M. Michel Houel. Vous insistez, monsieur le président, sur le fait que ces créations se feront à dépense constante. Je vous crois, je crois en votre sincérité, monsieur le président, parce que j’ai confiance en vous. Mais la presse le verra-t-elle de la même façon ? Est-elle prête à nous faire confiance ? Je n’en suis pas sûr.

Je considère en outre que multiplier les vice-présidences revient en quelque sorte à dévaluer la fonction, alors que les vice-présidents du Sénat sont excellents et font déjà un travail formidable. Et, si l’on rapporte leur nombre à celui des élus siégeant dans chaque chambre, on constate qu’à l’Assemblée nationale il y a un vice-président pour 96 députés, alors qu’au Sénat il en faudrait un pour 43 sénateurs…

Je crains que tout cela ne donne l’impression d’être de la « cuisine d’officine ».

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Mes chers collègues, j’aurais envie de vous dire : sachons raison garder ! Ceux qui s’offusquent à l’idée qu’il y ait huit vice-présidents au lieu de six ne s’offusquent absolument pas devant les douze adjoints que comptent certaines assemblées municipales, les douze vice-présidents que l’on trouve dans certains conseils généraux, les douze ou quatorze vice-présidents qui officient dans certains conseils régionaux… Ces assemblées sont pourtant moins nombreuses que le Sénat !

Dès lors que M. le président a pris l’engagement – que nous saluons et dont nous prenons acte – que la dépense resterait constante, dispensons-nous de ces émotions de rosière effarouchée ! (Rires et applaudissements sur certaines travées du groupe UMP et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, je pense que, grâce à votre proposition de résolution, les groupes minoritaires pourront effectivement être mieux représentés, que ce soit par des vice-présidents ou par des secrétaires, puisque nous créons aussi deux postes de secrétaire.

Pour ce qui me concerne, j’adore ceux qui donnent en permanence des leçons de morale.

M. Michel Mercier. Surtout quand ils ont pris les postes !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ou qu’ils n’ont pas pu les obtenir ! (M. Alain Dufaut applaudit.)

M. Michel Mercier. Ce n’est pas pareil !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La réaction est la même !

Il ne faut pas exagérer les enjeux et, mes chers collègues, je suis désolé de devoir vous dire que vos propos ne contribuent pas à la défense de l’institution. Si vous n’êtes pas heureux comme sénateurs, faites autre chose ! (Protestations.)

M. Thierry Repentin. Dites-le à ceux qui ne sont pas là !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Moi aussi je suis présent autant que faire se peut, monsieur Repentin !

Démolir l’institution en permanence, ce n’est pas lui rendre service !

M. Philippe Dallier. C’est bien ce que je dis !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Dallier, M. le président a avancé des propositions – il en formulera probablement d’autres – pour mettre un terme à certaines pratiques qui ont eu cours dans notre assemblée. Aujourd’hui, ce n’est pas le sujet.

Pour l’instant, il s’agit d’assurer une meilleure répartition des postes de responsabilité entre les groupes, dans un cadre global, comme nos collègues du RDSE l’ont souhaité.

Je voudrais enfin attirer votre attention sur un point : l’Assemblée nationale n’a que six vice-présidents, mais elle compte aussi beaucoup moins de groupes ! C’est notre différence avec l’Assemblée nationale, c’est aussi notre richesse.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne nous privons pas de cette richesse et, au contraire, laissons-la s’exprimer – dans le cadre, bien sûr, qu’a défini le président du Sénat, c’est-à-dire sans augmentation des dépenses. Cet aspect me paraît important, et chacun peut faire des efforts : si les vice-présidents sont plus nombreux, chacun aura moins de travail, et moins d’indemnités complémentaires seront nécessaires !

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, quelle que soit l’estime que j’éprouve pour mes collègues qui viennent d’intervenir – et Philippe Dallier sait très bien que nous sommes très souvent en harmonie sur bien d’autres sujets –, je regrette la tournure que prend ce débat.

Venons-en au fond. D’abord, chaque assemblée s’organise comme elle l’entend !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Michel Charasse. Si tel n’était pas le cas, la Constitution l’aurait spécifié.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Exactement !

M. Michel Charasse. Les députés ont fixé, depuis fort longtemps d’ailleurs, le nombre de vice-présidents, de questeurs et de secrétaires qui leur convenait.

M. Guy Fischer. Ils vont modifier leur règlement pour passer à huit !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Huit commissions !

M. Michel Charasse. Si aujourd’hui nous faisons un choix différent, c’est parce que nous sommes libres de décider ce qui nous convient et nous ne sommes pas à la remorque ni aux ordres de l’Assemblée nationale.

Au demeurant, lorsque, au moment de la révision constitutionnelle, il est apparu que les Français de l’étranger seraient désormais représentés à l’Assemblée nationale par huit ou dix députés sur 577, alors qu’ils bénéficient de douze sénateurs sur 341, j’aurais aimé entendre s’élever la voix de certains collègues qui regrettent aujourd’hui les discordances susceptibles d’exister entre le bureau de l’Assemblée nationale et celui du Sénat.

M. Christian Cointat. Très bien !

M. Michel Charasse. Cette discordance, mon cher collègue et ami, aurait justifié d’autres protestations que celles que nous entendons aujourd’hui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui ! M. Dallier ne s’en était pas aperçu !

M. Michel Charasse. J’en ai assez que l’on passe son temps à vanter les prétendues vertus de l’Assemblée nationale et que l’on reproche au Sénat ses non moins prétendues turpitudes. Il est souvent question de transparence ; mais nous avons publié nos comptes bien avant l’Assemblée nationale ! Nous n’avons jamais rien eu à cacher ! Bien sûr, si les journalistes sont trop flemmards pour aller au service de la distribution retirer les rapports que le Sénat publie sur son budget et ses comptes, nous ne pouvons pas le faire à leur place ! Nous n’allons pas créer des emplois de fonctionnaires spécialement chargés de prendre les journalistes par la main pour les emmener à la distribution pour prendre les documents comptables, pour faire l’effort de les lire et d’essayer de les comprendre, mais là c’est peut-être beaucoup espérer et demander.

J’ajoute, monsieur le président, puisque nous en sommes aux comparaisons, que je n’arrive pas à comprendre pourquoi le budget de l’Assemblée nationale prévoit une augmentation de près de 4 % en 2009 alors que celui du Sénat se contentera de 1,3 % avant que vous ne rameniez la progression à zéro au moment de la discussion budgétaire, niveau suffisant pour assurer des moyens nécessaires à notre mission.

J’ai fait un rapide calcul pendant notre bref débat : les dépenses supplémentaires résultant de cette réforme du règlement qui ont été évoquées par certains sont vraiment « à la marge », puisqu’elles représenteront à peine 1 ‰ du budget du Sénat ! Un redéploiement très modeste, mes chers collègues, permettra donc très facilement de régler la question sans tomber dans la démagogie ni ameuter à tort un pays qui souffre assez comme cela !

Depuis plusieurs années, le taux d’augmentation des dépenses du Sénat a montré la modération dont cette assemblée fait preuve, ce qui n’a pas toujours été le cas de l’autre chambre.

Enfin, et ce sera mon dernier point, quoi qu’on en pense, il y a au Sénat une majorité et une opposition. La majorité a élu un président qui est aujourd’hui celui du Sénat tout entier. Je ne peux pas imaginer un seul instant que le président ait pris une telle initiative sans qu’elle ait fait l’objet d’une concertation préalable au moins avec ses amis de la majorité !

M. Michel Charasse. Le Sénat vivrait sans doute très mal le fait que son président nouvellement élu et installé subisse dès aujourd’hui un camouflet de la part de sa propre majorité sur une question somme toute assez accessoire ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de résolution n° 3.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 29 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 223
Majorité absolue des suffrages exprimés 112
Pour l’adoption 219
Contre 4

Le Sénat a adopté.

En application de l’article 61, premier alinéa, de la Constitution, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera soumise avant sa mise en application au Conseil constitutionnel.

Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous remercie d’avoir examiné ce texte, et je pense que vous ne serez pas déçus des propositions que je compte vous soumettre dans les prochaines semaines. (Très bien ! et applaudissements.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux en attendant Mme la ministre.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de résolution tendant à modifier l'article 3 du Règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme dans l'organe dirigeant du Sénat
 

4

Crise du logement et développement du crédit hypothécaire

Discussion d’une question orale avec débat

(Ordre du jour réservé)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 21 de M. Thierry Repentin à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la crise du logement et le développement du crédit hypothécaire.

Cette question est ainsi libellée :

« M. Thierry Repentin attire l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la crise financière à laquelle est confronté notre pays depuis plusieurs jours, qui viendra immanquablement aggraver la crise du logement qui frappe la France. Après des années d’exubérance sans rapport avec la capacité des ménages à suivre les prix, l’immobilier donne des signes de faiblesse.

« Le Gouvernement a annoncé une série de mesures censées soutenir le secteur de la construction : augmentation des plafonds d’accès au prêt à l’accession sociale, subvention à l’achat de 30 000 logements de promoteurs privés qui ne trouvent pas preneurs... Un projet de loi sans rapport avec la gravité de la situation va être discuté au Sénat, et le sera bientôt à l’Assemblée nationale.

« Il souhaite connaître comment le Gouvernement compte résoudre le déficit de construction de logements à prix abordable pour tous les Français, alors que le projet de loi de finances pour 2009 présente une baisse de 30 % des crédits consacrés par l’État à la construction de logements sociaux, que les collectivités locales sont à la peine et que le secteur de la construction annonce déjà une baisse sensible d’activité et donc du niveau d’emploi.

« Au lendemain de la publication par le Conseil d’analyse économique d’un rapport sur le logement des classes moyennes, qui préconise de développer le crédit hypothécaire en France, il souhaite savoir si le Gouvernement souhaite reprendre à son compte cette proposition, alors même que la tempête qui dévaste les places financières depuis plusieurs semaines est née du marché des subprimes, ces crédits hypothécaires risqués accordés sans retenue par les banques américaines. Il souhaite rappeler que cette proposition avait d’ailleurs déjà été avancée pendant la campagne présidentielle par le chef de l’État. »

La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question.

M. Thierry Repentin. Le groupe socialiste, madame la ministre – je suis sûr que vous vous en réjouirez – a choisi de consacrer une séance de l’ordre du jour réservé, non pas pour débattre d’une proposition de loi qu’il aurait pu faire inscrire à l’ordre du jour, mais pour interpeller le Gouvernement sur les difficultés des classes moyennes pour se loger dans notre pays, montrant ainsi l’intérêt qu’il porte à ces questions.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. C’est une idée fixe !

M. Thierry Repentin. C’est une idée fixe, en effet, madame la ministre, compte tenu de la situation et des difficultés rencontrées par un certain nombre de nos concitoyens pour se loger.

Un seul chiffre contribue à situer le débat que nous souhaitons aborder ici avec vous : 10 000. C’est le nombre de familles qui ont été expulsées de leur logement en 2006 pour cause de surendettement. Cette situation s’explique entre autres par le fait qu’aujourd’hui un ménage désirant accéder à la propriété doit faire face à des prix qui ont augmenté de 140 % par rapport à ce qu’ils étaient il y a dix ans.

Mme Christine Boutin, ministre. La faute à qui ?

M. Thierry Repentin. Conséquence : l’endettement des ménages a lui-même explosé. La durée des prêts s’allonge : un tiers des jeunes ménages qui accèdent à la propriété souscrivent un crédit sur trente ans. C’est le cas de 16 % du total des emprunteurs.

C’est au cœur de cette crise des prix du logement que nous sommes aujourd’hui frappés de plein fouet par la crise financière.

Que les choses soient claires : les désordres financiers ne sont pas à l’origine du manque de logements en France.

Mme Christine Boutin, ministre. Non, c’est sûr !

M. Thierry Repentin. Mais le déficit de logements – qui atteint aujourd’hui 900 000 unités – est rendu plus critique par les désordres financiers. Une fois le robinet du crédit stoppé net, il ne reste plus ni investisseurs ni particuliers pour réaliser, construire et acheter des logements.

Ainsi, il est évident que la récession a et aura de lourdes conséquences sur la politique du logement que nous nous devons de mener avec le plus grand volontarisme. La crise contribue, en effet, à assécher les liquidités des banques et donc à restreindre les prêts à l’accession. En conséquence, les ménages composant les classes moyennes, soit ne peuvent plus prétendre à l’accession à la propriété, même « aidée », soit doivent faire face à un taux d’effort au-delà du supportable.

Quant aux catégories populaires, il y a déjà quatre à cinq ans que le marché les a exclues de l’accession à la propriété à coup de prix prohibitifs, n’en déplaise à la pensée magique régulièrement répétée par la majorité.

La crise immobilière et financière a aussi des répercussions sur le secteur du bâtiment, les mises en chantier commençant à connaître un fort ralentissement.

Examinons les ressorts de la mécanique qui nous a conduits à la situation actuelle.

Elle trouve son « principe actif », son accélérateur, dans ce que Bernard Vorms, directeur général de l’Agence nationale pour l’information sur le logement, l’ANIL, a appelé le « paradoxe de la baisse des taux ».

Avec le maintien de taux d’intérêt bas, la part des ménages susceptibles de devenir propriétaires s’est certes trouvée élargie, mais les pourvoyeurs de crédits se sont appuyés sur cet « effet d’optique » des taux bas pour endetter plus longtemps les souscripteurs et souvent pour des montants plus élevés, flirtant sans scrupule avec la ligne des 33 % d’endettement.

Il en est résulté une augmentation continue de l’effort global des ménages depuis une dizaine d’années dans tous les pays développés. Ainsi, la très forte progression récente du coût de l’accession résulte principalement de l’effet inflationniste de la baisse des crédits à l’habitat. Dans un premier temps, cette baisse a amélioré la solvabilité des accédants, accru la demande, induit un ajustement de l’offre, mais, sur le long terme, elle a provoqué la hausse des prix.

Résultat : une augmentation considérable et inégalée du poids des dépenses de logement dans le budget des ménages.

À l’appui de mon propos, j’évoquerai deux indicateurs.

Premièrement, entre 2001 et 2006 – soit une période très courte, vous en conviendrez –, le coût moyen des opérations immobilières financées par emprunt est passé, pour un ménage accédant, de 2,6 années de revenu à près de quatre années.

Deuxièmement, la durée moyenne des crédits s’allonge : 57 % des prêts sont contractés pour une durée de vingt à trente ans, alors que, en 2003, 60,4 % des prêts étaient contractés pour une durée inférieure à vingt ans.

Voilà pourquoi les classes moyennes sont maintenant, elles aussi, touchées par cette crise. De fait, elles n’ont pas accès au logement social et elles ne sont ni assez aisées pour pouvoir prétendre à l’accession au regard de l’explosion des prix de l’immobilier, ni assez fragiles pour être concernées par les aides personnelles au logement ou à l’accession. Quant à celles qui ont accédé à la propriété quand le marché était « au plus haut », parce qu’on leur a laissé croire que c’était toujours « le moment d’acheter », elles se retrouvent aujourd’hui contraintes de revendre à un prix sensiblement plus bas.

Face à cette situation, quelle est la responsabilité de l’État ?

Non seulement, vous n’avez pas su prévoir ce déséquilibre du marché immobilier, annoncé pourtant depuis plusieurs mois par nombre d’économistes et de spécialistes de la question, mais en outre le Gouvernement a décidé qu’en 2009 pas un seul euro supplémentaire ne serait engagé par l’État dans la mission « Ville et logement ».

Pire, vous prenez l’initiative de ponctionner le budget de nos partenaires du monde HLM et menacez la pérennité du 1 % logement collecté sur la masse salariale des entreprises pour compenser les économies que vous souhaitez réaliser dans le budget de l’État.

Les crédits de paiement vont connaître une diminution très sensible de 6,9 %, diminution qui va se poursuivre, comme annoncé, dans les années à venir. Or ce choix est difficilement compréhensible à l’heure où la commission Attali estime que, d’ici à 2020, les besoins en termes de construction s’élèveront à 500 000 logements par an. La ligne budgétaire relative aux aides à la pierre – celle qui est significative pour construire et rénover – sera amputée de 30 %, rien que pour l’année prochaine.

Les arbitrages budgétaires de Bercy nous paraissent d’autant plus inquiétants que la mise en œuvre du plan de cohésion sociale et du programme national de rénovation urbaine va nécessiter un effort et un soutien tout particulier. Où est passé l’euro que l’État devait mettre sur la table pour chaque euro dépensé en faveur de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine ? Où est passé l’investissement massif nécessaire pour permettre la construction de logements économiquement abordables, que ce soit au sein du parc public ou du parc privé ? Aujourd’hui, qui garantit durablement à l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, un niveau de financement lui permettant de poursuivre ses missions, alors que sa ressource est extrabudgétaire ?

Par ailleurs, vous affichez, madame la ministre, une volonté de quasi-liquidation du plan de cohésion sociale, avec un budget en baisse pour les aides au locatif social : 350 millions d’euros en 2009, contre 362 millions d’euros il y a cinq ans.

Vous avez également refusé de prolonger, au-delà de 2009, l’exonération durant vingt-cinq ans de la TFPB, la taxe foncière sur les propriétés bâties. Le plan de cohésion sociale est donc bel et bien remis en cause !

Lorsque le Président de la République avait annoncé qu’il allait faire du logement son chantier prioritaire, aurions-nous dû comprendre qu’il comptait soumettre les politiques publiques du logement aux seules exigences de la RGPP, la révision générale des politiques publiques ? Quelles que soient les circonstances, il semble accorder, coûte que coûte, la primauté au monde de la comptabilité sur celui du logement de nos concitoyens. D’ailleurs, la RGPP ne fait aucune référence à l’efficacité de la dépense publique ; seule compte la réduction, à court terme, des dépenses de l’État. Qu’importe même si cette réduction entraîne des dépenses supérieures dans un autre domaine ou à très brève échéance, dans un ou deux ans !

C’est curieux comme cette myopie rappelle celle des marchés financiers et de leurs produits à terme, que le Président de la République est pourtant le premier désormais à mettre sur le banc des accusés !

Si, au nom du groupe socialiste du Sénat, je vous interroge sur la crise du logement, madame la ministre, c’est parce que la véritable cause de la crise immobilière réside dans l’absence de relance efficace de la construction, notamment dans le parc social.

Au lieu de cette relance, vous avez encouragé les dispositifs d’aide à l’investissement locatif de manière déraisonnable, sans aucune contrepartie sociale à l’engagement financier de l’État. Cette décision est tellement déraisonnable que ces dispositifs ont permis la construction de logements inadaptés au marché local en dehors des zones non tendues. Ne correspondant à aucune demande, certains n’ont pas trouvé preneur, tandis que d’autres ont fini par trouver des preneurs qui n’avaient pas d’autre choix, même si le logement en question ne leur convenait pas en raison de son poids sur leur budget familial.

Quant au Pass-foncier, il procède de la même logique : il conduit à l’endettement des ménages sur des durées si longues que le moindre accident de la vie risque de les entraîner dans une descente aux enfers.

La situation est paradoxale. D’un côté, l’État investit plus de 30 000 euros dans un logement privé, vendu comme produit fiscal, construit en dehors de toute considération des besoins, et loué au-dessus des prix du marché, et, de l’autre, il consacre à peine 20 000 euros pour construire un logement à un prix abordable, correspondant au pouvoir d’achat des foyers populaires, dans une zone où c’est nécessaire !

Dans le même temps, l’État, mauvais payeur, reste le premier créancier des organismes d’HLM, dont il est pourtant si prompt à critiquer la gestion.

À ce budget en baisse s’ajoute une série de mesures annoncées par le Gouvernement dont on peine à comprendre l’objectif, si ce n’est celui d’envahir la presse d’effets d’annonce pour tenter de rassurer l’opinion. La subvention annoncée par Nicolas Sarkozy pour l’achat de 30 000 logements à des promoteurs privés qui ne trouveraient pas aujourd'hui preneur est un exemple parmi d’autres.

D’abord, cette mesure ne doit pas être une aide directe à des promoteurs privés, dont la modération, la sobriété et la recherche d’une réponse pertinente aux besoins n’ont pas toujours été, au cours de ces dernières années, les qualités premières.

Ensuite, cette mesure est une nouvelle occasion, tout comme le soutien aux PME grâce au livret A, de peser sur le budget de nos partenaires, sans pour autant accroître l’effort de la nation en faveur du logement. Soyons clairs : débudgétiser est non seulement une économie pour l’État, mais aussi une manière de réduire radicalement les crédits consacrés au logement. La part du gâteau se réduit !

Je souhaite vous poser plusieurs questions, madame la ministre.

Premièrement, comment comptez-vous – enfin – réagir pour combler le déficit constaté en matière de construction de logements à loyer abordable en France ?

Deuxièmement, qu’allez-vous faire pour les classes moyennes qui ont acheté leur logement au prix fort et se retrouvent aujourd’hui soit avec un taux d’effort ingérable, soit avec un prix de revente sensiblement plus bas, soit étranglées par un prêt-relais désormais insolvable ?

Troisièmement, allez-vous réellement, comme le préconise une publication récente du Conseil d’analyse économique portant sur le logement des classes moyennes, généraliser les emprunts hypothécaires pour financer l’économie ?

Vous ne pouvez pas réellement croire que de telles mesures seront favorables aux 712 000 ménages – ce sont les chiffres de la Banque de France ! – qui se trouvent aujourd’hui en situation de surendettement. Et je ne parle pas des milliers de ménages qui se sacrifient chaque jour pour faire face à leurs échéances. Le développement de ce type de crédit au profit des particuliers présente de graves dangers et produit des effets pervers sur le surendettement des ménages.

Notre inquiétude est d’autant plus légitime que le Président de la République n’a cessé de chanter haut et fort les louanges de ce dispositif.

Ainsi, il expliquait en 2006, dans une interview accordée au journal Les Echos, sa nouvelle stratégie économique en ces termes: « Je veux développer le crédit hypothécaire en France. C’est ce qui a permis de soutenir la croissance aux États-Unis. » (M. Alain Fauconnier se félicite de ce rappel.) Cette proposition se trouvait aussi dans son programme pour l’élection présidentielle : « Les ménages français sont aujourd’hui les moins endettés d’Europe. Or, une économie qui ne s’endette pas suffisamment, c’est une économie qui ne croit pas en l’avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain. C’est pour cette raison que je souhaite développer le crédit hypothécaire pour les ménages. » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

C’est vrai, nous ne le contestons pas, le crédit hypothécaire a dopé la croissance américaine.

M. Thierry Repentin. J’utilise ce terme à dessein : il s’agissait bien de dopage. Et, comme tous les produits dopants, celui-ci a entraîné des performances artificielles et s’est révélé dangereux pour la santé ! En effet, après avoir vécu au-dessus de ses moyens, l’économie américaine a sombré dans l’overdose et est au bord de l’implosion.

Les références, répétitives, au crédit hypothécaire sont donc particulièrement préoccupantes. Je rappelle que l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan, observe que les États-Unis sont sans doute entrés dans « la crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale ». Ils ont d’ailleurs dû, il y a quelques semaines, nationaliser – excusez du peu ! – les deux géants du crédit hypothécaire : Freddie Mac et Fannie Mae. En effet, la tempête qui dévaste les places financières depuis plusieurs semaines est née du marché des subprimes, qui sont des crédits hypothécaires gagés sur l’estimation du bien !

Dans ce contexte, il nous paraît inacceptable de proposer aux familles de recourir à ces crédits hypothécaires risqués, dont on a vu les conséquences dans le monde anglo-saxon. La seule croissance qui est ainsi créée est une croissance des risques et de la spéculation, et non une croissance de la richesse.

Au contraire, il est indispensable d’encadrer les systèmes de prêts et de faire preuve de pédagogie pour éviter que des ménages bénéficiaires de plusieurs prêts immobiliers ou à la consommation ne se retrouvent dans des situations inextricables dont ils ne verraient pas comment sortir.

Je citerai un exemple particulièrement emblématique des conséquences de la crise financière. Les ménages soumis aux prêts-relais se retrouvent aujourd'hui étranglés entre leur promesse d’achat et l’impossibilité de trouver un acheteur pour leur propre bien : soit que l’acheteur n’obtient pas lui-même son crédit, soit qu’aucun acheteur ne fait de proposition au prix envisagé dans le plan de financement. D’autres solutions que les prêts hypothécaires paraissent donc plus adaptées.

J’en viens à ma quatrième question.

Pourquoi ne pas encourager le recentrage du prêt à taux zéro en augmentant son montant moyen – il est aujourd’hui de 15 000 euros – pour améliorer son efficacité sociale et faire en sorte qu’il devienne une aide déterminante dans l’acte d’achat ? Le rapport du Conseil d’analyse économique que j’ai cité tout à l'heure montre bien que le prêt à taux zéro a un effet déclencheur sur l’accession à la propriété et qu’il touche les ménages aux revenus moyens. Au regard de ces considérations et des dispositions contenues dans le projet de loi de finances pour 2009, je souhaiterais savoir quel avenir vous lui réservez, madame la ministre.

En effet, dans l’état actuel des textes qui nous sont soumis, le prêt à taux zéro ne sera plus financé en 2010. Son financement par crédit d’impôt sur l’impôt sur les sociétés, par exemple, qui avait été inventé à l’époque par M. Daubresse pour le débudgétiser, n’est prévu que jusqu’en 2009. À moins que vous ne comptiez le rebudgétiser, n’est-ce pas le signe que vous allez laisser disparaître ce dispositif ?

Cinquièmement, comptez-vous favoriser la disparition de l’épargne logement ? Pourtant, relancer le produit d’épargne logement constituerait un signal d’encouragement fort envers les primo-accédants ? En effet, il comporte, à nos yeux, plusieurs avantages indéniables.

L’effort consenti pour épargner constitue un apprentissage très précieux pour la phase d’accession à la propriété. L’épargne accumulée contribue à constituer l’apport personnel, même si le droit à prêt n’est finalement pas utilisé. Elle participe à la fois à la sécurité de l’accédant et à celle du prêteur. Enfin, sa contractualisation et sa contribution à une bonne partie des prêts à l’habitat contribuent à la sécurisation du système financier français. Les banques sont ainsi amenées à intégrer dans leurs bilans une forte proportion des risques et des ressources correspondantes. Cela permet de se protéger de situations comparables à celle des États-Unis, conséquence d’un trop grand recours à la titrisation.

Telles sont, madame la ministre, les quelques questions et propositions que le groupe socialiste voulait soumettre à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Le débat que nous souhaitons avoir ici, vous l’aurez compris, ne consiste pas à être pour ou contre l’accession à la propriété. Nous voulons simplement prévenir les dangers liés à un discours qui viserait l’accession à tout prix.

Il s’agit d’élaborer une vision raisonnée, dont l’objectif premier est de protéger tant les ménages que les collectivités d’un endettement démesuré et insoutenable. Qui plus est, comme l’indiquait l’ANIL, l’Agence nationale pour l’information sur le logement, en conclusion d’une note consacrée au récent rapport d’information présenté par Frédéric Lefebvre, un député qui vous est proche, madame la ministre, sur les emprunts immobiliers à taux variable, « ce n’est pas un excès de réglementation, ni même la fin de toute imagination commerciale que de faire en sorte que des prêts qui engagent des emprunteurs “profanes” pour plus de vingt ans ne puissent être vendus comme des téléphones portables ».

On ne peut que souscrire à cette once de sagesse dans un débat trop souvent obscurci par des arguties techniques.

Il est temps d’envoyer un signe clair à nos concitoyens. À l’heure où la majorité parlementaire fustige les aides personnelles au logement, où le crédit d’impôt prévu par la loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, va coûter 4,5 milliards d’euros en régime de croisière, alors qu’il n’est pas pris en compte par les banques pour apprécier la solvabilité des acquéreurs, il y a peut-être mieux à faire, en termes d’utilité de la dépense publique, que d’aider sans discernement les accédants les plus aisés à acheter un logement existant. Plus que jamais, il faut encourager la production de logements « abordables » destinés à une majorité de nos concitoyens.

Au moment où la crise atteint les classes moyennes et enfonce un peu plus les familles endettées, il ne saurait être concevable, selon nous, de généraliser les prêts hypothécaires.

Notre interpellation est donc double. Elle concerne à la fois les outils que vous comptez mettre en place et les moyens financiers que vous comptez engager au service de la politique du logement – je devrais dire les moyens que le Gouvernement vous permettra d’engager.

Par ailleurs, quelle suite entendez-vous réserver, madame la ministre, à la proposition dangereuse consistant à généraliser les prêts hypothécaires ?

Tel est l’objet de la question orale que le groupe socialiste a présentée durant les vingt minutes de temps de parole qui lui étaient accordées aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)