M. Alain Vasselle. ...adressée aux préfets, demandant à la commission départementale de revoir les taux de subvention dans les secteurs d'intervention.
J'aimerais bénéficier sur ce point d'un éclairage de votre part, monsieur le ministre : ne s'agit-il pas d'une fausse interprétation ?
Je souhaiterais également appeler votre attention sur la refonte de la fiscalité locale. J'ai entendu le discours du Président de la République devant le Congrès des maires de France, la semaine dernière. Il annonçait la remise en chantier de la révision des bases des valeurs locatives, ce dont je ne peux que me féliciter. Je partage cependant les préoccupations de notre collègue Bernard Murat, qui demande que toute réforme de la fiscalité locale soit accompagnée d'études d'impact. En effet, le Président de la République a suggéré que la réforme des bases se fasse progressivement, chaque année, au fur et à mesure des mutations de propriété. Cette méthode créerait inévitablement, au fil du temps, des inégalités à l'intérieur d'une même commune et la situation deviendrait, à mon sens, complètement ingérable au niveau des conseils municipaux et des commissions communales des impôts. Je demande que l'on mesure bien les effets pervers qui pourraient résulter de l'application d'une telle disposition.
La deuxième idée avancée par le Président de la République était celle de la spécialisation de l'impôt. De nombreux rapports ont été produits sur le sujet, sans être jamais suivis d'effets. Monsieur le ministre, avez-vous quelques idées supplémentaires sur le sujet ? Le Président de la République vous a-t-il communiqué quelques indications qui nous éclaireraient sur les grandes lignes d'une réforme qui irait dans ce sens ? Je suis favorable à la spécialisation de l'impôt, lorsqu'il s'agit de la taxe professionnelle, et dans la mesure où les bénéficiaires en tirent de vrais avantages. Mais, le Président de la République l'a dit, il faut conserver un lien entre les bases et le territoire sur lequel les impôts sont levés.
Je souhaite donc que la Conférence nationale des exécutif, installée le 4 octobre 2007, inaugure une nouvelle méthode de travail, en assurant une vraie concertation et en associant réellement les élus locaux à l'élaboration des normes qui les concernent et de la réforme de la fiscalité locale.
Notre collègue Alain Lambert s'est vu confier une mission afin d'examiner les relations entre l'État et les collectivités territoriales. J'espère que les conclusions de ce rapport traceront des perspectives plus souriantes, confortant l'autonomie financière des collectivités locales.
Chaque année, je rappelle, malheureusement sans rencontrer d'écho, le transfert de charge résultant de l'absence de prise en considération des études menées jusqu'à présent par les DDASS, les DDE et les DDA. Pour y remédier, les collectivités locales ont dû recruter des agents, dont elles supportent entièrement la rémunération, sans que le retrait de l'État n'ait jamais donné lieu à compensation financière dans ces domaines de compétences et de services apportés à nos communes. Sur ce point, j'aimerais que le Gouvernement puisse nous dire où il en est de sa réflexion sur une véritable compensation des transferts de charge en faveur des collectivités locales.
Je souhaite bien entendu que la réforme empêche la création de liens de dépendance entre les communes, les départements et les régions et garantisse une véritable autonomie financière des collectivités locales. Les élus doivent pouvoir rendre compte à leurs concitoyens des décisions qu'ils prennent, sans dépendre des dotations d'autres collectivités ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'issue de ce débat très riche, passionnant et animé, sur les collectivités territoriales, je peux me permettre d'apporter un certain nombre d'éclaircissements.
Un tel débat a pour intérêt de nous donner la possibilité de nous dire les choses telles que nous les ressentons personnellement et, surtout, telles qu'elles sont vécues dans la réalité.
Il faut tout de suite lever un malentendu : il ne s'agit pas d'opposer l'État, qui représenterait l'enfer, aux collectivités territoriales, incarnation du paradis. (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Avec, entre les deux, les maires qui sont le petit Jésus !
M. Éric Woerth, ministre. La réalité est plus équilibrée. Nos intérêts et nos engagements vis-à-vis du citoyen et du contribuable national et local, qui ne font qu'un, ne peuvent qu'être convergents. J'en parle d'autant plus facilement que je suis moi-même placé des deux côtés de ce miroir, comme élu local et comme responsable national.
En tant que ministre en charge des comptes publics dans leur ensemble, je serai très clair : il serait vain pour moi de vouloir améliorer la situation des comptes de l'État aux dépens des collectivités territoriales. Tel n'est pas le type de relation que nous voulons instaurer.
À l'inverse, je suis convaincu que les efforts considérables auxquels s'astreint l'État n'ont de sens que si l'ensemble des administrations publiques participent à l'objectif de retour à l'équilibre d'ici à la fin de la législature, sur lequel le Président de la République s'est engagé devant des Français. D'une certaine façon, qu'il y ait eu engagement ou non, l'intérêt général nous impose de respecter l'idée que la France doit retrouver l'équilibre financier pour l'ensemble de la sphère publique d'ici à 2012. Je ne peux pas imaginer un seul instant que quelqu'un n'adhère pas à cette idée au sein de la Haute Assemblée.
Ce redressement de nos finances ne peut se faire qu'au prix d'une maîtrise de la dépense et nous devons parler sans tabou de l'évolution de cette dépense publique et de son infléchissement. Tel est le sens de l'indexation du contrat de stabilité sur la seule inflation : un partage équitable de la charge entre partenaires, rendant compatible l'indexation des dotations aux collectivités locales avec les objectifs de maîtrise des dépenses que s'impose l'État, conformément aux conclusions des travaux de la conférence nationale des finances publiques de janvier 2006 et du rapport du Conseil d'orientation des finances publiques de janvier 2007.
Monsieur le rapporteur général, vous avez appelé de vos voeux - et je m'associe à vos propos - l'instauration d'un principe d'équité dans les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Vous avez décliné quatre conditions de réalisation de ce principe, si je ne trahis pas votre pensée. J'en reprendrai trois.
Selon le premier de ces principes, la contrainte doit s'appliquer à tous. Le Gouvernement s'inscrit pleinement dans cette ligne : l'effort doit être partagé et ce partage doit intervenir dans la clarté.
Selon le deuxième principe, la compensation des transferts de charges doit intervenir au plus près. Tel est le sens de l'engagement que j'ai pris devant l'Assemblée nationale. M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances se sont réjouis des amendements que le Gouvernement a déposés : nous aurons bien évidemment l'occasion d'en discuter.
Le troisième principe que vous avez mentionné, monsieur le rapporteur général, impose d'éviter de favoriser une collectivité au détriment d'une autre. Avec les députés, nous avons travaillé à assouplir les contraintes pour les collectivités rurales touchées par la diminution des variables d'ajustement. Autant le Gouvernement est attaché au respect de cette enveloppe globale, autant il fait confiance au Parlement, et tout particulièrement au Sénat, pour arbitrer les évolutions respectives des différentes composantes au sein de cette enveloppe globale. Ce sujet fera l'objet de discussions très approfondies dans les heures qui viennent.
L'élargissement de la norme des dépenses aux prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales et de l'Union européenne n'est pas un artifice destiné à rendre la construction du budget plus facile pour l'État, en faisant porter la charge sur ces prélèvements, surtout dans un contexte où le poids des intérêts et des pensions sature l'essentiel de sa marge de manoeuvre. Cette mesure durable appelle en réalité un effort supplémentaire sur l'ensemble de la dépense de l'État. C'est bien pour cela que nous avons élargi cette norme, répondant à la demande répétée de votre commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Éric Woerth, ministre. Ce n'est donc pas une décision d'intérêt conjoncturel, c'est une décision structurelle intéressant le budget de l'État. Sur ce point, je tiens à dire qu'il ne s'agit pas, pour l'État, d'abandonner la règle du « zéro volume », mais bien au contraire d'affermir et de renforcer, pour l'avenir, les modalités de mise en oeuvre de la norme de dépenses en l'appliquant à un périmètre plus large, et donc plus juste.
Bien évidemment, l'indexation des dotations sous contrat s'inscrit dans un ensemble « sous effort », mais équilibré, à mon sens, pour les collectivités territoriales.
Cet équilibre s'exprime d'abord en termes financiers : avec ce contrat, le pouvoir d'achat des collectivités territoriales, au sens large de l'expression, sera préservé en 2008. L'essentiel de la croissance de l'enveloppe normée, qui s'élève à 46,4 milliards d'euros pour 2008, profitera à la dotation globale de fonctionnement. Comme l'a rappelé M. Fréville dans sa très intéressante intervention, cette dotation globale de fonctionnement progressera de 2,08 %, soit une augmentation, en valeur absolue, de 806 millions d'euros.
Au-delà du contrat, je tiens à rassurer Mme Gourault sur la santé du FCTVA, dont les crédits augmenteront de près de 10 %, soit quelque 500 millions d'euros, entre 2007 et 2008. Il s'agit, d'une certaine façon, d'une participation aux efforts des collectivités locales en matière d'investissement : plus les collectivités investissent, plus le FCTVA s'alourdit.
Au total, en tenant compte des dégrèvements d'impôt locaux, l'effort de l'État en faveur des collectivités territoriales marque en réalité une progression de 4 % entre 2007 et 2008. En y ajoutant les 20,4 milliards d'euros de recettes fiscales transférées, ce sont près de 93 milliards d'euros qui sont consacrés par l'État aux collectivités locales à un titre ou à un autre.
Par conséquent, une relation très forte avec les collectivités territoriales se trouve reflétée au travers de l'ensemble des finances de l'État, qui ne peut pas être construite sur un malentendu : je ne crois pas que l'on puisse dire que l'État se désengage du financement des collectivités territoriales.
C'est bien là le paradoxe : alors même que les concours de l'État aux collectivités territoriales augmentent d'année en année, un sentiment d'insatisfaction partagé persiste, chacun estimant légitime son point de vue. L'État voit ses dépenses croître sans parvenir à restaurer la confiance des collectivités territoriales quant au caractère effectif de ses efforts, et les collectivités locales qui voudraient maîtriser l'augmentation de leurs dépenses jugent que leurs marges de manoeuvre sont obérées injustement par l'activité réglementaire de l'État ou par quelques artifices financiers que l'enchevêtrement des compétences rendrait encore davantage possibles.
C'est pourquoi la deuxième mesure d'équilibre de cet effort demandé dans le cadre du contrat doit s'exprimer en termes non pas uniquement financiers, mais aussi de gouvernance des finances locales. C'est l'objet même de la Conférence nationale des exécutifs locaux, qui a été mise en place par le Premier ministre le 4 octobre dernier.
Je sais bien que d'autres lieux de discussion existent. Cela est d'ailleurs bien naturel. Il y a aussi plusieurs associations d'élus, bien entendu. Cependant, s'il est normal que plusieurs lieux de discussion coexistent, la Conférence nationale des exécutifs locaux est placée auprès du Premier ministre, réunit l'ensemble des exécutifs locaux et permettra, je l'espère, dans les semaines et les mois à venir tout au long de 2008, d'éclaircir, de rééquilibrer, de redéfinir, de refonder, oserais-je dire, les relations entre l'État et les collectivités territoriales, sur le plan des compétences mais aussi, bien entendu, sur celui des finances. M. Mercier a appelé de ses voeux la création d'un lieu permanent d'échanges, il existe donc déjà.
Je ferai simplement remarquer que Mme Alliot-Marie assure ce lien permanent avec les collectivités territoriales. Elle est retenue ce soir par des événements extrêmement inquiétants et difficiles, qui mobilisent le ministre de l'intérieur qu'elle est à quelques kilomètres de cet hémicycle.
Bien entendu, d'autres ministres sont concernés, puisque les compétences des collectivités locales sont très importantes. Tel est notamment le cas du ministre chargé du budget et des comptes publics, parce qu'il est responsable de l'ensemble des finances publiques, et donc de la relation financière entre l'État et les collectivités territoriales. De même, la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi est elle aussi concernée, sous l'angle de la définition de la fiscalité. Il s'agit là d'un trio coordonné par le Premier ministre et qui « fonctionne » sans aucun problème, me semble-t-il. Cela montre que les collectivités locales sont au coeur de la problématique de l'État.
L'enceinte de la Conférence nationale des exécutifs locaux permettra d'associer les collectivités territoriales - enfin ! oserais-je dire - aux décisions de l'État ayant aujourd'hui une incidence sur les budgets locaux, qu'il s'agisse de la question des normes et autres réglementations inflationnistes ou de celle des négociations salariales dans la fonction publique territoriale. En effet, il est assez anormal qu'un responsable de collectivité locale puisse découvrir inopinément que la valeur du point d'indice a été relevée.
À cet égard, je ferai observer qu'avant de recevoir, au mois d'octobre dernier, les représentants des organisations syndicales en vue de leur indiquer quelles mesures il serait envisageable de prendre à la fin de 2007 pour les fonctionnaires, j'avais accueilli les représentants des associations d'élus locaux. Pour la première fois, on a réuni les élus représentant des employeurs territoriaux pour recueillir leur avis avant l'annonce aux syndicats et mis en oeuvre les dispositions de la loi du 19 février 2007 sur la fonction publique territoriale, comme je m'y étais engagé. Cette méthode de concertation, je la poursuivrai bien évidemment dans toutes nos discussions futures sur le pouvoir d'achat. Il est important de le dire, car on ne peut faire supporter des charges financières aux collectivités locales sans qu'elles aient été associées à leur définition et à leur calibrage.
M. Fortassin s'est inquiété des charges supplémentaires créées par les normes. Je lui réponds sur ce point, ainsi qu'à M. Murat. Les engagements que nous prenons à cet égard sont très forts. Le Premier ministre a annoncé la création d'une commission consultative d'évaluation des normes à l'occasion de la Conférence nationale des exécutifs locaux. C'est au sein de cette instance que nous pourrons débattre de ces questions.
M. le président de la commission des finances a lui insisté sur l'autonomie financière des collectivités territoriales.
S'agissant de la réforme des dotations, je veux rappeler les importantes réformes mises en oeuvre par le précédent gouvernement, afin notamment de faire croître les dotations de péréquation. À ce sujet, j'ai bien entendu s'exprimer l'inquiétude des responsables des collectivités locales. Il nous faut sans doute tirer un premier bilan de ces réformes avant d'aller plus loin, mais le système actuel est certainement, j'en conviens, très éloigné de la perfection.
M. de Montesquiou a évoqué les communes rurales. Elles ne sont pas oubliées, puisque la dotation de solidarité rurale pourra progresser comme la dotation de solidarité urbaine, soit d'environ 9 %.
Les sénateurs Miquel et Jarlier ont traité, quant à eux, le thème de la péréquation départementale. Celle-ci bénéficiera aussi de l'indexation favorable de la DGF. Selon les choix du Comité des finances locales, les dotations de péréquation départementales connaîtront une progression comprise entre 7 % et 11 %.
M. Vasselle, sur ce même sujet très important des dotations, a parlé de la dotation globale d'équipement.
M. Alain Vasselle. Elle est trop faible !
M. Éric Woerth, ministre. La baisse de la DGE des départements enregistrée en 2006 a été compensée par l'augmentation de la DGF des départements. Quant à la dotation globale d'équipement des communes, c'est bien évidemment, pour celles-ci, un outil de financement de l'investissement privilégié.
C'est pourquoi le Gouvernement a incité les préfets à financer un nombre significatif de projets selon un taux de subvention compris dans une fourchette allant de 25 % à 35 %, plutôt que de concentrer l'utilisation de la DGE sur quelques opérations. C'est un objectif de bonne gestion et de performance que le Parlement a retenu dans le cadre du projet annuel de performances pour 2008. Il faut éviter le saupoudrage, mais c'est un objectif, je le répète : un préfet peut décider d'y déroger, selon la qualité des projets qui lui sont soumis. L'idée n'est pas que la DGE soit peu répartie et serve à subventionner exclusivement quelques projets !
S'agissant de la réforme de la fiscalité locale, sujet qui a été abordé par un grand nombre d'intervenants, dont M. Vasselle, chacun s'accordera en tout cas à reconnaître l'archaïsme de certaines bases d'imposition et les inégalités territoriales et entre contribuables pouvant résulter de ce qui apparaît être en réalité la conséquence d'une incapacité à décider, manifeste depuis de nombreuses années.
Tout récemment, les associations d'élus ont formulé des propositions sur ce point, et le Président de la République, s'exprimant devant le Congrès des maires de France, a annoncé sa volonté de réformer, en proposant d'ores et déjà des pistes pour une actualisation progressive des bases locatives, au fil de l'eau, si je puis dire, c'est-à-dire en fonction des transferts de propriété, des transactions.
M. Jarlier s'est d'ailleurs inquiété de l'incidence du ticket modérateur sur les petites communautés de communes. De nombreux aménagements ont déjà été adoptés au travers de la loi de finances initiale pour 2007 afin de réduire le ticket modérateur de certaines collectivités. Cela a notamment permis de tenir compte de la situation des EPCI.
Comme l'a rappelé le Président de la République, cette réforme doit dépasser les clivages politiques et s'inscrire dans une démarche de concertation, que nous espérons le plus consensuelle possible. Vous voyez que le Gouvernement a la ferme intention de lancer une réforme globale, qui ne doit pas porter uniquement sur la nature et la valorisation des bases locatives elles-mêmes. Les pistes sont nombreuses. D'ailleurs, si l'on mesure le poids et le volume des rapports élaborés ces dernières années sur la réforme de la fiscalité locale, on en déduit que toutes les idées possibles ont été émises ! Aujourd'hui, il importe de faire la synthèse de tout cela et d'essayer d'identifier les pistes pertinentes. Ce n'est pas facile, et j'ai bien retenu ce qu'a dit M. Marini, qui indiquait que l'on parlait volontiers de la réforme de la fiscalité locale, mais qu'il était plus compliqué de la réaliser.
M. Alain Vasselle. C'est sûr !
M. Éric Woerth, ministre. J'imagine que nous en sommes tous bien conscients !
Je veux pour preuve de cette difficulté qu'une simple modification du contrat de stabilité, qui porte sur quelque 46 milliards d'euros, engendre un débat fourni, et d'ailleurs légitime, dans cet hémicycle. On comprend combien il est nécessaire de parvenir à une négociation, et à quel point les opinions sont diverses. Il n'y a pas de vérité absolue dans ce domaine, mais il faudra bien préciser les principes directeurs de la réforme. Ce n'est qu'ensuite que nous pourrons nous diriger vers son application.
Mme Lagarde, Mme Alliot-Marie et moi-même nous consacrerons à ce chantier, et nous rendrons compte de nos travaux dans un esprit de totale concertation. J'espère que nous pourrons ainsi acquérir une vision plus large de la réforme de la fiscalité locale, l'objectif étant très clairement de donner plus d'autonomie aux collectivités territoriales, monsieur le président de la commission des finances. Cela me semble tout naturel : les collectivités territoriales sont des institutions matures, adultes, qui ont surtout besoin d'autonomie pour financer la mise en oeuvre de leurs propres décisions, dans un climat de concertation avec l'ensemble des autres acteurs de la sphère publique, au premier rang desquels figure évidemment l'État, puisqu'il s'agit d'argent public, puisque c'est toujours dans la même poche que l'on puise cet argent.
Au-delà des questions de ressources, il est donc nécessaire de redonner des marges de manoeuvre aux collectivités territoriales dans la maîtrise de leur fiscalité et de leurs dépenses. Depuis vingt-cinq ans, les dépenses publiques locales, hors effet de la décentralisation - j'insiste sur ce point -, ont augmenté plus vite que le produit intérieur brut, comme l'a rappelé M. Saugey dans sa très intéressante analyse chiffrée.
Ainsi, les dépenses de personnel ont crû très fortement. Nous le savons tous, en tant qu'élus locaux, pour avoir embauché afin de répondre aux besoins. Il ne s'agit donc pas de jeter la pierre à quiconque. C'est un constat, que l'on doit établir à la lumière de la situation d'ensemble des finances publiques.
Cette hausse concerne surtout le niveau communal. Cela me semble naturel, car c'est en réalité le niveau le plus concerné, de par sa proximité, par les souhaits de nos concitoyens.
Il ne s'agit pas de stigmatiser la dépense des collectivités territoriales. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président de la commission des finances, il n'y a pas, d'un côté, un État vertueux et, de l'autre, des collectivités territoriales prodigues.
Étant à la fois maire et président d'une communauté de communes, je suis tout à fait convaincu de l'utilité des dépenses locales, comme de la nécessité d'aller vers une synthèse des efforts des collectivités territoriales. Je ne sais pas si des objectifs doivent être fixés mais, en tout cas, il faut au moins que nous ayons une conscience collective de la dépense locale, dans le respect de l'indépendance des collectivités.
Monsieur Mauroy, selon vous, le Gouvernement ignore l'intercommunalité. Au contraire, sur la DGF par exemple, les communautés urbaines, dont vous êtes un remarquable spécialiste et un éminent défenseur, perçoivent un montant deux fois supérieur à celui des communautés d'agglomération et bien plus important que celui des communautés de communes.
M. Philippe Darniche. Hélas !
M. Éric Woerth, ministre. Cette situation est d'ailleurs compréhensible puisque les communautés urbaines ont des compétences plus étendues. L'État ne se désintéresse donc pas des intercommunalités.
Plutôt que de discuter des principes, nous devrions parler des faits et nous interroger collectivement sur ce que nous pourrions accomplir ensemble pour aboutir à une situation équilibrée de l'ensemble de nos finances publiques en 2012. C'est en effet l'intérêt de l'État, des parlementaires, de nos concitoyens, et de notre pays. Les collectivités locales ne peuvent être mises de côté ; elles doivent participer, bien sûr à leur juste mesure, à cet effort. Que l'on soit de droite ou de gauche, nous voulons que nos finances publiques soient en équilibre parce que c'est en réalité la seule façon de retrouver les marges d'investissement dont nous manquons.
Si vous estimez que l'investissement est porté par les collectivités et non par l'État, c'est au travers d'une réduction de la dépense publique et, au bout du compte, par un rééquilibrage des dépenses publiques que nous pourrons reporter au niveau de l'État un volume suffisant d'investissement, afin d'alléger, je l'espère, la charge pesant sur les collectivités territoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà la façon dont on peut concevoir ce projet de budget pour les collectivités territoriales en 2008. Les idées directrices en sont la responsabilité et l'engagement réciproque.
La responsabilité de l'État doit porter sur la maîtrise de ses dépenses comme sur le nécessaire respect de l'autonomie des collectivités locales dans l'exercice de leurs compétences.
J'en profite pour rappeler que, à l'occasion de ce débat au Sénat, nous ajustons - M. le rapporteur général s'en est félicité - le montant des transferts aux régions et aux départements afin de tenir compte du coût réel des transferts des personnels TOS de l'éducation nationale et des directions départementales de l'équipement, à l'euro près, ainsi que nous l'avions annoncé à l'Assemblée nationale.
Pour répondre à l'excellente intervention de Louis de Broissia, il ne s'agit pas de rouvrir un débat sur la compensation du transfert de compétence des routes en débattant du montant des recettes des radars automatiques à attribuer aux départements. Vous aviez souhaité que les départements puissent bénéficier de cette « manne ». Ce sera chose faite en 2008 puisqu'un montant de 30 millions d'euros sera versé aux budgets des départements. On peut s'en féliciter et se réjouir ensemble de temps en temps !
Selon M. de Broissia, les ministres répondent inlassablement aux départements que leurs pertes sont compensées par l'augmentation des droits de mutation. J'ai évité de le dire ! Mais je voudrais tout de même vous donner quelques chiffres. Les droits de mutation pour les départements ont progressé d'une manière considérable : ils sont passés de 3,643 milliards d'euros en 2000 à 7,441 milliards en 2006, soit une augmentation de 104 % en six ans !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la vérité !
M. Alain Vasselle. Le jackpot !
M. Éric Woerth, ministre. Je me réjouis infiniment de ce résultat qui est vraiment mérité. Il doit en tout cas être mis en face d'autres réalités qui sont parfois, je l'avoue, moins joyeuses. Mais admettons aussi que, quelquefois, les choses peuvent se compenser.
Après la responsabilité de l'État, je voudrais en appeler aussi à celle des collectivités locales dans la poursuite de cet effort collectif qui s'impose aujourd'hui plus que jamais à la nation tout entière pour atteindre les objectifs de redressement de nos finances publiques. Nous pourrions aussi en profiter pour redéfinir la façon dont nous concevons le service public aux niveaux national et local.
Dans la recherche de cet équilibre, le Gouvernement est bien sûr à l'écoute totale des sénateurs et, plus largement, de tous les parlementaires et de l'ensemble des élus locaux. D'une façon plus conjoncturelle, la commission des finances du Sénat propose, concernant ce projet de budget pour 2008, un certain nombre d'évolutions et d'amendements qui me paraissent de nature à nous permettre de progresser dans la recherche de solutions communes.
Un sénateur disait à cette tribune qu'il fallait parler de confiance partagée. J'y crois vraiment ! Pour moi, l'État, ce n'est pas l'enfer, comme a semblé le soutenir M. Alain Le Vern dans son intervention musclée. Les rapports entre l'État et les collectivités locales n'ont rien à voir avec cela ! Les problèmes doivent être évoqués et les solutions recherchées ensemble, car il s'agit au bout du compte du même service public qui s'applique sur l'ensemble du territoire. La confiance doit certes être partagée, mais en toute responsabilité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Nous avons achevé le débat relatif aux recettes des collectivités territoriales.
Demande de réserve
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, je demande la réserve de l'article 11 quater et des amendements y afférents jusqu'après l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 18.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. La réserve est de droit.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)