Mme Françoise Laborde. À défaut, il reviendra à votre ministère d’assumer ces dépenses. Eh oui, monsieur le ministre, la pédagogie de qualité a un coût !
Sans revenir en détail sur l’ensemble des lignes budgétaires qui nous sont présentées aujourd’hui, je ne peux passer sous silence les nombreuses suppressions de poste ou leur non-renouvellement, ce qui, à moyen terme, revient au même.
Est-il raisonnable de justifier ces décisions par une vision partielle de l’évolution démographique ? En effet, ne croyez-vous pas que, si le nombre d’élèves est plus important aujourd’hui dans le premier degré, cela se répercutera directement sur le second degré dans les prochaines années ? Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi avez-vous décidé de stopper les concours de recrutement dans certaines disciplines ?
Dans la même logique, comment justifiez-vous la réduction drastique de 1 500 postes ? Cette décision conduit à une remise en cause directe de la pérennité du travail effectué par les nombreuses associations de proximité du mouvement d’éducation populaire, dont l’action complète celle de l’éducation nationale en assurant, notamment aux enfants des familles en difficulté, une ouverture à laquelle ils n’auraient pas accès dans le secteur privé en termes notamment d’accompagnement scolaire et d’activités périscolaires.
Vous affirmez de surcroît que le financement de ces associations doit désormais répondre à une logique de projet. Mais c’est déjà le cas depuis le début de l’année 2007, avec les conventions pluriannuelles d’objectifs !
Je terminerai mon analyse en évoquant le devenir des réseaux d’aide aux enfants en difficulté. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, le soutien scolaire ne peut pas remplacer la spécificité et la qualité du travail effectué par ces personnels spécialisés. Les 3 000 enseignants qui seront sédentarisés dans des classes ne pourront pas y tenir le rôle de référents au sein d’une équipe pédagogique, comme vous voulez nous le faire croire.
Avez-vous prévu que leur classe ait un effectif très réduit, au même titre qu’une classe d’intégration scolaire ? Peut-être avez-vous prévu, pour profiter au mieux de leurs nombreuses compétences, des classes « ghettos » de 28 élèves en difficulté ? Ou bien avez-vous envisagé, par mesure d’économie, leur retour pur et simple dans une classe banalisée ?
Comment justifiez-vous alors que ces personnels soient affectés à des classes standard, avec leurs bons et moins bons éléments, alors qu’ils ont obtenu leur spécialisation après une formation de plusieurs années financée par l’État ? Ce dernier aurait-il investi à fonds perdus ?
Qui s’occupera finalement des élèves en grande difficulté ? Qui accompagnera leurs familles ? Qui prendra le temps de créer le climat de confiance indispensable pour restaurer l’image de l’école et permettre les apprentissages ? Les centres médico-psycho-pédagogiques, avec leurs six mois d’attente, ou les professionnels du privé, n’auront pas la vision globale de la problématique et, en cette période de baisse du pouvoir d’achat, ils ne sont pas à la portée de tous.
Vous confirmez ainsi votre choix de valider l’école à plusieurs vitesses.
Mon collègue François Fortassin, ainsi que l’ensemble des membres du groupe RDSE partagent ces interrogations et une terrible incompréhension en la matière.
Nous rêvons tous d’un projet ambitieux pour l’éducation nationale ; cependant, rien ne nous oblige à légiférer dans la précipitation, comme vous nous invitez à le faire aujourd’hui.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous conditionnons notre vote à l’engagement de votre part de mener une évaluation régulière des réformes engagées, qui conduise à des ajustements, voire à des modifications, et ce pour le bien des élèves, en concertation avec les professionnels concernés et les parents. (Applaudissements sur les travées du groupe socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le ministre, je ne passerai pas en revue les différentes lignes budgétaires de la mission « Enseignement scolaire », mais je m’attacherai à quelques thèmes phares de la politique éducative que vous menez afin de mettre en exergue votre conception de l’école, sur laquelle le Parlement a, en définitive, peu d’occasion de se prononcer.
Nous avons ressenti très fortement sur le terrain que la communauté éducative a dépassé le stade de l’inquiétude et qu’elle finit par être écrasée sous le poids de ce qui lui tombe sur la tête et par un climat malsain, que votre gestion ministérielle a largement contribué à développer. À la gestion comptable de notre système scolaire, vous ajoutez la défiance et le mépris envers les enseignants, que vous attaquez dans leur identité professionnelle même.
En effet, c’est bien ce que véhiculent, même si vous vous en défendez, à la fois vos annonces intempestives et votre manière de faire. Votre méthode consiste à noyer la communauté éducative sous un flot de réformes et de déclarations tapageuses pour rendre les enseignants atones, pour segmenter la communauté éducative par des mesures sectorielles ciblées et pour essayer de saper à la base toute réaction collective organisée.
Même les rapporteurs spéciaux de la commission des finances s’y perdent et déplorent que la multiplication des annonces ministérielles puisse « nuire au bon suivi et au contrôle des crédits de la présente mission, qui constitue pourtant le premier poste de dépenses de l’État. Ces mesures, le plus souvent annoncées en cours d’année, ne font en effet généralement pas l’objet d’une présentation au sein des projets annuels de performances et leur impact budgétaire reste mal connu. »
Monsieur le ministre, vous ne pourrez vous dispenser encore longtemps d’un réel dialogue avec les représentants de la communauté éducative. Il est regrettable qu’il ait fallu une mobilisation forte, telle que celle du 20 novembre dernier, pour que vous sembliez faire marche arrière, en annonçant tout récemment être prêt à recevoir les syndicats. Il y a pourtant une méthode simple pour saisir l’état de l’opinion : savoir écouter et accepter d’entendre. C’est bien plus économique que de mobiliser 200 000 euros pour faire de la veille d’opinion, surtout en ces temps de crise, pendant lesquels le Gouvernement est très prompt à réduire la dépense publique sur des postes essentiels. Les enseignants auront peine à y voir autre chose qu’une provocation supplémentaire !
Le soutien individualisé devient l’axe central de votre politique éducative. En réalité, ce n’est qu’un paravent : il vous permet d’affirmer que vous vous mobilisez pour les élèves en difficulté et que vous leur offrez les conditions de la réussite. Mais ce qui se joue dans la classe, les situations d’apprentissage habituelles, ne sont, quant à elles, pas du tout remises en question.
Quant aux conditions de travail des élèves au quotidien, elles sont détériorées par une politique des ressources humaines strictement comptable, qui, avec le projet de loi de finances pour 2009, atteint son paroxysme. La sédentarisation ou banalisation de 3 000 emplois de maîtres E et G exerçant dans les RASED en est l’illustration frappante. C’est bien pourquoi la communauté éducative s’est mobilisée fortement contre cette mesure. Vous voulez faire croire que ces enseignants spécialisés seront plus efficaces s’ils sont chargés d’une classe. Mais comment pourront-ils faire du suivi individualisé en gérant quotidiennement une classe hétérogène d’une trentaine d’élèves ? Et comment pourront-ils également venir en appui à leurs collègues ?
Les professionnels des RASED eux-mêmes ont réalisé, grâce à une enquête de terrain, un bilan de leurs propres pratiques et fonctionnements, en vue d’optimiser le dispositif.
Au lieu d’utiliser ce travail, ce capital d’expériences, pour doter les RASED de conditions de fonctionnement réellement meilleures, vous allez casser complètement ces réseaux, car cette première tranche de suppression devrait être poursuivie en 2010 et 2011 pour aboutir, à terme, à la suppression de l’ensemble des 8 000 emplois exerçant au titre des RASED.
Si ce n’était que par souci d’économie, ce serait une erreur, mais nous sommes confrontés à la mise en application d’un parti pris idéologique fondé sur une conception restrictive de la « remédiation » scolaire, ce qui constitue à nos yeux une faute politique grave.
Déjà, dans des écoles maternelles franciliennes, qui comportent un fort taux d’enfants non francophones, les équipes enseignantes ont été informées que les élèves qui bénéficieraient des deux heures hebdomadaires d’accompagnement, ne pourraient pas parallèlement être pris en charge par les RASED. Monsieur le ministre, dans votre conception des choses, comme dans les faits, l’un remplace donc l’autre, ce qui revient à faire entrer dans le même moule difficulté scolaire et échec scolaire, à traiter pareillement deux situations différentes.
Le soutien scolaire individualisé, qui permet de revenir sur ce qui n’a pas été compris en classe, n’est pas de même nature et ne peut s’adresser aux mêmes publics. Traiter l’échec scolaire demande une prise en charge globale des élèves en grande difficulté par une équipe pluridisciplinaire, dans un cadre spécifique.
Vous créez ainsi les conditions pour laisser sur le bord du chemin les élèves qui ont décroché, parce que votre dispositif ne peut fonctionner que pour des élèves en difficultés passagères.
Pour les élèves qui sont en situation d’échec, ou de fait hors-jeu du système scolaire, nous avons besoin d’une palette de prises en charge différenciées par des personnels spécialisés pour leur permettre de se réapproprier l’école et de pouvoir entrer dans l’apprentissage. Sans cela, vos mesures renforceront le refus scolaire de ces enfants les plus éloignés du système, ceux qui ne saisissent pas le sens de l’école.
Nous considérons que c’est une faute politique grave. Tout miser sur des heures supplémentaires de soutien scolaire, c’est mettre les moyens sur les seuls élèves, certes en difficulté, mais les moins éloignés de l’apprentissage, pour essayer de faire du chiffrable le plus rapidement possible dans l’espoir de pouvoir afficher une légère baisse du taux d’élèves ne maîtrisant pas les apprentissages fondamentaux et justifier ainsi votre gestion. Et tant pis pour les autres, ce seront les victimes collatérales du quantifiable !
Ce faisant, c’est la conception même de l’école républicaine fondée sur l’éducabilité de chacun qui est remise en cause. C’est là que réside la faute politique grave.
Vous cassez également les fondements et les réseaux institutionnels de la réflexion et de la culture pédagogique, les instruments de l’innovation pédagogique, de l’adaptation des pratiques éducatives à des situations d’apprentissage de plus en plus complexes.
C’est le retour au seul face à face enseignant-enseigné, dans un souci de productivité de la classe, et l’affaiblissement du travail collectif dans le traitement de la grande difficulté scolaire. De quel dispositif, de quel soutien pourront disposer les enseignants démunis face à des situations difficiles ou à des cas complexes ? Ce qui se profile, c’est un véritable gâchis de compétence. Votre politique éducative tourne le dos à la généralisation des bonnes pratiques.
Pour ce qui concerne les rythmes scolaires, nous avions déjà la journée scolaire la plus longue du monde avec cinq heures et demie de temps pédagogique. Aucun enfant d’école primaire ne peut être attentif sur un temps journalier aussi long, même entrecoupé de pauses. Et vous l’augmentez encore en affectant les heures résultant de la suppression du samedi aux quatre jours restants pour le soutien scolaire ! Si l’objectif poursuivi avait été l’intérêt des enfants, la priorité n’aurait pas été donnée à la réorganisation de la semaine scolaire, mais à celle de la journée.
La première heure à huit heures trente, la mi-journée et le temps post-scolaire à partir de seize heures trente sont les périodes de la journée les moins propices aux activités pédagogiques. Ce sont pourtant sur ces deux dernières plages horaires qu’est majoritairement organisé le soutien scolaire. Est-ce pour le bien des enfants ?
Restons sur le premier degré.
L’école maternelle, initialement par le biais de la scolarisation précoce, fait l’objet depuis quelques mois d’une offensive généralisée de la part de la majorité gouvernementale : avec le rapport Tabarot tout d’abord, autour de l’idée de jardins d’éveil pour les deux-trois ans dans les structures existantes et les écoles maternelles, avec tarification en fonction des revenus, ce qui est considéré comme la première étape de la mise en œuvre du droit de garde opposable à partir de 2012 ; avec vos propos outrageants ensuite, monsieur le ministre, sur la pré-scolarisation et avec l’utilisation orientée du rapport de la Cour des comptes par M. Longuet.
Et n’oublions pas le rapport de nos collègues Monique Papon et Pierre Martin, qui plaide pour un nouveau service public d’accueil des jeunes enfants, dans la droite ligne du rapport Tabarot !
Tout cela, faut-il le préciser, n’est accompagné d’aucun bilan sérieux avec suivi de cohortes des classes adaptées à l’accueil des moins de trois ans : les dispositifs passerelles existants impulsés sous le gouvernement Jospin.
Tous ces éléments mis en perspective inquiètent grandement les acteurs de l’école maternelle, qui se demandent ce que leur prépare encore le Gouvernement. À quoi préparez-vous donc l’opinion publique, monsieur le ministre, à travers cette stratégie de communication tous azimuts contre la maternelle ?
J’en viens maintenant à la formation des enseignants, qui est l’un des derniers sujets passés à la moulinette de votre obsession réformatrice.
Je crois que, s’il existe un consensus sur les améliorations indispensables à la formation initiale actuelle, il porte sur la formation pratique, l’exigence accrue de professionnalisation, de mises en situation. Et que fait le Gouvernement ? Il supprime justement l’année de professionnalisation !
Les futurs enseignants ont besoin de plus de simultanéité entre le savoir d’un côté et la formation professionnelle de l’autre, d’allers-retours tout au long de leur parcours universitaire, et d’allers-retours progressifs : stages d’observation d’abord, de pratiques accompagnées ensuite, en responsabilité enfin, pour pouvoir mettre au fur et à mesure leur propre pratique en question et y apporter des réponses concrètes mobilisables en classe, au quotidien, tout en enrichissant leur pratique des apports de la recherche en éducation !
Sur ce sujet, pourtant essentiel, c’est le flou total. Dans la présentation de la charte signée avec les présidents d’université et les directeurs d’IUFM, il est fait mention de la possibilité de stages comme dans tout master. C’est totalement insuffisant. Mme Pécresse, lors de son audition devant la commission des affaires culturelles du Sénat, a évoqué l’idée d’une formation en alternance. Qu’en est-il en réalité ?
À nouveau, vous vous êtes engagé de manière tout à fait précipitée, et en dehors de toute concertation, sur un sujet capital pour l’avenir de notre pays pour aboutir à des solutions bancales, si ce n’est contre-productives. La formation des enseignants doit être conçue comme un continuum entre formation initiale et continue.
J’arrête là, car le temps me manque pour passer en revue toutes les annonces auxquelles vous vous êtes livré cette année, monsieur le ministre. Vous l’aurez compris, le groupe socialiste votera résolument contre les crédits de la mission « Enseignement scolaire », parce qu’ils portent une vision de l’école que nous refusons. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2009 traduisent les priorités du Gouvernement dans le secteur de l’éducation. Ils s’inscrivent dans un contexte de réforme particulièrement marqué, qui répond aux deux priorités que vous vous êtes fixées : l’amélioration des résultats de notre système éducatif et la mise en place de dispositifs nouveaux pour les élèves afin de combattre et de réduire l’échec scolaire, qui reste l’une des faiblesses de notre école. C’est bien de manière structurelle qu’il faut s’atteler à cette tâche.
La stabilité budgétaire de cette mission, qui demeure le premier budget de l’État, avec près de 60 milliards d’euros, est à noter dans un contexte particulièrement difficile de nécessaire maîtrise des comptes publics. Elle traduit l’importance que notre pays accorde à l’école, et ces dépenses doivent être considérées comme un investissement pour l’avenir.
Cet effort financier permet en outre – c’est un point que je tiens à souligner – de préserver la qualité du taux d’encadrement et de présence des enseignants dans les classes compte tenu de la baisse des effectifs scolaires. Ce qu’on appelle le « face à face » pédagogique progressera même dans l’enseignement primaire grâce à l’ouverture de 500 classes supplémentaires.
Sur cette question particulièrement sensible de la baisse des effectifs enseignants, on ne saurait appliquer dans le système éducatif une logique purement comptable, au moment où l’on fait de la lutte contre l’échec scolaire la priorité. À cet égard, si nous approuvons les objectifs que vous fixez à la politique éducative – généralisation de l’accompagnement éducatif et du soutien personnalisé, poursuite des efforts engagés en vue de la scolarisation des enfants handicapés, et dieu sait s’il y a à faire dans ce domaine ! – et les moyens qui leur sont alloués, nous souhaitons néanmoins évoquer le sort des RASED.
En effet, je m’interroge sur la réforme prévue dans ce budget de la sédentarisation de 3 000 postes affectés aux RASED. Il a beaucoup été question de ce sujet ces dernières semaines ; plusieurs intervenants l’ont évoqué à la tribune ce matin.
La décision d’affecter 3 000 enseignants des réseaux d’aide et de soutien aux élèves en difficulté dans des écoles sur les 11 000 postes existants suscite des inquiétudes légitimes de la part des sénateurs de mon groupe. Chacun d’entre nous s’est tellement investi localement qu’il a été directement et à juste titre interpellé. La crainte est qu’« un affaiblissement de ces équipes constituerait un grave préjudice pour les élèves en grande difficulté », comme l’ont dit les inspecteurs de l’éducation nationale.
Comme cela a déjà été rappelé, les RASED ont pour mission de fournir des aides spécialisées à des élèves en difficulté dans les classes ordinaires des écoles primaires, à la demande des enseignants de ces classes, dans ces classes ou hors de ces classes.
J’ai bien entendu les arguments que vous avez avancés en commission, monsieur le ministre : les nouveaux dispositifs de soutien scolaire mis en place à l’école primaire, l’inadaptation de l’action des RASED ou le recentrage de leur action sur les écoles en zone difficile, ce qui peut d’ailleurs être justifié. Pour autant, les inquiétudes demeurent, notamment en ce qui concerne les élèves des autres écoles. En effet, aucun bilan de leur action n’a été effectué avant de prendre cette décision.
Les enseignants spécialisés des RASED, de par leurs compétences et leurs formations, ont de vraies dispositions dans le repérage et le traitement des difficultés scolaires. Celles-ci ne sont pas uniquement concentrées sur certaines écoles, elles peuvent aussi, et c’est souvent le cas, être liées à des difficultés psychologiques ou sociales.
Il me semble donc que les missions qu’ils remplissent, centrées sur des enfants aux difficultés scolaires beaucoup plus profondes que de simples difficultés d’apprentissage, sont utiles et ne peuvent être traitées par des enseignants sans formation spécifique.
S’il m’a semblé utile de rappeler les priorités du Gouvernement en matière scolaire, c’est parce que le nombre de réformes annoncées ou mises en œuvre en 2008 est élevé. Ce rythme peut parfois donner le tournis, notamment aux enseignants et aux parents, qui ont du mal à s’y retrouver.
On ne saurait trop insister sur la nécessaire concertation. Il faut faire œuvre de pédagogie afin que les réformes soient comprises et acceptées par les personnels enseignants, les parents ou les élus qui sont mis à contribution dans leur mise en œuvre. Je reviendrai tout à l’heure sur ce point pour ce qui concerne les élus locaux.
Ainsi, la réforme des lycées nous semble aller dans le bon sens, notamment en ce qui concerne les rythmes scolaires et le recentrage des enseignements sur les connaissances fondamentales. Mais j’appelle votre attention, monsieur le ministre, sur l’inquiétude des enseignants et des parents au sujet des modalités pratiques de mise en œuvre, dès la prochaine rentrée scolaire, de l’organisation de la seconde en semestres et en modules, telle que vous nous l’avez d’ailleurs présentée en commission.
Parmi les actions prioritaires du Gouvernement, je souhaite maintenant m’arrêter un instant sur les mesures de revalorisation du métier d’enseignant, dont on voit la traduction dans ce projet de budget.
Nous savons tous en effet que les débuts de carrière de nos jeunes enseignants sont difficiles. C’est pourquoi la création d’une prime d’entrée dans les métiers de l’enseignement, de l’éducation et de l’orientation d’un montant de 1 500 euros est particulièrement bienvenue.
Dans la même logique, l’annonce récente par le ministre d’un prêt immobilier à taux zéro dont bénéficieraient les professeurs qui obtiennent une mutation me semble une excellente mesure.
C’est également dans cette logique qu’a été créée une prime spéciale de 500 euros liée aux heures supplémentaires pour les enseignants qui assurent au moins trois heures supplémentaires hebdomadaires dans l’enseignement secondaire. En complément de mesures renforçant l’attractivité des heures supplémentaires, cette prime vient valoriser les enseignants qui s’investissent particulièrement dans leur métier.
Ces différentes mesures permettent d’augmenter substantiellement le pouvoir d’achat des enseignants, notamment de ceux qui sont en début de carrière. Elles participent à l’amélioration de leur situation matérielle et morale et contribuent à une meilleure reconnaissance de leur métier. Nous ne pouvons donc qu’y être favorables.
Ces mesures ont pour corollaire la question de la formation initiale et continue des enseignants, qui est l’une des questions les plus importantes pour l’avenir du métier.
Lors de l’examen du projet de loi sur l’école, j’avais insisté sur la nécessité de profiter du renouvellement sans précédent des personnels enseignants pour traiter la question de leur formation. La commission présidée par Marcel Pochard sur la redéfinition du métier d’enseignant a engagé ce chantier.
Une première étape a été enclenchée avec la réforme du recrutement et de la formation des futurs enseignants, qui entrera en vigueur en 2010.
L’intégration des IUFM aux universités, prévue par la loi sur l’école de 2005, doit permettre de mieux recruter et de mieux préparer les futurs enseignants. Il faut en effet favoriser le plus en amont possible la présence des futurs enseignants dans les classes et les établissements pour les préparer au mieux aux réalités du terrain.
Tel est, si j’ai bien compris, l’objectif de cette réforme. Il est en effet important que, dès leur première année d’exercice, les lauréats des nouveaux concours soient mis en situation d’enseignement à temps plein avec l’aide et le soutien des professeurs expérimentés, comme vous l’avez évoqué, monsieur le ministre.
Il ne faut pas non plus oublier de repenser la formation continue, élément indispensable pour s’adapter à un monde qui bouge. Les enseignants doivent pouvoir enrichir constamment leur pratique pédagogique.
Il faut enfin réfléchir aux possibilités d’évolution ou de reconversion pour les enseignants « usés » par des années d’enseignement. Il faut leur permettre de s’ouvrir à de nouvelles perspectives en offrant à ceux qui le souhaitent de nouvelles missions et en jetant des passerelles vers d’autres métiers.
Je veux terminer mon propos sur les difficultés qu’éprouvent les collectivités locales à mettre en œuvre les décisions prises par le ministère. Je pense à la suppression de l’école le samedi matin et au service minimum d’accueil en cas de grève.
Lors de l’examen de ce projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, les sénateurs, en prise direct avec les élus locaux et les réalités du terrain, ont insisté sur les difficultés juridiques et pratiques que poserait ce texte, notamment en milieu rural.
Les maires revendiquaient et revendiquent toujours plus de souplesse et de garanties dans la mise en place de ce dispositif, certes attendu par les familles, mais particulièrement difficile à mettre en œuvre, notamment pour l’organisation de l’accueil des élèves dans leurs communes. Ils ont du mal à accepter ce dégagement de la responsabilité de l’État sur leurs communes alors qu’ils estiment déjà assumer leurs responsabilités. Aussi, nous vous demandons de prendre en compte la réalité des petites communes qui n’auraient pas le personnel nécessaire et qualifié pour assurer ce service. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit lors de la dernière grève.
Chacun aura entendu le Président de la République dans son discours de clôture du congrès des maires annonçant des assouplissements possibles de la loi instaurant ce service minimum, notamment pour les petites communes. Le Président de la République a ainsi tenu compte des difficultés rencontrées par les communes et fait un pas en direction des maires.
En expliquant que l’on « ne peut pas demander la même obligation au maire d’un secteur rural » qu’aux maires des grandes villes, il a répondu aux interrogations des maires, choqués de voir leurs collègues traînés devant les tribunaux par les préfets, non parce qu’ils ne veulent pas appliquer la loi, mais parce qu’ils ne le peuvent pas faute de moyens humains mobilisables.
Le groupe centriste attend donc avec impatience des aménagements à cette loi pour les communes rurales et sera attentif, comme il l’a été lors de l’examen du projet de loi, à celles que vous proposerez, monsieur le ministre. M. Yves Détraigne interviendra d’ailleurs à ce sujet tout à l’heure. En attendant, peut-être pouvez-vous nous indiquer les pistes sur lesquelles vous travaillez. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, avant que Xavier Darcos ne prenne la parole, je suis heureux d’intervenir brièvement, en écho à vos réflexions, à vos interrogations, mais aussi à vos critiques sur le secteur de l’enseignement agricole, les maisons familiales et rurales, les collèges et lycées agricoles, dont j’ai l’honneur d’avoir la responsabilité.
M. René-Pierre Signé. L’enseignement agricole qui devrait être rattaché à l’éducation nationale…
M. Michel Barnier, ministre. J’en reparlerai d’ailleurs ce soir, en vous présentant le projet de budget de mon ministère pour 2009. J’ai la conviction que ce qui se fait avec intelligence, avec ouverture, avec modernité dans l’ensemble de notre enseignement agricole constitue l’un des fondements du modèle d’agriculture et de pêche durables auquel nous travaillons, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le budget de l’enseignement agricole représente, en autorisations d’engagement, 25 % des crédits de mon ministère. Il en constituait 17,78 % en 2006. Depuis mon arrivée, voilà dix-huit mois, à la tête de cette administration, j’ai constamment soutenu la place du programme 143 « Enseignement technique agricole » dans les crédits budgétaires.
Pour 2009, la dotation de ce programme – y compris les crédits du titre 2 – est en augmentation de 0,4 %, soit 4,7 millions d’euros en crédits de paiement. Cette augmentation est d’autant plus significative que la classe d’âge est en diminution.
S’agissant de l’enseignement technique agricole, les moyens de l’enseignement public seront confortés, en particulier afin d’augmenter le nombre d’assistants d’éducation dans les établissements – plus 1,7 million d’euros en 2009 – et de lancer un programme de travaux de mise aux normes des lycées des collectivités d’outre-mer et du Centre d’enseignement zootechnique de Rambouillet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais souligner, dans cette brève intervention, que je continuerai de veiller à l’équilibre entre les différentes formes d’enseignement.
Il reste, bien sûr, des difficultés, des insuffisances, des besoins que vous avez rappelés, les uns et les autres. Nous pourrions aller plus loin. J’ai entendu vos remarques et vos attentes. Mais, je vous le dis franchement, nous sommes entre élus responsables : mon ministère prend sa part de l’engagement national de maîtrise des dépenses publiques.
Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2009 nous permet de répondre aux priorités, de conforter l’enseignement agricole dans ses missions de développement et d’animation des territoires, d’insertion sociale et professionnelle.
Je veillerai, dans les quelques regroupements indispensables, à maintenir la capacité de formation de l’enseignement sur tous les territoires. Ces mutualisations seront objectivement conduites en concertation avec les acteurs locaux.
Enfin, ce budget nous permet d’envisager sérieusement le futur. Le futur, ce sont les orientations qui viennent d’être fixées dans le cinquième schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole, que j’ai présenté le 7 octobre dernier. Vous me permettrez, à ce titre, de remercier Mme Françoise Férat, qui a réalisé, avec la ténacité, la vigilance et la franchise que nous lui connaissons, un travail compétent et passionné qui a été unanimement salué. C’est d’ailleurs ce schéma, auquel elle a beaucoup contribué, qui fixe la feuille de route de notre enseignement agricole pour les prochaines années. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)