M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question n° 221, adressée à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité.
Mme Nicole Bricq. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie tout d’abord d’être présente pour me répondre. Je souhaite vous interroger sur les inégalités de ressources entre travailleurs en établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, anciennement « centres d’aide par le travail », selon qu’ils bénéficient ou non de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH.
Aux termes de la loi du 11 février 2005 a en effet été mise en place une rémunération garantie pour les travailleurs en ESAT. Celle-ci est comprise entre 55 % et 110 % du SMIC, compte tenu d’une aide au poste maximale fixée à 50 % du SMIC, en application du décret du 16 juin 2006.
Cette rémunération garantie est cumulable avec l’AAH dans certaines limites. En effet, seules les personnes dont le taux d’incapacité permanente est évalué à 80 % peuvent prétendre au bénéfice de l’AAH. Par conséquent, une personne en situation de handicap dont le taux d’incapacité est inférieur à 80 % dispose, à travail égal au sein d’un ESAT, de ressources inférieures à celles d’une personne bénéficiant de l’AAH. Cet écart peut atteindre 50 %.
Comme moi, vous êtes certainement attachée au principe « à travail égal, salaire égal ». Or je constate que, dans mon département de Seine-et-Marne – cela doit être le cas dans d’autres départements – la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées est très fréquemment sollicitée pour accorder un taux d’incapacité supérieur ou égal à 80 % aux travailleurs en ESAT, quelle que soit l’application stricte du guide barème.
Je rappelle que l’AAH a été revalorisée très modestement, eu égard aux engagements présidentiels. Mais cette revalorisation, qui est la bienvenue pour ceux qui en bénéficient, pourra avoir un effet pervers dans la mesure où les disparités entre les travailleurs en ESAT s’en trouveront accrues.
Face à cette imperfection, voire cette incohérence, du dispositif, quelles sont les évolutions qui peuvent être envisagées pour le rendre plus homogène ? Les commissions locales n’ont pas vocation à corriger ces incohérences. Elles sont déjà en difficulté quand elles doivent appliquer le barème face à ces travailleurs, qui, je le rappelle, sont loin de pouvoir être classés dans la catégorie des salariés moyens ou riches : ils gagnent environ 600 euros.
Sur cette situation qui est source de problèmes, non pas techniques, mais politiques et humains, j’aimerais entendre votre réponse, madame la secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Madame la sénatrice, vous savez toute l’importance que le Gouvernement attache à la question des ressources des personnes handicapées. Depuis plusieurs mois déjà, nous avons engagé une véritable concertation, dans le cadre du Comité de suivi de la politique du handicap, afin de dégager des propositions pour améliorer le pouvoir d’achat des personnes handicapées, et ce en vue de la Conférence nationale du handicap, qui se tiendra le 10 juin prochain.
Pour réfléchir à tous ces aspects, y compris celui que vous venez d’évoquer, toute une série de commissions et de groupes de travail thématiques ont été mis en place, lesquels regroupent l’ensemble des opérateurs de terrain, notamment les associations et les maisons départementales des personnes handicapées.
Dans le cadre de cette réflexion, les personnes accueillies en ESAT ne sont donc pas oubliées. Il nous paraît en effet indispensable que celles-ci – lourdement handicapées puisque l’accès à de telles structures n’est possible que pour celles et ceux dont la capacité de travail est inférieure au tiers de la normale – soient encouragées à développer leurs capacités professionnelles grâce à une rémunération juste et équitable.
À cet égard, la loi du 11 février 2005 a considérablement amélioré les ressources des personnes accueillies en ESAT, et ce d’un triple point de vue.
Tout d’abord, vous l’avez rappelé, la rémunération garantie versée par l’établissement peut désormais atteindre 110 % du SMIC, contre 100 % auparavant, niveau qui permet alors à la personne de subvenir à ses besoins par ses seuls revenus d’activité sans recourir à l’allocation aux adultes handicapés.
Ensuite, le système de rémunération en ESAT est désormais conçu pour encourager la personne concernée à développer ses capacités : l’aide au poste versée par l’État ne diminue plus systématiquement chaque fois que l’ESAT fait un effort pour améliorer la rémunération directe de la personne.
Enfin, un mécanisme incitatif de cumul entre la rémunération en ESAT et l’allocation aux adultes handicapés a été créé, afin d’encourager les personnes accueillies à progresser dans leurs activités.
En réalité, madame la sénatrice, les disparités que vous avez relevées dans la rémunération des personnes accueillies en ESAT proviennent de la législation sur l’AAH elle-même : en effet, les personnes ayant un taux d’invalidité supérieur à 80 % bénéficient d’un abattement supplémentaire sur leurs ressources, et cela conduit à majorer l’allocation qui leur est versée.
L’objectif du travail de remise à plat engagé dans le cadre du comité de suivi précité est bien d’examiner la pertinence des différences de traitement dans l’accès à l’allocation aux adultes handicapés : si certaines d’entre elles sont sans doute légitimes, d’autres le sont nettement moins, à l’image de la condition d’inactivité d’un an exigée parfois pour l’obtention de l’AAH, dont la suppression a d’ailleurs été annoncée par le Président de la République.
Pour étayer mon propos, je prendrai l’exemple d’une personne percevant l’allocation aux adultes handicapés et titulaire d’un contrat à durée déterminée de trois mois : si ce dernier n’est pas renouvelé, cette personne devra attendre un an avant de pouvoir de nouveau bénéficier de l’AAH. C’est précisément l’une des difficultés que nous nous sommes engagés à étudier dans le cadre du comité de suivi mis en place pour réfléchir de manière globale à la question de l’articulation entre ressources du handicap, retour à l’emploi et travail en ESAT, quelles que soient les situations rencontrées.
Ce groupe de travail rendra ses conclusions définitives le 10 juin prochain, à l’occasion de la Conférence nationale présidée par le Président de la République. Conformément à ce que nous avions précisé lors de la présentation du comité de suivi, l’objectif est d’éliminer toutes les situations dans lesquelles l’accès ou le retour à l’emploi d’une personne handicapée est « désincité » par une mauvaise articulation entre des revenus du handicap et le mode de rémunération. Plus globalement, telle est aussi l’ambition du revenu de solidarité active.
Madame la sénatrice, sachez en tout cas que ce sujet est véritablement au cœur de nos préoccupations et que des mesures précises ne tarderont pas à être annoncées.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Madame la secrétaire d’État, nous attendrons donc le 10 juin prochain pour savoir ce qu’il en sera réellement.
Cela étant, je me suis interrogée sur l’opportunité de ma question après avoir lu attentivement, hier soir, le Livre vert que votre collègue Martin Hirsch a consacré au revenu de solidarité active, sujet sur lequel ce dernier sera auditionné tout à l’heure par la commission des finances. Si j’ai bien compris, son ambition, qui, d’ores et déjà, a été profondément réduite en termes de financement, était d’intégrer dans le calcul du RSA l’ensemble des prestations sociales, y compris, d’ailleurs, l’AAH, puisqu’il s’agit, là aussi, d’encourager le travail, conformément à la philosophie affichée du dispositif d’ensemble.
Si cela est confirmé, ma préoccupation serait tout de même quelque peu « décalée » par rapport à la réalité. Mais je continue à m’interroger, puisque l’on ne connaît toujours pas le périmètre exact du RSA. Du reste, ce n’est pas vous qui allez pouvoir m’éclairer sur ce point aujourd’hui !
J’étudierai donc avec beaucoup d’attention les propositions qui ressortiront de la Conférence nationale du 10 juin prochain. En tout état de cause, il ne faudrait tout de même pas, comme c’est malheureusement devenu une habitude, déshabiller l’un pour habiller – très mal ! – l’autre.
Madame la secrétaire d’État, je vous fais confiance, car je connais votre volonté tenace de régler le problème. Mais je ne suis pas totalement confiante à l’égard des arbitrages qui seront rendus.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. Madame Bricq, lorsque nous avons mis en place ce groupe de travail, nous y avons associé les équipes de Martin Hirsch afin de disposer d’une vision cohérente pour tout ce qui touche à l’articulation entre des ressources liées soit à une inactivité, soit au handicap, et l’accès ou le retour à l’emploi.
Cela signifie, non pas que l’ensemble des prestations sociales seront intégrées dans le calcul du RSA, mais que notre démarche se veut logique et cohérente. À nos yeux, il ne doit pas y avoir de perdants parmi ceux qui souhaitent accéder à l’emploi.
Dans le cadre du handicap, vous le savez, il n’y a pas que l’AAH. Il nous faut également tenir compte de la compensation du handicap et de sa spécificité. Si la question du handicap est un volet particulier de notre action, nous souhaitons travailler sur ce sujet en cohérence avec les différentes politiques qui visent à la solidarité.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 223, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
M. Thierry Foucaud. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur le vif mécontentement que provoquent parmi les étudiants en travail social les modalités de mise en œuvre du décret du 31 janvier 2008 relatif à la gratification et au suivi des stages en entreprise, pris en application de l’article 9 de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.
Vous le savez, ce texte prévoit de rémunérer certains stagiaires à hauteur de 30 % du SMIC, mais uniquement à compter du troisième mois de stage, ce qui signifie, concrètement, que cette rémunération n’est due qu’à compter du premier jour du quatrième mois de stage.
M. Thierry Repentin. Eh oui !
M. Thierry Foucaud. Cela revient à gratifier le stagiaire d’une somme de 398 euros, c’est-à-dire 99,50 euros mensuels pour les trois premiers mois.
Outre le peu de considération accordé au stagiaire au regard de la modestie d’une telle somme, alors que celui-ci va accomplir un travail réel, le décret incriminé pose d’autres problèmes. En effet, il institue une inégalité de traitement en fonction des filières choisies par les étudiants.
Celles-ci sont en effet plus ou moins longues selon que l’intéressé souhaite devenir assistant social, éducateur spécialisé, moniteur-éducateur ou aide médico-psychologique. Certains de ces étudiants ne bénéficieront d’ailleurs d’aucune gratification. De plus, certaines catégories d’étudiants sont de fait exclues du dispositif. Il s’agit des étudiants qui poursuivent un diplôme de niveau 4, ceux qui sont allocataires des ASSEDIC, en congé individuel de formation ou boursiers. Les organismes de caractère associatif qui accueillent ces stagiaires sont dans l’incapacité de les financer ; quant à l’État, il refuse d’appliquer cette règle à ses propres services.
Tout cela n’est pas sans conséquence. Des structures ont gelé les stages faute de financement : les étudiants concernés se retrouvent, de ce fait, dans l’impossibilité de valider leurs diplômes puisque ceux-ci supposent des formations, dites en alternance, avec obligation de stages pratiques. Certains étudiants envisagent d’ailleurs d’abandonner leur cursus en cours.
Voilà pourquoi, madame la secrétaire d’État, je vous demande instamment de bien vouloir me préciser les mesures que vous comptez prendre pour que, sans tarder, l’État débloque les financements nécessaires aux gratifications liées à ces stages, pour que celles-ci soient cumulables avec toute autre allocation, pour qu’elles puissent être perçues à compter du premier jour de stage sans distinction aucune entre les différentes filières sociales choisies et pour qu’en même temps des compensations financières soient accordées aux structures de type associatif permettant ainsi le versement des gratifications.
M. Thierry Repentin. Voilà un vrai problème qui est posé !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Monsieur Foucaud, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Xavier Bertrand, qui a souhaité que je le représente pour vous faire part des éléments de réponse suivants.
Tout d’abord, il partage votre volonté de permettre aux étudiants concernés d’achever leur cursus de formation. Les dernières dispositions que nous avons prises ont pour objectif de valoriser les stages. Il ne s’agit en aucun cas de tarir l’offre.
C’est pourquoi, concernant le montant de la gratification, la démarche que le Gouvernement a adoptée en vue d’appliquer la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a été pragmatique, concertée et équilibrée, avec le souci de donner une portée réelle à la gratification obligatoire votée par le Parlement, et ce sans déséquilibrer les formations.
En prenant le décret du 31 janvier 2008, le Gouvernement a fixé le montant minimal de la gratification à 12,5 % du plafond horaire de la sécurité sociale, soit 30 % du SMIC. Le stagiaire perçoit la gratification dès le premier jour, et non plus seulement à partir du début du quatrième mois de stage.
Ce que vous souhaitez, monsieur le sénateur, nous l’avons par conséquent déjà fait ! (M. Thierry Foucaud fait un signe de dénégation.)
Ensuite, le champ d’application de cette réglementation inclut les entreprises publiques, les établissements publics industriels et commerciaux, ainsi que les associations.
En effet, la loi pour l’égalité des chances ne concernait pas les stages dans les administrations. Toutefois, André Santini examine cette question et il rencontrera d’ailleurs prochainement le Comité des stages et de la professionnalisation des cursus universitaires.
Cette loi ne modifiait pas non plus le régime des stages de la formation professionnelle continue, accomplis par des salariés ou des demandeurs d’emploi qui n’ont pas le statut d’étudiant. Il n’y a donc pas lieu, monsieur Foucaud, d’incriminer le décret sur ce point.
Dans la mesure où, je le rappelle, avant 2006, il n’existait aucune garantie pour les stagiaires, on peut dire que le Gouvernement offre ainsi une réelle avancée sociale aux étudiants et une valorisation de leur investissement dans le monde du travail.
J’en viens à la situation des étudiants en travail social qui effectuent souvent leur stage dans des associations gérant des établissements ou des services d’action sociale. Je rappelle que la gratification n’est obligatoire que pour les stages de plus de trois mois consécutifs.
Dans les structures qu’il finance, l’État a pris toutes ses responsabilités pour garantir que les stages puissent avoir lieu dans les établissements et services médico-sociaux. Les dépenses correspondant aux gratifications obligatoires sont prises en charge, notamment au titre de l’assurance maladie. Le financement existe donc bien, il est intégré dans la tarification des établissements et services. Xavier Bertrand a donné, dès le mois de février, des instructions très claires en ce sens aux services déconcentrés, et cet engagement qui s’applique dès cette année vaut, bien entendu, pour l’avenir.
Pour réussir l’accompagnement de la dépendance, du handicap, de la petite enfance et des personnes en difficulté, nous avons besoin de former des travailleurs sociaux, et je sais que les conseils généraux partagent pleinement ce souci. C’est la raison pour laquelle de nombreux conseils généraux ont choisi une approche pragmatique, en facilitant l’application de la gratification obligatoire dans les établissements et services qu’ils financent ; nous les y encourageons de telle sorte qu’aucun étudiant ne soit mis en situation de ne pouvoir accomplir son stage.
Xavier Bertrand a adressé un courrier en ce sens à M. Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, l’ADF, avec laquelle ses services restent en contact pour examiner les modalités d’application et faire en sorte que les stages prévus puissent avoir lieu, afin de ne pas compromettre les formations dont le secteur a besoin.
Quant au cumul de la gratification de stage avec les bourses d’étude pour les étudiants en travail social, c’est aux conseils régionaux qu’il appartient de préciser les règles d’attribution des bourses.
Voilà la réponse que Xavier Bertrand souhaitait vous apporter, monsieur Foucaud, pour rétablir les choses sur ce sujet qu’il suit avec beaucoup d’attention.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la secrétaire d’État, je ne suis, bien sûr, pas satisfait de votre réponse.
Tout d’abord, vous affirmez que Xavier Bertrand souhaite que les stagiaires puissent finir leur stage. C’est bien la preuve qu’il existe un malaise réel chez ces étudiants, notamment à propos des questions de rémunération.
Si l’on en croit vos propos, tout est pour le mieux, tout va dans le bon sens, et ceux qui s’interrogent travestissent la réalité. Dans ce cas, pourquoi les étudiants des instituts du développement social, les IDS, ont-ils prévu une journée nationale de mobilisation avec manifestation, à Paris, le 13 mai ? Vous pourrez alors mesurer par vous-même leur mécontentement et leur détermination.
Votre réponse s’inscrit naturellement dans la politique gouvernementale, dont la caractéristique majeure est l’inégalité de traitement qu’elle instaure entre nos concitoyens : vous accordez 15 milliards de cadeaux fiscaux, au travers de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, aux plus nantis, et vous opposez une réponse négative à la demande de versement d’une gratification mensuelle de 398 euros pour les stagiaires !
Or il faudrait accorder une contrepartie financière dès le premier jour pour tous les stages effectués par les étudiants, comme ceux-ci le souhaitent. Nous proposons que cette contrepartie soit fixée selon un barème national défini dans le cadre d’une négociation nationale.
Nous proposons en outre que les déplacements donnent lieu, selon les besoins, à des indemnités de transport, de repas et de logement.
Enfin, j’ai retenu de votre intervention que vous vouliez faire payer, une fois de plus, les départements et les régions.
emplois spécifiques de la fonction publique territoriale
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 198, adressée à M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique.
M. Georges Mouly. Je souhaite, tout d’abord, dire à Mme la secrétaire d’État que j’ai écouté avec beaucoup d’attention la réponse « en deux temps » qu’elle a faite à la question de Mme Nicole Bricq et que je l’ai beaucoup appréciée.
Le sujet que je vais aborder est tout autre.
La fonction publique territoriale a été reconnue par la loi du 26 janvier 1984. Des lois successives ont fait évoluer son statut : celles de 1987, 1994, 1996, 2001 et celle de 2005, qui a introduit les contrats à durée indéterminée.
Malgré toutes ces évolutions, un nouveau texte a paru nécessaire afin de tenir compte de l’évolution des missions qui sont aujourd’hui confiées à la fonction publique territoriale. Il s’agit de la loi du 17 février 2007, qui comporte un grand nombre de dispositions très importantes concernant la gestion des ressources humaines des collectivités territoriales et la clarification du paysage institutionnel de la fonction publique territoriale. Un des objectifs affichés est bien de renforcer l’attractivité des métiers.
Cependant, certains agents demeurent exclus du bénéfice de ces évolutions successives. Il existe des emplois spécifiques, créés sur la base de l’article L. 412-2 du code des communes, qui n’ont pu bénéficier, au moment de la constitution des cadres d’emploi de la fonction publique territoriale, d’une intégration dans ces cadres d’emploi. La nature même de l’emploi spécifique ne permet ni mutation ni détachement, ce qui limite le déroulement de carrière au cadre défini par la délibération qui a institué l’emploi.
Certes, la loi adoptée en 2007 a permis d’intégrer automatiquement les titulaires d’emploi spécifique, mais au seul bénéfice de la catégorie A, sous réserve que soient remplies certaines conditions. Or il existe des emplois spécifiques qui concernent les catégories B et C.
Un traitement identique de tous les agents titulaires d’emploi spécifique, quelle que soit la catégorie, semble relever de la simple équité et mettrait un terme à une situation extrêmement pénalisante pour des agents, au demeurant peu nombreux, qui ne peuvent ni évoluer dans leur carrière ni envisager de mobilité.
Malgré une mise en œuvre récente de ce nouveau dispositif, ne serait-il pas possible d’envisager d’étendre l’intégration automatique de ces agents, dès lors que sont remplies les conditions de diplômes et de durée de carrière ?
Je profite de cette intervention pour renouveler les préoccupations, dont j’ai fait part récemment par courrier, relatives au déroulement de carrière et de rémunération des personnels de catégorie C de la fonction publique territoriale. Il me semble en effet essentiel de veiller à la situation de ces personnels, qui constituent la catégorie la plus modeste de la fonction publique territoriale. Les agents des petites collectivités sont souvent bloqués dans leur carrière, compte tenu de la taille même de la collectivité, d’autres ont entamé une seconde carrière dans la fonction publique territoriale et certains assument des missions qui dépassent largement leur cadre d’emploi. Les compétences sont réelles, le mérite certain, néanmoins, les perspectives de déroulement de carrière sont peu encourageantes.
La refonte des échelles de rémunération de la catégorie C a certes permis des améliorations, mais de nombreux agents restent encore pénalisés par des perspectives d’évolution quasiment inexistantes pour certains grades, situation engendrée par l’application même de ces nouveaux dispositifs. M. le secrétaire d’État m’a indiqué qu’il avait pris bonne note des remarques que je lui transmettais et que ce dossier serait soumis à un examen attentif.
Je sais pouvoir compter sur l’intérêt attentif du Gouvernement, d’autant plus que vient de paraître le livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, issu de la réflexion de la Conférence nationale sur les valeurs, les missions et les métiers de la fonction publique installée par M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, M. le Premier ministre et M. le ministre du budget, dans l’objectif de faire des services publics et de la fonction publique des atouts pour la France.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention de M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique sur les emplois spécifiques de la fonction publique territoriale.
Ces emplois dits spécifiques sont ceux qui ont été créés antérieurement à l’institution des cadres d’emplois de la fonction publique territoriale, en application de la loi du 26 janvier 1984.
La situation des titulaires de ces emplois a été prise en compte dans le processus de construction statutaire. Chacun des statuts particuliers des cadres d’emplois publiés depuis 1987 a ainsi prévu des dispositions particulières ayant pour objet de permettre l’intégration de ces fonctionnaires, celle-ci étant obligatoire dès lors que les agents remplissaient les conditions fixées. Lorsque les fonctionnaires ne remplissaient pas en totalité celles-ci, ils pouvaient présenter une demande d’intégration qui faisait alors l’objet d’une procédure spécifique d’instruction.
Les statuts particuliers des cadres d’emplois classés en catégorie A prévoyaient la saisine, en tant que de besoin, d’une commission nationale d’homologation ad hoc lorsque l’une au moins des conditions de diplôme ou d’ancienneté n’était pas remplie. Cette commission n’existe plus, mais il demeure un certain nombre de fonctionnaires territoriaux occupant des emplois spécifiques de catégorie A qu’il convient d’intégrer.
C’est ce qui a notamment justifié le dépôt, lors de la première lecture au Sénat du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, d’un amendement d’origine parlementaire visant à créer, dans la loi du 26 janvier 1984, un article 139 ter qui dispose : « Les titulaires d’un emploi spécifique de catégorie A qui n’ont pas été intégrés dans les filières de la fonction publique territoriale et qui possèdent un diplôme de niveau licence ainsi que quinze années de carrière dans un emploi spécifique sont automatiquement, à leur demande, intégrés dans l’une des filières de la fonction publique territoriale. Les modalités pratiques de cette intégration sont fixées par décret ».
En revanche, les statuts particuliers des cadres d’emplois classés en catégorie B ou C prévoyaient la saisine, en tant que de besoin, de la commission administrative paritaire compétente, notamment quand les intéressés ne possédaient pas le diplôme prévu ou n’avaient pas l’ancienneté de services exigée mais une qualification permettant de les assimiler, en raison de leur niveau de responsabilité, à celle d’un grade statutaire.
De par cette procédure, nettement moins lourde que pour les titulaires d’emplois du niveau de la catégorie A, les fonctionnaires qui occupaient des emplois spécifiques relevant du niveau des catégories B ou C ont généralement pu être intégrés, dès lors qu’ils le demandaient, directement dans les cadres d’emplois de même catégorie avec, le cas échéant, une simple consultation de cette commission.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que M. André Santini m’a demandé de porter à votre connaissance. J’espère qu’ils vous satisferont. Je ne manquerai pas, pour ma part, de lui transmettre les informations complémentaires dont vous nous avez fait part, à la fin de votre question, sur la situation des agents de catégorie C et lui demanderai de vous répondre par écrit sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, d’avoir bien voulu me communiquer la réponse de M. Santini. Cette réponse précise mérite d’être lue attentivement afin de déterminer quelles suites éventuelles il faudra lui donner.
Je tiens à vous remercier également pour l’engagement que vous avez bien voulu prendre.