M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, en remplacement de M. François Vendasi, auteur de la question n° 1221, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, M. Vendasi, sénateur de Haute-Corse, empêché, m'a demandé de me faire son interprète pour exposer la question qu'il a souhaité poser à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
La question de la vie chère en Corse et celle de ses conséquences sur l'économie locale restent, malheureusement, pleinement d'actualité, comme chacun peut le constater au quotidien. La population de Haute-Corse en subit les effets, tant sur les prix des carburants et des matières premières que sur celui de nombre de produits de consommation courante. Cette situation frappe injustement une population déjà pénalisée par les contraintes de l'insularité.
Le Gouvernement s'était engagé à prendre des mesures dont les Corses attendent toujours la concrétisation.
Face à cette situation et à l'inertie manifeste des pouvoirs publics, il serait bon qu'un observatoire régional des prix, doté de véritables moyens, procède à une analyse des rouages qui conduisent à cet écart de prix avec le continent. L'État doit exercer un véritable contrôle sur les mécanismes, locaux ou non, qui génèrent cette dérive des prix à la consommation.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour résorber cette injustice ? Monsieur le ministre, la Corse attend du Gouvernement des réponses adaptées à ses préoccupations.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, je suis, moi aussi, conduit à remplacer mon collègue M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pour répondre à la question posée par M. Vendasi.
Cette dernière concerne la vie chère en Corse et ses conséquences, tant sur la population que sur l'économie locale. Cette question, importante, a mobilisé plusieurs services de l'État. Comme vous le savez, deux études sur l'évolution des prix sont en cours.
La première, réalisée par l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE, porte sur la comparaison des prix des produits de grande consommation entre la Corse et le continent, seul grand domaine sur lequel des différences existent structurellement, et la seconde, effectuée par la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DRCCRF, concerne les prix des carburants.
Selon l'enquête de comparaison des prix, qui s'est déroulée au mois de mars 2006 dans les agglomérations d'Ajaccio et de Bastia, les prix des produits alimentaires sont, en Corse, supérieurs de 6 % à ceux qui sont pratiqués en Île-de-France et de 9,7 % à ceux qui ont cours dans le Sud-Est de la France, à savoir en Languedoc-Roussillon et en Provence - Alpes - Côte-d'Azur. Les différences sont particulièrement sensibles sur les produits frais et les boissons alcoolisées. Cependant, par rapport à 1995, date de la dernière comparaison spatiale, les écarts de prix des produits alimentaires se sont réduits de 2 %.
S'agissant des carburants, les prix sont également plus élevés que sur le continent - un litre d'essence sans plomb 95 coûte 10 centimes d'euro de plus - du fait, notamment, d'une structure des prix et d'un mode de distribution différents : la Corse compte six à sept fois plus de stations-service par habitant que le continent, ce qui s'explique par les spécificités géographiques - prédominance de zones rurales ou de montagne - et techniques - localisation des raffineries.
Tirant les conclusions de ces études, dont les résultats ont été présentés au mois de novembre 2006 au comité régional pour l'information économique et sociale, le préfet de Corse a demandé une analyse des mécanismes de formation des prix des produits frais - fruits et légumes - pour comprendre les raisons pour lesquelles lesdits produits sont plus chers que sur le continent. Un groupe de travail, piloté par l'INSEE, a été constitué et tiendra sa première réunion demain, 7 février, en présence de représentants de la grande distribution.
Par ailleurs, une seconde étude est engagée pour mesurer l'impact du transport sur le coût de la vie afin de disposer prochainement de données objectives et partagées sur ces deux sujets. Enfin, en 2007, l'INSEE rendra publique une enquête sur le coût du logement en Corse.
Vous voyez que les pouvoirs publics, loin de rester inactifs, restent mobilisés sur le sujet du niveau des prix en Corse, au-delà des efforts budgétaires substantiels que vous n'ignorez pas, qu'ils prennent la forme d'aides directes - comme la subvention de continuité territoriale ou la prime de transport accordée à tous les fonctionnaires de l'État, des collectivités locales et des hôpitaux - ou de taux réduits de TVA sur l'ensemble des produits, notamment sur les produits alimentaires, sur la restauration ou sur les carburants.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Je souhaite simplement remercier M. le ministre, au nom de M. Vendasi.
4
NOMINATION D'un MEMBRE D'UN organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des finances a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Jacques Jégou membre du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire vietnamienne
M. le président. Mes chers collègues, il m'est particulièrement agréable de saluer la présence, dans nos tribunes, d'une délégation de l'Assemblée nationale vietnamienne conduite par M. Ho Duc Viet, président de la commission des sciences et technologies, qui effectue en France, à notre invitation, une mission d'étude sur le nucléaire civil. Cette délégation est accompagnée par notre collègue M. Gérard Miquel.
Je suis convaincu que cette visite contribuera à développer plus encore les relations déjà très intenses entre nos deux assemblées.
Au nom du Sénat, je lui souhaite la bienvenue et je forme des voeux pour que son séjour en France contribue à renforcer les liens et l'amitié entre nos deux pays. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
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Dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'Outre-mer.
Adoption des conclusions des rapports de commissions mixtes paritaires
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions des rapports des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion des projets de loi organique et ordinaire portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer (n°s 187 et 188).
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici enfin parvenus au terme du long processus législatif voulu par le Gouvernement visant à moderniser l'outre-mer et à lui permettre de profiter de toutes les innovations et avancées instaurées par la réforme constitutionnelle de 2003.
Comme vous vous le rappelez, en octobre dernier, le Sénat s'est prononcé en première lecture sur ces dispositions contenues dans une loi organique et une loi ordinaire de grande ampleur, puisque ce n'est pas moins d'environ un millier d'articles de codes et de diverses lois qu'il lui incombait d'examiner.
Trois objectifs essentiels étaient affichés : l'attribution de pouvoirs normatifs aux départements et régions d'outre-mer, leur permettant, après habilitation par la loi, d'adapter les lois et règlements à leurs caractéristiques et contraintes particulières ; l'actualisation des statuts de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon et des adaptations ponctuelles pour les autres collectivités ; enfin, la création de deux nouvelles collectivités d'outre-mer, conformément au voeu des populations concernées, à savoir Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ainsi détachées de la Guadeloupe.
Au cours de la première lecture, le Sénat, après de larges consultations et en accord avec le Gouvernement, a préconisé une nouvelle approche par rapport aux projets initiaux, visant à instaurer un nouvel équilibre, lequel a abouti à une meilleure prise en compte des attentes des citoyens. En particulier, il a accordé, dès le départ, l'autonomie à Saint-Martin et a réaffirmé de manière plus concrète, à l'aide d'un calendrier plus contraignant, le droit de Mayotte à la départementalisation.
Pragmatisme, proximité des institutions et responsabilité des élus ont servi de fils conducteurs à nos débats pour l'adoption de dispositions législatives alliant respect de l'intérêt général, adaptation au terrain et efficacité.
Au cours de sa première lecture, qui s'est déroulée à la fin de janvier, l'Assemblée nationale a conservé l'approche retenue par le Sénat, ce dont nous pouvons nous féliciter. Mis à part quelques points plus politiques, dont nous parlerons plus loin, l'Assemblée nationale s'est surtout attachée à améliorer la qualité juridique et rédactionnelle des textes, dont l'ampleur et la complexité méritaient cette double vérification de la part du Parlement. Un très gros travail de codification, que je tiens à saluer, a donc été entrepris, auquel la délégation du Sénat à la commission mixte paritaire a, bien entendu, apporté son appui.
Au total, ces textes ont fait l'objet de plus d'un millier d'amendements de la part des deux assemblées : 476 amendements au Sénat, dont 356 de la commission des lois, et 646 amendements à l'Assemblée nationale. La plupart des amendements adoptés par l'Assemblée nationale étant d'ordre technique ou rédactionnel et ne soulevant donc pas de difficultés particulières, les délibérations de la commission mixte paritaire purent se tenir dans d'excellentes conditions en se limitant aux quelques points de divergence, dont le nombre comme la portée restaient - il faut bien le reconnaître - tout relatifs. Ce sont ces points que je vais aborder à présent.
Les premiers portent sur l'application de la loi organique.
S'agissant de Mayotte, l'Assemblée nationale donnait à des conseillers généraux, sans autre précision, conjointement avec le représentant de l'État, le pouvoir d'initiative pour aménager ou modifier l'assiette fiscale. Un pouvoir identique d'initiative leur était également confié en matière douanière. La commission mixte paritaire est revenue au texte du Sénat, qui limite au seul représentant de l'État ce pouvoir d'initiative.
S'agissant de Saint-Barthélemy, les dispositions selon lesquelles une durée de résidence de cinq ans serait nécessaire pour pouvoir bénéficier du régime fiscal local n'apportaient aucune précision quant au régime fiscal applicable pendant cette période, ce qui était tout de même très regrettable. La commission mixte paritaire a donc complété le texte de la loi organique pour indiquer que les personnes physiques ou morales qui ne remplissent pas la condition de résidence des cinq ans sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en métropole, quelle que soit leur nationalité. Ainsi est évité tout risque d'évasion fiscale.
S'agissant du régime indemnitaire des conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, la commission mixte paritaire a estimé, sur proposition du Sénat, que la solution la plus équilibrée, compte tenu des compétences nouvelles, de l'environnement et des conditions de vie de ces collectivités, était d'aligner les indemnités des conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin sur celles des conseillers généraux de Guadeloupe. Ensuite, par cohérence, les indemnités des conseillers territoriaux de Saint-Pierre-et-Miquelon ont été alignées sur celles des deux nouvelles collectivités.
La collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, quant à elle, dispose déjà d'un Conseil économique et social. Comme était prévue à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin la création d'un Conseil économique, social et culturel, le Sénat, par souci de cohérence, avait étendu en première lecture cette appellation à Saint-Pierre-et-Miquelon. L'Assemblée nationale l'ayant par la suite complétée en étendant ses compétences en matière « éducative ou environnementale », il est apparu préférable à la commission mixte paritaire de revenir à la rédaction plus simple du Sénat, qui couvre déjà l'ensemble de ces questions, et de garder la cohérence qui avait été prévue en première lecture par la Haute Assemblée.
Au sujet du régime électoral, nous avons eu des discussions approfondies.
Pour Saint-Barthélemy, l'Assemblée nationale avait introduit une prime majoritaire de la moitié des sièges au lieu de la prime du tiers votée par le Sénat. La commission mixte paritaire est finalement revenue à la rédaction proposée par le Sénat et a donc réintroduit la prime du tiers. Il en a été exactement de même pour Saint-Martin : la commission mixte paritaire a réintroduit la prime du tiers.
En revanche, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, la question fut traitée différemment : dans la mesure où l'actuel conseil général, qui a été élu récemment avec une prime majoritaire de la moitié et qui doit se transformer en conseil territorial une fois que les lois auront été promulguées, et où il existe des communes - ce n'est pas le cas à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin -, à savoir Saint-Pierre et Miquelon, la commission mixte paritaire ne m'a pas suivi - c'est d'ailleurs la seule fois où elle ne l'a pas fait - et a préféré le maintien d'une prime de la moitié des sièges.
Ce choix est finalement intéressant sur le plan du droit, et c'est la raison pour laquelle je ne m'y suis pas opposé. En effet, il va permettre au Conseil constitutionnel de préciser sa jurisprudence en matière de prime majoritaire. Comme vous le savez, je m'étais déjà interrogé, lors de la première lecture, sur la question de la prime du tiers des sièges par rapport à celle qui, initialement, avait ma faveur, c'est-à-dire celle du quart des sièges. Nous saurons donc, dans l'avenir, puisque la loi organique doit obligatoirement être soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, jusqu'où il sera possible d'aller pour assurer une majorité stable sans contrevenir aux impératifs démocratiques. La respiration démocratique, chère à beaucoup d'entre nous, doit pouvoir s'exercer : le Conseil constitutionnel nous dira donc s'il estime qu'elle le peut dans ces conditions à Saint-Pierre-et-Miquelon ou si tel n'est pas le cas.
Pour la Polynésie, la commission mixte paritaire a validé l'amendement voté par l'Assemblée nationale supprimant la prime majoritaire du tiers pour les élections à l'Assemblée de Polynésie.
S'agissant de la création d'un siège de député pour Saint-Barthélemy et d'un siège de député pour Saint-Martin, la commission mixte paritaire a validé les dispositions arrêtées par l'Assemblée nationale visant à procéder à cette création lors du renouvellement qui suivra celui de 2007. Ce n'est donc pas tout de suite qu'il y aura des députés spécifiques à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy !
Pour ce qui est de la création de sièges de sénateur à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, compte tenu du choix de l'Assemblée nationale de ne pas recourir à des élections partielles pour les sièges de députés des deux nouvelles collectivités et de renvoyer l'élection de députés aux élections législatives qui suivront celles de juin 2007, le Sénat a dû s'aligner, par cohérence, sur ce dispositif et a donc présenté en commission mixte paritaire un amendement, qui a été adopté : cette dernière a renoncé à la rédaction initiale, fondée sur une élection partielle dans le courant de 2007, pour adopter un dispositif selon lequel les sénateurs des deux nouvelles collectivités seront élus lors du renouvellement normal de 2008 et rattachés à la série ainsi renouvelée.
Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que vous pouvez le constater, un seul point, à savoir la prime majoritaire de la moitié des sièges à Saint-Pierre-et-Miquelon, a fait l'objet d'une divergence de vue - et encore était-elle limitée ! - entre les délégations du Sénat et de l'Assemblée nationale au sein de la commission mixte paritaire. Pour tout le reste, y compris la loi ordinaire, comme nous allons le voir maintenant, l'accord fut total, ce qui mérite d'autant plus d'être souligné que ces dispositions créent ou modifient plus d'un millier d'articles législatifs.
Il me faut ajouter que cet accord fut d'autant plus facile à obtenir que les deux rapporteurs partageaient le même point de vue. À cet égard, je tiens à rendre hommage aux qualités d'écoute, de compréhension et d'ouverture que j'ai trouvées auprès du rapporteur pour l'Assemblée nationale, M. Didier Quentin.
Je terminerai donc mon propos en évoquant la loi ordinaire.
Monsieur le ministre, le seul problème qui appelle quelques commentaires a trait aux amendements fort longs qui ont été déposés en dernière minute par le Gouvernement sur Mayotte. Loin d'être des amendements de simple rédaction, ils sont d'une grande complexité et, vu les conditions de leur dépôt, ils n'ont pu faire l'objet d'un examen approfondi par le Parlement. Certes, nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, à vous et au Gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas nous ! (Sourires.)
M. Christian Cointat, rapporteur. Au moins la majorité fait confiance au Gouvernement, mon cher collègue !
Permettez-moi néanmoins, monsieur le ministre, de souligner - et cela devrait satisfaire nos collègues de gauche - que cette méthode est loin d'être la meilleure et qu'elle devrait donc rester exceptionnelle.
M. Jean-Pierre Fourcade. Certes !
M. Bernard Frimat. Tactique d'urgence !
M. Christian Cointat, rapporteur. Il est, en effet, de l'intérêt de tous, y compris du Gouvernement, que le législateur puisse remplir sa mission dans les meilleures conditions de transparence et d'information.
Vous comprendrez donc que des dispositions adoptées à la hâte et touchant par exemple, pour n'en citer que celle-ci, à l'urbanisation des cinquante pas géométriques et aux zones classées puissent soulever mon inquiétude et celle de l'ensemble de nos collègues.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire, sur proposition du Sénat, a bien entendu adapté le collège électoral sénatorial des deux nouvelles collectivités pour que seuls les nouveaux députés de ces collectivités s'y ajoutent le moment venu. En outre, une disposition a été adoptée pour prolonger le bénéfice de l'octroi de mer jusqu'au 1er janvier 2009, afin d'accompagner, essentiellement, la nouvelle collectivité de Saint-Martin.
Enfin, puisque la possibilité pour le conseil général de Mayotte de demander la départementalisation a été avancée à 2008 par l'Assemblée nationale, il a semblé utile à la commission mixte paritaire, sur proposition du Sénat, d'avancer à la même période la date butoir pour choisir nom et prénom pour la régularisation de l'état civil, afin de donner un signal fort aux Mahorais en vue de cette départementalisation.
Compte tenu de tout ce qui précède, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. Ainsi, non seulement l'outre-mer disposera d'un ensemble normatif moderne, novateur, efficace et de première qualité, mais il sera même en avance sur la métropole, car ce sera lui, et je m'en félicite tout particulièrement, qui sera désormais à la pointe du progrès ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, conformément à l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement vous soumet pour approbation les textes élaborés par la commission mixte paritaire sur les projets de loi organique et de loi ordinaire portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.
Monsieur le rapporteur, vous l'avez à juste titre souligné, la commission mixte paritaire a pu aboutir assez aisément, semble-t-il, à l'élaboration de textes communs. Que ses membres en soient chaleureusement remerciés ! Cet heureux aboutissement est d'autant plus remarquable que les deux projets de loi présentent, comme nous avons pu le constater dans le cadre de nos discussions ici même, un caractère à la fois dense, volumineux et très technique. Ils procèdent à la création de deux nouvelles collectivités, actualisent le statut de trois autres et apportent plus généralement au droit de l'outre-mer une nouvelle et indispensable modernisation.
Au-delà des améliorations rédactionnelles, inévitables pour des textes de cette ampleur, la commission mixte paritaire a pu dégager un accord, qui mérite d'être salué, sur un certain nombre de points encore en discussion.
Il s'agit, en premier lieu, de la question de la représentation parlementaire des deux nouvelles collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
Le Gouvernement a proposé à l'Assemblée nationale de ne faire entrer en vigueur la création des deux sièges de député qu'à l'occasion du renouvellement général de l'Assemblée nationale qui suivra celui de juin 2007. Aux yeux du Gouvernement, cette entrée en vigueur différée permet de lever tous les obstacles de nature constitutionnelle : la question d'une nouvelle délimitation des circonscriptions législatives pourra ainsi trouver une occasion d'être réglée avant l'élection de ces deux nouveaux députés. Ce faisant, nous répondons au souhait du Conseil constitutionnel.
De même, la commission mixte paritaire a proposé que la représentation des deux nouvelles collectivités d'outre-mer au Sénat n'intervienne qu'à l'occasion du renouvellement triennal de septembre 2008.
Pour les sénateurs, l'exigence d'un renouvellement partiel de la Haute Assemblée, posée par l'article 32 de la Constitution, peut être lue comme prohibant l'entrée en vigueur effective de nouveaux sièges dans l'intervalle d'un renouvellement. Je note que, lors des précédentes créations de sièges de sénateur, le parti a toujours été pris d'échelonner leur entrée en vigueur au fil des renouvellements triennaux ultérieurs. Nous sommes donc, en l'occurrence, dans un parfait parallélisme des formes.
En second lieu, s'agissant de la question des indemnités versées aux élus pour l'exercice effectif de leurs fonctions, la commission mixte paritaire a retenu, à juste titre, un montant identique à celui qui est versé aux élus départementaux de la Guadeloupe, étant précisé que le projet de loi organique se borne à fixer des plafonds, que les collectivités sont libres de ne pas atteindre, conformément à la règle en vigueur dans toutes nos collectivités territoriales.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait !
M. François Baroin, ministre. Cet ajustement permettra ainsi de clore une polémique inutile et d'assurer à ces élus de collectivités dotées de très importantes compétences, puisqu'elles cumulent les pouvoirs normalement dévolus en droit commun à plusieurs niveaux de collectivités territoriales, une indemnité juste et proportionnée à leurs responsabilités.
Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous propose d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire, sous réserve de l'adoption de quatre amendements, dont trois sont à portée purement rédactionnelle, le quatrième étant un amendement de précision sur l'octroi de mer à Saint-Martin et à Saint Barthélemy. Je vous les présenterai un à un tout à l'heure.
À cet égard, monsieur le rapporteur, j'ai bien entendu vos remarques sur la méthode retenue par le Gouvernement. Je comprends et je respecte évidemment votre position. Ayant été moi-même parlementaire, je sais que, dans votre situation, on souhaite disposer du temps nécessaire pour approfondir les sujets abordés, et c'est tout à fait légitime. Cependant, vous voudrez bien accepter de considérer que nous étions, pour notre part, soumis à des obligations et à des contraintes, notamment sur le plan de l'application du droit : il ne nous était donc pas possible d'agir autrement.
Ne voyez donc là aucune mauvaise manière à votre égard. La méthode à laquelle nous avons dû recourir reflète au contraire notre souci, que vous partagez, d'avancer de façon équilibrée sur des textes aussi importants que ceux-ci en termes de codification du droit en outre-mer.
Il appartient désormais au Gouvernement de prendre toutes les dispositions réglementaires nécessaires pour que l'application de ces deux textes ne connaisse aucun retard, compte tenu de l'importance de la gestion du calendrier. Les services de mon ministère ont ainsi d'ores et déjà commencé à rédiger les décrets d'application des deux lois. J'entends, en particulier, agir très rapidement pour que la création des deux nouvelles collectivités d'outre-mer entre dans sa phase concrète, eu égard aux délais très brefs impartis, à l'issue de nos débats, notamment par la loi organique.
Je rappelle que le Gouvernement devra également prolonger la modernisation du droit de l'outre-mer, par voie d'ordonnance, dans des domaines éminemment sensibles pour la qualité de la vie de nos concitoyens. Je citerai, à titre d'exemple, la bioéthique, les droits des malades, la sécurité publique, le renforcement de la lutte contre l'immigration clandestine - sujet qui a suscité ici de fréquentes et de longues discussions -, la destruction des constructions illicites sur le domaine des collectivités publiques ou encore la sécurité civile.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le débat a été riche et dense, et je me félicite de l'unanimité politique qui s'est dégagée autour de ces textes, au Sénat d'abord, ce qui a sans doute permis de donner le ton, puis à l'Assemblée nationale. Cela montre en outre que nous avons tous, les uns et les autres, bien et beaucoup travaillé.
Disant cela, je pense évidemment aux services de mon ministère. Après tout, pour reprendre cette magnifique formule de Sacha Guitry, « il faut dire du bien de soi, parce que ça se répète et qu'on oublie toujours qui a commencé ! » Mais je veux surtout saluer votre degré d'implication, monsieur le rapporteur, ainsi que celui du président de la commission des lois, M. Hyest, dont chacun connaît la passion pour l'outre-mer et son évolution, notamment sur le plan juridique. Votre contribution a véritablement permis d'apporter des éclairages supplémentaires pour aboutir à des textes de grande qualité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez une fois de plus démontré le vif intérêt de la commission des lois du Sénat pour les questions relatives à l'outre-mer...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. François Baroin, ministre.... et, plus généralement, l'indispensable apport de la Haute Assemblée à l'amélioration de la qualité de notre législation.
Nous espérons tous naturellement que ces deux textes, par leur portée et par le consensus auquel a jusqu'à présent donné lieu leur adoption dans chacune des deux assemblées - et cela laisse présager une suite heureuse -, marqueront durablement et significativement le droit de l'outre-mer.
La Haute Assemblée a ainsi fait honneur à l'éminente responsabilité qui lui est reconnue par l'article 24 de la Constitution dans la représentation des collectivités territoriales de la République, responsabilité que le pouvoir constituant a d'ailleurs renforcée par le droit de priorité conféré au Sénat dans l'examen des textes sur les collectivités territoriales.
En adoptant ce projet de loi organique et ce projet de loi ordinaire, vous allez sceller l'acte de naissance de deux nouvelles collectivités d'outre-mer au sein de la République Française. C'est un événement rare qu'il convient de saluer.
Le débat démocratique qui a présidé à cette double naissance a été exemplaire. Je n'ai pas besoin de rappeler devant vous l'engagement du chef de l'État sur ce sujet : engagement pris, engagement tenu, parole respectée !
Réforme constitutionnelle, référendum local sur un projet approuvé par les élus locaux, travail en commission, adoption par les deux chambres et, enfin, accord de la commission mixte paritaire : nous voici parvenus au terme
D'un long cheminement, à l'échelle de la législature, qui nous permet d'aboutir au respect de la parole donnée et à une évolution significative. C'est évidemment pour le ministre que je suis, à quelques encablures de la fin de cette législature, plus qu'une satisfaction. C'est la conscience d'une oeuvre partagée dans l'intérêt de l'outre-mer et dans l'intérêt de notre République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, vous l'avez rappelé, les deux projets de loi, organique et ordinaire, sur lesquels vient de rapporter notre collègue Christian Cointat ont été votés à l'unanimité des groupes politiques, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Voilà qui est suffisamment rare pour être signalé ! Il est permis de penser que cela a créé des conditions favorables à une issue positive de la commission mixte paritaire.
Mes amis Claude Lise, Serge Larcher et Jacques Gillot ont expliqué à cette tribune, lors de l'unique lecture par notre assemblée, puisque l'urgence avait été déclarée, tout le bien qu'ils pensaient de ces textes, qui accordent aux assemblées délibérantes des départements d'outre-mer et des régions d'outre-mer une habilitation pour adapter localement les lois et décrets ou pour fixer des règles dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi, même s'il était permis de considérer que, sur certains points, ces possibilités auraient mérité d'être encore élargies.
Il ne s'agit donc pas pour moi de m'opposer à des conclusions que le groupe socialiste approuve globalement. Je profiterai simplement de cette tribune pour formuler quelques remarques à l'intention du Conseil constitutionnel, saisi automatiquement de la loi organique et sans doute aussi - mais vous nous le confirmerez peut-être, monsieur le ministre - de la loi ordinaire qui l'accompagne, tout du moins si le Gouvernement prolonge les bonnes habitudes.
Notre vote global sera positif, mais nous tenons à affirmer notre opposition aux articles 7 et 7 bis du projet de loi organique.
L'article 7 bis modifie le régime électoral de la Polynésie. Vous nous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, il supprime la prime du tiers, créée dans cet hémicycle il y a à peu près trois ans.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Contre votre avis : vous avez donc satisfaction !
M. Bernard Frimat. Celle-ci avait été instituée, effectivement contre notre avis, pour permettre une majorité stable. Nous en prenons acte. À l'époque, nous avons dénoncé ce mode de scrutin fait « sur mesure » pour l'ancien président de la Polynésie, lequel avait « confectionné » ce qui devait lui assurer une présidence pérenne. Les électeurs polynésiens en ont décidé autrement et cette tentative s'est soldée, pour son auteur, par un échec.
Mes chers collègues, vous aviez taillé, contre notre avis, un costume sur mesure.
M. Michel Mercier. Nous avions voté contre !
M. Bernard Frimat. Certes, et je vous en donne acte, monsieur Mercier.
Ce costume sur mesure s'est finalement révélé trop large, ou trop étroit, je ne sais. En tout cas, il ne convient plus ! Il est donc urgent, nous disent nos collègues sénateurs et députés de la majorité, de remédier à cette situation.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De revenir à la situation ante !
M. Bernard Frimat. Pourquoi avait-on établi la prime majoritaire du tiers ? Pour permettre la mise en place d'une majorité stable. Et pourquoi propose-t-on, aujourd'hui, d'abandonner ce système ? Pour la même raison !
Il nous faut saluer cette performance, mes chers collègues : le même argument a servi, à la fois, à mettre en place la prime majoritaire et sert aujourd'hui à la supprimer. Peut-être, adoptera-t-on, demain, un système de demi-prime...
Ce qui me paraît important, en l'occurrence, c'est que nous légiférons sur mesure, à la demande d'une formation politique, représentée hier par M. Flosse, aujourd'hui par M Gaston Tong Sang, le nouveau président de la Polynésie. Celui-ci, profitant de sa présence le 14 janvier dernier dans la région parisienne, a en effet expliqué qu'il fallait de toute urgence saisir ce véhicule législatif pour supprimer la prime majoritaire, cause de tous les maux.
Cette méthode n'est pas admissible. La fonction du Parlement n'est pas de confectionner, à la demande, des systèmes électoraux sur mesure.
Je vous rassure : nous ne sommes, en aucune façon, attachés au système qui a été supprimé. Celui-ci avait d'ailleurs été établi dans des conditions détestables. Mais le système que l'on nous propose aujourd'hui, et qui diffère quelque peu du précédent, car des découpages ont eu lieu entre-temps, est mis en place dans des conditions tout aussi détestables.
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que l'article 24 de la Constitution conférait au Sénat la mission de représenter les collectivités territoriales de la République, responsabilité renforcée par le droit de priorité du Sénat dans l'examen des textes sur les collectivités territoriales. Ces pouvoirs sont si étendus que notre assemblée n'a pas discuté une seule minute, ni en commission ni en séance publique, du mode de scrutin présenté pour cette collectivité territoriale qu'est la Polynésie française ! Le Sénat s'est contenté, ou plutôt la majorité sénatoriale s'est contentée de prendre acte, en commission mixte paritaire, du système fabriqué par les députés.
Ce fut alors « embrassons-nous, Follevile », et la farce était jouée : M. Tong Sang est donc reparti avec le mode de scrutin qu'il était venu chercher !
Ce n'est pas une façon de travailler ! Le Sénat, habituellement jaloux de ses prérogatives de représentant des collectivités locales, se montre, en l'espèce, bien complaisant.
Une telle situation vous semble-t-elle normale ? Les assemblées parlementaires doivent-elles se transformer en tailleurs de costumes électoraux sur mesure ? C'est là un jeu éminemment dangereux !
Peut-être nous expliquera-t-on que, certes, il n'aurait pas fallu procéder ainsi. Et un autre véhicule législatif permettra de tout recommencer !
Ma deuxième interrogation porte sur la « prime sur mesure », dont nous avons déjà eu l'occasion de discuter, et je la formule, elle aussi, à l'usage du Conseil constitutionnel.
Ce dernier avait considéré qu'une telle prime majoritaire, aboutissant à modifier le résultat que donnerait une proportionnelle intégrale, était admissible à condition qu'elle permette d'assurer une majorité stable aux exécutifs locaux. Ce principe avait d'ailleurs inspiré la loi régionale, qui avait établi une prime majoritaire du quart.
Le Sénat, j'en donne acte à M. le rapporteur, avait essayé de mettre de l'ordre dans le système - quelle ambition, ou quelle témérité ! - et de traiter toutes les collectivités d'outre-mer selon le même mode, en retenant la prime majoritaire d'un tiers déjà en vigueur en Polynésie et en l'étendant à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cela semblait cohérent. Cela l'était même tellement que cela ne pouvait pas durer ! (M. le rapporteur sourit.)
Il existe donc, aujourd'hui, une prime à géométrie politique variable. Est-il conforme à la Constitution, à la sincérité du suffrage, de mettre en pratique un tel système ?
Nous avons maintenant, à Saint-Pierre-et-Miquelon, une prime majoritaire de 50 %, parce que cela fait tellement plaisir à M. Gérard Grignon, le député de cette collectivité, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, une prime de 33 % ; M. le rapporteur a, en effet, réussi à convaincre ses collègues que, dans ces deux îles, où siège une seule assemblée qui concentre tous les pouvoirs, la prime majoritaire de 50 % aurait pour conséquence de supprimer toute respiration démocratique. Et en Polynésie, pour les mêmes raisons, nous avons une absence de prime !
Rassurez-vous, mes chers collègues : les vaches constitutionnelles sont bien gardées !
S'il est loisible au législateur de prendre les mesures nécessaires pour assurer des majorités stables aux assemblées élues, a-t-il pour autant le droit d'adopter des positions contradictoires ? Comment peut-on atteindre le même but en mettant en place des primes majoritaires dont le taux diffère ?
Cette prime sur mesure donne lieu à une législation de circonstance !
M. Pierre-Yves Collombat. Bien sûr !
M. Bernard Frimat. Lorsque le Conseil constitutionnel se sera prononcé, en toute indépendance, bien entendu, nous saurons quelle est la véritable signification de cette prime majoritaire.
Troisième interrogation, que je soumets également à l'attention du Conseil constitutionnel : le respect du droit au suffrage est-il bafoué quand les élus ne correspondent pas au suffrage des électeurs ?
Une telle question peut paraître incongrue. En effet, jusqu'à présent, nous raisonnions, comme vous, monsieur le rapporteur, selon des schémas simples : nous pensions que, lorsque des électeurs choisissent majoritairement une liste, normalement, les candidats inscrits sur cette liste sont élus.
Or, à Saint-Pierre-et-Miquelon, cette méthode, qui faisait jusqu'à présent l'objet d'une assez large approbation, me semble-t-il, et selon laquelle la désignation des élus correspond au choix des électeurs, connaît une application plutôt particulière : c'est l'inverse qui se produit !
Est-il possible, et nous lirons avec intérêt les conclusions du Conseil constitutionnel sur ce point, de laisser perdurer un mode de scrutin qui produit les effets que je viens de signaler ?
Je ne développerai pas la démonstration, irréfutable, que nous avons déjà faite plusieurs fois. Mais supposons que, dans l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, la liste A arrive en tête et l'emporte avec 67 % des suffrages. Le mécanisme que vous avez inventé lui octroiera les quatre sièges dévolus à la section de Miquelon : deux au titre de la prime calculée sur l'archipel, et deux au titre de la répartition à la proportionnelle, qui se fait en fonction des voix obtenues.
La liste B peut avoir obtenu 99 % des suffrages des électeurs de Miquelon - voire 100 % si, dans un moment d'aberration, les candidats de la liste A votent pour la liste B -, cela ne changera rien : les élus de Miquelon appartiendront à la liste A.
Il s'agit, là encore, d'un petit chef-d'oeuvre d'habillage électoral sur mesure, concocté et préparé par le député de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui tenait beaucoup à ce mode de scrutin et à la prime majoritaire de 50 %. Il a obtenu satisfaction !
Mais pourquoi refuser aux populations locales la possibilité de choisir leurs propres règles et de ne pas respecter les principes de droit généraux et démocratiques ?
Il est dommage, monsieur le ministre, que cette loi sur l'outre-mer, que nous avons saluée et que nous voterons, soit polluée, pour de simples motifs d'amitié politique, par de tels petits arrangements polynésiens et miquelonnais.
Si le Conseil constitutionnel reste insensible à nos arguments, il faudra revenir, quand cela sera possible, sur ce que nous considérons - et je pense qu'il sera difficile de nous démontrer que nous avons tort - comme des scories issues d'un abus de position dominante.
Sous ces réserves et en réitérant très nettement l'opposition du groupe socialiste aux articles 7 et 7 bis du projet de loi organique, nous approuverons les dispositions proposées.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de notre discussion sur les deux projets de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.
Cela fait maintenant un peu plus de trois ans que les populations de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy se sont prononcées en faveur de leur autonomie : il était donc temps que les textes fixant leur nouveau statut et permettant les conditions de mise en oeuvre de leurs nouveaux pouvoirs normatifs soient enfin adoptés.
L'examen de ces textes à l'Assemblée nationale, puis la commission mixte paritaire ont permis d'améliorer les deux textes sur certains points, mais n'ont pas levé tous les doutes que nous avions pointés ici en première lecture.
En vertu de l'article 73 de la Constitution, les départements et régions d'outre-mer peuvent, après y avoir été habilités par la loi, adapter les lois et règlements à leurs caractéristiques et contraintes particulières ; c'est donc de ce pouvoir que disposeront les nouveaux conseils territoriaux de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, créés par le projet de loi organique.
Le texte initial était insatisfaisant sur le plan tant du régime de la demande d'habilitation des départements et régions d'outre-mer que du contrôle juridictionnel des actes pris par ces collectivités dans le domaine de la loi.
Sur ces deux points, les précisions nécessaires ont été apportées : les conditions de la demande d'habilitation sont mieux encadrées et a été inséré un chapitre instaurant un contrôle juridictionnel spécifique des actes du conseil territorial qui interviennent dans le domaine de la loi.
En revanche, il n'en va pas de même s'agissant du futur statut fiscal des deux îles de Saint-Martin et de Saint Barthélemy.
L'occasion se présentait, avec ce projet de loi organique, de remédier à une situation aussi incompréhensible qu'injuste, surtout en ce qui concerne Saint-Barthélemy. Cette île s'est dotée d'un statut fiscal totalement dérogatoire, contraire aux règles républicaines : l'exemption de toute fiscalité de redistribution est contraire à tous nos principes, je dirai même à certaines valeurs de notre République. Pourtant, malgré les nombreux recours déposés devant le Conseil d'État, l'exemption de fait des impôts locaux et de l'impôt sur le revenu perdure à Saint-Barthélemy.
La situation est la même concernant l'île de Saint-Martin, qui bénéficie du statut de port franc, et où les droits de douane ne sont pas perçus. Quant au recouvrement de l'impôt sur le revenu, il est loin d'être parfait.
L'état de droit n'existe ni à Saint-Martin ni à Saint Barthélemy, et les nouvelles dispositions proposées risquent de les en éloigner davantage. Le changement de statut reviendra, sur le plan fiscal, à pérenniser la situation actuelle de fait qui permet aux habitants de Saint-Barthélemy d'échapper à l'impôt.
Que ce soit à l'Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire, les arguments avancés par la majorité parlementaire ne nous ont pas convaincus.
Nous demandions qu'une évaluation des effets du régime fiscal des deux îles et de la répartition des dotations publiques soit réalisée avant que ce régime ne soit entériné.
En effet, l'État continuera à verser à Saint-Barthélemy la dotation globale de fonctionnement et la dotation globale d'équipement. Or, malgré l'absence de fiscalité directe, cette collectivité dispose de ressources importantes, tirées des activités touristiques : droits de quai, taxes sur les carburants ou autres taxes de séjour.
Est-il normal que la solidarité nationale soit mise à contribution dans une telle situation ?
Force est de constater que nous n'avons pas été entendus puisque le projet de loi entérine le régime fiscal dérogatoire de ces deux îles, sous couvert de la nécessaire autonomie à leur accorder en matière fiscale.
Ma dernière remarque concernera le droit électoral et la création des sièges de sénateur et de député dans les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Les modalités d'élection des conseillers territoriaux de ces deux collectivités étaient critiquables. En effet, elles avaient pour inconvénient de promouvoir le bipartisme et d'empêcher les listes d'opposition de se présenter au second tour. Même si le Sénat a modifié ces modalités d'élection afin de les rapprocher davantage des règles applicables au scrutin de liste, nous regrettons que l'Assemblée nationale et la CMP aient maintenu cette disposition, alors qu'en l'état actuel du droit l'accès au second tour est possible pour toute liste ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour.
En revanche, nous pouvons saluer l'initiative de l'Assemblée nationale d'avoir fait adopter un amendement prévoyant l'application de la parité sur les listes aux élections à l'assemblée délibérante de Saint-Barthélemy par alternance à chaque candidat, plutôt que par groupe de six candidats.
Enfin, se pose le problème de la création de sièges de sénateur et de député pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Ces créations soulèvent la question du corps électoral qui va élire ces sénateurs.
S'agissant de l'élection des deux députés, le rapporteur à l'Assemblée nationale, Didier Quentin, a exprimé quelques réserves que je me permets de citer ici : « La principale objection à l'encontre de la création de ces sièges de député concerne le respect du principe d'équilibre démographique entre les circonscriptions électorales, qui pourrait éventuellement fonder une censure du Conseil constitutionnel. (M. le président de la commission des lois fait un signe de dénégation.) Le Conseil constitutionnel considère en effet « que l'Assemblée nationale, désignée au suffrage universel direct, doit être élue sur des bases essentiellement démographiques ; que, si le législateur peut tenir compte d'impératifs d'intérêt général susceptibles d'atténuer la portée de cette règle fondamentale, il ne saurait le faire que dans une mesure limitée et en fonction d'impératifs précis ». »
La question est donc ouverte de savoir si la création d'un ou de plusieurs nouveaux sièges de députés pour les nouvelles collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin pose un problème au regard du principe d'équilibre démographique.
En raison du faible nombre d'habitants de ces deux îles, les sièges de député ainsi créés correspondraient à la représentation d'une fraction marginale de la population nationale. Alors, même si d'autres circonscriptions comprennent une population quelque peu inférieure à la moyenne nationale, la réflexion aurait mérité d'être un peu plus poussée quant à l'opportunité de créer ces sièges de sénateur et de député.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et comment !
Mme Éliane Assassi. Malgré ces quelques remarques, et malgré la déclaration d'urgence sur les deux projets de loi, je dois reconnaître que les débats menés dans les deux assemblées, puis en commission mixte paritaire, ont abouti à un texte équilibré.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, les élus du groupe communiste républicain et citoyen sont fortement attachés à l'autodétermination des populations.
Une évolution institutionnelle des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin était donc nécessaire : elle correspond au souhait exprimé par leurs habitants lors du référendum du 7 décembre 2003. C'est ce qui explique notre vote positif sur ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?....
La discussion générale commune est close.