M. René Teulade. …voire, hélas, à annuler ou à redéployer des actions telles que l’accompagnement des soins palliatifs. Nous pensions pourtant tous qu’il s’agissait d’une priorité nationale. Dans le contexte actuel, cette situation est malsaine.
Je pourrais encore évoquer les baisses de moyens dégagés dans le cadre de la prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins.
Ainsi, pour le VIH-sida, ces moyens diminuent de 20 % : ils s’élèvent à 37,75 millions d’euros contre 47,32 millions d’euros en 2008.
M. René Teulade. Pour les hépatites B et C, la baisse atteint 30 % alors qu’un nouveau plan national est annoncé.
M. René Teulade. Que comprendre ?
M. René Teulade. Pour la tuberculose, cette baisse est de 7,5 % et pour la politique vaccinale de 4 %. Des constats identiques peuvent encore être tirés au sujet des maladies sexuellement transmissibles.
Je connais les contraintes du budget de l’État. Je sais aussi les difficultés à réorganiser rapidement l’action publique dans un domaine aussi compliqué que la santé. Nous essayons depuis toujours de concilier deux démarches : un système qui repose sur des prescriptions libérales et relève, d’une certaine façon, de notre culture au travers d’une liberté de choix ainsi que d’une liberté de prescription, et des prestations socialisées. Ces démarches, nous le savons bien, sont économiquement incompatibles. Il faut donc trouver un équilibre.
Aussi je voudrais affirmer ici que notre État – je dirais même notre pays – ne peut plus concevoir une politique de santé par l’amoncellement des dispositions et le saupoudrage généralisé, sans colonne vertébrale, des priorités.
La révision générale des politiques publiques dont vous avez la charge n’est pas condamnable en soi, à condition que la cohérence et la juste dépense soient au rendez-vous. Est-ce le cas quand, en dépit des annonces, un statu quo est maintenu sur les agences sanitaires ?
Enfin, permettez-moi d’évoquer la question de la CMU. Lors de la discussion du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale, nous avions fait part de nos inquiétudes concernant l’accès aux soins.
Le plafond de la CMU complémentaire aurait dû être réévalué, et l’acquisition d’une complémentaire santé accompagnée de façon plus importante que par la seule aide de cent euros destinée au chèque santé des plus de soixante-cinq ans.
M. René Teulade. Je me dois aussi d’insister sur le fait qu’encore 3 millions à 4 millions de nos compatriotes ne bénéficient pas de couverture complémentaire de santé. L’État se voit donc obligé de saupoudrer des actions de rattrapage qui n’auraient plus lieu d’être si un travail d’organisation globale était mené.
Les difficultés d’accès aux soins n’ont pas disparu, bien au contraire. C’est moins une question d’argent qu’une question d’organisation et de discipline des comportements des acteurs concernés. Il serait temps de la régler, car elle est indigne d’un pays riche comme le nôtre.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, le groupe socialiste ne votera pas votre budget qui manque d’ambition pour donner aux Français les moyens de lutter ensemble contre l’inégalité la plus intolérable de toutes, l’inégalité devant la souffrance et la maladie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en préambule à cette intervention centrée sur le secteur de la santé mentale, je voudrais rappeler que la prévalence globale des troubles dépressifs auxquels sont confrontés nos concitoyens est estimée à 12 % sur la vie entière. Autrement dit, sept millions de Français ont été ou sont concernés par cette pathologie.
L’analyse des données épidémiologiques confirme l’existence d’âges plus sensibles : les plus jeunes, âgés de 18 à 25 ans, et les plus âgés, les octogénaires. Précisons encore que, selon différentes études, 5 à 15 % de la population française serait touchée par un épisode dépressif au cours de l’année.
Signalons enfin, pour confirmer l’attention qu’il convient de réserver à la santé mentale, l’importance de la consommation des antidépresseurs par nos concitoyens. Cela mérite d’être rappelé.
Dans le cadre de la discussion du budget de la mission « Santé », je dispose de quelques minutes pour appeler votre attention, madame la ministre, et celle de nos collègues sur un sujet particulièrement attristant.
Un grand journal du soir l’a évoqué voilà quelques jours. Dans un article intitulé : « Les soins psychiatriques se dégradent en France », est exposée une situation particulièrement ressentie par celles et ceux qui ont pour mission de s’occuper de la maladie mentale. Mais le drame de cette situation quitte rapidement le champ hospitalier pour gagner la rue peuplée, aujourd’hui, de celles et ceux que l’hôpital a chassés et que la prison risque d’accueillir bientôt.
Madame la ministre, pour comprendre cette situation, il importe de se souvenir comment on en est arrivé là. En vingt ans, 50 000 lits d’hospitalisation ont été fermés, sans qu’aucune structure alternative de prise en charge n’ait été ouverte, comme Cécile Prieur l’écrit dans Le Monde.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Ce n’est pas vrai !
M. André Vantomme. Avec pertinence, cette journaliste évoque dans son article la situation créée au début des années 1980 par l’administration Reagan, qui, en réduisant de manière drastique les moyens consacrés à la psychiatrie, avait jeté à la rue un grand nombre de malades. Privés de soins et rapidement marginalisés, ils avaient vite fait d’enfreindre les codes sociaux et de rejoindre l’univers carcéral.
Aujourd’hui, dans notre pays, la politique menée depuis trop longtemps…
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Vingt ans !
M. André Vantomme. … nous conduit à un processus identique.
Que constatons-nous ? Les fermetures de lits sont nombreuses ; la démographie hospitalière publique décline ; les budgets hospitaliers sont de plus en plus contraints ; le diplôme d’infirmier psychiatrique est supprimé au bénéfice du diplôme d’état d’infirmier,…
M. André Vantomme. … sans oublier, plus récemment, des mesures financières non compensées comme le protocole Bertrand Jacob.
Cette situation n’est pas bonne. Elle est critiquée par celles et ceux qui œuvrent dans nos hôpitaux psychiatriques. Les médecins l’ont dénoncée. Les infirmiers comme les aides-soignants se sont exprimés. Les directeurs et l’encadrement ont établi des rapports alarmants. Les associations représentant les parents et les usagers n’ont pas non plus été silencieuses.
De plus, des événements très graves ont attiré l’attention de nos concitoyens : un double meurtre à Pau, plus récemment l’assassinat d’un jeune homme par un patient schizophrène à Grenoble, sans oublier nombre d’agressions supportées par le personnel hospitalier. Tout cela conduit à un malaise profond, un sentiment que la psychiatrie française va de plus en plus mal.
Madame la ministre, médecins et soignants ne cessent de vous le crier comme à l’hôpital de la Conception à Marseille, à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu à Lyon, dans les hôpitaux Sainte-Anne, Esquirol, Maison-Blanche à Paris et à l’hôpital Clermont-de-l’Oise, que je connais bien.
Vous appartenez, madame la ministre, à un gouvernement qui accorde une grande importance à la sécurité et en fait un des thèmes favoris de la communication politique en direction de nos concitoyens. Sur ces questions, votre gouvernement ne tarit pas.
Vous me permettrez ainsi, avec mes collègues du groupe socialiste, de déplorer que trop souvent vous privilégiiez la politique de communication au fond des problèmes.
Dans le domaine du logement, votre gouvernement préfère disserter et s’agiter sur la communication autour du droit au logement opposable. Or, ce droit n’aura de sens que quand l’État, dans un domaine régalien, qui est donc le sien, décidera de tout mettre en œuvre pour favoriser la construction des logements cruellement manquants.
Pardonnez-moi cette digression sur un sujet que nous ne traitons pas ce soir. Il en va de même dans un autre domaine, qui n’est pas le vôtre, encore que la situation sanitaire dans le monde carcéral vous concerne au premier chef.
Madame la ministre, la France est montrée du doigt par l’Europe pour l’état de ses prisons, la surpopulation qui y sévit et la manière dont nous y prodiguons les soins.
Vous connaissez, madame la ministre, cette situation. Vous savez qu’un quart des 61 000 détenus des prisons françaises sont des psychotiques. Cette situation doit vous interpeller !
Une des causes de l’insécurité dans notre pays résulte de l’insuffisance des moyens accordés à la psychiatrie pour soigner celles et ceux qui en ont besoin. L’évolution de nos sociétés occidentales génère de plus en plus de victimes qui, faute d’avoir trouvé soit un travail, soit un logement, soit les deux, glissent dans une exclusion sociale certaine et une marginalité progressive.
La rue devient le théâtre de toutes ces évolutions, de toutes ces souffrances qui conduisent à la déraison et à la violence. Les dégâts humains, madame la ministre, sont considérables. Écoutez celles et ceux qui connaissent, qui s’occupent de ces hommes et de ces femmes qualifiés de marginaux ! Ils vous disent tous qu’au bout de plusieurs années de vie dans la rue le point de non-retour est franchi et la situation irrémédiable.
Peut-on, madame la ministre, accepter cela et continuer de disserter dans nos collèges et nos lycées sur les écrits de Montaigne, pour qui « chaque homme porte en lui la forme entière de l’humaine condition » ?
On ne peut pas continuer comme cela ! En ne donnant pas à la psychiatrie suffisamment de moyens pour agir, en poursuivant une politique de réduction des moyens par le sous-financement de cette spécialité, on crée des déficits dont on exige ensuite la réduction par des suppressions de postes et de structures. On met à mal la politique de sectorisation ; on ferme des entités ; on supprime des postes. Vous connaissez les conséquences de telles pratiques !
La crise économique et sociale, qu’on annonce et dont on apprécie déjà l’ampleur des dégâts, ne va pas manquer d’exacerber certains cas de détresse et de rupture d’équilibre. C’est donc avec inquiétude, madame la ministre, que les médecins, soignants et cadres hospitaliers des hôpitaux psychiatriques pressentent l’aggravation d’une situation qu’ils ont déjà beaucoup de difficultés à gérer.
Le plan de santé mentale mis en œuvre pour la période 2005-2008, avec 1,5 milliard d’euros, est certes nécessaire et utile à la rénovation des établissements, mais il ne peut masquer les efforts qu’il nous reste à accomplir.
Dans un établissement psychiatrique, 80 % des dépenses sont des dépenses de personnel. Placés devant des situations de plus en plus complexes et difficiles, appelés à être de moins en moins nombreux et, en même temps, de plus en plus confrontés aux exigences sécuritaires, les médecins et les soignants auront-ils, madame la ministre, les moyens nécessaires, qui, quand ils sont là, galvanisent les énergies, mais dont l’absence provoque désarroi et résignation ?
Enfin, et peut-être surtout, le traitement de la maladie mentale exige des moyens spécifiques, identifiés et reconnus, qui ne sauraient en aucun cas constituer la variable d’ajustement d’autres politiques.
Madame la ministre, dans le domaine de la psychiatrie comme dans les autres secteurs de la santé, les moyens dont vous disposez vous obligent, nous obligent à faire des choix. Nos choix, vous l’avez compris, n’oublieront pas la santé mentale, à laquelle, je le pense très sincèrement, vous ne réservez pas toute l’attention qu’elle mérite dans vos priorités budgétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer la qualité du travail des rapporteurs.
Notre pays consacre 8,8 % de sa richesse nationale aux dépenses publiques de santé : assurance maladie et maternité, assurance accidents du travail et maladies professionnelles, interventions sanitaires de l’État et des collectivités territoriales. Je rappelle que nous sommes le troisième pays au monde pour les dépenses de santé : cela permet de relativiser certaines des critiques entendues ici ou là !
Bien sûr, les crédits en faveur de la mission « Santé » inscrits au budget de l’État sont sans commune mesure avec les dépenses de l’assurance maladie ; pour autant, ils jouent un rôle essentiel, et je tiens à souligner qu’ils progressent de 6,3 % cette année. Voilà encore de quoi relativiser certaines critiques venues des travées qui se trouvent sur ma gauche !
Ces crédits traduisent l’implication de l’État en matière de prévention et de santé publique. Ils participent d’un légitime et nécessaire effort de la solidarité nationale. Ils représentent par ailleurs un fort levier pour inciter à une meilleure structuration de l’offre de soins et contribuent à l’amélioration du pilotage stratégique des dépenses hospitalières.
La mission « Santé » regroupe désormais l’ensemble des crédits d’État en matière de santé publique, de prévention sanitaire et d’accès aux soins, à l’exclusion des crédits de personnel, dont M. Jégou a rappelé l’affectation. Sans doute est-il effectivement possible de parvenir à une meilleure lisibilité !
Le nouveau périmètre de la mission « Santé » marque néanmoins une évolution majeure, qui améliore déjà sensiblement la lisibilité des politiques publiques et répond à la demande du Parlement de regrouper des crédits autrefois éclatés entre les missions « Santé », « Solidarité et intégration » et « Sécurité sanitaire ».
L’élaboration d’une politique de prévention innovante et ambitieuse – je dis bien d’une politique, au sens le plus riche du terme – constitue l’un des axes majeurs de mon action à la tête du ministère de la santé.
Le programme « Prévention et sécurité sanitaire », d’un montant de 489 millions d’euros, concentre désormais les moyens de pilotage de la politique de santé publique, y compris en matière de sécurité sanitaire. Ses crédits contribuent au déploiement d’actions publiques qui engagent et soutiennent une politique de prévention active, volontaire, innovante et ambitieuse.
Avec environ 120 millions d’euros de crédits, l’action « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » concentre près du quart des crédits du programme.
À la suite de Gilbert Barbier, que je remercie de ses préconisations et de ses observations, j’indique en outre que l’année 2009 sera l’occasion d’engager une réforme aussi nécessaire qu’attendue de l’organisation trop complexe de notre système de santé : tel sera l’objet du projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires », qui sera débattu au Parlement dès le mois de janvier prochain. Le rapprochement des services déconcentrés des ministères sociaux et des structures locales de l’assurance maladie dans les nouvelles agences régionales de santé permettra d’amplifier les effets des politiques de prévention.
Par ailleurs, la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique arrive à échéance au 1er janvier 2009. Sa mise en œuvre fera l’objet d’une évaluation par le Haut Conseil de la santé publique en vue de son renouvellement.
La lutte contre le cancer reste l’action la plus importante du programme en termes de volume de crédits alloués : 81,7 millions d’euros, soit 16,7 % des crédits. Elle est complétée par l’action du ministère concernant l’effort de réduction des pratiques addictives et à risque, qui vise notamment l’alcool et le tabac : 22,3 millions d’euros, soit 4,6 % des crédits de paiement.
Monsieur Milon, un nouveau plan cancer est en cours d’élaboration. S’appuyant sur les premiers résultats de l’évaluation du précédent plan – c’est tout à fait normal, monsieur Teulade ! –, il devrait permettre de poursuivre de manière structurelle la lutte contre ce qui représente l’une des premières causes de décès en France. Son action visera en particulier à renforcer nos pratiques de prévention et à poursuivre la généralisation du dépistage pour les cancers les plus fréquents.
Jean-Claude Etienne a insisté à juste titre, en ce qui concerne l’aspect curatif, sur la sécurisation de la filière de radiothérapie. Vous savez à quel point nous nous sommes impliqués pour cette sécurisation pendant les années 2007 et 2008. L’installation du comité de suivi des mesures nationales pour la radiothérapie aura lieu le 15 décembre prochain. Sous le pilotage de l’Institut national du cancer, il devra suivre la mise en œuvre de l’ensemble des mesures et, le cas échéant, en proposer de nouvelles. Parmi les mesures déjà arrêtées, deux me paraissent particulièrement emblématiques : le doublement du nombre des radiophysiciens d’ici à 2012 et la généralisation de la dosimétrie in vivo que, monsieur le sénateur, vous appelez de vos vœux.
Contrairement à ce qu’a affirmé M. Fischer, la prévention des risques infectieux reste un axe fort de la prévention.
Plus que toute autre discipline de la médecine, la prévention se doit de s’adapter aux contours toujours mouvants de notre société. Certaines campagnes de prévention visent notre population tout entière : je pense ici à la sensibilisation à la question de la nutrition et à celle de la nécessité d’une activité physique quotidienne pour préserver son capital santé et lutter contre le développement de l’obésité. D’autres campagnes de prévention ont pour objet d’alerter et de protéger des segments très précis de notre société ; discours et moyens d’intervention doivent alors être adaptés à leurs besoins et mieux ciblés. Il en va par exemple ainsi, pour répondre complètement à André Vantomme, des dispositifs en psychiatrie.
Je comprends l’émotion soulevée par le terrible assassinat, commis par une personne malade mentale, dont a été victime Luc Meunier à Grenoble, et mes pensées vont vers sa famille. Je tiens à préciser que j’ai aussitôt diligenté une enquête de l’inspection générale des affaires sociales afin de faire toute la lumière sur les circonstances qui ont rendu ce drame possible et pour établir les responsabilités.
Je me félicite que le Président de la République se soit saisi de cette grave affaire. À sa demande, nous avons ouvert le chantier de la réforme de la loi du 27 juin 1990 sur les hospitalisations sans consentement des malades mentaux, réforme qui était très attendue.
M. Vantomme a évidemment dressé un tableau très noir de la psychiatrie française. Puis-je cependant me permettre de lui rappeler que la suppression du diplôme d’infirmier psychiatrique a été le fait d’un ministre socialiste, qui l’a présentée comme une grande avancée ? Il ferait peut-être bien de vérifier ses chiffres et ses dates…
La psychiatrie, en France, ce sont des professionnels de santé qui font un travail remarquable sur le terrain, au quotidien. Avec 14 000 psychiatres, nous avons 22 praticiens – probablement mal répartis, j’en conviens – pour 100 000 habitants, soit le plus fort taux au monde. Nous avons aussi 63 000 infirmiers, exerçant en grande partie en établissements de santé. Un maillage territorial de proximité est assuré par 609 établissements de santé, publics et privés, avec près de 59 000 lits. Et s’il est vrai que le nombre de lits a baissé, c’est aussi lié à une approche nouvelle de la psychiatrie. En effet, les prises en charge et l’accueil ont évolué, ces dernières décennies : la durée moyenne des séjours est plus courte et les patients sont le plus souvent pris en charge à titre ambulatoire. Je considère pour ma part que c’est un progrès.
En psychiatrie publique, ce sont maintenant plus de 8 milliards d’euros qui sont consacrés aux équipes et aux structures hospitalières ; ces crédits connaissent une croissance de 2 % par an.
Le plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008 a permis de réaliser 342 opérations de rénovation et construction, financées à hauteur de 750 millions d’euros. Nous avons également pu créer 1 500 postes non médicaux et 173 postes médicaux, ainsi que 1 200 places dans des maisons et des foyers d’accueil spécialisés.
Face aux demandes sanitaires et médico-sociales croissantes, les dispositifs en psychiatrie évoluent et s’adaptent pour répondre aux besoins spécifiques de populations diverses : femmes enceintes, personnes suicidantes, détenus, populations vulnérables, auteurs d’infractions sexuelles… Ils doivent également faire face aux attentes toujours plus importantes des services sanitaires confrontés aux situations d’urgences ou de crise, ou encore aux conséquences du vieillissement de la population ; n’oublions pas que les phénomènes de dépression augmentent avec l’espérance de vie : c’est un effet de la transition démographique.
Dans ce contexte, j’ai décidé de mettre en place une commission, présidée par Édouard Couty, associant familles, usagers et professionnels. Elle est chargée de me faire avant la fin de l’année des propositions concrètes sur les missions et sur l’organisation de la psychiatrie et de la santé mentale, afin, notamment, d’améliorer le parcours de soins des patients, de la prévention à la réinsertion, et de promouvoir les coopérations entre professionnels et entre structures.
Nos politiques ciblées ont, bien sûr, un champ plus large.
Ainsi – plusieurs orateurs ont abordé ce sujet –, en matière de prévention de l’infection par VIH et des autres infections sexuellement transmissibles, le ministère mène des campagnes de prévention locales et nationales auprès des migrants, des homosexuels, des habitants des départements français d’Amérique et des jeunes. Ce sont au total 91,2 millions d’euros, soit 19 % des crédits du programme, qui sont ainsi ouverts afin de prévenir les risques infectieux majeurs qui menacent la santé des Français.
J’ai bien noté vos interrogations sur le montant des crédits alloués pour 2009 à la lutte contre le VIH, et je regrette vivement que M. Fischer et M. Teulade n’aient pas assisté à la réunion de la commission durant laquelle je me suis longuement expliquée sur ces sujets : cela leur aurait épargné d’énoncer un certain nombre de contrevérités.
Mme Annie David. Ils ne pouvaient pas être présents à la fois en séance et en commission, madame la ministre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne doute pas qu’ils avaient de bonnes raisons !
Donc, concernant les crédits de lutte contre le sida, j’ai relevé que la présentation du programme fusionné, d’ailleurs réclamée par les sénateurs, améliorait significativement la lisibilité des dépenses, et que vous l’aviez appréciée. Je m’en félicite, car c’était là un des objectifs de la fusion : que chacun puisse mieux comprendre la synergie entre les différentes dépenses. Cela nous a toutefois conduits à en modifier la présentation.
Ainsi, en 2009, les projets de santé publique relatifs au VIH seront financés avec trois lignes budgétaires. Pour autant, je considère que ces crédits sont essentiels : le renforcement de la lutte contre le sida est l’une des priorités de mon action.
Au total, outre les 23 millions d’euros consacrés au sida par l’Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l’INPES, les crédits disponibles pour conduire les projets de prévention en matière de VIH s’élèveront à 37,5 millions d’euros, en hausse d’environ 200 000 euros par rapport à ceux de 2008, qui, je le rappelle, avaient déjà augmenté, à ma demande, de près de 1 million d’euros par rapport à 2007.
Plus précisément, les crédits de la sous-action « Lutte contre le VIH/SIDA », avec 30,1 millions d’euros – dont 23,3 millions d’euros mis en œuvre principalement dans le cadre des groupements régionaux de santé publique –, seront en baisse. Mais les crédits de la sous-action « Soutien à la territorialisation des politiques régionales de santé publique » passeront de 4,3 millions d’euros à 11 millions d’euros en 2009, notamment pour le financement des ateliers « santé ville ». Enfin, au sein de l’action « Accès à la santé et éducation à la santé », la sous-action « Santé des populations en difficulté » sera dotée de 11,2 millions d’euros, contre 7,3 millions d’euros en 2008.
Cette répartition des financements traduit la mutualisation d’une partie des crédits VIH/IST, dans le cadre des groupements régionaux de santé publique, pour les publics précaires et vulnérables à plusieurs titres en matière de santé. Seront ainsi réalisées, par exemple, des actions en faveur des migrants, des toxicomanes, des jeunes, des personnes prostituées, des détenus…
Il est évident, et je répète les propos que j’ai tenus devant la commission des affaires sociales, que si la présentation adoptée dans le projet annuel de performance devait semer le doute sur le montant des crédits effectivement consacrés à la lutte contre le sida, je demanderais le rétablissement de la précédente présentation. Il apparaîtrait ainsi que les crédits VIH s’élèvent à 37,5 millions d’euros dans la programmation budgétaire initiale pour 2009.
Je rappelle à ce sujet à M. Fischer, qui m’a interrogée sur l’action internationale de la France, que la contribution de notre pays à la lutte contre le VIH avait été de 364,56 millions d’euros en 2007, versés pour l’essentiel dans un cadre multilatéral. Nous poursuivons cet effort en 2008 : la France est le premier contributeur européen et le deuxième contributeur mondial en ce qui concerne les crédits affectés au sida. Bien entendu, je tiens leur répartition à votre disposition.
Par ailleurs, monsieur Fischer, si je ne me suis pas rendue à Mexico, c’est parce que j’étais à ce moment précis en train d’élaborer le plan sécurité sociale, décidé à la suite des conclusions de la commission des comptes de la sécurité sociale. J’ai donc été totalement mobilisée pendant deux jours par une situation d’urgence. Le ministère était néanmoins représenté à la conférence de Mexico par un de mes proches conseillers, par deux personnes de la direction générale de la santé et par l’« ambassadeur sida » ; il s’agissait donc d’une délégation extrêmement importante.
Par ailleurs, je me rendrai dans quelques jours à la conférence ICASA qui se tiendra à Dakar. En matière de sida comme en matière d’amour, il n’y a que les preuves qui comptent ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Guy Fischer. Merci !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Concernant les crédits du plan Cancer 2007, monsieur le rapporteur spécial, vous avez raison de porter votre regard sur les dépenses réalisées, qui restent en deçà de la prévision, laquelle autorisait un niveau réel de dépenses de 54 millions d’euros.
Toutefois, en privilégiant une approche globale de la lutte contre le cancer, vous constaterez que les crédits non consommés au titre du maintien à domicile des malades du cancer, soit 8,9 millions d’euros, ont été de fait consommés au titre de la lutte contre les déterminants des cancers : lutte contre le tabagisme, en hausse de 60 % par rapport au budget initial ; lutte contre l’alcoolisme ; en hausse de 53 % par rapport au budget initial ; enfin, actions en matière de nutrition, en hausse de 38 % par rapport au budget initial.
Cela dit, croyez bien en ma détermination à renforcer encore le dépistage, en particulier celui du cancer du sein, pour lequel nous avons introduit la mammographie numérique, et celui du cancer colorectal, qui sera désormais généralisé à tous les départements.
Pour ce qui concerne la maladie d’Alzheimer, monsieur Étienne, le 1er février 2008, le Président de la République a présenté le plan Alzheimer 2008-2012 comme l’un de ses chantiers prioritaires, avec pour fil conducteur une exigence éthique accrue. Au total, 1,6 milliard d’euros seront dépensés pour la lutte contre la maladie d’Alzheimer, dont plus de 200 millions d’euros pour le volet sanitaire.
Le Président de la République a confié à Florence Lustman, inspecteur général des finances, la coordination de la mise en œuvre progressive des mesures issues des propositions de la commission présidée par le professeur Ménard. Le premier objectif est de mieux connaître la maladie. Le deuxième objectif consiste à améliorer la prise en charge des malades et de leur famille. Le troisième objectif a trait à l’amélioration de la qualité de vie des malades.
Ce plan extrêmement important doit nous permettre de relever un véritable défi pour prendre en charge plus de 850 000 personnes dans notre pays.
Ces trois questions, cancer, VIH, Alzheimer, soulignent la nécessité, affirmée tant par Jean-Jacques Jégou que par Alain Milon, d’élaborer, sur le modèle du livre des plans, un document transversal avec une approche thématique de nos politiques de santé publique. Nous allons travailler à élaborer une telle présentation des crédits consacrés aux grands enjeux de santé publique tant en matière de programmation que de suivi d’exécution.
L’accès et l’éducation à la santé deviennent des actions structurantes du programme.
Le nouveau programme fusionné met l’accent sur l’accès à la santé pour tous. La subvention pour charges de service public de l’INPES, opérateur chargé de promouvoir les pratiques de prévention et l’éducation à la santé, progresse de près de 30 %, passant de 24 millions d'euros en 2008 à 31 millions d'euros en 2009. Il s’agit d’une priorité forte donnée à la santé publique, qui sera réaffirmée et prolongée par le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires ». une attention toute particulière sera portée à deux populations : d’une part, les patients souffrant de maladie chronique, pour lesquels nous prévoyons, dans le cadre des suites données au rapport rédigé par Christian Saout et les professeurs Bertrand et Charbonnel, de promouvoir l’éducation thérapeutique et d’en faire un élément à part entière du parcours de soins ; d’autre part, les plus jeunes, que nous souhaitons protéger de l’alcoolisme, des pièges de l’addiction précoce et de ses conséquences souvent dramatiques.
M. Fischer a regretté que la MILDT soit placée dorénavant auprès du Premier ministre, mais c’est à la demande expresse du Parlement, en particulier des sénateurs, que cela a été fait, dans un souci de lisibilité et de proximité de l’action.