M. Guy Fischer. Nous ne voyons rien venir !
Mme Christiane Demontès. Pour illustrer mon propos, je soulignerai que l’action 2 de la mission, intitulée « Autres expériences en matière sociale et d’économie sociale », ne représente que 1,7 % des crédits du programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », consacrés à plus de 98 % au seul RSA.
En lieu et place d’une politique d’insertion, le Gouvernement nous propose un projet de budget centré sur le RSA. Dans ces conditions, parler d’insertion apparaît comme trompeur ou, pour le moins, restrictif.
Les crédits de paiement inscrits au titre du RSA dans le programme 304 dépassent 555 millions d’euros. Or, quand nous procédons à une lecture transversale, nous constatons que ce montant résulte de l’absorption d’autres dispositifs, notamment l’API.
Qui plus est, les crédits consacrés à la prime pour l’emploi sont ramenés à 500 millions d’euros. Si l’on ajoute qu’une économie de 150 millions d’euros est réalisée au titre de l’exonération de la taxe d’habitation et de la redevance télévisuelle, l’augmentation des crédits qualifiée d’« exceptionnelle » par M. le ministre du budget devient au mieux résiduelle, pour ne pas dire virtuelle.
Par ailleurs, monsieur le haut-commissaire, eu égard aux informations parues récemment dans la presse économique, qu’en est-il d’une mise en œuvre du RSA sous forme d’à-valoir dès le 1er janvier prochain ? Le cas échéant, lesquels de nos concitoyens seront concernés en priorité ? Les RMIstes, les allocataires de l’API, les bénéficiaires des allocations logement ? Tous ?
M. Guy Fischer. Les RMIstes !
Mme Christiane Demontès. Quels seront les critères retenus? Quid du financement, estimé à 300 millions d’euros et qui proviendrait d’un surplus de recettes du prélèvement opéré sur les revenus du patrimoine pour financer le RSA ? Qu’en est-il du versement d’une prime de 100 euros, qui serait, nous dit-on, allouée pendant un semestre à 2 millions ou 3 millions de nos concitoyens ?
Le 25 novembre dernier, contredisant l’annonce par vos soins de la fin des contrats aidés, le Président de la République déclarait que le champ d’application des contrats de transition professionnelle passerait de sept à vingt-cinq bassins d’emploi. Au sein de la mission, nous ne trouvons aucune traduction budgétaire d’une telle disposition, qui relève pourtant directement de la mission d’insertion. Alors, qui en assurera le financement ? La question vaut d’être posée, d’autant que les crédits de l’emploi ont été considérablement diminués.
Au-delà de ces interrogations, qui appellent, bien sûr, des réponses, il apparaît très clairement que le Gouvernement et le chef de l’État, pris de court par la violence de la crise, agissent dans la plus grande précipitation et la plus totale improvisation. Seule certitude, les crédits consacrés à l’insertion, notamment au financement du RSA, seront largement insuffisants pour faire face à la dégradation constante de la situation et au défi que représente pour nous –je sais que vous êtes très sensible à cette réalité, monsieur le haut-commissaire – le fait que 7,8 millions de personnes, dont 2 millions d’enfants, vivent au-dessous du seuil de pauvreté.
Mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, nous ne sommes pas dupes ! Dans le meilleur des cas, les hausses de crédits annoncées procèdent de redéploiements budgétaires ; dans le pire, vous réalisez des coupes claires dans les budgets, qui plongeront mécaniquement une partie de notre population dans des difficultés plus grandes encore : je pense, notamment, à l’API, mais également à toutes les diminutions, voire suppressions, de subventions à des associations œuvrant dans le secteur de l’insertion. Nous verrons très rapidement les effets néfastes de ces décisions dans nos territoires.
Vous invoquez le pragmatisme pour justifier le revirement de votre politique. Les Français ne sont pas dupes. Ils savent que votre socle idéologique reste intact : désireux de diminuer le coût du travail, vous précarisez sans fin la condition salariale, vous diminuez le pouvoir d’achat des salariés et, in fine, en faites l’unique variable d’ajustement d’une politique libérale aux effets désastreux. Dans ces conditions, parler d’insertion est une supercherie, que nous dénonçons !
Mme Christiane Demontès. C’est pourquoi nous voterons contre ce projet de budget ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », je me suis tout particulièrement intéressée au programme 137 consacré aux actions publiques en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Doté de 29,3 millions d’euros de crédits, il est le plus modeste de cette mission, d’autant que les crédits d’intervention connaissent une baisse par rapport à 2008.
Toutefois, madame la secrétaire d’État chargée de la solidarité, j’ai été éclairée, dans mon analyse des données chiffrées brutes, d’abord par le rapport public de la Cour des comptes, qui comporte notamment une étude de l’action du service des droits des femmes et de l’égalité, directement rattaché à votre secrétariat d’État, ensuite par votre audition devant la commission des affaires sociales du Sénat.
Cette analyse m’a permis de dégager deux caractéristiques capitales de ce projet de budget : le cadre interministériel et transversal de la politique en faveur des femmes ; le redéploiement des crédits vers les associations « têtes de réseau » et les grandes structures nationales.
À l’évidence, madame la secrétaire d’État, la politique relative aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes ne se résume pas aux seuls crédits du programme 137. Vous l’avez vous-même réaffirmé à maintes reprises, celle-ci repose non seulement sur plusieurs départements ministériels, chargés de la santé, du sport, de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur ou de la politique de la ville, mais également sur les collectivités locales, les organismes de sécurité sociale, les partenaires sociaux, les associations et les entreprises.
À mes yeux, deux actions illustrent le caractère interministériel et transversal de la politique en faveur des femmes.
La première est la promotion d’une véritable mixité dans le choix des filières scolaires.
Une convention pour la promotion de l’égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif, signée pour la période 2006-2011, vise à associer les efforts de huit ministères.
Cette convention affirme, en premier lieu, la nécessité de développer une approche globale dans l’ensemble de la démarche éducative, notamment dans le cadre de l’orientation et de l’éducation à la citoyenneté.
C’est en effet à l’école, et dès le plus jeune âge, que s’apprend l’égalité entre les sexes. Cet apprentissage de l’égalité entre les garçons et les filles est une condition nécessaire pour que, progressivement, les stéréotypes s’estompent et que d’autres modèles de comportement se construisent.
Fondée sur le respect de l’autre sexe, cette éducation à l’égalité, partie intégrante de l’éducation civique, implique notamment la prévention des comportements et violences sexistes.
La convention affiche, en second lieu, l’objectif ambitieux « de sortir de tout déterminisme sexué de l’orientation ».
Malgré quelques signes d’évolution favorable, filles et garçons continuent à se conformer dans leur orientation, puis dans leur choix de métier, à des schémas socioprofessionnels archaïques : dans les filières littéraires, on compte 80 % de filles ; dans le domaine de la production, les filières sont presque exclusivement masculines.
De même, à niveau égal dans les disciplines scientifiques, les filles ne s’engagent pas autant que les garçons : 64 % des filles avec un très bon niveau en mathématiques en fin de collège sont allées en terminale S, contre 78 % des garçons ayant le même profil.
Cette prévention persistante des filles à l’égard des sciences et techniques les détourne de branches professionnelles porteuses d’emplois et prive la société de ressources indispensables à son développement.
Pour souligner clairement la nécessité d’une modification des comportements, l’un des indicateurs de performance retenu dans le cadre de la LOLF assigne à l’enseignement scolaire un objectif ambitieux : la proportion de jeunes filles dans les classes terminales des séries scientifiques générales et technologiques doit augmenter de 20 % avant 2010. À cette échéance, la proportion de filles dans ces classes doit atteindre 44,6 %. Au regard de la progression de 2,6 % enregistrée pour cet indicateur entre 1997 et 2003, on mesure le chemin qui reste à parcourir !
Pouvez-vous nous assurer, madame la secrétaire d’État, que tout sera réellement mis en œuvre pour que cette convention soit suivie d’effet ?
L’information sur la contraception est la seconde illustration que je souhaitais évoquer de la politique volontariste qu’il nous faut mener de façon transversale.
Avec 14,6 avortements pour 1 000 femmes, la France dépasse largement la moyenne européenne de 11,2 pour 1 000. Chez les jeunes filles âgées de moins de 18 ans, trois grossesses sur cinq aboutissent à une interruption. On dénombre 11 500 IVG chez les 15-17 ans, soit une hausse de 32 % en quatorze ans. Mais ce sont les femmes âgées de 20 à 24 ans qui, proportionnellement, recourent le plus aux interruptions volontaires de grossesse.
Or, nous le savons, il est possible d’apporter, au moins en partie, une réponse à ce problème en assurant une meilleure communication sur la diversité de l’offre contraceptive et en améliorant l’éducation sexuelle, en particulier celle des jeunes filles, dans le cadre scolaire.
M. Alain Vasselle. C’est vrai !
Mme Muguette Dini. Cela étant dit, madame la secrétaire d’État, vous avez annoncé la mise en place d’un document de politique transversale en la matière, qui offrira une vision globale des mesures consacrées à ce champ de l’action publique. J’espère qu’il pourra avoir un effet bénéfique. J’ai d’ailleurs bien noté que ce document déterminera des objectifs communs et partagés entre l’ensemble des ministères concernés et que des indicateurs y seront associés.
C’est une initiative que je tiens à saluer, parce qu’elle permettra aux parlementaires que nous sommes d’évaluer correctement l’effort financier global en faveur des femmes, d’une part, et de mesurer l’efficience de la politique publique d’égalité au travers de l’évolution de la situation des femmes dans les principaux domaines où des progrès doivent être accomplis, d’autre part.
Venons-en maintenant à votre décision de concentrer les crédits de ce programme sur les associations « têtes de réseau » et les grandes structures nationales. Cette décision était attendue !
Dans son rapport précité, la Cour des comptes met en exergue, comme le fit avant elle l’Inspection générale des affaires sociales, la dispersion des actions et le saupoudrage des crédits entre de multiples associations. Elle recommande, tout d’abord, la hiérarchisation des actions en fonction des évolutions sociales et la planification de leur mise en œuvre. Elle plaide, ensuite, en faveur de la définition et de l’organisation d’une politique de financement des associations intervenant dans ce domaine par le service des droits des femmes et de l’égalité.
Pour ma part, la remise en cause des subventions « historiques », accordées année après année aux mêmes acteurs, sans réelle évaluation de leur efficacité, et la généralisation de démarches d’objectifs et de moyens effectivement contrôlées me paraissent également essentielles.
Madame la secrétaire d’État, votre projet de budget semble être une réponse à toutes ces observations. Le nombre de subventions accordées pour de faibles montants est fortement réduit. Surtout, la rationalisation des crédits d’intervention, qui privilégie la relation avec les associations « têtes de réseau » et les grandes structures nationales, permet de mettre l’accent sur les priorités en matière d’égalité professionnelle et de lutte contre les violences faites aux femmes.
De plus, lors de vos différentes auditions, vous nous avez précisé que ces mesures s’accompagneraient d’un recours régulier à des conventions pluriannuelles d’objectifs qui, tout en donnant des garanties financières aux associations, sous réserve qu’elles réalisent les actions prévues, prévoient une évaluation de leur intervention.
Par conséquent, madame la secrétaire d'État, le groupe de l’Union centriste se réjouit de votre détermination sur toutes ces questions essentielles. Nous voterons donc les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, en début de semaine dernière, un juge de proximité parisien a condamné l’association « Droit au logement », le DAL, à une peine d’amende de 12 000 euros, au motif que des objets non autorisés auraient été déposés sur la voie publique. Il s’agissait, pour être précis, de 319 tentes, de sacs de couchage et de couvertures destinés à protéger du froid des familles rassemblées pour obtenir un logement.
M. Alain Vasselle. Ce n’est pas le budget du logement !
Mme Isabelle Pasquet. Cette formidable mobilisation a contraint Mme Boutin, ministre du logement et de la ville, à signer un accord de relogement en faveur des familles concernées.
M. Alain Vasselle. Vous vous êtes trompée de mission budgétaire !
Mme Annie David. Mais non !
Mme Isabelle Pasquet. C’est pourquoi la décision de justice que j’évoquais, qui est venue sanctionner une action dont le Gouvernement lui-même reconnaît la légitimité, puisqu’elle a débouché sur un accord de relogement, s’apparente à une véritable sanction politique qui semble constituer, avec celle qui frappe une autre association, « Les enfants de Don Quichotte », une criminalisation du mouvement associatif.
Je demande donc au Gouvernement, comme l’a fait l’un de ses membres ici présents, M. Martin Hirsch, de « passer l’éponge », considérant avec lui qu’il n’était « pas normal » d’infliger une amende à l’association « Droit au logement » pour avoir installé des tentes rue de la Banque. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
Mme Annie David. Très bien !
Mme Isabelle Pasquet. Ce propos liminaire n’est pas sans lien avec l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui nous réunit aujourd’hui.
MM. Alain Gournac et Alain Vasselle. Ah bon ?
Mme Annie David. Exactement !
M. Alain Vasselle. Mme Boutin n’est pas là !
Mme Isabelle Pasquet. Je sais bien qu’il existe une mission « Ville et logement », mais personne ici ne doute que la lutte contre la pauvreté appelle une mobilisation bien plus large, qui dépasse le seul champ de ce budget.
Mme Annie David. Très bien !
Mme Isabelle Pasquet. Les associations qui viennent d’être condamnées le disent elles-mêmes, la lutte contre l’exclusion et la pauvreté passe par une politique ambitieuse en matière de santé, de travail, de logement ou encore d’éducation.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se résume en fait à trois grands axes : la généralisation du RSA, le handicap et la dépendance, l’égalité entre hommes et femmes, ce dernier programme subissant une sévère réduction de crédits, comme d’ailleurs la quasi-totalité des actions, à l’exception de la généralisation du RSA.
Ainsi, le programme 106, intitulé « Actions en faveur des familles vulnérables », connaît une diminution très importante de ses moyens, à hauteur de 32 % pour ce qui concerne l’action « Accompagnement des familles dans leur rôle de parents ». Autant dire que nous sommes inquiets, particulièrement pour deux sous-actions relevant de cette dernière.
Il s’agit, d'une part, de l’aide à l’apprentissage de l’enfant lorsque les parents, en raison d’accidents de la vie ou d’une rupture conjugale, ont besoin d’un soutien, qu’ils pouvaient jusqu’alors trouver auprès des associations.
Il s’agit, d'autre part, de l’information sur l’IVG dans les établissements scolaires, rendue obligatoire par la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
Quant à l’action « Protection des enfants et des familles », censée permettre de lutter contre la maltraitance des enfants, ses crédits connaissent une baisse légèrement supérieure à 12 %. Cette compétence est partagée avec le ministère de la justice et les départements. C’est à ces derniers, nous le savons, qu’il reviendra de compenser les désengagements successifs de l’État.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. Comment ne pas faire le lien entre cette baisse des crédits et l’annonce récente, par Mme la ministre de la justice, de l’autorisation des sanctions à l’encontre des mineurs de plus de douze ans ?
Mme Annie David. Et voilà !
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Mme Isabelle Pasquet. On sait pourtant que les violences en appellent d’autres !
En outre, vous diminuez les crédits alloués à quatre des cinq actions du programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes ».
Pourtant, vous en conviendrez, l’objectif visé au travers de ce programme, à savoir promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux postes à responsabilités tant dans le secteur privé que dans le public, est loin d’avoir été atteint.
Je regrette, par exemple, que les crédits destinés à subventionner les associations intervenant dans ce domaine diminuent. Je déplore également la réduction des crédits alloués à l’action « Égalité professionnelle », dont l’une des finalités est tout de même d’adapter l’offre de formation initiale et de sensibiliser aux situations d’inégalité au travail entre les hommes et les femmes.
Certes, les écarts tendent à se réduire,…
Mme Annie David. Si peu !
Mme Isabelle Pasquet. … mais la réalité est toujours la même : à travail égal, les femmes sont moins bien rémunérées que les hommes ! De véritables blocages existent même, rendant certains postes de direction inaccessibles aux femmes, soit parce que certains présupposés sexistes persistent, soit parce que l’organisation du travail et des dispositifs de garde d’enfants ne facilite pas la conjugaison de la vie professionnelle et de la vie personnelle.
C’est pourquoi, plutôt que de les restreindre, il aurait fallu au contraire renforcer les crédits de ce programme, en privilégiant la participation des associations.
Par ailleurs, je voudrais vous faire part de mon regret, partagé par mes collègues du groupe CRC-SPG, devant la disparition programmée, au nom des économies budgétaires, du service des droits des femmes et de l’égalité. De la part d’un Gouvernement qui ne compte même pas, en son sein, un secrétariat d’État aux droits des femmes, cette décision apparaît comme un très mauvais signal.
Si l’État lui-même ne montre pas l’exemple et diminue les crédits qu’il accorde à ce programme, on voit mal comment il pourrait se montrer réellement exigeant envers les entreprises publiques et privées en matière d’accession des femmes aux postes à responsabilités, ou encore envers les entreprises et les médias sur la construction d’une autre représentation des femmes, débarrassée des vieux concepts sur lesquels s’édifient les inégalités.
En outre, concernant le sort réservé au programme « Handicap et dépendance », il s’agit certes d’un des rares budgets en hausse. Toutefois, cette progression est à peine supérieure à l’inflation constatée durant l’année 2008. C’est tout à fait insuffisant, notamment pour répondre aux besoins des maisons départementales des personnes handicapées, d’autant que, lors de l’examen de la mission « Travail et emploi », vous avez ponctionné les crédits de l’AGEFIPH à hauteur de 50 millions d’euros.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. On ne va pas y revenir !
Mme Annie David. C’est la vérité !
Mme Isabelle Pasquet. Vous réduisez donc d’autant la participation financière directe de l’État à la rémunération des stagiaires en situation de handicap.
M. Guy Fischer. Et M. Paul Blanc laisse faire cela !
Mme Isabelle Pasquet. Pour conclure, j’évoquerai la principale action de cette mission : la généralisation du revenu de solidarité active. Sans elle, les crédits de la mission auraient été en très forte baisse.
En décidant de rendre incontournable le RSA, de le généraliser et d’en faire l’axe majeur de votre politique de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, vous indiquez clairement qu’il n’y aura pas d’aide de l’État pour ceux qui ne le mériteront pas. Vous entendez en effet conditionner le versement de ces aides à la reprise d’une activité professionnelle par le bénéficiaire.
Au regard de la crise financière, de l’éclatement de la bulle spéculative et des dramatiques conséquences que cela entraîne sur l’emploi, on voit mal comment vous pouvez continuer à tenir un tel discours !
Comment conditionner l’aide de l’État à la reprise d’une activité professionnelle quand le chômage explose, quand on comptera bientôt plus de 2 millions de salariés privés d’emploi et quand le chômage partiel se répand ?
Devant cette situation, vous auriez pu inventer d’autres pistes pour garantir une réelle solidarité. Vous auriez pu supprimer le bouclier fiscal et instaurer un véritable bouclier social.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Encore !
Mme Annie David. Très bien !
Mme Isabelle Pasquet. En effet, s’il existe, depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, une forme nouvelle de solidarité, elle s’adresse à ceux qui en ont le moins besoin : les plus riches, les banques ou encore les entreprises.
M. Guy Fischer. On n’a jamais vu ça !
M. Éric Doligé. Vous n’avez jamais rien vu !
Mme Isabelle Pasquet. Les pauvres et les personnes en situation précaire, quant à eux, ne peuvent plus compter que sur eux-mêmes et sur un éventuel contrat de travail à temps partiel, parfois de quelques heures, permettant de bénéficier du dispositif que vous instaurez.
Je ne recommencerai pas le débat sur le RSA et sur les raisons de notre opposition à ce mécanisme de subvention à l’emploi précaire, mais, alors que vous réduisez tous les budgets alloués à la solidarité, je ne peux que dénoncer, une nouvelle fois, son mode de financement.
Plutôt que sur les revenus issus de la spéculation, celui-ci reposera sur une taxation assise sur l’épargne, qui sera proportionnelle alors que la justice sociale aurait voulu qu’elle soit progressive afin de solliciter davantage les plus riches, qui peuvent d’ailleurs s’abriter derrière le bouclier fiscal.
Ainsi, l’effort de l’État se réduit en réalité à un seul dispositif : le RSA ! Et encore, vous faites des économies sur les droits connexes, par exemple avec la suppression de l’exonération de taxe d’habitation ou de redevance télévisuelle…
Quant au partage des compétences, il est très favorable à l’État. En effet, ce sont bien les départements qui devront assumer la majeure partie des dépenses de solidarité, l’État se bornant à prendre en charge les rares cas de RSA complémentaire.
C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG, considérant que la situation économique actuelle aurait dû susciter une tout autre expression de la solidarité nationale et, par voie de conséquence, un tout autre projet de budget, voteront contre les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Quelle surprise !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Les pauvres vont se révolter ! Voici le grand capital ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle. J’espérais des applaudissements de la part de M. Fischer. Quelle déception… (Nouveaux sourires.)
Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, peut-être vous étonnerez-vous qu’un membre du groupe de l’UMP intervienne dans cette discussion, tant les excellentes contributions des rapporteurs auraient pu suffire à exprimer le point de vue de la majorité du Sénat.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Merci !
M. Alain Vasselle. Cependant, je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur certains points de la part des membres du Gouvernement ici présents.
Monsieur le haut-commissaire, je commencerai par vous, qui « pesez », avec la généralisation du RSA, quelque 10 milliard d’euros, ce qui n’est pas rien ! (Sourires.)
Pour financer cette dépense, vous avez prévu un certain nombre de recettes : 6,7 milliards d’euros devraient provenir de l’affectation d’une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, et 3,2 milliards d’euros seraient apportés par l’État, via le Fonds national des solidarités actives, dont 1,5 milliard d’euros au titre de la nouvelle contribution de 1,1 % sur les revenus du patrimoine, dont vous savez tout le bien que je pense… Le solde devrait être couvert par une dotation financée par redéploiement de la prime pour l’emploi, la PPE, et des dispositifs temporaires d’intéressement.
La question que j’ai posée en commission des affaires sociales est la suivante : le RSA semblant promis au succès, les recettes connaîtront-elles la même dynamique que les dépenses ?
M. Guy Fischer. La réponse est non !
M. Alain Vasselle. Je crois que, dans la conjoncture présente, nous pouvons nous interroger sur ce point, eu égard à la crise financière et, surtout, à l’évolution future du produit de la TIPP. En effet, M. Borloo met tout en œuvre pour faire diminuer la consommation d’énergie, donc celle de fioul et de pétrole, ce qui entraînera immanquablement une réduction du produit de la TIPP.
Par conséquent, les recettes seront-elles suffisantes ? Bien entendu, une solution de facilité serait de décider l’an prochain de relever de 1,1 % à 1,5 % ou à 2 % le taux de la contribution assise sur les revenus du patrimoine. J’aimerais, monsieur le haut-commissaire, que vous puissiez nous rassurer sur ce point et nous confirmer que vous n’envisagez nullement de procéder de la sorte.
Ma deuxième question, qui concerne les personnes handicapées, s’adresse à Mme Valérie Létard.
J’ai pris bonne note de l’effort sans précédent que consentira le Gouvernement en actualisant l’allocation aux adultes handicapés de 25 % sur cinq ans, à raison de 5 % par an. Cette décision va dans le bon sens, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Cela étant rappelé, comment le reste à vivre est-il calculé ? Son montant doit représenter quelque 20 % de l’allocation, mais est-il calculé mensuellement ou annuellement ? Qui effectue ce calcul et décide éventuellement de l’atténuation du paiement du forfait journalier dans le cas où le prix de journée est financé par le conseil général ?
Je n’ai pu obtenir de réponse sur ce point en commission et je vous saurais gré, madame la secrétaire d’État, de nous éclairer.
En outre, dans le calcul de ce reste à vivre, intégrez-vous l’aide personnalisée au logement, l’APL, dans les ressources ? Pour décider de l’octroi de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, on prend en compte à la fois les ressources propres du demandeur et l’APL, ce qui aboutit à priver toutes les personnes handicapées et tous les bénéficiaires des minima sociaux de cette prestation. Je voudrais donc savoir s’il en va de même pour le reste à vivre. Prend-on en compte dans le calcul la seule AAH ou y ajoute-t-on l’APL ? Je souhaiterais que vous précisiez les choses à cet égard.
Par ailleurs, s’agissant toujours des handicapés, je relève qu’il est aujourd’hui permis à une personne handicapée physique de cumuler un revenu d’activité et l’AAH, de façon temporaire et dégressive, dans la limite de 104 % du SMIC. Mais qu’en est-il d’une personne handicapée mentale hébergée dans un foyer de vie ou un foyer occupationnel et ne bénéficiant pour toutes ressources que de l’AAH et de la prestation de compensation, parce qu’elle est dans l’incapacité de travailler ? Dispose-t-elle du même pouvoir d’achat que la personne handicapée physique que j’évoquais ? Existe-t-il des études montrant qu’il y a équité de traitement entre ces deux catégories de handicapés ?
Je voudrais également vous interroger, madame Létard, sur les maisons départementales des personnes handicapées.
Il est prévu un abondement complémentaire de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui portera son concours annuel aux MDPH à 180 millions d’euros. Madame la secrétaire d’État, vous avez, à plusieurs reprises, dénoncé le fait que nous ne consacrions pas suffisamment de moyens à la formation des éducateurs des établissements accueillant des personnes handicapées. Or si une forme de maltraitance passive sévit aujourd’hui dans bon nombre de structures, cela est souvent dû à l’insuffisance de la formation des intervenants auprès des personnes handicapées.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas renforcer les moyens humains et la formation du personnel, plutôt que de consacrer la totalité des crédits non consommés à des opérations d’investissement ou de réhabilitation des établissements d’accueil pour personnes âgées ou pour handicapés ?
La dernière question que je vous adresserai portera sur le financement des foyers de vie et des foyers occupationnels, qui est estimé à 8 milliards d’euros, dont 7,7 milliards d’euros à la charge de l’ONDAM, l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie, et 0,3 milliard d’euros à la charge de la CNSA.
À quoi correspondent ces différentes dépenses ? Quelle est leur nature ? S’agit-il de dépenses de soins ? Si l’on peut comprendre que l’assurance maladie finance des foyers médicalisés, comment justifier le financement par l’ONDAM des foyers de vie, des foyers d’hébergement ou des foyers occupationnels ? Quelles sont les parts affectées respectivement, dans ces 8 milliards d’euros, à la perte d’autonomie et au financement des établissements pour handicapés, notamment dans le cadre des programmes interdépartementaux d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie, les PRIAC ? J’aimerais obtenir des réponses aussi précises que possible sur ce point.
Enfin, je voudrais poser une question à Mme Morano.
Madame la secrétaire d’État, je vous avais interpellée, lors de votre audition par la commission des affaires sociales, sur la politique du Gouvernement en faveur des adolescents.
Les contrats « petite enfance » que signent les collectivités territoriales, notamment les intercommunalités, avec les caisses d’allocations familiales sont en voie de disparition. De nouveaux contrats vont s’y substituer, couvrant un champ bien plus large que celui de la petite enfance puisqu’ils concerneront les adolescents.
À mon sens, les adolescents constituent, au sein de notre société, la population de jeunes la plus fragile, celle qui doit bénéficier de l’encadrement le plus attentif, de la part tant de la famille, bien entendu, que de l’éducation nationale ou des intervenants sociaux.
Or, hier, au cours d’une réunion de l’exécutif de la communauté de communes que j’ai l’honneur de présider, a été évoquée la signature prochaine avec la CAF de ce nouveau contrat. Il nous a été indiqué que le soutien financier de la CAF serait très nettement inférieur à celui dont bénéficiait le contrat « petite enfance ».
Cela va à l’inverse de ce qu’il faudrait faire ! En effet, il convient d’investir massivement en faveur des jeunes adolescents, afin d’éviter que ceux-ci, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui, ne tombent dans la petite délinquance, ce dont pâtissent nos collectivités.
Tels sont les quelques points, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, sur lesquels je souhaitais obtenir des éclaircissements de votre part. Bien entendu, n’ayez aucune inquiétude quant au soutien du groupe de l’UMP : il vous est acquis d’avance ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Toutefois, ce n’est pas une raison pour ne pas répondre à nos questions ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)