M. Jean-Pierre Fourcade. Tout à fait, mais c’est pour un an ! Ici, il est question de bons à cinq ans avec un avantage fiscal et un taux d’intérêt de 2,5 %.
Il y aurait à mon avis trois avantages à une telle création.
Premièrement, cela dégonflerait un peu l’épargne en surnombre qui est actuellement placée dans les bas de laine, et aiderait à la reprise de l’investissement dans ce pays.
Deuxièmement, cela nous sortirait quelque peu de la dépendance du marché mondial, notamment des fonds souverains étrangers et des fonds de pension étrangers, qui représentent actuellement 62 % de nos emprunts sur le plan international.
Troisièmement, cela permettrait de moraliser un peu l’activité des banques.
Monsieur le ministre, vous savez parfaitement que, à partir du moment où le placement en épargne liquide a été généralisé à toutes les banques, celles-ci, en offrant des conditions de garantie pour les placements supérieurs à 15 300 euros, ont drainé une partie de l’épargne alors qu’il aurait mieux valu voir cette dernière se diriger vers l’investissement.
Je plaide pour cette modification de l’alimentation, car nous rencontrerons forcément un problème de blocage sur le marché international en cours ou en fin d’année 2009.
Quand on a la responsabilité, aussi bien pour la sécurité sociale que pour l’État, d’emprunter plus de 200 milliards d’euros – 200 milliards d’euros pour l’État et 30 milliards d’euros pour la CADES –, il faut prévoir une série d’instruments qui nous permettront de mieux adapter notre financement à ce qui est nécessaire.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux propositions que je formule.
Je crois profondément que le Gouvernement a su prendre la mesure des problèmes que rencontrent les entreprises, les consommateurs et les ménages. Dans le cadre actuel du budget, la difficulté pour nous sera de revenir en arrière.
C’est pourquoi je partage entièrement la position de M. le rapporteur général, qui préconise des mesures réversibles, de courte durée, de manière à éviter d’aggraver, dans le futur, notre déficit budgétaire et notre recours à l’endettement.
Les deux projets de loi qui nous sont proposés vont dans le bon sens. C'est la raison pour laquelle je les voterai. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous voici invités à voter un certain nombre de dépenses, financées par l’emprunt, destinées à relancer une économie aujourd’hui en panne.
Les subprimes ont bon dos : la crise qui éclate aujourd’hui dans l’ensemble des pays industrialisés est tout sauf conjoncturelle. Elle était en quelque sorte « génétiquement programmée ».
En effet, cela fait bientôt trente ans que le compromis social fordiste, sur lequel reposait la dynamique des trente glorieuses, a été progressivement abandonné, au nom d’une idéologie datant du xixe siècle.
Depuis cette époque, la part des salaires dans le PIB n’a cessé de fondre au profit des revenus du capital, qui ont creusé les inégalités et alimenté la spéculation.
Les États ont pris la détestable habitude de freiner la demande interne des ménages, en misant sur les exportations ou le crédit à la consommation pour faire tourner l’économie.
Les politiques de l’offre et de déréglementation sont devenues la norme, avec leur cortège de souffrances pour les travailleurs paupérisés et endettés, ainsi que les chômeurs.
Monsieur le ministre, le Gouvernement n’est, hélas ! pas en reste !
Après avoir été l’un des serviteurs les plus zélés du néolibéralisme, comme en témoignent, entre autres, les lois socialement désastreuses de « modernisation du marché du travail » et de « modernisation du dialogue social », en attendant le futur projet de loi portant sur le travail le dimanche, le Gouvernement semble aujourd'hui redécouvrir Keynes, cet économiste iconoclaste et avant-gardiste qui avait bien compris que l’économie fonctionne en circuit, et avait démontré qu’une politique de grands travaux d’intérêt public financés par l’emprunt est un moyen parfaitement adapté pour faire tourner le système économique, de sorte que le plein-emploi devienne enfin la norme.
C’est bien ainsi que le monde capitaliste avait surmonté la crise de 1929 : investissements publics financés par l’emprunt et hausse des salaires.
Chacun aura pu mesurer le peu d’enthousiasme que vous manifestez à cette conversion forcée au réalisme économique : votre plan de relance est en effet plombé par deux vices rédhibitoires, qui lui ôtent sa pertinence.
Tout d’abord, sur le plan quantitatif, la relance proposée aujourd'hui, prisonnière de votre orthodoxie néolibérale, est parfaitement insuffisante au regard du blocage de l’économie.
Il s’agit non pas de surmonter un ralentissement passager de l’activité, mais de débloquer une machine économique durablement grippée !
Vous vous contentez d’une impulsion budgétaire particulièrement faible. En effet, une fois que l’on a déduit les 11 milliards d’euros de remboursement accéléré des dettes de l’État à l’égard des entreprises, les 15 milliards d’euros restants ne vont stimuler l’économie qu’à hauteur d’environ 0,7 % du PIB.
À titre de comparaison, le FMI préconisait un effort de relance budgétaire de 2 % du PIB et M. Obama aux États-Unis en prévoit le double.
Mais il y a plus préoccupant encore, sur le plan qualitatif. En bons néolibéraux qui semblent découvrir Keynes, vous avez oublié un élément de sa pensée : au cœur de la relance, il y a un projet !
Keynes, en effet, ne préconisait pas seulement de rehausser l’équilibre macroéconomique afin de faire disparaître le chômage ; il soulignait également qu’une relance doit se construire sur une vision prospective de la société. Roosevelt avait ainsi mobilisé ses concitoyens sur un projet de société nouvelle, le New Deal !
Monsieur le ministre, votre budget de relance timoré masque difficilement une espèce de pessimisme partagé. Il en devient peu lisible, car il repose sur une vision étriquée, voire « hydraulique », de Keynes.
Et pourtant, auriez-vous oublié le Grenelle de l’environnement ? Cette formidable mobilisation sociétale, parfaitement réussie, qui a permis de mettre les questions vitales de l’environnement et de la soutenabilité du développement au cœur des débats, est en train d’accoucher d’une souris.
Nous cherchons désespérément la trace des grands investissements publics nécessaires chiffrés dans le Grenelle de l’environnement à 440 milliards d’euros sur dix ans pour engager sans tarder la mutation de notre société dont l’empreinte écologique devient insoutenable !
Les efforts environnementaux de votre plan s’élèvent à quelque 700 millions d’euros, soit 2,7 % du plan de relance. Quel aveu ! Le Grenelle de l’environnement n’aurait-il été qu’un leurre ?
Certaines dispositions traduisent même un recul par rapport au Grenelle de l’environnement. Je citerai le seuil d’émission de 160 grammes de CO2 par kilomètre retenu pour bénéficier de la prime de mise à la casse des automobiles, ce qui permet aux trois quarts des véhicules d’en profiter.
D’autres dispositions relèvent d’une trahison des engagements pris. Je veux parler des projets autoroutiers qui ont été bloqués par le Grenelle de l’environnement et qui sont aujourd’hui relancés.
L’essentiel des injections fiscales que vous nous proposez, monsieur le ministre, ignore le grand débat sociétal qui avait si bien mobilisé nos concitoyens.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de relancer une machine économique qui s’est enfoncée dans l’impasse productiviste ! Nous avons besoin non pas d’un plan de relance, mais d’un plan de conversion écologique de notre appareil productif, pour engager, sans perdre un seul instant et un seul euro d’argent public, la mutation sociétale à laquelle nous sommes désormais invités.
Limité par les contraintes imposées par l’article 40 de la Constitution, je ferai tout de même un certain nombre de propositions en ce sens.
Selon moi, il aurait été préférable de prévoir 1 milliard d’euros supplémentaires pour la rénovation thermique du parc de logement social, plutôt qu’une rallonge de 1,4 milliard d’euros au profit des industries d’armement.
Je pense également que nous aurions dû consacrer tous nos efforts au développement du rail plutôt qu’à celui de la route.
Le Fonds stratégique d’investissement aurait dû être mobilisé pour convertir les industries du passé, et non pas pour relancer l’existant. Je pense notamment à la voiture hybride et au photovoltaïque. Nous devons orienter nos efforts.
Les conclusions du Grenelle de l’environnement traçaient les contours d’un projet de conversion de l’économie, posaient les bases d’un New Green Deal, dont nous attendons toujours l’annonce. En vain !
M. Jean-Luc Mélenchon. Parlez français !
M. Jacques Muller. Est-ce parce que vos fondamentaux néolibéraux vous rendent définitivement hermétique à la pensée keynésienne, monsieur le ministre ? Est-ce parce que vous ne croyez pas au Grenelle de l’environnement, qui n’aurait été qu’une vaste illusion ? Quoi qu’il en soit, je vous le dis comme je le ressens, ce plan me laisse l’impression d’un immense gâchis, d’une occasion manquée pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Pendant ce temps, le chômage s’accroît et nos concitoyens les plus modestes souffrent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun l’a rappelé, la crise financière née l’an dernier aux États-Unis s’est propagée dans le monde entier et a débouché sur une crise économique de très grande ampleur. Cette dernière soumet nos économies à rude épreuve et fait tanguer le navire, mais elle constitue aussi une opportunité qu’il nous faut saisir pour accélérer le rythme des réformes engagées depuis dix-huit mois et pour rattraper le retard pris par la France.
M. Bernard Frimat. C’est mal barré !
M. Louis Nègre. Face au ralentissement brutal de l’activité, le plan de relance de l’économie française en 2009, qui représente 26 milliards d’euros, est heureusement résolument orienté vers l’investissement public et privé.
L’incidence budgétaire du plan de relance est concentrée, pour les trois quarts, sur l’année 2009. Ce plan ne remet donc nullement en cause l’objectif de retour, à terme, à l’équilibre de nos comptes publics, ce dont l’on ne peut que se réjouir, monsieur Fourcade, même si ce retour à l’équilibre ne peut vraisemblablement être espéré que pour 2012.
M. Jean-Pierre Fourcade. Eh oui !
M. Louis Nègre. Par ailleurs, si la relance de notre économie est prioritaire, il ne faut pas perdre de vue que l’augmentation des déficits publics fragilise l’euro. Comme l’a indiqué Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe, nous devons d’ores et déjà anticiper et imaginer une « stratégie de sortie de crise ».
Premièrement, sur les 26 milliards d’euros de ce plan de relance, près de 11 milliards d’euros financeront des interventions directes de l’État, qui trouvent une traduction budgétaire sous la forme d’ouvertures de crédits. Ces dépenses nouvelles figurent en grande partie dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009, qui met l’accent, je le rappelle, sur l’investissement public, tout en répondant aux besoins sociaux des plus vulnérables.
Deuxièmement, plus de 11 milliards d’euros sont également destinés à soutenir la trésorerie des entreprises. Il s’agit, en particulier, des mesures de remboursement des créances fiscales – crédit d’impôt recherche et TVA – que nous avons examinées dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008.
Troisièmement, 4 milliards d’euros seront consacrés, dans les grandes entreprises publiques, à un effort supplémentaire d’investissement, ce qui représente une hausse de 35 % par rapport à 2008.
Ces actions ciblées permettront aux entreprises d’améliorer dès 2009 leur situation de trésorerie et leur fourniront des moyens supplémentaires pour investir.
Le plan de relance, qui est massif par son ampleur, ne sera efficace que s’il est mis en œuvre rapidement. À cet égard, notre pays ne peut que se féliciter de la réactivité, une fois encore, du Président de la République, surtout si on la compare avec la valse-hésitation de certains de nos voisins.
Ainsi, si les crédits d’engagement, dans leur totalité, sont inscrits sur l’année 2009, l’objectif est de consommer les trois quarts des montants dès la première année, ce qui se traduira par une injection de crédits de paiement de 9,8 milliards d’euros dans l’économie réelle.
Par ailleurs, des procédures d’évaluation seront mises en place.
Enfin, pour que la cohérence soit totale, il faut faire en sorte que la mise en œuvre de cet ensemble de mesures ne soit pas freinée par des obstacles procéduraux parfois hérités de notre pointilleuse culture administrative. C’est le sens du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés dont nous sommes également saisis aujourd’hui.
L’investissement est donc le moteur de ce plan de relance ; c’est un choix délibéré qui va dans le bon sens.
L’emploi et la solidarité en seront pleinement bénéficiaires, ce qui est parfaitement logique, pour conforter tant le pouvoir d’achat que le lien social en cette période difficile.
L’investissement stimule la demande et donc l’emploi. Il ne gage pas l’avenir, mais permet au contraire d’améliorer notre compétitivité, qui est l’un des points faibles de notre économie. Nous avons l’ardente obligation d’améliorer la compétitivité de la maison France si nous voulons gagner le pari de l’avenir.
Pour ce faire, le plan de relance n’hésite pas à investir directement 4 milliards d’euros dans des domaines prioritaires.
Les collectivités territoriales seront aussi très présentes sur le front de la relance, notamment grâce aux avances sur les versements du FCTVA et au travers des plans de développement et de modernisation des itinéraires, ainsi que des contrats de projet État-région.
Les outils anticrise, comme le doublement du prêt à taux zéro, l’exonération de taxe professionnelle, le Fonds stratégique d’investissement, la prime à la casse automobile, constituent, selon moi, des exemples concrets et efficaces de ce plan de relance.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la prime à la casse automobile me permet d’assurer une transition avec le plan de relance spécifique pour le secteur automobile, secteur qui joue un rôle essentiel sur le plan économique tant pour l’ensemble de notre pays que pour le département des Alpes-Maritimes, dont je suis originaire.
Le soutien de ce secteur d’activité apparaît comme une nécessité économique, sociale et structurellement stratégique.
Vendredi dernier, en préparant les États généraux de l’automobile, à la suite d’une réunion que j’avais organisée dans mon département avec l’ensemble des acteurs locaux de cette filière, j’ai eu l’occasion de vérifier concrètement, avec les acteurs de terrain, la profondeur de la crise qui affecte l’automobile.
Cette filière emploie sur le plan national 2,5 millions de personnes, soit un Français sur dix. Son avenir est crucial pour l’économie française, et personne ne saurait s’en désintéresser.
Au regard de la tourmente actuelle sur fond de récession économique, les ventes de véhicules neufs ont plongé de 11 % au Royaume-Uni, de 13 % en Italie et de 28 % en Espagne. Et même si la France a constaté un repli limité de 0,7 %, cette situation est essentiellement due à la mesure incitative et ponctuelle du bonus-malus écologique mis en place par le Gouvernement au début de l’année 2008.
Cette relative bonne nouvelle…
Mme Nicole Bricq. Très relative !
M. Louis Nègre. …ne doit pas faire illusion. Hier encore, à la bourse, le titre Renault a chuté de 8,78 % et celui de PSA de 6,48 %. II y a donc péril en la demeure. La nécessité d’un plan de relance et de sauvetage de cette filière s’avère absolument indispensable. Ce secteur est en effet crucial pour la France, d’autant qu’il est également grand pourvoyeur d’emplois.
C’est donc à juste titre, compte tenu de son importance économique, sociale et technologique, que le Président de la République Nicolas Sarkozy a annoncé que l’État allait « mobiliser beaucoup d’argent » pour ce secteur.
Nos concitoyens, pour assurer leur mobilité, ont recours non pas à une solution, mais à plusieurs. Le Grenelle I de l’environnement, avec un rééquilibrage du partage de la voirie en faveur des transports collectifs en site propre, les TCSP, et des modes doux, nous fait entrer directement, pour ce qui concerne les déplacements, dans le xxie siècle.
C’est une évolution attendue qu’il faut poursuivre sans relâche, notamment par le biais d’une mise en valeur des centres-villes et d’un aménagement harmonieux du territoire.
Dans notre esprit, les modes de déplacement ne s’opposent pas, ils sont complémentaires les uns des autres, d’autant plus que la voiture, y compris dans nos pays où un très haut niveau de pénétration du marché a été atteint, continue souvent d’être le seul moyen de déplacement. Et je ne parle pas du fait que, dans l’ensemble des pays émergents, la population souhaite posséder le plus vite possible un véhicule automobile.
Si la voiture n’est plus l’alpha et l’oméga de la mobilité de nos concitoyens dans les pays développés, elle constitue néanmoins une filière économique exceptionnelle qui représente 1 % du PIB et 15 % des investissements dans la recherche et le développement en France.
Par ailleurs, les constructeurs français – ils sont de rang mondial, ce qui n’est pas si fréquent – doivent voir leur place confortée aux niveaux européen et international.
La filière automobile est un creuset d’innovation pour toute l’économie. Elle a atteint un niveau technologique remarquable. Il faut donc l’aider. Ainsi, le plan de relance prévu par le Gouvernement, qui est le bienvenu, précède un plan spécifique consacré à l’automobile.
En effet, le contexte est alarmant. Le solde commercial du secteur automobile français est devenu pour la première fois déficitaire en 2008, à hauteur d’environ un milliard d’euros. (M. le ministre acquiesce.) De plus, l’association des constructeurs européens prévoit, pour 2009, une baisse supplémentaire de la production automobile en Europe de 15 % à 20 % par rapport à 2008 et une réduction de 15 % à 20 % des effectifs, soit 150 000 à 200 000 emplois de moins !
Dans un tel contexte, 720 millions d’euros étaient initialement prévus afin d’accroître la demande de véhicules et de restructurer la filière dans le sens d’une plus grande compétitivité et d’un meilleur respect de l’environnement.
Ces premiers engagements sont vite apparus insuffisants et, hier, lors des États généraux de l’automobile, le Premier ministre François Fillon s’est engagé, après avoir rappelé le financement des filiales bancaires de Renault et de PSA à hauteur de 500 millions d’euros chacune, à assouplir les conditions d’accès de ces filiales bancaires au dispositif de refinancement public.
Il a également confirmé que le fonds d’investissement sectoriel automobile de 300 millions d’euros commencerait à intervenir concrètement dès la fin du mois.
Enfin, le Premier ministre a prévu, pour restructurer le secteur à plus long terme, de nouvelles mesures qui feront l’objet d’un plan détaillé au début du mois de février prochain. L’ensemble des aides de l’État devrait ainsi atteindre un montant de 5 à 6 milliards d’euros.
Non seulement cette aide considérable en termes de deniers publics est compréhensible, mais elle s’inscrit aussi dans le droit-fil de la politique de sauvetage par le Gouvernement d’un pan fondamental de notre économie.
Dès à présent, le Gouvernement a mobilisé la plupart des leviers d’action à sa disposition. Mais il va falloir aller plus loin. Notre défi est de donner un avenir véritable et solide à la filière automobile, en conservant le savoir-faire français, en dopant le secteur de la recherche et du développement et en anticipant les évolutions de cette filière.
La charte automobile signée l’été dernier entre les représentants du secteur, les entreprises et l’État demeure un bon outil. Il faut désormais la décliner au plus proche du terrain.
Si ce soutien est pleinement justifié, il ne saurait cependant se concevoir sans un effort tout aussi considérable de la filière elle-même. Trois objectifs me semblent devoir être atteints par ce secteur industriel, en contrepartie des aides publiques fournies.
Premièrement, il est absolument indispensable que la filière revienne pour l’essentiel sur sa politique de délocalisation et investisse au maximum sur le territoire national pour, d’une part, conserver un outil industriel performant dans notre pays et, d’autre part, offrir le plus grand nombre d’emplois à nos compatriotes.
Deuxièmement, à l’instar de ce que l’on a pu constater dans certains pays du nord de l’Europe, la recherche et le développement doivent, malgré la crise, bénéficier de crédits suffisants pour préserver tant notre haut niveau technologique actuel que notre place éminente au niveau mondial, en dépit d’une concurrence exacerbée.
Troisièmement, il faut vivre avec son temps. Il n’est pas sûr que la filière ait totalement appréhendé les modifications substantielles de la demande et des attentes des clients. Il faut recréer un nouvel imaginaire en phase avec une société qui s’engage dans une révolution verte. La « voiture de papa », c’est fini !
La sensibilité environnementale de notre population et son besoin de sécurité, tout comme la nécessité pour les véhicules de s’adapter au handicap et à l’âge, ont modifié la donne. La place de la voiture dans la société a changé. Il faut donc résolument s’engager dans la voiture de demain avant qu’il ne soit trop tard. Depuis plusieurs décennies, les consommateurs entendent parler de piles à combustible, de véhicules électriques et à hydrogène, ou encore de voitures non polluantes. Toutefois, bien que des progrès considérables aient été réalisés dans ce domaine, la rupture ne s’est toujours pas produite à ce jour.
Un plan de soutien au développement du véhicule « décarboné », doté de 400 millions d’euros pour la recherche sur quatre ans, a été élaboré par le Gouvernement. La réforme du crédit d’impôt recherche a multiplié par trois l’effort public destiné à la recherche et au développement menés par les entreprises privées. De même, les pôles de compétitivité ont permis de faire évoluer les comportements en favorisant la mutualisation des efforts de recherche. Les premières briques du plan sont donc d’ores et déjà posées.
Les pouvoirs publics ont pris leurs responsabilités. Les industriels doivent maintenant saisir les opportunités qui s’ouvrent à eux, et nous devons leur faire confiance. L’intérêt national est en jeu !
Je conclurai cette intervention en rappelant que, si la crise est là, le Gouvernement a mis en place les outils susceptibles de relancer notre économie.
Résolument combatif, je rappellerai qu’après la crise vient toujours une reprise… (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Évidemment !
M. Louis Nègre. Dès lors, et même si l’on nous abreuve continuellement de chiffres négatifs, nous ne devons pas oublier que le pire n’est pas toujours sûr, surtout lorsque l’on garde à l’esprit un certain nombre d’éléments positifs.
Premièrement, le prix du baril de pétrole est désormais inférieur à 50 dollars alors qu’il avait dépassé les 150 dollars, ce qui redonne directement du pouvoir d’achat aux Français. Deuxièmement, le cours de l’euro est passé de 1,60 dollar à environ 1,35 dollar, ce qui dope nos exportations. Troisièmement, l’inflation est en baisse très sensible. Après avoir atteint un pic à 3,6 % l’été dernier, elle est descendue à 1 %, ce qui redonne là encore mécaniquement du pouvoir d’achat aux ménages.
Enfin, mes chers collègues, je vous livrerai une information « rose » : les créations d’entreprise ont été plus nombreuses en 2008 qu’en 2007 !
Cette crise, nous la surmonterons ensemble. Tous, acteurs publics et économiques, nous devrons jouer notre rôle. L’effort collectif que traduit le projet de relance du Gouvernement est important. Notre responsabilité envers nos concitoyens nous impose de faire en sorte que ces moyens exceptionnels soient, dès 2009, aussi efficaces que possible.
Messieurs les ministres, c’est donc sur une note résolument et volontairement optimiste que je conclurai, en appelant à une mobilisation générale en faveur de ce plan de relance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je me permettrai, tout d’abord, de faire un petit retour en arrière. Au printemps 2007, M. Sarkozy déclarait : « Une économie qui ne s’endette pas suffisamment, c’est une économie qui ne croit pas en l’avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain. » Il poursuivait : « Il faut réformer le crédit hypothécaire. Si le recours à l’hypothèque était plus facile, les banques se focaliseraient moins sur la capacité personnelle de remboursement de l’emprunteur et plus sur la valeur du bien hypothéqué. » C’est ce principe qui, appliqué jusqu’à plus soif, nous vaut d’être réunis ce soir.
Pour sa part, Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi proclamait, début juillet 2007, en installant le Comité chargé de « moderniser » la Place de Paris, sur le modèle de celle de Londres : « L’avenir est devant nous. Il y a eu une Belle Époque ? Préparons-en de sublimes ! » C’était un an avant que la City n’implose, mais après le début de la crise des subprimes, avec les premières difficultés de Bear Stearns.
Comme l’a dit M. le rapporteur général qui a lu les grands auteurs, le Gouvernement a visiblement anticipé la crise.
Mais comment voudriez-vous que nous fassions confiance à ce président et à ce gouvernement pour nous sortir d’une crise qu’ils n’ont pas vu venir ?
Pour cela, il faudrait qu’ils nous donnent l’impression de prendre enfin la mesure des dégâts et d’anticiper, au lieu de se contenter de réagir. Rappelez-vous, mes chers collègues : la crise ne devait toucher que les États-Unis et épargner l’Europe ; elle ne devait concerner que la sphère financière et épargner l’économie réelle… Voilà moins de quatre mois, vous la pensiez encore de courte durée, monsieur Woerth, lorsque vous pronostiquiez : « La crise est venue d’une manière extrêmement violente mais la reprise peut être extraordinairement forte. »
Les propositions du plan de relance portent la marque de cet aveuglement et des illusions qui sont à l’origine de la crise : illusion que le capital et le marché engendrent à eux seuls de la richesse et qu’il convient donc de laisser circuler le premier sans entrave et de déréguler le second ; illusion que l’on dynamise l’économie en comprimant les revenus du travail et en augmentant ceux du capital ; illusion que la dette publique est par essence un mal mais l’endettement privé un bien ; illusion, pour reprendre l’immortelle maxime de Mandeville, que « les vices privés font les vertus publiques ». D’où l’exercice surréaliste auquel nous assistons : un plan d’intervention économique conçu selon la logique néolibérale de désengagement de l’État, un plan de relance anti-inflationniste, autrement dit un plan de relance sur place !
« Il ne s’agit pas de dépenser plus dans la durée, nous a prévenu Nicolas Sarkozy, mais de dépenser plus vite ce qui aurait dû être étalé sur de nombreuses années. Ce qui signifie que les dépenses ne pèseront pas sur le déficit après 2010 et que nous n’abandonnons pas l’objectif d’assainir le plus vite possible nos finances publiques. »
« Je suis oiseau : voyez mes ailes ; Je suis souris : vivent les rats ! », se flattait la chauve-souris de la fable. « Je suis keynésien : voyez mes investissements ; Je suis maastrichtien : voyez qu’ils ne coûtent rien ! », pourriez-vous dire, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Ces logiques contradictoires expliquent l’impression de bric-à-brac d’un plan de relance constitué pour l’essentiel d’avances, de mesures de trésorerie et de crédit relatifs à des engagements de l’État anciens, toujours en attente de concrétisation, d’un plan concocté par des cerveaux si fertiles qu’on ne sait comment l’évaluer… Chiffré à 26 milliards d’euros quand il s’agit de montrer ses muscles, il est censé augmenter la dette publique de 20 milliards d’euros seulement et le déficit budgétaire de 15,5 milliards d’euros quand il faut rassurer le clergé bruxellois. (Nouveaux sourires.)
En matière de confiance et de mobilisation des énergies, trop d’habileté ne vaut.
On le voit des mesures destinées aux collectivités territoriales, si illisibles qu’elles risquent de ne pas être très efficaces.
Pouvoir disposer d’une année supplémentaire de Fonds de compensation pour la TVA laissera de marbre non seulement les collectivités dont la situation financière est fragile mais aussi celles qui, dans cette conjoncture difficile, ne voudront pas prendre le risque de ne plus percevoir de FCTVA en 2010 en cas de non-respect de leurs engagements.
Cette disposition, en revanche, pourrait tenter les petits futés dont le volume d’investissement, éventuellement faible, varie peu d’une année sur l’autre. En investissant un euro de plus que d’ordinaire, ils disposeront d’une subvention équivalant à 15,48 % de leurs investissements éligibles. Voilà une belle aubaine qui, toutefois, ne relancera pas l’économie !
En la matière, une augmentation de 2,5 milliards d’euros de la dotation globale d’équipement stagnante des communes aurait une tout autre portée. Attribuées par les préfets, à même de juger de la qualité des demandes, voire de les stimuler, par exemple, au taux attractif de 40 %, ces subventions auraient entraîné au moins 6,5 milliards d’euros de travaux, soit deux à trois fois plus que ce que ne permettront jamais les avances de TVA.
S’il existe un puissant levier de la relance, ce sont bien les collectivités territoriales. D’ailleurs, Keynes, dont nous avons fait un éloge cet après-midi, l’avait déjà noté. Alors pensez-y, messieurs les ministres, lorsque vous préparerez votre prochain plan de relance, si possible avant que le chômage n’explose en France… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)