Mme Christine Lagarde, ministre. Le Sénat a adopté en première délibération un amendement n° 678 qui conduit à un mécanisme tronqué et insoutenable de financement du logement social.
De fait, il s’agirait d’interdire la prise en compte, pour la fixation du taux des prêts au logement social, du coût que représente, pour le fonds d’épargne, la centralisation des ressources nécessaires à la mise en place des prêts.
Le mécanisme ainsi retenu conduirait, s’il était maintenu, à instaurer un déséquilibre structurel et massif entre les recettes tirées des prêts au logement social et les charges induites par la centralisation à la Caisse des dépôts et consignations des ressources issues du livret A, sur lesquelles sont assis les prêts.
Un tel dispositif n’est pas soutenable et ne pourrait que conduire à brève échéance à la disparition complète du mécanisme de financement du logement social par le livret A.
Le Gouvernement propose donc d’en revenir à l’équilibre initial, tel que prévu par la rédaction originelle retenue par le projet de loi pour le dernier alinéa de l’article L. 221-6 du code monétaire et financier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Avis franchement favorable.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
M. Jean Desessard. Je suis cloué par la stupéfaction !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur les articles et amendements soumis à seconde délibération.
Mme Marie-France Beaufils. Alors que nous avions cru comprendre que le Parlement était appelé à jouer un rôle plus important, je constate qu’après avoir débattu de sujets importants le Gouvernement nous demande tout à coup une seconde délibération qui revient sur la discussion et les votes émis. Cette pratique révèle une conception très particulière du respect du Parlement !
Il est évident que je ne voterai pas ces modifications.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Après des amendements de cavalerie, on nous oblige à voter au canon !
M. Philippe Marini, rapporteur. Pour un antimilitariste, c’est difficile !
M. Jean Desessard. Vous comprendrez que nous ne pouvons accepter de telles méthodes. Le Gouvernement a présenté un projet de loi très long, dont nous avons débattu. Au terme de la procédure, il s’aperçoit qu’un certain nombre d’amendements ne lui conviennent pas et décide de revenir sur les dispositions votées, au lieu de tenir compte de l’avis du Sénat.
Je m’étonne davantage des avis rendus par la commission spéciale. Les sénateurs et les sénatrices n’ont pas voté, tout au long des débats, sous une contrainte terroriste. Que le Gouvernement revienne sur un amendement, on peut comprendre ; un malentendu est toujours possible ! Qu’il revienne sur quatre amendements, voilà bien la preuve que le Parlement reste aux ordres du Gouvernement !
M. Jacques Gautier. Quatre amendements sur onze cents !
Mme la présidente. Je vous rappelle qu’en application de l’article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l’article 42, alinéa 7, du règlement, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur les articles 16, 21 F, 29 et 39 dans la rédaction de la première délibération modifiée par les amendements nos A-1 à A-4, à l’exclusion de tout autre amendement.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, par un seul vote, l’ensemble des amendements et des articles soumis à seconde délibération.
(L’ensemble des amendements et articles est adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, je serai brève, compte tenu de l’heure tardive.
Voilà près d’un an que je siège sur ces travées ; le moins que l’on puisse dire est que notre travail législatif a connu des modernisations certaines et imprévues. Nous venons encore d’assister tout à l’heure à une innovation inattendue !
Après l’amendement « navette » de notre collègue Jean Bizet, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés déclaré d’urgence mais ayant opportunément suivi une procédure normale, après l’amendement « virgule » de notre excellent rapporteur général du budget, nous avons assisté à la naissance d’une norme juridique nouvelle, dont on ne sait pas encore où elle prend place, mais qui arrive au bon moment, puisque nous révisons la Constitution.
Je veux parler de la convention signée entre la commission des finances de l’Assemblée nationale et les organisations bancaires. Plus exactement, Mme le ministre nous a indiqué, lors de la discussion de l’amendement n° 662 rectifié de Mme Payet, qu’une convention avait été signée le 22 mai 2008 par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale et M. Lefebvre, député des Hauts-de-Seine, d’une part, et les représentants de la profession bancaire, d’autre part.
Notre Haute Assemblée ne remerciera jamais assez Mme Payet, sans laquelle cet accord serait resté ignoré de notre commission des finances et des autres sénateurs. Au-delà de la bonne pratique parlementaire, cet incident me paraît une négation du bicamérisme : s’il apporte une innovation dans notre vie institutionnelle, il n’améliore pas la gouvernance ! Il faudra donc y mettre bon ordre et veiller à ce que de telles pratiques, si elles s’avèrent intéressantes, incluent le Sénat.
En ce qui concerne les mesures de modernisation, toutes celles que nous pourrons adopter aujourd’hui, pour peu qu’elles aient un effet, doivent être envisagées dans une perspective territoriale : il faut absolument tenir compte des territoires ruraux et réformer notre État dans sa structure territoriale. Nous ne pouvons pas conserver ce millefeuille de compétences qui asphyxie l’économie de nos départements et de nos régions !
J’aurais eu beaucoup d’autres choses à dire, mais je vais laisser la parole à mon président de groupe.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. Au terme de cette longue discussion d’un projet de loi largement préparé par notre groupe de travail, puis par la commission spéciale, je tiens à saluer le travail extraordinaire réalisé par son président et ses rapporteurs.
Je remercie vivement le Gouvernement de nous avoir présenté un projet de loi qui, dans un monde changeant si vite, encourage la modernisation de la société française en mobilisant les entreprises, attirant l’activité en France, stimulant les financements pour la croissance, développant l’économie de l’immatériel. Jamais un tel ensemble de mesures n’a été aussi largement discuté, amélioré et précisé.
Beaucoup d’autres secteurs sont touchés par le projet de loi. Je ne parle pas, par exemple, des questions concernant les activités commerciales, où l’apport de nos travaux a été positif, notamment en rapprochant l’urbanisme commercial des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme. Une dynamique très importante a été ainsi créée.
Bien entendu, tout n’est pas parfait, beaucoup auraient préféré que nous divisions par deux la limite des 1 000 mètres carrés, ce qui aurait été plus simple et plus lisible. Mais les dispositions adoptées restent malgré tout très positives. Globalement, le Sénat a certainement contribué à améliorer le texte sur beaucoup de points : avec mille amendements, on peut espérer que quelques-uns soient bons !
Le groupe que je représente votera, dans sa majorité, en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. J’ai pour mission d’expliquer, au nom du groupe UC-UDF, les différents votes de ses membres.
Globalement, le groupe centriste est satisfait des avancées réalisées par le Sénat, au premier rang desquelles figure la reconnaissance de l’entreprise de taille moyenne.
Toutefois, un certain nombre de pierres d’achoppement demeurent, ce qui explique le vote de certains de mes collègues.
Malgré les amendements adoptés visant à sécuriser le statut de l’auto-entrepreneur, les artisans restent opposés à ce nouveau statut. Nous comprenons la nécessité d’accompagner les créateurs d’entreprises artisanales, notamment, au cours des premières années d’exercice. Mais cette aide ne doit pas intervenir au détriment des entreprises déjà existantes.
En ce qui concerne les délais de paiement, le groupe centriste comprend tout à fait la préoccupation de la commission spéciale de préserver, financièrement tout au moins, l’industrie automobile. Or, pour les petits sous-traitants de cette filière, le texte modifié par le Sénat revient à annuler le délai légal de paiement. Ces dispositions sont en contradiction avec le projet de Small Business Act pour l’Europe, que la Commission européenne vient d’adopter.
Quant à la réforme de l’urbanisme commercial, nous ne nions pas les avancées obtenues à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, tendant à encadrer le relèvement du seuil à partir duquel un projet est soumis à la commission départementale d’aménagement commercial. Toutefois, nous regrettons que nos amendements sur cet article n’aient pas été retenus et la majorité des sénateurs du groupe craint que cette réforme n’ait des conséquences dévastatrices sur le petit commerce.
Nous regrettons enfin le large recours aux ordonnances. Les rapporteurs se sont attachés à limiter la portée de ces ordonnances, notamment pour la fiducie et l’Autorité de la concurrence. Certes, les domaines traités sont techniques, ce critère ne doit être pris seul en compte. Mais le Gouvernement a demandé à être habilité à légiférer par ordonnances, sur d’autres thèmes, qui n’ont pas grand-chose à voir avec la modernisation de l’économie. Par principe, beaucoup de centristes sont opposés aux ordonnances ; ce qui n’est pas mon cas. Par ailleurs, à l’heure où nous espérons voir aboutir la réforme des institutions, qui doit revaloriser le rôle du Parlement, il semble contradictoire de multiplier le recours aux ordonnances.
Pour toutes ces raisons, une moitié du groupe UC-UDF reste sceptique sur ce projet de loi : deux voteront contre et treize s’abstiendront. J’estime, quant à moi, avec quinze de mes collègues, que les dispositions de ce texte sont d’intérêt divers mais que, pour la plupart, elles vont dans le bon sens.
J’en veux pour exemple les dispositions relatives à l’équipement en très haut débit du territoire, que nous avons fini d’examiner aujourd’hui. Le Sénat a supprimé l’amendement dit « Numéricâble », ce dont je me réjouis. Par ailleurs, le projet de loi initial était peut-être un peu limitatif dans sa façon d’aborder le très haut débit.
Grâce aux amendements de Mme le rapporteur que nous avons adoptés, la couverture numérique du territoire devrait être améliorée et nous devrions ainsi éviter de creuser encore la fracture numérique. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, a été dotée de pouvoirs de sanction afin d’assurer le respect, par les opérateurs de communications électroniques, de leurs obligations de couverture du territoire. Enfin, l’utilisation partagée des infrastructures publiques des réseaux câblés est autorisée afin de faciliter le déploiement du très haut débit sur le territoire des communes câblées.
Nous espérons enfin que la commission mixte paritaire retiendra les amendements que nous avons fait adopter, notamment ceux d’Anne-Marie Payet sur la vente des tabacs manufacturés dans les départements d’outre-mer ; vous savez l’importance qu’elle y accorde.
Aussi, monsieur le président de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, puisque vous avez émis des avis favorables à certains de ces amendements, nous espérons qu’ils seront conservés à l’issue de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de ces deux semaines de débats, dont neuf nuits, je souhaite saluer l’ensemble des personnels du Sénat qui nous ont accompagnés. Ma collègue Marie-France Beaufils interviendra après moi, mais je vais déjà développer une partie des arguments de notre groupe.
Le projet de loi que nous votons cette nuit est effroyable à bien des égards : la grande majorité des dispositions contenues dans ce texte et débattues dans l’urgence représentent de véritables régressions pour les salariés, les petits commerçants, les artisans, les consommateurs, tous ceux qui se trouvent dans un rapport de forces défavorable.
La libéralisation des conditions générales de vente, l’opacité des relations commerciales, la revente à perte généralisée, les soldes flottants, le démantèlement des autorités de contrôle, l’absence d’amende sérieuse face à la puissance financière des grands groupes, la fin actée de l’équilibre des différentes formes de commerce, les atteintes portées au droit des brevets et à la propriété intellectuelle : cet inventaire succinct ne doit pas occulter la logique qui sous-tend toutes ces dispositions.
Vous prétendez que la concurrence libre et non faussée régule naturellement le marché et qu’elle favorise le consommateur en diversifiant l’offre et en faisant baisser les prix. En réalité, le marché que vous avez créé et institutionnalisé au niveau national, communautaire et international, l’est au profit d’intérêts très particuliers : les multinationales, les banques d’affaires, « les personnalités qualifiées ».
À côté des monopoles publics sans cesse dénoncés, qui servaient l’intérêt général, vous avez mis en place de véritables monopoles privés qui servent, avant tout, leurs propres intérêts financiers.
Votre credo, votre projet politique reposent sur des mythes : le mythe de la liberté et du marché libre, alors que les cartels privés ont les pleins pouvoirs – pour eux, rien n’est illégal, puisqu’il n’y a plus de loi ! –, le mythe de l’égalité des consommateurs face à la grande distribution, de l’égalité du salarié face au patron. Mais la gratuité et la solidarité sont bannies de vos politiques alors qu’elles font la croissance, l’invention, la richesse de la société et la qualité des échanges !
Un économiste que vous connaissez sans doute, le professeur Bernard Maris, écrivait très justement à ce sujet : « L’économie marchande accapare ce qu’elle n’a pas le droit de s’approprier : l’esprit de gratuité de la recherche et de solidarité qui explique la synergie et les rendements croissants. Elle en tire des profits monétaires et symboliques auxquels elle ne peut prétendre. »
Le projet de loi de modernisation de l’économie s’inscrit dans cette logique de mutualisation des pertes et de privatisation des profits.
Cette recherche de la rentabilité financière à tout prix – à n’importe quel prix ! – n’épargne aucun domaine de la production humaine.
Certes, vous avez été obligés de reculer sur les atteintes portées à l’archéologie préventive, et avez abandonné l’idée, en tout cas dans ce texte, de la double coupure publicitaire des films télévisés. Mais par quoi la main assassine des auteurs de ces propositions est-elle guidée, si ce n’est par l’argent ?
L’article 34 du projet de loi est relatif aux brevets, qui sont l’une des formes du droit d’auteur. Que dire de l’habilitation donnée au Gouvernement pour modifier le code de la propriété intellectuelle, alors même que les textes internationaux visés n’étaient pas tous ratifiés au moment de la présentation du projet de loi ? Avec cette disposition, vous portez atteinte au droit d’auteur.
C’est pourquoi nous avons dénoncé avec force cette manière de légiférer en catimini et de voter au dernier moment – « au canon », selon l’expression employée par notre collègue Jean Desessard – sans même que les commissions compétentes soient informées ! Il y a dans cette façon de procéder un véritable mépris pour les auteurs et le législateur.
Vos politiques n’épargnent personne, elles s’attaquent aux droits les plus fondamentaux des individus. Le droit d’auteur est un droit de civilisation auquel la France est historiquement attachée. Toute mise en cause partielle, limitée à une catégorie de professionnels, comme c’est le cas, dans ce projet de loi, pour les journalistes, peut préfigurer d’autres atteintes.
À travers vos attaques, c’est l’auteur qui est visé : le droit économique supplante le droit moral, qui n’a plus droit de cité. Vous mettez à mal celui qui fait œuvre, comme vous niez les droits des travailleurs : c’est la société dans toutes ses œuvres qui est mutilée.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, à cette heure matinale, apporter quelques réflexions complémentaires.
C’est peu de dire que le projet de loi n’a pas rencontré, et ne rencontre toujours pas, un large soutien dans l’opinion publique. Ce texte suscite plutôt réticences, craintes et franche hostilité qu’approbation pleine et entière des dispositions qu’il contient !
Qu’il s’agisse d’économistes faisant état « des effets pervers de la loi de modernisation économique », d’une grande association de consommateurs qui évoque une loi « à conséquences douteuses pour les consommateurs », des organisations syndicales du secteur financier public qui rejettent « la privatisation de la Caisse des dépôts » ou « le racket du livret A », de l’Union sociale pour l’habitat qui s’inquiète du financement futur du logement social, de l’Union professionnelle artisanale ou de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment qui mettent en garde contre les atteintes aux entreprises petites ou artisanales, des centres de gestion comptable qui craignent la fraude et la dissimulation fiscale, nombreux sont ceux qui avaient exprimé leur méfiance, sinon leur rejet de ce texte.
En face, qui soutient ce projet de loi, au-delà des parlementaires de la majorité ? Michel-Édouard Leclerc, qui va ainsi continuer à fragiliser le commerce de proximité et à imposer sa vision ; Arnaud Lagardère, qui va pouvoir se maintenir dans les médias ; Martin Bouygues, qui peut préparer dans les meilleures conditions la cession de TF1 et l’acquisition d’au moins une minorité de blocage dans le capital d’Areva ; et le PDG de Carrefour, qui annonce que, dans la foulée de la loi, il va « dynamiser le développement de ses hypermarchés en France ». Avec ce texte, vous avez fait le choix de défendre ces intérêts-là.
Cette prétendue modernisation de l’économie fait évidemment pendant à la rénovation du dialogue social que vous nous annoncez.
Le projet de loi de modernisation de l’économie doit donc être mesuré à l’aune du contexte dans lequel il est débattu. Ce que vous nous proposez aujourd’hui, c’est l’opacité des relations commerciales et des modes de gestion des entreprises, et la défense inconditionnelle des rentes de situation acquises par quelques grands groupes, que vous accompagnerez, à l’avenir, de la mise en cause de la durée du temps de travail, des droits syndicaux et des garanties collectives des salariés.
Dégrader le code du travail est un complément indispensable de votre course effrénée à la baisse des prix, présentée comme la raison d’être de ce texte.
Demain, vous mettrez dans les mains des grands groupes toutes les armes : ajustement des coûts de main-d’œuvre, liberté absolue des conditions de prix, précarisation des conditions de travail.
Tout pour le profit, telle est la véritable nature de votre prétendue modernisation de l’économie. La modernité dont vous vous prévalez a pourtant des traits foncièrement archaïques. En effet, vous revenez sur des équilibres établis au fil du temps par la société française et sur nombre d’acquis sociaux que des générations de salariés ont arrachés à la seule loi du profit.
Nous ne voulons décidément pas de tout cela, et nous ne voterons donc pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jean Desessard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le jour va se lever sur une nouvelle loi, que nous voterons avec plaisir. (Exclamations amusées.)
Comment ne pas dire ma satisfaction de voter le projet de loi de modernisation de l’économie, qui, j’en suis persuadé, figurera au nombre des textes de référence de cette session parlementaire 2007-2008 ? (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Le Sénat peut être satisfait de ses travaux, car il a très largement enrichi le texte issu de l’Assemblée nationale, qu’il s’agisse de la libéralisation de la croissance, de l’amélioration du pouvoir d’achat, de la protection des consommateurs, des PME ou des artisans et des commerçants. Tout cela a été rendu possible par les travaux, commencés en mars dernier, du groupe de travail dirigé par notre collègue Gérard Larcher.
Je n’évoquerai qu’un exemple parmi d’autres. Le Sénat a renforcé les garanties apportées par la loi au financement du logement social : sur ce sujet, nous avons entendu tout et son contraire,…
Mme Odette Terrade. Ah oui !
M. Robert del Picchia. …et donc beaucoup de contre-vérités !
M. Bernard Vera. Nous aussi !
M. Robert del Picchia. La réforme du livret A permettra de garantir un niveau de ressources adéquat pour financer la construction locative sociale et pour réduire de manière durable les coûts supportés par les organismes d’HLM.
Mme Odette Terrade. Nous allons prendre date !
M. Robert del Picchia. Cette vérité figure dans le projet de loi, et correspond aux engagements pris par Mme Lagarde.
Mme Odette Terrade. Nous jugerons au prochain budget !
M. Robert del Picchia. La Haute Assemblée a profondément amélioré ce texte, qui est important non seulement par la variété des sujets traités, mais aussi par la place de ces derniers au cœur de la vie des Français.
C’est la raison pour laquelle le groupe UMP se réjouit de voter ce projet de loi de modernisation de l’économie, largement complété et amélioré par les amendements de la commission spéciale.
Je tiens à saluer, au nom de l’ensemble des sénateurs du groupe UMP, Mme la ministre, ainsi que la commission spéciale, son président Gérard Larcher, ses trois rapporteurs, Élisabeth Lamure, Philippe Marini et Laurent Béteille, pour le travail qu’ils ont accompli. Et je ne saurais terminer cette intervention sans rendre hommage au travail de nos services. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je tiens tout d’abord à adresser des remerciements aux présidents de séance, pour la bonne tenue des débats, à Mme la ministre et aux trois rapporteurs, qui ont pris le temps de nous communiquer des explications détaillées, et à l’ensemble des services du Sénat.
Sur la forme, je suis donc satisfait, même si j’aurais aimé que nous soit épargné, à la fin, le vote de quatre petits amendements de seconde délibération, par traîtrise ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur. C’est si peu !
M. Jean Desessard. Permettez-moi simplement de former le vœu que les amendements de ce genre soient dorénavant imprimés sur des feuilles non pas vertes, mais jaunes, par exemple ! (Rires.)
Cela mis à part, il faut en convenir, nous avons véritablement débattu.
Je m’interroge en revanche sur les conditions de l’élaboration de cette loi : pourquoi avoir déclaré l’urgence ? Pourquoi avoir mélangé tous ces thèmes très disparates ? Sans remettre en cause le travail de la commission spéciale et de son président, pourquoi avoir créé une telle commission ? Pourquoi n’avoir pas procédé par thèmes, dans un souci de cohérence ?
Cette loi râteau, vide-grenier est un véritable fourre-tout : on a y mis tout ce qu’il y avait à régler avant les vacances ! Et l’on y trouve non pas quelques cavaliers isolés, mais bien un régiment entier ! (Rires sur les travées du groupe CRC.) Où est la cohérence dans tout cela ?
La seule cohérence que je puisse trouver à ce texte, c’est cette agitation frénétique pour libéraliser, déverrouiller, déréglementer, supprimer les carcans, tout cela, selon vous, pour renforcer l’attractivité de notre pays, sans aucun souci des consommateurs, des salariés ou de l’environnement !
L’important, c’est de briser tous les obstacles empêchant les entreprises de gagner plus d’argent. Il faut que la France soit compétitive avec le reste du monde. Pourquoi garderions-nous tous ces carcans alors que les Chinois travaillent beaucoup plus ? Français, travaillez, travaillez toujours plus ! Et les patrons, enrichissez-vous ! Cette volonté de déréglementation totale manque de cohérence.
M. Robert del Picchia. Il faut savoir ce que vous voulez !
M. Jean Desessard. D’ailleurs, le Gouvernement a été « débordé » : le nombre d’articles de ce projet de loi a été multiplié par quatre à l’Assemblée nationale, et le Sénat en a encore ajouté. Chaque parlementaire y a été de son petit amendement. C’est bien la preuve du manque de cohérence de ce texte.
Les parlementaires de gauche sont bien évidemment mécontents, mais ceux de droite aussi ! L’article 33 quater, qui tend à prévoir une étude d’impact lorsqu’un service public est réorganisé, en est un exemple : les parlementaires de la majorité n’ont pas apprécié le démantèlement de l’appareil judiciaire, comme ils craignent la réforme de la carte militaire.
Cette loi s’inscrit dans la logique de ce gouvernement, qui tend à supprimer en France les règles de protection pour s’adapter à la concurrence internationale, sans se soucier des atouts que recèlent notre esprit de solidarité nationale et les services publics français. En voulant casser tout cela, vous prenez à mon avis de grands risques !
La question de l’adaptation à la mondialisation se pose bien évidemment, mais elle nécessite, nous l’avons déjà souligné, que soit établi un diagnostic sérieux. Monsieur del Picchia, vous avez raison, on entend une chose et son contraire : on nous dit que notre pays doit être attractif, mais on nous indique aussi que les étrangers investissent en France, ce qui sous-entend que l’attractivité existe déjà. Alors, où est l’analyse sérieuse ? Lorsque cela vous arrange, vous avancez un argument, et lorsque vous souhaitez répondre autrement, vous en utilisez un autre !
Ce projet de loi, qui veut moderniser l’économie, manque de vision : quid de la coopération internationale ?
Vous avez évoqué le problème de l’immigration, qui se pose bien évidemment à l’heure de la mondialisation. Mais comment empêcher la circulation des individus s’il y a une différence importante de niveaux de vie et de situations économiques entre différents pays ?
De même, comment concilier préservation des ressources et développement de l’économie ? De quelles garanties disposent les consommateurs, les salariés, les petits producteurs ? Quelle sera l’énergie de demain ?
Voilà toutes les questions qu’il fallait se poser pour parler de modernisation de l’économie. Mais vous ne les avez pas soulevées, étant seulement soucieux de casser les garanties des travailleurs et des consommateurs et de mettre à bas la protection de l’environnement, seuls moyens, selon vous, de rendre notre pays attractif.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles les sénatrices et les sénateurs Verts voteront contre ce projet de loi.