compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
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PROCÈS-VERBAL
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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loi de finances rectificative pour 2005
Discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 123, 129).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de finances rectificative s'inscrit, comme vous le savez, dans la logique de la LOLF.
Tous les engagements pour 2005 sont tenus.
Voilà un an, en examinant le collectif budgétaire pour 2004, j'avais pris devant vous un certain nombre d'engagements. Je suis heureux de revenir cette année ici même pour vous dire que ces engagements sont tenus.
Notre discussion, l'année dernière, nous avait conduits à faire ensemble le diagnostic de tout ce qui marchait et de tout ce qui ne marchait pas dans notre procédure budgétaire. Nous en avons tiré les leçons. C'est pourquoi j'espère obtenir l'adhésion du président de la commission des finances, qui avait fait quelques observations fort pertinentes l'année dernière sur ces sujets.
Premier engagement, ce collectif n'est pas le match retour du projet de loi de finances. Il ne comporte pas une seule ouverture de crédits destinée à être reportée sur 2006. Nous respectons totalement de ce point de vue l'esprit de la LOLF en rendant à la loi de finances rectificative de fin d'année la fonction qui est vraiment la sienne : conclure la gestion budgétaire de l'exercice qui se termine, et non palier les insuffisances, réelles ou prétendues, de la loi de finances de l'année suivante.
Deuxième engagement, la maîtrise de la dépense est assurée. Pour la quatrième année consécutive, le plafond de l'autorisation parlementaire sera strictement tenu à l'euro près.
Troisième engagement, toutes les ouvertures de crédits, qui représentent un milliard d'euros, sont gagées. Ce sont celles que l'on constate traditionnellement en fin d'exercice pour ajuster les dotations de l'année en cours.
Il s'agit de l'abondement de 490 millions d'euros des crédits évaluatifs compte tenu des consommations effectivement constatées, de 300 millions d'euros de crédits pour l'aide personnalisée au logement, l'allocation aux adultes handicapés et l'aide médicale d'État et, enfin, de 240 millions d'euros de crédits divers, par exemple pour l'indemnisation des conséquences de la sécheresse de 2003.
Nous avons adopté une ligne de conduite claire, exigeante et vertueuse, car toutes ces ouvertures sont gagées. Mieux, elles sont plus que compensées par des annulations, de sorte que le solde net est de moins 100 millions d'euros.
Ce solde net a été conservé lorsque, à l'Assemblée nationale, nous avons proposé d'ouvrir les crédits destinés à la prime de Noël. Le Premier ministre a annoncé qu'elle serait reconduite en 2005, en faveur des RMIstes et des titulaires de l'allocation de solidarité spécifique. Cette annonce a eu lieu après le dépôt du texte ; nous avons voulu faire preuve de respect à l'égard du Parlement et de vertu budgétaire en ouvrant les crédits nécessaires lors du débat. Mais cette ouverture n'alourdit pas les charges de l'État, puisque les dépenses correspondantes ont été gagées.
Pour 2006, nous nous donnons les moyens d'aller plus loin.
Ce projet de loi de finances rectificative crée des bases saines pour améliorer encore l'exécution budgétaire de 2006. Nous sommes ainsi parvenus à crever la célèbre et horrible bulle des reports. Au début de la législature, ils atteignaient le sommet de 14,1 milliards d'euros, ils seront d'environ 5 milliards d'euros au début de 2006, soit une baisse des trois quarts. C'est un vrai progrès, que vous attendiez.
Ce collectif comporte aussi toute une série d'avancées en matière de fiscalité, en particulier au service de l'emploi.
Il y a un volet fiscal très ambitieux au service de la pérennité de nos entreprises et de l'emploi. Je sais, monsieur le rapporteur général, que vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet.
Nous vous proposons avec ce collectif une réforme de grande ampleur de la fiscalité des plus-values réalisées par les actionnaires et par les entrepreneurs individuels. L'objectif de cette réforme, qui est simple, est de proposer des mesures concrètes pour stabiliser l'actionnariat des sociétés et faciliter leur transmission. L'attente est grande sur ces questions. J'ai vraiment la conviction qu'avec ces nouvelles mesures nous sommes au rendez-vous.
Lors de ses voeux aux forces vives, le 4 janvier dernier, le Président de la République a dressé un constat, qui était aussi un appel à agir sans tarder puisque l'investissement en actions de nos entreprises est pénalisé en France par rapport à d'autres formes de placement, comme l'épargne liquide ou les produits de taux.
Cette situation a un triple handicap pour notre économie, d'abord, parce que, de ce fait, l'actionnariat, notamment l'actionnariat populaire, est insuffisamment développé, ensuite, parce que cela entraîne une certaine instabilité du capital, qui empêche la constitution de groupes d'actionnaires fidèles, investissant dans la durée, enfin, troisième « mal » bien français, parce que cela fragilise nos entreprises au moment souvent le plus critique pour leur pérennité, c'est-à-dire lors de la phase de la transmission.
Où chercher la cause de ces handicaps ? Pour une large part, chacun en convient, cela provient de la fiscalité des actions et, en particulier, de la taxation des plus-values au moment de leur cession.
Cette fiscalité, telle qu'elle est aujourd'hui conçue, ne récompense pas convenablement la fidélité de l'actionnaire et son engagement dans la durée. Nous proposons donc d'exonérer d'impôt les plus-values réalisées par tous les actionnaires, dès lors qu'ils auront détenu les actions de ces sociétés pendant au moins six ans. L'exonération devient totale à partir de huit ans de détention.
Il s'agit pour notre économie d'une réforme majeure, dont on peut attendre des bienfaits très appréciables.
Cela va, d'abord, considérablement aider à stabiliser l'actionnariat des entreprises, notamment l'actionnariat des petites entreprises.
Cela va, ensuite, consolider les entreprises en les aidant à passer sans encombre leurs premières années de vie. On donne un vrai avantage fiscal aux actionnaires qui acceptent d'accompagner l'entreprise au-delà de ses cinq premières années d'existence.
C'est bon, également, pour l'attractivité du territoire, puisque les créateurs et les développeurs d'entreprise sont incités à réaliser des plus-values en France au lieu, comme c'est trop souvent le cas, de le faire à l'étranger et de réinvestir loin de notre territoire.
Enfin, cette mesure profite aussi à l'emploi et à la pérennité des petites et moyennes entreprises en facilitant leur transmission, au moment où, dans les dix prochaines années, 700 000 d'entre elles pourraient changer de main. Le dispositif de prise en compte de la durée de détention sera d'application immédiate pour les cessions de titres réalisées par les dirigeants de petites et moyennes entreprises lors de leur départ à la retraite.
Je mesure combien votre rôle à nos côtés a été précieux pour qu'aboutisse cette mesure majeure. Permettez-moi de remercier, tout spécialement, M. Philippe Marini, qui se bat depuis fort longtemps pour que l'épargne puisse être utilement mobilisée vers l'économie productive. Je vous rappelle également le travail très utile que nous avons réalisé l'an dernier sur les cessions de plus-values d'actions pour les sociétés.
Je souhaite aussi à travers les débats qui vont s'ouvrir que chacun puisse comprendre que cette avancée s'inscrit parfaitement dans la réforme fiscale que nous vous avons proposée dans le projet de loi de finances. L'ambition, qui est identique, est de rendre notre pays plus compétitif et de créer les conditions les plus favorables à la croissance et à l'emploi.
L'autre mesure importante de ce volet fiscal, c'est la contribution de solidarité sur les billets d'avion.
En la matière, nous avons un rendez-vous majeur à honorer. Ce dont il est question aujourd'hui, c'est d'enclencher une dynamique, en adoptant un mode de financement innovant, stable et pérenne, dont on pourra s'inspirer, pour répondre aux grands périls du Sud. Soyons, une fois encore, à la hauteur de notre histoire et de notre responsabilité dans le monde.
Nous aurons tout le temps d'évoquer le dispositif, sous toutes ses coutures. Sachez seulement qu'il a été conçu avec le maximum de garanties, qu'il est simple dans sa mise en oeuvre, souple, transparent, et le plus neutre possible pour les consommateurs et l'économie du secteur aérien. Dans 70 % des cas, le prix du billet n'augmentera que d'un euro.
Nous sommes tellement convaincus du bien-fondé de cette mesure que nous avons accepté la proposition faite par le rapporteur général de l'Assemblée nationale de la soumettre à une évaluation dans deux ans. Cette clause de rendez-vous est une bonne chose, elle relève de la démarche d'évaluation qui doit irriguer tous les champs de l'action publique, et elle permettra de juger sur pièces que ce dispositif pionnier était la bonne réponse à apporter.
Enfin, ce collectif a été utilement complété par l'adoption de quelques mesures importantes lors de sa discussion à l'Assemblée nationale, au-delà du financement de la prime de Noël, que j'ai déjà évoqué.
Tout d'abord, L'État a pris ses responsabilités en reprenant 2,5 milliards de la dette du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, héritée du défunt budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA. Conformément aux préconisations du conseil de surveillance du FFIPSA et du rapport de la Cour des Comptes sur l'exécution de 2004, le Gouvernement souhaite que l'équilibre financier du FFIPSA ne soit pas tributaire des déficits hérités du BAPSA alors même que sont étudiées les pistes permettant un financement pérenne de la protection sociale des exploitants agricoles.
Ensuite, je souhaite évoquer la TVA sur les péages autoroutiers. Nous aurons sans doute l'occasion de revenir, au cours des débats, sur l'ensemble des motifs qui sous-tendent cette affaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle TVA ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il n'était pas question pour le Gouvernement de rembourser aux entreprises une taxe qui n'a jamais été acquittée, puisqu'elle n'a jamais existé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ajoute qu'une concertation s'est immédiatement engagée pour trouver les meilleurs moyens d'aider les routiers à affronter la concurrence, et ce projet de loi de finances rectificative en est l'exemple avec la mise en place d'un dégrèvement de taxe professionnelle de très grande ampleur.
Enfin, je voudrais saluer le travail constructif entamé par l'Assemblée nationale pour réformer la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. M. Hervé Novelli a proposé d'abaisser les taux de cette taxe, et la commission des finances de la Haute Assemblée, sous l'impulsion de M. Philippe Marini, propose de compléter ce dispositif. Si j'ai des réserves sur l'alourdissement des charges de tel contribuable par rapport à tel autre, je reconnais que les ajouts de la commission des finances complètent utilement le dispositif initial.
Je souhaite à nouveau remercier le président de la commission des finances, et je tiens à lui dire avec sincérité que je me suis efforcé de tenir compte de l'ensemble des observations critiques, mais profondément justes, qu'il avait formulées l'an dernier.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'espère qu'il a pu en prendre la mesure, car ce projet de loi de finances rectificative reprend assez largement les prescriptions qu'il avait formulées l'an dernier à la même époque.
Il subsiste sans doute encore des imperfections dont j'attends la dénonciation avec impatience, mais il me semble que la copie est plus conforme à ses attentes et même à l'esprit de cette nouvelle constitution budgétaire que nous sommes fiers et heureux de mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'intention est belle.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative de fin d'année arrive toujours à un moment où les troupes sont un peu défraîchies. (Sourires)
Mme Nicole Bricq. C'est presque désobligeant !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, nous avons consacré des efforts soutenus à l'examen du projet de loi de finances initial, à la commission mixte paritaire, qui s'est réunie assez longuement, à la préparation des présentes dispositions, et cela dans le respect d'un calendrier très tendu. C'est une sorte de chemin de funambule, qui présente un grand nombre de dangers, tant techniques que de méthode.
Le présent projet de loi de finances rectificative a été conçu par ses auteurs initiaux avec quarante quatre articles. Il a plus que doublé à l'Assemblée nationale - cinquante-trois articles additionnels - et, bien entendu, les idées appelant les idées, les besoins suscitant les besoins, je n'ai pas fait exception, en tant que rapporteur général, puisque j'ai suggéré à la commission des finances bon nombre d'amendements. Mais je dois reconnaître que nous n'en avons pas tout à fait terminé puisqu'un certain nombre d'articles ont été réservés jusqu'à la très prochaine réunion de notre commission.
J'observe que nos collègues ont aussi manifesté leur créativité avec deux cent quinze amendements, dont l'examen approfondi durera le temps nécessaire, selon les bonnes habitudes de la commission des finances et de la Haute assemblée.
On ne peut donc qu'être surpris des prévisions sans réalité, selon lesquelles on feignait de considérer que ce texte pourrait être traité en une seule journée.
J'émettrai maintenant trois séries de considérations très rapides, monsieur le ministre, d'ordre budgétaire d'abord, d'ordre fiscal et législatif, ensuite, et d'ordre méthodologique pour terminer.
S'agissant des aspects budgétaires, je crois qu'on ne l'a pas assez dit, monsieur le ministre, ce collectif doit inspirer, me semble-t-il, un vrai satisfecit adressé au Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non seulement l'amélioration de la conjoncture conduit à des chiffres meilleurs que ceux qui étaient anticipés, mais surtout la maîtrise de la dépense au cours de cet exercice n'a pas été un vain mot et s'est exercée, fût-ce au prix de réels sacrifices et d'un usage ferme de la capacité d'arbitrage qui doit être celle d'un Premier ministre, d'un ministre de l'économie et des finances et d'un ministre délégué au budget.
Tout d'abord, nous constatons une amélioration de la conjoncture. La croissance du produit intérieur brut de 1,75 % en 2005 se situe au-dessous de la prévision initiale de loi de finances, mais au-dessus de ce que l'on a craint pendant une grande partie de l'année.
En termes de recettes fiscales, la moins-value de 2 milliards d'euros est sensiblement inférieure au chiffre que la commission des finances pouvait redouter, notamment au milieu de la présente année.
Nous sommes très proches des évaluations faites lors de la présentation de la loi de finances initiale pour 2006. Pour être très précis, la moins-value des recettes fiscales nettes du budget général, par rapport à ce dernier point de repère, est de 360 millions d'euros.
Il faut ajouter une moins-value de recettes non fiscales de 400 millions d'euros, mais celle-ci n'est que le résultat d'un changement de périmètre en ce qui concerne la comptabilisation des produits de cession des éléments du patrimoine immobilier de l'État.
Relevons, mes chers collègues, que l'Assemblée nationale a assez sensiblement modifié, bien qu'à la marge, comme toujours, les données de l'équilibre figurant à la fin de la première partie de ce projet de loi de finances rectificative.
L'Assemblée nationale a « potentialisé » la disposition que le Gouvernement avait préparée pour ce qui est du calcul des acomptes de fin d'année de l'impôt sur les sociétés.
En raison de l'amélioration de la conjoncture, il est logique et normal que l'on demande aux très grandes entreprises, en particulier à celles qui réalisent plus de 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires, de calculer leurs acomptes de fin d'année par rapport à la réalité la plus probable de leurs comptes, c'est-à-dire par rapport à leurs propres comptes de résultats prévisionnels pour l'année 2005, au lieu de se référer aux éléments précédents de calcul, car la conjoncture, depuis lors, a sensiblement évolué.
L'Assemblée nationale est allée au terme du raisonnement que le Gouvernement tenait déjà, et cela initie une majoration de recettes d'impôt sur les sociétés de 270 millions d'euros.
En face figure cependant une majoration des prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales, concernant la régularisation de la dotation globale de fonctionnement de 2004 pour 237 millions d'euros.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont donc amélioré les conditions d'équilibre d'un peu plus de 30 millions d'euros.
J'aimerais surtout, monsieur le ministre, formuler quelques remarques sur la maîtrise des dépenses.
De ce point de vue, la situation de fin d'année 2005 tranche avantageusement sur la situation de fin d'année 2004.
Le niveau de dépenses nettes du budget général est inférieur de 3 milliards d'euros au niveau fixé en loi de finances initiale. L'an dernier, la situation était loin d'être identique.
Le Gouvernement, pour en arriver là, a dû procéder à des annulations de crédits tout à fait substantielles, notamment l'annulation de 1,5 milliard d'euros dans ce collectif, pour ce qui est des dépenses ordinaires civiles brutes. La conséquence en est un solde positif, je veux dire par là que les ouvertures de dépenses civiles brutes nouvelles représentent 1,2 milliard d'euros.
Ce collectif fait le recensement des décrets d'avance et des décrets d'annulation qui sont intervenus en cours d'année. Cela nous donne l'occasion de rappeler que le décret d'annulation du 3 novembre 2005 a réduit les dépenses nettes du budget général de 3 milliards d'euros, le chiffre analogue de l'année dernière était de 992 millions d'euros.
Monsieur le ministre, il résulte de toutes ces considérations que l'année 2005, malgré les trop importants reports de 2004 sur 2005, sera le troisième exercice consécutif à respecter le plafond de dépenses voté par le Parlement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut vous en donner acte. Du point de vue de la commission des finances, c'est nécessairement, dans l'immédiat, la première remarque tout à fait positive à formuler.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Au demeurant, lorsque nous en serons à l'arrêté des comptes, c'est-à-dire à la loi de règlement, en espérant qu'on la revalorise, nous pourrons nous demander si la norme de dépenses respectée est le zéro volume ou le zéro valeur. Je me pose sérieusement la question.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je crois que, dans les limites définies par la loi de finances, on a été plus proche du zéro valeur que du zéro volume. Cela mérite d'être souligné.
Néanmoins, les problèmes récurrents subsistent ; il y a toujours des zones d'ombre. Dans les améliorations que traduisent les diminutions de crédits figure toujours, mais sans doute pour la dernière fois, l'effet d'aubaine des bas taux d'intérêt, qui joue pour 727 millions d'euros dans un sens favorable.
Par ailleurs, notre principale inquiétude en cette époque de l'année est toujours l'inquiétude liée au surplomb de report sur l'exercice suivant.
Vous nous avez demandé lors de l'examen du projet de loi de finances, monsieur le ministre, d'approuver l'article 57 ter pour exonérer les gestionnaires de crédit de la règle du plafond de 3 % de crédits susceptibles d'être reportés. Si l'on fait la totalisation de tous les chapitres concernés, ce serait presque 17 milliards d'euros qui seraient visés. Même s'il semble que le risque de report pour l'ensemble de ces chapitres ne devrait représenter qu'un ordre de grandeur de 5 milliards d'euros, c'est tout de même substantiel.
Nous pouvons enfin nous interroger sur les sous-dotations récurrentes. Comme chaque année, la prime de Noël réapparaît dans le collectif. Mais comme cela fait de nombreuses années, monsieur le ministre, il faudrait un jour la budgéter. (Mme Bricq approuve.)
Mme Bricq peut partager cette remarque,...
Mme Nicole Bricq. Tout à fait.
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...car les gouvernements qu'elle soutenait procédaient exactement de la même façon. (Sourires.) À cet égard, il y a une grande constance : les choses étant ce qu'elles sont, personne ne pouvait douter qu'on sortirait, opportunément, ces 283 millions d'euros du collectif.
De la même façon, les opérations extérieures, les OPEX sont dotées, mais sous-dotées, on le sait, monsieur le ministre. Elles nécessitent la vigilance des commissions des finances, nous l'avons d'ailleurs prouvé, vous le savez, lors de la réunion de la toute récente commission mixte paritaire.
Je voudrais à présent, mes chers collègues, évoquer les aspects fiscaux de ce projet de loi de finances rectificative.
Ce qui est essentiel dans la législation qui nous est proposée, c'est bien entendu le nouveau régime fiscal des plus-values applicable aux transmissions d'entreprises. Il s'agit des articles 19 et 21, que l'Assemblée nationale a renforcés, à juste titre, par les articles 21 bis et 21 ter.
L'Assemblée nationale a eu le souci de la neutralité fiscale. Alors que le Gouvernement traitait opportunément de la question des entreprises constituées sous forme de sociétés, l'Assemblée nationale a décliné le même dispositif à l'égard des entreprises individuelles.
Mes chers collègues, ce dispositif va donc dans le sens de la fluidité du tissu économique et il apporte, dans ce collectif budgétaire, une vraie solution à des problèmes évoqués de manière lancinante depuis longtemps.
Avec les mesures que nous nous apprêtons à adopter, cette législature aura montré que les difficultés constatées en matière de transmission d'entreprise constituaient pour la majorité une réelle préoccupation, appelant de vraies solutions, qui interviennent dans le présent texte.
Au titre des questions diverses, enfin, bien des sujets seront traités. Je ne saurais les citer ici. Monsieur le ministre, le collectif budgétaire répond à la loi du genre.
Nous irons du droit de francisation des bateaux de plaisance au régime de taxe professionnelle des éoliennes en mer, pour ne mentionner que des sujets maritimes. Nous parlerons de certains aspects du régime fiscal de la production cinématographique, des métiers d'art...
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...et du point de savoir s'il faut élargir le crédit d'impôt recherche ou définir un crédit d'impôt spécifique.
Bref, nous allons développer toutes ces problématiques, souvent à l'aide d'amendements gouvernementaux ou « para-gouvernementaux », et avec un très grand luxe de détails. Il n'est pas simple de les examiner de manière professionnelle en aussi peu de temps.
Je conclurai donc par quelques considérations d'ordre méthodologique.
Monsieur le ministre, ce collectif est bien l'occasion, comme vous vous y étiez engagé l'année dernière, de faire le point sur la politique budgétaire du Gouvernement. C'est en quelque sorte un « pré-arrêté » des comptes, en l'attente de la loi de règlement. De ce point de vue, nous pouvons considérer que le texte joue tout son rôle.
Cependant, il n'échappe pas, par ailleurs, à la fatalité qui veut que ce soit un projet de loi « fourre-tout ». La commission des finances va donc s'efforcer de pourchasser les cavaliers budgétaires. (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous devrons être d'une grande rigueur, voire manifester une certaine brutalité,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous serons inflexibles !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et je demande à nos collègues de bien vouloir, par avance, nous en excuser. Quel que soit le bien-fondé des motivations qui les inspirent, nous ne pouvons pas céder à cette tentation des cavaliers budgétaires. Au demeurant, nous travaillons sous l'oeil vigilant du Conseil constitutionnel, à qui l'on ne saurait jamais trop recommander de bien « éplucher » les collectifs de fin d'année ! (Nouveaux sourires.)
Enfin, des éléments très intéressants du point de vue de la législation figurent dans ce texte, mais on les découvre avec frustration lorsque l'on n'a pas le temps ni la capacité technique de les examiner de manière suffisamment sérieuse. Cette situation sera également à l'origine, ne m'en veuillez pas, monsieur le ministre, d'amendements de suppression ou de réactions quelque peu brutales, qui sont simplement l'expression d'un non possumus eu égard à la situation dans laquelle nous nous trouvons en cette fin d'année.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous aurons très certainement un excellent dialogue, comme d'habitude !
Cependant, je crois vraiment que, compte tenu du grand nombre de sujets qui peuvent relever d'une approche législative ponctuelle, le dépôt au cours du premier semestre de 2006 d'un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier s'impose certainement. Tel est le souhait très technique que je voudrais formuler en cette période de voeux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le ministre, j'ai eu un doute, tout à l'heure, en vous écoutant, sur la nature du texte que nous devons examiner aujourd'hui. J'ai cru devoir changer mes lunettes, mais les derniers propos de M. le rapporteur général m'ont confirmé que nous avons sous les yeux un gigantesque « fourre-tout », un texte qui, je le déplore, reprend toutes les dispositions n'ayant pu être insérées dans la loi de finances initiale et dont nous allons débattre, nécessité oblige, dans des conditions peu satisfaisantes. Cela étant, si nous restons en aussi petit nombre, la discussion aura au moins l'avantage d'être brève !
Je regrette vivement que le collectif budgétaire soit considéré, en quelque sorte, comme une « session de rattrapage d'un budget déjà voté », pour reprendre une formule employée par MM. Lambert et Migaud dans leur rapport sur la loi organique relative aux lois de finances. Il devrait plutôt servir, en bonne orthodoxie budgétaire, à ajuster en fin d'année les crédits aux recettes prévues dans le budget initial. Même s'il est vrai que ce dernier était conforme à la LOLF, des progrès restent souhaitables.
Je commencerai l'analyse de ce collectif budgétaire en m'étonnant du montant des pertes de recettes fiscales nettes. À cet égard, si la baisse de ces recettes, à hauteur de 2 milliards d'euros, ne paraît pas très importante dans l'absolu, elle témoigne toutefois de la fragilité des produits fiscaux que l'on peut attendre d'un niveau de croissance que chacun qualifie de satisfaisant.
En effet, alors que la croissance a été plus que correcte en 2004, ce qui a permis de bonnes rentrées au titre de l'impôt sur le revenu, alors que l'ISF a rapporté 350 millions d'euros de plus que prévu et alors qu'une importante hausse des droits de mutation a été enregistrée, à concurrence de 800 millions d'euros, les recettes fiscales nettes sont néanmoins en baisse de 2 milliards d'euros. Cela montre la situation fragile de nos finances.
Cette constatation me conduit à revenir sur l'hypothèse très optimiste que vous avez retenue, monsieur le ministre, pour le taux de croissance de 2005. Vous maintenez votre prévision à 1,7 %, partant d'un acquis de 1,4 %. Je crains toutefois que vous ne preniez pas suffisamment en compte le recul de la consommation des ménages, qui a été de 0,6 % en octobre et qui sera certainement encore plus net pour novembre, à cause de la crise des banlieues, la faiblesse des investissements des entreprises et le manque de dynamisme des exportations.
Pour toutes ces raisons, il apparaît que le taux de croissance s'établira plutôt aux alentours de 1,5 % en volume, conformément aux prévisions de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, ce qui aggravera encore les pertes de recettes fiscales. Comme l'a indiqué M. le rapporteur général, nous examinerons ce point lors de la discussion du projet de loi de règlement.
Cette moins-value sur les recettes fiscales vous conduit, monsieur le ministre, à punir par des expédients les coupables que vous pouvez identifier : c'est ainsi que les entreprises, qui n'ont pas versé assez d'impôt sur les sociétés, vont voir leur régime de paiement des acomptes de ce dernier aménagé de manière à rapporter à l'État 300 millions d'euros. En outre, elles vont devoir supporter un prélèvement exceptionnel de 250 millions d'euros sur les distributions de bénéfices.
Ce même principe de gestion à court terme se retrouve en ce qui concerne les dépenses publiques et le solde budgétaire.
En effet, vous ne parvenez à tenir vos engagements que par des annulations massives de crédits, à hauteur de 3 milliards d'euros par rapport à ce que nous avions voté en loi de finances initiale. Cela étant, je ne suis pas contre le principe des annulations de crédits, si elles correspondent à des objectifs vertueux de réduction des dépenses de fonctionnement. Malheureusement, et ce constat est tout à fait objectif, les annulations nettes de crédits que vous nous proposez n'affectent les crédits de fonctionnement qu'à concurrence de 0,8 %, alors qu'elles représentent 5,3 % des crédits d'investissement.
C'est ainsi que l'on en arrive aujourd'hui à une situation où l'investissement civil ne représente plus que 16 milliards d'euros, soit 5,6 % seulement du budget de l'État. Non seulement nous continuons à charger les générations futures du poids de notre incapacité à gérer sainement les finances publiques, mais nous nous montrons désormais incapables de maintenir et de d'enrichir le patrimoine que nous allons leur transmettre.
Ce collectif budgétaire prévoit par ailleurs l'ouverture d'un milliard d'euros de crédits supplémentaires, gagés par des économies réalisées sur la gestion de la dette. Je ne reviens pas sur le montant de ces ouvertures de crédits, puisque vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, qu'elles sont strictement limitées aux besoins. En revanche, je suis inquiet de l'opportunisme dont vous faites preuve pour les financer, en profitant, à hauteur de 750 millions d'euros, de la baisse des taux d'intérêt. Comment les gagerez-vous l'an prochain si, comme le prévoient les économistes, ces même taux devaient remonter, ce que je ne souhaite pas ?
Enfin, je ne peux que m'insurger contre les éternels reports de crédits auxquels nous assistons d'un exercice budgétaire à l'autre. Certes, il faut prendre note et se féliciter d'une amélioration de l' « étanchéité » des exercices, puisque, de 14 milliards d'euros de reports de 2001 sur 2002, nous passons aujourd'hui à 5 milliards d'euros de 2005 sur 2006. Ce n'est pas encore suffisant, mais la LOLF devra être respectée à l'avenir. En effet, cette façon de procéder fausse le principe de sincérité. Le niveau du déficit des finances publiques est donc sous-évalué. Le déficit pour 2005 s'établit ainsi à 44,1 milliards d'euros dans le collectif budgétaire qui nous est soumis, alors qu'il sera, en réalité, de l'ordre de 46,8 milliards d'euros, si l'on tient compte de la consommation de 2,7 milliards d'euros de crédits reportés de 2004 sur 2005.
Venons-en maintenant aux dispositions fiscales présentées au travers de ce texte, qui soulèvent de nombreuses interrogations.
Je m'interroge, tout d'abord, sur l'attribution exceptionnelle d'une part de taxe intérieure sur les produits pétroliers aux départements, en compensation des dépenses d'allocation de RMI exécutées en 2004. Sachant que cette compensation ne sera pas reconduite l'an prochain, j'aimerais savoir, monsieur le ministre, comment feront les départements pour payer les bénéficiaires du RMI lorsque le déficit de ce dispositif aura atteint 1 milliard d'euros. On demande aux collectivités territoriales de gérer et de financer un nombre toujours plus grand de politiques à la place de l'État, qu'il s'agisse, par exemple, du RMI, de l'allocation personnalisée d'autonomie ou de la prestation compensatoire du handicap, et, dans le même temps, on ne leur transfère pas suffisamment de moyens pour ce faire. De surcroît, il arrive même parfois qu'on les critique et qu'on les accuse de mauvaise gestion.
Le groupe UDF s'oppose, ensuite, au principe de la perception d'une taxe de solidarité sur les billets d'avion, prévue à l'article 18. Si nous ne pouvons qu'adhérer tous à l'idée d'accroître l'aide au développement, notamment dans le domaine de la santé, cela ne doit pas se faire aux dépens des acteurs français du secteur aérien, entreprises ou salariés. L'instauration d'une telle taxe ne pourrait donc, à mon sens, être envisagée qu'à l'échelon communautaire.
En ce qui concerne la réforme des plus-values, mon collègue Charles de Courson avait soulevé, à l'Assemblée nationale, le problème de l'équilibre entre le placement direct en valeurs mobilières et le placement indirect via les PEA, les plans d'épargne en actions, ou l'assurance-vie.
En effet, l'UDF prône l'instauration d'un dispositif plus équilibré. Votre réflexion sur ce sujet a certainement progressé, monsieur le ministre. Nous ne soutiendrons la réforme de la fiscalité de l'épargne que dans la mesure où elle est plafonnée et équilibrée, pour éviter une exonération totale au bénéfice des plus riches, tandis que les petits épargnants, dont l'épargne est naturellement orientée vers des placements indirects, sont soumis à une taxation beaucoup moins favorable.
J'en arrive à l'article 49, qui a pour unique objet de justifier le refus de l'État de rembourser aux transporteurs routiers la TVA sur les péages indûment perçue de 1996 à 2000.
Votre position me paraît, d'une part, tenir d'un véritable passage en force, et, d'autre part, aller à l'encontre de la logique et de l'intérêt économique d'un secteur connaissant déjà d'importantes difficultés financières et soumis à des risques de délocalisation, ce qui n'est pas le cas des entreprises de restauration, qui ont pourtant les faveurs du Gouvernement.
Après le problème de la TVA due aux transporteurs routiers, je souhaite évoquer le hold-up réalisé aux dépens du FISAC, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales. Vous entendez en effet, monsieur le ministre, récupérer 600 millions d'euros en ponctionnant ce fonds d'un montant équivalent. (M. le ministre délégué s'étonne.) C'est ce qui m'est apparu à la lecture du « bleu » budgétaire, monsieur le ministre. Peut-être me suis-je trompé, mais il faudra alors que vous apportiez des précisions.
Certes, comme vous nous l'avez dit, la règle du jeu, c'est vous qui la fixez.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous allez vous expliquer ! Il n'y a pas de drame ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Jégou. Quoi qu'il en soit, permettez-moi de trouver injuste cette façon de procéder, qui malheureusement ne changera pas tant que vous n'aurez pas entrepris de vous attaquer à la réduction des dépenses. C'est certain, on peut vivre longtemps d'expédients, en changeant opportunément les règles du jeu. Je ne pense pas, toutefois, que cela honore le Gouvernement de la République.
M. Jean-Jacques Jégou. Dans le même registre, je ne peux me contenter, en tant que représentant de la commission des finances du Sénat au sein du conseil de surveillance du FFIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, du transfert de dettes de ce fonds à l'État pour un montant de 2,5 milliards d'euros. Certes, l'État assume enfin ses manquements, puisque le FFIPSA avait repris, à sa création, les 3,2 milliards d'euros de dettes du budget annexe des prestations sociales agricoles. Ce passif a toutefois continué de s'accroître, puisque, structurellement, le FFIPSA génère un déficit de 1,7 milliard d'euros. Nous en sommes aujourd'hui à 5 milliards d'euros de déficit, et l'on ne pourra continuer à gérer les prestations sociales agricoles ni trouver un véritable équilibre financier dans ces conditions.
En outre, je proteste à nouveau contre le régime de faveur dont bénéficient les agriculteurs corses. L'ensemble de mes collègues partagent certainement mon avis sur ce sujet, peut-être est-ce également votre cas, monsieur le ministre. C'est là une anomalie : au nom de quel principe un agriculteur corse pourrait-il voir ses dettes reprises par l'État, c'est-à-dire par l'ensemble des contribuables français, alors qu'un agriculteur languedocien, par exemple, serait dans l'obligation d'assumer les siennes ? Certains sont plus égaux que d'autres !
Enfin, je souhaiterais savoir si le sort de la prime de Noël sera un jour réglé définitivement dans la loi de finances. Chaque année, cette prime n'est pas prévue ; chaque année, elle est payée ! C'est certes une bonne chose, mais il s'agit tout de même de 283 millions d'euros, somme qui mériterait un traitement prévisionnel un peu plus systématique.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est une question de sincérité !
M. Jean-Jacques Jégou. Il est vrai que vous n'êtes pas le premier à procéder de cette façon, puisque vos prédécesseurs socialistes ont fait de même, mais ce n'est pas forcément une raison pour pérenniser cette aberration.
Je regrette également, même si nous l'approuvons, qu'ait été insérée dans ce collectif la réforme de la fiscalité de l'épargne, sujet de fond qui aurait mérité un débat spécifique et plus prolongé.
En conclusion, en cette période de voeux, je souhaiterais, monsieur le ministre, que le Parlement puisse retrouver les prérogatives qui doivent être les siennes pour prendre ses responsabilités et, surtout, pour accompagner les évolutions difficiles qui devront être engagées à la suite de la publication du rapport Pébereau : je crois que vous aurez grand besoin de l'aide du Parlement pour ramener les déficits à des proportions plus raisonnables, réduire l'endettement et améliorer la situation catastrophique des finances publiques que connaît aujourd'hui notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.- M. le rapporteur général applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de l'année, nous voici réunis pour l'exercice récurrent que constitue le collectif budgétaire. Ce moment, ou plus précisément l'examen du projet de loi de finances rectificative, devrait être simplement l'occasion d'ajuster l'exécution budgétaire en fonction de l'évolution de la conjoncture au cours de l'année.
Certes, ce souci existe dans le collectif budgétaire pour 2005, mais il est surtout, hélas ! comme c'est l'habitude avec votre majorité...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout le monde l'a fait !
M. Michel Sergent. .... l'occasion de régler ce qui ne l'a pas été lors de l'examen du budget de l'année suivante et, en l'occurrence, l'occasion d'en rajouter, si je puis dire, en matière de cadeaux fiscaux de Noël.
Pourtant, la conjoncture n'est pas brillante et ne devrait pas être propice aux cadeaux, surtout envers ceux qui ont déjà bénéficié des meilleures attentions de votre gouvernement !
Les résultats économiques en 2005 sont, en effet, très largement en deçà des annonces faites au départ. Nous devons, une fois encore, constater que les prévisions optimistes du Gouvernement, assénées avec certitude par M. Sarkozy il y a un an et sur lesquelles était fondée la loi de finances initiale, sont contredites par les faits.
La croissance est largement inférieure aux prévisions. Le budget pour 2005 était fondé sur une hypothèse de croissance de 2,5 % du PIB. En réalité, la croissance sur l'année devrait péniblement atteindre 1,5 % ou, au mieux, 1,6 % du PIB. Ce chiffre est très inférieur aux prévisions initiales !
Le prix du pétrole s'est envolé ! Tandis que le Gouvernement a constamment refusé de prendre en compte les effets négatifs de la hausse de la facture pétrolière pour les ménages, cette « surdité » a largement entamé la performance de croissance.
Le pouvoir d'achat est en berne ; les chiffres sont largement inférieurs aux chiffres atteints avant 2002.
La progression de la consommation est inférieure au chiffre annoncé. Au lieu de se situer à 2,4 %, elle atteindra tout juste 2 %, si elle y arrive puisqu'elle a encore baissé de 0,6 % en octobre ! Le moral des ménages est au plus bas ; l'indice, qui était de moins 30 en octobre, est passé à moins 33 en novembre, ce qui ne s'était pas produit depuis très longtemps.
Il en va de même pour les exportations qui progressent de 2,5 % au lieu de 3,7 %.
Le chômage est tout juste stabilisé, notamment en raison des nombreuses radiations de l'assurance-chômage et du traitement statistique et social du chômage. Le taux de chômage reste à 9,7 % en octobre 2005, et l'INSEE vient, il y a quelques jours, de nous apprendre que le chiffre de l'emploi n'avait connu aucune amélioration au troisième trimestre.
Mme Nicole Bricq. C'est grave !
M. Michel Sergent. Les défaillances d'entreprises continuent leur progression, reflet d'une politique artificielle de stimulation des créations d'entreprises. Sur douze mois, les défaillances constatées en septembre 2005 ont progressé de 3,3 %, pour atteindre plus de 42 000 cas.
S'agissant des recettes, l'impôt sur le revenu des personnes physiques a été rentable en 2005, mais toutes les autres recettes fiscales ont largement diminué. Il est d'ailleurs surprenant que l'impôt sur les ménages augmente, alors que toutes les autres taxes régressent ! Mais c'est, là encore, le résultat de la politique économique, financière et fiscale mise en oeuvre depuis plusieurs années : on en connaît les conséquences sociales !
La politique fiscale est toujours plus injuste. Elle consiste, d'une part, à faire bénéficier les plus aisés de baisses de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt de solidarité sur la fortune, coûteuses pour les finances de l'État, et, d'autre part, à augmenter les prélèvements injustes qui pèsent sur l'ensemble des Français, quitte à augmenter le taux des prélèvements obligatoires, pourtant si souvent décriés.
D'un côté, on baisse la rémunération du livret A ou on supprime le plan d'épargne populaire. De l'autre, on permet les exonérations liées à l'ISF, la baisse de l'impôt sur le revenu, bientôt le « bouclier fiscal » pour protéger les riches, le relèvement du plafond de l'exonération du plan d'épargne en actions, le PEA, une forte hausse du seuil de cession pour l'exonération des plus-values sur valeurs mobilières, la hausse du seuil d'exonération des droits de succession sur les entreprises individuelles, le renforcement des exonérations des plus-values immobilières, l'exonération totale des plus-values réalisées sur les actions détenues plus de huit ans, et j'en passe, le tout, sans aucune évaluation préalable !
Les recettes fiscales sont atones. La loi de finances initiale prévoyait 277 milliards d'euros de recettes fiscales nettes ; c'est une estimation optimiste, puisque ces évaluations ont été révisées à la baisse dans le projet de loi de finances pour 2006, à hauteur de 272 milliards d'euros. Finalement, ce collectif budgétaire prévoit un montant de 270 milliards d'euros, soit 7 milliards d'euros de moins que l'évaluation initiale ! Ces moins-values représentent 0,4 point de PIB, et 2,5 % des recettes fiscales. L'écart est important entre les prévisions et la réalité !
Pour ce qui est des dépenses, le collectif budgétaire annule au total plus de crédits qu'il n'en ouvre. La régulation a, du reste, été particulièrement forte en 2005 ! C'est que l'exercice budgétaire pour 2005 manque autant de sincérité que les exercices précédents : le Gouvernement persiste, depuis la loi de finances pour 2003, à inscrire des crédits budgétaires qui ont, en réalité, vocation à être annulés, parfois même dès le mois de janvier, au mépris des votes du Parlement.
Selon le Gouvernement lui-même, ce sont plus de 6 milliards d'euros de crédits, initialement prévus, qui auront été annulés pour gager les décrets d'avance.
Contrairement à l'année précédente, le solde des ouvertures nettes dans le collectif est négatif de 100 millions d'euros, compte tenu des annulations de 1,1 milliard d'euros, dont 730 millions d'euros représentent des économies constatées sur la charge de la dette ; je crains qu'il n'en aille pas de même pour les années à venir.
Les annulations de crédits ont touché particulièrement, de manière stupéfiante, la recherche, l'emploi, les interventions économiques et sociales, ainsi que les investissements. Les effets récessifs de ces annulations seront donc aussi importants que lors des années précédentes.
Les effets négatifs des annulations massives et répétées se font sentir sur le terrain, notamment dans le secteur associatif qui joue pourtant un rôle essentiel en matière de prévention et de lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement a semblé redécouvrir ce rôle après l'explosion sociale de ces dernières semaines, mais il n'est pas allé jusqu'à rétablir la totalité des crédits annulés en 2005 !
Parmi les lignes budgétaires sacrifiées sans aucune explication, ni justification, on peut relever les dispositifs d'insertion des publics en difficulté, les subventions concourant à améliorer la compétitivité des entreprises, les subventions pour la construction de logements sociaux, les aides en faveur de l'emploi outre-mer, les subventions d'intervention et d'investissement en faveur du développement social urbain, les subventions d'investissement aux transports urbains et interurbains, le programme « Gestion durable de l'agriculture », les subventions d'équipement pour la justice, le développement de la pratique sportive...
Après trois années, la régulation budgétaire, présentée au départ comme la constitution de réserves de précaution, apparaît tout simplement comme une remise en cause systématique, incohérente et dangereuse de l'action de l'État, de ses investissements et de l'action des acteurs publics, parapublics ou associatifs qui contribuent à la mise en oeuvre des politiques publiques. De plus, par ses effets récessifs, elle contribue à la dégradation de tous les indicateurs économiques et sociaux.
Et cette régulation budgétaire n'a pas empêché la dépense publique de progresser de deux points de PIB depuis 2002 !
La norme de progression de la dépense dite « zéro volume » n'est que le slogan d'une publicité que l'on pourrait qualifier de mensongère ! La seule débudgétisation des allégements de cotisations représente l'équivalent d'une progression de 0,4 % en volume. On ne peut pas dire qu'il faut investir en faveur de l'emploi et de la cohésion sociale tout en annulant des crédits à longueur d'année.
De plus, le montant des dépenses fiscales, d'environ 50 milliards d'euros, est supérieur à la charge de la dette, mais aussi au déficit public ! Autrement dit, sans ces dépenses fiscales, les comptes publics seraient équilibrés ! Or, elles représentent plus de 20 % des recettes fiscales nettes de l'État.
Enfin, pour ce qui est des allégements de cotisations sociales salariales, non conditionnés, leur efficacité est de plus en plus contestée à mesure que leur coût augmente, plus de 20 milliards d'euros en 2006.
On ne peut ainsi que constater la dégradation de nos comptes publics et, notamment, la progression, qui paraît inexorable depuis le retour de la droite au gouvernement en juin 2002, du poids de la dette publique. D'ailleurs, le projet de budget pour 2006 affiche, malgré une prévision de croissance de 2,25 %, à la fois un creusement du déficit budgétaire et un gonflement de la dette publique.
La situation des finances publiques ne semble pas, hélas ! prête de s'améliorer. Il semble bien que le déficit public pourrait atteindre 3,2 % en 2005, puis 3,5 % en 2006.
À partir de 1997, la gauche avait qualifié la France pour l'euro, respecté les critères du pacte de stabilité et corrigé les inégalités et les injustices de la politique conduite depuis 1993. Depuis juin 2002, la France n'a jamais respecté ces critères !
Le fonds de réserve pour les retraites est laissé en friche depuis 2002, alors que les recettes provenant des privatisations sont supérieures à 30 milliards d'euros pour EDF et les autoroutes !
Le Gouvernement prétend affecter ces recettes de privatisation au désendettement. Mais, depuis 2001, la dette publique a explosé, avec une progression de près de deux points de PIB par an, en moyenne, depuis quatre ans.
Où sont passées, et où vont passer les recettes de privatisation qui n'ont pas été et ne seront pas affectées au fonds de réserve pour les retraites et qui n'ont pas non plus servi, du moins jusqu'à présent, à réduire le poids de la dette publique ? Nous n'avons pas oublié que le fonds de réserve pour les retraites devait être doté de 150 milliards d'euros à l'horizon 2020, pour réduire les besoins de financement futurs liés aux retraites du secteur privé. Même les dirigeants d'entreprises s'en émeuvent !
Le déficit public est très supérieur au plafond de 3 % prévu par le pacte de stabilité, et ce, depuis trois ans, et sans perspective crédible de rétablissement à court terme.
La situation budgétaire ne s'améliore pas, notamment à cause d'une politique de baisses ciblées de certains impôts, qui privilégie quelques-uns au détriment de la croissance pour tous.
Le déficit budgétaire ressortait en effet à 45,4 milliards d'euros en exécution dans le projet de loi de règlement pour 2004 ; il était fixé à 45,2 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2005 ; le présent projet de loi de finances rectificative le fait ressortir à 44,1 milliards d'euros.
En réalité, le déficit budgétaire sera de 46,8 milliards d'euros, compte tenu de la consommation en 2005 de près de 3 milliards d'euros de crédits reportés. Le fait que ce chiffre de 46,8 milliards d'euros prévus en exécution soit presque identique à celui qui a été voté pour 2006 est la preuve que le budget pour 2006 ne prévoit aucune amélioration réelle des comptes publics, et la situation budgétaire ne connaît également aucune amélioration pour la période 2004-2006, ni en valeur absolue, ni en proportion du PIB.
La France est endettée, mais le Gouvernement réduit, je le répète, les ressources de l'État en multipliant les cadeaux fiscaux aux contribuables les plus aisés et déjà les plus choyés.
Pourtant, il est plus légitime d'accroître la dette de l'État pour investir dans une entreprise que de privatiser des autoroutes pour se désendetter à court terme, sans s'occuper du désendettement de l'État sur le moyen et le long terme !
Mais, depuis le retour de la droite au gouvernement, l'endettement a repris une progression aussi inquiétante que dynamique !
La dette publique pèse 65,8 % du PIB en 2005. Son niveau d'aujourd'hui et sa dynamique actuelle sont insupportables. Encore faudrait-il ne pas prendre des mesures qui remettent en cause nos politiques de solidarité !
Contrairement à ce que beaucoup continuent à croire, il n'y a pas de lien automatique entre le niveau de la dépense et le poids de la dette.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est très simple, il suffit d'augmenter les impôts !
M. Michel Sergent. Ainsi, depuis vingt ans, le poids de la dépense publique est resté stable dans le PIB, alors que le poids de la dette s'est accru de 40 points. De fait, la dette se creuse quand l'écart entre recettes et dépenses s'accroît. On ne peut donc pas écarter, par principe, toute action sur les recettes, au motif qu'il faudrait jouer à fond le jeu de la concurrence fiscale : baisser les recettes et, subséquemment, diminuer les dépenses de l'État.
En 1985, la dépense publique pesait 53,4 % du PIB. En 2004, ce taux était de 53,5 %. Ainsi, en vingt ans, la dépense publique n'a pas augmenté en proportion de la richesse nationale. Il est donc faux d'affirmer que c'est la progression de la dépense publique qui expliquerait celle de la dette.
Pour ce qui concerne les finances des collectivités locales, à commencer par celles des départements, elles sont, plus que jamais, comme cela a été dit, de simples variables d'ajustement des finances de l'État !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce collectif budgétaire demeure strictement, hélas ! dans la ligne qui va de l'exécution du budget de 2004 au projet de budget pour 2006. Il assure la continuité de l'insincérité, de l'inefficacité économique et de l'injustice sociale. Pour cette raison, le groupe socialiste ne votera pas ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà une matinée qui commence bien et je ne voudrais pas rompre cette ambiance très constructive et positive.
Je souhaite préciser, d'emblée, que je souscris pleinement aux appréciations favorables que M. le rapporteur général vient de formuler.
Je vous interrogerai donc simplement, monsieur le ministre, sur la sincérité de l'équilibre budgétaire.
Je sais bien que l'article 54 a été introduit par voie d'amendement, sur l'initiative du Gouvernement
Je sais aussi que cet article répond à une attente maintes fois exprimée par les gestionnaires de la protection sociale agricole.
Bien sûr, cette disposition a été prise alors même que vous aviez finalisé l'équilibre du collectif. Je me demande néanmoins si le transfert dont il est question n'aurait pas dû apparaître en dépenses budgétaires.
En effet, par cet article, l'État se substitue au fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, pour assumer une dette de 2,5 milliards d'euros, soit un montant légèrement supérieur à celui du déficit de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole pour l'année 2005. Il n'aurait pas été porté atteinte à la sincérité budgétaire, me semble-t-il, si ces 2,5 milliards d'euros avaient été inscrits en dépenses budgétaires, afin de permettre à l'État d'assumer le passif correspondant.
Je souhaiterais donc que vous nous disiez dans quelles circonstances vous avez pris cette option. Auparavant, le déficit social agricole apparaissait dans le déficit budgétaire avec le budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA. J'aimerais savoir si, de votre point de vue, ces 2,5 milliards d'euros n'auraient pas dû apparaître en supplément du déficit.
S'agissant des mesures fiscales, je souscris pleinement au dispositif d'exonération des plus-values de cession. Le rapporteur général vous a dit que nous partagions le souci manifesté par nos collègues députés, à savoir la parfaite neutralité entre la forme sociétaire et l'exercice indépendant ; nous y veillerons à l'occasion de l'examen des différents amendements.
La mesure est ample et doit répondre à l'attente du monde de l'entreprise. Elle est assez généreuse au plan budgétaire, aussi exprimerai-je le souhait qu'elle contribue pleinement à la continuité des entreprises.
Du fait du poids des impôts de plus-values, bien souvent, la cession se dénoue à un prix relativement élevé, le repreneur étant obligé de s'endetter à due concurrence. Il m'arrive de penser que cela altère l'efficacité du dispositif, et que cela peut même contribuer parfois à l'échec de la reprise de l'entreprise.
Je forme donc le voeu que les cédants puissent réviser à la baisse les prix de cession des actions ou des entreprises qu'ils détiennent pour contribuer pleinement à la pérennité de l'entreprise. Autrement dit, j'ose espérer que le prix de cession sera réduit du montant de l'exonération de cet impôt sur les plus-values : ce serait une vraie contribution à la pérennité des entreprises.
M. Philippe Nogrix. C'est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'en viens à ma dernière observation, monsieur le ministre délégué.
J'ai bien noté que cette loi de finances rectificative porterait sur l'année 2005, mais également, dans une moindre mesure, sur l'année 2006, puisqu'il est prévu, à l'article 18, une taxe de solidarité sur les billets d'avion. En effet, celle-ci sera mise en recouvrement à compter du 1er juillet 2006 et affectera par conséquent la loi de finances pour 2006.
Je dois vous avouer que, à titre tout à fait personnel, le principe de cette taxation m'inspire beaucoup de réserves.
L'aide au développement est certainement une action prioritaire. Si la crédibilité de la France est forte quand elle demande à la communauté internationale d'enclencher un processus de développement dans les pays du Sud, elle l'est encore plus lorsque la situation des finances publiques lui permet d'inscrire les crédits nécessaires dans son propre budget, dans la proportion optimale que devraient s'imposer tous les pays comparables.
M. Denis Badré. Quand elle n'est pas en déficit !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je crains que l'instauration d'une telle taxe ne soit pas une bonne nouvelle pour les aéroports périphériques français.
M. Philippe Nogrix. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je n'aurai pas l'audace de demander si cette taxe s'applique à la continuité territoriale, autrement dit si l'outre-mer sera dans l'obligation de l'acquitter.
M. Philippe Nogrix. Seul l'Élysée pourrait répondre !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'arrête là mon propos, mais je veux dire que, à titre très personnel, j'aurai quelque peine à voter le dispositif prévu à l'article 18.
Telles sont, monsieur le ministre délégué, les quelques dispositions sur lesquelles je voulais attirer votre attention. Pour le reste, le présent texte a certainement été préparé avec beaucoup de soin et je me garderai d'en faire le procès. Vous avez, je crois, appliqué les bons principes...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...et vous serez encore plus à l'aise pour présenter les lois de finances rectificatives lorsque le Gouvernement aura, comme le suggère M. le rapporteur général, déposé un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique, financier et fiscal. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Madame la présidente, mon propos sera d'autant plus bref que chaque point sera développé à l'occasion de la discussion des articles.
Je voudrais tout d'abord vous remercier, monsieur le rapporteur général, du satisfecit que vous avez bien voulu nous adresser. Vous avez souligné la bonne tenue des recettes, et je vous en sais gré, car je me souviens que vous étiez très inquiet à ce sujet il y a quelques mois.
Je suis heureux que nous nous accordions sur des prévisions au demeurant assez proches de celles que j'avais avancées pour tenter d'apaiser vos craintes.
Concernant la maîtrise des dépenses, nous appliquons la règle d'or que nous connaissons bien depuis 2002, à savoir le respect du plafond voté par le Parlement. Le collectif que nous vous présentons ne comporte que les ouvertures strictement nécessaires, celles-ci sont toutes gagées et aucun crédit ouvert ne sera reporté en 2006. Nous respectons donc les préconisations que M. Arthuis vient de rappeler.
Monsieur le président de la commission, vous avez associé dans une même critique le principe de la taxation des billets d'avion et le fait que cette décision prise en loi de finances rectificative aura des incidences sur l'année 2006, mais j'ai bien compris que c'était dans le souci de faire le lien entre les différents points.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'était une bonne transition ! (Sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cette mesure, chacun en conviendra, ne peut aucunement être assimilée à l'action d'un gouvernement qui, n'écoutant pas vos recommandations, serait tenté d'ajouter des dépenses nouvelles dans le collectif 2005 pour l'année suivante. De ce point de vue, le Gouvernement n'est pas critiquable. Pour le reste, nous aurons un beau et vaste débat au sujet des billets d'avion : j'y suis habitué, pour l'avoir déjà vécu à l'Assemblée nationale. (Sourires.)
M. Jégou a été un peu sévère,...
M. Denis Badré. Sévère, mais juste !
M. Philippe Nogrix. Vigilant !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Constant !
M. Michel Mercier. C'est parce qu'il vous aime bien, monsieur le ministre délégué ! (Sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je voudrais néanmoins souligner, monsieur Jégou, que les moins-values de recettes sont très limitées - moins de 0,6 % des recettes totales de l'État -, comme M. le rapporteur général a eu l'extrême courtoisie de le rappeler. Je ne connais pas d'entreprise, même privée, qui serait en situation de connaître ou de prévoir son chiffre d'affaires avec une telle précision.
Reconnaissez donc que, sur ce point, nous ne nous sommes guère trompés. Nous avons sans doute eu un peu de chance, mais, vous en conviendrez, monsieur le sénateur, l'avenir est aussi difficile à lire pour une entreprise que pour l'État ! (Sourires.)
Vous vous êtes étonné du montant des reports. Bien sûr, il reste trop élevé, mais il représente un progrès considérable par rapport à la situation que nous avons pu connaître voilà quelques années.
M. Jean-Jacques Jégou. C'est mieux !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Les reports de crédits s'élevaient en effet à 14 milliards d'euros en 2002, contre 5 milliards d'euros aujourd'hui ; c'est tout de même beaucoup mieux !
Vous avez évoqué d'autres points essentiels, monsieur le sénateur, en particulier la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA, et je souhaiterais que nous puissions y revenir dans le détail, à l'occasion de la discussion des articles.
Monsieur Sergent, beaucoup de choses nous séparent, et je n'attendais pas non plus de votre part un enthousiasme débordant.
M. Denis Badré. Pourquoi « non plus » ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Badré, ne sombrez pas dans la paranoïa, cela ne vous ressemblerait pas : tous les efforts que j'ai faits récemment à la tribune sont sans commune mesure avec les vôtres, et je les apprécie comme tels ! (M. Denis Badré s'exclame.) Si vous le permettez, je finis de répondre à M. Sergent. (Nouveaux sourires.)
Monsieur le sénateur, nous avons tout de même de bons résultats pour la conjoncture du troisième trimestre et de bonnes nouvelles sur le front du chômage. Nous pouvons, je crois, les uns et les autres, nous en réjouir. Quant aux finances publiques, comme nous l'avions indiqué, nous sommes sous le seuil de 3 % en 2005. Aussi, quelles que soient les critiques que vous pouvez formuler, nous pouvons au moins nous rejoindre sur les faits.
Quant à annuler des crédits, nous ne sommes pas les premiers à le faire, et nous l'assumons. Cela fait partie de la bonne gestion lorsqu'il s'agit de tenir des objectifs fixés par le Gouvernement, en cohérence avec nos engagements européens, auxquels je vous sais, comme nous, très attaché.
M. le président de la commission des finances a évoqué plusieurs points essentiels. Si vous me le permettez, monsieur Arthuis, nous y reviendrons plus longuement lors de la discussion des articles. Néanmoins, il était bon que vous nous les présentiez dès la discussion générale, afin de mieux cadrer nos débats.
Je tiens simplement à préciser dès maintenant que, conformément aux règles comptables usuelles, la reprise de dette du FFIPSA est directement portée au bilan de l'État. Nous inscrirons les crédits budgétaires pour le service de la dette dans le projet de loi de finances pour 2006, au moment de l'examen des conclusions de la CMP.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Madame la présidente, j'en suis confus, mais un séminaire gouvernemental a été convoqué ce matin, auquel je suis tenu d'assister. Aussi, à titre tout à fait exceptionnel, je vous prie d'accepter de suspendre la séance jusqu'à quinze heures. Je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, en particulier M. Foucaud, qui devait présenter la motion tendant à opposer la question préalable, de bien vouloir m'en excuser.
Mme la présidente. Monsieur le ministre délégué, la commission des finances souhaitait, me semble-t-il, exprimer le même souhait.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En effet, madame la présidente. La commission n'a pas eu l'occasion de prendre connaissance de la motion tendant à opposer la question préalable : il convient de l'instruire, conformément à nos procédures.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une question délicate !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances pourrait donc se réunir immédiatement après la suspension, si vous en êtes d'accord, madame la présidente.
Mme la présidente. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement et de la commission, nous allons donc interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)