M. Jack Ralite. Dans le cadre de la réforme en cours, le Président de la République s’est engagé à pérenniser le périmètre actuel de France Télévisons.
La meilleure façon de garantir la préservation de ce périmètre consiste à l’inscrire clairement dans la loi, comme ce fut d’ailleurs le cas dans la précédente loi audiovisuelle de septembre 1986. Alors pourquoi refuser de le faire ?
Il est vrai que cette garantie ne manquera pas d’avoir des conséquences financières que vous craignez sans doute de ne pouvoir assumer puisque le modèle économique de compensation de la publicité n’est pas viable.
Or nous ne voulons pas que le manque de moyens de France Télévisions conduise à terme l’exécutif à décider la suppression d’une ou de plusieurs chaînes.
Il est vrai que ce serait l’un des moyens les plus radicaux de faire des économies !
Néanmoins, rappelons que les cinq chaînes de France Télévisions forment l’un des bouquets publics les plus performants d’Europe. Bien qu’il soit l’un des plus restreints en nombre de chaînes, il parvient à obtenir le taux d’audience le plus important en étant l’un des moins coûteux.
Alors que ce bouquet est déjà modeste, il est inconcevable qu’il puisse être amoindri, rétréci et qu’il en sorte rabougri. Ce serait une grave atteinte à la diversité et au pluralisme, d’autant qu’on ne souffre guère de leur excès…
La simple évocation de ces chaînes dans un cahier des charges unique ne peut en aucun cas suffire, car ce cahier des charges n’a aucune valeur prescriptive et peut être modifié à tout moment.
C’est pourquoi nous proposons qu’il soit fait mention du nom des différentes entités que sont France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô dans le texte même de la loi et qu’y soient également précisées leurs missions spécifiques.
Ces chaînes ont toute une histoire différente et leur identité respective s’est forgée au fil du temps. Elles font partie de notre patrimoine tout en continuant de s’inscrire, chacune à leur façon, dans la vitalité de la création audiovisuelle contemporaine.
Nous ne voulons en aucun cas que cette richesse soit amputée, non plus que la voilure de France Télévisions soit réduite.
C’est pourquoi le respect de l’identité de chacune de ces cinq chaînes comme de la promotion de la diversité culturelle passe également par la nécessité d’inscrire noir sur blanc dans la loi leur capacité à concevoir et à programmer des productions propres qui concernent tant l’information et la création que le divertissement.
Le concept d’entreprise unique ne doit en aucun cas se traduire par une fusion-absorption des chaînes, de leur rédaction ou de leurs différents services. Le CSA, lui-même, insiste sur la diversification des programmes, sur la création, l’innovation et la prise de risque. Il préconise, par ailleurs, le respect de l’identité des chaînes, en particulier de France 3, la plus menacée aujourd’hui, certains parlementaires allant jusqu’à proposer la suppression du journal national de cette chaîne.
Dans ces conditions, il convient de confirmer sans ambiguïté le caractère à la fois national, régional et local de France 3 auquel sont très attachés les téléspectateurs.
Puisque vous nous assurez, madame la ministre, qu’aucune chaîne ne disparaîtra, nous vous invitons à vous prononcer en faveur de cet amendement qui, par ailleurs, n’interdit nullement la création de nouvelles chaînes ou de nouveaux services. Il est le meilleur rempart contre les pressions exercées par les chaînes privées sur le pouvoir politique. Comme nous constatons que ce dernier est très sensible au lobbying des chaînes commerciales, nous préférons nettement – et vous le comprendrez – une consécration législative à de vagues engagements vite oubliés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. le président. L'amendement n° 296, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
La société nationale de programme France Télévisions est chargée de coordonner l'action des services France 2, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national et généraliste, France 3, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère généraliste, national, régional et local, France 4, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision culturelles et de divertissement reflétant la création actuelle, France 5, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance et à la formation, Réseau-France outre-mer, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision et de radio, destinées à être diffusées dans les collectivités d'outre-mer ainsi que de tout autre service de communication audiovisuelle répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous sommes là au cœur du débat tendant à ne pas remettre en cause le périmètre actuel de l’audiovisuel public. Pour l’instant, rien dans le projet de loi ne permet de dire que la pérennité dudit périmètre sera préservée. J’observe d’ailleurs que France 2, France 3, France 4, France 5 ou RFO ne sont pas cités une seule fois dans ce texte.
Dans le cadre de ce qui a été appelé la « fusion-absorption », on est malheureusement tenté de penser qu’il pourrait s’agir, dans le meilleur des cas, d’une dilution de l’audiovisuel public tel qu’il s’articule actuellement autour des chaînes que j’ai évoquées et, dans le pire des cas, de sa disparition.
S’agit-il d’une forme de duplicité ? Quand on observe, comme l’a fait tout à l’heure notre collègue Bernadette Bourzai, l’évolution stupéfiante depuis quelques jours de France 3, qui sacrifie au profit de la publicité une grande partie du programme dévolu à la tranche horaire du 19/20 à laquelle l’ensemble de nos concitoyens sont profondément attachés, on est en droit de se demander s’il n’existe pas une véritable volonté politique de mettre à mal le périmètre actuel de l’audiovisuel public.
De surcroît, si, comme l’ont dénoncé nombre de mes collègues, s’ajoute à cela un financement plus qu’aléatoire, l’autonomie éditoriale et l’identité de chacune des chaînes seront alors menacées. Je veux en cet instant citer particulièrement France 3, dénominateur commun de l’ensemble des territoires que nous représentons dans cette enceinte. L’autonomie éditoriale et la garantie du pluralisme sont l’expression, à l’échelon territorial, de faits politiques et de ce que j’appellerai la démocratie locale ou la démocratie tout court.
En précisant de nouveau les missions spécifiques de chacune des chaînes concernées – pour France 2, des émissions de télévision à caractère national et généraliste, pour France 3, des émissions de télévision à caractère généraliste, national, régional et local, pour France 4, des programmes et des émissions de télévision culturelles et de divertissement reflétant la création culturelle, pour France 5, des émissions de télévision à caractère éducatif favorisant l’accès au savoir, à la connaissance et à la formation, pour Réseau France Outre-mer, des missions spécifiques ayant été évoquées précédemment –, les auteurs de cet amendement ont voulu engager une démarche « prophylactique » afin de vérifier la volonté du Gouvernement de faire vivre les chaînes actuelles dans le cadre d’une seule et unique entité, France Télévisions, peut-être au prix d’une évolution mais dans le périmètre prévalant jusqu’à maintenant.
M. le président. L'amendement n° 115, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
« La société nationale de programme dénommée France Télévisions est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local ainsi que des émissions de télévision et de radio ultra-marines. Elle édite, produit et fabrique des œuvres audiovisuelles, des programmes et des émissions d'information dans le respect de ses entités et de leurs identités éditoriales spécifiques. Elle participe à des accords de coproduction et passe des accords de commercialisation en France et à l'étranger.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Étant donné que la compensation de la disparition des recettes publicitaires ne sera pas à la hauteur des besoins et des défis de France Télévisions – nous le savons tous –, il est nécessaire de trouver des recettes nouvelles. C’est pourquoi il est indispensable que France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO puissent reconquérir la pleine faculté de produire et de fabriquer en interne des programmes dans tous les domaines et sur tous les supports sans, bien entendu, remettre totalement en cause leurs obligations de commande à des producteurs privés.
Pourquoi ce qui est possible au Royaume-Uni ne le serait-il pas dans notre pays ? La BBC produit, en effet, 60 % de ses programmes en interne sans que cela porte le moins du monde préjudice aux commandes auprès des producteurs indépendants. Au contraire, ces dernières sont bien plus importantes qu’en France.
L’une des forces de la BBC, souvent citée en exemple, est d’être détentrice de ces droits et de gagner beaucoup d’argent grâce à leur commercialisation.
Il est dommage que le statut de France Télévisions et que les décrets régissant la production et la création cantonnent le service public pour l’essentiel à un simple rôle de diffuseur et de centrale d’achat des programmes auprès des producteurs indépendants. Cela constitue un sérieux handicap et une singularité par rapport aux grandes chaînes publiques européennes.
Alors que France Télévisions finance de 70 % à 90 % du coût des productions par le double financement du devis de production et de la taxe de 5,5 % sur son chiffre d’affaires qui alimente le compte de soutien des programmes audiovisuels, elle n’obtient, en contrepartie, que le simple droit de diffuser deux ou trois fois ces programmes. N’est-ce pas une hérésie économique que de la déposséder des fruits de son investissement, d’autant que ces œuvres sont produites avec de l’argent public ? Ce sera d’autant plus vrai avec la disparition, à terme, de la publicité.
Vous connaissez notre attachement à la création et à tout ce qui favorise son plein épanouissement. Cette capacité de nos cinq antennes à produire en interne confortera et stimulera la création française, tout en permettant au service public d’enregistrer des recettes supplémentaires qui ne seront pas de trop au regard du sous-financement que vous organisez.
Si France Télévisions devenait propriétaire des œuvres qu’elle finance majoritairement, elle pourrait disposer de son patrimoine et de ses archives et les exploiter équitablement à son profit dans tous les usages dérivés. N’est-ce pas la meilleure façon de garantir la réussite de son passage au média global ?
Cet outil de production pourra s’appuyer sur la filière de production de France 3, et des moyens existant dans les autres sociétés du groupe pourront être mis au service de l’ensemble des chaînes du groupe. L’ancrage local et régional de France 3 auquel sont attachés les téléspectateurs sera réaffirmé.
Il n’y a donc aucune raison que les chaînes de la future entreprise unique ne puissent éditer, produire et fabriquer prioritairement les programmes qu’elles diffusent, d’autant qu’elles en possèdent les compétences et que leurs savoir-faire ne demandent qu’à être valorisés.
Il est par conséquent nécessaire d’assouplir le décret qui limite à 30 % le droit de production propre de cette société tout en veillant à ne pas déstabiliser la production indépendante qui doit continuer à contribuer à la vitalité de la création française.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le deuxième alinéa du I de cet article :
« I. - La société nationale de programme France Télévisions est chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local ainsi que des émissions de radio ultramarines. Elle édite et diffuse également plusieurs services de communication audiovisuelle, y compris des services de médias audiovisuels à la demande, répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.
II. - Rédiger comme suit le quatrième alinéa du même I :
« Les caractéristiques respectives de ces services sont précisées par son cahier des charges. Elle peut les éditer par l'intermédiaire de filiales dont la totalité du capital est détenue, directement ou indirectement, par des personnes publiques.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Cet amendement a pour objet de proposer une nouvelle rédaction du premier et du troisième alinéa du I de l’article 1er, qui définit les missions de France Télévisions. En effet, l’Assemblée nationale avait refondu cet article sans préciser explicitement que les services de communication audiovisuelle édités par France Télévisions entraient dans le champ des missions de service public définies à l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 et dans son cahier des charges. Tel était pourtant le cas dans la rédaction initiale du projet de loi qui doit être rétablie sur ce point.
Par ailleurs, aux termes de cet amendement, les filiales du service public du groupe France Télévisions sont détenues directement ou indirectement par des personnes publiques. S’agissant de filiales dont l’objet principal est d’exercer des missions de service public, la précision va de soi. Pour autant, ces dispositions ne feront pas obstacle à ce que plusieurs chaînes publiques mettent en commun leurs forces pour proposer, par exemple, un service de télévision de rattrapage commun.
Enfin, cette nouvelle rédaction de l’article 1er du projet de loi n’interdit pas au service public de nouer des partenariats avec des opérateurs privés, le cas échéant, pour mettre en œuvre, à titre principal ou accessoire, une mission de service public. Elle n’interdit que la constitution de filiales ayant pour objet principal l’exercice d’une mission de service public.
M. le président. L'amendement n° 288, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
est chargée de concevoir
insérer les mots :
produire, fabriquer
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement a pour objet d’apporter des précisions s’agissant des missions de France Télévisions. En effet, en l’état actuel, il est très réducteur de limiter à la conception et à la programmation le rôle de France Télévisions. Que ce soit dans les statuts ou dans les décrets, nous aspirons à ce que soit mentionné le mode possible de création.
Le service public est au service des téléspectateurs et ne se résume pas à se mettre au service des producteurs extérieurs : la fourniture de moyens humains et de matériels, le paiement des devis, la contribution au compte de soutien des programmations de l’audiovisuel, pourquoi pas ? Mais pas seulement !
De plus, malgré ses contributions importantes, la télévision publique reste souvent dépourvue d’une juste part des droits d’exploitation.
Les sociétés nationales de programme ont des talents en interne. Notre ambition est non pas de statuer simplement sur les « tuyaux », la constitution d’une firme de commandes et de diffusion, mais de soutenir tout le champ des missions audiovisuelles, y compris les plus nobles, les plus motivantes, à savoir celles de la création.
C’est à dessein que, dans notre amendement, nous avons employé le verbe « fabriquer », tout comme on évoque la « Fabrique de théâtre ». Là, se croisent le savoir conceptuel, l’art, les savoirs de médiation, les savoir-faire en matière de décors, d’éclairage, de sonorisation, de maîtrise du lieu et du temps, d’écriture. Cette mission de fabrication, France Télévisions doit la conserver, et elle en définira à sa façon la proportion dans ses activités. Mais il est nécessaire de la mentionner.
M. le président. L'amendement n° 310, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte prévu par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
chargée de concevoir
insérer les mots :
, de produire
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement a pour objet de garantir que les entités de production à France 3 et RFO puissent poursuivre leurs missions. Il s’agit d’un enjeu très concret.
Le statut de France Télévisions et les décrets qui régissent la production et la création de télévision ont réduit le service public au simple rôle de diffuseur et de centrale d’achat de programmes auprès des producteurs privés dits « indépendants ». Ces derniers se sont vu octroyer un quasi-monopole de la production, tous genres confondus.
Alors que France Télévisions finance de 70 % à 90 % du coût des productions par le double financement du devis de production et de la taxe de 5,5 % sur son chiffre d’affaires qui alimente le compte de soutien des programmes audiovisuels des producteurs, elle n’obtient en contrepartie que le simple droit de diffuser deux ou trois fois ces programmes. C’est regrettable. Les producteurs privés restent seuls propriétaires des productions et des œuvres qu’ils exploitent librement. Cette situation, unique en Europe, est préoccupante.
La détention des droits des œuvres devrait pouvoir être partagée en fonction du niveau d’investissement initial. Ainsi, France Télévisions pourrait être propriétaire des œuvres qu’elle finance majoritairement, de façon à en disposer dans son patrimoine et à pouvoir les exploiter à son profit dans tous les usages dérivés. À titre d’exemple, la BBC dispose d’un département commercial qui lui apporte des financements complémentaires très importants.
Afin de permettre le développement quantitatif et qualitatif de la production et de la création de l’audiovisuel public, France Télévisions doit pouvoir développer et maintenir un outil de production interne. Cette demande a été fortement formulée, notamment par les personnels attristés de voir que leurs œuvres peuvent être rapidement mises à la disposition de la concurrence, alors que France Télévisions a réalisé un investissement énorme par le biais de l’argent public.
Le fait que des capacités de production puissent exister en interne est un enjeu pour l’indépendance et l’autonomie de France Télévisions. Je pense que cet amendement aurait pu recueillir une majorité dans notre hémicycle si la volonté de consolider le service public de l’audiovisuel était partagée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 113, je souhaiterais indiquer que, si la loi définit les missions de l’entreprise unique, c’est le cahier des charges de cette dernière qui détermine les lignes éditoriales de chacune des chaînes.
Nous ne voyons pas quelles craintes nous devrions éprouver à propos des missions confiées aux futures chaînes – qu’il s’agisse de celles que nous connaissons aujourd’hui dans le paysage audiovisuel actuel ou de chaînes qui pourraient être créées à l’avenir – ou à propos de l’évolution de certaines chaînes. Par exemple, les contenus proposés par France 4 ont déjà pu évoluer dans le passé. C’est toute la noblesse de l’entreprise unique que de pouvoir évoluer en fonction de la demande de nos concitoyens mais aussi de l’inventivité et de la créativité de ses différents personnels.
L’amendement nous paraît antinomique avec la création d’une entreprise unique. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 296 vise également à figer dans la loi la présentation de France Télévisions telle qu’elle existe aujourd’hui. Or toute l’ambition du projet de loi est de dessiner l’avenir de France Télévisions tout en offrant aux personnels la possibilité de définir les contours de certaines réalités. Notre rôle nous paraît donc tenir à la définition des contenus de service public mais non à celle de la réalité quotidienne des lignes éditoriales, qui revient aux personnels de France Télévisions. Sinon, autant nous substituer à ces derniers !
S’agissant de l’amendement n° 115, rien ne fait obstacle, ni dans le droit ni dans le projet de loi, au maintien des capacités de production propres aux sociétés du groupe France Télévisions. Il en ira de même demain avec la constitution de l’entreprise unique. Rien ni personne n’interdit à France Télévisions de produire en interne ses propres programmes. L’amendement nous paraît donc satisfait tant par la rédaction actuelle du IV de l’article 1er que par l’amendement n° 7, déposé par la commission, qui sera examiné dans quelques instants. C’est pourquoi, si l’amendement n° 115 n’était pas retiré, la commission émettrait alors un avis défavorable.
L’amendement n° 288 ayant à peu près le même objet, j’invite également ses auteurs à le retirer, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 310 procède des mêmes préoccupations, que la commission partage d’ailleurs, comme elle a eu l’occasion de l’exprimer. Nous souhaitons en effet que France Télévisions puisse à la fois produire en interne ses propres programmes et recourir à des partenaires extérieurs, dans le cadre de la pluralité. Dans la mesure où ces deux possibilités existent déjà, il nous paraît superfétatoire d’y faire référence dans la loi. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Je partage les analyses développées par M. le rapporteur.
Le projet de loi prévoit en effet la création d’une société unique. Les amendements nos 113 et 296, qui tendent à réaffirmer l’existence d’entités juridiques – France 2, France 3, France 4,… – sont antinomiques avec le projet même d’une société unique, sachant que les identités de ces différentes chaînes, comme l’a rappelé M. Thiollière, sont clairement définies dans l’exposé des motifs de la loi et dans le cahier des charges fixé par décret. Tel était également le cas de Radio-France, dont les différentes antennes relèvent du domaine du décret. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Les amendements nos 115, 288 et 310 me paraissent concerner davantage les capacités de production de France Télévisions, auxquelles rien ne s’oppose. Ces dernières figurent déjà dans la loi du 30 septembre 1986, qui prévoit que « les sociétés nationales de programme […] peuvent produire pour elles-mêmes et à titre accessoire des œuvres et documents audiovisuels et participent à des accords de coproduction ». L’idée est que France Télévisions puisse produire les œuvres qu’elle diffuse – 50 % de ses programmes sont d’ailleurs, aujourd’hui, produits en interne – et passer accord avec des producteurs indépendants. Tel était l’esprit des décrets Tasca. Tel est également, aujourd’hui, l’esprit des accords interprofessionnels qui ont été signés.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur ces amendements.
Il est en revanche favorable à l’amendement n° 4. Il paraît en effet intéressant de rappeler que les différentes filiales de France Télévisions sont détenues par des personnes publiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 113.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement, ainsi que l’amendement n° 296, est à nos yeux très important.
Il faut bien savoir de quoi l’on parle. Évoquant les chaînes de télévision, vous venez à l’instant de déclarer, madame la ministre, qu’il s’agissait d’entités juridiques.
Je n’ai cependant pas du tout le sentiment que ces chaînes se réduisent à des entités juridiques ! Nous sommes d’accord sur le fait que l’on crée une société nationale de télévision, mais cela n’est pas antinomique avec la reconnaissance de chacune des chaînes qui existent aujourd’hui ni avec l’inscription de cette reconnaissance dans la loi. Et si l’on nous dit que c’est une contrainte excessive, je répondrai que les chaînes de télévision ne sont pas seulement des entités juridiques. Ce sont avant tout des entités humaines.
Imaginez que l’on opère une comparaison avec la presse écrite. Les journalistes, techniciens, ouvriers et personnels administratifs d’un journal éprouvent un fort sentiment d’appartenance à ce dernier. Les lecteurs reconnaissent également une forte identité à ce qui est ainsi « leur » journal.
Imaginez donc le regroupement de quatre, cinq ou six journaux en une société nationale de presse. Vous diriez que les moyens seraient mis en commun, que tout – reportages, photographies, mises en page – pourrait être fait dans le cadre de cette société et que, les titres demeurant, il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter. Une révolte s’ensuivrait !
Nous connaissons des personnels, des créateurs et des journalistes de France 2 et, dans nos régions, de France 3. Ils sont profondément attachés à l’identité humaine de leur chaîne. C’est mépriser ces personnes que rayer d’un trait de plume cette réalité humaine vécue par des millions de Français attachés à leurs chaînes de télévision. C’est mépriser une réalité vivante.
C’est pourquoi aucun argument sérieux ne peut être opposé à l’inscription dans la loi de ces chaînes qui existent si fortement – certaines, telles RFO, France 3 et France 2 mais aussi France 4 et France 5, davantage que d’autres car elles sont plus anciennes –, à la reconnaissance par la loi de leur force, de leur existence, de leur impact et de leur personnalité. Cela n’est nullement antinomique avec la création d’une société nationale.
J’aimerais donc que l’on m’oppose un autre argument que celui selon lequel la création de la société unique n’empêche pas les chaînes de continuer à fonctionner ou de nouvelles organisations d’apparaître. Certes, c’est le cas, mais l’argument est un peu court.