Article 82
La loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa du I de l’article 12 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À partir du 1er janvier 2009, le montant de l’exonération décroît de manière linéaire lorsque la rémunération horaire est supérieure au salaire minimum de croissance majoré de 40 % et devient nul lorsque la rémunération horaire est égale à 2,4 fois le salaire minimum de croissance du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 inclus, à 2,2 fois le salaire minimum de croissance du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 inclus, et à 2 fois le salaire minimum de croissance à partir du 1er janvier 2011. » ;
2° Au premier alinéa du II bis du même article 12, la date : « 1er janvier 2009 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2011 ».
3° Le V bis du même article 12 est abrogé ;
4° Au V quinquies du même article 12, les mots : « et aux deuxième et troisième alinéas du III » sont supprimés ;
5° La dernière phrase du septième alinéa de l’article 12-1 est supprimée ;
6° La dernière phrase du premier alinéa et le second alinéa du I de l’article 14 sont supprimés.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.
Mme Odette Terrade. Mon intervention sur cet article vaudra explication de vote sur les amendements de suppression déposés par la commission des finances et les commissions saisies pour avis, que nous ne voterons pas.
L’article 82 porte sur la question de l’entourage fiscal qui préside à la mise en œuvre de la politique de la ville.
Il s’agit, si l’on suit le Gouvernement, de procéder à la mise en déclin de la dépense fiscale liée à l’existence de zones franches urbaines.
Les dispositifs incitatifs, marqués par des exonérations fiscales et sociales, ont, de longue date, été présentés comme le moyen essentiel d’aider au développement économique des quartiers en difficulté, notamment dans les zones franches urbaines.
L’état de la dépense fiscale attachée à ces dispositifs est ainsi résumé par l’évaluation des voies et moyens.
Le régime de l’article 44 octies, relatif aux zones franches urbaines de première génération, concerne environ 16 000 entreprises qui bénéficient, en moyenne, d’environ 10 000 euros de remise d’impôt.
Le régime de l’article 44 octies A, relatif aux zones franches de seconde génération, porte, quant à lui, sur moins de 4 000 entreprises, et coûte environ 35 millions d’euros au budget général.
S’agissant des exonérations de cotisations sociales, visées expressément par cet article, elles s’élèvent, selon les éléments disponibles, à un peu moins de 340 millions d’euros.
Cette logique d’incitation fiscale et sociale est donc remise en cause. L’objectif du Gouvernement est, si l’on en croit le rapport, de dégager une économie budgétaire de 100 millions d’euros, économie sur la pertinence de laquelle nous nous interrogeons.
Nous n’avons jamais été des partisans acharnés, loin s’en faut, de la pratique des incitations fiscales et sociales pour aider au développement des petites et moyennes entreprises, ne serait-ce que parce qu’il y a belle lurette que les grands groupes ont su adapter la configuration de leur présence sur le territoire pour percevoir le bénéfice de ces dispositifs.
Il n’est pas essentiel qu’un artisan ou qu’une jeune entreprise de service, comptant de un à trois salariés soit dispensé de payer l’impôt sur le revenu, celui sur les sociétés ou quelques centaines d’euros au titre des cotisations sociales. De notre point de vue, il est bien plus important qu’il bénéficie d’un véritable accès au crédit bancaire, que ses projets soient véritablement soutenus par des engagements financiers précis des banques et des organismes de crédit en général.
S’agissant des exonérations sociales et fiscales, comment ne pas souligner que les enseignes de restauration rapide, qui sont autant de réseaux de petites et moyennes entreprises, bénéficient davantage de ces dispositifs que les artisans de nos quartiers ?
Si l’article 82 a pour objet d’économiser 100 millions d’euros pour une inavouable raison de régulation budgétaire de la même teneur que celles qui figurent dans les crédits de la mission, ce n’est pas un bon article.
S’il est l’illustration d’un changement de priorité, faisant de la facilitation de l’accès au crédit la priorité des priorités de l’action de l’État, ce peut être l’affirmation d’une évolution intéressante. Je crains cependant que ce ne soit pas le cas et que, par cet article, madame la ministre, vous n’ajoutiez encore le tribut de la politique de la ville à la réduction du déficit !
Les habitants des quartiers sensibles qui, eux, paient l’impôt sur le revenu, la TVA ou les impôts locaux, ont aussi des comptes bancaires. Il serait peut-être temps que l’argent qu’ils y déposent serve enfin à développer l’activité économique dans leur quartier.
En tout cas, cet article 82 montre que nous ne devons pas en rester au statu quo, comme nous y invitent les amendements de suppression. Mais, pour autant, nous ne devons pas sacrifier le devenir des quartiers sur l’autel de la régulation budgétaire.
Nous voterons contre les amendements de suppression, mais aussi, pour les motifs ci-dessus évoqués, contre l’article 82.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Le présent article a pour objet de « recentrer les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires » dans les ZFU par une profonde modification du dispositif qui avait été confirmé par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.
Le paragraphe III, quant à lui, vise à supprimer le mécanisme de la « sortie en sifflet » en trois ans ou en neuf ans.
Ces modifications ont essentiellement pour objet de générer, selon vos estimations, une économie de 100 millions d’euros, qui se répartiraient de la manière suivante : 70 millions d’euros au titre du plafonnement des exonérations et 30 millions d’euros au titre de la suppression de la sortie progressive.
Le coût des exonérations de charges sociales en ZFU serait ainsi ramené à 239 millions d’euros en 2009.
Si l’on ne peut qu’être favorable à la recherche d’économies par la suppression de dispositifs jugés inefficaces et coûteux, le choix que fait le Gouvernement de concentrer les allègements de charge sur les bas salaires est contre-productif.
Nous sommes convaincus que ces allégements de charges ont un effet négatif sur les salaires. En effet, pourquoi mieux rémunérer le travail si l’entreprise, de ce fait, vient à perdre le bénéfice de l’allégement ?
Nous sommes consternés de constater que la défiscalisation dans les ZUS est parfois détournée de son objet : certaines entreprises n’y installent que des boîtes aux lettres et en profitent pour bénéficier des avantages ; d’autres s’y installent, mais ne recrutent que des salariés n’habitant pas sur place ; enfin, certaines ne consentent à y créer que des emplois peu qualifiés.
Cela n’est pas sans conséquences pour les habitants de ces territoires. Selon le tout récent rapport de l’ONZUS, entre 2004 et 2007, on constate une précarisation accrue des emplois occupés par les habitants des ZUS ainsi qu’une extension du temps partiel, souvent subi.
Ainsi, si l’on se penche sur le cas des salariés masculins, on note que, dans les ZUS, la part des bas salaires a progressé de trois points, alors qu’elle est restée stable pour les autres salariés masculins des mêmes villes.
Certes, les ZFU n’ont pas permis de répondre aux attentes des habitants et n’ont pas joué pleinement le rôle de levier espéré pour les territoires ciblés. Malheureusement, votre proposition n’est pas non plus à la hauteur des enjeux. Elle n’apporte rien et risque de détruire le peu qui fonctionne.
Dans ces zones, les besoins sont toujours aussi criants, l’exclusion se développe, le chômage augmente, et vous n’abordez ces questions qu’en termes comptables.
De telles économies, qui sont finalement dérisoires face aux graves ponctions réalisées sur les crédits de la mission « Ville et logement », risquent d’avoir des conséquences encore plus graves pour nos territoires, en mettant en péril certaines entreprises, notamment les plus petites.
Plutôt que de modifier brutalement et sans concertation le système, pénalisant ainsi tant les entreprises que les salariés, il vaudrait mieux admettre qu’un dispositif fiscal ne peut pas à lui seul régler le problème de l’emploi dans les zones urbaines sensibles, les ZUS.
Ce sont les fondements même du dispositif global des zones franches urbaines qu’il conviendrait de revoir, en s’appuyant sur les véritables ressources de ces territoires, c'est-à-dire sur leur richesse humaine. Il est temps de replacer la personne au cœur des mesures prises en direction des ZFU.
Une partie des élus des zones urbaines – je parle surtout des zones franciliennes, parce que c’est la région que je connais le mieux, mais c’est sans doute également le cas ailleurs – demandent depuis longtemps l’application d’un dispositif fondé sur l’origine géographique du salarié. L’entreprise qui engagerait un salarié issu d’une zone urbaine sensible bénéficierait ainsi d’aides dès le premier emploi. En vous inspirant de cette proposition, vous feriez d’une pierre deux coups. D’une part, vous pourriez susciter des embauches. D’autre part, vous pourriez créer ce petit avantage comparatif qui fait tant défaut aux jeunes de banlieues aujourd'hui.
Passer des aides aux territoires aux aides à la personne et doter de capital public ceux qui n’ont pas de capital privé seraient des solutions fécondes pour répondre aux difficultés des personnes concernées.
Vous ne pouvez pas l’ignorer, la situation dans nos banlieues s’aggrave. Rien ne doit être négligé pour permettre l’accès à l’emploi du plus grand nombre. Or l’article 82 ne prend pas cet impératif en compte.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les cinq premiers sont identiques.
L'amendement n° II-39 est présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-105 est présenté par MM. P. André et Repentin, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° II-153 rectifié bis est présenté par MM. J.C. Gaudin, Gilles, Alduy, Dufaut et Juilhard, Mlle Joissains et MM. J.P. Fournier et Braye.
L'amendement n° II-179 est présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° II-201 est présenté par MM. Repentin et Guérini, Mme Ghali, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-39.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Monsieur le président, madame le ministre, madame la secrétaire d'État, il me revient d’« ouvrir le feu » sur l’article 82. (Sourires.)
Certes, le même avis semble largement partagé sur l’ensemble des travées de l’hémicycle, même si j’ai eu un peu de mal à suivre les argumentations de Mme Le Texier. Ma chère collègue, je n’ai pas bien compris si vous étiez pour ou contre les ZFU.
Mme Raymonde Le Texier. Je suis pour des ZFU qui marchent !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Vous critiquez les zones franches urbaines, tout en souhaitant supprimer l’article 82, qui vise lui-même à supprimer ce dispositif. J’avoue que j’ai un peu de mal à comprendre.
Mme Raymonde Le Texier. Ne faites pas semblant ! Vous avez très bien compris !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Quoi qu’il en soit, le principal, c’est tout de même que vous votiez les amendements identiques tendant à supprimer l’article 82.
J’ai déjà expliqué la position de la commission des finances dans la discussion générale.
Aujourd'hui, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, l’ONZUS, reconnaît l’apport des ZFU. Voilà deux ans, nous en avons augmenté le nombre, ce qui a permis l’installation d’entreprises.
D’ailleurs, en 2006, lorsqu’une zone franche urbaine a été créée à Neuilly-sur-Marne, je n’ai pas entendu notre collègue Jacques Mahéas, le maire de la ville, venir s’en plaindre. Je serais donc très étonné qu’il ne reconnaisse pas les avantages du dispositif. Pour ma part, j’ai rencontré le président de l’association des industriels de cette ZFU et je peux attester que ses collègues et lui souhaitent vivement conserver le bénéfice de telles exonérations.
Je n’ai pas l’intention de me lancer dans une longue plaidoirie, mais je crois qu’il serait effectivement plus raisonnable de supprimer l’article 82, madame la ministre.
Le Président de la République vient d’annoncer des diminutions de charges à hauteur de 700 millions d’euros. Nous pouvons donc très bien trouver les 70 millions d’euros nécessaires pour conserver les exonérations sociales et fiscales des ZFU. En outre, face au problème des 30 millions d’euros de « sortie en sifflet », le Gouvernement avait déposé un amendement pour maintenir le dispositif. En clair, le compte y est.
C'est la raison pour laquelle nous pouvons tous, me semble-t-il, voter la suppression de l’article 82.
M. le président. La parole est à M. Pierre André, pour présenter l'amendement n° II-105.
M. Pierre André. Madame la secrétaire d’État, vous avez commencé votre intervention en soulignant que la politique de la ville avait besoin de lisibilité. Vous avez raison. Le Sénat, lui, a toujours affirmé que cette politique avait également besoin de continuité.
Je ne sais pas quelle est la « malédiction » qui frappe les zones franches urbaines, mais il y a un réel problème.
Lancée en 1995 par Jean-Claude Gaudin et Alain Juppé, la politique des ZFU constituait le troisième pilier de la politique économique. En effet, pour nous, la politique économique, c’est la rénovation urbaine, qui est aujourd'hui en train de réussir, car les acteurs en ont la volonté. À cela s’ajoute la cohésion sociale. C’est le sens de l’action que vous menez dans le cadre du plan Espoir Banlieues, madame la secrétaire d’État. Je tiens à vous féliciter pour ce qui se passe sur le terrain.
Mais, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, vous avez toutes les deux oublié l’un des volets les plus importants, celui du développement économique. Nous ne ferons rien dans nos quartiers en difficulté s’il n’y a pas de développement économique et si nous nous contentons de salaires de bas niveau.
Nous voulons rendre l’excellence dans les quartiers. C'est la raison pour laquelle je demande la suppression de l’article 82.
Si j’évoquais tout à l’heure une « malédiction », je me réjouis tout de même que nos collègues socialistes se soient convertis aux zones franches urbaines.
En effet, la première à avoir demandé la suppression des ZFU en 1997, c’est Mme Martine Aubry. (Sourires sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Mais il est vrai qu’elle a changé d’avis depuis son arrivée à la mairie de Lille, où il y a une zone franche urbaine.
Chargé par la commission des affaires économiques de rédiger un rapport d’information sur le bilan des zones franches urbaines, j’ai découvert, à ma grande stupéfaction, que lorsque Mme Aubry était au gouvernement, elle avait commandé un rapport à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, pour démontrer que les ZFU n’avaient permis la création d’aucun emploi. À cette époque, l’ONZUS n’existait pas. Et le Commissaire européen en charge de ce dossier m’a fait part de sa surprise de voir des parlementaires s’intéresser à un système totalement rejeté par le gouvernement français !
Il a fallu attendre 2002 pour que le Président de la République, Jacques Chirac, conformément à ses engagements électoraux, décide de relancer les zones franches urbaines. À partir de 2003, nous avons lancé de nouvelles générations de ZFU avec Jean-Louis Borloo. Nous pouvons, me semble-t-il, nous en réjouir.
Aujourd'hui, il y a 125 000 emplois dans les zones franches urbaines, c'est-à-dire dans les quartiers en difficulté. Lors de l’élaboration des rapports sur la politique de la ville ou les ZFU que j’ai été amené à rédiger, je n’ai jamais entendu un maire nier que ce dispositif soit un facteur de développement économique dans sa commune.
Dans le cadre de la mission d’information sur les zones franches urbaines, j’ai rencontré Mme Aubry, qui m’a déclaré considérer les ZFU comme la réussite la plus sûre en matière de politique de la ville. Voilà ce qu’elle m’a dit.
Aujourd'hui, sur toutes les travées, nous nous accordons, me semble-t-il, pour estimer que les zones franches urbaines sont une chance pour nos quartiers. Alors ne la laissons pas passer !
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, je ne vois pas l’intérêt de réaliser des économies de bouts de chandelle aujourd'hui si c’est pour devoir dépenser plus au titre de l’indemnisation des chômeurs demain.
Soyons raisonnables ! Compte tenu de ce qui vient d’être annoncé par le Président de la République, nous ne sommes plus à 60 millions d’euros près. (Mme Samia Ghali et M. Thierry Repentin applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour présenter l'amendement n° II-153 rectifié bis.
M. Dominique Braye. Je présente cet amendement tendant à la suppression de l’article 82 à la demande de plusieurs de nos collègues, tous élus de terrain dans des villes ayant des quartiers défavorisés et bénéficiant du dispositif ZFU depuis 1997, date de sa création. Je pense notamment à notre collègue Jean-Claude Gaudin, qui, en plus d’être vice-président du Sénat, conduit les destinées de la seule ville de France, à ma connaissance, à avoir deux zones franches urbaines.
Tous ces collègues ont un point commun. Ils partagent totalement la volonté du Gouvernement de réformer notre pays en profondeur, et rapidement, et de diminuer la dépense publique.
Pour autant, ces élus estiment également que, si des économies sont nécessaires, elles ne doivent pas être réalisées n’importe comment. Comme vient de le rappeler mon collègue et ami Pierre André, il ne faut pas choisir des économies qui entraîneraient des dépenses beaucoup plus importantes, sans compter les conséquences sociales et humaines dramatiques qui en résulteraient obligatoirement.
Quel est l’objet de l’article 82 ? Tout simplement de revenir sur le régime des exonérations dont bénéficient les petites entreprises installées dans les soixante-dix-neuf zones franches urbaines créées depuis 1997, et ce en reniant les promesses et les engagements de l’État vis-à-vis des jeunes entreprises concernées, qui sont les plus fragiles, car elles sont installées dans les quartiers les plus défavorisés de notre pays.
Je voudrais simplement rappeler quelques chiffres, en prenant deux villes en exemple.
D’une part, j’évoquerai le cas de Marseille, la ville de notre collègue Jean-Claude Gaudin, qui était – Pierre André l’a rappelé – ministre de l’aménagement du territoire, de la ville et de l’intégration en 1996 et, à ce titre, à l’origine des zones franches urbaines.
D’autre part, et vous le comprendrez bien, madame la ministre, car cette ville vous est également chère, en tant que première vice-présidente du conseil général des Yvelines, je mentionnerai également Mantes-la-Jolie. Cette ville, au centre de la communauté d’agglomération que j’ai l’honneur et le plaisir de présider, a sur son territoire la plus grande ZUP de France.
Mes chers collègues, entre 1997 et 2007, le dispositif zones franches urbaines a permis de créer 2 797 entreprises et près de 13 000 emplois à Marseille. À Mantes-la-Jolie, en dix ans, cette politique a permis la création de 211 entreprises et de près de 1 200 emplois privés.
Dans des quartiers défavorisés où le taux de chômage est le double, voire le triple, de la moyenne départementale et où le chômage des jeunes atteint parfois 40 %, de tels chiffres sont tout à fait considérables. Mais là n’est peut-être pas le plus important.
Le plus important, c’est peut-être que le retour de l’activité à l’intérieur de ces quartiers a permis de rétablir une certaine normalité. Ainsi, un commerçant du Val-Fourré m’a confié revoir enfin dans son quartier ce qui avait disparu depuis dix ans : des hommes avec une cravate et un attaché-case !
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous poser quelques questions. Naturellement, ce n’est pas vous personnellement que j’interpelle : je connais votre fibre sociale à toutes les deux. Mais je sais aussi les contraintes qui s’imposent souvent aux ministres. À travers vous, c’est donc le Gouvernement que je souhaite placer en face de ses responsabilités.
Avez-vous pensé, en nous proposant la disparition des exonérations accordées aux entreprises installées dans les ZFU, au nombre d’entreprises que vous allez faire disparaître, et ce en revenant sur la parole donnée par l’État à ces jeunes chefs d’entreprise ? Est-ce ce message que vous voulez lancer à ces quartiers encore extrêmement fragiles, qui commencent aujourd'hui à être cruellement touchés par la crise économique actuelle ?
Avez-vous simplement pensé à la responsabilité qui serait la vôtre si vous allumiez l’étincelle qui enflammera une nouvelle fois ces quartiers ? Nous le sentons bien, en raison de la crise économique, la situation y est déjà très tendue.
D’ailleurs, votre proposition est-elle cohérente avec le discours du chef de l’État, qui affirme vouloir tout faire pour aider les PME et les PMI ?
Avez-vous oublié les efforts déployés en 1996 par le gouvernement de l’époque auprès des instances européennes pour faire accepter un dispositif aujourd'hui plébiscité par tous les élus qui l’ont mis en place, car il a changé la vie des quartiers ?
Avez-vous tout simplement évalué le coût d’une telle décision pour notre pays ? En voulant économiser 100 millions d’euros, vous allez provoquer des faillites d’entreprises en cascade, des drames humains et sociaux dont nos quartiers sensibles n’ont nullement besoin en ce moment. Comme l’a souligné Pierre André, le coût qui en résultera sera sans commune mesure avec la petite économie que vous souhaitez réaliser.
Au moment où le Président de la République vient d’annoncer son plan de relance de l’économie, est-il cohérent et utile de supprimer des mesures qui ont fait la preuve de leur efficacité et de prendre des décisions qui vont faire mourir nombre de jeunes entreprises ?
Et puis est-il de bon sens de supprimer un dispositif alors qu’une enquête est lancée par la délégation interministérielle à la ville sur l’évaluation des résultats des zones franches urbaines ? Certes, ce n’est pas la première fois qu’on prendra une décision sans connaître les conclusions des rapports réalisés sur le sujet…
Mes chers collègues, notre responsabilité, ce soir, est grande. Comme je le disais au début de mon propos, si nous devons aider le Gouvernement dans sa volonté de réformer notre pays et diminuer la dépense publique, nous ne devons pas suivre ses propositions quand il est aussi évident que la voie n’est pas la bonne.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, je crois qu’il est très important de supprimer cet article 82, et je vous fais totalement confiance pour que, d’ici à la commission mixte paritaire, dans le cadre du plan de relance annoncé par le Président de la République aujourd'hui même à Douai, vous trouviez la solution qui permette de respecter la parole de l'État et de soutenir les petites et moyennes entreprises les plus fragiles situées dans les zones franches urbaines des quartiers sensibles de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour présenter l'amendement n° II-179.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis. Je serai bref, les intervenants précédents ayant excellemment démontré que l’article 82 était une erreur.
Lorsque les choses sont aussi claires, il me semble que c’est rendre un service au Gouvernement que de l’empêcher de se tromper ! (Sourires.)
J’insisterai simplement sur ce qui me semble le plus important.
Comme notre collègue Dominique Braye vient de le souligner, les zones franches urbaines sont des zones fragiles. Les chefs d’entreprise qui y investissent sont courageux. Ils ont pris des risques, parce que l'État leur a promis son soutien.
Par conséquent, nous n’avons pas le droit de nous défausser unilatéralement et, soudainement, de trahir leur confiance, ainsi que celle des populations déjà vulnérables, qui comptent sur l'État, aujourd'hui sans doute plus qu’hier.
C’est pourquoi, au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression, qui a été soutenu à l’unanimité par la commission. (M. le rapporteur spécial applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° II-201.
Mme Raymonde Le Texier. Je vais essayer d’être plus claire pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Je suis bien sûr favorable aux ZFU, à leur maintien et à leur extension. Je voulais simplement insister tout à l'heure sur le fait qu’il serait intéressant de trouver le moyen d’inciter les entreprises concernées à faire un effort pour embaucher davantage de personnes habitant les quartiers où sont implantées ces ZFU.
S’agissant de l’amendement de suppression de l’article 82, je ne m’étendrai pas, les plaidoyers précédents ayant été brillants.
Vous nous proposez de supprimer sans délai de précaution, et ce dès le 1er janvier 2009, la sortie progressive des dispositifs sur trois et cinq ans et vous réduisez les exonérations des charges sociales patronales, allant même jusqu’à les annuler pour les rémunérations supérieures à 240 % du SMIC.
La Fédération nationale des associations d’entrepreneurs des ZFU s’inquiète aujourd'hui, à juste titre.
En effet, – cela a été dit, mais je le répète – de telles décisions auront des conséquences considérables sur les petites entreprises qui ont accepté de jouer le jeu. Leur plan prévisionnel de trésorerie se trouvant bouleversé, nombre d’entre elles seront confrontées à des difficultés sérieuses, alors même que la situation économique est déjà fortement dégradée et que tous les indicateurs socio-économiques sont au rouge.
Avant d’envisager toute mesure de modification, il serait pour le moins raisonnable d’attendre les résultats de l’enquête nationale en cours menée par la Délégation interministérielle à la ville, la DIV, sur l’évaluation des dispositifs ZFU.
Pour toutes ces raisons, il nous paraît impossible de voter une telle réforme, à la va-vite de surcroît.
Aussi, le groupe socialiste vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° II-247, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer les cinquième (3°), septième (5°) et dernier (6°) alinéas de cet article.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques de suppression.
Mme Christine Boutin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, rappelez-vous l’histoire de la chèvre de M. Seguin. J’aimerais que vous l’ayez en mémoire… (Sourires.)
Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression. Néanmoins, conscient de l’impact, notamment sur les petites entreprises, d’une modification rapide des règles en vigueur, il propose l’amendement n° II-247 qui a pour objet de préserver l’esprit de la réforme en en limitant les effets sur les petites entreprises et en laissant tout le bénéfice à la sortie en sifflet sur plusieurs années. Ainsi, toutes les entreprises bénéficieraient d’une sortie du dispositif progressive sur trois ans complémentaires, et même neuf ans pour les plus petites entreprises, celles de moins de cinq salariés.
En conséquence, le Gouvernement demande le retrait des amendements identiques.