M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1028 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° 1011 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. En voyant l’amendement de la commission et les sous-amendements qui l’accompagnent, je comprends que vous avez ouvert une belle brèche, chers collègues, et que vous essayez petit à petit de la combler.
M. Roland Courteau. Avec difficulté !
M. Daniel Raoul. Et la réaction des artisans et des commerçants vous prend de plein fouet !
Rendez-vous compte une fois pour toutes de ce que vous êtes en train de faire ! Ces mesures vont vous revenir dessus comme un boomerang.
Je voterai évidemment contre tous ces calfatages qui cherchent à éviter le naufrage du navire, certain que de simples rustines ne suffiront pas à boucher un trou aussi large !
M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 600 rectifié bis et 1047.
(Les sous-amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 327 ainsi que les amendements identiques nos 741 et 816 n'ont plus d'objet.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de modernisation de l’économie.
Le Sénat a commencé tout à l’heure l’examen des amendements déposés sur l’article 3.
L'amendement n° 328, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, M. Raoul, Mmes Bricq et Khiari, MM. Repentin, Muller, Massion, Lagauche, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le IV de cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le paragraphe IV de cet article vise à supprimer le stage de préparation et d’accompagnement à l’installation prévu par l’article 2 de la loi du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans.
Nous en revenons donc à la question de la formation des artisans au sujet de laquelle vous avez tenté tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, de nous apporter quelques garanties.
Chacun sait que la formation initiale et continue conditionne largement la qualité du service réalisé ou du bien fabriqué. En outre, elle permet d’inscrire l’accès à une profession sur un pied d’égalité pour tous, et donc de supprimer la concurrence déloyale. Elle permet également à l’entrepreneur de disposer des connaissances nécessaires pour lui garantir plus de chances de succès.
Remettre en cause non seulement la formation, mais également ce stage destiné à des artisans qui s’installent prouve clairement que votre intention n’est pas de soutenir ces installations. Vous cherchez surtout à favoriser le développement de « petits boulots », en marge de la législation du travail et des réglementations professionnelles. Point n’est donc besoin d’une formation !
La remise en question du haut niveau de qualification rejaillira sur des professions entières.
Monsieur le secrétaire d'État, une telle disposition est contradictoire avec le discours officiel sur le très haut niveau de qualité de l’artisanat, sur cette absolue nécessité de qualité de l’artisanat. Vous mettez un caillou dans la chaussure de professionnels jusqu’alors exemplaires !
Je m’interroge sur la raison qui motive la suppression de l’obligation d’une formation initiale, et j’aimerais obtenir des éclaircissements. Bien évidemment, si vous avez des explications très satisfaisantes à nous apporter, nous retirerons notre amendement.
En l’état actuel, nous ne voyons pas l’intérêt de maintenir une telle disposition. C’est pourquoi nous demandons la suppression du IV de l’article 3.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. La commission n’est pas favorable à cet amendement.
Cette dispense de stage se justifie par le fait que, avant son immatriculation au répertoire des métiers, l’auto-entrepreneur aura déjà exercé une activité artisanale, ce qui lui aura permis de se former par lui-même. Rien ne justifie donc de l’obliger à suivre un stage lorsque, son chiffre d’affaires augmentant, il devra s’immatriculer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission spéciale.
Comme son nom l’indique, le stage de préparation et d’accompagnement à l’installation prévu par la loi de 1982 concerne des personnes qui vont devenir chef d’entreprise.
Par nature, comme l’a excellemment indiqué M. le rapporteur, ceux qui, compte tenu du développement important de leur activité annexe, dépassent le plafond prévu sont déjà des chefs d’entreprise depuis le moment de leur déclaration. Ils peuvent même être considérés comme de bons chefs d’entreprise puisqu’ils ont réussi, en quelques années, à atteindre les plafonds des chiffres d’affaires prévus. Ils n’ont donc pas besoin d’un stage pour les préparer à une installation qu’ils ont manifestement réussie !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, je ne comprends pas !
Ces stages forment aussi à la gestion. Une personne qui souhaite créer une micro-entreprise, si elle dispose du talent professionnel, n’a pas obligatoirement des qualités de gestionnaire. Un stage de gestion est donc tout à fait indispensable.
Une telle disposition, qui consiste en la suppression de certaines garanties tant pour le créateur de la micro-entreprise que pour les personnes qui auront affaire à lui, est tout à fait anormale !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. M. le rapporteur vient d’expliquer que les auto-entrepreneurs s’étaient formés par eux-mêmes. Mais si j’ai bien compris ce qui a été dit tout l’après-midi, ils se sont en réalité formés chez leur employeur.
Il n’est pas complètement inutile de rappeler que la législation change, et je suis tout à fait d’accord avec Jean-Pierre Godefroy. Nous disposions, au départ, d’une espèce de « permis de conduire » du chef d’entreprise. Ce stage reste utile, en matière de formation, pour assurer la pérennité de cette auto-entreprise, qui évoluera vers une activité un peu plus solide. Je ne comprends donc pas très bien la raison de sa suppression.
Je ne m’associe pas à tous les propos de Jean-Pierre Godefroy, mais je pense tout de même que cette obligation, qui n’est pas très lourde, constituerait une garantie de pérennité tant pour l’auto-entreprise que pour les clients de cette dernière.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, rapporteur.
M. Laurent Béteille, rapporteur. Je souhaite juste rappeler que l’entrepreneur pourra toujours effectuer ce stage payant s’il le souhaite.
En tout état de cause, nous estimons que l’entrepreneur peut aussi être dispensé de suivre ce stage s’il ne juge pas ce dernier nécessaire. Effectivement, au bout de deux ou trois ans d’activité, l’auto-entrepreneur se sera un peu rodé aux différents mécanismes qui s’imposent à lui. Et s’il l’estime nécessaire, il saura faire la démarche de lui-même.
Quoi qu’il en soit, arrêtons d’obliger à toutes sortes de formalités, d’ajouter des obligations à des obligations. C’est ainsi que l’on décourage les meilleures volontés !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. L’intention du Gouvernement, lorsqu’il a déposé ce projet de loi devant l’Assemblée nationale, était claire : il s’agissait de mettre le pied à l’étrier à un auto-entrepreneur.
Nous dispensons du stage l’auto-entrepreneur qui, ayant exercé son activité quelques années, franchit le seuil fixé, ce que nous lui souhaitons.
Nous estimons que, franchissant le seuil, il démontre qu’il a acquis la formation nécessaire. Il est donc de facto dispensé du stage prévu par la loi de 1982, dont le coût, je le rappelle, s’élève en moyenne à 300 euros. Pourquoi effectuer un stage lorsque, pendant quelques années, on a exercé son activité avec succès ?
Nous considérons en quelque sorte que l’auto-entrepreneur est en avance par rapport à la personne qui veut démarrer son activité directement comme entrepreneur individuel.
Une logique sous-tend donc cette disposition, comme M. le rapporteur l’a très bien exprimé, logique qui est celle de la simplification, de la diminution du coût de démarrage de l’activité.
Si cette activité rencontre du succès, c'est-à-dire si les seuils qui font perdre le régime de l’auto-entrepreneur sont dépassés, la dispense de stage est, à notre avis, largement justifiée.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne suis pas convaincu !
M. le président. L'amendement n° 447 rectifié, présenté par MM. Cambon, Mortemousque, Houel, Buffet et J. Gautier, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du V de cet article, remplacer le mot :
peut
par le mot :
doit
La parole est à M. Dominique Mortemousque.
M. Dominique Mortemousque. Alors qu’à première lecture cet article donne l’impression que les centres de formalités des entreprises, les CFE, deviendraient les guichets uniques des prestataires de services visés par la directive, l’utilisation du mot « peut » révèle qu’il n’ouvre qu’une faculté et n’a donc pas de caractère contraignant. Ce faisant, il laisserait totalement ouverte la possibilité pour les prestataires d’effectuer leurs formalités sans avoir recours au CFE.
Or une telle transposition ne paraît pas en phase avec l’objectif fixé par la directive « services » d’instaurer, dans chaque État membre, un guichet unique pour les prestataires de services.
En effet, l’exposé des motifs du texte communautaire dispose expressément que, « afin de simplifier davantage les procédures administratives, il convient de veiller à ce que chaque prestataire ait un interlocuteur unique par l’intermédiaire duquel il peut accomplir toutes les procédures et formalités. »
Par ailleurs, il est précisé que « lorsque plusieurs autorités au niveau régional ou local sont compétentes, l’une d’entre elles peut assurer le rôle de guichet unique et de coordinateur à l’égard des autres autorités ».
Enfin, la directive prévoit que « les guichets uniques peuvent être constitués non seulement par des autorités administratives mais également par des chambres de commerce ou des métiers ».
Quant à l’article 6 de la directive, il est rédigé dans les termes suivants : « les États membres veillent à ce que les prestataires puissent accomplir, par l’intermédiaire de guichets uniques, les procédures et formalités ».
Il résulte ainsi clairement de l’exposé des motifs comme du dispositif de la directive « services » que la volonté du législateur communautaire est de parvenir à la désignation par chaque État membre d’un seul et unique guichet.
Dès lors, le texte de transposition qui laisserait aux prestataires de services la possibilité de contacter plusieurs instances ou autorités compétentes pour accomplir leurs démarches ne satisfait pas à l’objectif de la directive de créer un interlocuteur unique.
Bien au contraire, cette faculté laisserait subsister des guichets résiduels, ce qui serait sans nul doute un facteur d’incohérence et viendrait vider de sa portée la directive « services » sur ce point.
Afin de transposer pleinement la directive « services », et notamment de respecter la volonté du législateur communautaire d’offrir aux prestataires de services un guichet unique, le texte de transposition devrait prévoir que tous les prestataires de services doivent effectuer leurs formalités exclusivement auprès des CFE, lesquels auraient ainsi un caractère de guichets uniques obligatoires.
On notera que les autres structures institutionnelles seraient déchargées de leur faculté d’intervention directe, sans pour autant que leurs compétences soient remises en cause.
En effet, le CFE-guichet unique ne pouvant pas assumer seul toutes les tâches, il devra coordonner les travaux de chaque organisme, comme c’est aujourd’hui le cas en matière de création.
L’objectif est donc de centraliser les formalités auprès des CFE, qui coordonneront l’action des autres autorités ou organismes compétents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Béteille. La commission n’a pas la même interprétation que M. Mortemousque de la directive « services », qui utilise effectivement – l’auteur de l’amendement l’a rappelé – le verbe « pouvoir » et non le verbe « devoir ».
Par conséquent, la directive prévoit seulement que les États membres ont l’obligation de mettre en place une telle structure, qui doit permettre aux prestataires de services de bénéficier d’un point d’entrée unique.
Faut-il pour autant les obliger à aller vers ce point d’entrée ? Ce n’est pas, me semble-t-il, ce que prévoit la directive, et il n’est d’ailleurs pas sûr qu’elle l’autorise.
Par ailleurs, il semblerait que les professions dont l’accès est soumis à une décision de leurs autorités ordinales aient quelques difficultés à mettre en place rapidement ce guichet unique. Il paraît donc sage, dans un premier temps, de laisser coexister ce guichet unique avec d’autres points d’entrée.
La commission vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de M. le rapporteur.
Cet amendement vise à obliger les prestataires de services à utiliser le guichet unique.
La directive « services » crée une obligation pour les États membres de mettre en œuvre des guichets uniques pour l’accomplissement des formalités nécessaires à l’établissement ou à l’exercice de l’activité d’un prestataire. En revanche, elle n’oblige nullement le prestataire de services à l’utiliser.
Du reste, le Manuel relatif à la mise en œuvre de la directive « services », élaboré par la Commission européenne, indique très clairement ceci : « Il va de soi que les prestataires ne sont pas obligés de s’adresser aux "guichets uniques". Ils restent libres de faire usage ou non de cette possibilité et peuvent également contacter directement toute autorité compétente ».
Il existe donc bien pour l’entrepreneur une liberté de choix, comme l’a d’ailleurs dit Laurent Béteille. Cette liberté doit être préservée : l’entrepreneur doit pouvoir s’adresser à qui il souhaite.
Autant le Gouvernement est attaché comme vous à ce que les guichets uniques permettent de remplir l’intégralité des formalités pour la création des entreprises, autant il ne lui paraît pas justifié d’interdire à celles qui le souhaitent – et la démarche se comprend – de contacter directement les services administratifs compétents.
Le guichet unique doit demeurer une facilité à la disposition des entreprises, et non devenir une contrainte qui interdirait de contacter directement d’autres interlocuteurs. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il appellera à son rejet.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voudrais simplement soutenir la position exprimée par le Gouvernement et la commission spéciale.
Pour une fois que l’Europe nous simplifie les choses, je crois qu’il faut voter le texte en l’état, et avec enthousiasme !
M. le président. Monsieur Mortemousque, l’amendement n° 447 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique Mortemousque. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 447 rectifié est retiré.
L'amendement n° 194, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
VI. - Le premier alinéa de l'article L. 123-10 du code de commerce est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Elles peuvent notamment domicilier leur entreprise dans des locaux occupés en commun par plusieurs entreprises dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Ce décret précise, en outre, les équipements ou services requis pour justifier la réalité de l'installation de l'entreprise domiciliée. »
VII. - Les dispositions des I et II ne s'appliquent qu'aux personnes physiques qui n'étaient pas immatriculées au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers à la date de publication de la présente loi.
VIII. – Le V entre en vigueur à la date de la publication du décret prévu au dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 précitée et au plus tard le 1er décembre 2009.
La parole est à M. Laurent Béteille, rapporteur.
M. Laurent Béteille, rapporteur. Cet amendement tend à compléter l’article 3 par trois paragraphes ayant tous des objets différents.
Le premier vise, en raison de la difficulté de la mise en œuvre pratique du guichet unique, à retarder la date d’entrée en vigueur du dispositif.
Le deuxième préconise, de façon transitoire, que la dispense d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne s’appliquera qu’aux personnes qui n’étaient pas déjà immatriculées à ce registre, afin d’éviter des désinscriptions.
Le troisième a pour but de réintégrer au sein de l’article 3 les dispositions relatives à la domiciliation des personnes physiques commerçantes au sein des sociétés de domiciliation, sans modifier la substance de ce dispositif que les députés avaient inséré à l’article 4 du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable aux trois paragraphes de cet amendement.
En ce qui concerne la domiciliation dans des locaux communs, il s’agit d’un amendement d’harmonisation avec le paragraphe V de l’article 4, tel qu’il a été voté par l’Assemblée nationale.
S’agissant du paragraphe VII, le Gouvernement partage l’objectif de M. le rapporteur d’éviter les effets d’éviction qui pourraient être liés à la mise en place du régime de l’auto-entrepreneur. En effet, ce régime, on le sait, a pour vocation de faciliter la création d’entreprise, et s’adresse donc aux futurs créateurs, et non aux personnes déjà immatriculées au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers
Que les choses soient claires : il s’agit là d’un élément de sécurisation supplémentaire, auquel, j’en suis sûr, vous êtes attaché, monsieur Jacques Blanc. Les personnes physiques déjà immatriculées le demeureront ; sur ce point, le projet de loi ne change donc rien.
Enfin, pour ce qui est de l’entrée en vigueur du guichet unique de la directive « services », le Gouvernement vous rejoint là encore pour considérer que nous devons nous accorder, au moyen de la fixation d’une date par décret, les quelques mois dont nous avons besoin pour réussir cette réforme majeure.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Si cet amendement concerne les pépinières d’entreprises, il nous semble anodin. Mais s’il vise à permettre l’installation de l’auto-entrepreneur dans des locaux communs avec une entreprise dont il est salarié ou retraité, il s’agit vraiment d’une légalisation du travail au noir !
Il existe aussi le risque que l’auto-entrepreneur devienne un sous-traitant travaillant exclusivement pour l’entreprise dont il est par ailleurs salarié, et cela d’autant plus s’il y a mise à disposition du matériel de cette entreprise.
Depuis l’abandon de la présomption de salariat dans cette hypothèse par l’actuelle majorité, ce risque est particulièrement fort. En effet, aujourd’hui, le salariat n’est établi que s’il existe un lien de subordination juridique entre un employeur et un salarié.
Mais, dans le cas présent, en dehors des heures de travail, ce lien de subordination juridique disparaît. Cela nous ramène d’ailleurs, indirectement, au sous-amendement n° 600 rectifié bis qu’a fait adopter tout à l’heure M. Jacques Blanc.
L’auto-entrepreneur est censé être autonome. Or, dans les faits, il dépendra du bon vouloir de l’employeur, sous la dépendance économique duquel il demeurera, sans bénéficier toutefois des garanties qui s’attachent au salariat.
Celui qui sera donc l’employeur de fait pourra ainsi, grâce à l’exploitation de sa position de supériorité, consentir des prix très bas à ses clients. Ces prix, défiant littéralement toute concurrence, lui permettront de gagner des marchés sur ses concurrents.
Je considère donc que cet amendement, tel qu’il est présenté, est porteur d’un grand danger.
Je souhaiterais revenir quelques instants sur le débat que nous avons eu, à l’occasion de l’examen du sous-amendement n° 600 rectifié bis de M. Jacques Blanc, au sujet de la possibilité accordée à l’auto-entrepreneur de créer son entreprise à condition d’avoir reçu l’accord de son employeur, que cet accord soit ou non « exprès », comme souhaitait le préciser Mme Goulet.
Le premier point sur lequel je m’interroge est le suivant : dans l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation que nous a lu M. Gérard Larcher, il était bien question d’un salarié. Or, à partir du moment où il s’agit en réalité d’un auto-entrepreneur, qui, comme son nom l’indique, est un entrepreneur, je ne vois pas comment on pourrait lui appliquer une législation concernant une personne salariée.
Il me semble donc qu’il y a là une véritable différence, sur laquelle je tiens à insister.
Le second point concerne la nature de l’activité concernée. Dans ce sous-amendement, il est indiqué qu’il faut obtenir l’autorisation de l’employeur, mais il n’est pas précisé si l’autorisation porte ou non sur la même activité que celle qui est exercée pour cet employeur.
M. Laurent Béteille, rapporteur. Si !
M. Jean-Pierre Godefroy. Si l’activité est la même, cela peut encore, à la rigueur, se concevoir. Mais si l’autorisation porte sur toute autre activité, la chose se comprend beaucoup moins bien, dès lors qu’il s’agit de la possibilité, pour le salarié, de devenir auto-entrepreneur. Il faudra certainement étudier cet aspect de plus près sur le plan juridique.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Danglot. Si nous cherchions absolument une bonne raison de ne pas voter cet article 3, nous la trouverions précisément en lisant le présent amendement. En effet, si l’on suit le raisonnement qu’il expose, il a pour but de faciliter la création d’entreprises individuelles ayant vocation à fournir un revenu accessoire à leurs exploitants, en autorisant la colocation de locaux destinés à accueillir leurs activités.
Je prendrai un exemple simple pour souligner les dérives qu’il rend possibles, et faire ainsi comprendre les raisons de notre désaccord.
Imaginons une grande entreprise fabriquant des biens d’équipement, tels que, par exemple, des avions ou des turbines de centrales nucléaires. Cette entreprise dispose d’un bureau d’études pourvu de plusieurs dizaines d’ingénieurs et de techniciens compétents.
Lors d’une première restructuration juridique, la propriété immobilière des locaux de l’entreprise a été disjointe des activités de recherche et de conception comme des activités de production.
L’entreprise, dans un contexte d’incertitude au sujet de son carnet de commandes et de sa politique de développement commercial, décide ensuite de mettre en œuvre un plan social et invite un certain nombre d’ingénieurs et de techniciens du bureau d’études à tenter l’aventure de l’entreprise individuelle, mais dans un contexte assez particulier : ils resteront dans les locaux qu’ils ont l’habitude de fréquenter et en deviendront, pour certains, les occupants temporaires au titre d’une prestation de services extérieurs.
Cette prestation de services sera bien entendu la copie conforme de l’activité salariée qu’ils pratiquaient jusque-là, mais elle permettra que leur soit imputé, en réalité, le risque industriel normalement supporté par l’entreprise qui les employait.
S’il faut statuer, par la loi ou par le règlement, sur cette question de la colocation d’espaces d’activité, il convient alors de prévoir expressément que l’entrepreneur individuel dispensé d’immatriculation ne sera tenu par aucun lien de subordination à l’un de ses clients, si ce n’est le seul client pour lequel il travaille.
Par ailleurs, aucun lien direct ou indirect ne doit pouvoir être établi entre, d’un côté, la propriété des locaux mis à disposition pour ces activités et, de l’autre, une subordination salariale.
Enfin, aucun lien ne doit pouvoir être établi entre le règlement d’un loyer d’usage des locaux d’activité et une subordination salariale.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons évidemment pas l’amendement n° 194 !
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, rapporteur.
M. Laurent Béteille, rapporteur. L’amendement n° 194 concerne les sociétés de domiciliation. Jusqu’à présent, celles-ci ne pouvaient accueillir que des entreprises personnes morales.
L’amendement de la commission spéciale n’a pas d’autre but que de permettre à un entrepreneur, personne physique, quel que soit d’ailleurs son statut, de pouvoir domicilier son entreprise dans une société de domiciliation, ni plus ni moins. Les interprétations que viennent d’en proposer nos collègues ne sont donc pas conformes à la réalité !
Je voudrais aussi apporter un éclaircissement à M. Godefroy sur le sous-amendement n° 600 rectifié bis de M. Jacques Blanc. Il y est bien question d’une activité prévue dans le contrat de travail du salarié, et non d’une activité relevant d’un tout autre domaine.
Ainsi, il est clair qu’une personne travaillant par exemple dans l’informatique et souhaitant exercer le soir une autre activité n’aura pas besoin de demander l’autorisation de son employeur de la société d’informatique !
M. Jacques Blanc. Tout à fait exact !
M. le président. L'amendement n° 673, présenté par M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Cet organisme recueille au minimum une fois par an les informations relatives aux candidatures des entreprises soumissionnant à des appels d'offres et à des accords cadres. Ce dépôt vaut envoi aux autorités adjudicatrices destinataires par l'entreprise soumissionnaire. Les pouvoirs adjudicateurs doivent laisser la possibilité aux entreprises soumissionnaires de compléter ou rectifier les informations relatives à leurs candidatures auprès des pouvoirs adjudicateurs.
« Le soumissionnaire est responsable des informations qu'il communique au centre de formalités des entreprises et doit informer ce dernier de toute modification substantielle intervenue dans sa situation. Le soumissionnaire indique dans sa candidature que les informations la concernant sont disponibles auprès du centre de formalités des entreprises de son ressort. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.