande la mise en cohérence de la proposition de directive :
- avec la convention 80/934/CEE sur la loi applicable aux obligations contractuelles et avec la proposition de règlement sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ;
- avec la proposition de directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;
Demande l'exclusion du champ de la directive des activités relatives :
- aux professions juridiques réglementées à l'exception de celles couvertes par la directive 77/249/CE du Conseil du 22 mars 1977 tendant à faciliter l'exercice de la libre prestation de services par les avocats ;
- aux services audiovisuels et aux services de presse ;
- aux services de gestion collective des droits d'auteur et droits voisins ;
- aux services de santé, d'aide sociale et médico-sociale ;
- aux jeux d'argent ;
- aux services de transports ;
Demande au Gouvernement de fournir à l'Assemblée nationale et au Sénat des études d'impact sur les conséquences de l'application du principe du pays d'origine aux différents secteurs d'activité concernés ;
Demande que ces études d'impact relèvent toute conséquence de l'application du principe du pays d'origine en matière pénale ;
Demande résolument l'abandon de la règle du pays d'origine dès lors qu'il n'existe pas de socle d'harmonisation ;
Rappelle que les services d'intérêt général non-économique sont exclus du champ d'application de la proposition de directive ;
Exige que soient précisées les conditions de la non-application du principe du pays d'origine aux services d'intérêt économique général ;
Approuve, sous les réserves précédemment exprimées, les stipulations de la proposition de directive relatives à la liberté d'établissement des prestataires de services, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte au bon fonctionnement des services d'intérêt économique général ;
Appelle la Commission européenne à formuler une proposition d'instrument juridique communautaire relatif aux services d'intérêt économique général, afin de définir clairement les critères déterminant la nature économique de ces services et le caractère non économique des autres services d'intérêt général.
Mme la présidente. Je suis saisie de dix-neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 8, présenté par MM. Ries et Lagauche, Mme Tasca, MM. Frimat et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Caffet, Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la proposition de résolution :
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu le texte E-2520 portant proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur,
Vu le traité instituant la Communauté européenne et notamment ses articles 5, 6,16, 95, 136, 153,
Vu la décision de la conférence intergouvernementale du 18 juin 2004 d'agréer le texte du traité établissant une Constitution pour l'Europe, texte signé par les 25 Etats membres le 29 octobre 2004,
Vu la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de service,
Vu l'approbation par le Conseil européen de Nice des 7, 8 et 9 décembre 2000 de la déclaration du Conseil « marché intérieur » du 28 septembre 2000 sur les services d'intérêt économique général,
Vu l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes concernant l'affaire (C-266/96) qui a opposé Corsica Ferries SA aux lamaneurs du port de Gênes,
Vu l'arrêt « Corbeau » du 13 mai 1993 de la Cour de Justice européenne concernant la régie des postes belges,
Vu l'arrêt « Commune d'Almelo » du 27 avril 1994 concernant une entreprise néerlandaise de distribution d'électricité,
Vu l'arrêt « Altmark » du 24 juillet 2003, concernant une entreprise allemande de transport urbain,
Vu l'article 36 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne selon lequel l'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt économique général pour promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union,
Considérant que la stratégie à moyen terme définie dans le cadre du Conseil européen de Lisbonne vise à « faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable, accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale »,
Considérant que les prestations de services ne représentent que 20% des échanges dans le marché intérieur et que en tant que premier exportateur de services européens, la France pourrait directement bénéficier,en termes de croissance, de leur essor,
Considérant que l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne souligne le rôle joué par les services d'intérêt économique général dans la « promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union » et invite la Communauté et les Etats membres à veiller « à ce que ces services fonctionnent sur la base des principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions »,
Considérant que l'harmonisation des législations nationales constitue depuis le traité de Rome un fondement de la méthode communautaire et que l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne précise que « (...) la Commission, dans ses propositions présentées au titre du paragraphe 1 en matière de santé, de sécurité, de protection de l'environnement et de protection des consommateurs, prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution fondée sur des faits scientifiques. Dans le cadre de leurs attributions respectives, le Parlement européen et le Conseil s'efforcent également d'atteindre cet objectif. »
Considérant que l'article 6 du traité instituant la Communauté européenne stipule que «les exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des politiques et actions visées à la présente partie afin, en particulier, de promouvoir le développement durable »
Considérant que, selon l'article 153 du traité instituant la Communauté européenne, « les exigences de la protection des consommateurs sont prises en considération dans la définition et la mise en oeuvre des autres politiques et actions de l'Union »,
Considérant que, selon la déclaration du conseil du « marché intérieur » du 28 septembre 2000, « l'application des règles du marché intérieur et de la concurrence doit permettre aux services d'intérêt économique général d'exercer leurs missions dans des conditions de sécurité juridique et de viabilité économique qui assurent entre autres les principes d'égalité de traitement, de qualité et de continuité des services »,
Considérant que l'Union européenne ne saurait se construire sur la base d'une mise en concurrence des systèmes nationaux de protection sociale et d'un nivellement vers le bas des normes juridiques,
Considérant que la proposition de directive susvisée est contraire aux objectifs fixés par l'article I-3 du texte du traité signé par les 25 Etats-membres le 29 octobre 2004, texte établissant une Constitution pour l'Europe et selon lequel « l'Union oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. Elle combat l'exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l'égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l'enfant. Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres. Elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen »,
Considérant que la proposition de directive susmentionnée est contraire au texte du traité signé par les 25 Etats membres le 29 octobre 2004, texte établissant une Constitution pour l'Europe et dont l'article III-122 assure, une base juridique à l'Union Européenne pour légiférer en matière de garanties accordées aux services d'intérêt général : « sans préjudices des articles I-5, III-166, III-167, III-238, et eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l'Union attribuent une valeur ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l'Union et les Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application de la Constitution, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières qui leur permettent d'accomplir leurs missions. La loi européenne établit ces principes et fixent ces conditions, sans préjudice de la compétence qu'ont les Etats membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services. »,
Considérant que le Conseil d'Etat estime que la proposition de directive susmentionnée et notamment l'application du principe du pays d'origine pourrait remettre en cause « certains principes fondamentaux de valeur constitutionnelle tels que la souveraineté nationale, l'égalité devant de la loi et la légalité des délits et des peines »
Demande en conséquence au gouvernement français de s'opposer à cette proposition de directive du Parlement et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (COM (2004) 2 final, E 2520) et d'en exiger de la Commission le retrait pur et simple,
Estime nécessaire en préalable à toute nouvelle directive sur les services, que le gouvernement français demande l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général,
Souhaite que le gouvernement français, pour toute nouvelle directive sur les services, demande l'abandon pur et simple du principe du pays d'origine et sa généralisation et exige de la commission qu'elle respecte la démarche communautaire d'harmonisation par le haut des législations nationales et de reconnaissance mutuelle des législations les plus protectrices.
L'amendement n° 9, présenté par MM. Ries et Lagauche, Mme Tasca, MM. Frimat et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Caffet, Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la proposition de résolution :
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu le texte E 2520 portant proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur,
Vu le traité instituant la Communauté européenne et notamment ses articles 5, 6,16, 95, 136, 153,
Vu la décision de la conférence intergouvernementale du 18 juin 2004 d'agréer le texte du traité établissant une Constitution pour l'Europe, texte signé par les 25 Etats membres le 29 octobre 2004,
Vu la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de service,
Considérant que la stratégie à moyen terme définie dans le cadre du Conseil européen de Lisbonne vise à « faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable, accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale »
Considérant que les prestations de services ne représentent que 20% des échanges dans le marché intérieur et que en tant que premier exportateur de services européens, la France pourrait directement bénéficier,en termes de croissance, de leur essor,
Considérant que l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne souligne le rôle joué par les services d'intérêt général dans la « promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union » et invite la Communauté et les Etats membres à veiller « à ce que ces services fonctionnent sur la base des principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions »,
Considérant que l'harmonisation des législations nationales constitue depuis le traité de Rome un fondement de la méthode communautaire et que l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne précise que « (...) la Commission, dans ses propositions présentées au titre du paragraphe 1 en matière de santé, de sécurité, de protection de l'environnement et de protection des consommateurs, prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution fondée sur des faits scientifiques. Dans le cadre de leurs attributions respectives, le Parlement européen et le Conseil s'efforcent également d'atteindre cet objectif. » ;
Considérant que l'article 6 du traité instituant la Communauté européenne stipule que «les exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des politiques et actions visées à la présente partie afin, en particulier, de promouvoir le développement durable. » ;
Considérant que, selon l'article 153 du traité instituant la Communauté européenne, « les exigences de la protection des consommateurs sont prises en considération dans la définition et la mise en oeuvre des autres politiques et actions de l'Union »,
Considérant que l'Union européenne ne saurait se construire sur la base d'une mise en concurrence des systèmes nationaux de protection sociale et d'un nivellement vers le bas des normes juridiques,
Considérant que la proposition de directive susvisée est en contradiction avec les objectifs fixés par l'article I-3 du texte du traité signé par les 25 Etats-Membres le 29 octobre 2004, article établissant une Constitution pour l'Europe et selon lequel « l'Union oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. Elle combat l'exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l'égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l'enfant. Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres. Elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen »,
Considérant que la proposition de directive susmentionnée est en contradiction avec le texte du traité signé par les 25 Etats-Membres le 29 octobre 2004, texte établissant une Constitution pour l'Europe et dont l'article III-122 assure, en respect du principe de subsidiarité, une base juridique à l'Union Européenne pour légiférer en matière de garanties accordées aux services d'intérêt général : « sans préjudices des articles I-5, III-166, III-167, III-238, et eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l'Union attribuent une valeur ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l'Union et les Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application de la Constitution, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières qui leur permettent d'accomplir leurs missions. La loi européenne établit ces principes et fixent ces conditions, sans préjudice de la compétence qu'ont les Etats membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services. »,
Considérant que le Conseil d'Etat estime que la proposition de directive susmentionnée et notamment l'application du principe du pays d'origine pourrait remettre en cause « certains principes fondamentaux de valeur constitutionnelle tels que la souveraineté nationale, l'égalité devant de la loi et la légalité des délits et des peines »
Demande en conséquence au gouvernement français de s'opposer fermement et de rejeter la proposition de directive du Parlement et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (COM (2004) 2 final, E-2520) et d'en exiger de la Commission le retrait pur et simple.
Ces deux amendements ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Darniche et Seillier, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la proposition de résolution :
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vus les articles 43 à 55 du traité instituant la Communauté européenne,
Vu le texte E 2520 portant proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur,
Vue la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services,
Considérant que le principe du pays d'origine, dispositif central du projet de directive relative aux services dans le marché intérieur consacre l'ouverture d'un marché concurrentiel des législations nationales et la négation même de la règle de la territorialité du droit,
Considérant que ce principe du pays d'origine ouvre la voie à un véritable dumping social et au nivellement général par le bas dans l'Union,
Considérant que l'économie de marché ne saurait se développer et donc créer des emplois dans un contexte de désordre et d'insécurité juridique que génèrerait l'application de cette directive,
Considérant que même les propositions visant la liberté d'établissement des prestataires de services sont dangereuses dans la mesure où elles contredisent plusieurs directives communautaires, notamment la directive 96/71/CE sur le détachement des travailleurs étrangers, et que ces dispositions vont au-delà de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes qui autorisaient jusqu'à présent les restrictions notamment justifiées par une raison d'intérêt général,
Demande le retrait et l'abandon du projet de directive relative aux services dans le marché intérieur.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Cet amendement a pour objet le retrait clair et net, pur et simple, de la totalité de la directive.
Il y a d'abord un problème de sémantique. On a parlé de remise à plat total, de réécriture, mais les choses ne seraient-elles pas plus claires si l'on parlait de retrait pour réécrire complètement la directive ?
Je souhaite dire ensuite à M. le rapporteur, qui a, je le sais, beaucoup travaillé, que la démarche « en biais » adoptée pour parvenir, après déjà tant de moutures - décidément, l'accouchement aura été douloureux -, à une nouvelle proposition de résolution n'a pas abouti à un résultat satisfaisant.
Le nouveau texte ne lèvera pas davantage les ambiguïtés que le texte initial. Certes, il témoigne d'un peu plus de fermeté puisque, maintenant, le Sénat « demande résolument l'abandon de la règle du pays d'origine », mais, est-il aussitôt ajouté, il ne le fait que « dès lors qu'il n'existe pas de socle d'harmonisation ». Or c'est tout l'un ou tout l'autre !
M. Barroso a très bien expliqué qu'une harmonisation dans un ensemble aussi hétéroclite, notamment avec les pays de l'Est, pourrait prendre des dizaines et des dizaines d'années. C'est donc précisément parce qu'il ne peut pas y avoir d'harmonisation que la Commission avait à l'unanimité, toutes sensibilités politiques confondues, proposé d'instaurer le principe du pays d'origine.
Je crois donc que l'ambiguïté est toujours au coeur de la proposition de résolution.
Est-il raisonnable de garder un très mauvais texte sous le seul prétexte de sauver une proposition peut-être bonne, à savoir le guichet unique en vue de limiter la paperasserie administrative ? Je ne le crois pas.
Cela étant, qu'il me soit permis de répondre aux propos de Mme le ministre.
Bien sûr, l'instrumentalisation et les contrevérités sont toujours du côté du « non », jamais de celui du « oui », mais je voudrais tout de même obtenir un mot d'explication sur ce qui s'est passé au cours des deux derniers jours au Conseil européen.
Il faut en effet distinguer entre les déclarations médiatiques et la réalité politique, madame le ministre ! J'ai comme vous lu le communiqué officiel de la présidence du Conseil européen. On a entendu beaucoup de rodomontades, vu beaucoup de coups de menton, mais que trouve-t-on vraiment dans ce communiqué officiel ?
D'abord, reconnaissez-vous oui ou non qu'à aucun moment l'abandon du principe du pays d'origine n'y est proposé ?
Ensuite, on proclame tout et son contraire : gentiment, par angélisme, on veut bien sûr l'« ouverture du marché intérieur des services », mais aussi le « respect du modèle social européen ». Et permettez-moi de lire cette phrase, car elle est superbe : « Par conséquent, le Conseil européen demande que tous les efforts soient entrepris dans le cadre de la procédure législative en cours pour dégager un large consensus qui répondra à l'ensemble des objectifs... » Cela ne veut rien dire : c'est de l'ordre de l'incantation, du souhait.
Pouvez-vous, madame le ministre, puisque vous l'avez vous aussi évoqué, nous dire ce qu'est ce fameux « modèle social européen » ? Le définissez-vous comme une moyenne des réglementations sociales des différents pays, comme le modèle aligné au plus bas, ou comme le modèle aligné au plus haut ?
Après recherche, je suis en mesure de vous dire que cette terminologie de « modèle social européen » n'est pas utilisée une seule fois dans le traité constitutionnel. En revanche, il y est fait vingt-sept mentions du principe de « concurrence libre et non faussée ».
Et, bien entendu, le communiqué de la présidence luxembourgeoise est contraint de revenir à la réalité : « La directive ne sera pas retirée. C'est la seule Commission qui pourrait le faire. Le Conseil européen n'a pas le droit de donner des injonctions de ce type à la Commission européenne. »
Il y a donc une totale impuissance du Conseil, que le Conseil reconnaît d'ailleurs. Vous connaissez aussi bien que moi la procédure, madame le ministre : pour faire adopter « de force », si j'ose dire, un amendement qui ne serait pas voulu ou accepté par la Commission, il faudrait que le Conseil se décide en fonction du principe de l'unanimité.
En réalité, ces tergiversations cachent une absence d'accord politique. Elles cachent aussi un tour de passe-passe : la procédure adoptée conduira au passage du texte devant le Parlement européen à la fin de l'été, c'est-à-dire bien après le 29 mai, bien après le référendum, et nous retrouverons alors le principe du pays d'origine ; nous le retrouverons, car, comme l'ont rappelé certains de nos collègues, les bases en ont été votées par le Parlement européen en février 2003, elles ont été approuvées à l'unanimité par les commissaires et par tous les gouvernements.
Le projet de résolution qui nous est soumis porte en lui l'ensemble de ces contradictions.
En outre, je le répète, il y a bien là un lien avec la Constitution européenne. On ne peut pas affirmer, par exemple, que, s'agissant des services d'intérêt économique général, les SIEG, la Constitution européenne écarte toutes les menaces.
Pour vous en convaincre, madame le ministre, je vous invite à relire deux articles l'un après l'autre : l'article III-122 tend à communautariser les SIEG, alors qu'il n'y avait jamais eu communautarisation auparavant C'est donc un abandon dans les mains de la Commission, dont on connaît les conceptions ultralibérales en la matière. Quant à l'article III-144, il donne une base juridique extrêmement ferme au principe du pays d'origine.
C'est la raison pour laquelle il faut envoyer un message fort. Si vous ne voulez sincèrement pas de la règle du pays d'origine, dites-le solennellement ici et, surtout, demandez le retrait de la directive et ne vous contentez pas de quelques modifications qui ne permettront pas d'améliorer un texte qui est fondamentalement mauvais.
Mme la présidente. L'amendement n° 19, présenté par MM. Bret et Le Cam, Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la proposition de résolution :
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (COM[2004] 2 final, document E 2520),
-Demande résolument le rejet du principe du pays d'origine comme moyen de réaliser le marché intérieur des services. Lequel, en l'absence d'un niveau d'harmonisation suffisant des secteurs concernés, et compte tenu des disparités de l'Europe élargie, présente un risque de dumping social et juridique.
-Demande que le droit pénal soit explicitement exclu du champ du principe du pays d'origine.
-Estime que la Commission doit s'engager dans un processus d'harmonisation par le haut du droit applicable aux services, en prenant mieux en compte les particularités de chaque secteur et en procédant au préalable à une étude d'impact approfondie.
-Demande que les services d'intérêt général soient explicitement exclus du champ d'application de la proposition de directive et que la Commission s'engage à proposer une directive sur les services d'intérêt général.
-Recommande que, pour des raisons d'intérêt général, aucune directive horizontale concernant les services dans le marché intérieur ne s'applique aux professions juridiques réglementées, aux services culturels et audiovisuels, aux services de santé, d'aide sociale et médico-social et aux jeux d'argent.
-Demande le respect de la directive 96/71/CE sur le détachement des travailleurs, afin de conserver le contrôle, par l'Etat d'accueil, des conditions de détachement et de réalisation de l'activité.
-Demande une définition précise de l'articulation entre la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur et la directive concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles.
-En conséquence, demande que la Commission retire la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. La montée en puissance du « non » dans la campagne référendaire française et la polémique sur la proposition de directive Bolkestein ont pesé lourdement, hier, sur le sommet européen de Bruxelles.
A l'heure où plus de la moitié de l'opinion française s'insurge contre l'« Europe libérale » et rejette d'un même revers de main la directive Bolkestein et le traité constitutionnel, les dirigeants européens, pris de panique, madame la ministre, ont décidé, hier soir, d'adopter la stratégie du double langage.
Le président en exercice du Conseil de l'Union européenne, Jean-Claude Junker, alors qu'il déclarait, d'un côté, que les dirigeants européens étaient tombés d'accord pour que des modifications soient apportées à la proposition de directive sur la libéralisation des services, laquelle ne répond pas actuellement aux exigences du modèle social européen, réaffirmait, d'un autre côté : « La directive ne sera pas retirée. [Si tel était le cas...] nous donnerions l'impression que l'ouverture des services aurait disparu de l'agenda européen. Elle doit rester sur l'agenda européen puisque la stratégie de Lisbonne [...] implique que nous ouvrions le marché des services. »
Bien entendu, nous savons, comme l'a rappelé mon collègue et ami Guy Fischer, que ladite directive s'inscrit pleinement dans la stratégie de Lisbonne, qui hisse la compétition au rang des valeurs de l'Union européenne. A ce titre, cette proposition de directive préfigure l'Europe telle qu'elle est conçue par le traité constitutionnel européen.
Si les Françaises et les Français comprennent que la dévotion aux règles du marché règne en maître dans la lettre et l'esprit de ces deux textes, les dirigeants européens usent, quant à eux, d'un double langage pour casser l'élan du « non » au traité constitutionnel européen.
Le groupe communiste républicain et citoyen demande le retrait pur et simple de cette proposition de directive marquée par une logique de soumission des services aux règles de marché et de mise en concurrence entre les peuples.
Nous sommes, tout d'abord, fermement opposés au principe du pays d'origine. Nous considérons qu'en l'absence d'un niveau d'harmonisation suffisant des secteurs concernés, et compte tenu des disparités de l'Europe élargie, il présente un réel danger de dumping social et juridique. Dans la mesure où il conduirait à une application simultanée de plusieurs droits nationaux, placés en concurrence sur un même territoire, le principe du pays d'origine pourrait soulever le problème de l'égalité des citoyens devant la loi, madame la ministre, et notamment devant la loi pénale. Ce principe s'étend en effet à tous les domaines du droit, donc, en l'absence d'indication contraire, à la loi pénale. Aussi, nous demandons que le droit pénal soit explicitement exclu du champ du principe du pays d'origine.
Par ailleurs, nous déplorons le manque de clarté de la proposition de directive concernant la délimitation, dans les domaines de l'économie sociale, des services d'intérêt général et des domaines déjà couverts par d'autres directives spécifiques. Pour des raisons d'intérêt général, et parce qu'on ne peut pas les assimiler à des services marchands, de nombreux secteurs devraient être exclus du champ d'application du texte, qu'il s'agisse de la santé, de la culture et de l'audiovisuel, des professions juridiques réglementées ou des jeux d'argent.
Nous regrettons que les missions d'intérêt général ne soient pas explicitement exclues du champ d'application du principe du pays d'origine. Nous soulignons, à cet égard, que la confusion terminologique qui règne en la matière est largement entretenue par les tenants de la directive. Ainsi, la Commission européenne ne cesse d'affirmer que la directive ne viserait en aucun cas les services d'intérêt général, ce que d'aucuns définissent par la catégorie des services publics. Or nulle disposition ne reprend explicitement cette clause d'exclusion dans la proposition de directive. Nous demandons, par conséquent, que les services d'intérêt général soient explicitement exclus du champ d'application de la proposition de directive et que la Commission s'engage à proposer une directive sur les services d'intérêt général.
Par ailleurs, dans la mesure où la proposition de directive Bolkestein s'ajoute aux directives sectorielles, elle pourrait remettre en cause des textes existants ou en préparation, notamment les dispositions relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles et au détachement des travailleurs.
Nous requérons, à cet égard, d'une part, le respect de la directive 96/71/CE sur le détachement des travailleurs, afin de conserver le contrôle par l'Etat d'accueil, des conditions de détachement et de réalisation de l'activité, d'autre part, une définition précise de l'articulation entre la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur et la directive concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles.
Pour toutes ces raisons, nous demandons le retrait de cette proposition de directive.
La dynamique du « non » ouvre de nouveaux espoirs à celles et ceux qui aspirent, madame la ministre, à une Europe sociale, démocratique et de paix. Choisissons, le 29 mai prochain, de mettre à l'ordre du jour cette question et de demander pour l'Union européenne d'autres fondements que ceux qui sont proposés par la directive Bolkestein et le traité établissant une constitution pour l'Europe.
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par MM. Ries et Lagauche, Mme Tasca, MM. Frimat et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Caffet, Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I - A la fin du seizième alinéa de la proposition de résolution, remplacer les mots :
en l'état
par les mots :
et doit être retirée
II - En conséquence supprimer l'ensemble des alinéas suivants (du dix-septième au trente cinquième)
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 11, présenté par MM. Ries et Lagauche, Mme Tasca, MM. Frimat et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Caffet, Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter in fine le dix-septième alinéa de la proposition de résolution par les mots :
et que le principe du pays d'origine et sa généralisation soient purement et simplement abandonnés
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1, présenté par M. Badré, au nom de la délégation parlementaire pour l'Union européenne, est ainsi libellé :
Compléter le dix-huitième alinéa de la proposition de résolution par les mots :
et notamment le maintien de la déclaration préalable au détachement des travailleurs ;
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis de la délégation pour l'Union européenne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre délégation ayant déposé sept amendements, vous me permettrez, pour la clarté de nos débats, de les situer dans un contexte plus global avant de les défendre un à un de manière plus succincte.
La proposition de résolution présentée par la commission des affaires économiques est excellente, ce qui n'est pas étonnant, puisqu'elle est fondée sur rapport d'information de la délégation qui n'était lui-même pas mauvais.
M. Jean Bizet, rapporteur. C'est exact ! (Sourires.)
M. Denis Badré. Ce rapport, dont je me plais à rappeler que la rédaction était plurielle, a été cosigné par quatre auteurs appartenant à des groupes différents, ce qui a été une bonne chose.
Personnellement, j'ai été très heureux de travailler dans ces conditions, qui nous ont permis, en étudiant les problèmes de manière beaucoup plus objective et approfondie, d'arriver à des conclusions plus crédibles. Même si notre collègue Robert Bret doit se démarquer en bout de parcours, il n'était pas très loin, sur l'ensemble, de partager nos points de vue...
M. Robert Bret. Ils n'ont pas évolué comme je le souhaitais ...
M. Denis Badré. Je tenais à souligner l'intérêt d'une telle démarche plurielle.
Si nous avons déposé des amendements sur cette excellente proposition de résolution, c'est parce que, alors que nous sommes encore tout imprégnés de notre travail, nous avons pensé pouvoir le pousser plus loin encore pour améliorer la clarté et la cohérence du texte.
C'est également dans cet esprit que je rappellerai dans leurs grandes lignes les observations que nous avons formulées et à partir desquelles il conviendra de caler la rédaction du texte qui nous est soumis.
Cela a été dit et répété, mais il faut le redire, la proposition de directive est bonne dans son objectif. Elle comporte, par ailleurs, des dispositions intéressantes, notamment en matière de simplification. C'est tout particulièrement vrai chaque fois qu'elle consolide des dispositions sectorielles horizontales, liées, par exemple, au détachement des travailleurs, à l'harmonisation des qualifications ou aux conditions d'établissement, toutes choses qui vont dans le bon sens et qui sont très constructives pour l'Europe.
La proposition de directive présente également de graves défauts.
Ainsi, concernant la méthode, nous ne pouvons pas considérer comme une marque de respect que l'on traite globalement toute une série de secteurs professionnels, faute de pouvoir leur consacrer un traitement particulier. Ce n'est pas une bonne pratique, car elle n'est de nature à inciter ni lesdits secteurs à rejoindre l'Europe, ni l'ensemble des Européens à y adhérer.
En effet, à partir du moment où l'on s'engage dans une démarche du type « voiture-balai », il ne faut pas s'étonner si de nombreux secteurs professionnels demandent à être exclus de la démarche. On ne construit pas plus l'Europe en conseillant à ceux qui ne veulent pas la rejoindre de surtout ne pas le faire ; c'est une manière de construire l'Europe à reculons qui ne nous convient pas. C'est un point qu'il faut rappeler et que nous soulignerons en défendant nos différents amendements.
Vous me permettrez de formuler deux autres observations de caractère général et « horizontal ».
Premièrement, il est essentiel que, sur un tel texte, les mots aient le même sens dans toutes les langues. Il faudrait prévoir que, dans un article zéro, figure la définition des expressions « services », « services publics », « services d'intérêt général » et « services économiques d'intérêt général ». Aussi longtemps que l'on fera l'économie de cet exercice, chaque pays lira la directive à sa manière, ce qui donnera lieu à des contentieux sans fin et retardera d'autant la construction de l'Europe.
Deuxièmement, sur les directives d'une importance comparable à celle de la directive Bolkestein, la Commission ne peut pas compter ses efforts et s'abstenir d'engager une étude d'impact pour détailler les conséquences de son projet. A la faveur de l'examen de cette proposition de résolution, nous souhaitons, madame la ministre, que le Gouvernement rappelle fermement à la Commission qu'elle doit consentir cet effort, étant entendu que l'étude d'impact pourra être analysée par les gouvernements et par les parlements nationaux pour que chacun puisse, ensuite, en toute connaissance de cause et en toute clarté, à la fois prendre position et informer ses concitoyens.
Telles sont les trois observations que je tenais à formuler, car elles sous-tendent les amendements que nous avons déposés.
Pour conclure, je rappelle que le principe du pays d'origine a, bien entendu, retenu toute notre attention, d'autant plus qu'il nous inspire les plus sérieuses réserves. Que l'on fasse référence au pays d'origine, que l'on tente de voir jusqu'à quel point il est possible de prendre en compte la spécificité et la diversité des situations, je peux l'admettre, mais il me paraît philosophiquement dangereux d'ériger cette référence en principe de base de la construction européenne.
Poussé à l'extrême, le raisonnement qui consiste à conforter chaque pays dans ses pratiques ôterait toute sa raison d'être à cette construction européenne que nous appelons de nos voeux, et la référence au pays d'origine, une fois érigée en principe, affaiblirait l'Europe et détériorerait son image.
J'ai pris connaissance des nombreuses analyses parues depuis quelques jours sur ce qu'avaient pu dire, sur le principe du pays d'origine, la Commission européenne, son président et l'auteur de la proposition de directive. Les uns et les autres prétendent que leurs propos ont été dénaturés et qu'il n'est pas question d'adopter la règle du « moins-disant ». Bien sûr que si !
En effet, dès lors qu'une entreprise aura le choix de s'établir dans le pays d'Europe où les conditions sont les plus faciles, où le droit du travail est le plus souple, où les contraintes sont les moins lourdes et où les prélèvements obligatoires sont les plus supportables, elle s'y installera. Voilà le moins-disant ! Et ce n'est pas là le moindre risque : la référence à cette règle du moins-disant pourrait conduire les pays, soucieux de conserver et de protéger leurs entreprises; à se dresser les uns contre les autres, et à transformer l'Union européenne, qui n'aurait plus d'union que le nom, en une sorte de vaste champ de bataille.
Par ailleurs, dans la mesure où les entreprises choisiront de s'installer dans le pays où il leur sera plus facile de le faire, il va de soi que l'on va baisser la garde et démanteler tous les systèmes de protection sociale ou écologique, par exemple, qui ont pu être construits pays par pays. Cela reviendra à dire globalement que l'Europe a choisi la facilité plutôt que l'exigence, ce qui donnera d'elle une bien piètre image et dressera les Etats de l'Union les uns contre les autres.
Ce n'est pas la façon dont nous entendons construire l'Europe, et je suis heureux de constater que le Président de la République lui-même s'est, aujourd'hui, rangé à nos analyses.
Après ce bref rappel, j'en arrive à l'amendement n° 1, qui doit être compris à la lumière des propos que j'ai tenus concernant les approches sectorielles, puisqu'il vise notamment la question du rattachement des travailleurs.
La commission des affaires économiques souhaite, fort opportunément, le maintien de l'application de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs. En l'occurrence, je ne peux que lui donner raison. La Commission européenne affirme que cette directive sera maintenue, et qu'il n'y a pas lieu de se faire du souci : tant mieux !
Pour que cette situation juridique soit traduite dans les faits, l'Etat d'accueil doit pouvoir exercer des contrôles et donc être informé du détachement d'un travailleur sur son territoire. C'est la raison pour laquelle la délégation pour l'Union européenne souhaite le maintien de la déclaration préalable au détachement des travailleurs. C'est une mesure très importante pour apaiser un certain nombre d'inquiétudes dont l'écho s'est fait entendre ces derniers jours dans notre pays.
Je rappelle, en effet, que, si nous rédigeons une résolution, c'est non seulement pour éclairer le Gouvernement, qui paraît d'ailleurs ne plus en avoir besoin, mais également pour rassurer les Français : c'est dans cette optique que je me situe en présentant cet amendement au nom de la délégation et sous le contrôle de son président.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Badré, au nom de la délégation parlementaire pour l'Union européenne, est ainsi libellé :
I. Rédiger comme suit le vingt-deuxième alinéa de la proposition de résolution :
Rappelle que les services d'intérêt général non économiques sont exclus du champ de la directive et demande également l'exclusion des activités relatives :
II. En conséquence, supprimer le trente-deuxième alinéa du même texte.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. L'amendement n° 2 vise à encadrer la démarche du type « voiture-balai » qui consiste à vouloir construire l'Europe à coup d'exonérations. Dès lors que la directive prévoit des exonérations, ce que je critique vivement, il convient, pour le moins, de les présenter de manière claire et cohérente. C'est pourquoi nous proposons de faire figurer en premier, dès le début de l'énumération des secteurs exonérés de la directive, que nous approuvons puisqu'elle coïncide avec la liste figurant dans notre rapport, les services d'intérêt général non économiques, pour assurer la cohérence de l'ensemble. Commençons par là, et les choses seront plus claires !
Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Braye et Texier, est ainsi libellé :
Après le vingt-sixième alinéa de la proposition de résolution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
- aux services de logement social ;
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Cet amendement a pour objet d'insérer un alinéa relatif aux services de logement social.
Le logement social est concerné par la directive relative aux services, puisqu'il n'entre dans aucune des dérogations expressément prévues par le texte. Le système français du logement social, comme celui de nombreux autres pays, pourrait ainsi être menacé par le principe de liberté d'établissement et de suppression des autorisations.
Comme le rapporteur de la commission des affaires économiques l'a fort justement indiqué, la proposition de directive pèche par l'insuffisance de sa rédaction. S'agissant du logement social, il est important de préciser les choses.
Aussi cet amendement a-t-il pour objet d'exclure les services de logement social du champ d'application de la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur.
Mme la présidente. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Hyest, est ainsi libellé :
Après le vingt-huitième alinéa de la proposition de résolution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Rappelle les réserves du Conseil d'Etat et demande au Gouvernement d'exclure explicitement l'application du principe du pays d'origine aux règles d'exercice professionnel sanctionnées pénalement ;
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout d'abord, je remercie Mme la ministre d'avoir répondu à la question relative à la profession d'avocat. Il existe donc bel et bien des directives sectorielles, qui s'appliquent actuellement, et si, comme je le souhaite, le traité est adopté, les services relatifs à la sécurité et à la justice feront, à l'avenir, l'objet de directives sectorielles puisqu'elles n'entrent pas dans le même champ d'application que la directive relative aux services.
Par ailleurs, se posait le problème des officiers ministériels. La proposition de résolution de la commission des affaires économiques prévoit que des règles particulières s'appliqueront à eux. En effet, les notaires, les huissiers, ainsi que d'autres professionnels, ne peuvent pas être remplacés dans notre pays, car cela soulève des problèmes de droit public, et de garantie.
Subsistait un problème, qui a été évoqué tant par la commission que par la délégation, à savoir l'incidence de la proposition de directive en matière pénale. Ainsi, en application du principe du pays d'origine, chaque prestataire importerait ses règles d'exercice professionnel, y compris en matière pénale.
Or la proposition de directive soulève une double difficulté au regard de nos principes constitutionnels, d'une part, en mettant en cause le principe d'égalité devant la loi, ce qui causerait une inégalité de traitement entre les professionnels - on pourrait, par exemple, sanctionner un prestataire français et non son homologue européen, qui serait soumis à un régime différent, et ce alors qu'ils auraient commis la même infraction -, et, d'autre part, en affectant le principe de territorialité de la loi pénale.
La territorialité de la loi pénale est considérée par le Conseil constitutionnel comme étant l'une des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Dans le cadre de la directive, elle pourrait être remise en cause, l'autorité judiciaire se voyant dans l'impossibilité d'appliquer la loi pénale française à un prestataire de services étranger.
Je sais que le Gouvernement a manifesté sa préoccupation en la matière. Dans la version initiale du vingt-neuvième alinéa de la proposition de résolution de la commission, M. Bizet demandait une étude d'impact, afin de relever toutes les conséquences qu'entraînerait l'application du principe du pays d'origine en matière pénale.
M. Badré a lu, comme moi, l'avis du Conseil d'Etat. Or, dans l'amendement qu'il présente, il indique simplement que le Conseil d'Etat a estimé qu'il y avait des risques. Pour ma part, je pense qu'il faut aller au-delà ; on doit franchement dire que l'on refuse l'application du principe du pays d'origine aux règles d'exercice professionnel sanctionnées pénalement.
M. Badré a bien vu le problème, mais il faut clairement demander que ce principe soit totalement exclu en matière pénale, afin d'éviter, sur le plan juridique, les dérives et les mécomptes auxquels il faut s'attendre sinon.
Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Badré, au nom de la délégation parlementaire pour l'Union européenne, est ainsi libellé :
Après le vingt-huitième alinéa de la proposition de résolution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Rappelle que le Conseil d'Etat a estimé que l'application du principe du pays d'origine en matière pénale pourrait porter atteinte à des principes à valeur constitutionnelle ;
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. Sur l'ensemble des amendements que nous présentons, nous travaillons, avec une grande humilité, notamment sur ce sujet, sous le contrôle de la commission des affaires économiques. Notre humilité est la même à l'égard de la commission des lois, monsieur Hyest.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Elle est plus grande encore !
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. Le président de la commission des lois lui-même vient en quelque sorte de défendre l'amendement n° 3 rectifié que je présente au nom de la délégation parlementaire pour l'Union européenne ; je n'ai donc pas grand-chose à ajouter. (Sourires.)
Dans la proposition de résolution, il me semble important de rappeler que le Conseil d'Etat a estimé que des principes à valeur constitutionnelle pourraient être mis en cause dans cette affaire.
Cela dit, je souscris pleinement à l'analyse développée par le président de la commission des lois, qui est plus averti que nous de ces problèmes. Monsieur Hyest, en fusionnant les deux amendements, nous devrions pouvoir parvenir à une rédaction satisfaisante.
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par MM. Ries et Lagauche, Mme Tasca, MM. Frimat et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Caffet, Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer les vingt-neuvième, trentième, trente-et-unième, trente-deuxième et trente-troisième alinéas de la proposition de résolution par un alinéa ainsi rédigé :
Demande l'abandon pur et simple du principe du pays d'origine afin de respecter « l'acquis communautaire » en matière d'harmonisation et la démarche d'harmonisation par le haut des législations nationales et de reconnaissance mutuelle des législations les plus protectrices ;
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 4, présenté par M. Badré, au nom de la délégation parlementaire pour l'Union européenne, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le vingt-neuvième alinéa de la proposition de résolution :
Demande qu'une proposition de directive ayant des conséquences économiques et sociales lourdes soit assortie d'études d'impact marquant notamment les conséquences de l'application du principe du pays d'origine au niveau de l'Union et de chacun des Etats membres et demande au gouvernement d'en faire l'analyse ;
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques demande que des études d'impact soient réalisées à propos des conséquences qu'entraînerait l'application du principe du pays d'origine aux différents secteurs d'activité concernés.
Comme je l'ai déjà indiqué dans mon propos liminaire, nous approuvons sans réserve le recours aux études d'impact. Toutefois, nous proposons de reformuler cette exigence. A l'avenir, les études d'impact doivent accompagner les propositions de directive ayant des conséquences économiques et sociales lourdes, j'y insiste, ce qui implique, il faut être clair, qu'elles soient réalisées par la Commission européenne.
Lorsque le Gouvernement français présente un projet de loi important pour la France, il l'assortit d'études d'impact, qui sont à sa charge ; de même, lorsque la Commission européenne présentera une proposition de directive lourde de conséquences pour l'Union européenne, elle devra l'assortir d'études d'impact, qui seront à sa charge, et ce afin de présenter les conséquences que son adoption aurait pour l'Union elle-même et, éventuellement, pour l'Union dans ses relations avec les Etats membres. Cela doit être rappelé s'agissant de cette directive et, plus généralement, s'agissant de l'ensemble des directives aux conséquences lourdes.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements présentés par MM. Ries et Lagauche, Mme Tasca, MM. Frimat et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Caffet, Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 13 est ainsi libellé :
Remplacer les trente et unième, trente-deuxième et trente-troisième alinéas de la proposition de résolution par un alinéa ainsi rédigé :
Demande l'abandon pur et simple du principe du pays d'origine afin de respecter « l'acquis communautaire » en matière d'harmonisation et la démarche d'harmonisation par le haut des législations nationales et de reconnaissance mutuelle des législations les plus protectrices ;
L'amendement n° 14 est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le trente et unième alinéa de la proposition de résolution :
Demande l'abandon pur et simple du principe du pays d'origine ;
Aucun de ces deux amendements n'est soutenu.
L'amendement n° 5, présenté par M. Badré, au nom de la délégation parlementaire pour l'Union européenne, est ainsi libellé :
A la fin du trente et unième alinéa de la proposition de résolution, supprimer les mots :
dans l'attente des résultats des études d'impact
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. L'amendement n° 5 est relatif au principe du pays d'origine et n'appelle que peu de commentaires supplémentaires, compte tenu de l'analyse que j'ai développée tout à l'heure.
Nous proposons très clairement de rejeter le principe du pays d'origine pour des raisons philosophiques et pratiques, pour l'esprit dans lequel il construirait l'Union européenne et pour l'image qu'il en donnerait.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Badré, au nom de la délégation parlementaire pour l'Union européenne, est ainsi libellé :
Supprimer le trente-troisième alinéa de la proposition de résolution.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. C'est un amendement de conséquence du précédent. A partir du moment où nous proposons l'abandon du principe du pays d'origine, il est inutile de prévoir qu'il ne s'applique pas dans certains cas.
Mme la présidente. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Ries et Lagauche, Mme Tasca, MM. Frimat et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Caffet, Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer les deux derniers alinéas de la proposition de résolution par un alinéa ainsi rédigé :
Demande en préalable à toute directive sur les services, l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 7, présenté par M. Badré, au nom de la délégation parlementaire pour l'Union européenne, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de la proposition de résolution :
Demande que le gouvernement appelle la Commission européenne à transmettre au Conseil une proposition d'instrument juridique communautaire relatif aux services d'intérêt économique général, avant l'adoption d'une position commune sur la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. Nous revenons sur les services d'intérêt économique général.
La délégation parlementaire pour l'Union européenne partage le souhait de la commission des affaires économiques de voir la Commission européenne proposer un instrument juridique communautaire sur les services d'intérêt économique général.
S'agissant de la proposition Bolkestein, notre délégation souhaite même que l'initiative soit prise avant toute éventuelle position commune au Conseil. Accessoirement, nous souhaitons que cette demande soit formulée par le Gouvernement auprès de la Commission européenne.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces différents amendements ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Par l'amendement n° 18 rectifié, nos collègues demandent, eux aussi, le retrait de la proposition de directive.
Cela reviendrait à ne pas encadrer les échanges de services par un texte arbitré par les autorités politiques, et à laisser précisément la Cour de justice des Communautés européennes le faire au gré de sa jurisprudence. S'agissant des services, on s'apprêterait donc à revivre le même scénario que pour le marché des biens, avec l'arrêt Cassis de Dijon, par lequel la Cour a posé le principe de la reconnaissance mutuelle.
Mais surtout, mes chers collègues, abandonner la proposition de directive reviendrait aussi à priver nos entreprises de la chance de faire valoir leurs intérêts offensifs dans un grand marché européen des services. N'oublions pas de le souligner, la France est le premier pays producteur de services au niveau de l'Union européenne et le quatrième au niveau mondial.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 19 vise, lui aussi, au rejet de la proposition de directive.
Nous sommes d'accord pour estimer que le texte en l'état devrait être rejeté, car sa rédaction actuelle est inacceptable. On est, me semble-t-il, parvenu à un accord sur la liste des points de la directive à améliorer. Ceux-ci ont d'ailleurs été pris en compte dans la proposition de résolution de notre commission s'agissant, d'une part, des travailleurs détachés, d'autre part, de la primauté des textes sectoriels et de l'exclusion de certains secteurs.
En revanche, je m'étonne : mon cher collègue, vous acceptez des études d'impact sectorielles et vous estimez que le principe du pays d'origine pose un problème en l'absence d'harmonisation, mais vous n'envisagez pas d'accepter le principe de pays d'origine dès lors que des études d'impact en montreraient l'intérêt et qu'il existerait un socle d'harmonisation. Il est difficile de suivre votre raisonnement, monsieur Bret.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 1, la proposition de directive prévoit explicitement que le principe du pays d'origine ne s'applique pas au champ couvert par la directive 96/71 relative au détachement des travailleurs. Cela signifie que les travailleurs détachés sont toujours soumis aux règles du pays d'accueil et qu'il convient que cet Etat puisse toujours contrôler la situation des travailleurs détachés sur son sol.
C'est pour garantir l'effectivité de ces contrôles que la commission des affaires économiques demande, dans sa proposition de résolution, l'application de la seule directive 96/71 sans prévoir l'assouplissement des contrôles prévu par la Commission européenne.
La rédaction de l'amendement de notre collègue Denis Badré rend plus explicite encore notre demande de maintien de l'obligation de déclaration de détachement du travailleur auprès de l'administration du pays d'accueil. Cet ajout est tout à fait bienvenu.
Je profite de cette occasion pour souligner l'excellent travail qu'a réalisé notre collègue Denis Badré au sein du groupe qu'il a animé. La commission émet donc un avis très favorable sur cet amendement.
L'amendement n° 2 prévoit d'indiquer dès le début du dispositif de la proposition de résolution, et non dans sa conclusion, que les services d'intérêt général non économiques sont totalement exclus du champ de la directive.
Compte tenu de l'importance que revêt à nos yeux la question des services publics, cette suggestion n'est pas dénuée d'intérêt. Là encore, l'amendement de notre collègue Denis Badré est pertinent, et la commission émet un avis favorable.
S'agissant de l'amendement n° 17 rectifié, la philosophie de la proposition de la Commission européenne est d'exclure les services non marchands du domaine d'application de la directive. Elle y parvient en excluant les services d'intérêt général, mais elle laisse subsister des doutes dans la zone grise qui existe entre les services marchands et les services non marchands.
C'est pourquoi du vingt-deuxième au vingt-huitième alinéa de la proposition de résolution il est prévu d'exclure les activités pour lesquelles ce doute subsisterait, tels les services relatifs à la santé ou à la culture. Il est tout à fait légitime qu'il en soit de même pour le logement social, domaine dans lequel nos collègues Dominique Braye et Yannick Texier sont des spécialistes. Il s'agit d'un secteur essentiellement non marchand qui pourrait être concerné par la directive, si elle restait en l'état actuel. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement n° 16 rectifié vise à préciser le vingt-huitième alinéa de la proposition de résolution. Il tend à exclure non pas toute la matière pénale, mais plus précisément les règles d'exercice professionnel sanctionnées pénalement.
Conformément aux intentions qui ont guidé la commission dans l'élaboration de son texte, cette rédaction est plus précise, car elle permet de neutraliser les différences de périmètre de ce que recouvre la matière pénale dans les différents Etats membres. En effet, sont en cause les règles pénales applicables à un prestataire qui commettrait des infractions liées à son exercice professionnelle. Cet amendement permet de préciser la rédaction proposée. C'est pourquoi la commission y est favorable. Mais peut-être faut-il laisser au président de la délégation le soin de préciser les positions.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes en présence de deux amendements complémentaires, l'un présenté par M. Hyest, l'autre par notre collègue Denis Badré, au nom de la délégation parlementaire pour l'Union européenne ; on peut imaginer les fusionner.
Je tiens à féliciter le Gouvernement d'avoir sollicité l'avis du Conseil d'Etat, et ce systématiquement. C'est nécessaire, car on a eu parfois de mauvaises surprises en s'apercevant tout à coup que certaines dispositions étaient anticonstitutionnelles. On a même dû aller jusqu'à modifier la Constitution, s'agissant du mandat d'arrêt européen, par exemple.
Le Conseil d'Etat a jugé que son avis était suffisamment important pour le publier ; ses réserves ne sont pas de nature rédactionnelle, ce ne sont pas non plus des réserves d'opportunité ; ce sont bien des réserves de fond : des problèmes de nature constitutionnelle peuvent se poser.
C'est pourquoi la délégation avait souhaité ajouter la réserve du Conseil d'Etat s'agissant du principe du pays d'origine en matière pénale et le risque qu'il puisse « porter atteinte à des principes à valeur constitutionnelle ».
A moins que M. Hyest ne tienne absolument à sa rédaction, nous pourrions fusionner les deux amendements, et tout le monde serait ainsi d'accord.
Mme la présidente. Monsieur Hyest, que pensez-vous de la suggestion de M. le président de la délégation pour l'Union européenne ?
M. Jean-Jacques Hyest. Nous disposons de l'avis du Conseil d'Etat. C'est une bonne chose, mais ce n'est pas tout. Pour l'avoir lu et relu, ainsi que l'amendement de notre collègue Denis Badré, je continu à ne pas être d'accord avec le seul rappel du risque d'« atteinte à des principes de valeur constitutionnelle ». En effet, si le principe du pays d'origine était appliqué aux règles d'exercice sanctionnées pénalement, cela ne porterait pas atteinte à « des principes à valeur constitutionnelle », mais il y aurait, de fait, des sanctions différentes pour des prestataires ayant commis des infractions identiques.
Se contenter de rappeler les réserves du Conseil d'Etat sans plus de précision et écrire que l'application du principe du pays d'origine « pourrait porter atteinte à des principes à valeur constitutionnelle », c'est rester très en deçà de ce que nous demandons. J'avais déjà fait un effort, dans ma rédaction, pour rappeler que le Conseil d'Etat avait émis des réserves, mais j'allais plus loin, pour que le tout ait un sens.
Madame la présidente, pour vous répondre, je persiste à penser qu'il nous faut prévoir explicitement que les règles d'exercice professionnel sanctionnées pénalement sont exclues de l'application du principe du pays d'origine.
Je n'ai pas d'amour propre d'auteur, mais je dois avouer que j'ai une préférence pour les textes précis. Or, sur certains points, justement, l'avis manque de précision, ce qui m'a d'ailleurs amené à déposer cet amendement.
Mme la présidente. Veuillez donc poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Je voudrais simplement rappeler qu'une partie des réserves émises par M. Badré ont été reprises dans l'amendement de M. Hyest.
Je pense donc que la proposition de M. Hyest devrait rassurer tout le monde.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Nous n'insistons pas et retirons l'amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. L'amendement n° 4 visait à demander à la Commission européenne une étude d'impact sur tout texte présentant des conséquences économiques et sociales lourdes.
Nous sommes également persuadés de la nécessité de faire précéder d'études d'impact toute application du principe du pays d'origine. Le vingt-neuvième alinéa de la proposition de résolution le démontre.
Toutefois, je me demande s'il est possible à un Etat membre d'enjoindre la Commission européenne de procéder systématiquement à des études qui porteraient sur tous les pays de l'Union et s'appliqueraient à tous les textes à venir.
Ne risque-t-on pas d'alourdir à l'excès tout le processus législatif européen ?
Du reste, il semble que le concept de « conséquences économiques et sociales lourdes » soit d'application incertaine. Peut-être faudrait-il préciser ; en tous les cas, il faut faire disparaître l'injonction.
Mme la présidente. Monsieur le président de la délégation, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Tout à fait, et je vous propose de rectifier mon amendement en supprimant l'injonction et en demandant plus simplement que « les résultats des études d'impact sur les conséquences de l'application du principe du pays d'origine aux différents secteurs d'activité soient fournis à l'Assemblée nationale et au Sénat ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Badré, au nom de la délégation pour l'Union européenne, qui est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le vingt-neuvième alinéa de la proposition de résolution :
Demande que les résultats des études d'impact sur les conséquences de l'application du principe du pays d'origine aux différents secteurs d'activité soient fournis à l'Assemblée nationale et au Sénat ;
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 4 rectifié ainsi que sur le reste des amendements ?
M. Jean Bizet, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l'amendement ° 4 rectifié.
L'amendement n° 5 vise à demander l'abandon inconditionnel du principe du pays d'origine. Comme cet amendement est devenu sans objet, nous en demandons le retrait, ainsi que de l'amendement n° 6, de coordination.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, les amendements nos 5 et 6 sont-ils maintenus ?
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. Non, je les retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 5 et 6 sont retirés.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. L'amendement n° 7 visait à demander l'adoption d'un texte sur les services d'intérêt économique général, les SIEG, avant l'adoption du texte de la directive relative à l'ensemble des services.
Comme nous l'avons dit au sujet de l'amendement n° 15 rectifié de nos collègues du groupe socialiste sur ce même alinéa, il est très important que les services d'intérêt économique général fassent l'objet d'un traitement spécifique.
Cependant, exiger que le texte sur les services publics soit adopté avant la directive sur les autres services pose un problème politique de calendrier que j'ai eu l'occasion d'évoquer.
Je rappelle à M. Badré que, dans le trente-cinquième alinéa de la proposition de résolution, on demande que soit adopté un texte européen sur les services d'intérêt économique général, texte qui est, bien sûr, nécessaire.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. A défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur le président de la délégation, l'amendement n° 7 est-il maintenu ?
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Madame la présidente, nous maintenons notre amendement, mais, dans un souci de conciliation, nous en proposons une nouvelle rédaction, pour répondre aux objections de M. le rapporteur. Nous ne mettons plus de condition d'antériorité. Ce sera à vous, madame la ministre, de veiller à ce que la Commission agisse dans le sens souhaité.
Mme la présidente. Je suis en effet saisie d'un amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Badré, au nom de la délégation pour l'Union européenne, et qui est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de la proposition de résolution :
Appelle la Commission européenne à formuler une proposition d'instrument juridique communautaire relatif aux services d'intérêt économique général.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 7 rectifié ?
M. Jean Bizet, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements restant en discussion ?
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. S'agissant de l'amendement n° 18 rectifié, je le répète, la proposition de directive est inacceptable en l'état.
Nous attendons cependant, rappelons-le, des bénéfices en termes de croissance et d'emploi d'un texte d'approfondissement du marché intérieur des services qui ne découle pas, pour cause d'insécurité juridique, de la seule jurisprudence.
C'est pourquoi nous ne sommes pas favorables au retrait pur et simple de cette proposition de directive. Certains points sont liés au libre établissement, avec toutes les garanties nécessaires de préservation des services publics. Ils vont dans le bon sens.
La proposition de la Commission fera l'objet d'un réexamen profond, à l'issue des travaux du Parlement européen. Les conclusions du Conseil européen d'hier sont déterminantes, s'agissant de la marche à suivre.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 18 rectifié.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 19.
Le Gouvernement émet, en revanche, un avis favorable sur l'amendement n° 1 : le maintien de la déclaration préalable au détachement des travailleurs est important pour le contrôle du respect de la législation par l'Etat d'accueil en matière de droit du travail.
Le Gouvernement émet également un avis favorable sur l'amendement n° 2, amendement rédactionnel.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 17 rectifié, qui précise la demande d'exclusion des services d'intérêt économique général dans le secteur spécifique du logement social : il faut préserver le système français du logement social.
De même, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 16 rectifié. Nous avons conscience des difficultés posées par l'application du principe du pays d'origine en droit pénal national. Pour que ces obstacles soient levés, il est souhaitable d'exclure explicitement l'application du principe du pays d'origine aux règles d'exercice professionnel sanctionnées pénalement.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 4 rectifié. Précisons que le Gouvernement a déjà lancé ses propres études et en communiquera bien évidemment les résultats au Parlement.
Enfin, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 7 rectifié. J'ai bien entendu, monsieur le président de la délégation, votre appel à notre vigilance. Sachez que notre détermination, celle de chacun des membres de ce gouvernement, est totale.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'amendement n° 18 rectifié.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le rapporteur, je ne partage pas du tout votre analyse, et je m'en étais expliqué lors de la discussion générale. Si l'on vous suit, il faudrait conserver une directive pour ne pas risquer une jurisprudence prétorienne de la Cour de justice des Communautés européennes.
Encore une fois, la Cour se situe non pas au niveau d'une directive mais au niveau des traités. L'essence même de la compétence de la Cour est de vérifier la conformité ou la pertinence des directives par rapport aux traités.
Par conséquent, ce n'est pas la directive qui contrôle la jurisprudence de la Cour, mais la jurisprudence de la Cour qui peut annuler des directives, partiellement ou totalement. Cela ne peut donc constituer une explication juridique.
D'autre part, j'aurais vraiment souhaité, pour que nous ayons un débat éclairé, pour que nous, les tenants du « non » au référendum, ne proférions plus de contrevérités, que Mme la ministre réponde à deux questions.
Oui ou non, madame la ministre, le Conseil a-t-il demandé le retrait du principe du pays d'origine ?
Comment définissez-vous, madame la ministre, le modèle social européen ; y aurait-il un lexique où l'on puisse en trouver la définition ?
Quant aux SIEG, je trouve quelque peu cocasse que l'on confie à la Commission la rédaction d'une directive qui protége de ces dérives, alors que la Commission est, chacun le sait, le « super bureau » de la concurrence. Cela non plus ne me rassure pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. Je précise que l'harmonisation et la convergence sont au coeur des réflexions, mais aussi au coeur du modèle social et de la construction européenne.
A partir de cette harmonisation, qui prendra du temps, à partir des études d'impact, qui permettront de contrôler chacun des secteurs, il sera possible, sereinement, d'avancer dans nos réflexions sur ces textes qui nous sont nécessaires, tout en protégeant la diversité culturelle, le service public, le droit du travail et le droit social.
Quant au texte présenté hier au Conseil européen, il est inacceptable en l'état, nous l'avons dit, parce qu'il ne respecte pas les exigences essentielles portées par le président du Conseil européen et par ceux qui se sont exprimés au sein de ce Conseil.
Une réécriture profonde est nécessaire. Comme la proposition de résolution le manifeste très clairement, il est hors de question que le principe du pays d'origine soit le principe central de ce texte, s'il ne se fonde pas lui-même sur ce socle d'harmonisation, principe même du modèle social que nous défendons.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble des conclusions modifiées du rapport rectifié de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution, je donne la parole à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mon collègue et ami Roland Ries a très bien expliqué tout à l'heure les raisons pour lesquelles nous avons décidé de ne pas prendre part au débat.
C'est une question de principe : le Sénat aurait dû pouvoir s'exprimer avant le Conseil européen, afin que le rôle du Parlement, comme il se doit, soit pleinement respecté. Or tel n'a pas été le cas, et notre Haute Assemblée n'en sort pas grandie.
Avec mon groupe, nous avions déposé des amendements qui tendaient notamment au retrait de la directive et à l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général permettant de délimiter le champ d'application de toute nouvelle directive sur les services.
L'abandon de la directive Bolkestein, sous une forme ou sous une autre - j'ai bien entendu qu'il n'était pas dans les attributions du Conseil européen de la retirer -, est en effet la seule voie possible. Cette directive comporte dans sa logique même tous les mécanismes qui transformeraient l'Europe en un gigantesque supermarché de services. Le risque d'une mise en concurrence des systèmes de protection sociale, des droits sociaux, est bien réel. On ne peut admettre que les dimensions sociale, environnementale et fiscale puissent servir de variables d'ajustement et permettre le nivellement par le bas.
La directive rompt avec la méthode d'harmonisation et de reconnaissance mutuelle des droits nationaux, méthode susceptible de limiter les pratiques de dumping fiscal et social, et, vous le comprendrez, nous le dénonçons avec force.
La philosophie même du texte est dangereuse. L'Europe ne saurait se construire sur une concurrence entre ses membres au profit du moins-disant social et fiscal. Elle a au contraire pour devoir de garantir aux populations des Etats membres un niveau élevé de solidarité sociale.
La proposition de résolution issue des travaux de la commission des affaires économiques est très en retrait par rapport à toutes ces exigences et préoccupations. Ce matin encore, la commission des affaires économiques a proposé une nouvelle version qui conditionne le retrait du principe du pays d'origine, non plus cette fois à des études d'impact, mais à l'idée d'un socle minimal d'harmonisation ! Elle a finalement opté pour l'abandon du principe du pays d'origine dès lors qu'il n'existe pas de socle d'harmonisation. Quel mince progrès !
Pendant ce temps, madame la ministre, le Conseil européen décidait d'enterrer la version libérale de ce projet de directive ! Et Jean-Claude Junker, son président, déclarait qu'il était favorable à la réalisation du marché intérieur des services, mais non au dumping social, afin de préserver le modèle social européen.
Quant à vous, chers collègues, vous êtes ce soir bien loin du compte, contrairement à vos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont exigé le retrait du principe du pays d'origine.
Ce texte est fondamentalement contraire à notre conception de l'Europe. L'Europe est un grand projet de partage des valeurs de paix et de progrès, mais aussi de solidarité entre les peuples.
Dans les jours qui viennent, nous allons entrer en campagne en vue de la ratification du traité constitutionnel. Nos concitoyens doivent bientôt se prononcer sur ce traité. Il importe donc d'éviter la confusion, même si le risque d'amalgame entre cette directive, d'inspiration libérale, et le traité constitutionnel est entretenu par certains.
Nous avons l'obligation d'informer clairement nos concitoyens des enjeux du référendum, afin d'éviter toutes les dérives pouvant jeter la confusion sur cette consultation.
Par votre position, vous accréditez finalement l'amalgame qui est fait entre le traité constitutionnel et une directive ultralibérale.
Comme l'a brillamment démontré mon collègue Roland Ries dans son intervention, cette directive est en contradiction avec les objectifs de cohésion économique et sociale visés à l'article I-3 du traité constitutionnel. Celui-ci dispose, en effet, que l'Union oeuvre pour le développement durable de l'Europe.
En l'état actuel, la directive Bolkestein pollue le débat public européen. Une réécriture ou un retrait partiel de ce texte ne suffisent donc pas. Seul l'abandon de cette directive permettra de clarifier le débat européen et de montrer que la dérive libérale n'est pas inéluctable : la mobilisation des citoyens et des acteurs politiques peut changer les perspectives politiques européennes, en créant un véritable rapport de force.
C'est peut-être le premier acte d'un nouveau rapport des citoyens à l'Europe. Nous avons été parmi les premiers, avec le parti socialiste européen et l'ensemble de la gauche européenne, à alerter l'opinion publique pour défendre le modèle social européen. En tant que socialistes et européens convaincus, nous sommes favorables à la réalisation d'un marché intérieur des services, mais pas à n'importe quelle condition. L'Europe des socialistes est une Europe de gauche, c'est-à-dire une Europe de solidarité et de progrès.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous voterons contre la proposition de résolution.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est la deuxième fois, en matière européenne, que le Sénat se prononce après l'événement. Le premier enseignement que nous pouvons en tirer est qu'il nous faut améliorer nos méthodes de travail.
M. Bernard Frimat. C'est sûrement possible !
M. Michel Mercier. Oui, à condition que chacun participe et prenne sa part des responsabilités.
Je crois fermement que, si l'on veut que nos compatriotes comprennent ce qu'est la législation européenne, il est tout à fait nécessaire que le Parlement puisse donner son avis à travers des résolutions.
Le problème qui se pose est le suivant : il faut réaliser un marché intérieur à l'Union, un marché unique, à la fois dans le domaine de la circulation des produits, de la liberté d'établissement et des prestations de services. Ce marché intérieur unique est l'une des conditions de la prospérité. C'est précisément la suppression, au XIXe, des limites qui enserraient nos communes qui a permis le développement de l'activité économique et une plus grande prospérité. Le même problème se pose à l'Union européenne : faire un marché unique où circulent les biens, les hommes et les services.
Quelles sont les conditions requises pour y parvenir ? Toutes celles et tous ceux qui ont participé à la fondation de l'Europe ont toujours affirmé qu'il fallait harmoniser les législations des Etats membres et que cela prenait du temps. Selon eux, il fallait au départ observer les règles de chaque pays et faire en sorte que ces règles soient reconnues par chacun : c'est le principe du pays d'origine.
Tout cela ne pose pas de problème tant que les différents Etats membres ont un niveau comparable de développement économique et social. En revanche, la réalisation de ce marché suscite des difficultés lorsque l'on veut élargir l'Union trop vite sans avoir pris le temps d'approfondir les questions que sa construction soulève. C'est justement le cas aujourd'hui.
La réponse que la commission nous propose d'apporter dans sa proposition de résolution est satisfaisante.
Je rappelle que, s'agissant des travailleurs, le principe est celui de l'application des règles du pays d'établissement, en vertu de la directive de 1996. Il convient de préciser que la directive « services » ne peut pas aller contre cette directive de base : lorsqu'un travailleur d'un Etat membre vient travailler dans un autre pays, ce sont les règles de ce pays qui s'appliquent pour qu'il n'y ait pas de dumping social. Or, aujourd'hui, de fortes craintes parcourent l'opinion publique au sujet de ce dumping social qui pourrait naître entre des Etats membres d'une même Union, mais dont les niveaux de développement seraient différents.
Faut-il répondre à cette inquiétude par moins d'Europe ou par plus d'Europe ? C'est la question à laquelle nous sommes tous appelés à répondre.
En écrivant très clairement dans la proposition de résolution que, en l'état, le projet de directive préparé par la Commission n'est pas acceptable et que le principe du pays d'origine, à lui seul, ne peut être appliqué, nous apportons les réponses nécessaires. M. le Président de la République les a d'ailleurs reprises d'une façon plus forte dans sa toute récente conférence de presse. Il n'a fait qu'exprimer ce que ressentent la plupart des Françaises et des Français.
Oui, cette directive, telle qu'elle a été proposée, n'est pas acceptable. Le principe du pays d'origine appliqué seul ne peut pas être retenu parce qu'il est contraire à l'idée de progrès en commun qu'implique l'Union européenne. Aujourd'hui, plus personne ne défend ce projet initial de directive ; il s'agit donc de le réécrire. Cela suppose que la directive initiale soit retirée afin qu'une nouvelle directive puisse être présentée. Cette nouvelle directive va-t-elle se présenter à nous dans les mêmes conditions juridiques, communautaires et nationales, ou sous d'autres auspices ?
Je dis très clairement à celles et ceux qui sont hostiles au projet de directive initial - nous en faisons partie - que la meilleure des garanties est de se trouver dans une situation juridique où la voix de la France pourra être plus forte. C'est tout simple ; il suffit de regarder ce qui nous est proposé avec le projet de traité instituant une Constitution pour l'Europe, qui sera soumis à notre approbation le 29 mai.
Si ce projet de Constitution est adopté, la France aura une voix plus forte puisque, avec ses alliés, c'est-à-dire les pays qui se sont clairement déclarés opposés à ce projet de directive, elle aura la moitié des voix au Conseil des ministres.
Si ceux qui se sont unis pour que l'on rejette à la fois le projet de directive et le projet de traité constitutionnel - je pense à MM. Retailleau et Bret - obtenaient gain de cause devant le peuple français, on se retrouverait dans la situation actuelle résultant du traité de Nice : la voix de la France aurait moins de portée, puisqu'elle ne pourrait compter, avec ses alliés, que sur le tiers des voix.
Toutes celles et ceux qui sont hostiles au projet tel qu'il nous a été soumis peuvent tout à fait se retrouver dans la proposition de résolution de la commission, qui a été retravaillée avec la délégation. Et, même si nous arrivons un peu après la bataille, il faut retenir moins les conditions dans lesquelles nous délibérons que les principes contenus dans cette proposition de résolution.
Mes chers collègues, lorsque le Président de la République a exprimé la position de la France, il ne peut plus y en avoir d'autre. C'est la Constitution de 1958. Je suis donc résolument derrière le Président de la République, et je considère que notre proposition de résolution vient conforter la position qu'il vient d'exprimer à Bruxelles. Mais nous serons encore plus forts si, le 29 mai, les Françaises et les Français disent « oui » à la Constitution européenne, qui permettra à la France d'avoir un poids plus fort à Bruxelles. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur quelques travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. M. Mercier a raison : ce débat vient bien tard et nous arrivons comme les carabiniers d'Offenbach ! Sans doute aurait-il été plus logique de poursuivre et achever nos travaux la semaine dernière, donc avant la réunion du Conseil européen. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Le Conseil européen a considéré hier que la proposition de directive relative aux services était inacceptable en l'état, ce qui est une bonne chose, nous sommes tous d'accord sur ce point.
En effet, si ce texte était aujourd'hui adopté par les institutions européennes, il serait contraire aux principes de subsidiarité et de cohésion sociale et susceptible de porter atteinte à la cohésion territoriale, principe qui, je le rappelle, figure dans le traité constitutionnel européen.
La proposition de directive est contraire à l'idée même de justice sociale qui doit sous-tendre la construction européenne.
Certes, une plus grande intégration de l'Union européenne suppose, à terme, que l'objectif de concurrence puisse être mis en oeuvre, mais la réalisation de cet objectif ne peut s'appuyer sur l'idée de « moins-disant social » qu'implique le principe du pays d'origine. En effet, les distorsions de législation sociale seraient telles que les pays les moins avancés en la matière ne seraient nullement incités à améliorer leur droit dans ce domaine, bien au contraire.
La construction et l'intégration européennes, à l'inverse, doivent promouvoir l'harmonisation par le haut de la protection sociale, et permettre une concurrence équitable, ce qui ne peut se faire au détriment des modèles sociaux les plus élevés.
C'est pourquoi l'ensemble du groupe du RDSE votera cette résolution. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à cette heure tardive, je serai bref d'autant que mes collègues Gérard Le Cam, lors de la discussion générale, Guy Fischer, en défendant la motion tendant à opposer la question préalable, et moi-même, lorsque j'ai présenté l'amendement n° 19, avons déjà exposé clairement notre position.
Alors que la libéralisation des services demeure plus que jamais un sujet explosif, les vingt-cinq chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Bruxelles ont exprimé mardi soir la nécessité de modifier la directive Bolkestein afin de respecter le modèle social européen.
Malheureusement, il ne s'agit là que d'une déclaration qui ne contraint en rien la Commission européenne ; elle n'a d'autre ambition que de rassurer les opinions publiques et de casser l'élan du « non » dans notre pays en vue de la campagne sur la Constitution européenne. En témoigne la réaffirmation, dans le même temps, de l'objectif de libéralisation des services.
Dès lors, que ressort-il du sommet européen de Bruxelles ?
« La directive ne sera pas retirée », a déclaré Jean-Claude Juncker, président en exercice de l'Union européenne, déclaration pour le moins explicite qui confirme les propos tenus par le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, selon lesquels « Le Parlement et le Conseil veulent continuer à travailler sur la directive services ». Et il a ajouté : « Ni le Parlement européen, ni le Conseil n'ont demandé à la Commission de retirer la directive ».
La directive Bolkestein n'est donc pas enterrée. L'examen en première lecture ne surviendra pas avant septembre 2005. Pour l'heure, la proposition est remisée au fond des tiroirs de la Commission européenne afin de ne pas effaroucher les électeurs français.
Ce que l'on appelait, mes chers collègues, le « modèle social européen » fondé sur des droits collectifs, des droits communs, la protection sociale, l'intérêt général, les services publics, le code du travail, est aujourd'hui mis en concurrence avec le modèle anglo-saxon et se trouve laminé, dans cette « économie de marché ouverte », par toujours plus de flexibilité.
Pour ces mêmes raisons, la Commission n'a pas l'intention de retirer le texte sur la libéralisation des services, approuvé, faut-il le rappeler, par les deux commissaires français de l'époque, Pascal Lamy et Michel Barnier.
Le président de la Commission européenne a été très clair : « Nous n'allons pas renoncer à notre programme économique parce qu'il y a un référendum en France », a-t-il expliqué hier. Autrement dit, je le répète, l'objectif est de laisser passer le référendum français.
Aussi le groupe communiste républicain et citoyen ne peut-il s'associer à cette résolution, même amendée, et pas simplement parce qu'elle arrive tardivement ; il votera donc contre.
Il appartient maintenant aux électrices et aux électeurs de décider ou non de changer l'orientation de la construction européenne par leur vote, le 29 mai prochain. Et je tiens à rappeler à notre collègue Michel Mercier que, dans tous les cas de figure, que ce soit le « oui » ou le « non » qui l'emporte, le traité de Rome perdurera jusqu'en 2009 !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je souhaiterais faire trois observations, étant entendu que je ne voterai pas cette proposition de résolution.
Premièrement, si nous avions voulu aller réellement dans le sens de la position française et soutenir le Président de la République, il eût fallu affirmer de façon très forte que nous souhaitions le retrait de la directive. Je pense que nous aurions ainsi rendu un grand service au Président de la République et que nous aurions contribué à asseoir la position française au Conseil européen.
Deuxièmement, nous courons désormais un nouveau risque, puisque la suite de la procédure se déroulera à partir de juillet prochain sous présidence britannique, une présidence dont on peut penser qu'elle ne sera pas la mieux à même de faire valoir la conception française tant sur les services que sur les problèmes de conciliation du marché et de la prospérité sociale.
Troisièmement, enfin, je crois vraiment que nous avons assisté ces derniers jours - la rédaction de la proposition de résolution en est un peu le reflet - à un tour de passe-passe, un peu à l'image du bonneteau, jeu qui est pourtant interdit sur la place publique (Sourires)... Imaginez que le principe du pays d'origine soit l'une des trois cartes : même si l'on ne sait plus où il se trouve aujourd'hui, il est bien là, et, malheureusement, il ressortira avant la fin de l'année !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Nous ne pouvons tout de même pas tout accepter de M. Retailleau ! Pense-t-il, à lui tout seul, pouvoir imposer ses vues au Conseil européen ? Toutes les procédures qui ont été mises en place depuis cinquante ans tomberaient-elles d'un seul coup parce que cela fait plaisir à M. Retailleau ?
Mais où est donc la démocratie dans tout cela ?
Nous venons de vivre, selon moi, quinze jours particulièrement enthousiasmants. C'est bien la première fois, en effet, que les Français sont curieux de savoir ce qu'est une directive européenne. Jamais personne n'aurait pu penser que tous nos concitoyens sauraient aujourd'hui qui est M. Bolkestein, jamais !
Par conséquent, il me semble que nous sommes en train de vivre, enfin, l'Europe des citoyens : ceux-ci peuvent prendre connaissance des textes, essayer de comprendre et s'exprimer.
Quant à ceux qui se situent dans le camp du « non », ils sont tout simplement contre l'expression de la démocratie et, ce faisant, ils font preuve d'hypocrisie !
M. Guy Fischer. Quelle caricature !
M. Philippe Nogrix. Selon eux, le marché n'existe pas ; il ne doit pas exister.
Mais dites-moi, messieurs, sur quoi est établi le développement sinon sur le marché, qu'on le regrette ou non ? Or notre fierté sera que, dans dix ans, nous aurons tout à la fois permis un certain niveau de développement à cette nouvelle Europe dont nous portons l'ambition, et préservé nos acquis sociaux.
Par conséquent, essayer de faire peur aux Français en leur disant qu'ils vont perdre leur couverture sociale, c'est véritablement, à mon sens, une hypocrisie totale !
M. Robert Bret. Mais qui dit cela ?
M. Philippe Nogrix. Pour ma part, je considère que nous vivons dans une démocratie européenne de plus en plus forte, de plus en plus citoyenne. A cet égard, nous pouvons nous féliciter de ce qui s'est passé tout au long de ces quinze derniers jours. La position du Président de la République me paraît avoir été tout à fait correcte, puisque ce dernier a attendu d'être devant ses homologues pour leur expliquer sa position, pour argumenter et pour obtenir leur accord. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport rectifié de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 155 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 122 |
Le Sénat a adopté.
En application de l'article 73 bis, alinéa 11, du règlement, la résolution que le Sénat vient d'adopter sera transmise au Gouvernement et à l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord saluer l'excellent travail que notre collègue M. Denis Badré a accompli depuis six mois. Il s'est investi sur ce sujet au sein du groupe de travail, et c'est à partir de son expertise que la commission des affaires économiques a été en mesure d'élaborer cette proposition de résolution. Je tenais d'autant plus à le rappeler qu'il s'agit d'un travail délicat sur un texte qui ne l'est pas moins.
Ensuite, je voudrais saluer l'esprit qui a présidé aux relations de travail entre la délégation du Sénat pour l'Union européenne et la commission des affaires économiques. L'exercice était difficile, non seulement parce que le texte n'était pas des plus faciles, mais aussi parce qu'il s'agissait d'une première. Cela étant, compte tenu de l'article 88-4 de la Constitution, nul doute que l'exercice se répétera. Chacun devra conserver sa spécificité, la délégation ayant un rôle incomparable à jouer en matière d'expertise et de prospective.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Et de défrichage ! (Sourires.)
M. Jean Bizet, rapporteur. De défrichage aussi, mon cher collègue !
Quant aux commissions, notamment celle des affaires économiques, à laquelle j'appartiens, qui sont saisies en règle générale sur le fond, elles apportent leur concours à toute cette architecture.
Madame la ministre, je voudrais enfin rappeler que cette proposition de résolution s'inscrit dans la stratégie de Lisbonne, dont nous attendons beaucoup. Je suis persuadé que vous-même, aux côtés du président de la République, prendrez en compte cette nouvelle dimension pour faire du marché intérieur des services une entité qui nous permettra de créer davantage de richesses et d'emplois.
Faut-il le rappeler, notre pays compte, malheureusement, 10 % de chômeurs et, depuis quelques années, l'Union européenne a décroché par rapport aux deux blocs que constituent les Etats-Unis, d'une part, et l'Asie, d'autre part. Or la stratégie de Lisbonne sera précisément pour nous l'occasion, dans les cinq années à venir, de tenter de nous rapprocher des performances des deux blocs pour atteindre un niveau de développement économique qui nous permette de créer de nombreux emplois.
La France a des atouts, dont nous doutons trop souvent. Au travers de cette directive relative aux services, et donc aux emplois, nous devons rappeler que la France est le premier pays créateur de services au sein de l'Union - nous n'avons donc pas à craindre la déclinaison, demain, de cette directive - et le quatrième pays producteur de services au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Il était important de le rappeler.
Madame la ministre, nous sommes à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne. Au cours des cinq années qui nous restent, je souhaite que nous puissions nous rattraper et compenser la première période, qui, malheureusement, n'a pas été un franc succès. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais dire à quel point j'ai apprécié la concertation avec la commission des affaires économiques, la délégation du Sénat pour l'Union européenne, leur président et leur rapporteur respectifs, ainsi que le travail qui a été fourni et la qualité du débat que nous avons eu.
Votre association au processus est importante et nécessaire, et je prends l'engagement de me faire votre porte-parole, comme je l'ai déjà fait. Vous en avez d'ailleurs la preuve dans la mesure où beaucoup de ce qui s'est dit ici a été entendu lors du Conseil européen.
Monsieur le rapporteur, la stratégie de Lisbonne, que vous évoquiez, sera révisée, notamment en ce qui concerne les modalités de la gouvernance, une importance particulière étant conférée à l'implication des Etats membres.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous serez amenés à vous exprimer, très probablement dès le second semestre de cette année 2005. La force de votre engagement et la qualité de votre travail seront bien nécessaires pour donner effectivement encore plus d'ambition à l'Europe ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Je vous remercie, madame la ministre.