Mme Anne-Marie Payet. Nous proposons d’étendre la possibilité d’imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune les dons effectués aux associations sans but lucratif faisant des prêts pour la création, la reprise et le développement d’entreprises, conformément à l’article L. 511-6, paragraphes 1 et 5, du code monétaire et financier.
Les plateformes France Initiative ont financé 13 500 créations ou reprises d’entreprises en 2007, créant ou consolidant ainsi 30 500 emplois, qui, en trois ans, génèreront 14 000 emplois supplémentaires.
Les fonds de prêt de ces plateformes sont constitués à 78 % par des fonds publics – provenant pour 50 % des collectivités locales, pour 3 % de l’État, pour 18 % de la Caisse des dépôts et consignations et pour 7 % de l’Europe – et à 22 % par des fonds privés – banques, entreprises, ou autres. L’accompagnement de ces créateurs fait également appel aux fonds publics à hauteur de 80 % des ressources des plateformes.
L’apport de fonds privés dans ces plateformes ainsi que dans les autres associations de financement de la création d’entreprises qui, ensemble, créent ou sauvegardent près de 45 000 emplois chaque année, doit être favorisé, pour que celles-ci puissent financer et accompagner plus de créations, de reprises et de développements d’entreprises grâce à des dons privés allégeant les financements publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure. Le dispositif de la loi TEPA est avant tout centré sur les participations au capital. Avant d’envisager de l’étendre, il faudrait le laisser vivre et en faire un bilan.
C’est pourquoi la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, madame Payet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, même s’il salue l’action des associations qui militent, en accordant des prêts, pour la création, la reprise et le développement d’entreprises.
La loi TEPA n’est pas funeste, comme certains ont pu le dire : elle enregistre des résultats exceptionnels. Nous discutons depuis plusieurs minutes du dispositif ISF-PME et nous en avons constaté le franc succès. Je vous rappelle que dans le dispositif que vous avez adopté figure cette mesure.
Dans cette loi, le Gouvernement a entendu privilégier les dons aux secteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’insertion par l’activité économique. Il a donc établi, avec votre soutien, une liste prioritaire pour favoriser les investissements qui permettront d’être à la fois plus performant et innovant ; c’est le cas des investissements dans l’enseignement, dans la recherche et dans l’insertion par l’activité économique.
Les associations que vous avez mentionnées, madame Payet, qui accordent des prêts pour la création, la reprise et le développement des entreprises, sans nier leur utilité, ne poursuivent pas l’un des objectifs fixés par le Gouvernement dès le mois d’août dernier. L’extension du dispositif que vous proposez ne permettrait plus de cibler celui-ci sur les secteurs que le Gouvernement et le Parlement ont choisi de favoriser en raison de priorités de politique publique.
C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Madame Payet, l'amendement n° 689 rectifié est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 689 rectifié est retiré.
L'amendement n° 621, présenté par MM. Adnot et Darniche, Mme Desmarescaux et MM. J.L. Dupont et P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le III de l'article 885-0 V bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa du 1, le pourcentage : « 50 % » est remplacé par le pourcentage : « 75 % » ;
2° Dans la première phrase du 2, le montant : « 20 000 euros » est remplacé par le montant : « 50 000 euros ».
II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Une bonne partie de l’origine des dysfonctionnements que nous avons mis en évidence tout à l’heure est liée à l’existence de taux différents.
Je vous rappelle quelle est la situation actuelle. Quelqu’un qui effectue un placement direct bénéficie d’une exonération de 75 %, plafonnée à 50 000 euros. Quelqu’un qui fait un placement via un fonds d’investissement de proximité ne peut bénéficier que d’une exonération de 50 %, plafonnée à 30 000 euros. Quelqu’un qui passe par un FCPI, fonds dédié à des entreprises innovantes, ne peut également bénéficier que d’une exonération de 50 %, plafonnée à 30 000 euros, mais doit, en plus, investir 40 % dans des entreprises de moins de cinq ans.
Donc, aujourd’hui, les investisseurs qui bénéficient des taux les plus élevés de défiscalisation et du plafonnement le plus élevé n’ont aucune contrainte. Ceux qui sont soumis à des contraintes de professionnalisation, qui ont l’obligation de s’adresser aux sociétés les plus jeunes et qui encourent donc le plus de risques ont le moins d’avantages.
Par conséquent, je propose d’unifier le système et de retenir le taux de 75 % et le plafonnement de 50 000 euros, de manière à éviter toutes distorsions. Si cet amendement est adopté, une bonne partie des problèmes que nous avons évoqués ce soir sera réglée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat lors de la discussion de la loi TEPA. D’une part, l’investissement direct est de nature à renforcer l’affectio societatis du souscripteur et, d’autre part, il est question de liquider un impôt et non d’optimiser son investissement.
Le distinguo entre investissement direct et investissement intermédié est légitime eu égard à la différence de risques entre ces deux types d’apports.
La commission demande donc à M. Adnot de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Cette proposition a déjà été présentée par M. Adnot, avec la force de conviction qu’on lui connaît. Elle conduit à accorder au souscripteur de parts de fonds un avantage identique à celui qui est accordé au titre de la souscription directe au capital des PME.
Je ne reprendrai pas l’argumentation tirée de la fragilisation constitutionnelle qu’entraînerait une telle disposition si elle était adoptée puisqu’elle mettrait sur le même plan des investisseurs qui n’assument pas les mêmes risques, les uns mutualisant les risques et les autres investissant directement.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 août 2007, a tenu compte, pour valider cette disposition, de la différence de taux de l’avantage, selon que l’investissement est direct ou intermédié.
Je souhaite attirer votre attention, monsieur Adnot, sur quelques chiffres.
Selon vous, cet investissement serait inéquitable, certains investisseurs bénéficiant d’une exonération de 50 % et d’autres d’une exonération de 75 % ; les FCPI, les FIP et les FCPR feraient donc l’objet d’une discrimination.
Or, selon les chiffres dont je dispose sur l’investissement au titre de la mesure ISF-PME via les FCPI, les FIP et les FCPR, sur 576 millions d’euros, 353 millions d’euros concernent les FIP et les FCPR, et 115 millions d’euros les FCPI : plus de 460 millions d’euros ont donc été investis dans les dispositifs intermédiés, qui seraient, dites-vous, victimes de discrimination. En tout état de cause, leur succès n’en a pas été affecté !
Compte tenu de ces observations, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Adnot, étant entendu que nous aurons l’occasion d’y revenir dans quelque temps. En attendant, je vous propose de stabiliser ce dispositif en conservant sa première mouture.
Je souhaite que nous reprenions cette discussion très importante pour le développement des PME, sujet auquel je vous sais particulièrement attaché.
M. le président. Monsieur Adnot, l’amendement n° 621 est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot. On ne peut pas soutenir qu’un placement dans un fonds d’investissement de proximité comporte une prise de risques moins importante qu’un placement par une personne dans son entreprise avec des fonds propres !
Lorsqu’un entrepreneur, redevable de 50 000 euros au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, place directement cette somme dans son entreprise, à quel projet de développement économique cela correspond-il ?
S’il manquait à cette entreprise 50 000 euros pour créer un effet de levier, souscrire des emprunts, innover ou embaucher du personnel, c’est qu’elle était déjà réduite à peu de chose ! Il n’y a donc, en l’occurrence, ni de véritable projet de développement de l’entreprise ni de prise de risque.
Il ne s’agit pas d’une critique de ma part : tant mieux pour cette entreprise ! Mais que l’on ne vienne pas me dire que cette entreprise prend des risques ou que l’on court un risque quelconque lorsqu’on investit dans l’entreprise de son voisin !
Ceux qui prennent un risque, ce sont ceux qui investissent dans des entreprises de moins de cinq ans, dans des projets innovants dont on n’est pas assuré de la réussite sur le plan technologique, ou dans des projets dont on n’est pas certain de l’adéquation par rapport au marché, ceux qui font des projets de développement qui coûtent entre 1 et 5 millions d’euros. Ce sont eux qui prennent des risques et qui vont nous faire gagner la bataille du commerce extérieur, et pas les « bricoleurs » !
Cessons donc d’utiliser l’argument selon lequel certains prendraient des risques et d’autres pas : ce n’est pas vrai !
J’avais proposé de fixer le plafond de l’exonération à 20 000 euros. Après discussion, vous l’avez fixé, monsieur le secrétaire d’État, à 30 000 euros, ce qui signifie que le Conseil constitutionnel n’était pas opposé à une progression de la somme plafonnée.
Si le Conseil constitutionnel a accepté – je pense, pour ma part, qu’il ne s’est pas prononcé sur le sujet – d’augmenter le plafond de l’exonération de 20 000 à 30 000 euros, mesure qui n’est donc pas anticonstitutionnelle, pourquoi ne pourrait-on pas aujourd’hui porter ce plafond à 50 000 euros ?
L’objectif est que le même régime s’applique à tous. Ensuite, que les meilleurs gagnent, c’est-à-dire les plus rationnels et les plus efficaces ! Mais ne refusons pas la professionnalisation.
Monsieur le secrétaire d’État, si votre souhait est d’imposer aux intermédiations une diminution des plafonds dont elles bénéficient actuellement et d’adopter un dispositif plus vertueux, je suis d’accord pour vous suivre. Mais il ne faut pas dire de contrevérités !
Les sommes levées l’ont été au cours des trois derniers mois qui ont suivi la levée de la règle de minimis. Ayant connaissance de ce qui se passe, je peux vous dire, monsieur le secrétaire d’État, que si vous lâchez la bride, il n’y aura bientôt plus que des holdings et personne n’investira plus en province. Je souhaite que ceux qui investissent en province bénéficient des mêmes droits que ceux qui investissent à Paris.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Le plafond d’exonération dont vous avez parlé, monsieur Adnot, est toujours fixé à 20 000 euros.
M. Philippe Adnot. Non, à 30 000 euros !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. J’ai les chiffres ! Ne doutez pas, monsieur le sénateur, que les collaborateurs qui m’entourent prendraient une mine atterrée si je disais une contrevérité ! (Sourires.) Leur mine réjouie me montre que ce plafond est bien fixé à 20 000 et non à 30 000 euros.
M. Philippe Adnot. Le Sénat a voté un plafond de 30 000 euros !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Cela étant, j’insisterai surtout sur la décision du Conseil constitutionnel du 16 août 2007, qui fait directement référence au problème que vous souleviez. Dans un considérant très intéressant, il prend en compte, précisément, la différence de risque : « Considérant que, s’agissant des versements effectués dans des fonds d’investissement de proximité, le législateur a posé des conditions plus strictes, notamment en ce qui concerne le pourcentage du droit à imputation et le plafond de l’avantage fiscal, qui tiennent compte du moindre risque affectant ces placements par rapport à celui encouru en cas d’investissement direct ; ».
Je me range volontiers à l’avis du Conseil constitutionnel et je souhaiterais, monsieur Adnot, que vous fassiez de même en retirant votre amendement, tout en rendant hommage à votre force de conviction.
M. le président. Monsieur Adnot, l’amendement n° 621 est-il toujours maintenu ?
M. Philippe Adnot. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 448 rectifié est présenté par M. Doligé.
L’amendement n° 982 rectifié est présenté par M. P. Dominati.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le 1 du I de l'article 885 I ter du code général des impôts, après les mots : « actifs immobiliers », sont insérés les mots : « autres que ceux apportés en garantie à l'exercice de l'activité ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Doligé, pour présenter l’amendement n° 448 rectifié.
M. Éric Doligé. Cet amendement devrait, du moins je l’espère, mettre tout le monde d’accord, car il ne présente pas les travers précédemment dénoncés. En effet, il tend non pas à favoriser a priori les holdings, mais à « maximiser le capital de nos PME », pour reprendre les termes de M. le secrétaire d’État, et à permettre l’investissement sur l’ensemble du territoire national, y compris la province.
Cet amendement a pour objet de conforter les fonds propres des entreprises. Les discussions ont montré que nous avions, au niveau national, un vrai problème s’agissant des fonds propres des entreprises. Ainsi, le débat sur les règles de paiement en vigueur a permis de mettre au jour le fait que les PME n’ont jamais pu, en France, constituer de capitaux propres.
Je propose donc que les responsables d’entreprises qui apportent en garantie d’une PME leurs actifs immobiliers soient exonérés, pour la partie concernée, de l’ISF.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 982 rectifié.
M. Philippe Dominati. Cet amendement a le même objet que celui de M. Doligé.
Je souhaite profiter de l’occasion qui m’est offerte pour faire une remarque de fond.
Je ne pensais pas que, ce soir, nous ouvririons le débat sur l’ISF. Je tiens à rappeler que cet impôt est archaïque et que la France est l’un des seuls pays économiquement développés à l’appliquer. Quant au dispositif que nous mettons en place, et qui est susceptible de donner lieu à diverses fraudes, il n’existerait pas si nous nous adaptions à la concurrence internationale et si nous supprimions l’ISF. M. Marini, rapporteur, a indiqué le nombre de résidents et de capitaux qui ont quitté notre pays l’an dernier du fait de cet impôt. Je crois qu’il était bon de rappeler ce contexte.
Un tournant a néanmoins été pris et vous en avez été l’initiateur, il y a trois ans, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous étiez parlementaire. Il a ensuite fallu que l’idée fasse son chemin. Trois ans après, en 2007, des dérogations ayant été prévues, des capitaux nouveaux ont été investis dans les entreprises, notamment les PME, à hauteur d’un certain montant, une partie de ces capitaux ayant toutefois été détournée de leur objet.
Même si cela nous prend encore trois ans, nous devons supprimer une fois pour toutes l’ISF, puis adopter la proposition de M. Doligé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La proposition est intéressante, mais elle pose un problème de principe.
L’apport en garantie est en effet distinct d’un apport en nature ou d’une cession. Le contribuable conserve l’usage du bien et l’apport à l’entreprise n’est qu’éventuel. Il s’agit donc clairement d’une situation différente de celle qui figure dans le dispositif d’exonération prévu par l’article 885 I ter du code général des impôts.
Les biens immobiliers dont il est question ne sont pas assimilables à l’outil de travail qui est, quant à lui, légitimement exonéré.
La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ces amendements.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Le dispositif présenté est intéressant, mais l’avis du Gouvernement est tout de même défavorable, et je vais expliquer pourquoi.
Tout d’abord, je ne peux qu’être d’accord avec M. Dominati. Au sein de cette assemblée et largement au-delà, dans la population française, l’idée commence à se faire jour que l’ISF est un impôt archaïque, à l’origine de nombreuses expatriations de capitaux qui ont nui au développement de l’économie française ; cela est aujourd’hui avéré.
Nous avons tenté, au mois d’août, de rendre cet impôt moins nocif en permettant qu’il soit investi pour partie dans le capital de nos PME. Par conséquent, monsieur le sénateur, nos positions se rejoignent sur le principe.
Le dispositif proposé par M. Doligé consiste à exonérer de l’ISF l’apport de biens immobiliers en garantie d’une PME. Je souhaite attirer votre attention sur les conséquences d’un tel mécanisme.
Premièrement, cet apport étant fait en garantie d’une PME, il permettra l’emprunt et favorisera, en conséquence, l’endettement de l’entreprise, alors même que nous adoptons des dispositions pour développer les fonds propres. Ce schéma ne correspond pas à l’objectif que nous cherchons à atteindre au travers des dispositifs que nous proposons.
Deuxièmement, ce dispositif pourrait être utilisé en vue exonérer d’ISF la résidence principale des redevables.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. C’est un vieux débat que nous avons, de façon rituelle, au sein du Parlement, à l’Assemblée nationale comme au Sénat !
L’abattement y afférent est significatif puisqu’il a été porté à 30 % dans le cadre de la loi TEPA.
Il est préférable de se concentrer sur l’objectif principal de la mesure, qui est de renforcer les fonds propres de nos PME, afin de ne pas inciter les redevables et les entrepreneurs à prendre le risque d’apporter leur résidence principale en garantie d’une société, à seule fin de bénéficier d’un avantage fiscal, ce qui serait dommage.
Mieux vaut avoir un jugement global qui conduise à prendre des décisions, plutôt que d’inciter, par contournement, à l’adoption de dispositifs qui, finalement, par rapport à une situation qui est jugée comme étant négative, se révèlent peu moraux.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas de la morale, c’est de la politique !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Si, c’est de la morale !
Vous m’aideriez, monsieur le sénateur, en acceptant de retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Doligé, l’amendement no 448 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Doligé. Je suis très embarrassé, car je n’ai vraiment pas envie de le retirer.
La plupart d’entre nous pensent qu’il faut véritablement faire quelque chose à propos de cet impôt, notamment adresser un message. Nombre de ceux qui exercent des responsabilités au sein du Parlement ou du Gouvernement sont de cet avis, mais un membre du Gouvernement n’a peut-être pas autant de liberté pour le dire qu’un parlementaire, même si vous, monsieur le secrétaire d’État, je le sais, vous avez cette liberté.
Je ne vais pas retirer cet amendement. De surcroît, je serais gêné que le groupe communiste républicain et citoyen le reprenne. J’ai vu, tout à l’heure, avec quelle facilité il s’était précipité sur nos bons amendements ! (Rires.)
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Le risque est terrible !
M. Éric Doligé. On ne sait jamais ! Monsieur le secrétaire d’État, si je ne retire pas cet amendement, ce n’est pas pour vous gêner ; je sais bien ce qui risque d’en advenir, mais nous devons, à chaque fois que nous le pouvons, faire un signe à cet égard.
Certes, les arguments que vous avez avancés quant à la garantie, au risque d’emprunt, sont une réalité mais, dans tout texte, les avantages dépendent des risques.
Je vais prendre le risque de maintenir cet amendement, et je verrai bien ce qui se passera.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je voterai contre ces amendements.
L’argumentation de Mme le rapporteur est, d’un point de vue juridique, imparable ; M. le secrétaire d’État ne l’a d’ailleurs pas démentie, mais, sur le fond, il partage l'avis des auteurs de ces amendements quant à l’effet négatif de l’ISF.
Je lis, à la page 486 du rapport écrit de la commission – nous en reparlerons lors de l’examen de l’article 36, relatif au rescrit en matière de crédit d’impôt recherche – que le montant de la dépense fiscale due à la réforme du crédit d’impôt recherche devrait être d’environ 4,5 milliards d’euros.
C’est précisément le montant de l’ISF ! Si vous croyez – et ce n’est pas de la morale ! – que nous pouvons, dans l’état actuel de nos finances publiques, nous priver d’un revenu annuel d’au moins 4,5 milliards d’euros, vous pouvez en effet supprimer l’ISF. Pour ma part, je ne pense pas que nous puissions nous payer ce luxe, notamment s’agissant du financement de la dépense fiscale dont va bénéficier la recherche.
C’est pourquoi je suis résolument opposée à ces amendements.
M. Richard Yung. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je voterai pour ces amendements, car ils ont le mérite de soulever un problème, qui devra, un jour ou l’autre, être réglé, celui de la valeur des actifs que le chef d’entreprise apporte au fonctionnement de son entreprise et qui, par ailleurs, sont assujettis à l’ISF. Ce n’est pas choquant !
Le Gouvernement, par le biais de la loi TEPA, du plafonnement et du bouclier fiscal, a singulièrement amélioré la situation fiscale de celui qui investit pour entreprendre. Il n’en reste pas moins que sont assujettis à l’ISF des biens dont le propriétaire n’a pas la libre jouissance. Or, en droit civil, mais aussi en droit fiscal, lorsqu’on démembre la propriété entre l’usus, le fructus et l’abusus, on accepte l’idée qu’un propriétaire qui n’en a que l’usage détient moins de richesse ou d’actif net que celui qui en a l’usage et la libre disposition.
On devrait considérer que le propriétaire d’un bien apporté en gage à un prêt ne le détient plus complètement : il n’en a que l’usage ; il n’en a pas la libre disposition, car il ne peut pas le vendre tant qu’il n’a pas remboursé son emprunt. Il serait donc normal qu’au minimum on diminue d’autant, dans son assiette d’ISF, la valeur du bien apporté en gage.
Il en est de même des comptes courants : les comptes courants que l’entrepreneur apporte à son entreprise sont assujettis à l’ISF ; ils ne sont pas dans le capital de l’ISF, donc ils ne sont pas exonérés d’ISF. Toutefois, je rappelle ce que disait en substance Auguste Detoeuf, qui est la référence absolue en la matière : « il vaut mieux investir une place forte qu’un capital. J’ai déjà vu des places fortes investies être rendues, jamais des capitaux investis. »
Vous n’êtes jamais sûrs de retrouver des comptes courants ! Il faudrait en diminuer la valeur, parce qu’ils ne sont pas disponibles et leur retour n’est pas certain.
Je vote pour ces amendements, le problème posé étant légitime. S’ils ne sont pas adoptés, nous aurons la possibilité, à l’occasion des débats budgétaires, de cheminer sur la voie d’une solution en ce qui concerne l’évaluation erronée, car excessive, de biens personnels apportés en appui au fonctionnement de l’entreprise.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 448 rectifié et 982 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)