M. François Fortassin. Pourquoi ne pas avoir procédé de la même façon dans le secteur de l’alimentation, puisque de nombreuses familles françaises connaissent, nous le savons tous, des difficultés considérables pour se nourrir correctement ? D’autant que, dans ce domaine, il y a peu de risques d’importation ! Ce n’est pas comme pour les écrans plats !
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Daniel Raoul. Très bien ! Il a raison ! J’ai prévu d’en parler également !
M. François Fortassin. L’environnement est également difficile sur le plan national, comme je viens de l’évoquer. Les signaux de la croissance sont au rouge, avec de nombreuses entreprises en difficulté, et les services publics sont quelquefois défaillants, s’étiolant, notamment dans les zones rurales, au point qu’on a parfois l’impression qu’ils sont laissés à l’abandon par l’État alors que ce dernier devrait au minimum, notamment en cette période délicate, les défendre. Heureusement que les collectivités locales sont là pour compenser parfois ces manques !
Ensuite, on constate un manque de fermeté, voire un certain laxisme, à l’égard des financiers. À l’évidence, la première condition pour rétablir la confiance est de rappeler une règle évidente et très simple que tous les Français pourraient comprendre : le banquier est là avant tout pour prêter de l’argent, pas pour faire de la spéculation.
Monsieur le ministre, vous estimez qu’un simple rappel à l’éthique va subitement faire revenir les banquiers dans un cercle vertueux.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. François Fortassin. Cela m’étonnerait fort ! Il faudrait que vous en rappeliez le mode d’emploi aux financiers et aux banquiers, qui se sont comportés comme des gestionnaires de casinos, pour ne pas dire comme des joueurs de poker, ces derniers ayant cependant plutôt l’habitude de jouer dans des tripots enfumés avec leur argent, ce qui n’est pas du tout le cas des premiers !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mettez-les tous au pilori !
M. François Fortassin. Il s’agit non pas de les mettre au pilori, mais simplement de les rappeler à leur juste métier, à l’action qu’ils doivent mener. Monsieur le rapporteur général, je sais bien que vous avez pour les banquiers, en raison de votre formation, une affection que je n’ai peut-être pas.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Au pilori ! Sur la place publique !
M. François Fortassin. Pour autant, il revient à la représentation nationale de rappeler un certain nombre d’évidences.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez abandonné la politique des emplois aidés, avant de la rétablir partiellement. Or un soutien à l’emploi et au pouvoir d’achat aurait épargné la dégradation connue en 2008.
En réalité, nous sommes convaincus qu’il faut agir sur trois leviers : le pouvoir d’achat individuel, l’emploi et l’investissement public. Votre plan n’est pas suffisamment ambitieux. Il est regrettable que vous n’ayez pas accepté d’augmenter de façon significative la dotation globale d’équipement. Vous auriez pu disposer de possibilités de dépenses immédiates, car les projets sont prêts. Il aurait suffi de donner des instructions aux préfets pour qu’ils attribuent cette dotation, fortement augmentée, aux communes, qui auraient pu ainsi réaliser immédiatement des investissements. Si tel n’avait pas été le cas au bout de trois ou quatre mois, vous auriez pu vous tourner vers d’autres projets. Ce faisant, vous aviez la possibilité de réaliser des investissements rapides, alors que certains travaux publics de l’État, qui sont sans doute nécessaires, ne donneront des résultats que dans deux ou trois ans.
Monsieur le ministre, vous pourriez également décider d’une mesure qui ne coûte rien : donner instruction aux fonctionnaires d’accélérer les procédures.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !
M. François Fortassin. C’est la règle d’or !
M. Yvon Collin. Très bien !
M. François Fortassin. Nous avons en France des fonctionnaires de grande valeur, mais l’exercice de leur autorité consiste à répondre de façon systématique par la négative à toute proposition qui leur est soumise !
M. Michel Charasse. Surtout attendre et enterrer les dossiers !
M. François Fortassin. En réalité, les fonctionnaires ne devraient pouvoir dire « non » qu’après avoir épuisé toutes les possibilités de répondre « oui » ! (Très bien ! sur certaines travées de l’UMP et du groupe socialiste, ainsi qu’au banc de la commission.) Je pense que nous sommes d’accord sur ce point !
M. Yvon Collin. Des sous ! Des sous !
M. François Fortassin. J’espère que le Gouvernement sera aux côtés des collectivités locales pour que la relance de l’investissement puisse être rapide.
Monsieur le ministre, la majorité du groupe du RDSE, qui vous accorde le bénéfice du doute, soutiendra malgré tout ce plan, car, lorsque la situation est difficile, tout remède est bon à tenter. Comme j’ai eu l’occasion de vous l’indiquer en commission, vous êtes plus un ministre de la parole qu’un ministre de la relance, mais vous pouvez vous améliorer considérablement ! (Sourires. –Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé.
M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, j’ai toujours cru que le pouvoir ministériel commandait à l’autorité administrative. Si j’ai bien entendu mon illustre prédécesseur, ce ne serait plus le cas, ce que je regretterais !
Certes, la crise doit être dominée, mais nous ne croyons pas à la crédibilité de votre projet. Notre jugement se fonde essentiellement sur deux raisons principales : d’une part, vous refusez de prendre en considération la véritable origine de la crise et, d’autre part, tout en faisant des collectivités territoriales des « acteurs majeurs de la relance », selon l’expression de M. Marini, vous les maintenez dans des incertitudes qui hypothèquent leur mobilisation. Tels sont les deux points que je développerai.
En ce qui concerne la véritable origine de la crise, une vérité s’impose : depuis quelques années, le partage des revenus dans notre pays est devenu de plus en plus inégalitaire et injuste. Nous assistons – cela n’est ni de la théorie ni du virtuel, mais bien la réalité – à une baisse de la part des revenus liée au travail et à une augmentation de celle qui est tirée du capital.
À titre d’exemple, les dividendes versés aux actionnaires en 2007 représentaient 12,4 % de la masse salariale, contre 4,4 % en 1982. Vous connaissez les conséquences de ce mouvement : l’investissement stagne, le pouvoir d’achat fait de même ou recule, les ménages et les collectivités s’endettent. Un nouveau rapport s’est établi entre les actionnaires et les dirigeants d’entreprise, qu’illustre – Mme Bricq l’a rappelé –l’évolution de la rémunération de certains d’entre eux.
Je voudrais brièvement rappeler l’évolution historique du pouvoir dans l’entreprise.
Jusqu’aux premières décennies du XXe siècle, nous avons affaire à des patrons propriétaires qui vont utiliser intelligemment la société anonyme par actions, n’hésitant d’ailleurs pas à faire appel à l’idéologie démocratique pour opérer la concentration des capitaux.
Dans un second temps, ces patrons propriétaires feront confiance à des managers salariés. Ces derniers mettront en place des logiques d’expansion industrielle et sauront passer avec les organisations syndicales un compromis social fondé sur un partage des gains de productivité. Des réformes fiscales, sociales, statutaires favoriseront cette négociation.
Arrive ensuite le temps – nous y sommes actuellement – d’un nouveau libéralisme : la logique financière l’emporte sur la logique industrielle ; les managers font alliance avec les investisseurs institutionnels ; le compromis social est rompu ; une nouvelle connivence s’instaure. De nouveaux modes de rémunération se mettent en place avec les bonus, les stock-options, les parachutes dorés, les « retraites chapeaux » et les actions gratuites.
Toutes les tentatives « autogérées » de moralisation ont échoué : du rapport Viénot au nouveau code de conduite MEDEF-AFEP en passant par le rapport Bouton et un précédent code de 2003.
Le législateur n’a pas su ou voulu imposer une norme éthique, seule capable de donner une assise solide à l’action économique, qu’il s’agisse des lois de 2001, de 2005, de 2006 ou de notre dernière loi de finances.
Mes chers collègues, nous sommes face à un problème non pas de bonne gouvernance, mais de justice sociale et d’efficacité économique. Toutes les études montrent que, au cours des vingt dernières années, les salaires les plus élevés des entreprises du CAC 40 ont substantiellement augmenté. Le Bureau international du travail s’en est ému dans un rapport récent : « Les faits démontrent que l’évolution de la rémunération des dirigeants a été à la fois un facteur d’accroissement des inégalités et d’inefficacité économique ».
Que vous le vouliez ou non, l’assainissement de notre économie doit emprunter différentes voies de contrôle, de lutte contre les paradis fiscaux – on ne cesse de le rappeler –, de choix en faveur de l’investissement et de la recherche.
Quant à la relève du défi des rémunérations excessives, elle passe par la fiscalité et le renforcement du principe progressif. Si certains parmi vous ont des doutes, je les renvoie à la période du New Deal, qui a montré que des législations fiscales importantes n’empêchaient pas le développement de grandes entreprises et le rayonnement du capitalisme.
J’en viens aux collectivités territoriales, qui sont dans l’incertitude. Je sais que nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet.
Ces collectivités territoriales, que nous connaissons bien, exercent pleinement leurs responsabilités. J’en veux pour preuve tous les partenariats que l’État ne cesse de tisser avec elles dans les secteurs les plus divers, y compris régaliens. Toutefois, pour que ces collectivités assument pleinement leurs responsabilités, monsieur le rapporteur général, il faut que leur futur soit assuré, qu’il soit lisible et qu’elles aient confiance en leur avenir.
Pour entreprendre – c’est vrai pour les collectivités territoriales comme pour les chefs d’entreprise –, il faut savoir ce dont demain sera fait. Or, aujourd’hui, c’est l’incertitude qui domine.
L’incertitude quant à l’existence des collectivités territoriales a été créée par le Président de la République. Ce dernier voit en effet dans le nombre et l’enchevêtrement des compétences de nos collectivités locales une source d’inefficacité et de dépenses supplémentaires. Il a ainsi déclaré : « Je pense que 2009 doit être l’occasion d’une réflexion, d’un débat et d’une concertation approfondie sur la question des communes, des communautés de communes, des départements et des régions ».
M. Edmond Hervé. Mes chers collègues, sans chercher à polémiquer, je me demande si ces propos présidentiels auraient été tenus avec une majorité politique territoriale autre. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Bricq. La réponse est dans la question !
M. Charles Revet. Ce sujet avait été évoqué avant !
M. Edmond Hervé. Edouard Balladur préside un Comité pour la réforme des collectivités locales, le président du Sénat a mis en place une mission, à laquelle je participe. Or propositions, rumeurs, opinions les plus diverses circulent.
M. Edmond Hervé. Un jour, on parle du département, un autre de la région, l’idée étant de supprimer une partie de ce qu’on appelle injustement « le millefeuille », auquel l’État a d’ailleurs contribué. On évoque également des redécoupages …
Souhaitons, surtout en période de relance, que l’on n’oublie pas ce qui fonctionne bien et que l’on mette rapidement fin à une situation démobilisatrice.
Il existe ensuite une incertitude en matière de protection.
Mes chers collègues, c’est au moment où vous plaidez avec une insistance exceptionnelle pour le principe du partenariat public-privé que vous mettez en place la révision générale des politiques publiques.
Avec le partenariat public-privé, nos collectivités territoriales ont plus que jamais besoin de conseil, d’expertise, de protection juridique, technique et financière. Elles ont besoin de prospective.
Les services déconcentrés de l’État doivent avoir leur part dans ces différentes prestations. C’est pourtant le moment que vous choisissez pour procéder à des allégements substantiels et dangereux. Vous réfléchissez même, monsieur le ministre, à la suppression de certaines chambres régionales des comptes, remettant en cause un contrôle équilibré qui a fait ses preuves au cours des vingt-cinq dernières années.
Alors que les procédures sont de plus en plus complexes, qu’il est fait de plus en plus appel à la concurrence et donc aux risques de pression, vous affaiblissez la maîtrise d’ouvrage publique et exposez les agents territoriaux à des contestations inégales.
Il existe enfin une incertitude quant aux moyens.
Voilà qu’un jour la suppression de la taxe professionnelle est annoncée. Le lendemain, on propose de réformer cette dernière. Mais comment ? En tout cas, nous savons que le principe de la suppression tient la corde au sein du Gouvernement.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de décider, rappelons-nous bien ce que cette taxe a apporté en termes de développement, de solidarité, d’aménagement et de partenariat. Elle a été un facteur de croissance et de mutation. Toutes les politiques de l’État en ont profité.
En l’occurrence, je ne résiste pas à la joie de vous citer une expression, que j’ai entendue hier, de M. le directeur général des collectivités locales, lequel a évoqué « un facteur de vulnérabilité pesant sur la taxe professionnelle ». Le Gouvernement est-il prêt à rompre cette dynamique ?
Toujours en ce qui concerne l’incertitude quant aux moyens, la loi de finances de 2009 a intégré le FCTVA dans « l’enveloppe fermée ». Nous avons dit notre opposition à ce montage, qui pénalise les collectivités actives. Cependant, le projet de loi de finances rectificative pour 2009 semble opter pour un autre choix.
De grâce, monsieur le ministre, n’interprétons en aucun cas le remboursement anticipé de la TVA comme une politique volontariste de l’État envers les collectivités territoriales. Il s’agit tout simplement d’un changement de modalité de gestion administrative. Que je sache, la TVA de 2008 permettant le financement de cette mesure est déjà dans les caisses de l’État !
Comme d’autres, je voudrais regretter la complexité du dispositif proposé, qui n’exprime pas un grand esprit de confiance à l’égard des responsables territoriaux. Dans un souci de simplification et surtout d’égalité, je considère que le régime de remboursement trimestriel de la TVA dont bénéficient les communautés d’agglomération l’année même de la dépense devrait être généralisé.
Si l’anticipation du remboursement de la TVA ne constitue qu’un rattrapage, le présent plan de relance en contient bien d’autres. Avec beaucoup de sincérité, monsieur Marini, vous écrivez ainsi dans votre rapport : « Il est toutefois délicat de discerner, dans la masse des crédits ouverts, […] » ce qui relève d’un rattrapage de dépenses retardées.
Je ne verserai pas dans la litanie. Qu’il me suffise – vous l’avez d’ailleurs dit, monsieur le ministre – de rappeler que les contrats de plan État-région ont en moyenne dix-huit mois de retard.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le plan de relance est une bonne nouvelle !
M. Edmond Hervé. J’ai lu tout comme vous avec beaucoup d’attention le dernier rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, qui fait lui aussi état d’« un retard notable ». Chacun connaît l’état du financement du logement et des opérations culturelles …
Monsieur le ministre, vous nous avez rappelé que le Parlement avait examiné quatre projets de loi de finances en à peine plus d’un trimestre : faut-il y voir un hommage à l’institution parlementaire ou la difficulté pour le Gouvernement d’anticiper et de décider ?
En tout état de cause, je vous prie de croire en notre disponibilité pour un dialogue loyal, constructif et responsable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Après vous avoir écouté avec beaucoup attention, monsieur le ministre, j’évoquerai trois points : la méthode de travail utilisée, ce que M. le rapporteur général appelle « la tyrannie de l’urgence », qui est souvent mauvaise conseillère, le fonds stratégique d’investissement et, pour conclure, j’évoquerai quelques dossiers locaux qui me tiennent à cœur.
Je commencerai par la méthode. Quel rôle allez-vous laisser aux élus dans la mise en musique de votre plan de relance ? Quels sont les critères de distribution des fonds destinés aux actions de soutien de l’économie ? Comment éviterez-vous l’arbitraire et le favoritisme ? Allez-vous appliquer le principe du « premier arrivé, premier servi » ou la politique « du projet contre projet » ?
Telles sont les questions que se posent nos élus, dont certains ont déjà rendu dans l’urgence leur copie aux préfets : il s’agit des plus initiés d’entre eux, à savoir les communautés d’agglomération et les communautés urbaines, et tant pis pour les autres !
Vous qui avez chapeauté, dans une autre vie, des assises des libertés locales, aussi glorieuses que le Grenelle qui n’avait pas encore fait son grand retour vintage, comment allez-vous expliquer ce plan aux collectivités territoriales ? De quelle somme disposeront-elles ? D’ailleurs, que reste-t-il à l’heure où nous débattons ?
Puisque nous en sommes aux questions de méthode et de gouvernance dans le cadre à la fois d’un projet de loi de finances rectificative et d’un texte de relance de l’économie, ne pourrait-on à cette occasion revoir plus attentivement la mission « Engagements financiers de l’État » ?
Cette mission, dont le budget est astronomique avec plus de 150 milliards d’euros, a été examinée en dix minutes à deux heures du matin voilà quelques semaines. Pourquoi ne pas présenter ce budget dans le cadre d’un compte consolidé des engagements de l’État, ce qui nous donnerait une idée plus précise des dépenses faites, de leurs conditions d’attribution et des résultats obtenus ? Malheureusement, je n’ai pas l’occasion de pouvoir reparler de l’industrie navale, qui est un bel exemple de pilotage économique sans GPS !
Venons-en maintenant à des points plus précis tels que le fonds stratégique d’investissement.
Je suis partisane depuis longtemps de la création d’un fonds stratégique en France. En mars 2008, j’ai rencontré les membres du cabinet du Président de la République et ceux du ministre de l’économie. Les premiers étaient intéressés ; les seconds ont été polis et totalement hermétiques, m’expliquant qu’un tel fonds était totalement inenvisageable. Finalement, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !
Le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, Joaquín Almunia, et le ministre des finances du Luxembourg devant qui j’ai tenu ce discours lors d’une conférence sont les témoins honorables de ces propositions, qui ont d’ailleurs été largement publiées depuis janvier 2008.
Le fonds stratégique d’investissement a donc, vous le comprendrez, toute ma sympathie.
En revanche, je ne partage pas du tout la vision de M. le rapporteur général et encore moins les principes fondateurs de ce fonds. Pourquoi ne pas avoir associé le Parlement à sa constitution ? Pourquoi faire toujours les choses dans l’urgence et en catimini sans un plan d’ensemble lisible et transparent ?
J’aurais préféré un outil neuf doté d’une gouvernance transparente plutôt que la Caisse des dépôts et consignations. Ce fonds aurait pu fonctionner un peu comme celui de nos amis norvégiens, ce que j’appelle un fonds « Neutrogena », transparent et sans odeur, comme c’est d’ailleurs le propre de l’argent !
Quel mal y aurait-il à faire approuver des investissements importants par le Parlement ?
Votre plan de relance doit réussir, monsieur le ministre : il y va de l’avenir de la France et de nos territoires, en particulier des territoires fragiles, tel celui dont je suis l’élue. Mais ne sommes-nous d’ailleurs pas tous dans ce cas ? Nos territoires ont froid et vont avoir besoin de couvertures… Ainsi, le département de l’Orne, que j’ai l’honneur de représenter, est frappé de plein fouet non seulement par le sinistre Moulinex mais aussi par la crise de la sous-traitance automobile dans le bassin de Flers, qui est le troisième bassin d’emploi de Basse-Normandie.
Sans désenclavement et sans sécurité des transports, on ne peut pas espérer une quelconque relance économique. J’ai tenté de déposer un amendement, mais ce dernier a été retoqué au titre de l’article 40 de la Constitution. N’étant pas une femme de renoncement, je vais m’efforcer, confortée par la présence de mon collègue représentant de l’Eure et de M. René Garrec, de vous démontrer la nécessité de la modernisation de la ligne Paris-Grandville.
Cette ligne, essentielle au désenclavement de la région, est totalement archaïque. Je pourrais vous citer les retards systématiques, les passages non électrifiés, les voies uniques, les locomotives qui patinent sur les feuilles mortes, les trains qui oublient des arrêts (Rires.) – vous riez, mes chers collègues, mais cela se passe bien ainsi ! –,…
M. Jean-Pierre Sueur. Nous vous croyons ! Nous compatissons !
Mme Nathalie Goulet. …les usagers exaspérés et les élus impuissants. (Oh ! sur plusieurs travées.)
M. Yvon Collin. C’est ce qui est le plus terrible !
Mme Nathalie Goulet. Le président de la SNCF, Guillaume Pepy, fait des promesses mais rien ne se passe, à tel point que le président de la région, Laurent Beauvais, vient de décider de suspendre ses subventions à la SNCF jusqu’à ce que les retards systématiques et les dysfonctionnements diminuent. Cette mesure a reçu l’accord et le soutien du syndicat des cheminots CGT.
Monsieur le ministre, je vous demande d’inscrire la modernisation de cette ligne en tête des priorités du plan de relance et des travaux d’infrastructure.
Cette modernisation mettra Verneuil, dans l’Eure, et L’Aigle, dans l’Orne, à une heure trente de Paris, assurant ainsi leur développement économique, ce qui constitue une garantie pour leurs populations. Elle rendra les efforts des élus du Bassin d’Argentan et ceux du Bassin de Flers plus pérennes. Elle est indispensable pour cette région fragile !
Il convient donc, monsieur le ministre, d’organiser d’urgence une réunion et de voir dans quelle mesure votre plan de restructuration peut aider à la modernisation de cette ligne Paris-Grandville.
L’autre point qui me préoccupe – j’aurais aimé être soutenue par mes collègues élus de la Mayenne –,…
M. Jean-Pierre Sueur. Ils sont dans le train ! (Rires.)
M. François Rebsamen. Ça patine !
M. Yvon Collin. Ils sont sur une voie de garage !
Mme Nathalie Goulet. …c’est le désenclavement du bocage normand, c’est-à-dire la RN 12, promis depuis 1992 par les préfets Masseron, Tomasini, Debacq, ainsi que par les ministres Bosson, Perben et Bussereau.
En effet, M. Bussereau m’a promis, le 16 mai dernier, en répondant à une question d’actualité au Gouvernement, de verser 55 millions d’euros pour ce bout de route nationale 12 ! Il se trouve que, dans l’intervalle, il y a renoncé.
M. René Garrec. Il a changé de ministère !
Mme Nathalie Goulet. Mais, 55 millions d’euros pour un plan de restructuration d’une route, …
M. Jean-Pierre Sueur. …ce n’est pas cher !
Mme Nathalie Goulet. Absolument ! À cet égard, je vous renvoie, monsieur le ministre, à un débat très intéressant que nous avons eu ici, au cours d’une nuit torride avec le ministre Éric Woerth et Mme Gourault ! (Exclamations amusées sur plusieurs travées.)
C’est le prix de l’uniformisation du taux de TVA sur le déneigement des routes communales et départementales ! Autrement dit, cela représente « une paille » pour le budget de l’État et le déficit budgétaire, en contrepartie d’une garantie de désenclavement à la fois vers la Mayenne et vers le Mont-Saint-Michel, où nous pourrons dès lors tous nous rendre pour prier au succès de votre plan de relance, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. René Garrec. Prions !
Mme Nathalie Goulet. Pour que le plan de relance fonctionne, monsieur le ministre, il faut réaliser une sorte d’union nationale autour de vous, qui ne sera possible que si votre action est transparente et non partisane.
Associez vraiment les élus, et pas seulement dans des colloques « vaseux » qui ne flattent que ceux qui s’expriment à la tribune. Oubliez les réformettes politico-médiatiques qui cassent les outils opérationnels et démobilisent les acteurs. Sollicitez les élus, et pas seulement les administrations et les services publics, pour peu qu’ils existent encore.
Les élus ont souvent le tort, monsieur le ministre, d’avoir raison trop tôt ! Le Président de la République veut donner plus de pouvoirs au Parlement, c’est du moins ce qu’il dit : il est vraiment temps de joindre le geste à la parole ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce plan de relance de l’économie, avec 26 milliards d’euros de dépenses nouvelles, aggrave le déficit de 1,4 % du PIB. Avant d’entrer dans le détail de ce plan, il convient de s’interroger sur son impact sur le budget de 2009 que le Gouvernement va nous présenter dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009.
Or, les prévisions sont inquiétantes, avec un déficit budgétaire initialement fixé à 79 milliards d’euros, mais qui sera certainement plus important.
Il serait indispensable de nous indiquer dès maintenant quelle sera la charge de la dette en 2009 et surtout en 2010, compte tenu des déficits prévus. Elle devrait se rapprocher en 2010 de la totalité des recettes fiscales de l’impôt sur le revenu, soit près de 60 milliards d’euros.
Ainsi, avec cette politique, les recettes fiscales diminuent chaque année à cause de la charge de la dette, et les dépenses augmentent. Que peut-on faire, sinon continuer à emprunter, mais jusqu’où ? Faute de disposer dans le budget d’une capacité de remboursement et donc de diminution de la dette, la charge de cette dernière continue à augmenter.
La dette continuera à augmenter tant que l’on ne sera pas revenu à l’équilibre budgétaire, qui devrait être l’objectif premier. Celui-ci risque pourtant d’être reporté, car je ne vois dans les budgets aucune possibilité d’économie.
Revenons à l’emploi des 26 milliards d’euros du plan de relance. Bien que celui-ci soit destiné à relancer les investissements,…
M. Charles Revet. C’est une très bonne chose !
M. Serge Dassault. …je trouve que les entreprises privées – les PME et les TPE – sont singulièrement oubliées, au profit des entreprises publiques. Pourquoi ne contribue-t-on pas aussi au financement des entreprises privées, qui sont celles qui créent le plus d’emplois et facilitent le plus la relance ?
Malgré les promesses maintes fois réaffirmées de donner dans ce plan de relance la priorité aux investissements, on note encore des soutiens à l’emploi et aux revenus des ménages, dépenses de fonctionnement qui vont nécessiter des emprunts non pas d’investissements mais de fonctionnement, aggravant encore un peu plus le déficit.
Or, ce sont les investissements dans les entreprises publiques et privées qui créent les emplois et la croissance, et non les aides à l’emploi ou les dépenses des ménages, qui ne servent qu’à acheter des produits chinois !
Le Premier ministre a déclaré hier encore, à l’occasion des États généraux de l’automobile, que les emprunts devaient concerner des investissements et non des aides diverses destinées aux ménages, qui aggravent notre déficit budgétaire sans offrir de possibilités de remboursement.
Ces aides à l’emploi, que je combats sans succès depuis longtemps, sont très graves, car elles sont récurrentes. Elles devraient être limitées dans le temps : six mois, un an, deux ans… Or, jusqu’à présent, ces aides, quelles qu’elles soient, ont été attribuées sans limites, qu’il s’agisse des 35 heures, des allégements fiscaux, de la sécurité sociale, et cela continue !
C’est grave parce que, chaque année, on repart avec un budget qui est déjà en déficit. Les aides aggravent la dette et les charges de la dette chaque année sans que l’on veuille les réduire. Alors, essayons au moins de ne pas les augmenter, car ce n’est pas une bonne façon de gérer nos finances publiques !
Concernant les 11,6 milliards d’euros débloqués pour le soutien à la trésorerie des entreprises, il s’agit pour les entreprises de remboursements au titre de créances détenues sur l’État et non de nouvelles capacités d’investissements. Ce ne sont donc pas des crédits d’investissements.
Ces établissements auraient de toute façon reçu ces sommes dans le cadre de l’exécution du budget 2009, voire un peu plus tard. Améliorer la gestion de trésorerie des entreprises est une bonne chose, mais ce n’est pas de l’argent supplémentaire, sans oublier que l’élément fondamental pour elles serait de pouvoir disposer de crédits que les banques leur refusent.
Au moment où les banques accordent de moins en moins de crédits aux entreprises pour investir, l’État peut le faire. Utilisons au moins ces crédits pour des investissements, qui sont les seules sources capables de remettre nos entreprises sur la voie de la croissance et de l’emploi, et non pour le fonctionnement. Ce plan de relance, destiné à la croissance, doit permettre aux entreprises d’investir et d’embaucher.
À propos des 10,5 milliards d’euros d’investissements publics prévus dans le plan de relance, 4 milliards d’euros sont destinés aux entreprises publiques. Pourquoi ne pas en affecter une partie aux entreprises privées qui cherchent à améliorer leurs installations, à moderniser leur outillage, à réaliser des produits nouveaux qui leur permettront d’embaucher et donc de participer à la croissance ?
Si le Gouvernement pouvait ne pas se limiter aux entreprises publiques et inclure les entreprises privées dans les investissements, ce serait une excellente chose.
Quant aux 700 millions d’euros prévus pour le soutien à l’emploi et aux revenus des ménages, on continue malheureusement la politique peu efficace d’aide à l’emploi à laquelle je m’oppose depuis longtemps sans succès.
Il serait d'ailleurs instructif de connaître le nombre d’emplois effectivement créés par ces aides à l’emploi, car celles-ci aggravent la dette par des emprunts de fonctionnement, dont je viens de souligner les méfaits.
Comme le Gouvernement continue à penser que l’aide à l’emploi pour les TPE est efficace, je propose d’affecter la totalité des 700 millions d’euros aux investissements des entreprises privées, et non plus aux aides à l’emploi.
Aujourd'hui, les entreprises doivent avoir la possibilité d’investir pour améliorer leurs moyens d’action, mais elles n’ont pas du tout envie d’embaucher, je peux vous le garantir ! Actuellement, personne n’embauche. Ce n’est donc pas parce qu’on proposera aux entreprises 100 euros ou 200 euros mensuels d’aides qu’elles vont se précipiter pour embaucher. Elles n’ont pas suffisamment de travail, elles ne peuvent pas développer leurs activités, et elles ont plutôt tendance, hélas ! à licencier. Comme elles ne peuvent pas investir, elles ne peuvent pas non plus se développer. Elles ont ainsi moins de capacités de production, donc moins de travail à offrir.
Par conséquent – et cela a été évoqué tant par M. le Premier ministre que par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, ou par vous-même, monsieur le ministre –, la clé du problème réside dans l’investissement. Il faut que le plan de relance soit fondé sur l’investissement, et non sur les dépenses de fonctionnement.