sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Situation au Proche-Orient. - Débat sur une déclaration du Gouvernement

MM. le président, Dominique de Villepin, Premier ministre.

3. Souhaits de bienvenue à des représentants du Liban, d'Israël et de l'Autorité Palestinienne

4. Situation au Proche-Orient. - Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères.

MM. Robert Bret, François Zocchetto, Pierre Mauroy, Adrien Gouteyron, Bernard Seillier.

présidence de M. Adrien Gouteyron

Mme Dominique Voynet.

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

Mme Christiane Kammermann.

MM. Michel Charasse, le président.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères.

Message

M. le président.

Clôture du débat.

5. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

situation au proche-orient

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la situation au Proche-Orient et la participation de la France à la mise en oeuvre de la résolution 1701 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Moyen-Orient, à la mi-juillet, s'est une fois encore embrasé. Face à cette nouvelle crise au Liban, particulièrement grave et dramatique, la France et la communauté internationale ont oeuvré, avec détermination et sens des responsabilités, pour faire taire les armes et redonner l'espoir à des peuples déjà maintes fois éprouvés.

Notre pays, avec une émotion à la hauteur de ses liens d'amitié avec cette région, s'est immédiatement engagé au service de la paix.

La France, sous l'autorité de M. le Président de la République, s'est impliquée dans tous les domaines : humanitaire, politique, diplomatique, militaire et économique.

Le Sénat, vous le savez, mes chers collègues, a suivi de très près l'évolution de la situation et s'est aussitôt mobilisé pour apporter sa pierre à la solution de la crise. Les nombreux contacts que j'ai personnellement noués se sont ajoutés aux actions entreprises par nos groupes d'amitié, par notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a notamment procédé aux auditions de M. le ministre des affaires étrangères et de Mme la ministre de la défense, et par beaucoup d'entre nous, au premier rang desquels nos collègues représentant les Français établis hors de France.

Le Président de la République a souhaité qu'un débat sur une déclaration du Gouvernement ait lieu dès le début de cette session extraordinaire. Je m'en réjouis et vous remercie de votre présence, monsieur le Premier ministre, pour engager personnellement ce débat nécessaire qui, j'en suis sûr, sera riche et constructif.

J'indique maintenant au Sénat que cette séance est organisée de la manière suivante : après l'intervention de M. le Premier ministre, prendront successivement la parole M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et les orateurs des différents groupes. Mme la ministre de la défense et M. le ministre des affaires étrangères répondront ensuite aux intervenants.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, quinze ans à peine après la fin de la guerre, les bombes se sont à nouveau abattues sur le Liban, faisant des centaines de victimes civiles et ébranlant un pays qui avait réussi le miracle de la réconciliation et un spectaculaire relèvement économique. Ces images du Liban dévasté ont touché nos compatriotes.

Car les liens qui unissent la France et le Liban sont anciens et profonds, nourris par l'histoire et la culture. Depuis la proclamation de l'indépendance du Liban par le général Catroux, au nom du général de Gaulle, en 1941, et l'adoption du « pacte national » en 1943, notre pays n'a cessé de croire à la possibilité d'une nation rassemblant plusieurs confessions et faisant une place à chaque communauté. La France a payé un lourd tribut à la défense de cette idée. Comment ne pas songer à cet instant à Louis Delamare, notre ambassadeur assassiné le 4 septembre 1981, ou encore aux cinquante-huit hommes qui ont perdu la vie dans l'attentat du Drakkar, le 23 octobre 1983 ?

Avec Israël aussi, nos relations sont vivantes et étroites, fondées sur l'histoire et les liens entre les hommes. Et c'est pourquoi nous avons partagé la peur et la colère des habitants de Haïfa frappés par les tirs de roquettes du Hezbollah.

C'est au nom non seulement de ces liens, mais aussi des convictions qu'elle défend depuis plusieurs années sur la scène internationale, qu'au plus fort de la crise la France a pris ses responsabilités. Elle a oeuvré avec la communauté internationale à la recherche d'un arrêt des affrontements et d'une issue politique. Elle l'a fait dans un esprit d'unité et de cohésion nationale pour lequel je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs.

Ensemble, nous devons tirer les leçons de cette crise, à la fois pour le Liban, pour le Proche-Orient et pour l'engagement de notre pays sur la scène internationale. Car nos compatriotes attendent que la France joue tout son rôle pour défendre leurs intérêts et leur sécurité. Mais ils veulent aussi qu'elle défende sa vision d'un ordre international juste fondé sur le respect du droit et de l'identité des peuples.

Sous la conduite du Président de la République, la France a fait au Liban le choix de l'initiative et de l'action.

Sur le plan politique, d'abord, notre pays a pris toutes ses responsabilités.

Dès les premiers jours de la crise, le Président de la République a exprimé le soutien de la France au peuple libanais. Je me suis rendu, à sa demande, à Beyrouth, le 17 juillet dernier, pour manifester la solidarité de notre pays et offrir notre assistance aux autorités libanaises. Le ministre des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, le ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie, le ministre de la santé et des solidarités, Xavier Bertrand, ou, tout récemment, le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, Dominique Perben, sont également allés sur place ou dans la région à plusieurs reprises.

Nous avons aussi pris nos responsabilités pour venir en aide à la population civile, en organisant notamment l'évacuation de 11 000 Français et de 2 500 ressortissants d'autres nationalités. Je veux profiter de cette occasion pour rendre hommage aux personnels civils et militaires qui ont permis le succès de cette opération. Les autorités françaises sont également venues en aide à nos compatriotes présents dans le nord d'Israël. Philippe Douste-Blazy s'est rendu sur place pour être à leur écoute et répondre à leurs demandes.

Notre pays a joué un rôle majeur dans la recherche d'une solution politique à la crise, en maintenant constamment un dialogue étroit avec les deux parties.

Ce dialogue a été établi avec les autorités libanaises bien sûr, en particulier avec le premier ministre libanais, Fouad Siniora, dont je tiens à saluer le courage et l'engagement, lui qui a été à tout moment aux côtés de son peuple et a fait preuve d'un remarquable esprit de responsabilité pour contribuer à la paix. Je veux saluer en particulier sa décision de déployer l'armée libanaise dans le sud du pays le 7 août dernier, après presque quarante ans d'absence.

Nous avons également maintenu un dialogue constructif avec les autorités israéliennes. Je me suis entretenu avec le premier ministre, Ehoud Olmert, à la veille de mon départ pour Beyrouth, pour lui expliquer personnellement le sens de mon déplacement. Lors de mon entretien fin août avec Mme Livni, vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères, j'ai pu mesurer combien la relation entre la France et Israël demeurait solide et confiante.

Grâce à ce dialogue ainsi qu'au travail effectué avec ses partenaires européens et les pays membres du Conseil de sécurité des Nations unies, la France a joué un rôle majeur dans l'adoption à l'unanimité de la résolution 1701, le 14 août dernier. Outre l'indispensable cessation des hostilités, notre objectif a été, tout au long de ces négociations, de parvenir à un véritable cessez-le-feu et à une solution durable permettant de garantir la pleine souveraineté du Liban comme la sécurité d'Israël.

Sur le plan militaire, nous avons également assumé nos responsabilités. Face aux risques de la situation, nous avons obtenu des garanties précises, garanties quant à l'efficacité de la mission confiée à une Force intérimaire des Nations unies au Liban renforcée, sur son mandat et ses règles d'engagement, garanties aussi pour la sécurité de nos soldats. Compte tenu de ces assurances, le Président de la République a décidé le déploiement de deux bataillons au sein de la force des Nations unies. Au total, 2 000 militaires français serviront bientôt dans la FINUL renforcée.

Nous assumerons jusqu'en février 2007 le commandement de cette force, avec le général Pellegrini. Par ailleurs, 1700 hommes seront déployés au titre du dispositif aérien et naval Baliste, chargé de l'approvisionnement de la FINUL depuis le 12 juillet et qui participe, de façon temporaire, à la surveillance des côtes libanaises.

Nos forces agissent dans le cadre des Nations unies, en pleine conformité avec notre attachement au droit et à la sécurité collective. C'est également, il faut le rappeler, un engagement européen : à notre demande, les ministres des affaires étrangères des États membres de l'Union se sont réunis le 25 août en présence de Kofi Annan ; 7 300 militaires européens seront ainsi déployés sous casque bleu au Liban. La concertation avec nos partenaires européens se poursuit sur ce sujet. Le Président de la République s'en est entretenu à plusieurs reprises avec ses homologues. J'ai pour ma part évoqué ce sujet à Rome, le 1er septembre dernier, avec Romano Prodi.

Enfin, la France prend toutes ses responsabilités pour la reconstruction du Liban.

Afin de répondre aux besoins humanitaires de la population, nous avons apporté une aide de près de 20 millions d'euros en vivres, en médicaments et en équipements sanitaires. Nous avons contribué à l'effort humanitaire européen en apportant 7 millions d'euros supplémentaires. Nous mobilisons 200 militaires du génie pour rétablir les infrastructures et les voies de communication ; je pense en particulier à l'installation de quinze ponts métalliques de type Bailey. Nous sommes présents également pour lutter contre la marée noire qui affecte les côtes libanaises après le bombardement de la raffinerie de Jiyeh et qui constitue une catastrophe écologique sans précédent.

Enfin, et c'est une présence à laquelle nous sommes tous attachés, nous avons rouvert, y compris dans le sud du pays, notre important réseau scolaire. Plus de 45 000 élèves libanais pourront, cette semaine, faire leur rentrée dans ces écoles, collèges et lycées. C'est le meilleur exemple d'une francophonie synonyme de solidarité et de fraternité entre nos deux peuples.

Ce soutien doit maintenant s'ancrer dans la durée. Lors de la conférence de Stockholm, la ministre déléguée aux affaires européennes, Catherine Colonna, a annoncé une contribution française supérieure à 40 millions d'euros. La France tiendra également toute sa place lors de la conférence internationale de reconstruction proposée par le Président de la République. Nous attendons les conclusions de la mission interministérielle d'évaluation qui s'est rendue à Beyrouth la semaine dernière pour mesurer les besoins du pays.

Comme au Liban, la France se mobilise dans toute la région au service de la paix.

Le Proche-Orient est aujourd'hui le centre d'un arc de crises qui va de la Somalie à l'Afghanistan. Qu'il s'agisse du programme nucléaire iranien ou de l'Irak, qui semble s'enfoncer chaque jour davantage dans la violence, la situation devient plus dangereuse de jour en jour. Pour les peuples de la région, c'est toujours le même sentiment de frustration.

Au coeur de cet arc de crises, le conflit israélo-palestinien continue de nourrir la violence et l'inquiétude de toute la communauté internationale. En effet, malgré les efforts des hommes qui, de part et d'autre, s'engagent depuis des décennies pour que le dialogue l'emporte sur l'incompréhension, la paix semble aujourd'hui toujours aussi difficile à atteindre. La victoire du Hamas aux dernières élections législatives a ouvert une période d'incertitude, en même temps qu'elle a exprimé avec force le désespoir des Palestiniens. De l'autre côté, les Israéliens ont besoin de garanties supplémentaires pour leur sécurité.

Pour autant, aucun de ces échecs ne doit nous conduire au renoncement.

La France entend prendre toute sa part dans la recherche d'une solution politique. C'est le sens de l'appel lancé il y a deux semaines par le Président de la République en faveur d'une nouvelle réunion du Quartet. Seuls une solution politique et un règlement négocié permettront de parvenir à une paix juste et durable pour l'ensemble des peuples de la région, avec deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité. Dans ce contexte, nous avons pris connaissance avec intérêt de l'annonce de la formation d'un gouvernement d'unité nationale en Palestine, sous l'égide du président Mahmoud Abbas.

Au-delà du risque que constitue le conflit israélo-palestinien, nous devons rester vigilants face aux nouvelles menaces qui se greffent sur les lignes de fracture de la région.

En ce qui concerne d'abord le risque terroriste, nous le savons, le discours qui sous-tend le terrorisme islamiste instrumentalise les crises et le sentiment d'injustice des peuples de la région. Cinq ans après la tragédie du 11 septembre 2001, nous le voyons : où qu'il frappe, son objectif est d'aviver l'incompréhension entre les peuples et les civilisations. Pour lutter contre le terrorisme, la priorité c'est, bien sûr, une vigilance de tous les instants et la coopération internationale entre les services de renseignement, mais, pour venir à bout de ce fléau, nous devons aussi trouver des réponses à l'injustice, aux frustrations et au ressentiment.

Ne baissons pas non plus la garde devant la menace de la prolifération. Eu égard aux inquiétudes légitimes que suscite le programme nucléaire iranien, la France, avec ses partenaires européens, a pris l'initiative du dialogue avec Téhéran. Là encore, notre conviction est qu'il nous faut privilégier la voie politique. Nous devons le faire avec fermeté et d'une même voix, notamment à New York, dans le cadre des travaux du Conseil de sécurité sur un nouveau projet de résolution. Nous devons le faire également dans le cadre des discussions en cours avec Téhéran, que nous appelons à prendre toutes ses responsabilités, s'agissant notamment de la nécessaire suspension de l'enrichissement. Après l'étape constructive de la réunion qui s'est tenue en fin de semaine dernière entre Javier Solana et M. Laridjani, nous espérons pouvoir poursuivre dans cette voie.

Alors oui, agir au Liban, agir au Proche-Orient, c'est défendre la paix, la stabilité de la région et notre sécurité à tous.

C'est pourquoi la France veut rester, avec l'Europe, pleinement mobilisée dans les mois qui viennent.

Au Liban, les violences peuvent reprendre à tout moment et compromettre le processus politique. Pour éviter un nouvel embrasement, nous avons besoin de l'implication des autres pays de la région. Chacun doit prendre ses responsabilités, en particulier la Syrie, qui doit contribuer à une application pleine et entière des résolutions 1559, 1595 et 1701. L'application de cette dernière résolution implique de veiller au retrait effectif des troupes israéliennes, parallèlement au déploiement de la FINUL renforcée, à la libération des soldats israéliens enlevés, au respect de l'embargo sur les armes, au désarmement des milices et, enfin, au règlement de la question des fermes de Chebaa.

Au Proche-Orient, la paix ne parviendra à s'installer durablement que si le dialogue et l'espoir l'emportent sur le sentiment d'injustice. Dans une région profondément marquée par l'histoire et fragilisée par les guerres, la force seule ne peut être la solution. Elle risque au contraire de raviver les plaies mal cicatrisées et les rancunes millénaires : nous le voyons aujourd'hui avec le risque de guerre civile qui se renforce en Irak.

Par les liens historiques et humains qui l'unissent au monde arabe, par sa proximité géographique avec l'autre rive de la Méditerranée, la France a un rôle essentiel à jouer contre toutes les tentations de repli sur soi et de confrontation des civilisations. L'Europe a payé un lourd tribut aux affrontements identitaires. Elle sait que la violence appelle toujours la violence.

Au Proche-Orient comme sur l'ensemble de la scène internationale, nous devons donc continuer à défendre notre conviction : seule une véritable volonté politique, fondée sur la défense du droit international et le respect des identités, peut mettre fin aux crises qui déstabilisent notre planète. Cette vision, nos compatriotes attendent que nous la défendions avec détermination, parce qu'elle est profondément liée à notre histoire et à notre pacte républicain.

Pour défendre cette vision, nous avons besoin d'un outil diplomatique fort, mobile et réactif ; je l'ai rappelé il y a quelques jours à nos ambassadeurs. Mais nous avons également besoin d'un outil de défense performant, capable de se projeter sur plusieurs théâtres de crise. C'est pourquoi, conformément aux orientations définies par le Président de la République, le Gouvernement veillera au respect des engagements pris dans la loi de programmation militaire que vous avez votée.

Enfin, nous avons besoin d'une Europe capable de faire entendre sa voix sur la scène internationale. Vous le savez, c'est l'un des principes défendus depuis longtemps par la France. Aujourd'hui, l'Europe est présente en Afrique, en Afghanistan et au Liban. C'est la preuve que nous pouvons, si nous savons rassembler nos forces, peser davantage sur la scène internationale. Telle est l'ambition que la France continuera à défendre auprès de ses partenaires européens dans les mois à venir.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, une nouvelle fois, dans la crise, nous avons assumé nos responsabilités, sous la conduite du Président de la République. Nous avons su faire entendre la voix de notre pays, dans le respect de nos principes et des convictions que nous défendons partout dans le monde.

Oui, la France a assumé ses responsabilités.

Cependant, devant la fragilité de la situation au Liban et dans la région, devant la menace de nouvelles violences, rien n'est encore acquis. L'exigence d'action et d'engagement reste entière. Soyez assurés que mon gouvernement restera pleinement mobilisé au service de la paix. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

3

SOUHAITS DE BIENVENUE À des représentants du Liban, d'Israël et de l'autorité palestinienne

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, des représentants du Liban, d'Israël et de l'Autorité palestinienne, Son Excellence Mme Sylvie Fadlallah, ambassadeur de la République du Liban, Son Excellence M. David Kornbluth, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'Israël, délégué permanent auprès de l'UNESCO, Mme Hind Khoury, déléguée générale de l'Autorité palestinienne.

Au nom du Sénat tout entier, je leur souhaite une cordiale bienvenue. (M. le Premier ministre, Mme et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

4

situation au proche-orient

Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. Nous reprenons le débat sur une déclaration du Gouvernement.

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, parmi les multiples raisons qui ont conduit la France à s'engager, comme elle a su le faire, dans la crise libanaise, j'en distinguerai trois.

La première raison tenait à notre responsabilité particulière et historique à l'égard du Liban. Cette responsabilité a fait de notre pays le premier témoin de l'identité libanaise et le défenseur inlassable de son intégrité territoriale et de sa souveraineté. Cet engagement a constitué l'un des fils rouges de notre diplomatie dans la région, et nous a valu des contrecoups douloureux : comme vous, monsieur le Premier ministre, je pense en particulier à notre ambassadeur, Louis Delamare, assassiné en 1981, et aux cinquante-huit parachutistes tués dans l'attentat du Drakkar, en octobre 1983.

La deuxième raison tenait au Liban lui-même, et à ce qu'il représente. Son pacte fondateur reposait sur le pari d'une forme de convivialité interconfessionnelle qui se voulait, avant l'heure, une réponse audacieuse aux chocs des cultures et des civilisations dont certains veulent faire aujourd'hui le mode de fonctionnement du monde.

Après une guerre civile de quinze années qui a mis en pièces l'État libanais, le pays, enfin libéré de la présence militaire syrienne, entamait une reconstitution politique et économique riche d'espoirs. C'est dans ce contexte que le conflit de juillet est intervenu, rejetant le pays des années en arrière.

Une troisième raison à l'engagement de la France tenait à la nécessaire réaffirmation du rôle de l'ONU dans cette partie du monde. Depuis des années, la crédibilité de l'Organisation des Nations unies y est battue en brèche, tant les multiples résolutions qu'elle a adoptées à l'égard des conflits qui s'y succèdent sont restées lettre morte. La violence y a toujours pris le pas sur le dialogue et détruit la confiance minimale qu'il suppose.

Or la preuve est faite que rien de durable ne peut être obtenu par la force et qu'aucun « nouveau Moyen-Orient » ne peut naître d'une action militaire, quels qu'en soient les initiateurs.

C'est sur la base de ces convictions et de cette responsabilité que notre pays s'est impliqué dans les négociations qui ont conduit à l'adoption, à l'unanimité du Conseil de sécurité, de la résolution 1701, qui doit beaucoup à la persévérance et à l'efficacité de notre diplomatie.

Je tiens à saluer ici, et je crois pouvoir le faire au nom de tous, le succès que cette négociation représente pour notre action internationale, résultat d'un engagement constant et courageux du Président de la République, relayé avec efficacité et talent par votre action, monsieur le ministre des affaires étrangères, et par la vôtre, madame la ministre de la défense, pour tout ce qui concerne le déploiement de nos soldats dans la FINUL renforcée, sous votre autorité, monsieur le Premier ministre.

Cette résolution a certes été, avant tout, une réponse à l'urgence : mettre un terme aux combats et permettre l'acheminement de l'aide humanitaire. Mais, au-delà, elle peut aussi être une base utile pour un règlement plus durable des tensions entre Israël, dont le droit à la sécurité est essentiel, et le Liban, qui doit retrouver une pleine souveraineté sur son sol.

Chacun a pris sa part de responsabilités : le gouvernement libanais, en décidant de déployer son armée sur une partie de son territoire qu'elle avait dû quitter il y a quarante ans ; le Conseil de sécurité lui-même, en déployant une nouvelle FINUL, j'y reviendrai, et en évoquant explicitement, pour la première fois, les fermes de Chebaa, pour étudier une solution provisoire à la délicate question du statut de ce territoire qui alimente depuis des années les tensions entre le Liban, Israël et la Syrie ; Israël enfin, qui a su dépasser ses réticences traditionnelles en acceptant que la sécurité de sa frontière nord soit en partie garantie par la force de l'ONU.

Cette nouvelle force internationale sera renforcée dans ses moyens et ses effectifs. Dans la zone tampon entre le Litani et la Ligne bleue, sa mission sera notamment d'aider l'armée libanaise à s'assurer qu'aucun élément armé - milices ou forces israéliennes - ne soit présent.

Cela revient à dire que ce sont l'armée et le gouvernement libanais qui devront s'assurer, en particulier, du désarmement du Hezbollah, tâche hautement délicate au vu des déclarations récentes de certains de ses responsables. Même s'il devait prendre la forme de l'intégration du mouvement dans l'armée libanaise, ce désarmement prendra du temps et ne pourra résulter que du dialogue politique interlibanais. Autant de raisons pour reconnaître la fragilité du processus.

Dans un tel contexte, l'engagement de la France, à hauteur de 2 000 militaires, dans cette FINUL renforcée justifiait évidemment que la Force puisse s'appuyer sur des règles d'engagement robustes et claires, qui permettent l'efficacité de la mission, d'une part, et la protection des troupes, d'autre part. C'est ce que la France a légitimement exigé et heureusement obtenu. Puisse d'ailleurs ce précédent faire jurisprudence pour d'autres opérations avec des Casques bleus, dans cette région ou ailleurs dans le monde. De telles garanties conditionnent la crédibilité de l'ONU et de l'action multilatérale pour la paix.

Qu'il me soit permis, à cet instant, de souhaiter que, dans quelques semaines, lors de notre discussion budgétaire, et dans quelques mois, lors de la campagne électorale, on se souvienne de notre débat d'aujourd'hui. Qu'on se rappelle que nos armées, pour pouvoir assurer correctement les missions de paix qu'on leur confie, ne doivent pas se voir sans cesse contester les moyens nécessaires (Applaudissements sur les travées de l'UMP.), comme on en décèle trop souvent, ici et là, la tentation récurrente.

Le conflit que nous venons de vivre s'inscrit dans un cadre plus vaste de tensions régionales dont il n'a été qu'une des tragiques expressions.

Comme l'a rappelé le Président de la République lors de la conférence des ambassadeurs, cette crise est aussi le produit d'autres impasses : celle, bien sûr, du conflit israélo-palestinien, celle aussi de l'isolement dans lequel des pays importants de la zone, comme la Syrie et l'Iran, semblent vouloir s'installer.

Que le droit d'Israël à l'existence et à la sécurité soit encore mis en cause par certains n'est pas acceptable. Or le Hamas, bien que sorti vainqueur d'élections régulières, n'a pas encore fait explicitement le triple choix de cette reconnaissance, du rejet de la violence et de l'acceptation des acquis d'Oslo.

On ne peut que saluer la constitution d'un gouvernement palestinien d'union nationale. Monsieur le ministre, cette nouvelle donne conduira-t-elle à l'ouverture d'un dialogue avec la communauté internationale et en particulier avec l'Union européenne, dialogue dont l'absence aujourd'hui pénalise au premier chef le peuple palestinien ?

Pour l'heure, beaucoup dépend de la nécessaire levée du blocus de Gaza, mais aussi du sort qu'Israël réserve aux responsables politiques palestiniens qu'il détient encore depuis plusieurs semaines, détention que la France a légitimement condamnée, tout comme elle a critiqué l'enlèvement du soldat israélien capturé à Gaza.

Là encore, l'arrêt des violences réciproques s'impose. La reprise de la négociation et du dialogue direct constituera la voie la plus sûre, tant pour assurer la sécurité d'Israël et de sa population, qui souffre de cette situation, que pour offrir enfin un horizon au peuple palestinien.

La bonne application de la résolution 1701 nécessitera aussi la coopération de la Syrie et de l'Iran. On sait le rôle que ces deux pays ont tenu dans les récents événements et, singulièrement, leur influence sur la milice armée du Hezbollah. Ils ont aussi en commun d'être placés, pour des sujets très différents, sous une forte et légitime pression de la communauté internationale qui y joue, là encore, une part de sa crédibilité.

Il nous reste à trouver le moyen le plus adapté de s'adresser à ces deux pays dans le cadre d'un dialogue qui doit être exigeant mais qui me semble nécessaire. Ces deux États pourraient jouer un rôle décisif à l'avenir s'ils décidaient enfin d'abandonner, pour la Syrie, sa logique d'enfermement stérile, pour l'Iran, sa stratégie de dissimulation nucléaire et de rhétorique agressive ; s'ils prenaient enfin le parti de placer leur influence au service de la stabilité, c'est-à-dire, en fait, au service de leurs peuples.

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette mission sera difficile, longue et sans doute risquée. D'une certaine façon, le plus difficile commence. Si d'aventure ces risques venaient à se concrétiser, il faudrait se rappeler que notre engagement dans cette mission a été souhaité par la totalité des familles politiques représentées ici, parce qu'il est un engagement résolu de la nation pour donner une chance à la paix et que, dans ce combat-là, notre pays, malgré les difficultés, ne se dérobe jamais à ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes ;

Dans la suite du débat, la parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Liban, qui commençait à peine à se relever de la guerre civile, vient de subir les conséquences tragiques de l'agression israélienne qui trouve ses racines dans le conflit du Proche-Orient et dans l'impasse politique actuelle.

Après trente-quatre jours de bombardements continus, il faut déplorer plus d'un millier de morts civils au Liban, dont un tiers d'enfants. On dénombre 4 000 blessés et environ un million de réfugiés, soit un quart de la population libanaise. Des centaines de milliers de Libanais sont sans-abri ; 130 000 logements ont été endommagés, dont 15 000 ont été totalement détruits de même que 80 ponts et 94 routes. Les responsables du programme des Nation unies pour le développement ont évalué à au moins 15 milliards de dollars, soit 11,7 milliards d'euros, l'ensemble des pertes économiques pour le Liban.

De plus, le Liban se trouve aujourd'hui confronté à une grave crise écologique avec une marée noire qui s'étend sur 140 kilomètres de côtes, catastrophe provoquée, comme on le sait, par un raid aérien israélien, les 13 et 15 juillet, sur la centrale électrique située au sud de Beyrouth.

Face à cette spirale de la violence, force est de constater la tolérance dont a fait preuve une grande partie de la communauté internationale. Pendant les deux premières semaines de conflit, les efforts de Kofi Annan n'ont pas permis d'aboutir à une résolution de la crise. Cela soulève la question de savoir si l'Organisation des Nations unies a réellement, aujourd'hui, la capacité de prévenir et de résoudre les conflits.

Durant cette période, notre pays s'est employé activement à rapatrier nos ressortissants, comme cela a été rappelé par le Premier ministre, soit 11 000 Français évacués ainsi que 2 500 ressortissants d'autres nationalités, et à demander l'ouverture de corridors humanitaires.

C'est seulement après la ferme et digne réaction du premier ministre libanais, Fouad Siniora, et au vu de sa proposition de plan en sept points que la situation a évolué positivement en faveur de la recherche d'un règlement politique du conflit.

Pour nous, élus communistes, ce conflit a mis en lumière trois points essentiels.

Tout d'abord, les États-Unis ont apporté leur soutien à Israël. George Bush, le 2 août dernier, déclarait que « la crise actuelle est un élément d'un affrontement plus large entre les forces de la liberté et celle de la terreur au Moyen-Orient ». Fidèles à la théorie de « l'Axe du mal » et au nom de la thèse du « grand Moyen-Orient », les États-Unis ont été partie prenante dans ce conflit, aux côtés d'Israël, en ouvrant un troisième front, au Liban, dans la guerre contre le terrorisme.

Le but de cette guerre pour les États-Unis n'était certainement pas de libérer les deux soldats israéliens détenus par le Hezbollah mais bien d'infliger, par Liban interposé, une défaite politico-militaire à l'Iran et à la Syrie, qui arment le Hezbollah et s'opposent au consensus régional proaméricain.

En outre, s'il converge totalement avec la doctrine américaine, l'État israélien a aussi ses propres objectifs : « nettoyer » le Sud-Liban du Hezbollah par une opération terrestre, comme l'a déclaré Ehoud Olmert au journal Le Monde le 4 août dernier, et imposer sa domination régionale.

J'ai l'intime conviction qu'Israël a fait payer au peuple libanais l'intégration institutionnelle du Hezbollah comme force politique nationale à part entière. Je rappelle que le Hezbollah a deux portefeuilles ministériels dans le gouvernement libanais et quatorze députés.

De même, Israël continue de faire payer au peuple palestinien le choix électoral du Hamas aux dernières élections législatives, choix opéré - qu'on le veuille ou non, c'est la réalité - à l'issue d'un processus démocratique et transparent, en dépit d'un contexte difficile marqué par l'absence de toutes perspectives de paix, par une colonisation à grande vitesse, par la construction du Mur et par un étranglement économique dévastateur pour le peuple palestinien. Près de soixante-dix pour cent des Palestiniens vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté !

Dans le cadre de l'opération israélienne « Pluie d'été » - quel beau nom ! - 250 Palestiniens ont été tués depuis le mois de juin, des milliers de personnes ont été blessées, plusieurs ministres et parlementaires ont été incarcérés par Israël et les destructions, considérables, ont augmenté encore le nombre de sans-abri palestiniens.

Nous constatons donc une fois de plus qu'Israël a fait le choix de la force sur celui de la politique.

Pourtant, les conséquences de l'offensive sont loin d'être bénéfiques pour ce pays. Outre la mort d'une centaine de militaires et de quarante et un civils, Israël n'a atteint aucun de ses objectifs. Il voulait détourner le peuple libanais du Hezbollah en le rendant responsable de cette guerre et de ses conséquences ; il a obtenu l'inverse. Le Hezbollah apparaît avoir remporté une victoire politique en tenant tête à l'une des armées les plus puissantes du monde, soutenue et aidée par la première puissance mondiale. L'image d'invincibilité d'Israël en sort affaiblie et le débat qui a lieu dans ce pays sur la conduite de cette guerre est aujourd'hui très vif.

Deuxième point, ce conflit révèle et enregistre les développements et la structuration de l'islamisme politique dans le monde arabe et au Moyen-Orient comme la seule opposition réelle au projet américain de « grand Moyen-Orient ». Durant cette crise, la faiblesse de réaction des régimes arabes n'a pu que renforcer la crédibilité du Hezbollah dans les opinions publiques arabes comme étant le seul porteur non seulement d'une cause nationale libanaise mais aussi d'une cause musulmane et arabe palestinienne.

Il aura fallu attendre près d'un mois pour que les gouvernements de la Ligue arabe se décident à soutenir collectivement les sept points du plan libanais au Conseil de sécurité des Nations unies en envoyant une délégation à New York pour tenter de modifier le projet de résolution franco-américain.

Enfin, troisième point, cette crise a une nouvelle fois démontré l'incapacité de l'Union européenne à définir une position conforme aux valeurs dont elle se réclame et à son ambition déclarée d'un rôle politique autonome. Le Royaume-Uni et l'Allemagne ont adopté une ligne de convergence étroite avec les États-Unis, malgré les oppositions et les réactions internes dans ces deux pays, tandis que l'Italie et l'Espagne ont adopté des politiques plus indépendantes en demandant clairement, comme la France, un cessez-le-feu.

La présidence finlandaise qui souhaitait que l'Union européenne soit « capable d'agir dans le consensus » avait dû renoncer à appeler à « un cessez-le-feu immédiat », préconisant une « cessation immédiate des hostilités ». L'Union européenne a échoué à parler d'une seule voix. Elle a ainsi élaboré des compromis a minima, faisant pire que de renvoyer dos à dos palestiniens et libanais d'une part, et israéliens d'autre part. Je pense notamment aux déclarations des 3 juillet et 18 juillet à l'issue de deux réunions du Conseil de l'Union européenne des ministres concernés.

L'Union européenne a ensuite fait un peu évoluer sa position sous la pression des événements et du fait de la politique française, mais sans aller jusqu'à réclamer le retrait des troupes israéliennes ni condamner l'agression israélienne.

Finalement, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté, le 11 août, à l'unanimité la résolution 1701. Malheureusement, nous regrettons qu'elle exige non pas un cessez-le-feu mais une simple cessation totale des hostilités offensives. Israël pourra donc se sentir autorisé à pratiquer des opérations qu'il jugera comme défensives. Il y en a déjà eu. Nous regrettons également que la question du retour au Liban de la zone des fermes de Chebaa soit remise à plus tard et que le texte ne dise que peu de mots sur le dossier israélo-palestinien.

Cependant, au-delà des insuffisances manifestes et préoccupantes que je viens de souligner, cette résolution doit être maintenant pleinement appliquée.

Le processus engagé est fragile, comme le montre actuellement la dégradation du climat politique entre la majorité et l'opposition libanaises. Toute la stabilité de la région étant en jeu, il est crucial que la cessation des hostilités soit définitive. Je pense, madame la ministre, à la sécurité de nos soldats qui servent aujourd'hui dans le cadre de la FINUL Au-delà des garanties obtenues pour la FINUL, la réponse est, on le voit, là aussi politique.

Dans ce contexte, nous aurions aimé que le texte précise explicitement que l'application de la résolution 1559 concernant le désarmement du Hezbollah devra s'effectuer dans le cadre d'un accord politique interlibanais. Nous sommes en effet persuadés que seule une entente entre les forces politiques libanaises permettra de trouver une solution ; elles étaient sur le point d'aboutir avant ce conflit.

L'enseignement que l'on peut tirer de ce conflit - vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre - est qu'il ne sert à rien de recourir à la force pour résoudre les problèmes, comme on le constate dans d'autres pays. Ainsi les interventions américaines en Afghanistan et en Irak n'ont-elles abouti qu'à la création de foyers de guerre et de terrorisme.

La mise en oeuvre d'un nouveau processus de règlement politique pour toute la région est donc urgente, sur le fondement du droit international et des résolutions des Nations unies - nous sommes d'accord -, garantissant notamment la création d'un État palestinien dans les frontières de 1967, une pleine souveraineté du Liban, et un État de droit démocratique où les pouvoirs publics sont les seuls à disposer de la force armée.

Il y va aussi de l'intérêt d'Israël, pour sa propre sécurité et pour répondre à l'aspiration de son peuple à vivre en paix avec ses voisins. « L'avenir ne peut être que commun », comme l'a rappelé Théo Klein. « Ce n'est pas dans l'affrontement mais dans la coopération que se situe l'avenir des deux peuples ».

Mais une paix juste et durable au Proche-Orient ne se divise pas, même si chaque dossier a sa spécificité. Il est nécessaire de faire baisser les tensions, par la voie de solutions politiques.

Ainsi les Européens devraient-ils réagir fermement et appliquer la résolution adoptée par le Parlement européen en avril 2002 demandant la suspension de l'accord entre l'Union européenne et Israël afin d'amener les dirigeants israéliens à respecter le droit international. En effet, 88 résolutions ne sont pas appliquées par Israël !

Dans l'immédiat, les Européens doivent agir pour le rétablissement de tous les financements internationaux de l'Autorité palestinienne et pour ouvrir avec détermination une véritable perspective.

L'accord annoncé par le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, pour la formation d'un gouvernement d'unité nationale comprenant des ministres du Hamas et du Fatah, ainsi que des personnalités indépendantes, ouvre la voie, nous semble-t-il, au rétablissement de l'aide financière internationale.

Il faut également que l'Europe, comme le rappelait le philosophe Etienne Balibar dans Le Monde du 18 août dernier, se situe délibérément dans la perspective de la construction d'un espace méditerranéen de coopération et de négociation. Il est nécessaire et urgent de tirer tous les enseignements du partenariat euroméditerranéen. Onze ans après, il se limite pour l'essentiel à une zone de libre-échange, au détriment de la rive sud de la Méditerranée.

La France, vous avez raison, monsieur le Premier ministre, est attendue sur la question de la Palestine et, plus globalement, dans la réponse aux problèmes qui se posent dans cette région. Elle a un rôle particulier à jouer pour que la politique reprenne le dessus sur la force.

Par ailleurs, la confrontation internationale sur le nucléaire iranien doit faire l'objet d'un véritable mode de règlement qui s'inscrive dans la durée. Washington prétend empêcher l'Iran d'accéder à la maîtrise du nucléaire militaire au nom du respect du traité de non-prolifération nucléaire. Or on ne peut accepter la pratique américaine du « deux poids, deux mesures » consistant, sur cette question, à menacer l'Iran, à encourager l'Inde, à laisser faire le Pakistan, à temporiser sur la Corée du Nord et à soutenir Israël, pays le plus nucléarisé du Moyen-Orient.

Nous considérons que le Moyen-Orient, le monde entier, même, a besoin d'un processus de désarmement, notamment nucléaire, multilatéral et contrôlé. Un tel processus relève de la responsabilité collective. Tous les pays, quel que soit leur statut ou leur puissance, doivent y contribuer, en particulier les pays membres du Conseil de sécurité des Nations unies.

Aussi nous félicitons-nous des négociations intervenues à Vienne les 9 et 10 septembre derniers entre l'Iranien Ali Laridjani et le haut représentant de l'Union européenne pour la politique extérieure, Javier Solana. Les deux parties ont qualifié ces discussions de positives et de constructives. Ils ont également fait état de progrès. Pourvu que cela continue dans ce sens !

Enfin, nous soutenons l'idée de la convocation d'une conférence internationale. La France et ses partenaires européens doivent prendre des initiatives pour soutenir ce projet et pour que soient rappelées les conditions d'un règlement politique juste, qui passe par l'application des résolutions - de toutes les résolutions - des Nations unies. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 12 juillet 2006, soit quinze ans après la fin d'une guerre qui avait failli réduire à néant le Liban et fait près de 150 000 victimes, en grande majorité civiles, Israël lançait subitement une action militaire de grande ampleur sur le Liban.

Cette action avait pour but de détruire le Hezbollah, l'organisation islamiste dont l'attitude avait conduit à l'explosion du conflit.

Aux termes d'une intervention militaire musclée, la résolution 1701, dans la rédaction de laquelle la France a joué un rôle important, a été adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU. Celle-ci demandait un cessez-le-feu immédiat, le respect de la souveraineté du Liban et le respect des résolutions antérieures. Je pense notamment à la résolution 1559, qui comportait deux parties, prévoyant, d'une part, le retrait des forces étrangères du Liban  - on pense à la Syrie, cela a été réalisé - et, d'autre part, le démantèlement des forces armées non gouvernementales, notamment le Hezbollah, armé et soutenu financièrement par l'Iran et la Syrie. Vous le savez, cette deuxième partie du dispositif n'a jamais été appliquée.

Au-delà du dénouement consacré par la résolution onusienne, la communauté internationale, dont nombre de Français, s'est émue et a parfois été révoltée par les conséquences désastreuses de cette guerre, qui a laissé exsangue une partie du territoire du Liban, pour un résultat malheureusement fort contesté, le Hezbollah en étant sorti renforcé et légitimé aux yeux de certains.

La position de la France, il faut l'avouer, n'était pas simple, car notre pays est lié de façon extrêmement forte, et pour des raisons différentes, bien entendu, à chacun des protagonistes.

Nous avons en effet une responsabilité forte envers nos amis libanais, en particulier du fait des actions que, dans le passé, nous avons assumées dans la région. Nous avons également une dette imprescriptible envers Israël et son peuple. Enfin, nous avons aussi - faut-il le rappeler ? - un devoir envers le peuple palestinien, qui devrait enfin pouvoir retrouver sa souveraineté dans un État lui-même libre et souverain, pour le développement humain de sa population, qui se trouve aujourd'hui dans une situation de très grande précarité, soit sur le territoire de l'Autorité palestinienne, soit dans d'autres pays, comme le Liban ou la Jordanie, pour ne citer qu'eux.

Chacun ici le sait, l'apaisement durable de la situation au Proche-Orient ne se fera pas sans un règlement de la question palestinienne, qui est aujourd'hui au coeur de tous les maux de cette région. Cette question est en effet le catalyseur de toute la haine des fanatiques contre Israël. Elle est aussi l'expression même du conflit israélo-arabe, qui a fait depuis bien trop longtemps du Liban sa caisse de résonance, au prix de milliers de vies humaines innocentes.

Historiquement, la France s'est battue pour que le Liban soit un État indépendant, surmontant ainsi deux difficultés de taille : la « grande Syrie », d'un côté, l'éclatement communautaire, de l'autre. Tout au long du XXe siècle, et encore aujourd'hui, la France a cherché à garantir l'indépendance de ce pays, la paix sur le sol libanais, ainsi que la cohésion d'une société multiculturelle et multiconfessionnelle. Elle l'a lourdement payé, vous l'avez rappelé, monsieur le Premier ministre, avec, en 1981, l'assassinat de Louis Delamare, notre ambassadeur, et l'attentat qui, en 1983, devait coûter la vie à 58 parachutistes français.

Nous ne pouvons que saluer le rôle positif que le Président de la République a joué dans l'arrêt des hostilités et dans la négociation de la résolution à l'ONU, tout comme nous pouvons saluer l'engagement important de la France au sein de la FINUL.

Mais je n'aurais garde d'oublier toutes ces Françaises et tous ces Français, les bénévoles et les personnels des deux ministères des affaires étrangères et de la défense, qui ont participé à l'évacuation de ressortissants français et étrangers ainsi qu'à l'acheminement de l'aide humanitaire, et ce malgré l'hostilité manifeste du Hezbollah et, parfois - il faut le dire -, de l'armée israélienne. Ces personnes ont en effet mis leur vie en danger.

Dans ce contexte, je ferai trois brèves remarques.

Tout d'abord, nous n'avons pu que constater avec regret, une fois de plus, l'absence de l'Europe dans la résolution du conflit. Même si, historiquement, tous les pays européens n'ont pas la même responsabilité dans cette zone, nous sommes tous concernés par la paix dans une région dont un embrassement général compromettrait de façon extrêmement dangereuse une paix durable dans le monde.

Cette absence de coordination européenne s'est vue au niveau diplomatique. Si l'Europe avait parlé d'une seule voix, n'en déplaise à M. Tony Blair, un cessez-le-feu serait peut-être intervenu plus tôt. Nous aurions alors pu intervenir plus efficacement au secours des populations déplacées.

Au niveau militaire, l'absence de coordination européenne a conduit à la confusion que nous avons connue à l'occasion de la constitution de la FINUL renforcée et de l'engagement des troupes de plusieurs pays européens au sein de cette force. Ne serait-il pas plus efficace, pour régler ce genre de conflit, de créer une force européenne à vocation d'abord humanitaire, mais aussi militaire, qui interviendrait notamment dans le cadre de missions d'interposition ? Nous devons, plus que jamais, y travailler, et de façon urgente.

Ensuite, monsieur le Premier ministre, au moment de la constitution de la FINUL renforcée, le Président de la République avait marqué ses réserves quant à l'engagement de la France, tant le mandat confié à cette force était peu lisible. Les garanties offertes à nos soldats n'étaient en effet pas suffisantes. Je rappelle que la FINUL doit assurer la sécurisation et la pacification au Sud-Liban et fournir une assistance à l'armée régulière du Liban, qui est chargée en premier lieu du désarmement du Hezbollah.

Cette mission de stabilisation est essentielle, mais les risques pour nos soldats sont importants. Nous avons donc le devoir, nous, parlementaires, de leur assurer des moyens de défense suffisants, je dirai des moyens tout courts, conformément à ce que ne manquera pas de nous proposer le Gouvernement.

Les priorités sont bien sûr de garantir le contrôle sur le Sud-Liban, mais aussi la sécurité d'Israël. Pour cela, il faut rétablir la souveraineté de l'État libanais. Il faut renforcer l'armée libanaise, qui, pendant de trop nombreuses années, a laissé le champ libre à la milice du Hezbollah, alors que celle-ci doit être désarmée sans conditions.

De la même façon, nous devons, comme nous nous y sommes engagés à l'occasion de la conférence de Stockholm, le 31 août dernier, aider à la reconstruction du Liban. Nous ne saurions passer sous silence le fait que les frappes israéliennes ont anéanti ce que quinze ans de paix fragile avaient permis de reconstruire : le tissu économique, les infrastructures, notamment les raffineries, dont l'explosion constitue un drame écologique majeur pour la région, tout comme la marée noire qu'elle a provoquée. Plus généralement, nous devons aider les Libanais, notamment la diaspora, à retrouver confiance dans leur pays.

Enfin, ma dernière remarque portera sur l'Iran, singulièrement la gestion du dossier par le Gouvernement dans la région. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, là est sans doute la source sinon de notre désaccord, du moins de nos interrogations.

Quel ne fut pas en effet notre étonnement de voir M. le ministre des affaires étrangères assis à la table des discussions avec le président iranien, considéré à l'occasion comme un acteur de la stabilité et de la paix dans le monde !

Le régime iranien est dangereux pour Israël, dangereux pour la paix dans la région, dangereux pour la paix dans le monde. Le discours du président iranien, fondamentaliste et anti-israélien, est intolérable, car il nourrit et galvanise les terroristes chiites, et même ceux d'autres confessions.

Concernant le dossier du nucléaire, nous pensons que, bien que la voie diplomatique doive être privilégiée, nous ne pouvons pas laisser l'Iran se doter de la technologie nucléaire à des fins militaires. En effet, nous avons aujourd'hui, nous, les pays qui intervenons dans cette crise du Proche-Orient, une immense responsabilité devant l'humanité entière.

Or, depuis l'intervention américaine en Irak, le constat, qui était évident pour nous, comme vous l'aviez si brillamment exposé, monsieur le Premier ministre, il y a quelque temps, est aujourd'hui partagé par la communauté internationale.

Le terrorisme ne peut pas être combattu efficacement par la seule guerre. La guerre en Irak a laissé à l'Iran la voie libre pour imposer sa domination sur la région. L'Irak est devenu le théâtre quotidien d'attentats sanglants, constituant un terreau fertile supplémentaire pour le terrorisme et une mise en scène permanente de la haine des fondamentalistes musulmans contre l'Occident. Je reprendrai volontiers à mon compte votre propos, monsieur le Premier ministre : la violence nourrit la violence.

Encore une fois, la guerre n'est pas notre seule arme contre le terrorisme, elle doit rester un ultime recours. N'oublions pas que l'aide au développement - plus modeste, plus silencieuse, plus linéaire, sans doute - est un facteur essentiel dans ce combat, en particulier afin d'assurer la sécurité de populations qui sont, en fait, prises en otages par des régimes criminels ou par des groupes de fanatiques armés.

Dans ce contexte, en tant que représentants de la France, nous avons le devoir d'agir pour la paix et la stabilité au Moyen-Orient, et donc pour la paix et la stabilité dans le monde, dans le respect de la souveraineté et de l'identité de chacun. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Mauroy.

M. Pierre Mauroy. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, l'été a été dominé par la crise au Liban, pays avec lequel la France entretient une relation étroite, on peut même dire historique. Notre armée y a été présente à plusieurs reprises et, au nom du groupe socialiste, je veux rendre un vif hommage à nos militaires engagés dans des missions de solidarité et de paix en bien des endroits du monde, particulièrement au Liban.

Vous me permettrez de rappeler la sinistre journée du 23 octobre 1983 : des attentats suicides causent la mort de 241 marines américains et de 58 militaires français. Je garde de mes fonctions de Premier ministre le souvenir ému des cercueils alignés dans la cour des Invalides alors que nous étions réunis pour partager, avec le Président de la République François Mitterrand, le deuil des familles, qui était aussi le deuil de la France tout entière.

Je m'exprime devant vous cet après-midi sur la situation au Proche-Orient et la participation de la France à la mise en oeuvre de la résolution 1701 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Fin août, le parti socialiste avait demandé l'organisation d'un tel débat au Parlement lors de la session extraordinaire. Même s'il arrive tard, nous apprécions que ce débat se tienne car, malgré le cessez-le-feu et le déploiement progressif de la FINUL renforcée au Sud-Liban, la situation reste très précaire dans ce pays comme dans l'ensemble du Proche-Orient.

La question du rôle de la France dans cette région demeurera pour longtemps encore d'actualité, je le crains. Ce débat est l'occasion pour le Parlement de faire le point sur cette nouvelle guerre du Liban et d'apprécier l'action de la France. Il permet aussi d'envisager l'avenir et de rechercher des solutions de paix, dans un contexte qui s'est radicalisé depuis les terribles attentats du 11 septembre, dont nous avons célébré hier douloureusement le cinquième anniversaire. J'exprime à cet instant ici ma sincère compassion pour le peuple américain.

Permettez-moi quelques mots de rappel sur la nouvelle guerre du Liban.

La guerre entre Israël et le Hezbollah a été déclenchée le 12 juillet, à la suite de l'enlèvement, revendiqué par le Hezbollah, de deux soldats israéliens. Israël engage aussitôt la riposte, à la fois pour ramener ses soldats, mais aussi pour tenter de mettre un terme aux tirs de missiles incessants du Hezbollah sur le nord du pays. Très vite, devant l'intensification et la violence des combats, les socialistes français ont réalisé la gravité de la situation. Ils ont suivi avec attention les trente-quatre jours de cette guerre dévastatrice, sans vrai vainqueur ni réel vaincu, qui a causé la mort de plus de 1 000 civils et en a blessé 3 600. On estime aussi entre 15 000 et 30 000 le nombre d'habitations détruites, ainsi que 80 ponts et 630 kilomètres de routes dans le plus petit pays de la région, le Liban.

Une fois n'est pas coutume, monsieur le Premier ministre : alors que la majorité et l'opposition - c'est un rite obligatoire en démocratie - s'affrontent vivement dans de nombreux domaines et que leurs rapports vont se tendre plus encore sans doute, nous le savons bien, à l'approche de l'élection présidentielle, mon propos aujourd'hui ne se situera pas sur ce registre.

Je le dis ici clairement, comme j'ai eu l'occasion de le faire à deux reprises devant notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, lors des auditions du ministre des affaires étrangères, M. Philippe Douste-Blazy, et de Mme la ministre de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie, les 24 et 30 août dernier : les socialistes ont estimé positives l'action diplomatique de la France et les propositions du Président de la République pour tenter d'arrêter le conflit que se livraient Israël et le Hezbollah au Sud-Liban.

Nous avons approuvé, bien sûr, les opérations de rapatriement et d'évacuation des civils par la France, mais aussi l'esprit et les principes du plan proposé le 26 juillet par le Président de la République, dessinant les grandes lignes d'une solution qui repose tout à la fois sur un cessez-le-feu rapide, un engagement politique entre les parties pour l'accepter, l'application de la résolution 1559 de l'ONU, le désarmement sous contrôle libanais des milices du Hezbollah, enfin l'installation d'une force multinationale d'interposition dans le cadre de l'ONU.

Ces grandes lignes seront reprises dans la résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité le 11 août et acceptée par les belligérants, leur imposant notamment un cessez-le-feu, entré effectivement en vigueur le 14 août. La France, dont la diplomatie a joué son rôle dans l'élaboration et le vote de ce texte, laisse alors entendre qu'elle souhaite s'investir pleinement dans la constitution de la FINUL renforcée qui doit se déployer au Sud-Liban. Le chiffre de 4 000 ou 5 000 soldats français est même avancé !

Nous avons été donc fort surpris, monsieur le Premier ministre, quand, dans les jours qui ont suivi, notre pays a donné l'impression de freiner des quatre fers et de revenir sur sa parole. On attendait quelques milliers d'hommes, le Gouvernement n'en annonçait que 150 à 200 !

Pendant une semaine, évidemment, les commentaires sont allés bon train dans le monde. La presse populaire britannique notamment, qui ne laisse jamais passer une occasion de critiquer notre pays, s'en est donné à coeur joie. De leur côté, les Italiens se sont avancés, annonçant l'envoi de 3 000 hommes et proposant de prendre sans plus tarder le commandement de la FINUL, assuré actuellement par le général français Alain Pellegrini.

Heureusement, cette mauvaise impression a été assez vite effacée, le 24 août dernier, par la seconde intervention du Président de la République, qui a finalement décidé d'envoyer 2 000 casques bleus, après s'être assuré au préalable des conditions de sécurité mises en place pour protéger la vie des militaires français et des forces d'interposition, et de déterminer avec précision la nature de leurs missions.

C'est pourquoi je me félicite aujourd'hui qu'il résulte des négociations avec l'ONU, avec les gouvernements israélien et libanais, que le commandement de la FINUL reste exercé, comme vous l'avez confirmé, monsieur le Premier ministre, jusqu'en février 2007 par le général Pellegrini ; que la FINUL a pour mission de soutenir le déploiement de l'armée libanaise, qui reprend pied au Sud-Liban où elle n'avait plus été présente depuis quarante ans et à qui il revient, et à elle seule, de désarmer les milices du Hezbollah ; que la FINUL aura le droit et les moyens de riposter en cas d'attaque.

Notre pays enverra donc 2 000 hommes au Liban, ainsi que de l'armement lourd, notamment treize ou quatorze chars Leclerc. Certains ont critiqué, ici ou là, l'envoi de ces chars au motif qu'ils seraient inefficaces dans un conflit de type « guérilla ». Je pense, pour ma part, qu'ils participent de la volonté française de démontrer sa détermination à remplir totalement son rôle. Par ailleurs, en raison de leur caractère dissuasif, ils constituent aussi, à mes yeux, un élément important de la sécurité des militaires, dont la tâche présente des risques réels, comme chacun le sait ici.

Au total, monsieur le Premier ministre, mis à part le moment regrettable -mais l'impression première a été corrigée -, où notre pays a prêté le flanc à la critique par son hésitation à remplir ses engagements, je le redis, les socialistes et le groupe socialiste du Sénat ont approuvé l'action diplomatique de la France au sein de l'ONU et auprès des gouvernements libanais et israélien pour aboutir à un cessez-le-feu et tenter d'assurer, enfin, une paix durable au Liban et au Proche-Orient, depuis si longtemps meurtris par des guerres et des conflits interminables.

Notre pays s'est montré, je crois, fidèle à son histoire et à ses valeurs, fidèle aussi à l'attachement que nous éprouvons pour le Liban. Il a su également décider la plupart des pays de l'Union européenne, pour certains hésitants, à participer d'une façon ou d'une autre à la FINUL.

Finalement, l'Europe apportera une forte contribution à la FINUL renforcée - au moins 7 000 hommes, dit-on, sur les 15 000 hommes que la force devrait compter à terme, comme le prévoit la résolution 1701, et du matériel lourd -, et nous nous en réjouissons.

Voilà, monsieur le Premier ministre, ce que je voulais vous dire au nom du groupe socialiste sur la période passée. Le plus important désormais est de se tourner vers l'avenir et de définir les voies permettant de construire une paix durable au Proche-Orient. C'est pourquoi, mes chers collègues, je souhaite maintenant m'exprimer sur notre vision de l'avenir de cette région dans le contexte d'aujourd'hui.

Le point de départ de l'aggravation de la situation explosive que connaît aujourd'hui le Proche-Orient est en grande partie la conséquence de la volonté du président des États-Unis, George Bush, de riposter par une grande croisade contre le mal aux attentats du 11 septembre. Pour tenter de mettre un terme au terrorisme - c'est très bien -, il s'est lancé dans un projet de démocratisation du Grand Moyen-Orient, fondé sur l'élimination des dictatures - c'est encore très bien - et l'installation de régimes démocratiques devant apporter la paix et la prospérité.

Mais le tout, en politique, n'est pas seulement d'exprimer des objectifs sur lesquels nous pouvons tous être d'accord : il s'agit d'employer la méthode et d'apprécier avec un certain réalisme la situation.

La guerre en Irak a constitué le premier acte de ce scénario. Le moins qu'on puisse dire est que le contraste est saisissant entre le projet affiché et la réalité. Certes, Saddam Hussein a été éliminé et personne ne regrettera ce dictateur et son régime. Pour autant, l'Irak est un grave échec pour le président américain. Le pays est aujourd'hui plongé dans une guerre civile et religieuse ; la violence meurtrière des attentats quotidiens, à Bagdad notamment, ne cesse d'augmenter, avec 3 438 morts en juillet dernier. La perspective d'un Irak pacifié et démocratique s'éloigne chaque jour un peu plus, alors que, dans les pays musulmans, l'islamisme radical progresse.

De la même façon, loin d'être éradiqué, le terrorisme, notamment islamiste, redouble de plus belle un peu partout dans le monde. Ben Laden et son adjoint courent toujours et se manifestent régulièrement par cassettes interposées. En Afghanistan, la dégradation de la situation contraint les États-Unis et leurs alliés à renforcer leur dispositif militaire face aux talibans, qui sont de retour.

En Europe, nous avons en mémoire les attentats meurtriers de Madrid, en mars 2004, ceux de Londres, en juillet 2005. Je note au passage que le système communautariste britannique n'a pas protégé ce pays du terrorisme.

Cet été, d'autres attentats de grande ampleur, nous dit-on, ont été évités de justesse, en Grande-Bretagne comme en Allemagne. Ces exemples sont proches de nous, mais les pays arabes et asiatiques sont également victimes d'actes du même type.

La lutte contre le terrorisme telle qu'elle a été conçue par les États-Unis est donc en échec, même si l'islamisme fondamentaliste n'a pas atteint tous ses objectifs, loin s'en faut.

C'est pourquoi, face à ce danger persistant qui a déjà frappé notre pays dans le passé et qui peut le toucher encore, je salue l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies, le 8 septembre dernier, d'une stratégie mondiale contre le terrorisme. Bien que non contraignante, cette résolution, adoptée à l'unanimité, est qualifiée d'historique par Kofi Annan. Pour la première fois sur ce sujet, les États membres ont surmonté leurs divergences grâce à une prise de conscience universelle de la nécessité de lutter de façon concrète contre ce « fléau inacceptable, quels qu'en soient les auteurs et les mobiles », selon les termes mêmes du secrétaire général des Nations unies.

Enfin, un élément nouveau et lui aussi menaçant a émergé récemment : un bras de fer est engagé entre l'Iran et la communauté internationale sur la question de la prolifération nucléaire. En outre, ce pays, qui soutient le Hamas et le Hezbollah, ne cache pas sa volonté de rayer Israël de la carte, ce qui rend plus complexe encore la situation au Proche-Orient et la recherche des voies de la paix dans la région.

Nous en avons tous conscience : dans ce contexte plus dangereux que jamais, le chemin de la paix au Proche-Orient sera long et semé d'embûches.

Je pense aussi que chacune des parties prenantes doit mieux prendre en compte les nouvelles réalités et les nouveaux rapports de force qui modèlent désormais cette région et le monde dans son ensemble depuis la chute du mur de Berlin.

Israël, tout d'abord.

Pour les socialistes, Israël est un pays ami depuis sa création ; la SFIO en son temps, puis le parti d'Épinay ont toujours affirmé le droit à l'existence d'Israël dans des frontières définies et sûres. Personnellement, j'ai toujours soutenu au sein de l'Internationale socialiste la cause de cet État démocratique, tout en développant une position équilibrée dans le conflit entre Israéliens et Palestiniens, estimant que les deux peuples ont un droit absolu à l'existence et à vivre dans deux États reconnus et protégés.

Les socialistes ont également toujours reconnu à Israël le droit de se défendre ; ils l'ont encore fait en juillet dernier au début de la guerre. C'est Tsahal, au fil des guerres qui ont marqué l'histoire de ce pays au cours des soixante ans de son existence, qui a rempli cette mission avec succès, ce qui lui a valu la réputation d'armée invincible.

La guerre de l'été 2006 a terni cette image. Comme beaucoup, j'ai été choqué par la violence disproportionnée de la riposte israélienne, les bombardements incessants et désastreux, comme ceux qui ont fait des dizaines de morts dans les villages autour de Tyr, la destruction massive d'un pays aujourd'hui à reconstruire. Et pour quel résultat ?

La réaction de l'opinion mondiale a été telle que le gouvernement israélien a fini par accepter de se retirer progressivement du Liban et de lever, avec quelque réticence, le blocus aérien et maritime qu'il maintenait depuis deux mois. En Israël même, et c'est tout à l'honneur de cette démocratie -car Israël est un pays démocratique ! -, des critiques sévères ont été portées sur la conduite de la guerre et l'avenir du pays. Des manifestations importantes ont réclamé des comptes au gouvernement, voire sa démission.

Il est clair désormais qu'une page vient de se tourner et qu'Israël ne peut plus compter uniquement sur Tsahal pour assurer son existence. Les Israéliens doivent comprendre qu'il est temps pour eux d'opérer une avancée diplomatique historique en acceptant l'intervention de l'ONU, en cessant de compter exclusivement sur le soutien des États-Unis et en intégrant plus ouvertement l'Europe, et la France, dans le jeu diplomatique.

J'estime aussi qu'Israël doit cesser ses provocations à l'égard des Palestiniens en arrêtant des ministres et des députés qui ont été élus. Car l'urgent aujourd'hui pour l'avenir du Proche-Orient est de régler le conflit israélo-palestinien, et ce par la voie de la diplomatie et de la négociation.

Le Hezbollah, ensuite.

Il est clair que si la paix au Proche-Orient passe en partie par le règlement politique du conflit israélo-palestinien, elle dépend aussi du règlement du conflit, plus large, qui oppose Israël au Hezbollah. Ce dernier, soutenu par la Syrie et par l'Iran, fait partie intégrante du Liban. Au-delà de ses milices armées, le Hezbollah est un parti politique qui compte des ministres au gouvernement et des députés à l'Assemblée nationale.

L'ancien Premier ministre assassiné, Rafic Hariri, manque beaucoup à son pays. Mais le nouveau Premier ministre, Fouad Siniora, qui a agi dans la tourmente avec autorité, est déjà crédité d'une réelle popularité. Si le Liban connaît la dure loi de se défendre contre lui-même, il doit aussi trouver les hommes de son destin national.

Le Hezbollah doit lui aussi trouver les voies de la tolérance, accepter la résolution 1701, le désarmement de ses milices par l'armée nationale libanaise, qui compte des soldats chiites dans ses rangs, et s'inscrire dans le jeu diplomatique de la négociation sous égide onusienne.

La Syrie et l'Iran, enfin.

Afin que ce schéma réussisse, la Syrie doit être mise, elle aussi, devant ses responsabilités. En effet, on ne peut pas envisager un règlement global de la situation au Proche-Orient en faisant abstraction de ce pays, qui joue un rôle majeur dans la région. Toutefois, son opposition, affirmée très récemment au secrétaire général des Nations unies, semble-t-il, au déploiement de la FINUL renforcée le long de sa frontière avec le Liban pour la sécuriser elle-même ne manque pas d'inquiéter sur ses intentions.

Concernant l'Iran, la première menace que fait peser ce pays depuis l'arrivée au pouvoir du fondamentaliste Mahmoud Ahmadinejad est bien la menace nucléaire. S'il paraît difficile de refuser à l'Iran la possibilité de disposer de l'énergie nucléaire civile pour assurer son développement économique, il faut être extrêmement vigilant au fait que la République islamique ne rompe pas le principe intangible de non-prolifération nucléaire militaire.

Sur cette question cruciale pour l'avenir de l'humanité, je partage la conviction de Kofi Annan : là encore, la seule issue possible est celle, difficile, souvent ingrate, mais indispensable, de la négociation jusqu'au bout. C'est d'ailleurs la démarche adoptée par l'Union européenne et son Haut représentant, qui, sans relâche, recherche un compromis avec les Iraniens. Les dernières informations sur les négociations en cours pour empêcher des sanctions de l'ONU contre Téhéran vont plutôt dans le bon sens, l'Iran venant de proposer, semble-t-il, de suspendre pendant deux mois ses activités d'enrichissement de l'uranium.

Pour autant, je suis conscient de l'extraordinaire difficulté de la partie qui se joue avec l'Iran, car il ne faut pas sous-estimer le danger que ce pays représente pour la paix du monde.

Par ailleurs, les conséquences de sa haine d'Israël, qui le conduit à élever le révisionnisme le plus virulent en religion d'État, ne doivent pas non plus être sous-estimées. Cette seconde menace doit aussi être combattue avec la plus vive fermeté, car elle constitue un obstacle de plus à un accord de paix entre les Israéliens et les Palestiniens.

Voilà, monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce que je voulais exprimer au nom du groupe socialiste du Sénat sur la situation au Proche-Orient et la participation de la France à la résolution 1701 du Conseil de sécurité.

Je voulais surtout réaffirmer la conviction des socialistes que la recherche d'un règlement négocié, fondé sur le dialogue et la compréhension mutuelle, est toujours préférable au recours aux armes pour construire la paix. Car tel est l'objectif final que notre pays et l'Europe poursuivent en s'engageant comme ils le font - et je m'en félicite - dans le processus enclenché par la guerre du Liban. La situation reste très dangereuse, mais le nouveau rapport de force devrait être dissuasif pour les différents acteurs de la tragédie libanaise.

Je ne voudrais pas conclure mon intervention sans rendre hommage à l'action du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui a su, fort de son expérience et de sa connaissance parfaite du Proche-Orient, oeuvrer sans relâche tout au long de ces terribles semaines pour convaincre les parties d'accepter et d'appliquer le cessez-le-feu imposé par la résolution 1701, constituer la FINUL renforcée et organiser son déploiement et ses missions. Il lance encore aujourd'hui une médiation pour la libération des deux soldats israéliens, premier objectif de la guerre du Liban, non encore atteint à ce jour !

Il doit bientôt quitter son poste et a droit à notre gratitude.

Je suis conscient de la fragilité du cessez-le-feu actuel entre Israël et le Hezbollah. Je suis même étonné, d'une certaine façon, qu'il soit à peu près respecté jusqu'à présent.

La route sera certainement longue vers la paix, mais ne relâchons pas nos efforts. Dialoguons, négocions, soutenons et renforçons les Nations unies. C'est la seule façon pour que le XXIe siècle qui commence ne connaisse pas les cataclysmes meurtriers et les crimes contre l'humanité du siècle précédent.

Les socialistes agiront afin que la France et l'Europe soient à la hauteur de leurs responsabilités. Les dernières informations en provenance de Palestine sur un accord de gouvernement d'union nationale entre le Fatah et le Hamas sont une lueur d'espoir. Il en va de même de l'affirmation d'Ehoud Olmert, hier, de vouloir nouer le dialogue avec Mahmoud Abbas.

Nous avons eu tellement d'occasions, nous avons eu tellement d'espoirs, nous avons tellement travaillé pour cela, sans réussir... Cette fois sera peut-être la bonne. En tout cas, courage pour la paix dans le monde ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Jack Ralite applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, certes, ce débat arrive après les moments les plus dramatiques de cette crise. Néanmoins, il était absolument nécessaire que le Parlement puisse exprimer ce que l'opinion française a si profondément et si intimement ressenti.

Jusqu'à présent, ce qui a été dit à cette tribune montre bien que le débat répond à ce besoin et que le Parlement est présent à ce rendez-vous. D'ailleurs, nombreux dans cet hémicycle - je devrais dire tous ! - sont ceux qui ont, pour le Liban, des sentiments particuliers. Pour ma part, je m'exprime comme membre du groupe UMP, mais je ne peux oublier que je préside depuis une quinzaine d'années le groupe d'amitié France-Liban du Sénat.

Pour définir le Liban, je voudrais citer les mots d'un grand poète libanais contemporain, grand écrivain et diplomate, je veux parler de Salah Stétié, que nous sommes quelques-uns a bien connaître : « le Liban est un étroit pays, certes, tout en hauteur, à qui il est arrivé la plus étonnante des histoires, celle d'avoir une histoire bien plus vaste que lui » ! Les événements que nous avons vécus le montrent de manière évidente.

Je l'avoue, c'est avec émotion que je suis monté à cette tribune, car j'ai conscience, comme nous tous, de l'extrême fragilité de ce pays que nous aimons.

Cette fragilité est intrinsèque, d'abord, puisque son identité profonde, c'est sa pluralité, qui repose sur un consensus parfois difficile à établir ; le passé récent l'a bien montré avec la guerre civile qui a ravagé pendant quinze ans ce petit pays, comme l'ont souligné les différents intervenants.

Cette fragilité, ensuite, est due à son environnement régional, car le Liban est - j'allais dire depuis toujours - le théâtre et la victime de conflits qui le dépassent. Depuis le 12 juillet, avant que le cessez-le-feu n'intervienne, nous avons tous vu des images qui nous ont ramenés vingt ans en arrière...

Dans les interventions qui viennent d'avoir lieu, malgré quelques différences de tonalité ou d'orientation, j'ai constaté que les orateurs éprouvaient tous au fond le même sentiment.

Ces images qui, je le répète, nous ont ramenés vingt ans en arrière ont beaucoup frappé l'opinion de notre pays et l'esprit de nos compatriotes. À cet égard, je voudrais évoquer un souvenir et je vous prie de me pardonner de personnaliser ainsi mon propos.

Je me rappelle avoir parcouru les rues ravagées de Beyrouth à la fin de la guerre civile, avec un collègue qui n'est plus des nôtres aujourd'hui et qui n'appartenait pas au même mouvement politique que moi. Je me souviens des carcasses calcinées des habitations. Amin Maalouf, qui m'accompagnait, me dit soudain en me montrant ce qu'il restait d'une maison : « voilà, c'est ici qu'habitait ma mère » !

Ce souvenir est resté profondément ancré en moi, et lorsque j'ai vu, comme vous tous, mes chers collègues, les images des bombardements intervenus au Liban, je me suis demandé si nous allions revivre cela ! Quand j'ai vu les images de ce petit enfant de quatre ou cinq ans qui découvrait en pleurs les ruine de son village, quand j'ai vu comme vous des petits enfants mutilés, quand j'ai vu ces cohortes de réfugiés gagner le nord du Liban, je me suis demandé où nous allions, ce qu'allait connaître ce pays et si cet embrasement n'entraînerait pas un embrasement régional. Nous avons donc tous été inquiets.

C'est une raison de plus pour apprécier - j'y reviendrai - les efforts qui ont été faits par la communauté internationale et en premier lieu, bien entendu, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, par notre pays dont on attendait beaucoup. L'attente n'a pas été déçue !

Il y a eu mille morts, peut-être davantage, et de nombreux blessés. Les dégâts directs ou indirects sont impressionnants puisqu'ils se chiffrent à 15 milliards de dollars, selon le programme des Nations unies pour le développement, le PNUD.

Cette épreuve a été terrible, et ce d'autant plus que nous nous étions pris à espérer. En effet, nous avions assisté à la reconstruction du Liban au fil des années.

Nous sommes d'ailleurs quelques-uns du groupe interparlementaire France-Liban du Sénat à avoir rencontré l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Ceux qui l'ont vu se souviennent de la conviction qu'il mettait à engager la reconstruction de son pays. Nous ne pouvons oublier qu'il en a été l'inspirateur, l'organisateur. J'ose même dire qu'il a largement mené à bien cette reconstruction, non seulement physique mais aussi politique !

Il ne faut pas oublier non plus que, après le terrible assassinat de Rafic Hariri, une majorité parlementaire a permis à un gouvernement emmené par Fouad Siniora d'engager un processus politique qui nous paraissait garantir la paix. Je veux parler de ce qui a été appelé par les Libanais eux-mêmes le « dialogue national ». Certes, ce dialogue était tâtonnant, hésitant.

Nous sommes quelques-uns à avoir assisté à la séance au cours de laquelle le président de l'assemblée libanaise a annoncé qu'il allait, à la demande de la majorité du pays, lancer le dialogue national. Nous avions de la peine à y croire ; pourtant, ce dialogue a été engagé. Il commençait à porter des fruits, certes modestes, mais le dialogue n'est-il pas déjà le plus beau des fruits ?

Or, voilà que tout cela s'est trouvé mis à terre ! Nous en avons d'abord soufferts, puis nous avons été très inquiets.

Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mes chers collègues, ces dramatiques événements ont eu néanmoins quelques aspects positifs.

Ils ont permis à la solidarité intercommunautaire libanaise de s'exprimer, même si cela s'est fait avec un peu d'hésitation, il faut l'avouer. Quoi qu'il en soit, les cohortes d'habitants du Sud, des chiites, qui remontaient vers le Nord ont été, on le sait, accueillies par les autres communautés - les chrétiens, les druses, les sunnites. C'est en soi un événement très important, qui marquera l'avenir de ce pays.

J'ai dit à l'instant que le Liban se caractérisait par la diversité et la pluralité, ce qui fait à la fois son originalité et sa faiblesse. Néanmoins, comment ne pas voir que c'est tout simplement le sentiment national qui a commencé à s'exprimer de manière évidente dans ce petit pays, de manière plus évidente en tout cas que par le passé ?

Or, ce sentiment national, j'en suis convaincu, peut seul permettre de transcender les allégeances communautaires. Ce n'est que grâce à l'émergence du sentiment national et de la solidarité que le Liban se soudera. J'ose espérer que cette crise dramatique y contribuera.

Qu'il me soit permis ici, même si d'autres intervenants après moi, comme ma collègue Christiane Kammermann, ne manqueront pas de le faire, d'exprimer des remerciements extrêmement chaleureux à tous ceux qui ont contribué à apporter aide et assistance au Liban et à nos compatriotes dans ce pays.

Monsieur le Premier ministre, je veux bien entendu mentionner à cette tribune l'action extrêmement efficace menée par l'ambassade de France au Liban, sous la direction de M. Bernard Emié, qui a fait l'admiration de tous et a entraîné la reconnaissance de ceux qui en ont bénéficié.

Je veux mentionner également l'action de vos services, monsieur le ministre des affaires étrangères, qui ont dû se mobiliser très fortement, jour et nuit, pour que ces opérations soient pilotées.

Je veux mentionner enfin, madame la ministre de la défense, l'action de nos troupes, puisque les vaisseaux de la marine nationale ont contribué à l'évacuation de nombre de nos ressortissants.

Je souhaite, par ailleurs, rendre ici un hommage particulier à ceux que l'on ne cite pas toujours. Certains ont parlé des bénévoles, et ils ont bien fait. Bien entendu, ces derniers ont joué un rôle très important, s'exposant parfois à de grands périls.

Pour ma part, j'évoquerai particulièrement certains des fonctionnaires français en poste au Liban, notamment les chefs d'établissements.

Je pense, en l'occurrence, à Mme le proviseur du grand lycée franco-libanais de Beyrouth, qui a fait preuve d'un sens de l'organisation, d'un courage et d'une détermination qui ont forcé l'admiration de tous.

Je pense également à Mme le proviseur du lycée de Nabatie, tout au sud du pays, qui, elle aussi, a fait preuve pendant cette terrible crise d'un grand courage en ouvrant son établissement - d'ailleurs tout neuf - et en le mettant à la disposition de ceux qu'il fallait accueillir.

Cela dit, il faut maintenant regarder devant nous. Je le ferai non sans avoir, moi aussi, salué auparavant, comme je l'ai annoncé au début de mon propos, le rôle de notre pays, qui a une mission particulière au Liban.

La communauté internationale attendait la France, et notre pays a répondu très vite présent.

Tout le monde aujourd'hui rend hommage à l'action du Président de la République, à la vôtre, monsieur le Premier ministre, madame, monsieur le ministre.

Je veux rappeler, car on a tendance à l'oublier, que très tôt la France a fait entendre dans le concert des nations une voix originale.

Au début des bombardements, mes chers collègues, un journal titrait : « la diplomatie préfère attendre » tandis qu'un autre affirmait : « les Occidentaux ont décidé de laisser du temps à Israël ». Or dès les premiers jours, dès le G8 de Saint-Pétersbourg, le Président de la République a appelé à l'arrêt des hostilités et a mis en garde contre un laisser-faire qui, en l'occurrence, était un laisser-tuer !

Je veux rendre hommage ici au courage et à la lucidité du Président de la République, de notre gouvernement et de notre diplomatie. Il fallait, en effet, à l'époque un certain courage, car nous étions seuls ou presque. Ce point devait être rappelé.

Puis, lors de son interview du 27 juillet dernier, le Président de la République a appelé au cessez-le-feu, à un engagement politique et à la création d'une force internationale. Il traçait de la sorte le cadre de notre action diplomatique future.

Je terminerai en évoquant rapidement les conditions de la consolidation de la paix.

Bien entendu, je souhaite moi aussi aborder la question du désarmement des milices du Hezbollah ! À mon tour, je dirai que c'est une caricature, un abus de langage de ne parler du Hezbollah que comme d'une milice terroriste. Une action diplomatique réaliste ne peut oublier que le Hezbollah est une composante importante de la vie politique et de la société libanaises.

Certes, le désarmement du Hezbollah se fera avec toute la fermeté qui convient et la prudence nécessaire, mais il sera réalisé essentiellement grâce à la mise en oeuvre d'un consensus libanais, seul moyen d'aboutir à un résultat positif dans ce pays. Il faudra du temps sans doute et il y aura probablement, je le crains, des rebondissements, mais cette voie-là est la seule qui soit ouverte.

Quant aux autres conditions, je me contenterai simplement de les citer, puisqu'elles ont déjà été développées.

Une petite lueur d'espoir s'est allumée dans le conflit israélo-palestinien. Israël a droit à sa sécurité. La constitution d'un gouvernement d'union nationale, nous l'espérons, sera un élément important pour l'avènement d'une ère nouvelle.

Quant à l'Iran, je ne peux et je ne veux mieux faire que de citer le Président de la République qui a dit, lors de la conférence des ambassadeurs - vous avez d'ailleurs repris ses propos le lendemain, monsieur le ministre des affaires étrangères -, que ce pays « trouvera la sécurité non dans le développement de programmes clandestins, mais bien dans sa pleine insertion au sein de la communauté internationale ».

Une fois encore, pour créer les conditions de la confiance, Téhéran doit faire les gestes nécessaires. Plusieurs de mes collègues l'ont dit et je partage leur appréciation : seule une diplomatie faite de fermeté - on ne peut pas transiger sur la non-prolifération, monsieur Mauroy ! - et d'ouverture donnera des résultats.

J'ai entendu avec intérêt le Président de la République évoquer également le cas de la Syrie : elle doit « sortir de sa logique d'enfermement. Elle a vocation à reprendre sa place à la table des nations, en respectant la légalité internationale et la souveraineté de ses voisins ».

Tout est dit, mais que de difficultés en perspective pour les semaines et les mois à venir, qui ne seront pas exempts d'embûches !

Comme tout le monde ici, je souhaite que l'unanimité - le mot n'est pas trop fort - qui s'est manifestée dans notre pays à l'occasion de cette crise libanaise soit suffisamment durable pour que, à l'occasion de l'examen du budget de la défense, madame la ministre, on n'oublie pas qu'un grand pays comme le nôtre, lorsqu'il veut se défendre, remplir sa mission de paix et répondre à sa vocation universaliste, a besoin de moyens et que le rôle du Parlement est de les lui donner.

En conclusion, je n'ignore pas plus que les autres que nos soldats, là-bas, courent des risques. Je sais aussi qu'il a fallu surmonter des craintes, que même les garanties obtenues et voulues par le Président de la République et par vous-même, madame la ministre, ne peuvent faire oublier ce qui s'est passé voilà maintenant plus de vingt ans. Mais ces craintes, la France a su les surmonter.

Je souhaite donc, de tout mon coeur, que les appels du Président de la République à une conférence internationale de reconstruction soient entendus et que la réunion du « quartet » ait lieu, conformément au voeu qu'il a exprimé.

Je souhaite de tout mon coeur que le Liban trouve la voie de la paix. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, les événements qui concernent le Proche-Orient nous touchent toujours, nous, Français, de très près, étant donné les sources de notre culture et le berceau historique de la foi chrétienne.

Les pays du bassin méditerranéen sont, en effet, chargés de si puissants attendus symboliques et même eschatologiques que tous nos liens historiques avec eux entrent en forte résonance quand des événements graves s'y produisent.

Notre sensibilité est affectée non pas seulement par une sympathie humaine à l'égard de ceux qui sont éprouvés dans leur chair et dans leurs biens, mais aussi par une profonde interrogation quant aux enjeux pour le destin de l'humanité.

En effet, si, dans les régions du monde où se sont développés les cultures de la raison philosophique et le très haut idéal d'une civilisation de la justice et de l'amour, les autorités politiques tant légales que dissidentes en sont réduites à de tels affrontements, le monde entier ne peut que douter des chances de la paix.

C'est sans aucun doute le pressentiment de cette menace qui avait conduit le pape Jean-Paul II à prendre l'initiative de la rencontre d'Assise, il y a très exactement vingt ans, et que Benoît XVI vient de commémorer en rappelant toujours l'actualité de la coopération des religions pour servir la paix. À ce titre, le Liban a été jusqu'ici un cas unique d'organisation politique interconfessionnelle dans cette région du monde.

Ne serait-ce pas d'ailleurs cette spécificité politique que certains voudraient détruire au profit d'une confusion entre l'État et l'appartenance à une religion ?

Je ne dirai pas grand-chose de la brutale escalade qui, depuis l'enlèvement de soldats israéliens, nous a conduits là où nous en sommes aujourd'hui, sauf pour rappeler que la question des prisonniers détenus dans des prisons tant syriennes qu'israéliennes était ressentie de manière extrêmement vive au Liban. En enlevant des militaires israéliens, la milice du Hezbollah a simultanément voulu neutraliser une partie de l'opinion publique libanaise et poussé Israël à sortir de sa patience, alors que cela faisait six ans que son armée avait quitté le Sud-Liban et deux ans qu'une résolution des Nations unies imposait le désarmement de la milice du Hezbollah.

Et, ainsi, le peuple libanais s'est trouvé piégé dans un engrenage effroyable.

Il est urgent de rétablir la paix dans cette région du monde, si douloureusement déchirée et où la prise des peuples en otage empêche que soit fondée cette paix de manière solide.

Or le Liban est en train d'essayer de recouvrer sa souveraineté. Il s'est engagé pour cela dans une démarche prometteuse de dialogue national consistant à tout mettre à plat au sein d'un dialogue constructif entre les représentants de toutes les composantes de la vie politique.

Dans un article donné à L'Homme Nouveau sous le titre « Reconstruire la paix », Annie Laurent, spécialiste de géopolitique, particulièrement experte pour cette région, note que « beaucoup de Libanais sont revenus de bien des illusions. Comprenant qu'ils avaient été les jouets d'intérêts qui n'étaient pas les leurs, ils se sont ralliés à l'idée d'un Liban qui ne ressemble à aucun autre pays dans la région : un État organisé selon une ? démocratie consensuelle ? permettant aux dix-huit communautés qui le composent une participation égale aux affaires publiques. » J'ai pu en être personnellement le témoin à l'occasion d'une rencontre avec des parlementaires libanais le 29 juin dernier, ici au Sénat.

La question du désarmement de la milice du Hezbollah venait d'être abordée au sein de ce dialogue national, alors même que douze parlementaires et deux ministres sont issus du Hezbollah.

En effet, à partir du moment où des représentants du Hezbollah sont entrés au parlement et au gouvernement libanais, une évolution importante est en marche. Le désarmement de sa milice est incontournable, car la question est devenue institutionnelle. La légitimité de l'armée libanaise comme détentrice exclusive de la force armée ne peut qu'être reconnue au niveau des principes par tout parlementaire attaché à un régime de droit.

Toutefois, une première incertitude quant à son effectivité provient du délai nécessaire à l'armer. Une seconde incertitude tient à la composition de l'armée libanaise, chiite en majorité. Le risque qu'elle se solidarise avec la milice en cas de nouvel affrontement avec Israël n'est pas négligeable. Il faut à tout prix l'éviter.

Les événements dramatiques qui viennent de se produire n'ont pas modifié la donne. Il ne peut pas y avoir d'autre solution que le désarmement de la milice au bénéfice de la montée en puissance de l'armée libanaise sous le contrôle des autorités politiques du pays, conformément à la résolution 1559 des Nations unies

On comprend bien sûr que le rôle de la FINUL soit délicat dans un tel contexte, pendant que l'armée libanaise procède au désarmement de la milice.

Une telle opération ne peut pas connaître le succès si, simultanément, la stabilisation d'un État souverain n'est pas réussie.

Ainsi s'explique une nouvelle fois la très lucide et judicieuse position de la France dans cette affaire.

Il importe donc au plus haut point de savoir comment aider le Liban de manière efficace dans cette entreprise essentielle pour son avenir, celui de la région et, vraisemblablement, celui du monde entier.

La paix dans le monde ne peut résulter que de l'organisation cohérente et équilibrée de communautés nationales vivantes et disposant des prérogatives de souveraineté indispensables à la reconnaissance par les autres peuples de la légitimité de leur existence.

Cette affirmation vaut avec la même puissance pour Israël, pour les Palestiniens et pour le Liban.

Sinon - et c'est ce qui nous menace - nous assisterons à une généralisation de conflits tantôt entre des armées nationales isolées ou coalisées, tantôt entre des organisations terroristes plus ou moins clairement identifiables, soit purement locales, soit mondialement ramifiées.

Ce qui vient de se passer au Liban donne une idée du chaos qui pourrait se généraliser.

Les Israéliens tout comme les Palestiniens et tout autant que les Libanais ont le droit de vivre en paix. La restauration de la souveraineté du Liban, qui est vraisemblablement l'objectif le plus accessible dans les circonstances actuelles, malgré la lassitude provoquée par les souffrances endurées depuis trente ans, est prioritaire aujourd'hui.

L'aide de la France comme l'aide de l'Europe et plus généralement celle des Nations unies, en lien avec les États du Moyen-Orient, doivent donc favoriser l'émergence d'une stratégie socio-économique propre à l'État libanais.

Autant dire qu'il ne faut pas concentrer exclusivement l'aide sur le Sud-Liban, mais qu'il convient de l'apporter à l'ensemble du pays.

Il est également important que les citoyens libanais puissent en être le plus directement possible les bénéficiaires, car, si des infrastructures doivent être reconstruites, il faut aussi que la conscience de l'unité nationale puisse être perçue par chaque citoyen libanais, quelle que soit sa province.

L'aide à la reconstruction doit par ailleurs porter sur la reconstitution du tissu socio-économique. Il faut favoriser les programmes visant à soutenir les services sociaux, les municipalités, les services hospitaliers, les PME et tout acteur de la vie quotidienne.

Lors de ma dernière rencontre avec des parlementaires libanais le 29 juin, nous avions envisagé une coopération d'ordre méthodologique afin de lutter contre la misère et la pauvreté de manière structurelle, sur l'ensemble du territoire libanais. Car, si le Liban ne manque pas de solidarité familiale et communale, ce sont les moyens structurels qui font défaut quand il faut reconstituer un État.

Mes interlocuteurs étaient très intéressés par le plan de cohésion sociale que vous avez mis en place en France, monsieur le Premier ministre, et examinaient les moyens de transposer chez eux notre méthodologie en ce domaine.

Il ne faut donc pas hésiter à orienter les programmes et les actions le plus directement possible vers les acteurs économiques et sociaux, autrement dit vers ceux qui n'ont pu avoir de revenus pendant deux mois essentiels à leur activité, afin que la vitalité de la société économique puisse être réactivée, que la solidarité soit déjà perçue comme anticipant l'existence d'un État libanais organisé selon cette « démocratie consensuelle » voulue par le dialogue national. Nous avons à l'accompagner.

Pour le reste - et c'est essentiel -, l'avenir est entre les mains du parti chiite.

Ainsi que le note encore Annie Laurent, « pour le parti chiite, l'heure de vérité est donc arrivée : acceptera-t-il de répondre aux attentes des autres Libanais, qui le pressent de prouver sa libanité ». Facilitons-lui son choix d'une libanité confiante en restant fidèles à la cohérence de la politique attachée au droit et à la justice qui est la nôtre.

C'est pourquoi le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, en exprimant ses voeux de paix à tous les pays de cette région du Moyen-Orient, soutient les initiatives et les positions diplomatiques, militaires et de coopération de la France, telles que vous les avez arrêtées, monsieur le Premier Ministre, avec le Président de la République et les membres du Gouvernement chargés de leur mise en oeuvre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, les débats consacrés aux questions internationales par le Parlement sont rares et souvent un peu décalés dans le temps. Nous ne découvrons pas, mes chers collègues, le triste sort fait aux parlementaires en la matière.

Notre débat intervient au lendemain de la commémoration des attentats du 11 septembre 2001, qui a donné lieu à une atroce surenchère verbale entre les dirigeants d'Al-Qaida et le président des Etats-Unis, alors même que le Fatah et le Hamas viennent de conclure, après des mois de négociations, un accord permettant la constitution d'un gouvernement d'union nationale en Palestine, accord qui comporte la reconnaissance implicite du droit à l'existence d'Israël par le Hamas.

Nous aurions tort, me semble-t-il, de n'y voir qu'un arrangement de papier destiné à faciliter la reprise de l'aide internationale.

Nous mesurons tous le défi que représente l'interminable conflit du Proche-Orient. Depuis cinquante ans, les mêmes images de ruines et d'exode, de missions onusiennes, de tournées d'émissaires spéciaux visitant tour à tour les chefs d'État de la région selon un ordre immuable, les mêmes images d'accolades ou de poignées de mains ministérielles alimentent les informations. Le conflit devient de plus en plus complexe, de plus en plus inextricable.

Nous savons tous ce que nous avons à perdre à voir grandir, aux portes de l'Europe, des générations qui ne connaissent pour tout langage que celui des armes.

Nous savons tous que nos pays sont devenus dangereusement perméables à une violence terroriste chaque jour plus imprévisible et plus radicale.

Nous savons tous que la violence ne cesse de croître dans cette région, au fur et à mesure que les rancunes s'exacerbent.

Nous refusons tous de laisser le fossé se creuser entre le monde musulman et ses voisins.

Nous savons, mais nous ne savons pas comment agir. Cet été, comme par le passé, nous sommes restés impuissants.

Il y a quelques mois, nous étions nombreux à penser que les Libanais, en dépit d'un modèle confessionnel contestable et d'une organisation politique archaïque, avaient fait l'essentiel du chemin, un an après l'assassinat de Rafic Hariri, en manifestant massivement leur volonté de retrouver leur souveraineté et de s'affranchir des luttes d'influence de leurs puissants voisins que sont la Syrie et l'Iran, en faisant en sorte que progresse l'idée d'un désarmement du Hezbollah au rythme de son inscription dans la vie démocratique du Liban.

Puis, il y a eu la guerre cet été. Aujourd'hui, les armes se sont tues. Il ne nous reste plus qu'un triste bilan à dresser : un tiers du territoire libanais est détruit ; les infrastructures du Sud-Liban, les routes, les usines, les écoles, les hôpitaux, les maisons sont à reconstruire ; la population manque de tout ; les sols sont impraticables, truffés de mines et de bombes ; les personnes réfugiées et déplacées sont légion, 1 500 000 Israéliens et Libanais sont aujourd'hui sur les routes.

Une fois de plus, faute d'une politique efficace dans la région il ne reste plus qu'à réparer, déminer le sud du pays, acheminer une aide humanitaire importante, nettoyer les côtes libanaises et syriennes souillées par la marée noire du 14 juillet dernier.

Une fois de plus, nous arrivons après la bataille pour recoller les pots cassés.

Une fois de plus, nous n'aurons pas su proposer d'alternative à la guerre.

Une fois de plus, la violence a eu raison du dialogue.

Une fois de plus, les peuples de la région sortent du conflit plus amers, plus divisés, plus humiliés, plus brisés.

N'y aurait-il donc pas d'autres solutions que d'assister en silence à la radicalisation des masses et à la montée des extrémismes ? N'y aurait-il donc aucun moyen d'enrayer l'escalade de la violence ?

Bien entendu, nous pouvons gloser à l'infini sur la responsabilité des uns et des autres en utilisant la rhétorique bien connue de la poule et de l'oeuf. Le Hezbollah a évidemment eu tort de franchir la ligne bleue pour enlever des soldats israéliens. Mais force est de reconnaître que la riposte d'Israël, destinée, selon les propres termes du chef d'état-major de l'armée israélienne, le 12 juillet dernier, à « faire revenir le Liban vingt ans en arrière », n'a rien réglé. Elle ne saurait en aucun cas être considérée comme une riposte proportionnée et adaptée à la réalité de l'affront.

Si de telles actions étaient menées pour la première fois, nous pourrions espérer qu'Israël apprenne de ses erreurs. Mais, en l'occurrence, ce n'est pas le cas : il s'agit non pas de maladresses, mais bien d'une politique pensée et assumée comme telle depuis près d'un demi-siècle.

Cette politique a pour effet de discréditer systématiquement les interlocuteurs représentatifs, en les soumettant à des injonctions paradoxales et en les privant des moyens de respecter leurs engagements. Je pense notamment à Yasser Arafat, qui a été emprisonné dans son palais de la Mouqata'a, ainsi qu'à l'arrestation de ministres, de députés et du président du Conseil législatif palestinien, Aziz Dowek. Certes, le résultat des élections en Palestine n'a réjoui aucun d'entre nous ; nous n'avions pas souhaité la victoire du Hamas. Mais, reconnaissons-le, ce scrutin s'est déroulé dans des conditions satisfaisantes, à la suite d'un processus électoral qui a peu d'équivalents dans cette partie du monde.

En outre, la politique israélienne tend à fournir des prétextes aux radicaux de deux camps pour continuer la guerre. De ce point de vue, la poursuite de l'implantation des colonies en Palestine, le refus de la souveraineté libanaise sur les fermes de Chebaa et les freins interminables à l'échange de prisonniers illustrent le caractère désastreux de cette politique, qui a pour effet de renforcer ce qu'elle prétend combattre.

À cet égard, dans une tribune récemment parue dans le journal Le Monde, qui a d'ailleurs suscité une réponse aujourd'hui, John Le Carré déclarait ceci : « Quand vous tuez cent civils innocents et un terroriste, est-ce que vous gagnez ou perdez la guerre contre le terrorisme ? ?Ah, me rétorquerez-vous, mais ce terroriste aurait pu tuer deux cents personnes, mille personnes, plus encore !? Se pose alors une autre question : si, en tuant cent personnes innocentes, vous provoquez l'émergence future de cinq nouveaux terroristes et leur procurez une base populaire qui jure de leur fournir aide et soutien, garantissez-vous un avantage aux prochaines générations de vos concitoyens, ou vous êtes-vous créé l'ennemi que vous méritez ? »

Mes chers collègues, je souhaite que les choses soient bien claires entre nous : je n'ai nullement l'intention de nier le droit à la sécurité d'Israël ou le caractère scandaleux des déclarations du président Ahmadinejad ! Au contraire, mais pensez-vous réellement que la sécurité d'Israël soit d'une quelconque manière renforcée par les choix du gouvernement israélien ? N'est-elle pas plutôt mise en péril par ceux-ci ? Ce n'est pas moi qui pose cette question, c'est le peuple israélien lui-même qui demande des comptes à son gouvernement ! Nous devons donc également nous interroger, même s'il s'agit d'un sujet difficile sur lequel personne ne se risquerait à émettre des jugements à « l'emporte-pièce ».

Il convient également d'évoquer un point qui n'a pas été abordé depuis le début de ce débat : le saccage systématique des infrastructures civiles et la mort de très nombreux civils eux-mêmes ne peuvent en aucun cas être qualifiés de « dommages collatéraux » ! En effet, selon Amnesty International, une telle politique serait délibérée et elle se serait même parfois traduite par des crimes de guerre !

Qui peut admettre la notion de « punition collective » - c'est bien de cela qu'il s'agit - quand des villages entiers, quand tout le sud du Liban, sont concernés par les bombardements ? La question est posée. En effet, loin d'affaiblir le Hezbollah, l'intervention israélienne l'a incontestablement renforcé au sein du peuple libanais. Certes, et je ne le conteste pas, des voix divergentes se font entendre au sein de la communauté chiite, que l'on nous présentait volontiers voilà quelques semaines comme unanimement animée par la volonté d'en découdre.

Dans ces conditions, comment peut-on sortir d'une telle situation ?

Nous le voyons bien, la diplomatie américaine au Proche-Orient ne constitue pas une solution. « Gendarmes du monde » à la fin du XXe siècle, les États-Unis ont beaucoup moins bien réussi leur entrée dans le deuxième millénaire. Leur croisade laborieuse contre un terrorisme insaisissable et protéiforme a écorné leur image de toute-puissance. Les tentatives répétées d'imposer le modèle démocratique par la force en Irak ou en Afghanistan ont toutes échoué. Plus grave encore, leurs manoeuvres maladroites pour préserver les approvisionnements pétroliers américains ont jeté le discrédit sur leur diplomatie au Proche-Orient et au Moyen-Orient.

De surcroît, et j'insiste sur ce point, nous ne partageons pas les thèses américaines sur la « guerre des civilisations ». Nous ne prêterons donc pas la main à ce combat.

L'Amérique a dressé contre elle une bonne partie du monde arabo-musulman. Par conséquent, les États-Unis n'apparaissent pas un acteur légitime au Proche-Orient.

Et puis il y a l'Europe, le grand voisin si proche par l'histoire et par la culture. L'Europe tente de promouvoir une diplomatie fondée sur le respect de l'autre et le dialogue ; elle pourrait faire passer l'intérêt commun avant les intérêts de quelques-uns. De ce point de vue, les peuples du Proche-Orient attendaient beaucoup de nous. Nous aurions pu agir d'une seule voix et relever le premier grand défi de politique étrangère et de sécurité commune si nous avions été suffisamment patients, impartiaux et confiants pour asseoir tous les fauteurs de guerre à une table et les guider vers un accord de paix acceptable par tous.

Mais, soyons honnêtes, si l'Europe a fait défaut, c'est parce que la quasi-totalité des États membres qui étaient en situation d'entreprendre ce que je viens d'évoquer ont préféré utiliser leurs canaux traditionnels.

Certes, le Premier ministre a sans doute raison de saluer l'adoption à l'unanimité de la résolution 1701 et de rappeler le rôle important joué par la diplomatie française. Mais nous devons tout dire et ne pas nous mentir à nous-mêmes.

Faut-il omettre de rappeler qu'une telle unanimité a été acquise après des jours et des jours de tergiversations pendant lesquels Israël a pu, sinon « finir le travail », du moins intensifier les bombardements soixante-douze heures encore avant la suspension des combats et le retrait partiel des troupes ? Ferons-nous l'impasse sur l'incompréhension générale qui a suivi l'annonce par le Président de la République d'un engagement limité à 200 hommes et sur la déception que cela a suscité tant en Israël qu'au Liban ?

Quoi qu'il en soit, la résolution 1701 a été adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies et je m'en félicite. Je m'associe aux voeux formulés par Pierre Mauroy pour qu'elle soit suivie d'autres initiatives et d'autres pas permettant une reprise effective du dialogue. J'ajoute que j'apprécie la retenue et la lucidité dont ont fait preuve les intervenants précédents devant l'étendue et la complexité de telles questions.

Pour terminer, vous me permettrez d'aborder deux sujets dont on a peu parlé aujourd'hui.

Je voudrais d'abord évoquer le dossier des bombes à sous-munitions. Elles sont très meurtrières, très dangereuses, notamment pour les enfants, auxquels il est évidemment très difficile d'interdire de jouer à l'extérieur. Selon l'ONU, quelque 100 000 de ces bombes se trouveraient aujourd'hui encore dans le sud du Liban et dans quelques quartiers de Beyrouth.

De telles armes ont déjà provoqué la mort de treize personnes et en ont blessé plus de cinquante autres. Nous devons donc engager un véritable travail de déminage, même s'il sera évidemment ralenti par la méconnaissance des zones où se trouvent ces engins. En outre, l'Europe et la communauté internationale devraient joindre leurs efforts pour réclamer à Israël les cartes des zones concernées, ce qui permettrait d'accélérer le déminage et d'éviter de nouvelles victimes civiles. Au-delà, nous devrions surtout porter une attention plus grande à l'action de Handicap International, qui vise à interdire totalement ces bombes.

J'en viens au second sujet que je souhaitais évoquer. Je viens d'apprendre le décès de Solange Fernex, députée européenne honoraire des Verts, qui a voué sa vie au désarmement et à la paix ; beaucoup d'entre vous l'ont bien connue. À cet égard, je voudrais aborder la question nucléaire, ainsi que nombre d'entre vous l'ont fait au cours de ce débat.

Certes, la communauté internationale a raison de pointer le danger considérable que fait peser la politique d'équipement militaire de l'Iran en la matière. Pourtant, il est indispensable d'avancer non seulement vers le désarmement nucléaire militaire de l'Iran, mais également vers une dénucléarisation de toute la région. En la matière, nous ne devons pas faire deux poids, deux mesures. Une telle politique doit également concerner le nucléaire israélien.

Je suis très préoccupée par l'état agonique des négociations en révision du traité de non-prolifération des armes nucléaires. C'est pourquoi je ne peux que plaider, madame la ministre, monsieur le ministre, pour que nous ne passions pas cet espoir de dénucléarisation par pertes et profits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

(M. Christian Poncelet remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann.

Mme Christiane Kammermann. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pouvons être fiers de notre pays.

Durant les terribles événements subis par le Liban, la France a été au premier rang ; elle l'est encore aujourd'hui. Elle a su être présente et se porter volontaire en raison des liens historiques qu'elle a tissés avec ce pays. Ces derniers lui confèrent d'ailleurs une responsabilité particulière.

La France doit assumer son engagement très ancien en faveur de la souveraineté et de l'indépendance du Liban et offrir un avenir à ce pays.

Absolument rien ne saurait justifier la destruction systématique et délibérée du Liban. En quelques semaines, ce pays a été dévasté et quinze années d'efforts ont été réduites à néant. Les ponts ont été éventrés, l'aéroport a été bombardé, le port a été pilonné, des missiles ont été tirés à Tripoli, au nord du Liban, les radios et la télévision ont été attaquées et des populations civiles, y compris des innocents tels que des enfants, des femmes et des vieillards, ont été touchées. En outre, les conventions de Genève ont été malmenées des deux côtés de la frontière.

Comme toujours, ce sont les civils qui font les frais d'une guerre.

Au cours des derniers vingt-huit jours, 932 Libanais ont été tués et plus de 3 000 blessés. En outre, 913 000 personnes sont devenues des réfugiés.

Au même moment, Israël vivait l'épreuve de la vulnérabilité. Le nombre de victimes israéliennes s'élève à 84 morts et 867 blessés.

Au fil des jours, des centaines de milliers de Libanais, un million au plus fort de la guerre, ont fui les bombardements. Le sud du pays a été quasiment vidé de ses habitants.

On m'a même rapporté ce fait : des lance-roquettes étaient cachés dans les écoles de la ville chrétienne de Cana. La réplique militaire israélienne s'exécutait automatiquement, selon une trajectoire fixe, alors que les tireurs s'en étaient allés. L'école était anéantie.

Certains réfugiés ont été accueillis par leurs familles, par des amis ou dans des établissements scolaires publics, dans des régions plus sûres. D'autres ont été évacués par la France.

En raison du blocus et des bombardements d'axes routiers, le Liban s'est retrouvé presque coupé du monde. La destruction des voies de communication intérieures a considérablement entravé tous les déplacements dans le pays.

Suite aux bombardements menés par Israël, le 14 juillet dernier, sur les réservoirs de la centrale électrique de Jiyé, à vingt-cinq kilomètres environ au sud de Beyrouth, entre 10 000 et 35 000 tonnes de pétrole se sont déversées dans la mer. Cela a créé une marée noire qui a touché les 180 kilomètres de côtes du pays et de nombreux autres rivages méditerranéens. Cette pollution écologique n'a fait qu'aggraver les immenses difficultés auxquelles le peuple libanais était confronté.

Le Liban n'aurait-il pas le droit de vivre ? Serait-il l'otage d'une guerre venue d'ailleurs ?

Les situations sont complexes et imbriquées. Israël aspire à la sécurité, tandis que le Liban a soif de liberté. Le Moyen-Orient est en crise. Ainsi, le conflit israélo-palestinien n'est toujours pas résolu, l'Irak reste dans la tourmente et les tensions dans le Golfe diffusent leurs effets dans tout le Proche-Orient.

Le Liban est victime des coups que les puissances régionales n'osent pas se donner.

À cet égard, je me dois de rendre hommage au Président de la République.

M. Alain Gournac. Très bien !

Mme Christiane Kammermann. Lorsque le Liban saigne, le Président de la République est toujours là pour lui porter assistance.

Mme Christiane Kammermann. Ses interventions ont eu le mérite de lever quelques ambiguïtés. Dans la confusion générale, il s'est fait entendre. Grâce à lui, la France joue son rôle de modérateur et de médiateur.

Permettez-moi de féliciter également nos ministres. Je pense notamment à Dominique de Villepin, Premier ministre, et à Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Ce dernier a souvent pris le chemin de Beyrouth sous les bombes, et ce avec beaucoup de courage, afin de réaffirmer le soutien total de la France à la volonté du gouvernement libanais de restaurer la souveraineté de l'État sur l'ensemble du territoire. (M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, acquiesce.)

Le ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie, le ministre de la santé et des solidarités, Xavier Bertrand, et le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, Dominique Perben, se sont également rendus sur place ou dans la région à plusieurs reprises.

Je remercie également notre ambassadeur au Liban, M. Bernard Emié, et son équipe de la façon extraordinaire dont ils ont géré les rapatriements, avec une autorité et une efficacité exemplaires, ainsi qu'avec beaucoup de coeur. J'en profite pour signaler la présence, dans les tribunes du public, de Mme Isabelle Emié, épouse de l'ambassadeur. Elle agissait aux côtés de son mari, dans l'ombre, mais avec une grande efficacité. De nombreuses personnes étaient présentes chaque jour pour aider au rapatriement.

Nous sommes donc fiers de notre ambassadeur et de tous ceux qui l'ont entouré : les agents de l'ambassade, ceux du consulat, toutes les associations confondues, l'Union des Français de l'étranger en tête, les conseillers des Français de l'étranger.

Notre reconnaissance va aussi à notre ambassadeur à Chypre, M. de La Tour du Pin, et à son équipe. À Nicosie, à Larnaka, un véritable pont aérien a été établi avec la France et tout le monde s'est mobilisé, de jour comme de nuit, afin d'organiser l'accueil des réfugiés français.

Sans toutes les personnes citées, ainsi que les Croix rouges libanaise et française, le Comité d'entraide aux Français rapatriés, le Samu, l'armée, la sécurité civile, rien n'aurait pu se faire.

La Caisse des Français de l'étranger, présidée par le sénateur Jean-Pierre Cantegrit, a réagi dès la première semaine de guerre en prenant des mesures spécifiques en réponse à la situation d'exception des Français du Liban.

Le 12 août, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté la résolution 1701, qui prévoit un règlement par étapes de la crise. Notre pays a pris une part déterminante dans son élaboration. L'application de cette résolution implique de veiller à l'achèvement du retrait israélien parallèlement au déploiement de la FINUL renforcée, à la libération des soldats israéliens enlevés, au respect de l'embargo sur les armes, au désarmement des milices et, enfin, au règlement de la question des fermes de Chebaa. L'objectif de la France était de parvenir à un véritable cessez-le-feu et à une solution durable qui garantisse la pleine souveraineté du Liban et la souveraineté d'Israël. Notre diplomatie a maintenu le dialogue avec les deux pays tout au long du conflit.

Le 17 août, le gouvernement de M. Fouad Siniora a pris la décision courageuse de déployer l'armée libanaise au sud du fleuve Litani, où elle n'avait pas stationné depuis quarante ans, dans le but de créer une zone tampon s'étendant jusqu'à la frontière.

Je souhaite rappeler l'action de notre gouvernement, qui a agi en urgence pour répondre aux besoins des populations : l'évacuation de 11 000 Français, ainsi que 2 500 ressortissants d'autres nationalités, dans des conditions souvent très difficiles.

À la demande du Gouvernement, l'assurance maladie a mis en place un dispositif dérogatoire de prise en charge des frais de santé des Français rapatriés du Liban. Tout a été mis en oeuvre pour accueillir au mieux les réfugiés du Liban. Nos compatriotes présents dans le nord d'Israël ont également été aidés et le ministre des affaires étrangères leur a rendu visite.

La mobilisation humanitaire a été décrétée. Le Président de la République a appelé à l'ouverture de corridors humanitaires : des vivres, des médicaments, de l'eau potable, des groupes électrogènes pour les hôpitaux ont été envoyés.

Avec l'installation en cours de quinze ponts métalliques Bailey, pour lesquels notre pays mobilise plus de deux cents militaires du génie, la France contribue fortement au rétablissement des voies de communications vitales pour le pays.

Le Président de la République a insisté sur le respect de l'intégrité territoriale du pays, souhaitant le rétablissement de l'autorité, de la stabilité et de la souveraineté du Liban. Il s'agit là de l'intérêt de tous les Libanais, quels qu'ils soient. Le chef de l'État a demandé que soit appliquée la résolution 1559 qui prévoit le désarmement des milices.

La France a également assumé ses responsabilités sur le plan militaire. Elle a renforcé de manière importante son contingent au sein de la FINUL : il sera porté à 2 000 militaires français. Un premier bataillon de 900 hommes rejoindra par voie maritime le Liban d'ici au 15 septembre. Ces troupes seront dotées d'un armement qualifié de « robuste et dissuasif » par les militaires, encore traumatisés par le « syndrome Drakkar ».

Vers la fin du mois, un deuxième bataillon français d'environ 700 hommes viendra renforcer ce contingent. Face aux risques encourus, des garanties précises ont été obtenues quant à l'efficacité de la mission confiée à une FINUL renforcée et à la sécurité de nos soldats. La France assumera le commandement de la force sur place, confié au général Pellegrini jusqu'en février 2007. À cet effort s'ajoutent les 1 700 hommes déployés au titre du dispositif aérien et naval Baliste, en charge depuis le 12 juillet de l'approvisionnement de la FINUL.

Au-delà du soutien militaire à la paix, la France a pour priorité l'aide à la reconstruction du Liban. Lors de la conférence de Stockholm, le 31 août dernier, la ministre déléguée aux affaires européennes a annoncé une contribution de plus de 40 millions d'euros. Pour aller plus loin, le Président de la République a appelé à un vaste élan de solidarité dans le cadre d'une future conférence internationale.

Le Liban a trop longtemps été le théâtre des affrontements des pays de la région, qui doivent comprendre que leur intérêt réside dans un Liban souverain et indépendant.

N'ayant pu me rendre au Liban, j'ai rejoint les rangs de ceux qui oeuvraient à Paris pour les rapatriés, en allant à Roissy attendre l'arrivée des avions et à la cellule de crise du Quai d'Orsay. À cette occasion, j'ai été témoin de l'immense courage du peuple libanais.

N'oublions pas le magnifique travail du directeur des Français de l'étranger, M. François Barry Delongchamps, et de son directeur adjoint, Mme Le Bihan, ainsi que leur équipe. Je salue également la très grande qualité de l'accueil que le Comité d'entraide aux Français rapatriés, le CEFR, dirigé par le président Casamitjana, a réservé aux réfugiés : 2 000 personnes ont été reçues à Roissy par ses services et 386 personnes ont été accueillies dans les locaux du Comité d'entraide aux Français rapatriés. L'aide du CEFR fut indispensable. À ce propos, il serait tout à fait juste que ce comité voie son budget augmenter compte tenu des moyens qu'il a déployés pour accueillir les réfugiés du Liban dans les meilleures conditions possibles.

Dans le cadre de l'année de la Francophonie, je tiens à souligner la nécessité de la promotion de la francophonie et de la culture française, en péril au Liban, afin de ne pas laisser le champ libre aux intégristes.

La rentrée scolaire se prépare dans notre important réseau d'enseignement français au Liban. Nombre de familles françaises ont eu leur maison dévastée ou leurs membres ont perdu leur emploi. Il serait par conséquent souhaitable que les situations difficiles soient examinées avec beaucoup de compréhension, au cas par cas, au niveau de chaque établissement, et que des solutions adaptées et proportionnées soient mises en oeuvre : bourses exceptionnelles, éventuelles allocations spéciales de rentrée scolaire, délais de règlement des frais de scolarité.

La situation reste très fragile au Liban et le conflit peut reprendre à tout moment. Depuis l'arrêt des hostilités, le 14 août, treize personnes ont été tuées et cinquante-deux autres blessées par l'explosion de bombes à sous-munitions, comme Mme Voynet l'a rappelé. Ces bombes ont un taux très élevé de non-explosion immédiate qui en fait de vraies bombes à retardement. Les villages et les terrains de culture sont devenus de véritables champs de mines. Les plans des zones sur lesquels ces bombes ont été lâchées sont imprécis, ce qui nuit à leur déminage. Voila qui accroît encore les dangers dans un pays attaqué de toutes parts.

Jeudi 7 septembre, Israël a levé le blocus aérien et maritime imposé au Liban depuis près de deux mois, sous conditions. La levée de ce blocus était exigée dans la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l'ONU. C'est la fin d'un chapitre pénible pour tous les Libanais, et la France y aura participé avec toute la force de ses valeurs.

Dans ce contexte géopolitique compliqué et troublé, permettez-moi, madame la ministre, d'attirer votre attention sur certains points.

Le cargo Fast Arrow a accosté ce matin dans le port de Beyrouth avec treize chars Leclerc. Pouvez-vous nous dire quelle sera la contribution de la France à la surveillance maritime des côtes libanaises ? Quel sera le rôle précis de nos forces sur place ? Le contrôle de la frontière syro-libanaise entrera-t-il dans le cadre de compétences de la FINUL renforcée ? Qu'en est-il de la frontière nord du Liban, point de passage des armes en provenance de Syrie ?

Quelle sera la nature de l'aide apportée à l'armée libanaise ? Quels seront les coûts de cette opération ?

Il semblerait que la communauté française sur place, 17 000 personnes - 18 000 étaient inscrites avant la guerre -, ait été quelque peu oubliée dans la distribution des aides qui ont afflué au Liban.

Concernant les aides alimentaires et pharmaceutiques transportées dans le cadre de l'opération « un bateau pour le Liban », pas une palette de vivres ou de médicaments n'a été destinée aux familles françaises qui étaient dans le besoin.

Dès lors, dans le but de mieux contrôler l'acheminement de l'aide française au Liban, serait-il envisageable de susciter la formation d'un comité de contrôle ad hoc afin que les aides économiques et humanitaires soient gérées dans la plus grande transparence ?

Il serait souhaitable d'envisager que des fonds d'urgence soient dégagés à destination du service social de l'ambassade de France à Beyrouth et de la Société française de bienfaisance, qui pourraient les gérer en fonction des demandes qui leur seront adressées.

Une prise en charge exceptionnelle au titre de l'allocation de chômage pourrait-elle être créée pour les personnes ayant perdu leur emploi du fait de cette guerre ?

Nos concitoyens sur place souffrent, avec l'ensemble de la population, d'un problème d'eau majeur, le réseau de canalisations ayant été entièrement détruit par les bombardements. La construction de stations de traitement des eaux ainsi que de stations de pompage est-elle prévue ?

Des rumeurs font état de craintes d'attentats terroristes au Liban. Quelles informations avez-vous à ce sujet ? Dans une telle éventualité, la France serait-elle en mesure de prévenir et d'assister la population ?

Le Liban est cher à notre coeur. Souhaitons ensemble qu'une paix durable s'y installe et que plus jamais le pays des cèdres ne serve de champ de bataille aux guerres des autres. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, je souhaiterais faire un bref rappel au règlement.

La Constitution de 1958, tranchant avec les constitutions précédentes des iiie et ive, a supprimé les « motions surprises ». Par conséquent, désormais, nous ne pouvons déposer dans nos assemblées que des motions qui répondent parfaitement aux caractéristiques du règlement, à savoir motion de censure à l'Assemblée nationale, motion tendant à modifier le règlement ou à demander un référendum, etc.

Personnellement je le regrette un peu car, à l'issue de ce débat que vont conclure les ministres dans un instant, nous aurions pu demander à M. le président du Sénat d'adresser un message du Sénat à celles et ceux qui, pendant l'été, quand la France était à la plage, dans nos ambassades de Beyrouth et de Chypre, au sein de nos armées, sur nos bateaux et dans nos services à Paris, rentrés de vacances ou de permission, se sont dépensés avec courage et sans compter leur peine pour venir en aide aux Français du Liban et à des ressortissants d'autres pays, et pour assurer une évacuation que je qualifierais d'impeccable tant sur place qu'à Paris.

Je n'oublie pas non plus, madame la ministre de la défense, nos soldats restés sous la mitraille avec la FINUL, parce qu'ils participaient déjà à la FINUL au moment où ses positions étaient prises pour cible par certains tirs.

Monsieur le président, j'ignore si ma proposition correspond aux souhaits du Sénat. Mais ce dernier s'honorerait d'adresser un message au Premier ministre pour lui demander de transmettre à l'ensemble de ces personnels l'hommage de notre Haute Assemblée.

M. Michel Charasse. Ce serait une bonne manière de démontrer, comme le débat d'aujourd'hui l'a fait largement ressortir, que la représentation nationale est plus que satisfaite du travail de celles et de ceux qui, au coeur des vacances, se sont consacrés à aider nos compatriotes, y compris sous les bombes. (Applaudissements.)

M. le président. Monsieur Charasse, je ne vois, bien sûr, aucune objection à cette proposition. Je vous rappelle cependant que, tout à l'heure, M. Gouteyron, dans son excellente intervention, a déjà rendu hommage à toutes celles et tous ceux qui ont participé à l'élan de solidarité qui s'est manifesté dans tous les domaines en faveur du Liban.

Cela étant, et si la Haute Assemblée en est d'accord, je ne peux qu'accepter le principe de ce message, qui renforcera les nombreuses interventions sur ce sujet, au cours desquelles un vibrant hommage a été rendu à ces personnes. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, je vous donnerai lecture du texte de ce message à l'issue du débat.

La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de remercier chacun des orateurs du consensus qu'ils ont exprimé sur l'attitude et l'action de la France dans cette guerre qui a frappé le Liban.

Je me suis rendue ce matin à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle pour rencontrer deux cents des militaires, appartenant au régiment de marche du Tchad et au 6e-12e régiment de cuirassiers, qui s'apprêtaient à s'envoler directement pour Beyrouth. Le message d'approbation et de soutien que vous leur transmettez aujourd'hui aura, à n'en pas douter, une influence extrêmement importante sur la manière dont ils assumeront leur mission. À cet égard, je tiens à remercier M. Charasse de son initiative.

Au cours de ce débat, vous avez démontré, les uns et les autres, votre parfaite connaissance du dossier. C'est la raison pour laquelle je me contenterai de faire le point sur la situation actuelle, en précisant les conditions dans lesquelles nos militaires ont été déployés et les implications financières qui en découlent. J'essaierai également de mettre en perspective les enjeux de cette opération et la situation actuelle au Liban.

Sur le plan sécuritaire, le cessez-le-feu est globalement respecté, notamment s'agissant de l'espace aérien ; à terre, sur l'ensemble du théâtre d'opérations, aucun incident significatif n'a été rapporté au cours de ces derniers jours ; en mer, le blocus a été levé et un seul incident a été noté le 10 septembre dernier. Les règles d'engagement maritime seront d'ailleurs avalisées cette semaine par la cellule stratégique mise en place auprès de M. Guéhenno.

Dans le même temps, les deux premiers ponts Bailey sont d'ores et déjà en service au sud de Beyrouth et deux autres sont en cours de construction. Au fur et à mesure de l'avancement des travaux, les déplacements non seulement des Libanais, mais aussi et surtout de l'armée libanaise, sont facilités, cette dernière pouvant se déployer davantage ; elle est aujourd'hui présente dans le sud du pays.

S'agissant des moyens que la France met en oeuvre, deux forces bien distinctes sont sur place.

Il s'agit, d'une part, de la force Baliste, qui a été envoyée dès le deuxième jour de la crise et qui a très largement participé à l'évacuation de nos ressortissants, ainsi qu'à celle des étrangers et des Libanais qui souhaitaient quitter le pays. Cette force comporte précisément 1 558 hommes et les quatre bâtiments Siroco, Foudre, Cassard et Montcalm, ainsi qu'un détachement « air », avec un Transal et trois hélicoptères. Le détachement de génie qui construit les ponts Bailey appartient à cette force.

Il s'agit, d'autre part, de la FINUL. D'ores et déjà, 975 hommes sont déployés sur le terrain au sein de la FINUL, une moitié à Nakoura et l'autre à Beyrouth. Ils sont en train de coordonner les moyens des futurs débarquements. Les personnels de ce bataillon commencent à arriver par avion ; ils seront au complet à Beyrouth le 15 septembre. Au fur et à mesure de la réalisation des travaux de peinture nécessaires, en particulier sur les chars, ce bataillon se déploiera dans le Sud, plus précisément dans la région de Bint Jubayl

Pour mettre en oeuvre ces missions, nous avons exigé des garanties à la fois d'efficacité et de sécurité pour nos personnels. C'est d'ailleurs ce qui a parfois été mal compris. Lors de la fameuse semaine à laquelle M. Mauroy a fait référence, certains ont eu le sentiment que nous refusions de nous engager, alors même que nous discutions des conditions de cet engagement. Madame Voynet, nous avons immédiatement décidé de déployer 200 hommes pour renforcer la FINUL. Je note d'ailleurs que nous avons été le seul pays à faire cet effort, alors que la situation n'était pas encore stabilisée. On devrait donc nous en féliciter plutôt que de dire que ce n'est pas suffisant !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Nous avons attendu que les conditions très fermes que nous avions posées soient remplies pour augmenter les effectifs. Au demeurant, les pays, notamment l'Italie, l'Espagne et la Suède, qui, à la même date, annonçaient l'envoi de leurs contingents posaient les mêmes conditions que nous, mais peut-être pas aussi ouvertement. Lorsque nous avons obtenu satisfaction sur ces différents points, lesdits pays ont immédiatement confirmé le déploiement de leurs forces, ce qu'ils n'avaient pas fait quelques jours auparavant.

Nous avons exigé que notre mission soit très précisément définie, car nous refusons d'envoyer des hommes avec pour seule consigne de se référer à une résolution qui, par nature, demeure relativement floue. Un militaire sur le terrain a besoin de savoir très exactement ce qui lui est demandé.

Aujourd'hui, la mission est explicite, à la fois « positivement » et « négativement » : nous savons ce que nous ferons et ce que nous ne ferons pas. Ainsi, nos forces assureront le soutien de l'armée libanaise, mais elles n'auront pour fonction ni de désarmer le Hezbollah ni de surveiller la frontière syrienne.

Par ailleurs, nous avons effectivement accepté de prendre en charge la mission confiée à la force navale transitoire, en attendant que les Allemands prennent la relève. Notre tâche a été facilitée, car une frégate de la force Baliste était déjà sur place ; celle-ci se consacre à la zone des 6-12 milles nautiques des eaux territoriales libanaises.

Nous avons également insisté sur l'importance de la chaîne de commandement, qui doit garantir et l'efficacité de l'opération et la sécurité des forces engagées. Plusieurs d'entre vous ont, à juste titre, rappelé les catastrophes qui ont, pour certaines, occasionné la mort de plusieurs dizaines de nos militaires. L'une des causes était justement le trop grand flou dans ce domaine, et c'est précisément ce que nous ne voulons plus.

Nous avons obtenu satisfaction auprès du Département des opérations de maintien de la paix. En temps habituel, il ne possède pas de cellule qui soit consacrée à la conduite d'une seule opération, puisqu'une soixantaine d'officiers suivent simultanément les dix-sept opérations onusiennes. Or, aujourd'hui, il existe bien une cellule spécifiquement dédiée à l'opération au Liban.

De la même façon, nous voulions que des consignes explicites soient données pour le cas où nos forces seraient au contact d'éléments s'apprêtant à faire usage de leurs armes. Eh bien ! la force létale devient un moyen d'action possible pour la FINUL : nos militaires auront le droit de tirer à balles réelles s'ils sont attaqués, ce qui n'est pas l'usage dans les règles de fonctionnement normal de l'ONU.

Par ailleurs, il est impensable que des militaires chargés d'une mission soient empêchés d'aller en patrouille tout simplement parce que des personnes se mettent en travers de leur route. Tel ne sera pas le cas au Liban : la FINUL pourra se déplacer librement dans sa zone d'opération sans être bloquée et faire usage de toute la force nécessaire à la réalisation de sa mission.

Monsieur Zocchetto, nous avons exigé la plus grande sécurité pour nos militaires. Le résultat des négociations me semble conforme à nos voeux. De plus, nous disposons d'une force de réserve, sous le commandement du général Pellegrini, qui est capable de réagir rapidement face à toute dégradation des conditions de sécurité. Le premier bataillon français en fera d'ailleurs partie.

Pour des raisons à la fois psychologiques et d'efficacité, nous voulions ne pas être les seuls à participer à cette opération : nous souhaitions que le plus grand nombre de pays, européens ou non, y prennent part. De ce point de vue également, nous sommes très satisfaits des contributions annoncées, en particulier au niveau de nos partenaires européens. Nous désirons que certains pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU annoncent également quelle sera leur contribution et précisent la forme qu'elle prendra.

Tous ces éléments sont très importants, notamment au regard des enjeux de l'opération ; ceux-ci sont au nombre de trois.

Le premier enjeu, c'est, bien entendu, la souveraineté du Liban. Or il n'y a pas d'État souverain lorsque l'armée de cet État n'est pas la seule en mesure de détenir la force sur l'ensemble du territoire. Nous nous réjouissons que, pour la première fois depuis quarante ans, l'armée libanaise puisse se déployer dans le sud du pays.

Le Liban doit également se reconstruire. Une nouvelle fois, me direz-vous ! Effectivement, une telle situation s'est déjà produite trop souvent. Mais nous savons que les Libanais en ont la volonté, qu'ils en sont capables, et la communauté internationale doit leur apporter son aide.

Le deuxième enjeu, c'est la stabilité de tout le Moyen-Orient. En effet, s'il n'y a pas au Liban une zone de paix et de stabilité, il n'y en aura pas ailleurs. À l'évidence, l'amélioration de la situation dans ce pays ne réglera pas tous les problèmes du Moyen-Orient. En tout état de cause, si nous n'intervenons pas au Liban, cette zone deviendra l'une des plus dangereuses et explosives, monsieur Mauroy. Car c'est aussi de la lutte contre le terrorisme qu'il s'agit. Or cette lutte pour notre protection passe non seulement par des actions directes, comme en Afghanistan, mais aussi par la solution apportée à des crises, dont certaines, nous le savons très bien, servent de prétexte au développement du terrorisme.

La question du terrorisme ne se règlera pas simplement par les armes : il faut développer chez les peuples un sentiment de justice, notamment en favorisant l'essor économique.

Je souhaite donc que tous soient davantage mobilisés non seulement au Liban, mais également dans toutes les « zones grises » où prospèrent les conditions du terrorisme. Pour ce faire, nos partenaires européens doivent se mobiliser et consacrer les moyens financiers nécessaires afin que leur pays puisse réellement contribuer à l'élaboration de la défense européenne.

Madame Kammermann, l'action que nous allons mener au Liban coûtera environ 120 millions d'euros au budget de la défense ; il convient de distinguer le coût de l'opération Baliste et celui du renforcement de la FINUL. Nous espérons que cet engagement financier donnera lieu à quelques remboursements de la part de l'ONU.

Je suis bien consciente que ces fonds proviennent de la nation française et que nous devons en être économes. Mais ce n'est pas considérable lorsqu'il s'agit de protéger ceux qui ont subi les effets de la guerre et ceux qui sont exposés au risque terroriste. Nous savons tous, au lendemain de l'anniversaire du 11 septembre, ce que signifie cette menace.

Tout cela justifie que nous soyons encore plus reconnaissants à nos militaires des risques qu'ils prennent au nom de la France et pour la paix. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous apporter, après le Premier ministre et le ministre de la défense, quelques précisions sur la situation au Liban.

Je tiens tout d'abord à remercier les orateurs qui se sont exprimés au nom de l'amitié franco-libanaise, et au premier rang M. Gouteyron, président du groupe d'amitié.

J'ai également été très sensible aux remerciements que vous avez tous adressés à nos personnels. Effectivement, ceux-ci ont travaillé tout l'été, que ce soit à Beyrouth, à Nicosie, ou encore à Tel-Aviv, car lors du blocus imposé par Israël au Liban, nous avions besoin de communiquer avec les autorités israéliennes afin de sécuriser les « corridors humanitaires ».

Pour être bref, je dirai que nous cherchons à atteindre quatre objectifs.

Notre premier objectif est évidemment de consolider le cessez-le-feu qui a été rendu possible par la résolution 1701, votée à l'unanimité du Conseil de sécurité des Nations unies dans la nuit du 11 au 12 août dernier, à New York. La diplomatie s'est mobilisée pour faire voter cette résolution. Il faut maintenant qu'elle s'engage à la faire respecter sur le terrain.

Aujourd'hui, les hostilités ont cessé, mais je tiens à insister sur l'importance de la levée du blocus israélien, aérien et maritime, au Liban, à la fin de la semaine dernière, ce qui représente une application très importante de la résolution 1701. Mais la situation reste très fragile.

Il faut donc consolider ces acquis en progressant sur les autres volets de ladite résolution, ce qui passe par la poursuite du fameux « double mouvement », à savoir le déploiement de l'armée libanaise au sud du pays et le retrait israélien, avec une FINUL renforcée. Cela est en bonne voie. Mais cette consolidation passe aussi par l'achèvement du retrait des troupes israéliennes au sud de la « ligne bleue ». Je suis sûr que celui-ci pourra être réalisé rapidement.

Le deuxième objectif concerne le processus politique : le Président de la République l'a toujours dit, la moindre présence d'une force multinationale sur le terrain est impossible sans processus politique.

Ce processus politique est inscrit dans la résolution 1701 Il concerne, bien évidemment, le sort des prisonniers libanais retenus en Israël, la libération immédiate et sans condition des deux prisonniers israéliens, la question des fermes de Chebaa, ce problème étant inscrit pour la première fois, noir sur blanc, dans une résolution des Nations unies, et le désarmement du Hezbollah, sur lequel je reviendrai. C'est le plan en sept points du gouvernement de Fouad Signora qui a été repris.

Cela implique également une lecture très attentive du rapport qu'établira le secrétaire général des Nations unies après la longue tournée qu'il va effectuer dans la région.

Le troisième objectif, c'est la reconstruction du Liban. Lors de la conférence de Stockholm, 940 millions de dollars ont été annoncés à cette fin, dont 40 millions d'euros pour la France.

Pour autant, nous réfléchissons déjà, avec les autorités libanaises, à la reconstruction du Liban sur le long terme ; une réunion sur ce thème pourrait se tenir à Beyrouth, si les conditions sont favorables, ou à Paris.

Le Premier ministre a chargé M. Jean-Pierre Jouyet, chef de l'Inspection des finances, d'une mission interministérielle sur ce sujet. Celui-ci vient de se rendre au Liban pour procéder à une première évaluation de la situation et des besoins du pays dans les différents domaines liés à la reconstruction.

Permettez-moi de formuler une remarque : s'il faut financer la reconstruction du Liban, la France, l'Union européenne et la communauté internationale seront présentes. Mais nous aimerions, je le dis à titre personnel, que les pays du Golfe soient également présents.

Le quatrième objectif dépasse le cadre du Liban puisqu'il concerne l'émergence d'une solution globale au Proche-Orient, évoquée par MM. Bret, Gouteyron et Mauroy.

Le conflit au Liban a permis de mettre en relief l'imbrication des crises qui existent au Moyen-Orient et, notamment, le conflit israélo-palestinien, qui est la clef de toutes ces crises. Il n'y aura jamais de stabilité dans cette région tant que le conflit israélo-palestinien ne sera pas réglé. Or celui-ci, comme le conflit israélo-libanais, ne peut recevoir de solution militaire. Il est donc urgent de créer les conditions d'une relance des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens.

Différentes initiatives ont été prises. Ainsi, la Ligue arabe a proposé que le Conseil de sécurité ouvre la voie à une résolution permettant de relancer le processus de paix. L'Égypte a, quant à elle, suggéré au Conseil de sécurité d'organiser une discussion entre les deux parties.

Il faut cependant rester prudent, car la pire des choses serait une division de la communauté internationale sur ce sujet au sein du Conseil de sécurité. Malheureusement, nous avons assisté à des échecs successifs au cours des dernières années.

Le Président de la République a proposé une voie qui, une fois de plus, devrait être suivie par la communauté internationale : demander au Quartet de donner une nouvelle impulsion à la relance du processus de paix. Cette proposition sera débattue lors de l'Assemblée générale des Nations unies, à New York, où je me rendrai la semaine prochaine aux côtés du Président de la République.

Dans ce contexte, l'annonce par le président Mahmoud Abbas de la mise en place, tant attendue, d'un gouvernement d'union nationale représente une évolution importante pour la région, car elle peut permettre de sortir de l'impasse dans laquelle se trouvait le processus de paix depuis les élections générales palestiniennes et la victoire du Hamas.

La communauté internationale espère ainsi faire admettre à l'ensemble des Palestiniens trois principes : la reconnaissance d'Israël, celle des accords signés entre Israël et l'OLP et, comme l'a dit le président de la commission des affaires étrangères du Sénat à plusieurs reprises, au cours de cette année, le renoncement explicite et public à la violence.

Je compte me rendre très prochainement - probablement vendredi, samedi et dimanche prochain - dans les territoires palestiniens et en Israël pour faire le point de la situation avec les principaux acteurs du processus de paix.

En conclusion, permettez-moi de revenir sur deux sujets qui ont été abondamment évoqués par les orateurs : d'une part, le Hezbollah et, d'autre part, le rôle joué par les pays limitrophes du Liban, c'est-à-dire l'Iran et la Syrie.

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Pierre Mauroy, se sont interrogés à propos du désarmement du Hezbollah. Le désarmement de toutes les milices, y compris du Hezbollah, est prévu dans la résolution 1701 ; celle-ci tient compte des accords de Tahef et fait mention de la résolution 1559 des Nations unies visant le désarmement de toutes les milices, donc le Hezbollah.

Tel est l'objectif non seulement de la communauté internationale, mais aussi, et surtout, des Libanais, qui ont engagé un dialogue national au début de l'année, lequel doit se poursuivre.

On me dit souvent que je serais naïf de croire au désarmement du Hezbollah. Or la solution purement militaire n'est pas possible ; nous avons pu le constater avec Israël, qui connaît mieux que personne chaque mètre carré du Sud-Liban.

La seule solution, c'est celle qui a été retenue le 16 août au soir, lorsque l'ensemble du conseil des ministres libanais a approuvé la résolution 1701, qui prévoit le désarmement du Hezbollah. Or des ministres présents étaient proches du Hezbollah. L'unique possibilité, c'est de faire passer le Hezbollah de sa condition de milice armée à celle de parti politique. C'est tout l'enjeu, c'est tout l'espoir de la diplomatie française, derrière le Président de la République.

Le dialogue national qui a été engagé permet de mener une réflexion sur la stratégie du gouvernement libanais en matière de défense nationale et d'organisation de l'armée libanaise. Comme plusieurs d'entre vous l'ont dit, en particulier M. Gouteyron, ce qui est en cause, c'est la souveraineté libanaise. Or il n'y a pas de souveraineté d'un pays sans armée. Ce sont les Libanais qui devront décider de la manière de conduire à bon port le désarmement des milices. Le conflit l'a montré, nous ne trouverons d'issue à cette situation que par la voie du dialogue.

Enfin, nous attendons une pleine contribution des pays de la région à la mise en oeuvre de la résolution 1701. Toute violation de cette résolution risquerait de compromettre le cessez-le-feu, donc la recherche d'une solution durable. Parmi ses dispositions figure l'embargo sur les armes. Je peux comprendre les Israéliens, qui ne voulaient pas lever le blocus tant qu'ils n'étaient pas sûrs de la mise en place d'un embargo sur la livraison d'armes.

J'en viens à l'Iran et à la Syrie. Comme l'a rappelé M. Vinçon, l'Iran aspire à se voir reconnaître un rôle régional de premier plan. Nous devons, M. le Premier ministre l'a souligné, l'encourager par le dialogue à assumer ses responsabilités en agissant en faveur de la stabilité.

Nous serons vigilants et attentifs aux gestes que feront les autorités de Téhéran pour faire baisser la tension au Liban, comme dans le reste de la région. Ce sera l'occasion de mesurer la volonté de l'Iran de jouer à l'avenir un rôle constructif dans la recherche de la paix.

Évidemment, nous avons pris connaissance du rapport de M. El Baradei, directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, qui indique que l'Iran ne joue pas le jeu : aujourd'hui, l'Iran n'est pas en conformité avec la résolution 1696 votée par le Conseil de sécurité le 31 juillet dernier, résolution qui oblige ce pays à suspendre ses activités d'enrichissement de l'uranium.

À ceux qui parlent de l'esprit de Münich, à ceux qui souhaitent une confrontation, je dirai que, jusqu'au dernier moment, il faudra que la France et les amis de la France continuent à croire au dialogue, car le choc des civilisations, qui oppose, d'un côté, l'Orient et, de l'autre, l'Occident, serait dramatique pour l'ensemble de la planète. Tendons la main à l'Iran pendant qu'il en est encore temps et demandons-lui de savoir raison garder.

Monsieur Zocchetto, je n'ai pas rencontré le Président iranien, mais je me suis entretenu avec le ministre iranien des affaires étrangères à Beyrouth. Permettez-moi de trouver votre propos paradoxal : vous doutez du bien-fondé du dialogue et de la diplomatie en Iran au moment même où vous soulignez qu'aucune solution militaire ne peut régler le problème du Moyen-Orient. Nous n'y parviendrons que par le dialogue !

Madame Voynet, la France a soutenu, à plusieurs reprises, la proposition du président égyptien, M. Moubarak, visant à préserver le Moyen-Orient d'armes de destruction massive.

S'agissant de la Syrie, l'expérience conduit à la vigilance. Les autorités de Damas doivent respecter les règles du jeu fixées par la communauté internationale.

Nous avons fait voter, à l'unanimité, la résolution 1595, y compris par la Ligue arabe, qui était présente au Conseil de sécurité. Il faut que la Syrie respecte cette résolution, qui a créé une commission d'enquête internationale sur l'assassinat de députés, de journalistes, de civils et du Premier ministre Rafic Hariri. Cela vaut également pour les résolutions 1701 et 1550.

Comme l'a dit le Président de la République, le retour de la Syrie dans le concert des nations ne pourra intervenir que si celle-ci remplit les obligations internationales qui s'imposent à elle comme aux autres pays.

En situation de crise, lorsqu'on voit clair au départ, on est suivi par les autres. Or je pense que le Président de la République a vu clair dans cette crise dès le début, et ce pour l'unique raison qu'il s'est situé dans la droite ligne du respect des principes universels de notre pays : le respect de la souveraineté des peuples, le respect de la souveraineté territoriale d'un pays et le respect de l'indépendance nationale. De plus, le Liban est un ami de toujours. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Message

M. le président. Mes chers collègues, je vais vous donner lecture du texte du message qui m'a été demandé :

« Réuni en séance publique pour répondre à la déclaration du Gouvernement sur la situation au Proche-Orient, le Sénat a tenu à exprimer à l'unanimité le sentiment profond de solidarité qui lie la France au Liban, ami historique de notre pays.

« Il a, sur l'ensemble des travées, tenu à saluer la manière exemplaire dont les services de l'État, sur place et à Paris, mais aussi de nombreux bénévoles, ont su se mobiliser pour assurer les secours et organiser, dans l'ordre et avec humanité, les opérations d'évacuation et de protection de nos compatriotes.

« Il demande au Gouvernement de transmettre à l'ensemble des personnels civils et militaires la reconnaissance et le soutien du Sénat de la République.  (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)

Le débat est clos.

Acte est donné au Gouvernement de sa déclaration, qui sera imprimée sous le numéro 481 et distribuée.

5

TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) 639/2004 du Conseil relatif à la gestion des flottes de pêche enregistrées dans les régions ultrapériphériques.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3237 et distribué.

6

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 13 septembre 2006, à quinze heures et le soir :

Discussion du projet de loi (n° 433, 2005-2006) relatif à la prévention de la délinquance.

Rapport (n° 476, 2005-2006) de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois.

Avis (n° 477, 2005-2006) présenté par M. Nicolas About, au nom de la commission des affaires sociales.

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD