M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Exactement !
M. Jean-Paul Virapoullé. Or il a été admis, tant par le Président de la République que par le Gouvernement et par l’ensemble des membres de cette assemblée, que, dans le projet de loi sur l’outre-mer qui sera examiné ici dans quelques semaines, serait créée une zone franche globale dans les quatre départements d’outre-mer sur quatre secteurs prioritaires et que les communications seraient un secteur prioritaire pour les quatre départements d’outre-mer.
Avant d’achever mon propos, je souhaite vous communiquer quelques chiffres, mes chers collègues.
Dans les départements d’outre-mer, les abonnés au haut débit représentent 30 % des foyers, contre 70 % en métropole, et 90 % d’entre eux sont abonnés à France Télécom, 8 % seulement à Outremer Télécom, alors qu’en métropole France Télécom regroupe 50 % des abonnés, SFR 25 % et Neuf Télécom 20 %.
Les offres triple play sont très peu diffusées outre-mer. À titre d’exemple, l’offre de base de France Télécom dans les départements d’outre-mer pour 512 kilobits s’élève à 50 euros par mois, sans téléphone ni télévision ; celle d’Outremer Télécom pour un mégabit atteint 39,90 euros, téléphone et télévision inclus.
Sachez que le tarif d’accès au câble sous-marin SAFE est de 460 euros par mégabit et par mois, alors qu’il est de 10 euros en métropole. Si ce n’est pas une fracture numérique, si ce n’est pas un véritable frein au développement économique, qu’est-ce que c’est ?
Voilà, madame la ministre, les préoccupations dont je tenais à vous faire part à l’occasion de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vous parlerai pas ce soir de publicité à la télévision, du montant de la redevance, non plus que de la nomination du président de France Télévisions et de sa révocation ! De quoi vais-je alors traiter ?
Je voudrais aborder devant vous un autre aspect des projets de loi dont nous débattons En effet, le débat sur les points que je viens de mentionner, pour nécessaire et ouvert qu’il soit, est surtout d’ordre national et il occulte quelque peu une autre facette de l’audiovisuel : je veux parler de l’audiovisuel extérieur. Vous comprendrez que, en ma qualité de sénateur représentant les Français établis hors de France, j’y attache une grande importance. Au demeurant, c’est un élément primordial non seulement pour lesdits Français, mais également pour la France.
Je me permettrai d’ajouter que, en tant qu’ancien journaliste ayant été pendant plus de trente ans correspondant de presse et de radiotélévision à l’étranger, j’ai une certaine connaissance pratique de ce dossier.
Chers collègues qui êtes – et c’est logique – plus concentrés, dans ce débat, sur la nomination du président et la publicité, pardonnez-moi de vous rappeler que l’audiovisuel extérieur joue un rôle majeur pour les plus de 2 millions de nos compatriotes vivant à l’étranger, car il leur permet de conserver des liens étroits avec notre pays.
Plus généralement, l’audiovisuel extérieur représente un outil essentiel pour promouvoir la francophonie et nos valeurs à travers le monde. Il assure également une part importante du rayonnement et de la présence de la France. À l’époque que nous vivons, il est impératif que nous puissions défendre nos idées sur toute la planète.
Je me félicite donc que les deux projets de loi comportent des dispositions visant à conforter la réforme de l’audiovisuel extérieur, qui a été engagée depuis déjà plusieurs mois sur l’initiative du Président de la République.
Il faut d’ailleurs rendre hommage à l’action du Président de la République et du Gouvernement, qui ont eu le courage de s’attaquer à ce chantier, trop souvent délaissé par le passé, quels que soient les gouvernements.
Malgré un financement presque comparable à celui qui est consacré en la matière par nos partenaires, notre audiovisuel extérieur souffrait, en effet, de la dispersion de ses opérateurs, d’un manque de synergies et d’une absence de pilotage stratégique. Il était donc indispensable de remédier à ces dysfonctionnements en le rendant plus cohérent, plus efficace et en le dotant d’un véritable pilotage stratégique.
La création de la société holding Audiovisuel extérieur de la France, qui a vocation à regrouper l’ensemble des participations publiques dans les sociétés de l’audiovisuel extérieur, est une mesure qui va dans la bonne direction.
Face à des concurrents anciens, comme les médias anglo-saxons, tels CNN ou la BBC, mais aussi à de nouveaux venus, comme la chaîne arabe Al-Jazira, ou à l’émergence de radios locales, la place de l’audiovisuel extérieur français était menacée.
Tout le monde s’accorde à reconnaître le rôle essentiel de Radio France Internationale, notamment en Afrique francophone.
Bien sûr, des critiques sont parfois émises sur l’objectivité de RFI, critiques que j’entends régulièrement lorsque je vais à la rencontre des Français de l’étranger.
En tant qu’ancien journaliste, je défends l’indépendance de mes collègues journalistes.
Mme Catherine Tasca. Bravo ! Il y a de quoi faire !
M. Robert del Picchia. On peut discuter du fonctionnement de RFI, mais il faut respecter cette indépendance.
M. David Assouline. Bravo !
M. Robert del Picchia. Cela étant, mes chers collègues, il faut bien reconnaître que le modèle de radio issu de la guerre froide, sur lequel repose encore largement l’organisation de RFI, ne correspond plus ni à l’état du monde d’aujourd’hui ni aux pratiques résultant des nouvelles technologies. Cette inadéquation tient moins aux dirigeants de cette radio qu’au manque de moyens.
Quoi qu’il en soit, une réforme de RFI est indispensable notamment pour renforcer la place des nouvelles technologies, comme la radio sur internet. En effet, aujourd’hui, plus personne n’écoute les ondes courtes.
En outre, on ne peut pas dire que le mode d’organisation actuel de RFI soit compatible avec une gestion moderne et efficace de cette société.
Par ailleurs, TV5 Monde, chaîne généraliste et francophone, occupe une place à part dans le nouvel ensemble. Il résulte en effet des négociations avec nos partenaires francophones que la holding détiendra seulement 49 % de son capital, alors qu’elle devrait détenir, à terme, 100 % du capital de RFI et de France 24 ; TV5 Monde sera donc, si j’ai bien compris, madame la ministre, un partenaire et non une filiale de la holding. (Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, acquiesce.)
Pour autant, il existe de nombreuses synergies possibles entre TV5 Monde, RFI et France 24. Vous l’avez vous-même reconnu, madame la ministre, pour ce qui concerne notamment la distribution ou le partage de certaines fonctions administratives, voire les journalistes.
Ancien journaliste de radio, j’ai appris à travailler sur internet et à faire de la télévision. Avec un peu de bonne volonté et une formation, les journalistes de radio peuvent toujours arriver à travailler à la télévision. Il peut donc exister une synergie entre RFI et les autres chaînes de télévision.
Par ailleurs, TV5 Monde est menacée par le basculement de l’analogique au numérique. La qualité de ses programmes pourrait aussi être améliorée en augmentant la production des missions originales.
Trop discrète dans ses succès, TV5 Monde a cependant un impact plus grand qu’on ne le reconnaît officiellement. Les échos que nous avons recueillis lors de nos voyages témoignent de l’intérêt international pour cette chaîne, particulièrement appréciée par un public qui n’est pas seulement francophone.
Lancée au mois de décembre 2006, France 24 est la dernière venue du paysage audiovisuel extérieur français. Elle vise à donner un point de vue français sur l’actualité internationale. À la lumière de la situation mondiale, notamment de ce qui se passe actuellement au Proche-Orient, son importance est démontrée.
Quelles que soient les nombreuses critiques qui ont été émises sur France 24 – mais j’ai remarqué que leurs auteurs ne l’ont généralement jamais regardée et ne savent même pas où la trouver –, cette chaîne a fait la preuve de sa réussite. En effet, elle a répondu à l’objectif qui lui avait été assigné. On a voulu créer non pas une chaîne généraliste, mais une chaîne d’information moderne, simple. Belle réussite puisqu’elle a été élue, l’année dernière, chaîne d’information de l’année. Elle dispose de journalistes de qualité, souvent très jeunes, rompus aux nouvelles technologies. Ses parts de marché sont fortes, notamment au Maghreb. Son site internet est très visité ; il est en plein développement.
Comme l’a rappelé le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense, les deux projets de loi dont nous sommes saisis comportent plusieurs dispositions qui visent à conforter la réforme de l’audiovisuel extérieur.
On le sait, à l’avenir, un contrat d’objectifs et de moyens sera signé, à travers lequel l’État fixera les priorités stratégiques assignées à l’audiovisuel extérieur. Les règles de gouvernance de la nouvelle société seront largement inspirées de celles de France Télévisions et de Radio France.
À cet égard, madame la ministre, j’approuve sans réserve les amendements adoptés par la commission des affaires étrangères, qui visent, notamment, à renforcer la place de la francophonie – nous souhaitons qu’un spécialiste de ce domaine siège au conseil d’administration – et à associer les commissions des deux assemblées chargées des affaires étrangères au contrôle de la holding.
Madame la ministre, une inquiétude subsiste pour moi, qui porte sur le financement de l’audiovisuel extérieur. Celui-ci représente moins de 300 millions d'euros, alors que, à titre de comparaison, l’audiovisuel public national reçoit 3 milliards d'euros, dont 2 milliards sont issus de la redevance. Il ne faudrait pas que, sous prétexte de trouver des ressources supplémentaires pour permettre à France Télévisions de compenser la perte de ses recettes publicitaires, l’audiovisuel extérieur devienne une variable d’ajustement.
Je sais le Gouvernement soucieux du bon fonctionnement de l’audiovisuel extérieur. C’est d'ailleurs dans l’intérêt de notre pays, mais aussi des Français de l’étranger. C'est pourquoi, madame la ministre, je soutiendrai volontiers ces deux projets de loi, qui vont dans la bonne direction, et je vous souhaite bon courage pour les faire adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai écouté avec beaucoup d’attention tous les orateurs qui se sont exprimés.
Je suis profondément persuadée que les projets qui vous sont présentés constituent une grande réforme. Certes, celle-ci a été lancée par le Président de la République.
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi « certes » ? Ce mot est étrange… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Christine Albanel, ministre. Toutefois, je la porte avec conviction parce que je crois qu’elle traduit véritablement une grande ambition culturelle.
Certains ont affirmé que cette réforme n’était pas demandée par les Français. Mais quels sont les grands projets culturels ou audiovisuels qui sont réclamés à cor et à cri par nos compatriotes ?
M. Jean-Pierre Sueur. En somme, les Français sont nuls ! Ils ne demandent rien pour la culture !
Mme Christine Albanel, ministre. Après coup, les Français apprécient ces réformes, ils en sont heureux et les vivent a posteriori comme nécessaires. Mais elles sont rarement imaginées parce que nous vivons dans des systèmes qui ne nous permettent pas de concevoir d’autres dispositifs. Dans les années 1980, par exemple, qui demandait un nouvel opéra à la Bastille, une nouvelle bibliothèque nationale, un « Grand Louvre » ?
M. David Assouline. La gauche !
Mme Christine Albanel, ministre. Ce furent de grandes réformes, dont j’observe qu’elles ont coûté extrêmement cher à une époque où la situation économique était très difficile.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais elles ont rapporté énormément, en particulier en termes culturels !
Mme Christine Albanel, ministre. En outre, elles ne touchaient que Paris, alors que nous portons aujourd'hui un vaste projet, qui concerne tout le territoire et que tous les Français pourront apprécier, pour un coût finalement bien moindre.
Des programmes qui commencent à vingt heures trente-cinq, de véritables deuxièmes et troisièmes parties de soirée, un journal du soir de France 3 qui commence à vingt-deux heures trente, une émission de Frédéric Taddeï qui a lieu tous les soirs à vingt-trois heures, ce n’est pas la même chose que des tunnels de publicité encadrant le journal du soir, comme c’était encore le cas récemment !
Je crois que nous pouvons être plus imaginatifs et plus audacieux. Nous disposons déjà d’une télévision publique de qualité – je ne cesse de le répéter depuis un an –, mais nous pouvons aller plus loin et affirmer encore davantage sa singularité.
Ces derniers mois, tous les acteurs concernés se sont préparés à cette nouvelle télévision publique. Toutes les équipes de France Télévisions se sont mobilisées, de nouvelles grilles de programme ont été élaborées et les annonceurs publicitaires ont pris en compte la suppression de la publicité à partir de vingt heures.
Au cours du débat parlementaire, nous nous sommes trouvés confrontés à une obstruction délibérée de la part de la gauche.
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous avez fait naguère obstruction aux lois de décentralisation, entre autres, alors cessez de nous faire ce reproche !
Mme Christine Albanel, ministre. Nous nous sommes alors demandé si nous ne devions pas remettre à plus tard cette réforme importante, mais cette solution, je le répète, a paru dangereuse, car elle aurait pu fragiliser France Télévisions, économiquement, psychologiquement et professionnellement.
La décision a donc été prise de demander au président de France Télévisions de cesser de commercialiser ses espaces publicitaires après vingt heures. Toutefois, il me paraît tout à fait important de donner aujourd'hui à cette mesure force de loi.
De même, le projet de loi prévoit la suppression totale de la publicité, sous réserve d’une clause de revoyure, et il définit les modalités de compensation de la perte des ressources publicitaires, ce qui est évidemment tout à fait essentiel. Enfin, ce texte comporte de nombreuses dispositions sur la gouvernance de France Télévisions, dont il a beaucoup été question dans vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que sur l’audiovisuel extérieur.
En ce qui concerne la compensation de la perte des recettes publicitaires et, d’une façon plus générale, les ressources de l’audiovisuel public, je pense que celles-ci ne sont pas négligeables. Comme l’a rappelé M. Robert del Picchia, France Télévisions dispose en réalité d’un budget de 3 milliards d'euros, dont près de 2,5 milliards de ressources publiques, ce qui n’est pas rien. D'ailleurs, un précédent contrat d’objectifs et de moyens a prévu que ces ressources augmenteraient en moyenne de 3 % par an, ce qui représente un effort important de l’État.
Il est certain que la modification des règles publicitaires entraînera un manque à gagner pour France Télévisions. C'est pourquoi le Parlement a voté en loi de finances une subvention de 450 millions d'euros. Cette somme correspondait aux estimations réalisées par la commission pour la nouvelle télévision publique, qui avait d'ailleurs recueilli l’avis de tous les professionnels et des responsables de France Télévisions eux-mêmes.
Je crois donc que les ressources sont présentes et que l’État s’est engagé très fortement. Notre objectif n’est pas d’appauvrir l’audiovisuel public ni de mettre en place une télévision publique au rabais, bien au contraire !
En ce qui concerne les modalités de la compensation de la perte de ressources publicitaires, je rappelle que nous avions choisi d’indexer la redevance sur l’inflation. Cette mesure avait été adoptée lors d’une précédente loi de finances, et pour ma part j’ai regretté qu’elle soit soudain gelée, ce qui a entraîné un véritable manque à gagner pour France Télévisions.
Nous aurons de nouveau l’occasion de débattre de cette question, je l’espère de façon constructive, mais il est vrai que le choix a été fait de recourir à des taxes, dont l’une porte sur les ressources publicitaires des chaînes privées. En effet, tout porte à croire que la publicité se déplacera depuis les télévisions publiques vers les chaînes privées, et il est donc normal de taxer les recettes correspondantes.
Mais encore faut-il que ces transferts de publicité aient lieu ! Nous souhaitons apprécier la réalité de ces surplus de recettes. En effet, s’ils n’étaient pas avérés, en raison de la crise économique et du repli que l’on observe aujourd'hui sur le marché publicitaire, nous ne pourrions pas les taxer. Nous ne pouvons imposer que des surplus de recettes, pas des déficits ! D’où les dispositions qui ont été adoptées.
Par ailleurs, une taxe a été instituée qui frappe les opérateurs de télécommunications. Pourquoi ce secteur ? Parce qu’il est en expansion et se porte bien. En outre, je le rappelle, les opérateurs, qui sont peu nombreux, sont producteurs et utilisateurs d’images – pour s’en persuader, il suffit d’observer les chaînes consacrées au cinéma ou aux séries télévisées par Free ou Orange, entre autres –, et ils le seront toujours davantage. Enfin, le chiffre d’affaires de ce secteur est considérable – il représente plus de 42 millions d'euros – et les marges bénéficiaires des opérateurs sont extrêmement importantes puisqu’elles sont de l’ordre de 20 %. Pour toutes ces raisons, il a donc semblé pertinent de le mobiliser.
Dans ces conditions, je ne pense pas que la taxe qui vous est proposée, mesdames, messieurs les sénateurs, soit de nature à mettre en péril ce secteur ni même à provoquer une hausse considérable de ses tarifs, tout simplement parce que s’y exerce la concurrence.
En ce qui concerne la création d’une société unique, qui a été approuvée par de très nombreux orateurs, je pense qu’il s’agit d’un très bon projet, dont on débattait d'ailleurs depuis longtemps.
Nous suivons le modèle mis en œuvre par Radio France, dont on voit bien qu’il est cohérent, qu’il permet de susciter des synergies et de mutualiser les moyens, tout en respectant l’identité forte des différentes chaînes – le cas de RFO a été particulièrement évoqué par M. Virapoullé –, que les auditeurs apprécient. De même, les téléspectateurs aiment France 2, France 3 ou France 5, et ils sont habitués à la présence de ces grands réseaux au sein du paysage audiovisuel. D'ailleurs, les différentes lignes éditoriales devront absolument être préservées – le projet de loi le prévoit explicitement –, ce qui constitue un élément fort de la réforme.
Des longues discussions dont la gouvernance a déjà fait l’objet dans le passé, il ressortait parfois que l’État actionnaire, qui garantit les ressources et fixe les programmes et les cahiers des charges, devait procéder à la nomination des dirigeants.
Je rappelle que, dans le paysage qui se dessine, tout le monde disposera de la TNT d’ici à 2011. Il est d'ailleurs très important, monsieur Plancade, que tous les Français puissent accéder à ce réseau, et nous sommes en train de préparer les décrets nécessaires pour que nul ne soit privé du numérique, même dans des zones difficiles comme les zones de montagne, qui nécessitent des mesures d’accompagnement.
Dans ce paysage audiovisuel diversifié, où de très nombreux téléspectateurs ont accès à la TNT mais aussi à des centaines d’autres chaînes via le câble et le satellite, où les pratiques évoluent – les enquêtes montrent que l’on passe aujourd'hui sans cesse de la télévision à l’ordinateur –, il n’est pas absurde que le président des chaînes publiques soit nommé par l’État
En outre, des verrous importants sont prévus, à savoir l’avis conforme du CSA et le vote du Parlement, qui suppose une délibération publique, car on peut imaginer – le débat actuel sur l’audiovisuel le prouve abondamment ! – que le choix du président de France Télévisions sera examiné avec la plus grande attention par les parlementaires.
Honnêtement, je crois donc que le dispositif prévu est cohérent, qu’il témoigne d’un certain esprit de responsabilité et d’une réelle logique, et qu’il nous offre même davantage de liberté. Ainsi, nous pourrons peut-être faire appel à des personnalités qui n’auraient pas été candidates avec le système actuel parce qu’elles se trouvent à la tête de telle ou telle entreprise, alors qu’elles seraient susceptibles d’apporter beaucoup à l’audiovisuel public.
Je rappelle que, avec l’appui de François Mitterrand, André Rousselet, qui avait été son directeur de cabinet, fonda Canal Plus. Cette initiative se révéla des plus heureuses : François Mitterrand avait fait appel à un proche, pressentant que ce dernier donnerait le meilleur de lui-même dans cette nouvelle entreprise.
C’est dans cet esprit qu’il faut envisager la présente réforme.
On aurait pu proposer au regretté Jean Drucker, par exemple, de prendre la tête de France Télévisions. Il n’aurait certainement pas été spontanément candidat : en tant que président d’une autre chaîne, il n’aurait pas pris le risque d’une telle candidature. En tout cas, le nouveau système donnera cette liberté, cette cohérence, dans un esprit de responsabilité.
C’est une proposition que je soutiens avec beaucoup de conviction, certaine qu’elle trouvera toute sa place dans notre paysage audiovisuel moderne.
Cette réforme touche aussi l’audiovisuel extérieur, dont M. del Picchia rappelait l’importance et la nécessaire diversité. Certes, beaucoup d’argent – peut-être pas assez, selon lui ! – est dépensé pour l’audiovisuel extérieur, mais ces sommes sont à peu près comparables à celles que consentent d’autres pays européens, bien que réparties d’une manière extrêmement éclatée entre France 24, TV5 Monde et RFI.
Il est essentiel que, grâce au présent projet de loi, des synergies et des mutualisations puissent être trouvées, afin que non seulement la francophonie, qui est une cause très chère à nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, soit plus soutenue et aussi que la voix de la France soit mieux entendue.
C’est pour cette raison que la réforme de l’audiovisuel extérieur est un axe majeur de ce projet de loi. Nous y reviendrons au cours de la discussion.
La modification des décrets concernant la publicité fait dire à certains que le Gouvernement veut faire des cadeaux aux chaînes privées, notamment à TF1.
Cependant, l’intérêt de tous est que les ressources de ces chaînes privées soient confortées : en effet, toutes leurs obligations vis-à-vis du cinéma et de la création audiovisuelle sont assises sur leur chiffre d’affaires. Or, actuellement, ce chiffre d’affaires n’est pas aussi flamboyant que d’aucuns le laissent accroire. J’en veux pour preuve le recul du marché publicitaire. Mieux vaut que les chaînes privées soient fortes, pour pouvoir participer elles aussi à la création cinématographique et à la création audiovisuelle.
La réforme touche également les accords interprofessionnels, qui ont remplacé les décrets de Mme Tasca, lesquels ont joué pleinement leur rôle.
Chacune des parties prenantes a signé : les auteurs, les producteurs, les représentants de toutes les chaînes de télévision. Ces accords visent à faciliter la circulation des œuvres, ce qui la rendra plus intéressante pour ceux qui la financent. L’accent est mis sur la production, sur le patrimonial. Ce sont de bons accords, qui traduisent une belle ambition.
C’est ainsi que France Télévisions va voir son investissement dans la production audiovisuelle française passer de 365 millions d'euros à 420 millions d'euros en 2011. C’est dire l’ampleur de l’effort engagé en faveur de la création et de la production.
C’est donc une réforme d’ensemble que je vous présente, mesdames, messieurs les sénateurs, réforme que beaucoup de créateurs saluent.
Ainsi, le réalisateur Pascal Thomas écrivait ces jours-ci dans Le Monde : « On ne mesure pas assez ce que pourrait être un espace télévisuel où seront absents les films publicitaires. Si on le veut bien, ce sera la liberté de création retrouvée. Tout est possible. C’est l’usage qui crée la forme de la culture. »
Je suis persuadée que les programmateurs doivent, en effet, faire montre d’audace, de liberté, d’imagination.
M. David Assouline. Vous ne manquez pas de toupet !
Mme Christine Albanel, ministre. Supprimer la publicité permet de créer les conditions d’avènement de cette nouvelle télévision.
Cela prendra du temps, mais je donne rendez-vous à tous les téléspectateurs et, bien sûr, à tous ceux qui auront participé à cette réforme dans un an : je suis sûre qu’elle sera alors appréciée, considérée comme une évidence, comme quelque chose de précieux qui aura eu des conséquences sur l’ensemble du paysage, car les chaînes privées auront évolué elles aussi. Les Français en seront extrêmement contents.
M. David Assouline. Et le déficit ? Et le plan social ?
Mme Christine Albanel, ministre. C’est ce que je souhaite, en espérant vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. David Assouline. Ce n’est pas gagné !
Mme Christine Albanel, ministre. Les débats sont ouverts. Je serai bien sûr très attentive à toutes vos suggestions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance