M. Daniel Raoul. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec ceux que nous avons défendus à l’article 21. L’article 22 est en effet le complément, voire l’aboutissement de la négociabilité des conditions générales de vente prévues par l’article précédent.

Je formulerai simplement trois remarques.

En premier lieu, cet article tend à supprimer l’interdiction des discriminations, notamment tarifaires. Or le I de l’article L 442-6 du code de commerce, que vous souhaitez abroger, dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

« 1 ° De pratiquer, à l’égard d’un partenaire économique, ou d’obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ; ».

Cela concerne non seulement les tarifs, mais également les délais de paiement, qui deviennent un élément de la négociabilité.

Avec les assouplissements que vous avez introduits à l’article 6, la boucle est bouclée, si j’ose dire, et je crois qu’il faudra attendre encore longtemps avant que nous parvenions à une réduction des délais de paiement ; j’aurai l’occasion d’y revenir.

Bref, tout devient négociable ! La grande distribution et les donneurs d’ordre pourront obtenir tous les avantages qu’ils souhaitent sans contrepartie qui pourrait les justifier.

Après avoir dépénalisé ces abus, qui peuvent relever d’une situation de domination ou d’une relation de dépendance, on supprime maintenant ce qui pourrait relever de la responsabilité civile de leur auteur et donc engager sa responsabilité.

En deuxième lieu, vous supprimez, en réécrivant le b du 2° du I de l’article L 442-6 du code de commerce – je reviendrai plus tard sur cette réécriture, qui est loin d’être anodine –, une disposition qui avait toute son importance et qui protégeait certains petits fournisseurs. Je demande d’ailleurs à mon collègue Bruno Retailleau d’y être attentif. En effet, ne relève plus du délit civil le fait de lier l’exposition à la vente d’un produit à l’octroi d’un avantage quelconque constitué.

Il s’agit, en réalité, des fameux accords de gamme, qui consistent à subordonner la distribution d’une grande marque à d’autres produits moins réputés. Or nous savons que cette pratique a eu pour effet d’évincer les produits des petits fournisseurs. Cette pratique abusive était précisément considérée comme un abus de puissance de vente ou d’achat, dès lors qu’elle conduisait à entraver l’accès des produits similaires aux points de vente.

En troisième lieu, les modifications introduites au 4° du I de l’article L 442-6 sont loin d’être satisfaisantes et rendent bien compte du basculement qui est en train de se produire des conditions générales de vente aux conditions générales d’achat ou conditions particulières d’achat.

En effet, le droit actuel s’appuie sur les conditions générales de vente en considérant qu’est manifestement dérogatoire aux conditions générales de vente le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale ou partielle des relations commerciales, des prix, des délais de paiement ou des coopérations commerciales. Cette référence disparaît dans la nouvelle rédaction, qui renvoie à la notion d’obligation d’achat et de vente, notion non définie par ailleurs.

Cette substitution est tout à fait révélatrice de l’idée qui est derrière ce projet de loi.

Vous nous expliquez que les conditions générales de vente demeurent le socle de la négociation commerciale. Or il est évident que ce n’est pas le cas. En fait, les conditions générales de vente peuvent aussi être utilisées en cas de litige entre fournisseur et client.

Comment conserver toute leur efficacité aux conditions générales de vente collectives applicables aux professions si l’on supprime cette référence ?

Pourtant, comme l’ont souligné plusieurs fournisseurs et sous-traitants lors des auditions que nous avons menées, ces conditions générales de vente jouent un rôle capital dans le règlement des litiges et la sanction des abus, car elles constituent un recueil des « usages » des professions, autrement dit des pratiques plus ou moins légales, au sens juridique du terme, auxquelles les magistrats se réfèrent en cas de clauses contradictoires empêchant de déterminer une commune intention des parties, en cas de silence de la loi ou du contrat.

Pourquoi supprimer cette référence et lui substituer une notion plus ambiguë faisant allusion aux obligations d’achat et de vente ? Je demeure perplexe !

Notre amendement vise à s’opposer à la suppression de l’interdiction de discrimination en matière de prix et de délais de paiement. Il tend donc à maintenir les dispositions de l’article L 442-6 du code de commerce qui fonde, avec l’article L 441-6, les conditions générales de vente collectives comme socle de relations commerciales équilibrées au bénéfice des PME et des sous-traitants. Nous reviendrons plus tard sur la réécriture de certaines mesures.

M. le président. L'amendement n° 875, présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. - Supprimer le 1° du I de cet article.

II. - Rédiger ainsi le second alinéa du 8° du I de cet article :

« Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile dont le montant peut atteindre 5 % du chiffre d'affaires mondial, additionnés de trois fois le montant des sommes indûment perdues par l'auteur de la pratique. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Le présent amendement a pour objet le renforcement du montant des amendes civiles, promis par le Gouvernement lors de la discussion de la loi Chatel du 3 janvier 2008, qui contenait un volet de dépénalisation du droit des affaires.

Cet amendement reprend le système des amendes civiles qui peuvent être infligées en cas de pratiques restrictives de concurrence par le Conseil de la concurrence aux entreprises coupables d’abus de position dominante, de concentration ou d’entente. En effet, depuis la loi relative aux nouvelles régulations économiques, ou loi NRE, de 2001, le Conseil, en procédure contentieuse, peut prononcer des amendes allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires hors taxe mondial de l’entreprise ou du groupe condamné ; il s’agit de l’article L. 464-2.

L’amendement se justifie par le constat selon lequel les sanctions de pratiques restrictives de concurrence se sont multipliées ces dernières années, notamment dans le secteur de la distribution.

Or il est clair que, pour de grands groupes mondiaux de la distribution, la perspective d’une amende civile plafonnée à 2 millions d’euros, comme le prévoit le projet de loi, n’a quasiment aucun effet dissuasif, ni même répressif. Seule une sanction prenant en compte la puissance économique réelle des entreprises concernées peut être de nature à inciter les grands groupes de distribution à respecter le droit de la concurrence.

M. le président. L'amendement n° 424, présenté par M. Raoul, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Massion, Pastor, Repentin, Sueur, Yung, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 3° du I de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article L. 442-6 du code de commerce dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait […] :

« b) D’abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d’achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées, ».

La nouvelle rédaction proposée dans ce projet de loi substitue à cette cause d’abus de relation de dépendance ou de puissance d’achat ou de vente à l’égard d’un partenaire commercial la notion de « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Une telle substitution risque d’affaiblir considérablement l’efficacité d’un dispositif visant à préserver les petits fournisseurs face à la puissance d’achat des grands distributeurs et à la relation de dépendance.

Je crois que la notion de relation de dépendance ou de puissance d’achat ou de vente permet précisément de qualifier un déséquilibre dans les rapports de force entre les cocontractants. Car il s’agit bien de cela : un rapport de force inégal dans lequel, dans la pratique, les droits et les obligations sont difficilement « équilibrables », si vous me permettez l’expression.

Je ne comprends pas pourquoi on supprime cette notion au profit de celle de déséquilibre significatif.

Pour appuyer mes propos, permettez-moi de citer un extrait de l’étude réalisée par le professeur Michel Glais sur les délais de paiement, à partir d’une enquête diligentée auprès des organisations professionnelles.

Le professeur Glais observe que le rapport de force inégal entre les cocontractants est « la cause essentielle de l’allongement et des retards de paiement constatés dans de nombreux secteurs. Il ne serait donc pas déraisonnable de considérer que l’existence de retards substantiels et systématiques de paiement au-delà de ceux prévus dans les conditions générales de vente des fournisseurs constitue une preuve matérielle, tout à la fois, de l’existence de situations de dépendance économique et de pratiques abusives – débits d’office, procédés divers conduisant à retarder les règlements, etc. – commises par les acheteurs en cause […]. Dans de nombreux cas ces écarts résultent des déséquilibres dans les pouvoirs de négociation, les fournisseurs les plus faibles se voyant imposer par certains clients puissants des conditions de règlement susceptibles de relever des dispositions des 1°, 4° et 7° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce. »

Voilà donc une série d’arguments très forts pour préférer la disposition figurant actuellement dans le code de commerce à celle que contient le projet de loi.

M. le président. L’amendement n° 659, présenté par M. Biwer et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

I. - Dans le second alinéa du 3° du I de cet article, après le mot :

obligations

insérer les mots :

manifestement disproportionnées ou abusives

II. - Compléter le même texte par un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue notamment un abus au sens de l’alinéa précédent le fait d’obtenir des prix d’achat abusivement bas au regard des coûts de production. »

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Il s’agit d’un amendement de précision, qui vise à compléter la définition générale de l’abus pour rendre le contrôle plus efficace et plus dissuasif.

M. le président. L’amendement n° 874, présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du 3° du I de cet article par les mots et une phrase ainsi rédigés :

et notamment, de refuser sans motif réel et sérieux, dans le cadre d’une relation commerciale, d’agréer le repreneur d’un fonds de commerce exploité sous enseigne, lors de la rupture du contrat entre les parties. Lorsque le refus d’agrément est légitime, le franchiseur est tenu de trouver un nouveau successeur dans le commerce ou, en cas d’impossibilité, d’indemniser le franchisé de la perte subie.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Le I de l’article L. 442-6 du code de commerce sanctionne neuf abus dans la relation commerciale. Ces faits engagent la responsabilité civile de leur auteur et l’obligent à réparer le préjudice causé.

L’amendement que nous proposons au Sénat d’adopter complète cet article et vise à permettre aux commerçants exploitant leur point de vente sous enseigne – principalement les franchisés – qui voient leur contrat rompu ou non renouvelé de transmettre plus facilement leur fonds de commerce, en fin de contrat.

En effet, le franchiseur dispose généralement, grâce aux stipulations contractuelles, d’un pacte de préférence pour acquérir le fonds de commerce de son franchisé lorsque le contrat est rompu. Ce pacte de préférence prévoit non seulement une priorité de rachat des fonds de commerce par le franchiseur, mais également une capacité d’agrément du futur repreneur du fonds.

Bien souvent, le caractère économiquement déséquilibré de la relation entre franchiseur et franchisé fait que le franchiseur entend imposer ses conditions afin de protéger son réseau et abuse de sa position pour refuser, parfois sans raison légitime, l’agrément de toutes les personnes se présentant pour la reprise du fonds de commerce.

Le présent amendement tend à rétablir un certain équilibre dans ces situations et à valoriser la clientèle constituée par le franchisé sur son propre fonds avec le soutien des signes de ralliement concédés par le franchiseur, mais que le franchisé, en tant que commerçant à part entière, développe à ses risques et périls.

Sans cet aménagement, la situation actuelle du franchiseur est comparable à celle du bailleur de fonds commerciaux dans le cadre de la loi du 30 juin 1926 réglant les rapports entre locataires et bailleurs, ce qui constitue un archaïsme inacceptable.

M. le président. L’amendement n° 649, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du 4° du I de cet article par les mots :

ou, pour les relations de sous-traitance, des conditions de coopération commerciale manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente. 

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Le présent amendement vise à réintroduire l’opposabilité des conditions générales de vente pour le seul cas particulier de la sous-traitance. Dans ce type de relation commerciale, les produits sont souvent développés par le sous-traitant pour et avec le donneur d’ordre. Dans certains cas – plasturgie, mécanique, etc. –, les pièces développées ne peuvent être vendues qu’à un seul donneur d’ordre.

Le présent projet de loi vise à la fois à introduire plus de concurrence dans les relations commerciales, au bénéfice du consommateur, et à mieux sanctionner les abus dans le cadre de celles-ci. Mais, dans le cas particulier de la sous-traitance, supprimer l’opposabilité des conditions générales de vente, qui constituent une référence partagée, c’est justement aggraver le déséquilibre dans les relations commerciales.

Le cadre réglementaire de la sous-traitance constitue un enjeu capital pour une bonne partie des PME françaises ; or ce cadre date de plus de trente ans et mériterait qu’on le mette à jour.

Dans l’attente, préserver le socle des relations commerciales que constituent les conditions générales de vente est nécessaire. Il est à noter que la flexibilité des conditions commerciales prévue à l’article 21, qui constitue l’essentiel de la réforme des pratiques commerciales souhaitée par le Gouvernement, n’est en rien affectée par le présent amendement.

M. le président. L’amendement n° 286 rectifié, présenté par Mme Sittler, M. Grignon, Mme Desmarescaux et MM. Détraigne, Houel, Revet et Richert, est ainsi libellé :

À la fin de la première phrase du second alinéa du 8° du I de cet article, remplacer les mots :

2 millions d’euros

par les mots :

5 % du chiffre d’affaires réalisé en France

La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Le présent amendement vise à améliorer l’efficacité du dispositif proposé en matière de sanctions civiles.

En effet, l’article 22 reprend à juste titre deux propositions importantes du rapport de Mme Hagelsteen sur la négociabilité des tarifs et des conditions générales de vente : la possibilité ouverte à la juridiction, d’une part, d’ordonner la publication ou l’affichage de sa décision, et, d’autre part, de saisir pour avis la Commission d’examen des pratiques commerciales.

Il ne va cependant pas assez loin, en ne reprenant pas l’une des préconisations importantes de ce rapport, consistant à fixer un plafond de sanction civile non pas de façon absolue, mais en proportion du chiffre d’affaires de l’entreprise.

Tel est l’objet du présent amendement, qui vise à fixer le plafond à 5 % du chiffre d’affaires réalisé en France, sur le modèle des dispositions relatives aux sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence.

M. le président. L’amendement n° 99, présenté par M. Hérisson, est ainsi libellé :

Après les mots :

dont le montant

rédiger comme suit la fin du second alinéa du 8° du I de cet article :

peut atteindre 5 % du chiffre d’affaires mondial, additionnés de trois fois le montant des sommes indûment perdues par l’auteur de la pratique le cas échéant. » ;

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 425, présenté par M. Raoul, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Massion, Pastor, Repentin, Sueur, Yung, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le mot :

supérieur

rédiger comme suit la fin du second alinéa du 8° du I de cet article :

à 10 millions d’euros. Toutefois, cette amende civile peut être portée au quintuple du montant, évalué par la juridiction qui en fixe le montant définitif. » ;

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Dans son rapport, Mme Hagelsteen faisait remarquer que « le montant de l’amende civile susceptible d’être infligée aux auteurs de pratiques prohibées est encore insuffisamment dissuasif ».

Or une augmentation du montant des sanctions encourues en cas de pratique abusive est cohérente avec l’instauration d’un système qui laisserait aux partenaires commerciaux plus de souplesse et de latitude dans leurs négociations.

Monsieur le secrétaire d’État, vous évoquez souvent les notions de liberté et de responsabilité ; nous souhaitons que ce diptyque devienne un triptyque et repose sur un système de sanctions réellement dissuasif. Dans le cas contraire, la porte serait ouverte à tous les abus.

Nous proposons donc de majorer le montant de l’amende en le portant à 10 millions d’euros, au lieu de 2 millions d’euros. Nous proposons également de prévoir que l’amende puisse être portée au quintuple du montant des sommes indûment versées, évalué par la juridiction.

Tel est l’objet de cet amendement, car nous considérons que l’efficacité du dispositif est réellement insuffisante en matière de sanctions civiles.

M. le président. L’amendement n° 661, présenté par M. Biwer et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Après les mots :

supérieur à

rédiger comme suit la fin du second alinéa du 8° du I de cet article :

10 millions d’euros. Toutefois, cette amende civile peut être portée au quintuple du montant, évalué par la juridiction, des sommes indûment versées.

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement a le même objet que le précédent et vise à renforcer le caractère dissuasif des sanctions.

M. le président. L’amendement n° 132, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du second alinéa du 8° du I de cet article, supprimer les mots :

, évalué par la juridiction,

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur, pour le présenter et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de simplification rédactionnelle. En effet, il n’y pas lieu d’alourdir le texte du projet de loi en spécifiant que le montant des sommes indûment versées est évalué par la juridiction.

En ce qui concerne l’amendement n° 422, la commission spéciale ne partage pas le refus de ses auteurs d’autoriser les conditions particulières de vente. Pour les mêmes raisons qu’à l’article 21, elle a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 875 porte sur le même sujet. Lors de l’examen de l’article 21, j’ai déjà expliqué pourquoi la commission spéciale est défavorable aux amendements tendant à supprimer la réforme de la négociabilité. Quant au montant de l’amende civile, le plafond proposé semble tout à fait excessif. C’est pourquoi l’avis de la commission spéciale est défavorable.

L’amendement n° 424 reçoit un avis défavorable pour les mêmes raisons.

Concernant l’amendement n° 659, il ne serait pas opportun, à notre avis, de supprimer la notion de déséquilibre significatif.

En effet, le texte initial du projet de loi, qui n’a pas été modifié sur ce point par les députés, introduit la notion utile de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. De ce point de vue, l’amendement n° 659 ne semble pas apporter de réelle clarification du dispositif, puisqu’il renvoie en tout état de cause à l’appréciation du juge. Pour cette raison, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement.

La rédaction même de l’amendement n° 874 prouve que la précision qu’il apporte n’est pas indispensable.

Le 3° de l’article 22 interdit de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations qui créent un déséquilibre significatif. Or l’amendement n° 874 tend à donner un exemple d’obligation créant un tel déséquilibre significatif. Il est toujours un peu dangereux d’énumérer des exemples, lorsque l’on affirme un principe général, car on finit par penser que les cas non énumérés ne sont pas visés par le dispositif.

Par ailleurs, on ne voit pas très bien pourquoi le refus d’agrément devrait être pénalisé dans les cas où il est légitime. La commission spéciale y voit une contradiction.

Pour toutes ces raisons, cet amendement reçoit un avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 649, la commission spéciale pense qu’il n’y a pas lieu de créer des exceptions au cadre général pour le cas spécifique de la sous-traitance.

L’esprit même de la réforme est de permettre aux parties de négocier, si elles le souhaitent, les conditions particulières de vente. On voit mal comment expliquer, dans ce contexte, que les parties ne doivent pas pouvoir négocier librement dans le secteur de la sous-traitance. Loin d’aider ce dernier, une telle disposition risquerait même de lui enlever des garanties. C’est pourquoi je demanderai à Mme Payet de bien vouloir retirer cet amendement.

La commission spéciale demande également le retrait de l’amendement n° 286 rectifié.

En effet, le dispositif du projet de loi alourdit considérablement le montant possible des amendes. Commençons donc par appliquer ce dispositif avant d’essayer d’introduire la notion de pourcentage du chiffre d’affaires, qui pourrait d’ailleurs être beaucoup plus facilement contournée par les contrevenants. En outre, cela créerait une distorsion dans le quantum des peines infligées, ce qui fragiliserait l’ensemble du dispositif sur le plan juridique.

L’amendement n° 425 est proche des précédents. La commission spéciale y est défavorable dans la mesure où il tend à alourdir excessivement l’amende civile introduite par le projet de loi.

Enfin, la commission demande le retrait de l’amendement n° 661, qui a le même objet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 422, qui a pour objet de revenir sur la différenciation tarifaire que nous proposons.

Il est également défavorable à l’amendement n° 875, qui maintient la discrimination abusive et prévoit de fixer les amendes en proportion du chiffre d’affaires. Je reviendrai sur ce dernier point.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 424, qui vise à supprimer la nouvelle définition de l’abus.

Je dois apporter une précision à la Haute Assemblée : je comprends que certains aient pu s’interroger, à la lecture de ce projet de loi, sur la disparition de toute référence aux notions d’abus de puissance d’achat ou de vente ou d’abus de relation de dépendance, alors même que l’objectif du Gouvernement, comme je vous l’ai rappelé tout à l’heure, est de lutter contre ces pratiques.

Dans l’état actuel du droit, nos services doivent, dans un premier temps, préciser l’abus de position dominante avant, dans un second temps, de l’appréhender. La situation législative actuelle est donc préjudiciable à l’action publique et la paralyse même parfois.

Nous avons souhaité que la loi ne précise plus de manière détaillée la définition de l’abus de position dominante, ce qui imposait à nos services de démontrer ce dernier avant de le combattre, de façon à laisser ceux-ci libres d’agir, pour qu’ils puissent lutter plus facilement contre ce type d’abus.

En ce qui concerne l’amendement n° 659, le Gouvernement pense qu’il est préférable de conserver une définition souple et générale de l’abus qui pourra s’appliquer dans un grand nombre de situations différentes. Il sollicite donc le retrait de cet amendement, à défaut son avis serait défavorable.

L’amendement n° 874 tend à mentionner, dans le cadre des relations entre franchiseur et franchisé, un cas de déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. L’introduction d’une liste de cas particuliers, même non exhaustive, risquerait de dénaturer l’interdiction, plus générale.

Par ailleurs, la cohérence rédactionnelle de l’amendement laisse à désirer, parce qu’il prévoit que le franchiseur serait tenu d’indemniser son franchisé, même lorsqu’il refuserait légitimement d’agréer son successeur. Pour le Gouvernement, une telle mesure serait tout à fait excessive, c’est pourquoi son avis est défavorable.

L’amendement n° 649 tend à rétablir, pour la sous-traitance, une rigidité supprimée par le projet de loi.

Je voudrais simplement vous apporter un élément de réponse, madame Payet : en matière de sous-traitance, la référence aux conditions générales de vente ne se justifie pas vraiment, puisque le sous-traitant élabore non pas des tarifs, mais des produits, pour le compte d’un donneur d’ordre et non pour différents clients. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

L'amendement n° 286 rectifié a pour objet de renforcer les sanctions en les calculant sur la base d’un pourcentage du chiffre d’affaires. Monsieur Houel, le Gouvernement a envisagé à un moment donné de retenir cette piste, notamment à la suite du dépôt du rapport Hagelsteen, mais nous y avons renoncé pour deux raisons.

D’une part, un tel dispositif aboutirait, d’après les calculs que nous avons effectués, à des sanctions qui seraient pour certains groupes tout à fait excessives : ainsi, 5 % du chiffre d’affaires du groupe Carrefour représente 4 milliards d’euros !

D’autre part, comme vous le savez, en matière de relations commerciales, celui qui abuse de sa puissance perçoit souvent des sommes indues qui constituent pour le juge une bonne base de référence pour déterminer le montant de l’amende. C'est la raison pour laquelle nous avons retenu, dans le projet de loi, le principe d’une amende égale au triple de ces sommes indûment perçues. Cette proposition a fait l’objet de nombreuses concertations avec les différents acteurs, qui ont débouché sur un accord global.

Je sollicite donc le retrait de l’amendement n° 286 rectifié ; à défaut, le Gouvernement y serait défavorable.

La même explication vaut pour l'amendement n° 425. Le Gouvernement a retenu une autre méthode de calcul du montant des amendes, il n’est donc pas favorable à cet amendement.

Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 661.

Enfin, il est favorable à l'amendement n° 132 de la commission spéciale.