M. le président. L'amendement n° 402, présenté par M. Raoul, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Massion, Pastor, Repentin, Sueur, Yung, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa (2°) du III de cet article, remplacer les mots :
du délai dérogatoire vers le délai légal
par les mots :
et significative du délai dérogatoire afin que le délai légal puisse être atteint au 1er janvier 2012
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Dans un souci de logique, et si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai tout d’abord l’amendement n° 404 rectifié, l’amendement n° 402 étant un amendement de repli.
M. le président. L'amendement n° 404 rectifié, présenté par M. Raoul, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Massion, Pastor, Repentin, Sueur, Yung, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa (2°) du III de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
La réduction progressive prévue à l'alinéa précédent se réalise par tiers à due concurrence du délai légal, ce dernier étant atteint au 1er janvier 2012.
Je vous redonne la parole, monsieur Raoul.
M. Daniel Raoul. Le paragraphe III de l’article 6 prévoit que des accords dérogatoires permettent de dépasser le plafond des délais de paiement fixé par le paragraphe I.
Il s’agit, par l’amendement n° 404 rectifié, de faire en sorte que la réduction des délais de paiement se réalise par étapes pour atteindre, en 2012, le délai légal de quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture.
Je ne reviens pas sur ce que nous avons déjà dit quant aux « délais d’inertie » que s’accordent certains distributeurs pour retarder l’émission de la facture.
Cet amendement tend à encadrer ce dépassement du délai légal : la durée de cette dérogation ne pourra pas dépasser le 1er janvier 2012. Nous verrons, cependant, si, de reculade en reculade, nous ne parvenons pas à la date de 2020 !
L’accord doit également prévoir une réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal.
Si nous souhaitons réellement aboutir en 2012 à une réduction des délais de paiement, il faut fixer des étapes, afin que cet accord dérogatoire puisse se rapprocher progressivement du délai légal, sachant que cela pose d’énormes problèmes de transferts de trésorerie, en tout cas de reconstitution des hauts de bilan, autrement dit des fonds propres des entreprises.
Si nous n’imposons pas une démarche progressive de convergence, nous risquons de nous retrouver, au 1er janvier 2012, dans une situation identique à celle que nous connaissons d’aujourd'hui.
Nous savons que cette réduction des délais de paiement, pour utile qu’elle soit, se traduit dans les faits par un transfert de liquidités entre les entreprises. Le problème n’est pas simple, je le reconnais. Il nous faut être prudents, mais, néanmoins, nous devons aboutir.
L’amendement n° 404 rectifié prévoit ainsi que « la réduction progressive se réalise par tiers à due concurrence du délai légal, ce dernier étant atteint au 1er janvier 2012 ».
L’amendement n° 402 est similaire, mais il offre plus de souplesse et reconnaît le rôle que peuvent avoir les négociations dans l’accord interprofessionnel.
Tel est le sens de ces deux amendements, qui se différencient nettement de l’amendement n° 112 de la commission spéciale, que nous examinerons tout à l'heure.
M. Roland Courteau. Nettement, en effet !
M. le président. L'amendement n° 110, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa (2°) du III de cet article, remplacer les mots :
de l'objectif
par les mots :
du délai dérogatoire
L'amendement n° 111, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le quatrième alinéa (3°) du III de cet article :
3° Que l'accord soit limité dans sa durée et que celle-ci ne dépasse pas le 1er janvier 2012.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur, pour présenter ces deux amendements.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Ces deux amendements sont de nature rédactionnelle.
M. le président. L'amendement n° 958 rectifié, présenté par MM. P. Dominati, Revet et Gournac, est ainsi libellé :
À la fin de l'avant-dernier alinéa (3°) du III de cet article, remplacer le millésime :
2012
par le millésime :
2015
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 752, présenté par MM. Trucy, Mortemousque, Barraux, Houel, J. Gautier, Cambon et Dériot et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Dans le 3° du III de cet article, remplacer le millésime :
2012
par le millésime :
2013
La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy. Cet amendement vise à ce que les accords dérogatoires dont il est question dans le paragraphe III de l’article 6 soient appliqués jusqu’au 1er janvier 2013.
M. le président. L'amendement n° 113, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du III de cet article, remplacer les mots:
sont reconnus
par les mots:
entrent en vigueur dès leur conclusion mais deviennent caducs s'ils n'ont pas été reconnus avant le 1er mars 2009
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’amendement n° 113 vise à assurer la validité immédiate des accords interprofessionnels qui tendent à déroger au délai légal, sans attendre leur validation par décret, pris après avis du Conseil de la concurrence, comme satisfaisant aux critères de validité figurant dans la loi.
À défaut, le délai de paiement légal s'appliquerait aux conditions générales de vente de 2009 dans les secteurs qui n'auraient pu obtenir à temps la validation de leur accord interprofessionnel.
M. le président. L'amendement n° 114, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du III de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ce décret peut étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs du secteur.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Le projet de loi prévoit que des accords entre organisations professionnelles peuvent être conclus pour déroger au délai légal, aussi bien pour réduire le délai maximal de paiement que pour le dépasser. Or l'extension de ces accords interprofessionnels à l'ensemble du secteur n'est possible que dans le premier cas.
Cet amendement vise donc à permettre une telle extension également pour les accords définissant un délai de paiement maximal supérieur au nouveau délai légal. Le régime juridique des accords interprofessionnels conclus serait ainsi harmonisé.
M. le président. L'amendement n° 316, présenté par MM. Hérisson et Carle, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du III de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ce décret peut étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs du secteur dont l'activité relève des organisations professionnelles signataire de l'accord.
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. La deuxième phrase du dernier alinéa de l’article 6 vise à permettre l'extension du délai dérogatoire à des entreprises qui n'ont pas été représentées dans l'accord interprofessionnel : les entreprises qui ne sont adhérentes à aucune des organisations professionnelles ayant négocié et conclu l'accord.
Sa rédaction est ambiguë : elle pourrait être interprétée comme autorisant non seulement l'extension de l'accord, mais encore son élargissement à des entreprises qui exercent des professions différentes de celles qui sont couvertes par les organisations signataires.
Le présent amendement a donc pour objet de préciser la portée juridique de l'extension en indiquant qu'elle s'applique aux entreprises dont l'activité ressortit au champ d'une organisation professionnelle signataire.
Je rappelle que cet amendement est, comme les amendements n°os97 rectifié et 315, cosigné par M. Carle et moi-même, qui sommes sénateurs de la Haute-Savoie.
M. Daniel Raoul. On n’est jamais si bien servi que par soi-même !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La commission demande à M. Hérisson de bien vouloir retirer l’amendement n° 315.
En effet, les difficultés tout à fait réelles que la réduction des délais de paiement ne va pas manquer de provoquer pour certains secteurs ne peuvent pas être ignorées. Il importe donc de conserver la possibilité de déroger au délai légal, mais à condition qu’elle ne soit ouverte que pour des raisons économiques objectives et spécifiques à un secteur.
L’amendement n° 513 étant identique, la commission y est également défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 959 rectifié, monsieur Dominati, la commission estime dangereux de poser le principe d’une dérogation au délai légal pour tel ou tel type d’entreprise. Il est évidemment préférable de rendre possibles des dérogations en les subordonnant à l’examen du Conseil de la concurrence, de façon à en valider la nécessité au regard des critères indiqués par la loi.
Pour ce qui de l’amendement n° 960, nous pensons qu’il n’est pas possible d’envisager une dérogation permanente au délai de paiement puisque c’est un mouvement d’ensemble qui doit toucher l’économie entière, afin que soit élaboré un nouveau modèle de fonctionnement dans lequel les PME ne financent plus les grandes entreprises.
Cela n’interdit pas de moduler secteur par secteur la vitesse d’adaptation au nouveau délai légal, certains secteurs ayant besoin de plus de temps que d’autres pour s’adapter. Tel est précisément l’objet des dérogations auxquelles la commission est très attachée.
L’amendement n° 404 rectifié vise à encadrer la négociation interprofessionnelle en imposant une réduction progressive au délai dérogatoire. Cette vision assez dirigiste de la négociation interprofessionnelle n’est pas partagée par la commission, qui est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 402 ne lui semble pas apporter d’éléments décisifs par rapport au texte, qui prévoit déjà le délai dérogatoire avec une convergence vers le délai légal au 1er janvier 2012. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
Si la nécessité d’une progressivité dans la réduction des délais de paiement est incontestable, la prolongation jusqu’en 2015 de la dérogation au bénéfice des PME, telle que la prévoit l’amendement n° 958 rectifié, paraît excessive.
Toutefois, la commission, par l’amendement n° 112, qui va être examiné dans un instant, propose justement d’ouvrir cette possibilité de dérogation jusqu’en 2015.
L’amendement n° 752 a pour objet de prolonger jusqu’au 1er janvier 2013, et non plus jusqu’en 2012, la dérogation d’un accord interprofessionnel, afin de permettre le dépassement du délai légal de soixante jours calendaires. Cet assouplissement peut être utile dans certains cas, pour concourir à la mise en œuvre effective mais progressive de la réduction des délais de paiement. Toutefois, la commission est défavorable à cet amendement.
Enfin, la commission souhaite le retrait de l’amendement n° 316 : la possibilité d’étendre « à tous les opérateurs du secteur dont l’activité relève des organisations professionnelles signataire de l’accord » le délai dérogatoire déterminé par l’accord interprofessionnel est prévue par l’amendement n° 114 de la commission. Votre amendement est donc satisfait, monsieur Hérisson.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 315 et 513, qui visent à supprimer tout dispositif dérogatoire. J’ai suffisamment expliqué qu’il fallait prendre en compte un certain nombre de secteurs spécifiques pour ne pas motiver plus avant cet avis.
Le Gouvernement demande également le rejet des amendements nos 959 rectifié, 960 et 958 rectifié, qui participent d’une autre logique que celle de l’article 6.
Nous entendons faire diminuer les délais de paiement dans notre pays pour nous aligner sur la norme européenne. Il n’y a en effet aucune raison à ce que la France soit un mauvais élève en matière de délais de paiement, car cela pèse sur la trésorerie de nos entreprises. Au demeurant, rejoindre la moyenne européenne est un premier objectif : nous voulons faire encore mieux.
Le Gouvernement comprend ce qui a motivé le dépôt de l’amendement n° 402 – le souhait d’un calendrier significatif de convergence pour les accords dérogatoires – mais je tiens à rappeler que c’est le ministre qui, par décret, entérine ces accords dérogatoires après avis du Conseil de la concurrence.
Je prendrai en compte, conformément au souhait des auteurs de cet amendement, le caractère significatif de la réduction du délai dérogatoire afin que le délai légal puisse être atteint au 1er janvier 2012. Ils auront donc satisfaction.
Je souhaite en conséquence qu’ils veuillent bien retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
En revanche, le Gouvernement est favorable aux amendements nos 110 et 111.
En ce qui concerne l’amendement n° 752, je dirai que tout le problème, comme l’a du reste excellemment souligné M. Longuet dès le début de la discussion, est de trouver où se situe le juste équilibre : est-ce au 1er janvier 2012, au 1er janvier 2013 ou au 1er janvier 2015 ?
À l’évidence, légiférer aujourd’hui, en 2008, pour rendre opérationnel un accord dans sa globalité en 2015 n’est pas acceptable dans la mesure où cela constituerait un signe de renonciation au regard de cette réduction générale des délais de paiement que nous souhaitons tous.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Gérard Longuet. Mais deux élections ! (Sourires.)
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Absolument, monsieur le sénateur !
Par conséquent, je me tourne vers les représentants de la commission spéciale, notamment son éminent président, pour savoir si celle-ci se satisferait du délai proposé par M. Trucy. Dans l’affirmative, je serais, moi aussi, prêt à m’y rallier. Dans l’attente de ces éclaircissements, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement, ainsi, d’ailleurs, que sur l’amendement n° 113, mais cette fois-ci, avec un peu plus de réserves, car il vise à consacrer l’entrée en vigueur directe des mesures transitoires prévues dans les accords professionnels.
L’amendement n° 114 ainsi que l’amendement n° 316 ont pour objet de prévoir l’extension par décret du délai dérogatoire à l’ensemble d’un secteur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout de même de rappeler que l’article 6 permet déjà d’étendre par décret le champ d’application des accords dérogatoires qui réduisent le délai maximum en deçà du délai légal, mais il ne prévoit pas une telle possibilité pour les autres accords dérogatoires, c’est-à-dire ceux qui dérogent temporairement et à la hausse au plafond légal de soixante jours.
Toutefois, je ne suis pas certain qu’il soit nécessaire de donner une portée accrue aux accords dérogatoires permettant de ne pas respecter le délai de soixante jours, en prévoyant leur extension par décret.
Compte tenu de ces réserves, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements nos 114 et 316, mais je souhaite que cette sagesse penche vers une défaveur…
M. le président. Voilà une nouvelle nomenclature, monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 315 et 513.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Dominati, les amendements nos 959 rectifié et 960 sont-ils maintenus ?
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, je vais maintenir l’amendement n° 959 rectifié et retirer l’amendement n° 960, pour renforcer la position de la commission spéciale, car les aménagements que celle-ci propose me semblent beaucoup plus pragmatiques et réalistes que le projet initial du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 960 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 959 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l’amendement n° 402.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, vous l’aurez compris, l’amendement n° 404 rectifié était, si j’ose dire, mort-né puisque je comptais de toute façon le retirer au profit de l’amendement n° 402.
J’ai bien entendu l’engagement que vient de prendre M. le secrétaire d’État en précisant les critères d’analyse qui lui permettront d’évaluer les possibilités d’autoriser certaines dérogations. Je tiens à le rappeler, je ne suis pas contre les dérogations lorsqu’elles privilégient une démarche progressive de convergence.
Au regard de l’engagement de M. le secrétaire d’État, je retire donc nos deux amendements.
M. le président. Les amendements nos 402 et 404 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 110.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 752 n’a plus d’objet.
Monsieur Dominati, l’amendement n° 958 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 958 rectifié est retiré.
Madame le rapporteur, les amendements nos 113 et 114 sont-ils maintenus ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l’amendement no 316 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 112, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le III de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
III bis. - Le 1° du I ne fait pas obstacle à ce que, dans des secteurs n’étant pas parvenus à conclure avant le 31 décembre 2008 un accord interprofessionnel visé au III et déterminés par décret pris après avis du Conseil de la concurrence, le ministre chargé de l’économie autorise le dépassement du délai de paiement prévu au neuvième alinéa de l’article L. 441-6 du code de commerce, sous réserve :
a) Que le dépassement du délai légal soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks ;
b) Que cette autorisation soit assortie de l’application immédiate au secteur du délai de paiement prévu au neuvième alinéa de l’article L. 441-6 du code de commerce pour le paiement des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 300 millions d’euros ;
c) Et que cette autorisation prenne fin au 1er janvier 2012, ou au 1er janvier 2015 dans le cas où les observations statistiques annuelles transmises au ministre par l’Observatoire des délais de paiement, avant le 31 décembre 2010, attestent, pour le paiement des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 300 millions d’euros, du respect, par leurs clients dudit secteur, du délai prévu au neuvième alinéa de l’article L. 441-6 du code de commerce.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement a été adopté par la commission spéciale, mais j’ai bien conscience qu’il peut faire débat.
Il s’agit d’ouvrir une dernière voie de recours au bénéfice des secteurs dont l’organisation rend objectivement problématique l’application brutale du nouveau délai légal de paiement au 1er janvier 2009, mais qui auraient échoué à conclure, d’ici à la fin de 2008, un accord interprofessionnel.
En effet, cet amendement vise à permettre au ministre chargé de l’économie, après avis du Conseil de la concurrence, d’autoriser dans ces secteurs un dépassement transitoire du délai légal de paiement. Pour cela, trois conditions doivent être réunies.
Premièrement, il faut que ce dépassement soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks.
Deuxièmement, il convient que, en parallèle, le secteur se voie tenu de respecter le délai légal pour les entreprises les moins importantes, c’est-à-dire celles qui ont un chiffre d’affaires ne dépassant pas 300 millions d’euros.
Troisièmement, il importe que cette autorisation prenne fin au 1er janvier 2012. Elle peut toutefois être prolongée au 1er janvier 2015 si l’Observatoire des délais de paiement atteste, et ce avant la fin de 2010, le comportement vertueux des grandes entreprises du secteur à l’égard des plus petites, autrement dit si les premières ont effectivement respecté le nouveau délai légal de paiement pour leurs fournisseurs dont le chiffre d’affaires est inférieur à 300 millions d’euros.
En définitive, l’adoption de cet amendement permettrait d’assurer à la fois aux PME qui réalisent moins de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires un délai de paiement à soixante jours dès le 1er janvier prochain et aux entreprises des secteurs industriels la possibilité de payer leurs fournisseurs de rang 1 avec un délai plus long.
Tel est l’équilibre que nous avons recherché au travers de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Cet amendement soulève au moins trois difficultés.
Tout d’abord, à quoi bon négocier si la loi permet d’obtenir un accord sans négociation ? En ouvrant la possibilité d’un dépassement du délai prévu directement validé par le Gouvernement, sans qu’il soit nécessaire d’en passer par des accords interprofessionnels, la commission spéciale diminue considérablement la portée de l’incitation à négocier donnée aux professionnels. En effet, le ministre chargé de l’économie serait alors en mesure de trancher directement la question sans passer par la négociation.
Par ailleurs, il est proposé d’instituer une différenciation entre les entreprises selon que leur chiffre d’affaires est inférieur ou supérieur à 300 millions d’euros. Mais qu’est-ce qui justifie un tel montant ? Certes, il semble suffisamment élevé pour permettre d’inclure une partie des entreprises moyennes. Mais il n’en reste pas moins que cette disposition va créer un effet de seuil, lequel se traduira immanquablement par des distorsions sur les délais de paiement. Or ces derniers sont l’un des principaux éléments du « guidage économique » des entreprises.
Enfin et surtout, le Gouvernement ne peut pas accepter la possibilité d’une dérogation jusqu’en 2015. Il a lui-même proposé un dispositif qui me semble équilibré, en laissant aux opérateurs économiques un délai d’adaptation. Ce dernier doit rester raisonnable au moment même où la directive européenne sur les délais de paiement, évoquée notamment par M. Émin, va être modifiée.
Il y a quelques jours, le commissaire européen chargé des entreprises et de l’industrie, M. Verheugen, a en effet annoncé, dans le cadre des dispositions sur ce que l’on appelle le Small Business Act à l’européenne, un durcissement de la directive européenne dans le sens d’une réduction des délais de paiement.
N’attendons pas 2015 pour modifier le délai de soixante jours, car il serait fâcheux d’envoyer un signal aussi négatif, particulièrement dans le contexte actuel : reconnaissons-le objectivement, notre pays est aujourd’hui un mauvais élève en matière de délais de paiement.
Non seulement la proposition de la commission spéciale ne nous semble pas vraiment opérationnelle, mais elle occulte en outre la volonté qu’a le Gouvernement, partagée, je le crois, par la majorité, de mettre fin à ce qui constitue une mauvaise exception française.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Après l’intervention de M. le secrétaire d’État, je souhaite préciser un certain nombre d’éléments, pour relayer notamment les propos tenus tout à l’heure par Gérard Longuet et Jean-Paul Émin, qui ont évoqué un secteur particulièrement sensible, l’automobile. Il s’agit en effet d’une des trois industries pérennes de notre pays, avec l’aéronautique et le nucléaire.
Au moment où nous débattons de la modernisation de l’économie, la première question que nous devons tous nous poser est bien la suivante : avons-nous réellement la volonté de disposer, demain, d’un secteur industriel suffisamment puissant ?
Visiblement, le Gouvernement et nous-mêmes partageons le même souci. Aujourd’hui, le délai de paiement constitue en quelque sorte un crédit obtenu sur le dos des entreprises : ce sont d’abord les petites et moyennes entreprises qui en souffrent et, souvent, les plus grandes qui en profitent.
En même temps, je rejoins ce que disait Mme Goulet tout à l’heure, citant l’exemple de Renault Trucks, qui a choisi d’investir à Blainville-sur-Orne plutôt qu’à Göteborg, en Suède : si nous voulons favoriser le développement industriel, en l’occurrence l’industrie du poids lourd, il faut veiller à sauvegarder un certain nombre d’équilibres économiques.
C’est ce qui a conduit la commission spéciale à réfléchir sur ce sujet et à s’intéresser, notamment, au secteur automobile et à celui de l’ameublement. J’ai ainsi pu faire part de ma propre expérience : lorsque j’ai tenté, il n’y a pas si longtemps, de faire conclure un accord interprofessionnel dans le secteur de l’automobile, cela s’est avéré extrêmement difficile.
Monsieur le secrétaire d’État, en la matière, la commission spéciale s’est fixé pour objectif de protéger les PME. En ce sens, le seuil des 300 millions d’euros de chiffre d’affaires n’a pas été fixé tout à fait au hasard. Nous nous sommes fait transmettre la liste des sous-traitants de rangs 1, 2 et 3 intervenant dans tous les secteurs de l’industrie automobile, parmi lesquels on compte nombre d’entreprises françaises. Ayant étudié la question en détail, je peux vous donner quelques exemples significatifs.
Ainsi, dans le secteur du décolletage, l’ensemble des fournisseurs se situent au-dessous d’un tel seuil. Dans la plasturgie, neuf fournisseurs sur douze sont dans cette situation, ce qui fait que le problème ne se poserait que pour trois entreprises. Dans celui du découpage fin-emboutissage, douze fournisseurs sur treize sont concernés par la disposition que nous proposons. Dans la fonderie, ils le sont tous, y compris, donc, ceux de Haute-Marne et de Meurthe-et-Moselle. (Sourires sur les travées de l’UMP.) Dans le secteur de l’affinage d’aluminium, la situation est similaire : quatre entreprises sur quatre ont un chiffre d’affaires inférieur à 300 millions d’euros.
Naturellement, je me suis intéressé à l’ensemble des secteurs. Je puis donc vous affirmer qu’il en est de même pour le secteur des poids lourd, après avoir pris en considération aussi bien le double chevron et le lion que le losange ! (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d’État, au regard des difficultés constatées par l’application de la disposition au 1er janvier 2009, nous avons souhaité protéger les « petits ». Certes, vous l’avez dit, sans doute est-il excessif d’aller jusqu’en 2015. C’est la raison pour laquelle nous sommes prêts à ramener l’échéance au 1er janvier 2013. Disant cela, je ne fais d’ailleurs que retranscrire fidèlement les débats qui se sont déroulés au sein de la commission spéciale.
J’admets bien volontiers que maintenir la date du 1er janvier 2015 reviendrait à envoyer un contre-signal de nature à porter préjudice aux filières concernées, non seulement donc à l’automobile et à l’ameublement, mais également à l’industrie du jouet. Cette dernière se porte très mal en France et mérite donc toute notre attention, en particulier Smoby, qu’il importe de sauver.
Il me paraît donc essentiel d’adapter les paiements de notre grande industrie et des sous-traitants de rang 1 vis-à-vis de ceux de rang 2 et de rang 3. Parallèlement, le principe de réalité nous conduit à prévoir un délai, même si celui que nous avions initialement envisagé était sans doute trop long. Nous pourrions ainsi protéger, dès le 1er janvier 2009, l’essentiel des PME d’un certain nombre de secteurs, tout en ménageant un temps d’adaptation.
Mais ne croyez pas que nous trouvions de bonne pratique que les uns fassent leur trésorerie sur le dos des autres !
Gérard Longuet a souligné tout à l’heure la situation de nos constructeurs automobiles. Il ne faut pas se le cacher, le seul constructeur français qui se porte bien est, pour partie, suédois : c’est « Renault Trucks ». Les autres ne se maintiennent que grâce à leurs activités financières ; Louis Souvet a cité tout à l’heure un exemple.
Dans ces conditions, mieux vaut, sur ce sujet, privilégier le réalisme et ne pas céder à la tentation de se faire plaisir. Imaginer un paiement pour tous à trente jours, ce serait idéal dans une économie idéale ! Mais nous sommes dans l’économie réelle ! Et nous avons à gérer des transitions.
La date de 2015 paraît trop éloignée au Gouvernement. J’entends ses réserves et je vous propose, monsieur le président, de rectifier l’amendement de la commission afin de ne retenir que la date du 1er janvier 2013.
Dans le secteur de la fonderie, certaines grandes entreprises parviennent à réaliser, avec un seul constructeur, un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros. C’est dire qu’il s’agit d’une entreprise d’une certaine « surface », celle de la Mittelstand. Avec le délai que nous proposons, cette catégorie serait protégée beaucoup plus vite.
Tel est, monsieur le secrétaire d'État, le sens de notre réflexion, qui ne vise nullement à gêner le Gouvernement. Notre démarche, volontariste, consiste à nous en tenir au principe de réalité et à trouver cet équilibre que Gérard Longuet appelait de ses vœux. Si la tâche n’est pas aisée, c’est qu’elle suppose un vrai changement d’attitude des uns par rapport aux autres.