M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est le plus grave !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il faut donc responsabiliser les parents.
L'évaluation réalisée par l'INPES montre aussi que, si, globalement, les messages sont bien reconnus et acceptés, il y a aussi des problèmes de confusion entre le message sanitaire et le produit promu. C'est la faiblesse du dispositif que nous avons adopté en 2004. À la différence du message simple et unique concernant les boissons alcoolisées - « à consommer avec modération » -, la multiplicité de messages qui ne sont pas toujours bien adaptés aux produits auxquels ils sont adossés amoindrit les effets positifs du dispositif.
Pour un public aussi spécifique que celui des enfants, il est nécessaire, selon moi, de franchir un palier supplémentaire, en réduisant, peut-être même en interdisant, la publicité pendant les programmes qui leur sont destinés. Comment voulez-vous que les jeunes enfants assimilent le message sanitaire qui défile en petits caractères tout en bas de l'écran, alors que la publicité met en scène le produit avec une musique enjouée et des personnages de dessin animé ou de super héros ?
Très honnêtement, madame la ministre, j'avoue que j'ai des doutes sur les capacités et la volonté d'autorégulation des professionnels sur cette question. Qu'a donné la réunion de concertation ?
Je note au passage que je ne suis pas le seul à avoir des doutes, si j'en crois la proposition de loi récemment déposée par plus de cent députés UMP et dont l'objet est bien de proscrire « la diffusion de messages publicitaires ou radiodiffusés relatifs à des boissons ou à des produits alimentaires à forte teneur en sucre ou en matières grasses avant, pendant et après les émissions, qualifiées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sur la base d'analyses média métriques, de ? programmes où une partie importante du public est constituée d'enfants et d'adolescents ? ». Pour ma part, je n'en demande pas plus, et ce depuis longtemps !
Parallèlement, les sénateurs présents dans cet hémicycle savent qu'un autre sujet me préoccupe tout autant. Il s'agit du niveau sonore de ces publicités. Je suis déjà intervenu à plusieurs reprises sur ce point à l'occasion de l'examen de plusieurs textes, y compris auprès du CSA, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, mais pour l'instant sans réel écho. J'insiste sur ce problème, parce qu'il est, selon moi, important, surtout pour les jeunes enfants. Qui n'a jamais vu ses enfants ou ses petits-enfants accourir devant la télévision, attirés par une publicité dont la musique se met soudainement à retentir ?
Une étude du CSA datant de 2003 révélait que le niveau sonore des écrans publicitaires télévisés dépasse le niveau moyen des programmes dans plus de 50 % des cas. Le CSA avait engagé une concertation avec l'ensemble des chaînes, mais il semble bien que rien n'ait vraiment changé. Chacun de nous, en tant que téléspectateur, peut le constater chaque fois qu'il allume son écran de télévision.
C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, je souhaite pour que vous saisissiez votre collègue ministre de la culture et de la communication, afin de trouver une réponse adaptée à ce problème.
Je suis également parfaitement d'accord pour retirer des caisses les confiseries et autres sucreries. Je le répète, si les professionnels ne sont pas capables de s'autoréguler, il faudra les y obliger.
Vos propositions sur la restauration scolaire me semblent également importantes. En la matière, les collectivités locales sont, me semble-t-il, des partenaires indispensables. Certains de mes collègues, notamment Mme Brigitte Bout, s'intéressent plus précisément au programme EPODE. Il faut encore le développer et faire en sorte que toutes les collectivités locales le mettent en oeuvre.
A contrario, madame la ministre, vous avez oublié un aspect sur lequel il serait temps de se pencher sérieusement. Je veux parler de la taxe nutritionnelle, qui est loin de faire consensus. Il n'est évidemment pas très populaire de parler de taxe nouvelle ! Au lieu d'en rejeter l'idée a priori, ce que vous n'avez d'ailleurs pas fait, puisque vous disiez « taxer, pourquoi pas, mais pourquoi faire ? », il était nécessaire de lancer, comme vous l'avez fait, une étude de faisabilité pour en apprécier réellement les avantages et les inconvénients.
Je constate d'ailleurs que l'idée fait son chemin, que ce soit au Gouvernement - je n'ai pas oublié non plus, monsieur le président de la commission, la proposition de Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, du mois de juin 2007 - ou au sein de la majorité - je pense à l'amendement qu'avait fait adopter ici même notre collègue Alain Vasselle lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. J'avais d'ailleurs moi-même fait une proposition en ce sens à cette même occasion.
Il me semble que l'instauration d'une telle taxe, même d'un montant faible, pourrait avoir un impact positif sur la santé et les comportements individuels ; il ne peut s'agir de taxer tous les aliments qui contiennent du sucre ou du sel, ce serait impossible. Il faut laisser un peu tranquille le camembert, monsieur le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le camembert Président ! Pas de publicité, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce qui nous importe pour l'instant, et nos collègues normands le savent bien, c'est de continuer à avoir du camembert au lait cru, parce que c'est le meilleur ! (Nouveaux sourires.)
M. Charles Revet. Il y a beaucoup de calcium dans le camembert, comme dans les autres fromages !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un bon fromage !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il s'agit bien de taxer les aliments les plus déséquilibrés nutritionnellement. C'est pour cette raison que je proposais de faire intervenir l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, dont les compétences en matière d'alimentation humaine et de nutrition permettent d'établir une liste précise des catégories d'aliments visés par une telle taxe. Je rejoins l'essentiel des propos tenus en la matière par le président de la commission, Nicolas About.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Merci !
M. Jean-Pierre Godefroy. J'en suis persuadé, madame la ministre, dans notre société, il y a place pour une industrie agroalimentaire et une grande distribution plus responsables et plus soucieuses de la santé de ses consommateurs.
L'évolution de la réglementation peut les y aider, car il devient de plus en plus difficile d'admettre que les produits les moins chers ne soient pas parmi les meilleurs si l'on se place du point de vue de l'hygiène alimentaire. Cela nous ramène au problème du pouvoir d'achat et à la pénalisation pour leur santé des plus démunis de nos concitoyens.
Avant de conclure mon propos, permettez-moi de dire un mot d'une autre proposition de loi, déposée à l'Assemblée nationale par mon collègue Jean-Marie Le Guen.
Comme lui, je crois qu'il nous faut aller au-delà des mesures que vous avez annoncées, madame la ministre - et qui sont bonnes, je le répète -, en faisant adopter par le Parlement une loi qui symbolise la mobilisation de la nation contre ce fléau, une loi qui fixe les objectifs et les principes de ce combat, une loi qui clarifie les responsabilités de chacun, une loi qui ne se contente pas d'énoncer de grands principes, mais s'appuie sur les moyens budgétaires rendant possible la mise en oeuvre de la politique que nous appelons tous de nos voeux.
J'aimerais que vous preniez en considération les propositions formulées dans ce texte, notamment en ce qui concerne l'information et l'éducation nutritionnelles, la promotion d'une offre alimentaire équilibrée dans les écoles, mais aussi dans les entreprises, dont on oublie de parler, et la prise en charge de l'obésité reconnue comme affection de longue durée, ou ALD, dans certains cas.
Nous sommes tous convaincus, je le sais, qu'il est urgent de mobiliser nos énergies pour éviter le pire, comme ce qui se passe aux États-Unis par exemple. Sur un sujet aussi essentiel, nous pouvons certainement, tous ensemble, trouver une voie commune. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier.
Mme Janine Rozier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom du groupe UMP, je tiens à saluer l'initiative de notre collègue Gérard Dériot, qui nous permet de relancer le débat sur un enjeu majeur de santé publique.
Ainsi que cela vient d'être souligné, l'obésité est devenue un problème de santé publique considérable. Comme l'indique le professeur Arnaud Basdevant, chef du service nutrition à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, c'est « une maladie de la modernité, une maladie de la transition urbaine, de la transition sociale et de la transition économique, qui touche les populations les plus vulnérables ». C'est la raison pour laquelle aucun pays n'est épargné. Cette maladie atteint soit, comme aux États-Unis et en Europe du Nord, les couches de la population les plus défavorisées, soit, au contraire, dans les pays émergents, les populations qui accèdent à plus de prospérité après avoir connu la pauvreté.
Après les collègues qui m'ont précédée à cette tribune, je dénonce, à mon tour, le fait que l'obésité progresse rapidement dans notre pays et affecte de plus en plus de jeunes : aujourd'hui, un enfant sur six est en surpoids, contre un sur vingt dans les années quatre-vingt.
Cette progression régulière pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur la santé de nos concitoyens : les risques de complications cardiovasculaires sont multipliés par trois et de diabète par neuf. En tant que médecin, le président de la commission, Nicolas About, l'a expliqué mieux que je ne le ferais.
L'obésité prend un caractère particulièrement dramatique lorsqu'elle touche les enfants. Non seulement ils sont atteints des mêmes maladies que les adultes, mais l'on sait aujourd'hui que, si l'obésité apparaît avant la puberté, son risque de persistance à l'âge adulte est très élevé.
Des mesures ont déjà été prises. En France, la prise de conscience des menaces que fait peser l'obésité n'est pas nouvelle : dès 2001, notre pays s'est doté d'un programme national nutrition-santé, qui a établi des recommandations nutritionnelles diffusées par le biais de campagnes de communication. Sa mise en place représentait un premier pas dans l'affirmation d'une volonté politique pour combattre ce fléau.
Mes collègues l'ont dit, une deuxième étape décisive a été franchie grâce à la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004.
À cette occasion, le Parlement a pris les premières mesures législatives de lutte contre l'obésité : l'une rendant obligatoire la mention d'une information à caractère sanitaire sur les publicités pour les produits alimentaires, l'autre visant à interdire les distributeurs automatiques de boissons et de produits alimentaires dans les établissements scolaires, où ils faisaient des ravages.
Je tiens à rendre hommage au travail mené par notre collègue Gérard Dériot au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, qui a permis d'approfondir la réflexion engagée lors de nos débats sur la loi de 2004 et qui représente une excellente base pour l'élaboration de nouvelles mesures.
Devant l'ampleur de la maladie et de sa progression, notamment chez les enfants, nous devons aller plus loin. Compte tenu de la vulnérabilité des enfants et de l'influence de la publicité sur leur comportement alimentaire - tous les intervenants l'ont souligné -, il est indispensable que les émissions télévisées qui leur sont destinées ne comportent plus aucune publicité les incitant à consommer des produits sucrés ou salés. Le maintien de ces publicités avec des messages de mise en garde serait une mauvaise solution, puisque, dans la plupart des cas, les enfants ne comprennent pas la teneur de ces avertissements.
Les causes de l'obésité sont multiples. Mais, si les facteurs génétiques et héréditaires comptent, c'est avant tout notre mode de vie contemporain qui est en cause : la sédentarisation croissante des individus et la consommation massive d'aliments trop sucrés ou trop salés, facilement accessibles et relativement peu coûteux, sont les vrais responsables de l'ampleur prise par cette nouvelle épidémie.
À ces considérations, valables dans de nombreux pays, s'ajoute, dans le nôtre, un facteur aggravant spécifique : la disparition progressive des traditionnels repas conviviaux, pris à des heures déterminées, au profit d'une alimentation segmentée, constituée d'une nourriture industrielle et immédiatement consommable.
En outre, l'obésité n'est pas uniquement un problème de santé publique : elle entraîne également une souffrance sociale et humaine qu'il nous faut absolument prendre en compte si nous ne voulons pas que des générations entières d'enfants et d'adultes soient mises à l'index dans notre société.
L'enfant obèse a plus de mal qu'un autre à s'intégrer dans un groupe, à pratiquer certains sports, à s'identifier à des modèles de réussite ; l'adulte obèse souffre de nombreux handicaps ; il voit sa mobilité réduite, rencontre plus de difficultés pour trouver un emploi et participer à des activités, souffre de discriminations.
Dans cette perspective, le deuxième programme national nutrition-santé, lancé en septembre 2006, a mis en place une politique globale, qui se décline en deux volets principaux :
Le premier concerne la prévention. Il s'agit de sensibiliser les citoyens à une bonne alimentation et de les inciter à exercer une plus grande activité physique quotidienne, mais aussi de parvenir à l'amélioration nutritionnelle des produits alimentaires.
Le second volet est axé sur le dépistage précoce et la prise en charge des troubles nutritionnels. À ce titre, je tiens à saluer l'action de l'Association française de pédiatrie ambulatoire, qui, lors de la Quatrième journée nationale de dépistage de l'obésité chez l'enfant, le 12 janvier dernier, a mobilisé trois cents pédiatres dans soixante villes de France pour des consultations gratuites afin d'informer et d'alerter les familles sur le problème de l'obésité infantile.
Notre rapporteur, Gérard Dériot, a présenté une brillante et parfaite synthèse des causes de l'obésité et des remèdes à y apporter.
Aussi, comme chaque fois qu'il est question d'enfants, il nous faut insister sur le rôle primordial de l'éducation au sein de la famille et à l'école. C'est là où l'enfant peut acquérir les bonnes habitudes, à la fois de nutrition - avec des repas à heure fixe, la diversité des produits, légumes et fruits à consommer - et d'hygiène de vie, en intégrant la pratique de la marche et du sport entre les séquences de télévision et de jeux vidéo, qui font trop souvent la joie des enfants et préservent la tranquillité des parents ! Ne l'oublions pas, nutrition rime avec éducation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2000 déjà, l'Organisation mondiale de la santé reconnaissait à l'obésité la qualification d'épidémie.
C'est dire les risques qui y sont liés. Nous les connaissons, il s'agit de la diminution de l'espérance de vie et de l'accroissement des risques cardiovasculaires. À cet égard, nous savons qu'un obèse a dix fois plus de risques qu'une personne de poids normal d'être traité pour les trois facteurs suivants - le diabète, l'hypertension, les anomalies des graisses du sang.
Les risques ne se limitent pas à l'aspect médical, puisque l'obésité a également des conséquences au regard de la société, avec l'exclusion et les discriminations à l'emploi, mais aussi avec le coût que fait peser cette épidémie sur notre système de santé.
Or, sous les apparences d'un débat d'ordre médical et même de santé publique compte tenu de l'ampleur du phénomène, la question de l'obésité soulève des interrogations allant au-delà des seules normes médicales.
Nous pourrions paraphraser un célèbre adage : nous ne sommes pas seulement ce que nous mangeons, mais ce que nous mangeons reflète la société dans laquelle nous vivons.
Parler de l'obésité, c'est introduire une réflexion sur les habitudes alimentaires en elles-mêmes certes, mais également sur la nature des produits entrant dans notre alimentation, sur nos rythmes de vie, le partage de notre temps entre vie professionnelle et vie privée.
C'est également aborder les évolutions de notre société : l'implication du travail à temps partiel et à horaires décalés.
C'est aussi évoquer les crises que nous rencontrons et qui se répercutent à tous les niveaux. Je pense, par exemple, à la précarisation, qui empiète sur les temps nécessaires au repos, à la préparation ou à l'éclatement des temps de repas.
Je l'indiquais préalablement, l'obésité et une bonne part des déséquilibres alimentaires trouvent à la fois leurs conséquences et leurs sources dans les évolutions de notre société, ses déséquilibres et ses crises.
Selon l'étude ObEpi de 2006 réalisée en collaboration avec l'INSERM, la fréquence de l'obésité « reste inversement proportionnelle aux revenus ». Ainsi, les revenus mensuels des personnes atteintes d'obésité représentent moins de 900 euros pour 19 % d'entre elles, se situent entre 1 200 et 2 900 euros pour 18 % d'entre elles, et s'élèvent à près de 5 000 euros pour seulement 5 % d'entre elles. Les chiffres sont clairs !
Une autre statistique qui montre que l'obésité progresse plus vite chez les femmes que chez les hommes vient confirmer ces chiffres. Dès lors, comment ne pas établir un lien entre ces données et le récent rapport du Conseil économique et social, qui confirme ce que nous dénoncions : les femmes sont en plus grande précarité que les hommes, puisqu'elles sont plus souvent soumises aux temps partiels imposés et aux conditions de travail les plus difficiles.
Autant dire, madame la ministre, que la précarisation accroît les risques d'obésité, sachant que la même étude témoigne de la progression constante et croissante des formes les plus graves d'obésité dans les foyers à faibles ressources financières.
Il faut donc agir et ce, à tous les niveaux, tant en France qu'à l'échelon européen.
La France présidera l'Union européenne à partir du mois de juillet prochain. Les pâles propositions du plan santé- jeunesse m'inquiètent quant à la capacité de notre pays d'être une force de propositions sur ce sujet.
Alors que, dans son Livre vert sur l'obésité, la Commission européenne faisait le constat de la nécessité de coordonner les politiques de luttes contre l'obésité, l'on regrettera tous, dans cette enceinte, que de ce Livre vert il ne reste rien, ou si peu, si ce n'est le témoignage de la force des lobbies et des groupes industriels.
Bien entendu, la priorité doit être donnée à la lutte contre l'obésité infantile. Encore une fois, il s'agit bien d'une question sociale et il nous faut faire le choix entre deux modèles de sociétés.
On ne peut ignorer, madame la ministre, que, depuis des années, votre majorité ne cesse de diminuer le nombre de poste de personnels parascolaires dans les établissements. Tous les moyens auront été bons : diminution budgétaire, transferts de personnels non compensés aux collectivités territoriales entre autres, moins d'adultes encadrant les cantines, moins de personnels techniques, ouvriers et de service, ou TOS. Espaces de fabrication à l'origine, les cantines se sont de plus en plus souvent muées en lieux de transformation, où l'on se contente de réchauffer et de distribuer les repas.
Quant aux médecins scolaires et aux nutritionnistes, ils manquent cruellement. On sait pourtant que le système scolaire pourrait être le lieu opportun pour un plan de grande envergure concernant l'éducation des plus jeunes à une alimentation saine et équilibrée. Combien de jeunes, inscrits dans nos établissements, ne font qu'un seul repas dans la journée, celui qui est distribué dans les écoles, collèges et lycées ?
C'est donc à l'école, au sens large, qu'il faut intervenir. Mais, pour ce faire, encore faut-il disposer de moyens humains et financiers, lesquels ne peuvent reposer sur la seule capacité des collectivités locales et territoriales.
La conception gouvernementale de la décentralisation a conduit à de grandes aggravations des disparités entre les régions et les départements. Les collèges et les lycées ne sont pas épargnés.
L'étude de l'ObEpi précise encore que l'obésité se mesure également sur le plan territorial. Le nord de la France, par exemple, connaît une expansion plus grande et plus rapide de l'obésité que le sud de notre pays. Et cela n'est pas du seul fait du « régime crétois » et des vertus de l'huile d'olive, même si ces dernières sont certaines. (Sourires.)
M. Gérard Dériot. Eh oui !
M. Robert Bret. C'est aussi l'une des conséquences d'une économie marquée par une précarisation plus grande.
La réponse que nous devons envisager, que le Gouvernement doit élaborer, madame la ministre, doit prendre en compte cette réalité. Or, là encore, la question des produits utilisés par la ménagère pour composer le repas nous amène à nous interroger, au-delà de la simple question alimentaire. Les études des associations et de la presse le prouvent, ce sont les prix des hard-discounters et des produits vendus sous le nom des enseignes de la grande distribution qui ont le plus augmenté. Ce sont donc les produits les moins chers, ceux qui sont achetés par les familles les plus pauvres, qui ont connu une hausse plus importante, conduisant certaines des familles les plus nécessiteuses à opérer de nouveaux choix, à faire de nouveaux sacrifices.
Cela peut apparaître comme une anecdote, mais dans combien de familles le repas du soir se limite-t-il à des tartines et à un chocolat chaud, quand il n'est pas tout simplement sacrifié, faute de ressources suffisantes ? Voilà une conséquence supplémentaire de la baisse continue du pouvoir d'achat des Français !
Je regrette d'ailleurs, avec mes collègues du groupe CRC, que le Gouvernement s'entête à refuser une diminution de 1 % de la TVA sur les produits de première nécessité.
Avant de conclure, madame la ministre, je voudrais vous interroger sur votre plan « Santé des jeunes ».
Un premier plan avait été mis en place sous l'ancien gouvernement. Je regrette sincèrement qu'un réel bilan n'en ait pas été réalisé, notamment quant à la participation des industriels de l'agroalimentaire. En effet, ceux-ci, ne l'oublions pas, occupaient dans le précédent plan une place importante. Voilà donc un curieux paradoxe lorsque l'on connaît les intérêts financiers que représente le marché des jeunes et des adolescents ! Une preuve récente en est la levée de bouclier qu'a suscitée, auprès d'un grand groupe industriel, la décision d'une grande enseigne de la distribution de supprimer la vente des produits chocolatés aux caisses de ses magasins. On peut encore citer la récente et grande campagne publicitaire de l'industrie du sucre dénonçant l'anti-campagne dont elle serait victime.
Or, madame la ministre, si, à la lecture de votre plan, il semble que vous fassiez cesser cette curieuse association, rien ne paraît concret. Il nous semble pourtant évident, à moi-même et à mes collègues du groupe CRC, que l'école doit concentrer tous nos efforts. Nous avons besoin d'un grand plan d'éducation populaire à l'équilibre alimentaire, dont l'école, au sens large, doit être un acteur incontournable. C'est la seule garantie d'une action coordonnée sur le plan national si, bien entendu, le Gouvernement décidait de se donner les moyens et l'ambition de traiter l'extension de cette pandémie.
Madame la ministre, vous parlez d'améliorer la qualité des cantines scolaires sans jamais évoquer les moyens financiers. Vous ne dites pas un mot, par exemple, sur la formation, le rôle et le nombre des nutritionnistes ! Comment, dès lors, faire en sorte que les parents soient correctement informés sur les qualités nutritionnelles des repas distribués ? Je me permettrai de formuler une proposition à cet égard : pourquoi ne pas envisager de transformer la « semaine du goût » en une « semaine du goût et de l'équilibre alimentaire » au cours de laquelle les élèves, associés aux professionnels de santé, participeraient à l'élaboration et à la réalisation des repas ? Des expériences intéressantes en la matière ont eu lieu, notamment à l'étranger.
À cette semaine pourraient également être associés les agriculteurs locaux, puisqu'une chose est certaine : un repas équilibré et sain, ce sont de bons produits et de bonnes pratiques culinaires.
Votre plan ne dit pas un mot sur la mise à disposition, tout au long de la journée, de boissons sucrées et de barres chocolatées par le biais des distributeurs. On sait combien cette consommation est néfaste. Mais on sait également que ces distributeurs participent au financement des fonds d'action sociale des établissements scolaires, lesquels contribuent à exonérer certaines familles les plus modestes des frais de restauration ou permettent aux élèves les moins riches de participer à des séjours linguistiques.
Si la suppression ou le remplacement de ces distributeurs s'avère utile, il faut nous interroger sur la manière de compenser les pertes que l'une et l'autre occasionneront.
Votre plan évoque une possible association des collectivités territoriales. Mais de quelle association s'agit-il ? Envisagez-vous, sans le dire réellement, que ce seront les communes, les départements et les régions qui devront demain financer ces améliorations ?
Votre plan viserait aussi à améliorer la formation des professionnels afin de « faire évoluer les programmes de formation initiale ». Pourtant, là encore, il n'y a rien de concret. De quelle formation s'agit-il ? Par quelle structure sera-t-elle organisée ? Par qui sera-t-elle financée et pour quel montant ? Votre plan ne dit rien !
Vous dites encore vouloir favoriser la pratique d'activités sportives sur les plans scolaire et universitaire. Mais, là encore, on peut légitimement s'interroger. Cette proposition n'est-elle pas contradictoire avec les déclarations du ministre de l'éducation nationale, qui dit vouloir recentrer l'école sur ses fondamentaux ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Le sport, c'est fondamental !
M. Robert Bret. C'est aussi méconnaître la réalité de milliers d'étudiants qui enchaînent cours et petits boulots, leur priorité étant non la pratique du sport universitaire mais le moyen de gagner de quoi payer leur loyer, leurs frais d'inscription et leur nourriture.
D'une manière plus générale, à l'exception de la pratique sportive à l'école, votre plan se caractérise, concernant la lutte contre l'obésité, par une absence quasi totale de financement. La partie dédiée à la lutte contre l'obésité est d'ailleurs la seule à ne pas contenir un volet financement.
Votre plan, sur ce sujet, madame la ministre, ne risque-t-il donc pas de se limiter à un simple appel aux bonnes volontés ? On sait ce qu'il en sera pour les industriels. Une fois de plus, vous vous tournerez vers les collectivités territoriales, déjà très lourdement affectées par des transferts de compétences non compensés et par de nouvelles charges, pour financer votre plan qui, pourtant, relève de la politique nationale en matière de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, pardonnez à l'avance les éléments redondants de mon intervention, mais les derniers orateurs ne peuvent guère échapper à cet écueil. Néanmoins, mieux vaut se répéter que se contredire ! (Sourires.)
Madame le ministre, je suis déjà intervenue sur ce sujet, d'une part, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'autre part, lors de l'examen des crédits de la mission « Santé ». Je vous redis mon attachement aux politiques de prévention, notamment à celles qui sont liées à l'éducation en matière alimentaire.
Je regrette d'ailleurs que le ministre en charge des sports n'ait pas pu prendre part à nos travaux.
Mme Nathalie Goulet. Pardonnez-moi, je pensais à M. Laporte !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n'est que secrétaire d'État, et j'ai pleine compétence sur le dossier des sports !
Mme Nathalie Goulet. L'obésité est une pandémie ; c'est aussi un facteur aggravant d'autres maladies. Avec 12,4 % d'adultes obèses, auxquels s'ajoutent 29,2 % de personnes en surpoids, ce sont au total 41 % des Français adultes qui sont en surcharge pondérale
Ce fléau n'épargne pas les plus jeunes, qui sont 1,5 million à souffrir d'obésité.
Au-delà de l'image corporelle, l'obésité a des conséquences graves sur la santé : élévation des graisses dans le sang entraînant de nombreux problèmes cardiovasculaires, insuffisance respiratoire, diabète, etc.
Les pathologies liées à l'obésité entraînent des coûts considérables pour les individus et pour la collectivité. La Caisse nationale d'assurance maladie a calculé - M. About l'a déjà indiqué - que, par rapport au reste de la population, les personnes obèses dépensent en moyenne 27 % de plus en soins de ville et 39 % de plus en pharmacie. (M. le président de la commission des affaires sociales acquiesce.) La Commission européenne, quant à elle, a estimé que les dépenses liées à l'obésité coûtent chaque année de 75 à 130 milliards d'euros à l'Europe.
D'après l'OCDE, « analogues à ceux d'un vieillissement de vingt ans », les problèmes de santé chroniques associés à l'obésité sont « très supérieurs aux effets estimés du tabagisme ou de la consommation excessive d'alcool », et l'augmentation des dépenses de santé liées à l'obésité sera donc, dans l'avenir, supérieure à la progression des dépenses de santé liées au tabagisme.
Il est d'autant plus nécessaire d'agir rapidement que l'obésité connaît une progression en France comparable à celle qui était observée sur le continent nord-américain voilà trente ans.
Néanmoins, je demeure quelque peu perplexe quant aux effets de la loi. La comparaison avec les pratiques de nos voisins est intéressante pour éviter que la législation ne se limite à suppléer des parents démissionnaires.
Au Royaume-Uni, la Food standards agency a élaboré un programme d'étiquetage des produits au moyen d'un feu tricolore. C'est une manière pour les enfants les plus jeunes de reconnaître les produits qui seront pour eux les meilleurs.
Cette question de l'étiquetage, dont nous avions parlé également avec Mme Kosciusko-Morizet lors de la discussion du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, pourrait constituer un vrai sujet pour la présidence française de l'Union européenne, même si, je le sais bien, madame le ministre, cette liste s'allonge de jour en jour. Il n'en demeure pas moins qu'un tel étiquetage au niveau européen, similaire à celui qui existe pour les machines à laver et facilement identifiable par les jeunes enfants, qui sont évidemment les premiers touchés, serait probablement intéressant.
Au Danemark, les communes disposent d'importantes compétences en matière de santé, et les autorités sanitaires considèrent qu'elles constituent le cadre idéal pour les actions dans ce domaine. Des crédits spécifiques leur sont accordés dans la lutte contre l'obésité. En novembre 2004, les principaux partis politiques danois ont conclu un accord sur la répartition de ces crédits spécifiques ; pour 2008, 15 millions d'euros ont été alloués au financement d'initiatives municipales.
Les communes, comme les intercommunalités, sont au coeur de l'action ; elles peuvent non seulement déterminer les endroits et les pratiques, mais également assurer le suivi. En l'espèce, le travail à l'échelle locale est aussi important que les grandes opérations nationales, dont on ne perçoit parfois pas immédiatement les résultats sur le terrain.
On pourrait très bien imaginer ce type de démarches, qui, sans être une compétence nouvelle dévolue aux intercommunalités, constituerait pour elles une option.
De nombreuses communes et structures intercommunales du département de l'Orne ont, en la matière, pris de nombreuses initiatives, notamment la mise en place de cantines « bio ». Ces initiatives locales servent la politique nationale et contribuent à sa réussite.
En Espagne, la Confédération espagnole des boulangers s'est engagée à réduire progressivement le taux de sel dans ses produits, lequel passerait de 2,2 % à 1,8 %.
Au Canada, dans les zones défavorisées, des programmes de nutrition ont été mis en place, financés grâce à des fonds privés et publics. Le cofinancement peut représenter une solution.
Ces programmes permettent de fournir des suppléments de nourriture au moment du goûter et du petit-déjeuner et, dans une moindre mesure, du déjeuner. Ils s'adressent à tous les élèves d'un établissement, sans tenir compte de leur situation socio-économique.
Ils sont parfois associés à la promotion d'une nourriture saine, mais les problèmes de financement - nous risquons nous aussi d'y être confrontés - empêchent souvent de fournir des aliments variés et de bonne qualité.
Dans la plupart des provinces du Canada, la taxe sur la vente au détail s'applique aux boissons gazeuses, aux jus de fruits, aux bonbons et aux en-cas - chips, bretzels, pop-corn, cacahuètes, etc. -, alors qu'elle ne pèse pas sur d'autres denrées. Le produit de cette taxe est affecté au financement de programmes de lutte contre l'obésité.
Aux États-Unis, exemple de ce qu'il ne faut pas faire, certains États ne se sont pas limités à l'adoption de mesures strictement pédagogiques. Ainsi, l'Arkansas a adopté en 2003 une loi obligeant les écoles à adresser aux parents un courrier mentionnant l'indice de masse corporelle de leurs enfants et des explications relatives aux répercussions possibles sur leur santé, ainsi que des informations concernant le régime alimentaire et l'activité physique.
Les États de l'Illinois et de la Californie, quant à eux, ont adopté des dispositions prévoyant le dépistage du diabète de type II dans les écoles.
Je n'ose pas mettre en avant l'Orne comme département pilote, puisque celui-ci ne dispose que de sept médecins scolaires pour 53000 élèves. L'idée que les médecins scolaires puissent éventuellement procéder au dépistage de l'obésité pourrait être une piste, mais le problème du suivi se posera alors.
Madame le ministre, les efforts que vous faites pour lutter contre l'obésité infantile sont extrêmement importants, et nous ne pouvons que soutenir toutes ces mesures, tant à l'échelon local qu'à l'échelon national.
Là encore, les parents ont un rôle majeur à jouer, même si les mesures que nous avons envisagées tout à l'heure, s'agissant notamment de la publicité, doivent être examinées attentivement.
Madame le ministre, vous avez une vraie croisade à mener ! M. Laporte et ses amis sportifs - nos amis sportifs ! -pourraient être des vecteurs importants auprès des enfants dans les écoles. En effet, la promotion du sport est essentielle pour tout ce qu'elle véhicule ; c'est aussi facile que la vente de portables, mais sûrement beaucoup plus efficace !
Nous sommes tous très attachés à la politique que vous mettez en place, et nous vous soutiendrons donc dans votre action. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)