M. Jean-Louis Carrère. Je trouve votre discours un peu long ! (Manifestations d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Rassurez-vous, mon cher collègue, je ne vais pas tarder à aborder ma conclusion. Si vous avez des préconisations, je serai très heureux de les entendre tout à l’heure ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Charles Pasqua. Là, ce ne sera pas long !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La seconde conditionnalité portera donc sur les crédits aux ménages, aux entreprises, aux collectivités territoriales, afin de s’assurer que les banques ne « profitent » pas de cette procédure simplement pour renforcer leur trésorerie.
Un sénateur du groupe socialiste. C’est toute la question !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela signifie, mes chers collègues, et je conclurai sur ce point, que nous devons être extrêmement vigilants, même si l’examen de ce texte est nécessairement bref. De même, nous devrons suivre très attentivement le bon déroulement des procédures au cours des mois qui viennent ainsi que leur dénouement lorsque l’économie aura repris une allure de croisière.
Cela veut dire que Parlement, qui accorde la garantie, devra être dûment informé de ce que l’on en fait. Il ne s’agit pas seulement de comptes rendus. Il s’agit de bien comprendre, et Mme Lagarde s’y est engagée dans son intervention liminaire, comment sera établie la convention type qui servira de guide aux relations entre la caisse de refinancement et les établissements de crédit qui la solliciteront. C’est un premier élément.
J’observe en outre que les commissions des finances, leurs membres, leurs présidents, leurs rapporteurs généraux ont, du fait de la loi organique, toutes capacités de contrôle sur pièces et sur place, dès lors que les finances publiques sont directement ou indirectement impactées par un tel dispositif. Monsieur le secrétaire d’État, je vous l’annonce par avance : nous n’en abuserons pas, mais nous en userons certainement. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
Enfin, il peut paraître logique que, sous une modalité ou sous une autre, des représentants du Parlement puissent être parties prenantes dans un organe de surveillance ou en tant que censeurs dans un organe collégial d’administration de la caisse de refinancement. Car celle-ci, on l’a souligné, est destinée à avoir un capital mixte avec, d’un côté, les banques de la place qu’il faut motiver pour qu’elles fassent fonctionner le système et, de l’autre, disposant d’une minorité de blocage, l’État, éventuellement accompagné de la Caisse des dépôts et consignations.
Voici, mes chers collègues, les quelques observations que la commission des finances souhaitait formuler sur ce texte extrêmement important et novateur, que nous appelons à adopter dans la même version que l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après plusieurs semaines d’un incendie financier dévastateur pour l’équilibre mondial, le feu semble aujourd’hui contenu.
M. Jean-Louis Carrère. Ça, ce n’est pas sûr !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Le texte que nous examinons cet après-midi, traduction nationale des engagements pris en commun par l’Eurogroupe le week-end dernier, est l’outil enfin efficace pour ramener les marchés à une certaine raison. La détermination du Président Sarkozy a été payante et, chacun sur ces bancs doit s’en réjouir, le possible écroulement du système a été évité.
En revanche, aucun d’entre nous ne peut se satisfaire de ce que la catastrophe ait été si proche. Une réflexion sur l’organisation et le contrôle de l’industrie financière doit être engagée sans attendre, afin d’aboutir rapidement à des mesures concrètes, efficientes et applicables à tous les acteurs financiers internationaux.
De même, personne ne peut cacher que l’avenir à court terme reste sombre, incertain pour notre économie, fragile pour les échanges mondiaux, dangereux pour la croissance.
En effet, les diverses mesures de sauvegarde prises avant le week-end dernier, tant outre-Atlantique qu’en Europe, ont été inefficaces. En effet, les marchés ont tout simplement anticipé la contagion de la crise financière à l’économie réelle et n’ont pas considéré que les moyens mis en œuvre jusqu’alors étaient de nature à l’éviter.
Cette contagion, nous l’observons dès à présent : le crédit interbancaire qui se tarit, c’est le crédit aux entreprises, aux collectivités locales et aux particuliers qui s’assèche. C’est l’investissement qui s’interrompt, le marché de l’immobilier qui se retourne, la consommation qui ralentit, les carnets de commande qui ne se remplissent plus, les trésoreries qui fondent, l’activité qui stagne.
Les entreprises, et au premier rang les plus petites d’entre elles, ont commencé par réduire les heures supplémentaires et l’intérim ; aujourd’hui, elles ne recrutent plus, et le risque existe que, demain, elles licencient. Chacun de ces effets alimentant et aggravant les autres, le cycle économique est véritablement sous tension.
Voilà en quoi cette crise n’est pas que financière ; voilà pourquoi il ne s’agissait pas simplement d’un ajustement, comme en connaissent les marchés lorsque éclate une « bulle » déconnectée du reste de l’activité économique ; voilà pourquoi il était indispensable d’intervenir massivement afin de restaurer la confiance.
Pour autant, le feu couve encore. Aussi, au-delà du présent projet de loi de finances rectificative, je souhaite saluer les initiatives prises par le Gouvernement ces derniers jours. Dans le contexte nouveau créé par les décisions du week-end, elles sont de nature à éviter le pire.
Je pense tout d’abord au déblocage de 8 milliards d’euros des fonds disponibles du livret de développement durable à destination des PME, comme aux 9 milliards d’euros provenant du livret d’épargne populaire orientés vers les entreprises de taille intermédiaire, entreprises auxquelles vous avez, monsieur le président, porté une attention toute particulière lors de l’examen de la loi de modernisation de l’économie.
Je pense aussi aux financements supplémentaires de 5 milliards d’euros mobilisés par l’établissement public OSEO pour soutenir les entreprises, qu’elles soient PME ou grands donneurs d’ordres.
À cet égard, toutefois, permettez-moi de suggérer que l’élargissement des bénéficiaires du dispositif « Avance plus » ne porte pas préjudice aux collectivités locales auxquelles il était jusqu’ici destiné. En effet, nos collectivités pourraient, elles aussi, être durement touchées par les tensions actuelles sur le crédit, et il serait dramatique pour l’activité économique locale qu’elles reportent leurs investissements. Du reste, si les PME n’avaient plus de commandes publiques, cela annihilerait en partie les soutiens financiers que leur consent par ailleurs, directement ou indirectement, la puissance publique.
S’agissant toujours des collectivités, nous savons, car nos élus locaux nous en alertent régulièrement, que les banques imposent actuellement des conditions de financement extrêmement rudes qui accroissent le coût du crédit et engagent les collectivités qui empruntent sur des durées de plus en plus longues, notamment par le renchérissement des indemnités de remboursement anticipé.
Monsieur le secrétaire d’État, il est essentiel que les soutiens que l’État accordera aux banques à la faveur du plan autorisé par le présent projet de loi soient conditionnés par un retour à des pratiques normales, non pénalisantes pour les emprunteurs.
Cela est particulièrement vrai pour Dexia puisque l’État en est maintenant actionnaire : avoir sauvé la banque des collectivités locales n’a de sens et d’intérêt que si elle renonce à présenter des offres dégradées de crédit à ses clients principaux. Je crois pouvoir dire que le Sénat tout entier, du fait de son rôle, vous fait cette demande, car il se place résolument aux côtés des collectivités territoriales.
Je voudrais aussi rendre hommage aux partenaires sociaux, gestionnaires de l’UNEDIC, qui ont décidé vendredi dernier d’accorder aux PME confrontées à des difficultés de trésorerie un report d’un ou deux mois, selon leur taille, de l’appel de leurs cotisations d’assurance chômage.
C’est une décision courageuse du régime, même si, comme ses gestionnaires, je suis convaincu qu’il s’agit d’un calcul payant : mieux vaut financer un report de paiement que supporter une diminution nette des cotisations en raison de faillites plus nombreuses. Au demeurant, ces faillites pèseraient non seulement sur les recettes mais aussi sur les charges, puisqu’elles s’accompagneraient inévitablement de licenciements, et donc d’un accroissement du nombre de chômeurs à indemniser.
Il reste que la part des cotisations chômage dans les charges des entreprises est relativement minime et que la question se pose de savoir si l’État, à côté du vaste effort qu’il consent pour sauver le système bancaire, n’aurait pas aussi intérêt à favoriser un mécanisme de report similaire pour les autres cotisations sociales, voire de le décider lui-même pour la fiscalité des PME.
Il est vrai que la puissance publique intervient déjà de manière considérable pour rétablir un système économique privé chancelant, mais les circonstances exceptionnelles qui le conduisent à agir de la sorte peuvent justifier de parachever son effort par toute mesure de nature à réduire le nombre des faillites, frappant notamment des PME, qui ne vont pas manquer malheureusement de survenir dans les prochaines semaines.
À cet égard, la crise que nous subissons fait resurgir un débat que nous avons eu ici voilà quelques mois sur les délais de paiement. Vous vous souvenez certainement, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chacun s’accordait à reconnaître que la diminution substantielle du crédit interentreprise qui allait nécessairement résulter du passage du délai à soixante jours au maximum devait, pour être supportable, être accompagnée d’une augmentation à due proportion du crédit bancaire. Or, évidemment, l’accès des entreprises à ce crédit ne s’est pas ouvert davantage ces derniers mois ; il s’est même rétréci.
Dans ces conditions, je ne crois pas qu’il soit opportun de rouvrir le débat de principe : nos discussions en séance ont été longues et le Parlement a adopté un dispositif qui tend à ramener la France dans la moyenne de ses partenaires européens en la matière. Naturellement, nous espérons tous que les efforts louables du Gouvernement pour restaurer une certaine fluidité du crédit porteront leurs fruits. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je soutiens votre approche consistant à ne pas remettre aujourd’hui en cause la date de mise en œuvre de la réforme, soit le 1er janvier 2009.
Si, malgré le texte que nous adopterons tout à l’heure, malgré l’action de l’État, il s’avérait par exemple que, à la fin du mois de novembre, les conditions d’obtention des prêts bancaires restent relativement tendues et ne retrouvent pas le niveau qui était le leur au moment de l’adoption de la loi de modernisation de l’économie, ne serait-il pas sage, alors, d’envisager un report de la mesure ?
Les craintes exposées par le président Larcher, par notre rapporteur, Élisabeth Lamure, ainsi que par plusieurs de nos collègues lors du débat au Sénat sur l’équilibre de nombreuses filières importantes de notre économie pourraient se révéler fondées. Dans ce cas, qui aurait intérêt à fragiliser encore davantage des entreprises qui supportent, par leur activité, l’ensemble d’un secteur ?
Monsieur le secrétaire d’État, si l’accès « normal » au crédit n’était pas rétabli dans les six semaines qui viennent, le Gouvernement serait-il toujours opposé à un report de la mise en œuvre des nouveaux délais de paiement ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bonne suggestion !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Je regrette d’avoir à vous poser cette question, car elle témoigne de la gravité de la situation.
À l’instar de beaucoup de nos concitoyens, je suis en colère, car cette situation était évitable : nous n’aurions pas eu à la subir si le capitalisme mondial avait été encadré, comme c’est traditionnellement le cas en France, par des mécanismes de régulation fixés et contrôlés par la puissance publique. Notre système bancaire et financier est régulé et il a mieux résisté que les autres. En tant que président de la commission des affaires économiques, je suis bien placé pour savoir que notre système énergétique est régulé, de même que notre système de communications, et que notre système de transport ferroviaire va l’être prochainement.
M. Bernard Piras. Pour combien de temps ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. L’économie ne peut pas être soumise au diktat des idéologies : la faillite des systèmes socialistes l’a prouvé au xxe siècle (Applaudissements sur les travées de l’UMP)…
Plusieurs sénateurs socialistes. Et la faillite du libéralisme ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. …et je pense qu’aujourd’hui nous avons échappé de peu à une faillite causée par un libéralisme sauvage, obnubilé par l’appât du gain immédiat, se souciant comme d’une guigne de la croissance à long terme.
Aussi, le texte que nous examinons aujourd’hui ne saurait être une fin : au contraire, il n’a de sens que s’il est un point de départ, celui d’une réflexion devant conduire à une plus grande régulation mondiale du système économique et financier.
À cet égard, je ne peux que rendre hommage, monsieur le président, à l’initiative que vous avez évoquée dans votre discours d’hier, consistant à créer une commission mixte, associant l’Assemblée nationale et le Sénat, chargée de réfléchir à l’avenir du système financier ainsi qu’aux nouvelles régulations qui s’imposent. Je soutiens pleinement cette démarche, qui me semble essentielle, tout en vous assurant que la commission des affaires économiques participera activement, à la place qui est la sienne, à tous les efforts entrepris pour rendre à l’économie sa mission véritable : assurer une croissance durable pour le bénéfice de tous. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise exceptionnelle que nous connaissons est une véritable crise du capitalisme sauvage et débridé. Elle manifeste tout à la fois l’échec du mondialisme, la dissociation excessive du capital et du travail dont l’enjeu majeur demeure la prise de risque, la fin rapide et prévisible de la mondialisation béate.
À l’heure où nous débattons, nos concitoyens constatent qu’il ne reste que les États pour garantir leur sécurité économique et sociale, car seules les réponses nationales sont efficaces pour sortir de cette crise et rétablir au plus vite le crédit, la confiance et le pouvoir.
Devant la gravité de la situation, il était urgent de reprendre en main ce système. Je salue, à cet égard, la réactivité du Président de la République et du Gouvernement, qui ont proposé un plan de sauvetage de notre système bancaire, lequel a été fragilisé par ricochet à la suite de la crise américaine.
Monsieur le secrétaire d'État, après les mesures annoncées par le Président de la République, je me réjouis du retour du primat du politique sur l’économie, qui se traduit par la garantie par l’État des crédits interbancaires.
Il était urgent d’apporter, à travers ce projet de loi de finances rectificative, la garantie de l’État sur les dépôts, sans toutefois faire payer un tel plan par les seuls contribuables français.
À cet égard, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous poser deux questions.
Tout d’abord, quelle sera, concrètement, la forme de garantie prise par l’État dans le cadre de la caisse de garantie et de la caisse de prise de participation ? Qu’est-ce qui sera facturé et comment, afin de favoriser la reprise nécessaire de l’efficacité des liquidités interbancaires ?
En outre, quel sera l’impact concret, dans les prochains mois, sur le renchérissement du crédit pour les particuliers et les entreprises ?
En effet, un tel dispositif ne peut être viable que si les normes prudentielles deviennent indissociables de sanctions à l’encontre des financiers qui, par leur inconscience ou leur immoralité, se sont rendus responsables d’une telle catastrophe. Ces sanctions indispensables, mes chers collègues, nécessitent le vote en urgence d’une loi sur les parachutes dorés, qui ont provoqué la chute vertigineuse que nous connaissons et subissons malheureusement. Il est de notre devoir de parlementaires de veiller scrupuleusement à l’application des sanctions promises par le Président de la République contre les « prédateurs » responsables de cette crise financière catastrophique, et non se contenter benoîtement d’une petite charte éthique.
Monsieur le secrétaire d'État, alors que le pouvoir politique et souverain demande depuis des mois à Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, de baisser les taux, force est de constater avec regret qu’il ne le fait toujours qu’en catastrophe et sous la pression. Il est urgent de ne plus se laisser dicter ses choix par les banquiers de Bruxelles.
J’exhorte le Président de la République, actuellement président de l’Union européenne, à exiger de la BCE qu’elle baisse unilatéralement ses taux d’intérêts, car, à mes yeux, c’est une mesure essentielle, qui permettra aux banques de se refinancer et d’éviter un effondrement de l’économie nationale.
Cela dit, ne nous leurrons pas : la crise bancaire et financière vient sanctionner de plein fouet une économie virtuelle devenue folle. Il est temps de revenir raisonnablement à une économie du réel.
Afin de ralentir une propagation de la crise bancaire, financière et sociale dans notre pays, on pourrait imaginer un moratoire sur les prêts-relais qu’au moins 30 000 Français ne peuvent plus payer. En effet, si l’État en fait beaucoup pour les banquiers, il faut aussi en faire beaucoup pour les ouvriers.
Je souhaite que le Président de la République impose immédiatement à la Commission de Bruxelles un plan de relocalisation des entreprises avec l’instauration d’une protection européenne, seule mesure capable d’éviter la propagation de la crise financière à l’économie réelle et de stopper les délocalisations.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La TVA sociale, encore et toujours ! (Sourires.)
M. Philippe Darniche. Très concrètement, nous devons, par une loi de sauvegarde, empêcher les fonds souverains de venir racheter nos entreprises dans un contexte économique et financier très tendu.
En conclusion, j’exprimerai le vœu que l’on étudie les conséquences négatives de cette crise sur l’emploi et sur nos PME-PMI.
Il faut que la France profite de la brèche ouverte dans les critères de Bruxelles pour mettre en place un plan de relocalisation en faveur de l’industrie, de l’agriculture et de la pêche françaises.
Je souhaite, pour ma part, après le geste important accompli par le Gouvernement en faveur de l’avenir financier des PME-PMI, que des dispositions d’incitation soient mises en place dans les plus brefs délais pour faire bénéficier les jeunes entreprises, qui sont véritablement la clef de voûte de cette sortie de crise, des prêts de courte de durée garantis par l’État.
En effet, cette crise se répand comme une traînée de poudre, affectant l’activité professionnelle de la plupart de nos entrepreneurs. Se voir accorder un crédit par son banquier, devenu très frileux, est en train de devenir un rêve inaccessible pour la plupart d’entre eux. Cela est inacceptable, car les entrepreneurs sont, je le répète, la clef de voûte de la création d’emploi. Soutenons nos PME-PMI, étant donné l’ampleur de l’enjeu que représente la création d’emploi dans notre pays.
Monsieur le secrétaire d'État, ayant compris le plan que vous nous proposez, alors que l’heure est grave, je pense que le Président de la République et le Gouvernement ont eu la réactivité nécessaire. Par conséquent, en accord avec l’ensemble de mes collègues non inscrits, je voterai en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, mes chers collègues, les membres du groupe socialiste trouvent assez regrettable – les qualités de M. Hervé Novelli, secrétaire d’État, envers qui nous ne voulons pas être désobligeants, ne sont évidemment pas en cause – que M. le Premier ministre ne vienne pas au Sénat assister à un débat aussi important, comme le prouve le nombre de collègues présents dans l’hémicycle en cet instant.
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Il est à Bruxelles !
Mme Nicole Bricq. Bien sûr, nous savons bien que les fonctions ministérielles ont leurs exigences, mais Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi est partie et M. le ministre des comptes publics, qui est tout de même concerné, est absent…
Mme Nicole Bricq. Tant mieux ! Quoi qu’il en soit, ces absences cumulées sont tout de même fort regrettables s’agissant d’un débat aussi important ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Michel Baylet. Vous avez raison ! Et le respect pour le Parlement ?
M. le président. Ma chère collègue, je veux simplement préciser que M. le Premier ministre m’a informé qu’il assistait actuellement, avec le Président de la République, au Conseil européen, qui se tient aujourd’hui et demain.
J’ai souhaité que Mme Lagarde ouvre la discussion générale. M. Novelli est présent dans l’hémicycle et M. Woerth nous rejoindra dans une dizaine de minutes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Bricq. Je vous remercie de cette précision, monsieur le président.
Dimanche, le Président de la République, en présentant avec ses collègues de l’Eurogroupe le plan d’urgence, nous a appelés à « refonder le capitalisme ».
Mme Lagarde, lors de son exposé introductif, nous a indiqué que l’actuelle crise était une crise des excès, après avoir dit à l’Assemblée nationale qu’il fallait condamner et corriger les excès du système.
Mes chers collègues, pour les membres du groupe socialiste, c’est la logique même du système qui pose problème.
Je ne veux pas revenir sur le débat général que nous avons eu la semaine dernière et au cours duquel mon collègue François Marc a exposé la thématique générale des causes et des conséquences de cette crise, pas plus que sur les propos que j’ai tenus hier, au nom de mon groupe, lors de la réunion préalable au Conseil européen d’aujourd’hui et de demain. Mais vous êtes-vous interrogés sur le fait que des financiers ont conçu aux États-Unis un produit – les subprimes –, qui a engendré la crise initiale de l’immobilier ? Il s’agissait de permettre à des ménages de s’endetter alors qu’ils n’avaient pas la capacité de rembourser. On a ainsi « refilé » le risque – pardonnez-moi l’expression – au monde entier !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le mistigri !
Mme Nicole Bricq. Vous êtes-vous demandé pourquoi un produit de cette nature avait été créé ? Je vais vous donner une explication, qui doit nous conduire tous à nous poser quelques questions.
En vingt ans, le rapport entre la rémunération du capital et celle du travail n’a fait qu’évoluer au profit du premier et au détriment du second. Dans le même temps, par idéologie, on a fait croire à des pauvres gens qu’en s’endettant, ils s’enrichissaient et participaient à la croissance, et malheureusement ils l’ont cru !
Comment peut-on pallier de tels déséquilibres sans s’interroger sur la logique même du système et sur ce fameux rapport capital-travail ?
Aux États-Unis, la croissance, qui, comme vous le savez, a été réelle pendant quinze ans, a profité à 1 % des Américains, c’est-à-dire aux détenteurs des plus hauts revenus.
Il s’agit donc bien d’une crise du système et non de ses excès. On ne moralise pas le capitalisme. Vous savez très bien que, selon la formule du général de Gaulle, le capitalisme n’est ni moral, ni immoral, il est amoral. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Telle est notre conviction. C’est pourquoi notre appréciation est radicalement différente de celle du Président de la République et de Mme Lagarde.
Quoi qu’il en soit, le plan d’urgence a été adopté sur l’initiative du Premier ministre britannique travailliste et le Président de la République a su convaincre la Chancelière allemande d’y adhérer. Nous lui savons gré de l’action qu’il a déployée ces dernières semaines, sans ménager ses efforts, et loin de nous de le critiquer sur ce point.
Aujourd’hui, nous est soumise la première traduction législative concrète de ce plan.
Monsieur le rapporteur général, nous avons longuement débattu lors de la réunion de la commission des finances ce matin. Les questions qui restent pendantes sont évidemment celles qu’ont posées les membres du groupe socialiste sur ce projet de loi de finances rectificative, mais aussi celles qu’ont soulevées de nombreux collègues de la majorité.
En effet, ce que l’on nous demande aujourd'hui, c’est d’adopter au plus vite – M. le rapporteur général nous invite à un vote conforme – un plan d’urgence qui, par définition, a été préparé à toute vitesse. Et, faute de temps, il ne s'agit même pas de le ratifier comme nous le faisons des ordonnances puisque, celles-ci, le Parlement a toujours la possibilité de les encadrer – et nous ne privons pas de le faire ici, au Sénat.
Pour que notre débat soit utile, il doit donc orienter et encadrer l’action de l’exécutif, qui sera amené à agir vis-à-vis des établissements bancaires par le biais soit de la caisse de refinancement, soit de la société de prise de participation de l’État.
Pour ma part, monsieur le rapporteur général, je pense que les articles 1er à 5 du projet de loi méritent d’être évoquées dans cette discussion générale parce qu’ils ont trait au contexte financier dans lequel va s’inscrire le plan d’urgence. Et c’est pour cette raison que je regrette l’absence du ministre chargé des comptes publics.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il va arriver !
Mme Nicole Bricq. Ces articles, comme c’est toujours le cas dans une loi de finances rectificative, dressent l’état de nos finances publiques. Ils nous indiquent que, indépendamment même de la crise financière aiguë qui s’est révélée ces derniers jours, les recettes ont diminué de 5 milliards d'euros et la charge nette de la dette a bondi de 4 milliards d'euros. Autant dire qu’avant même l’exécution totale de ce budget nous nous trouvons déjà en grande difficulté financière.
Cette situation est le reflet du ralentissement économique : chers collègues de la majorité, comme nous ne cessons de vous le rappeler depuis un an et demi, l’économie réelle se trouve d'ores et déjà en difficulté, …
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ne nous avait pas échappé !