M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !
M. Jack Ralite. C’est une manière concrète d’aborder cette question.
Je rappelle que la loi du 1er août 2000, que Catherine Tasca connaît bien pour en avoir tenu la plume, comporte une définition des missions qui préfigure cette responsabilité, sur laquelle nous devrions également réfléchir.
Voici ce qu’il en est de ces missions.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ralite.
M. Jack Ralite. J’en ai presque terminé, monsieur le président.
Premièrement, le respect du pluralisme de l’information et des esthétiques, de la diversité des expressions culturelles nationales et régionales en intégrant notamment une solide réglementation anti-concentration.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est très intéressant !
M. Jack Ralite. Ce pluralisme doit s’entendre comme le droit à être informé, mais aussi comme le droit d’informer. Cela conduit à permettre à un secteur associatif non-marchand à avoir droit de cité dans notre pays.
Deuxièmement, la recherche d’un large public pour les médias audiovisuels afin d’informer, de cultiver et de distraire, pour renforcer le lien social, notamment par des programmations généralistes de qualité.
Troisièmement, le soutien substantiel à la recherche, à la production de programmes et à la création audiovisuelle.
Quatrièmement, le développement massif d’éducation populaire aux technologies et aux nouveaux services, notamment la maîtrise de l’internet, la lecture critique des médias, l’apprentissage de l’image.
Cinquièmement, la maîtrise publique des réseaux et des infrastructures, en particulier de l’internet et des réseaux à très haut débit, qui doivent être reconnus comme des biens publics mondiaux et régulés de façon multinationale dans le cadre des instances de l’ONU.
Sixièmement, le développement rapide des infrastructures en fibre optique et la reconnaissance de l’internet à haut débit comme un service public universel accessible à tous.
Septièmement, le développement des coopérations internationales, notamment européennes, pour la diffusion et la production audiovisuelle, avec la création d’un pôle public européen des industries de l’audiovisuel et des communications électroniques.
Huitièmement, l’affectation de moyens financiers publics et privés, de prêts bancaires pour le développement des réseaux à haut débit, la recherche, la production et la création de services, de programmes et de logiciels innovants et éducatifs.
Récemment, au cours d’une réunion du Collège de France au lycée technique Le Corbusier à Aubervilliers, le conférencier Predrag Matvejevic, un Bosniaque professeur à l’université de Rome, a dit : « Nous avons tous un héritage et nous devons le défendre mais, dans un même mouvement, nous en défendre. Autrement, nous aurions des retards d’avenir, nous serions inaccomplis ».
C’est cela la responsabilité publique que ne prend nullement en compte la coproduction Sarkozy-Bouygues-Jouyet-Lévy.
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Ralite.
M. Jack Ralite. Je conclus, monsieur le président.
Cette responsabilité publique, cette RESPAIC ouvre, comme dirait l’anthropologue Georges Balandier, des « fenêtres sur un nouvel âge », tandis que la coproduction législative qu’on veut nous imposer, sur l’initiative arbitraire du Président de la République, tire les volets. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut ouvrir les fenêtres ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma réponse sera sobre.
La commission des affaires culturelles est bien évidemment défavorable à l’adoption de cette motion, pour les raisons évoquées précédemment par mon collègue Michel Thiollière.
J’ajoute, à l’attention de nos collègues socialistes éminents constitutionnalistes, que nous ne sommes pas là pour refaire le débat sur la réforme de la Constitution de l’été dernier. Je souligne au passage que celle-ci comporte un certain nombre d’avancées notables, au rang desquelles figure l’encadrement des nominations qui fait l’objet du présent projet de loi organique.
C’est pourquoi la commission ne saisit pas tout à fait les raisons pour lesquelles les conditions de son élaboration et de son inscription pourraient être de l’ordre du « coup de force ».
Il convient de bien distinguer les sujets. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il y a, d’un côté, les conséquences de la suppression de la publicité sur France Télévisions, qui relèvent du projet de loi ordinaire et dont nous allons largement débattre dans les jours et les semaines à venir et, de l’autre, la question de la nomination, qui est également formellement prévue à l’article 8 du projet de loi ordinaire.
Rappelons encore une fois que le présent projet de loi organique a simplement pour objet de préciser que cette nomination est soumise à la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution.
Nous aurons très largement l’occasion de débattre des deux sujets qui vous préoccupent au cours du débat qui va s’instaurer, mes chers collègues. Cette précision étant faite, votre commission est défavorable à l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je formulerai simplement une remarque complémentaire. Je sais combien Jack Ralite est soucieux de promouvoir une société de culture, à l’opposé d’une société de « marchandisation ».
Le grand projet que nous portons ici va précisément dans ce sens. Nous assumons la responsabilité de créer une télévision publique encore plus différente, qui permette encore plus d’innovations, de productions, de créations, en la débarrassant de la contrainte forte qu’est la publicité – et nous ne détestons pas du tout la publicité, qui fait partie de la vie. En effet, on ne réalise pas exactement les mêmes programmes à vingt-deux heures ou à vingt-deux heures quinze s’ils sont suivis, ou non, d’un tunnel de publicité. L’absence de publicité permet de proposer aux téléspectateurs plus tôt dans la soirée des programmes de façon plus intéressante et innovante.
Pour le reste, en France, toutes les chaînes sont soumises à des obligations qui vont dans le sens de la création et de la production. Je me réjouis beaucoup que des accords interprofessionnels aient été signés entre les diffuseurs, les producteurs et les sociétés d’auteurs. Nous savons qu’ils sont très exigeants et que, s’ils ont signé ces accords, c’est parce qu’ils y voyaient un intérêt culturel, un intérêt pour les auteurs et les créateurs.
J’observe par exemple que M6 a signé un accord grâce auquel ses obligations en matière patrimoniale passent de 8,5 % à 10,5 % de son chiffre d’affaires. Les obligations patrimoniales de TF1 sont elles aussi renforcées. Au fond, l’ensemble de notre système va concourir à la culture, et c’est pourquoi nous avons intérêt à ce qu’il se porte bien. Je trouve que ces dispositions vont dans le bon sens et s’inscrivent bien dans les préoccupations que vient de défendre avec talent Jack Ralite.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 3, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 72 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 142 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le président, je souhaite simplement informer le Sénat que je suis obligée de demander, de manière très exceptionnelle, une suspension de séance à midi. En effet, les conclusions des états généraux de la presse doivent m’être remises à midi quinze, sous la forme d’un « Livre vert ».
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 4.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires culturelles le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (n° 144, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la motion.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à en croire les partisans de la dernière réforme de la Constitution, l’année 2009 devait être celle du renforcement des pouvoirs du Parlement !
Les deux projets de loi et les conditions de leur examen par notre assemblée en sont un criant démenti. Quelque chose de profond est en train de changer dans le caractère constitutionnel de notre pays.
En effet, nous débattons de deux textes, dont le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Ce dernier étant directement issu de la révision constitutionnelle arrachée au forceps, à une voix près, au mois de juillet dernier, réforme pour laquelle la commission des lois du Sénat avait été saisie au fond, il paraît ahurissant que cette commission ne soit même pas saisie pour avis aujourd’hui ! Parmi les cinquante-sept députés membres de la commission spéciale instituée à l’Assemblée nationale pour examiner ces deux projets de loi, onze étaient issus de la commission des lois.
À lui seul, un tel élément pourrait justifier la motion tendant au renvoi à la commission, que je vous demande d’adopter.
Tout comme la justifiait l’ordre de nos débats. Sans le changement intervenu à la dernière minute, nous aurions d’abord examiné le projet de loi ordinaire.
Cela signifie que les articles 8 et 9 auraient été soumis au vote avant même l’adoption du projet de loi organique, dont l’article unique dispose ceci : « La nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est soumise à la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. » Il s’agit là non pas de détails de procédure, mais des règles et de l’ordonnancement qui rendent possible l’expression de la démocratie.
D’autant qu’une autre aberration, et de taille, vient s’ajouter à cela. Fait unique : la suppression de la publicité sur France Télévisions est déjà effective, alors qu’elle n’a même pas été examinée, et encore moins votée, par notre assemblée ! Quel bel exemple de renforcement des pouvoirs du Parlement !
L’exécutif ordonne la suppression de la publicité sur la télévision publique, et comme le Parlement ne s’exécute pas assez vite, on le zappe ! Et de quelle manière ! Pour inaugurer les nouveaux liens qui uniront le Président de la République au président de France Télévisions, ce dernier se voit sommer d’entériner lui-même la fin de la publicité.
Cette méthode humiliante est inadmissible et proprement antidémocratique, car elle réduit le Sénat au rôle de chambre d’enregistrement. Nous sommes loin de l’idée que l’on pourrait se faire d’un Parlement représentant du peuple, et non du chef d’un parti, d’un Parlement soucieux d’élaborer la loi pour l’intérêt général, et non au service d’intérêts très particuliers.
À moins que le respect de la séparation des pouvoirs ne soit désormais classé au rang des « immobilismes qui emprisonnent la France » évoqués par le Président de la République le 23 juillet 2008, au moment de sceller la loi constitutionnelle.
Encore une fois, le Gouvernement a imposé l’urgence, une urgence devenue la règle sur quasiment tous les textes. Et quand l’urgence n’existe pas, on la fabrique de toutes pièces, par exemple en décidant que la réforme entrera en vigueur au mois de janvier 2009, et non plus au mois de septembre.
Depuis son origine, cette réforme se fait à marche forcée. Décrétée le 8 janvier 2008, concrétisée par la présentation de deux projets de loi en conseil des ministres le 22 octobre, elle sera effective dans quelques semaines, sans que le « grand débat national » promis par Nicolas Sarkozy ait jamais eu lieu.
Mes collègues Jack Ralite et Ivan Renar ont participé à la commission pour la nouvelle télévision publique, dite « commission Copé ». Il ne devait pas, paraît-il, y avoir de tabous. Mais des interdits ont été immédiatement dressés par le Président de la République. Mes collègues ont dû se résoudre à la quitter, lorsque celle-ci a été de fait « démise » par le chef de l’État.
Alors que les travaux de la commission Copé n’avaient débuté que depuis deux mois, le Président de la République l’a désavouée par deux fois. La première fois, il s’est déclaré opposé à toute augmentation de la redevance, même si celle qui était envisagée par la commission était très raisonnable. La seconde fois, il a annoncé l’octroi d’une deuxième coupure de publicité aux chaînes de télévision privées. Tout aura donc été ficelé en à peine un an, alors que la dernière réforme de la BBC, réalisée en 2007, a été conduite après quatre années de débats !
Tout comme le coup de force réalisé sur la publicité, les conditions dans lesquelles ces textes sont examinés sont inadmissibles.
Le texte issu des débats à l’Assemblée nationale n’a été officiellement transmis à notre assemblée que le 17 décembre, soit quatre jours avant la suspension de nos travaux.
Cela impose de fait des délais très courts pour examiner en profondeur et amender ces projets de lois, dont l’un est passé de cinquante-six à quatre-vingt-quatre articles.
À tel point que le délai limite pour déposer les amendements a dû être repoussé jusqu’à l’ouverture de la discussion générale.
Et que dire du travail en commission, réduit – il faut bien le dire – à la portion congrue ?
Alors que l’examen de ce projet de loi a duré plus de quatre-vingts heures à l’Assemblée nationale, la commission des affaires culturelles du sénat n’y a pour l’instant consacré que quatre heures ! Les travaux de nos rapporteurs, qui comportent 542 pages, ne sont consultables que depuis hier midi.
À l’heure où je vous parle, la commission des affaires culturelles n’a consacré qu’une toute petite heure à l’examen, il est vrai à vitesse TGV, des amendements déposés par les groupes.
Les conditions minimales nécessaires pour mener un travail législatif sérieux et de qualité sont donc déniées. Et je pense également aux conditions de travail des personnels du Sénat.
Si ce type et ce rythme de travail sont ceux qui prévaudront à l’issue de la réforme du travail parlementaire, c’est le droit d’élaboration et le droit d’amendement du législateur qui seront remis en cause.
Revenons au texte qui nous intéresse aujourd’hui. Il ne manque pas de chausse-trappes. Et je voudrais m’arrêter plus précisément sur le cas de France 3.
Telle que la suppression de la publicité est appliquée depuis lundi, elle a déjà fait une victime sur les antennes de France 3 : le décrochage local de 19 heures 57. Purement et simplement supprimé, ce décrochage a été remplacé – ironie du sort – par de la publicité, et ce trois minutes avant le couperet fatal de 20 heures. Un scandale doublé d’une incohérence totale, inexplicable aux yeux des téléspectateurs, pour une entreprise où l’on va supprimer la publicité !
Désormais, les journaux locaux ne seront plus diffusés qu’à 18 heures 40. Or, et les personnels qui se sont mis en grève lundi le savent bien, ce n’est pas à cette heure-là que les téléspectateurs sont les plus nombreux devant la télé.
Pourtant, ces journaux locaux réalisent de bons taux d’écoute.
À titre d’exemple, le journal local de neuf minutes qui couvre toute la Basse-Normandie réunissait 66 000 spectateurs et était l’un des plus regardés de la station.
Ce texte n’a donc même pas encore été voté qu’apparaissent déjà ses premiers effets pervers, en forme de « boomerang » pour les rédactions locales de France 3.
La programmation des décrochages locaux à une heure de moindre écoute laisse craindre aux personnels la disparition à terme de cette manière de faire de l’information, non pas exclusivement centrée sur la parole institutionnelle, mais privilégiant celles d’acteurs locaux et régionaux.
La disparition de la deuxième diffusion a aussi des conséquences sur la qualité de l’information : il ne sera plus possible de réactualiser les sujets entre deux diffusions.
Un horaire de diffusion avancé à 18 heures 40 signifie que les journalistes pourront couvrir moins de sujets et qu’ils auront moins de temps pour les fabriquer.
Un comble pour une entreprise dont le nouveau cahier des charges, rattaché à la loi, réaffirme que « France 3 s’attache à développer l’information régionale et locale et à accroître le nombre d’éditions de proximité. » C’est en effet l’inverse qui est en train de se produire.
Certes, il existe internet. Mais, à titre d’exemple, à Perpignan, le journal local réunit 67 000 personnes par jour sur le Premium, contre seulement 300 clics sur internet. Et les personnels ne sauraient tolérer que leur travail soit réduit à un produit d’appel pour la web TV.
La disparition de cette rediffusion est donc vécue par les personnels concernés, c'est-à-dire plus de 400 personnes, comme une mort à petit feu.
Ainsi fragilisés, ils craignent de s’entendre dire dans six mois ou un an que l’information locale coûte trop cher pour pas grand-chose, puisqu’on aura organisé la fuite du téléspectateur.
Cela revient de fait à les affaiblir face à la concurrence des télévisions locales privées. Or, derrière ces télévisions locales privées, ce sont les grands groupes de la presse quotidienne régionale qui sont aux manettes.
Alors que le Président, en inaugurant les états généraux de la presse, s’est clairement exprimé en faveur d’une plus grande concentration des médias, la pluralité de la presse se verrait un peu plus mise en danger.
On nous explique que France Télévisions n’a plus besoin de la publicité et que son financement sera garanti à l’euro près, sans toutefois nous le démontrer. On nous assure supprimer la publicité sur les chaînes publiques pour vouloir mettre fin à la « schizophrénie » dont souffre la télévision publique.
Ainsi, madame la ministre, lors de l’examen de ces deux textes à l’Assemblée nationale, vous avez déclaré ceci : « On ne peut pas demander à la télévision publique de proposer des programmes qui rassemblent quand la publicité oblige à viser des cibles, des segments de population. On ne peut pas lui demander de prendre des risques quand l’audimat impose ses règles. On ne peut pas lui demander d’offrir des programmes exigeants à des heures accessibles quand ces plages horaires – les plus rentables – sont supposées précisément accueillir de longs tunnels de publicité. »
Or, c’est très exactement ce qui se passe sur France 3 pour les décrochages locaux, du fait de l’application de la loi avant même son vote et sa promulgation : un programme d’informations locales diffusé à une heure de grande écoute et regardé par un large public est déprogrammé au profit de la publicité ! On marche sur la tête !
On ne peut pas continuer à tenir ce double langage sur la publicité. On ne peut, d’un côté, estimer qu’elle est nocive pour la qualité des programmes du service public et, de l’autre, prendre une décision qui mettra finalement en péril la qualité de ces mêmes programmes tout en contribuant, par le biais de ce projet de loi, au développement du parrainage et du placement de produits, c'est-à-dire à une publicité qui ne dit pas son nom.
Certes, la présence de publicité a des conséquences. Mais son absence en a tout autant !
Une publicité que vous n’avez eu de cesse de diaboliser depuis le 8 janvier 2008, alors que le candidat Sarkozy pendant la campagne pour l’élection présidentielle envisageait d’augmenter la part de publicité pour aider un service public sous-financé !
Ce texte aurait pu être, au contraire, l’occasion de réfléchir sur la notion même de publicité, sur sa forme, sa place et son rôle dans le service public. C’est là un débat que vous avez confisqué.
En raison de toutes ces confiscations qui entachent notre débat parlementaire, je vous demande instamment, mes chers collègues, de saisir cette porte de sortie honorable pour notre assemblée en soutenant notre motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous félicite, ma chère collègue, d’avoir respecté le temps de parole qui vous était imparti. Les choses s’équilibrent !
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, j’ai eu un moment d’inquiétude en entendant Mme Gonthier-Maurin dénoncer, me semble-t-il, à juste titre, l’audimat et sa dictature : j’ai cru qu’elle prenait la parole pour soutenir le projet de loi que nous examinons…
Nous débattons d’une motion tendant au renvoi à la commission. Or j’avoue ne pas très bien comprendre ce qu’apporterait à notre assemblée le renvoi devant une commission qui a déjà beaucoup réfléchi et travaillé sur ce texte.
Mme Catherine Tasca et M. Jean-Jacques Mirassou. Pas assez !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Mes chers collègues, nos rapporteurs ont accompli un très gros travail dont je tiens à saluer la qualité. Ils ont procédé à des auditions, mené une réflexion approfondie sur ce texte qui était encore en débat au Palais-Bourbon et qui devait venir ici même en décembre. Nous l’avons attendu longtemps et impatiemment, jusqu’à ce que l’Assemblée nationale se décide enfin à statuer et à nous le transmettre, alors que votre commission des affaires culturelles et son président s’étaient battus, en conférence des présidents, afin de disposer d’un temps suffisant pour permettre un examen de fond dès le mois de décembre.
Nous disposons d’un épais rapport que j’ai entre les mains, qui a été mis en ligne hier matin et qui est donc disponible et consultable par tous.
Que nous apporterait de plus le fait que la commission se saisisse une nouvelle fois du texte, alors même que nous avons déjà été retardés par le déroulement des débats à l’Assemblée nationale, dont nous ne sommes pas responsables, et que le travail de la commission a été effectué ?
Cette demande de renvoi à la commission est également fondée sur le fait que, s’agissant d’un projet de loi organique, la commission des lois aurait dû se saisir du texte. Certes, elle pouvait s’en saisir, mais la décision lui appartenait. Elle a sans doute estimé que ce texte organique était une conséquence du travail de fond auquel nous allons nous livrer et que c’était bien la commission des affaires culturelles saisie au fond, dont vous êtes membre, madame Gonthier-Maurin, qui devait travailler sur ce point. Nous ne pouvons d’ailleurs que remercier une nouvelle fois cette dernière du travail qu’elle a accompli.
La commission ayant effectué un travail approfondi, les rapporteurs étant allés au fond des choses – le rapport en témoigne –, nous souhaitons que le débat puisse avoir lieu au sein de cet hémicycle sans plus tarder. Aussi, nous vous demandons, mes chers collègues, de rejeter cette motion de renvoi à la commission.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je rejoins naturellement les préconisations du président Legendre.
Je m’associe aux propos qu’il vient de tenir quant à l’excellence du travail accompli par les rapporteurs. C’était un travail lourd, extrêmement technique, très exigeant, dont je tiens à souligner le résultat tout à fait remarquable.
J’ajoute que ce projet de loi est issu d’un long travail, qui a démarré le 8 janvier 2008 et s’est poursuivi au sein de la commission pour la nouvelle télévision publique, qui a travaillé pendant des mois. Les parlementaires y ont été associés. Certes, ceux de gauche ont quitté cette commission, mais seulement trois semaines avant la fin des débats, ce qui montre une participation assez longue de leur part. La commission a ensuite présenté ses conclusions.
Comme vient de le rappeler le président de la commission, le débat parlementaire a été extrêmement long, du fait de l’obstruction qui a eu lieu à l’Assemblée nationale. Le texte aurait dû venir au Sénat en décembre et être normalement examiné à ce moment-là. Tout le monde s’y était préparé, les personnels de France Télévisions et, surtout, les annonceurs. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité que la publicité soit partiellement arrêtée par décision de ne plus commercialiser des espaces avant que la loi ne vienne apporter son éclat et sa force à cette décision.
En tout cas, compte tenu de l’énorme travail accompli, le renvoi à la commission ne s’impose pas.
Sur le point particulier de France 3, j’indique que cette chaîne diffusera à l’avenir plus d’informations régionales et locales que précédemment. Ainsi, l’édition du 19/20 consacrera cinq minutes supplémentaires à l’information régionale et trois minutes supplémentaires à l’information locale. En outre, Soir 3, le journal du soir de la chaîne, intégrera pour la première fois un décrochage régional.
La dimension régionale et locale est importante à nos yeux et figure d’ailleurs de façon forte dans le cahier des charges. France Télévisions de demain doit garder pleinement cette dimension, conformément à son obligation et à son engagement.
M. David Assouline. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Mon cher collègue, je ne peux vous donner la parole en cet instant. Le règlement du Sénat prévoit en effet de façon très précise qu’aucune explication de vote n’est admise sur une demande de renvoi à la commission. (M. David Assouline proteste.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. le président. Ce n’est pas vous, monsieur Assouline, qui allez me l’apprendre !
M. David Assouline. Je ne vous apprends rien !
M. le président. Je respecte le règlement, conformément à mon rôle.
M. Dominique Braye. Voilà !