M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’était le cas !
Mme Raymonde Le Texier. Pour ce qui est du bonus d’ancienneté, alors que vous aviez rejeté nos amendements visant à le réinstituer, vous avez finalement été obligés de le réintégrer par la petite porte du décret.
Autre flagrant délit de double discours de votre part, le non-respect de la disposition de l’accord national interprofessionnel aux termes de laquelle le nouveau CDD de mission ne peut pas être utilisé pour faire face « à un accroissement temporaire d’activité ». C’est écrit noir sur blanc. Or cette modalité encadrant l’utilisation de ce contrat précaire n’est pas reprise dans le projet de loi. Nous vous avons proposé un amendement pour y remédier, respectant ainsi parfaitement l’ANI. Mais non ! Vous avez tout simplement écarté cette précision négociée et obtenue par les syndicats.
On le voit bien, le respect de l’accord signé entre les partenaires sociaux, c’est quand cela vous arrange et quand cela convient aux employeurs !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les parlementaires étaient pour le texte !
Mme Raymonde Le Texier. M. Xavier Bertrand n’a cessé de nous dire que le dialogue social était cher à son cœur, qu’il y croyait sincèrement, que ce projet de loi portant modernisation du marché du travail en serait la première incarnation et que nous entrions véritablement dans une ère nouvelle. Pour notre part, nous n’avons jamais été dupes de ce discours, qui visait surtout à nous tenir en laisse au nom du respect de la démocratie sociale.
Mme Raymonde Le Texier. Malheureusement, en écoutant les dernières déclarations du Gouvernement et les réactions qu’elles ont provoquées, il semble que nos craintes n’étaient pas infondées. Qui peut encore croire en l’avenir du dialogue social tel que vous entendez le pratiquer ?
Vos annonces sur les 35 heures, votre volonté de passer en force en organisant la négociation et la concertation uniquement lorsque cela sert vos projets risquent de signer l’acte de décès du dialogue social version UMP, un dialogue qui intime puis ordonne.
Lorsque vous savez pouvoir imposer vos vues au travers d’une négociation, vous jouez le jeu, du moins en apparence. En revanche, quand vous savez que vos projets sont si critiquables qu’ils n’ont aucune chance de créer un consensus, ni même un accord, vous écartez d’un revers de la main ce fameux dialogue social... Il n’aura pas fallu longtemps pour que les masques tombent.
Mais revenons à la commission mixte paritaire. Tout au long des échanges que nous avons eus dans ce cadre, comme lors des débats dans les assemblées, il est apparu de façon de plus en plus patente que l’ambition réelle de ce texte était notamment d’éloigner le juge, de faciliter les licenciements en évitant la judiciarisation du droit du travail et d’organiser son basculement dans le giron du droit civil.
J’en veux pour preuve les difficultés que nous avons eues à faire adopter en CMP le fameux amendement tendant à rétablir la possibilité d’appel dans le cas où le juge des prud’hommes serait amené à statuer sur une rupture conventionnelle. Insensibles aux principes généraux du droit qui instaurent la possibilité d’un appel, quelle que soit la juridiction, nos collègues sénateurs de la majorité se sont dans un premier temps opposés à cet amendement en mettant en avant les délais d’appel trop longs, donc générateurs d’insécurité tant pour l’employeur que pour le salarié.
M. Guy Fischer. C’est bien vrai !
Mme Raymonde Le Texier. Avec une mauvaise fois évidente, ils suggéraient d’aller directement, si besoin, devant la Cour cassation, dont chacun ici connaît les délais et les coûts.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh non ! Dès qu’on vous accorde quelque chose, vous nous piétinez !
Mme Raymonde Le Texier. In fine, nous nous réjouissons de l’adoption de cet amendement qui rétablit le droit élémentaire pour tout citoyen d’accéder librement à tous les degrés de juridiction.
Il n’en reste pas moins que ce texte, qualifié de « modernisation », est à bien des égards une marche arrière.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les syndicats le trouvent bien !
Mme Raymonde Le Texier. À moins que vous ne considériez comme modernes des mesures aux relents de xixe siècle, qu’il s’agisse du contournement du droit du licenciement, du recul de la compétence du juge sur ces questions, de l’entérinement législatif de l’inégalité intrinsèque entre l’employé et l’employeur, ou encore de la création d’un nouvel outil pour pérenniser la précarité. Autant de mesures qui, loin de moderniser le marché du travail, le déconstruisent. C’est une nouvelle étape dans un travail de sape qui s’est accéléré ces dernières années. (M. Henri de Raincourt s’exclame.)
Madame la secrétaire d'État, justement parce qu’il s’agit de la première concrétisation du dialogue social, notre vigilance de parlementaires se devait d’être exemplaire, parce que tous les sénateurs et les députés devraient être les garants de l’intérêt du plus grand nombre. Telle sera notre attitude, notamment au regard des négociations à venir, qui conditionneront l’équilibre de l’application de cet accord national.
Nous dénonçons ce texte qui ajoute de la sécurité pour les entreprises mais qui garantit de la précarité pour les salariés. Nous dénonçons votre conception de la flexisécurité « à la française », qui fait fi de l’indispensable sécurisation des personnels.
Soumis aux pressions de votre idéologie, les partenaires sociaux sont allés aussi loin qu’ils le pouvaient lors de la négociation. Parce qu’il est respectueux de leur travail, le groupe socialiste s’abstiendra donc sur ce texte. Mais, tant à la vue du triste sort que vous réservez au dialogue social qu’en raison des dérives dangereuses que cette loi met en place, comme dans le poème de Prévert, nous nous abstiendrons avec la tête et nous voterons non avec le cœur.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme du débat sur ce projet de loi portant modernisation du marché du travail. Vous nous avez répété à l’envi que votre volonté était de respecter le dialogue social et l’accord national interprofessionnel signé le 11 janvier dernier et présenté comme historique.
Cette volonté n’aura duré qu’un temps : la négociation sur les 35 heures s’engage dans un mépris total de la position commune qui s’était dégagée entre la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME sur le projet de loi relatif à la représentativité syndicale. (M. le président de la commission des affaires sociales s’exclame.)
Vous avez décidé de bafouer délibérément un accord pourtant conclu, comme si le dialogue social, la recherche de consensus et les engagements gouvernementaux n’avaient plus de sens. Et c’en est au point que même Mme Parisot, présidente du MEDEF, consciente des conséquences que cela aura demain, vous invite à faire marche arrière et à respecter la position commune. Cela ne manque pas de sel !
Ma conviction, comme celle du groupe communiste républicain et citoyen, est que l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 n’est pas, contrairement à vos déclarations, le résultat d’un réel dialogue social. Vos tentatives pour opposer les sénatrices et sénateurs hostiles à ce projet de loi aux syndicats ayant approuvé l’ANI sont restées vaines.
Je tiens à le redire ici : si je regrette la signature des organisations syndicales, je la comprends. Il faut nous resituer dans le contexte.
Quelles solutions leur proposiez-vous ? Pouvaient-elles, sur le fond, remettre en cause l’économie générale de ce projet de loi ? Pouvaient-elles débattre et faire émerger des propositions alternatives en matière de sécurisation des parcours professionnels ou des politiques en matière d’emploi ? Elles ne le pouvaient pas.
Quelle alternative s’offrait alors aux syndicats ? Une seule : votre intervention législative sur une base connue, celle du MEDEF.
Ce ne sont pas les syndicats qui sont à blâmer ; c’est votre conception du dialogue social qui est à dénoncer !
Je ne regrette d’ailleurs rien de la position de mon groupe lors de l’examen de ce projet de loi. Je me souviens d’avoir déploré, avec ma collègue Annie David, que les dispositions les plus favorables aux salariés, très minoritaires dans ce texte, soient renvoyées à plus tard, à des décrets, ou encore à la conclusion d’autres accords. Permettez-moi de vous le dire, le mauvais coup que vous venez de réaliser sur les 35 heures ne fait qu’accroître et conforter nos doutes quant à l’avenir. Nous serons vigilants à l’égard des décrets que vous prendrez, notamment celui qui concernera les indemnités de licenciement pour les salariés ayant plus de dix ans d’ancienneté.
Dans cet hémicycle même, vous nous demandiez, madame la secrétaire d’État, de vous faire confiance. Au vu de ce qui vient de se passer, vous comprendrez que votre capital confiance soit très largement entamé. C’est la raison pour laquelle mes collègues et moi-même resterons mobilisés et attentifs. Nous aurons l’occasion de vous faire part de notre point de vue, tant ce mois-ci, lors de l’examen du projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi, qu’au mois de juillet, lorsque nous sera soumis le projet de loi relatif aux 35 heures.
Mais si la forme est condamnable, le fond l’est tout autant. Je voudrais commencer, pour ne pas trop vous accabler, par la seule mesure positive de ce projet de loi, à savoir la transformation des CNE en CDI, disposition très attendue par les milliers de nos concitoyens qui avaient dénoncé la création de ce contrat précaire. Et pourtant, lors de nos débats, qu’avons-nous entendu ? À vous croire, cette transformation ne serait que le simple fait de votre bonne volonté. Bel exercice de réécriture de l’histoire, madame la secrétaire d’État !
Permettez-moi de vous rappeler la chronologie des faits. Au mois de juin 2005, le Gouvernement est habilité par le Parlement à prendre des mesures d’urgence, prétendument censées favoriser l’emploi, dont la création du CNE. La CGT, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et FO demandent au Conseil d’État l’annulation de ces ordonnances, estimant, notamment, que la période d’essai de deux ans et la possibilité de licencier le salarié sans motif sont contraires à la loi.
Au mois de juillet 2007, les cours d’appel de Bordeaux et Paris contredisent le Conseil d’État et considèrent que les ordonnances contreviennent aux engagements internationaux de la France, en particulier à la convention 158 de l’OIT, l’Organisation internationale du travail.
Le 14 novembre 2007, après que le Premier ministre de l’époque, M. de Villepin, eut réussi à repousser à deux reprises l’examen du CNE par l’OIT, cette institution déclare ce dispositif contraire aux engagements internationaux de la France en matière de protection des droits des travailleurs.
Et pourtant, madame la secrétaire d’État, bien décidé à ne pas revenir sur ce projet de loi, M. Xavier Bertrand déclarait le 18 novembre 2007, lors de l’émission « Le Grand Rendez-vous » sur Europe1 : « Dès que j’aurai notification officielle de l’OIT, je vais écrire à l’ensemble des organisations professionnelles pour leur indiquer qu’on ne pourra pas licencier un salarié sans motiver la décision ».
Il aurait été pourtant plus juste, madame la secrétaire d’État, de déposer rapidement, avec l’urgence que vous savez manier, un projet de loi visant à transformer les CNE en CDI.
Au lieu de cela, le 14 janvier 2008, sur France 2, M. Xavier Bertrand conditionnait la fin des CNE à la conclusion de l’ANI en ces termes : « Si l’accord est ratifié par les syndicats et retranscrit dans la loi, cela voudra dire que le CNE est totalement derrière nous ». Curieuse conception que celle qui consiste à conditionner le respect des engagements internationaux de la France à l’adoption par les partenaires sociaux d’un accord propre à notre pays !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est ça le dialogue !
M. Guy Fischer. Si l’ANI n’avait pas été ratifié, vous auriez donc continué à défendre le CNE,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais on aurait motivé le licenciement !
M. Guy Fischer. …quitte à mépriser plus longtemps encore la convention 158 de l’OIT !
Il aura donc fallu pléthore de décisions de justice, une condamnation par l’OIT et cet accord des partenaires sociaux pour que, enfin, la représentation nationale puisse, au grand dam de la CGPME et de M. Dassault, mettre un point final à ce type de contrat précaire !
Aussi, vous comprendrez, mes chers collègues, que ma satisfaction en la matière reste mitigée, d’autant plus que, avec les articles 4 et 5, vous répondez finalement à l’exigence du MEDEF, qui avait conduit à l’adoption du CNE, à savoir la non motivation du licenciement.
En effet, aux termes de l’article 4, il suffira dorénavant à l’employeur de justifier un licenciement, et non plus de le motiver. La nuance n’est pas anodine : l’employeur qui licenciera un salarié n’aura plus à prouver que le licenciement est fondé ; il lui suffira d’en énoncer les motifs.
Quant à l’article 5, il réaffirme sournoisement, par le biais de la rupture conventionnelle, cette non motivation du licenciement, mais il est vrai que vous appelez cette rupture de contrat non pas un licenciement, mais un « licenciement à l’amiable »...
Pourtant, la rupture conventionnelle contrevient à l’article 7 de la convention 158 de l’OIT, qui prévoit qu’une phase préalable à la séparation doit permettre au salarié et à l’employeur de confronter leurs analyses. Or cela est impossible si, entre l’entretien préalable et le recours contentieux, l’employeur peut modifier à loisir ses griefs, ainsi que vous l’y autorisez avec cette rupture conventionnelle.
Dans cette même logique, vous aviez voulu instaurer une limitation supplémentaire aux droits des salariés, en privant les salariés ayant opté pour la rupture conventionnelle de la possibilité de faire appel d’une décision qu’il leur est défavorable. Cette mesure aurait eu pour conséquence de créer une nouvelle catégorie de salariés. Aux salariés ne disposant déjà plus que de peu de droits, venaient s’ajouter ceux qui en ont « moins que peu ». Vous comprendrez donc que je me réjouisse de l’adoption, par la commission mixte paritaire, de l’amendement de mon groupe, défendu par Annie David, visant à supprimer cette disposition…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Guy Fischer. …aux termes de laquelle sur tout litige concernant cette rupture conventionnelle « le conseil des prud’hommes […] statue en premier et dernier ressort ».
Mais ce qui vous importe – nous l’avons constaté une nouvelle fois durant ce débat –, c’est de donner au MEDEF, et au patronat dans son ensemble, des gages de bonne conduite. Autant dire que les modifications apportées au droit de licencier apparaissent alors comme une simple contrepartie au « regretté » CNE et à son corollaire, le droit de licencier sans motif.
Ainsi, vous mettez fin aujourd’hui, sous la pression internationale, à une forme de contrat précaire, mais vous en créez deux nouvelles. Le contrat à durée déterminée à objet défini est, comme nous avons pu l’observer au cours des débats, l’une des pierres angulaires de ce projet de loi. Chacun se souviendra de vos interventions, madame la secrétaire d’État, et de celles des sénateurs de votre majorité pour défendre une disposition qui a pour seul objet de précariser plus encore le monde du travail.
Je me souviens, par exemple, d’avoir entendu dire, ici même, dans les rangs de l’UMP, que le modèle social français et le code du travail étaient des freins à la création d’entreprises et à l’emploi. C’est faire peu de considération des statistiques économiques, qui prouvent que le savoir-faire de nos salariés et leur grande productivité font de la France le second pays en termes d’installation d’entreprises, juste après l’Irlande.
Ainsi, un employeur pourra demain embaucher un salarié pour une période déterminée entre dix-huit et trente-six mois, tout en disposant de la possibilité de le licencier au bout de dix-huit, vingt-quatre et, naturellement, trente-six mois.
Par ailleurs, qu’adviendra-t-il du salarié compétent et efficace qui réalise l’objet de son contrat avant son terme ? Son contrat de travail reposant sur l’exécution d’une mission préalablement définie, nul doute que les juridictions analyseront la situation comme étant similaire à l’extinction ou à l’absence d’objet du contrat de travail. Cela aura pour conséquence de conduire à la fin anticipée dudit contrat.
Il y a donc fort à craindre pour la sécurité des parcours professionnels des salariés de notre pays, d’autant plus que, de l’avis de M. le rapporteur, ces contrats de mission et les contrats de portage n’en sont aujourd’hui qu’à un stade expérimental. L’objectif est, demain, de les généraliser à l’ensemble des salariés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il ne faut pas abuser !
M. Guy Fischer. On notera, tout de même, l’évidente contradiction entre cette mesure et les propos du Président de la République, qui déclare chaque jour vouloir augmenter le pouvoir d’achat des Français et ne cesse d’annoncer, avec de faux accents gaulliens, la généralisation du droit à l’intéressement. Car demain, les salariés embauchés sous contrat de mission n’auront comme seul remerciement de leur parfaite mobilisation que le droit d’aller grossir la file des demandeurs d’emploi. Et ne doutez pas qu’entre une prime d’intéressement et le maintien de leur emploi, le choix sera simple. La prime annoncée ne saura jamais compenser la perte de l’emploi.
De surcroît, les débats relatifs à l’offre valable d’emploi, qui se dérouleront ce mois-ci, ne sont pas pour nous rassurer. On voit bien comment, progressivement, vous transformez notre droit, passant du droit au maintien de l’emploi et à la protection du droit à travailler à celui d’employabilité et de flexibilité, qui se limite à replacer le demandeur d’emploi dans un parcours professionnel, quitte à méconnaître ses légitimes attentes, notamment en termes d’adéquation entre le travail proposé et les diplômes obtenus ou les expériences passées.
La qualité de ce qui reste du service public de l’emploi, après la fusion des ASSEDIC et de l’ANPE, s’analysera demain seulement sous l’angle du chiffre, et non plus sous celui de la qualité du reclassement proposé. Ce reclassement sera d’ailleurs de plus en plus le fait de sociétés privées, comme Ingeus.
Que dire du contrat de portage, qui conduit votre gouvernement à l’apothéose de l’individualisation des droits et du libéralisme économique ? Demain, ni l’État ni l’employeur n’auront de responsabilité sociale à l’égard des salariés ainsi recrutés. Il leur appartiendra de rechercher une clientèle, de leur proposer une offre de service, une contrepartie financière, qui intégrera la rémunération de la société de portage, dont le rôle est, dans cette relation triangulaire, pourtant bien limité.
Mais vous poussez très loin la responsabilité du salarié sur son avenir social, puisque vous faites peser sur lui seul l’organisation de son travail et le montant de sa rémunération.
Autant dire que le MEDEF, qui rêve d’une France débarrassée du code du travail et d’une relation entre l’employeur et l’employé régie par la seule relation contractuelle, doit applaudir des deux mains.
Je regrette, par ailleurs, que votre majorité, qui se prononce chaque jour pour le droit à travailler plus, ait refusé d’adopter nos amendements visant à préciser que la forme normale du contrat de travail est le CDI à temps plein. Nous offrions ainsi à votre gouvernement la possibilité de mettre en œuvre la fameuse reconnaissance du travail des salariés. Et pourtant, vous vous y êtes opposés.
On comprend, dès lors, que le fameux droit à travailler plus pour gagner plus n’est, en fait, qu’une obligation de travailler plus, si l’employeur l’exige. Il y a entre vos propos et vos agissements des écarts considérables.
Madame la secrétaire d’État, les sénatrices et sénateurs communistes voteront contre ce projet de loi, ce qui ne vous surprendra pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme nous l’indiquions déjà au commencement de l’examen de ce texte, le projet de loi portant modernisation du marché du travail nous semble aller dans le bon sens.
Certes, idéalement, nous aurions pu attendre d’un texte à l’intitulé si prometteur qu’il soit plus ambitieux, qu’il embrasse la question de la modernisation du marché du travail dans sa globalité.
Nous aurions pu imaginer qu’un projet comme celui-ci prenne la forme d’une loi de programmation globale posant l’architecture d’une véritable flexsécurité à la française en créant un accompagnement substantiel des parcours professionnels.
Dans un tel texte, auraient pu être abordées les questions cruciales que sont l’augmentation de l’indemnisation chômage pour les jeunes, la création d’un bilan d’étape professionnel, le travail précaire, c’est-à-dire le travail temporaire ou le temps partiel subi. Ce texte idéal aurait pu également traiter de l’amélioration de l’orientation des droits et de leur transférabilité, notamment du droit individuel à la formation.
La question du transfert des droits des salariés nous semble en effet centrale. Rattacher les droits des salariés à leur personne plutôt qu’à leur statut permettrait de sécuriser les parcours professionnels. La transférabilité des droits, c’est à notre avis le cœur de la sécurisation de l’emploi, vers laquelle nous devons tendre.
Toutefois, dans le même temps, nous comprenons très bien les raisons concrètes qui ont conduit le Gouvernement à opter pour un morcellement du dossier de la modernisation du marché du travail.
Les partenaires sociaux doivent être à l’origine et au centre d’une telle réforme et le temps de la négociation est par nature plus morcelé que ne l’est celui de la législation.
Le présent texte est cependant porteur d’une bonne nouvelle : le dialogue social, sans lequel rien n’est possible, semble relancé.
L’ANI, l’accord national interprofessionnel, première concrétisation de la loi du 31 janvier 2007 sur la négociation préalable à toute réforme dans le domaine du travail, est peut-être encore lacunaire, mais il a tout de même fait l’objet d’un large consensus et permettra des avancées notables dans le sens d’une flexibilisation du droit du travail et d’une sécurisation des parcours professionnels.
Nous considérons que cet accord interprofessionnel pose les premiers jalons de la flexsécurité à la française que nous appelons de nos vœux depuis plusieurs années.
Le projet de loi qui en légalise les principales dispositions respecte cet équilibre.
Côté sécurité, il vise à abroger le CNE, ainsi que nous le souhaitions dès le début. Il tend, de plus, à entériner plusieurs mesures : affirmation du CDI comme forme normale de la relation de travail, passage de trois ans à deux ans d’ancienneté requise pour bénéficier des indemnités d’assurance maladie complémentaire, obligation de motiver tous les licenciements, amélioration des indemnités légales de licenciement, rétablissement du caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte, mutualisation de l’indemnisation des salariés licenciés pour inaptitude et établissement d’un cadre général de la période d’essai.
Côté flexibilité, je relève l’instauration de la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail et la création circonscrite du CDD, dont le terme sera déterminé par la réalisation d’un objet défini.
Pour compléter l’ANI, le projet de loi sur la représentativité syndicale, dont nous débattrons en juillet, ainsi que les négociations sur l’assurance chômage et la formation professionnelle seront déterminants.
Pour l’heure, je ne peux que saluer l’esprit et les apports du débat parlementaire.
L’examen de ce type de textes est toujours délicat pour la représentation nationale : il s’agit de les améliorer sans les dénaturer.
En l’occurrence, je crois que nous y sommes plutôt pas mal parvenus, et ce d’un bout à l’autre de la procédure. Comme l’a rappelé le rapporteur de l’Assemblée nationale, les députés ont veillé à respecter scrupuleusement la lettre et l’esprit de l’accord. Le Sénat a fait de même, sans pour autant s’interdire d’apporter au texte des modifications très positives…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
Mme Anne-Marie Payet. …en ce qui concerne la période d’essai et la rupture conventionnelle du contrat de travail.
S’agissant de la période d’essai, il nous semblait important que la possibilité de renouveler cette période soit mentionnée dans le contrat de travail ou la lettre d’engagement du salarié et que les salariés bénéficient d’un délai de prévenance lorsque leur contrat est rompu en cours de période d’essai.
Au sujet de la rupture conventionnelle du contrat de travail, nous nous réjouissons que le Sénat ait adopté notre amendement tendant à écarter la compétence du conseil des prud’hommes lorsque c’est un avocat salarié qui a rompu son contrat de travail, ces salariés particuliers bénéficiant pour le reste de leur contentieux du travail d’un régime spécifique.
Dans ces conditions, je ne peux que me réjouir que la commission mixte paritaire ait adopté le texte résultant des travaux sénatoriaux presque dans son intégralité.
Mieux encore : tout en conservant les acquis du Sénat, elle a, à nos yeux, beaucoup amélioré le texte en matière de portage salarial.
En effet, les entreprises de portage redoutent aujourd’hui, à bon droit, la puissance des entreprises d’intérim qui vont s’engouffrer dans cette pratique.
C’est pourquoi nous avions déposé un amendement visant à faire en sorte que la convention qu’elles ont conclue constitue le cadre de droit commun du portage. Malheureusement, il n’a pas été adopté.
Plus grave, le Sénat avait autorisé les entreprises de travail temporaire à exercer l’activité de portage salarial alors que dans l’ANI une telle disposition n’était pas prévue : cela pouvait être interprété comme l’octroi d’un monopole à l’intérim et, en tout état de cause, anticipait vraiment le résultat de la négociation qui doit s’ouvrir pour organiser cette activité. Il s’agissait là d’une anticipation plus qu’ambiguë puisque, dans le même temps, le Sénat prévoyait une consultation des entreprises de portage avant la conclusion de l’accord négocié par le secteur de l’intérim.
Cette consultation est un vrai apport du Sénat.
En supprimant l’autorisation des entreprises de travail temporaire d’exercer le portage, la commission mixte paritaire délivre un texte beaucoup plus sage et cohérent dans ce domaine.
Pour toutes ces raisons, le groupe Union centriste-UDF votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :