M. Jean-Luc Fichet. Eh oui !
M. Jacques Blanc. La santé, ce n’est pas seulement l’hôpital, c’est aussi l’installation de médecins dans l’espace rural, l’organisation de maisons médicales. Les jeunes médecins doivent être incités à venir s’installer dans les territoires ruraux, notamment par l’octroi de bourses. La sous-médicalisation est sans doute l’un des problèmes majeurs de l’organisation des services publics dans l’espace rural.
MM. Gérard Cornu et Yvon Collin. Tout à fait !
M. Jacques Blanc. Nous devons l’aborder avec une vision nouvelle. Notre pays n’a pas formé suffisamment de médecins dans le passé : tous les gouvernements qui se sont succédé ont une part de responsabilité dans cette aberration !
Nous devons donc réfléchir ensemble aux moyens de favoriser, dans le respect de la liberté d’installation, la venue de médecins dans les territoires ruraux.
J’aurais également voulu évoquer le traitement des eaux usées, l’un des premiers services publics qu’assurent les collectivités territoriales, mais je dois écourter mon propos afin de respecter le temps de parole qui m’est imparti.
En conclusion, nous, élus ruraux, sommes prêts, au rebours de toute vision passéiste, à prendre en compte les évolutions nécessaires devant permettre aux services au public de répondre aux attentes justifiées des ruraux et d’apaiser ainsi leurs inquiétudes.
Nous comptons sur vous pour nous aider, monsieur le secrétaire d’État. Il serait souhaitable d’organiser un grand débat sur les évolutions que la loi permet déjà. Peut-être faudra-t-il aller plus loin, et trouver des réponses nouvelles, afin qu’il fasse bon vivre dans nos territoires ruraux, en particulier dans nos montagnes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je n’ai pas encore entendu un élu, de droite ou de gauche, critiquer les services publics en milieu rural. Bien au contraire, chacun y va de son couplet sur leur caractère indispensable, leur nécessaire développement, ainsi que sur la nécessité d’assurer une égalité territoriale en la matière.
En revanche, j’ai vu nombre d’élus proposer ou accepter des mesures, des lois, des directives qui portaient en elles les fondements de la déstructuration des services publics à la française et qui traduisaient la ferme volonté d’opposer ces derniers à une concurrence sauvage, « libre et non faussée ».
Faut-il le rappeler ? la conception française de l’intérêt général et du service public est ignorée par l’Union européenne, qui considère les missions d’intérêt général comme un élément subsidiaire de la concurrence.
Le traité de Maastricht de 1992 a introduit de manière coercitive l’objectif de réduction de la dépense publique. Le traité de Lisbonne a érigé en règle intangible la concurrence libre et non faussée, la LOLF et la RGPP étant chargées de parachever le « sale boulot ».
« Depuis plus de trente ans, l’État abandonne les campagnes françaises. » Ainsi s’insurgeaient, en novembre 2008, les députés ruraux du PCF et du MoDem, André Chassaigne et Jean Lassalle. Ils poursuivaient ainsi : « L’État ne porte plus une véritable politique d’aménagement du territoire et des espaces ruraux. Les agriculteurs, ruinés par des prix agricoles qui n’ont jamais été aussi bas, partent en faillite sans repreneurs, suivis par les commerçants et artisans qui ne trouvent personne à qui transmettre leur fonds de commerce ou leur savoir-faire. Les entrepreneurs désertent faute de soutien bancaire et d’infrastructures de transport dignes de ce nom. Les élus assistent impuissants à l’empilement de normes et de lois qui les paralysent et souvent au surendettement de leur commune qui bloque toute vision d’avenir. »
En septembre dernier, au cours de la campagne pour les sénatoriales dans les Côtes-d’Armor, nous avons été impressionnés par le sentiment d’abandon qui régnait chez les élus de toutes sensibilités, tout particulièrement ceux du Centre-Bretagne, qui attendent depuis plus de quarante ans la modernisation, par transformation en 2 x 2 voies, de l’axe routier central, la fameuse RN 164.
M. Jean-Luc Fichet. Bravo !
M. Gérard Le Cam. L’Association départementale des maires des Côtes-d’Armor réalise en ce moment une enquête sur le schéma départemental des services de proximité. Il est particulièrement intéressant de constater que, lorsque l’on parle de services à la population, les ménages citent le plus souvent les médecins, les mairies, l’enseignement primaire, La Poste, les commerces de proximité, les pharmaciens, les pompiers, l’hôpital, les services de maintien à domicile et les services infirmiers.
Pour eux, les éléments à améliorer sont la rapidité des réponses aux demandes, le temps d’attente et les horaires d’ouverture.
Les cinq services les plus cités que doit prioritairement proposer une commune rurale sont, dans l’ordre : l’enseignement primaire, la mairie, les médecins, les commerces de proximité et La Poste.
Enfin, les priorités d’action vont vers les services liés, d’abord, à la santé et aux personnes âgées, ensuite à l’éducation, l’enfance, la jeunesse et, enfin, à la sécurité.
Cette étude « grandeur locale » vaut pour la majorité des territoires ruraux, même si ceux-ci ne sont pas uniformes.
Les défaillances souvent constatées dans les secteurs clés, notamment la santé, l’école, le commerce ou La Poste, sont ressenties comme des abandons, voire comme du mépris à l’égard de la ruralité et de ses habitants.
Chaque recul des services publics augmente les distances à parcourir, les coûts induits, la dépendance des plus âgés, des plus fragiles, et entrave l’accessibilité aux services.
Dans leur rapport intitulé Le nouvel espace rural français, nos collègues Jean François-Poncet et Claude Belot insistaient sur le fait que « la condition sine qua non du développement démographique de l’espace rural est son accessibilité ». Dans un monde captif où la voiture reste souvent le seul moyen de déplacement, la flambée des cours des carburants a été très durement ressentie. Les grandes infrastructures routières et ferroviaires tardent à se concrétiser dans les contrats de projets État-régions, au nom desquels, d’ailleurs, il est demandé toujours plus aux collectivités locales.
La santé est également un secteur très sensible en zone rurale : celle ou celui qui connaît un problème grave de santé pendant un week-end ou un jour férié y encourt un risque bien plus élevé qu’en milieu urbain.
Monsieur le secrétaire d’État, depuis le mois de décembre 2003, la permanence des soins a été mise à mal par la majorité ; elle est désormais amplifiée par la démographie médicale, qui accentue les déserts sanitaires ruraux. Ma commune, située en bordure d’une route à quatre voies, compte près de 2 500 habitants et jouit de la quasi-totalité des services publics. Or il ne reste que deux médecins ; il en faudrait entre trois et quatre pour 5 000 patients potentiels. Aussi sommes-nous contraints de faire appel à un cabinet de recherche de médecins à l’étranger.
Mme Nathalie Goulet. Nous aussi !
M. Gérard Le Cam. Le coût de l’opération s’élève à plus de 14 000 euros, sans que nous ayons la garantie de combler convenablement le déficit et d’assurer la pérennité de toute la communauté sanitaire locale, qui craint l’effet domino.
Je pourrais citer de nombreux exemples, mais je ne veux pas manquer de citer « la phrase qui tue », entendue hier dans ma mairie par un représentant de La Poste : « Le fonds de péréquation de l’État est de 140 millions d’euros, il en faudrait 260 pour rester en milieu rural ». J’ai bien dit « pour rester » en milieu rural : mes chers collègues, nous devons méditer sur cette réflexion !
Comment ne pas rapprocher la situation des services publics en zone rurale du projet de réforme territoriale du Gouvernement ? Les communes prétendument trop petites et trop nombreuses coûteraient excessivement cher à L’État. Il faudrait alors les supprimer ! Autant casser le thermomètre pour ne plus avoir de fièvre… Mais plusieurs pauvres rassemblés n’ont jamais fait un riche !
Pourtant, nos communes et nos intercommunalités contribuent à atténuer les désengagements successifs de l’État. Elles jouent un rôle irremplaçable d’amortisseur social, malgré des moyens financiers beaucoup trop contraints.
Je prendrai quelques exemples : qui paye les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles ? Qui cofinance les coûts des repas, des garderies et des transports scolaires ? Qui fait fonctionner les centres communaux d’action sociale, les associations, les bibliothèques ? Qui assure des budgets énormes de voirie communale ? Tout cela avec une DGF qui n’évolue pas au rythme de l’inflation, une taxe professionnelle gelée au profit de la taxe professionnelle unique, et des impôts sur les ménages très difficiles à augmenter au regard des revenus modestes des administrés !
Le projet de réforme territoriale tend à regrouper tout cela dans les communautés ou les communes nouvelles ou dans les métropoles, à supprimer des emplois, à regrouper les écoles par « paquets de quinze » dans des établissements publics d’enseignement primaire, à réaliser des investissements sous forme de partenariats public-privé.
Ainsi, tout ce qui est rentable dans la sphère publique doit être privatisé et tout ce qui ne l’est pas doit être financé par les collectivités !
M. Jean-Luc Fichet. C’est bien vrai !
M. Gérard Le Cam. Comment ne pas évoquer la crise financière, que personne n’a souhaitée, mais qui illustre bien jusqu’où peut mener la frénésie du gain maximal, le « tout pour moi et rien pour les autres » ? Seule la régulation par des services publics puissants aurait pu contenir une telle boulimie d’argent.
Nous avons une conception générale des services publics, valable aussi en zone rurale, qui est radicalement différente de celle qui est mise en place depuis plus de trente ans par les fossoyeurs du service public. Pour parvenir à l’appliquer, il faut exiger de l’Europe, au titre de la subsidiarité, l’exception française en matière de services publics. Il faut également combattre les orientations de l’Organisation mondiale du commerce et l’Accord général sur le commerce des services.
Plus près de nous, en France, il est déjà possible de changer beaucoup de choses. Il faut abandonner immédiatement la règle du non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et l’application de la RGPP, qui est un véritable « Recul Général Pour les Populations ».
Mme Nathalie Goulet. Joli !
M. Gérard Le Cam. Les moyens financiers des communes, tout particulièrement la dotation globale fonctionnement, DGF, doivent être revus à la hausse en taxant les actifs financiers et la spéculation. Un moratoire sur les suppressions de services publics en milieu rural est nécessaire.
La taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, la TACA, doit être réaffectée intégralement, et non pas seulement, comme c’est le cas aujourd’hui, pour 10 % de son montant, au commerce et à l’artisanat de proximité. Un plan pluriannuel de réappropriation des grands services publics est indispensable pour les secteurs vitaux que sont l’eau, l’énergie, la santé, les transports, l’éducation et les communications.
Oui, mes chers collègues, we can do it ! Oui, nous pouvons faire de la ruralité une grande cause nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais remercier mon collègue Simon Sutour d’avoir posé cette question orale et de nous permettre ainsi d’évoquer un sujet ô combien important. J’aurais aimé parler devant une assistance plus fournie, mais je suppose que le découragement explique l’absence de mes collègues !
Je ne vais pas revenir longuement sur le constat, il a déjà été dressé par les intervenants précédents. Il n’est pas nécessaire d’en dire plus ! La situation est grave : à la liste des services publics qui ont déjà disparu, il faut ajouter les menaces qui pèsent sur les tribunaux des affaires de sécurité sociale, les trésoreries, les chambres de commerce et les sous-préfectures.
Par ailleurs, nous assistons à une recentralisation excessive au niveau régional du pouvoir de décision – c’est notamment le cas pour ERDF, Électricité réseau distribution France, la SNCF, Réseau ferré de France, Météo-France, les organismes bancaires –, avec le transfert aux préfectures de région des pouvoirs de décision en matière de planification des aides publiques et des fonds européens, et la perspective de la fermeture des sous-préfectures, qui constituent la dernière présence de l’État sur ces territoires.
Dans ces conditions, il n’est pas contestable que la désertification de nos campagnes est en marche : la disparition des médecins et l’impossibilité pour certaines entreprises d’attirer les compétences et les talents nécessaires à leur survie sont les premiers marqueurs d’une régression qu’il convient de stopper au plus vite.
Pour certains territoires, je pense au Sud-Ouest, la tempête Klaus a non seulement provoqué la désolation et le chaos, mais a surtout apporté la preuve concrète de la nécessité vitale de garder des services publics de proximité et un maillage fort au plus près des populations rurales, isolées, souvent très fragiles.
Cette ruralité aujourd’hui sacrifiée doit pourtant trouver encore des ressources pour soulager les finances de l’État dans certains domaines dont il a pourtant gardé la compétence, tels que l’entretien ou l’aménagement des routes nationales, qui ne représentent plus pour l’État que 11 000 kilomètres.
De même, rien qu’en Midi-Pyrénées, la remise en état des voies ferrées va coûter 500 millions d’euros d’investissement à la région si elle veut que son matériel roulant - les TER -, qu’elle a totalement renouvelé, puisse circuler. De ce fait, la région devra supprimer certaines aides pour les infrastructures routières.
Enfin, plus de un milliard d’euros est demandé aux collectivités rurales pour engager la réalisation et les études de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux-Toulouse.
Monsieur le secrétaire d’État, quel espoir pouvons-nous garder dans ces territoires ruraux quand nous savons que tous les moyens et leviers de décision seront encore plus concentrés dans les futures métropoles régionales telles qu’elles sont décrites dans le projet de la commission Balladur ?
Sans vouloir remettre en cause l’idée forte de donner une dimension européenne à ces ensembles, je rappelle que certaines métropoles disposent déjà de plusieurs pôles de compétitivité, trois par exemple pour Toulouse, devenus de véritables aspirateurs d’économie et de population active, ce qui n’empêche pas cette population de vouloir vivre à la campagne ! Et il nous revient de l’accueillir sans aucune contrepartie.
C’est d’ailleurs le constat fait en 2006 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, qui a pris l’initiative de déclencher l’appel à projets pour les pôles d’excellence rurale, les PER, afin de lutter contre cette dérive et de maintenir un développement économique équilibré. Je rappelle que 380 PER ont été labellisés.
Monsieur le secrétaire d’État, je sais que vous êtes favorable à une évaluation des PER. Je remercie le président de la commission des affaires économiques, Jean-Paul Emorine, d’avoir créé un groupe de travail sur ces pôles, car un grand nombre d’entre eux ont fait renaître l’espoir. Les coopérations intercommunales qui les portent, et qui sont devenues de véritables aménageurs de territoire, constituent des bassins de vie d’environ 15 000 à 25 000 habitants pour lesquels il est indispensable, et surtout juste, de maintenir un niveau de services publics suffisant, niveau qui est aujourd'hui menacé.
C’est à cet échelon qu’il me paraît pertinent de travailler en vue de l’élaboration d’une nouvelle politique d’aménagement du territoire, une action à l’échelle nationale impliquant la nécessité pour l’État de s’engager à pérenniser les services publics de proximité.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Raymond Vall. Toute réforme doit permettre, d’une part, d’imaginer une nouvelle fiscalité locale garantissant l’autonomie financière de ces collectivités et préservant le lien entre l’activité économique et le territoire, d’autre part, d’intégrer la notion de péréquation financière des ressources fiscales entre le territoire de création de la richesse et celui du lieu de vie.
M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole, mon cher collègue.
M. Raymond Vall. Dans la situation actuelle, il est important de se souvenir des propos de Pierre Mendès France : « Il ne faut jamais sacrifier l’avenir au présent. » (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Monsieur Vall, en dépassant ainsi votre temps de parole, vous avez amputé d’autant celui de votre collègue du groupe RDSE.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues résistants (Sourires), je commencerai par une note d’ambiance, pour réchauffer l’atmosphère !
Transports ferroviaires : des arrêts sont supprimés dans le Lot et la Creuse. Des élus bloquent des trains. Ils seront convoqués à la gendarmerie, déférés au parquet, assignés à comparaître devant le tribunal correctionnel pour entrave à la circulation, et ce à la suite du dépôt de plainte de la SNCF. Quelques-uns de ces « malfaiteurs » feront même l’objet d’une demande de placement sous contrôle judiciaire de la part du procureur de la République. L’affaire est en cours…
La Poste : le processus se poursuit de réduction des quarts d’heure d’ouverture des guichets, de transformation des bureaux de plein exercice en agences communales ou en « points poste » et de concentration des boîtes aux lettres des particuliers pour raccourcir les tournées.
Il y a un mois, une trentaine de maires ruraux de l’Hérault, département comme chacun le sait bientôt frappé de désertification (Sourires.), manifestent en écharpe devant le bureau de poste de Cruzy, menacé de fermeture.
Écoles : fermetures de classes dans le Loir-et-Cher et dans la Haute-Vienne. Depuis, les communes rurales auront hérité du SMA, le service minimum d’accueil. À ce jour, toutes les propositions d’aménagement pour tenir compte des moyens dont ces communes disposent réellement ont été refusées par le Gouvernement et sa majorité. On en aura encore une démonstration cet après-midi.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. À la fin de l’année dernière, les communes récalcitrantes sont déférées devant le tribunal administratif. Dans certains départements, comme le Var, que nous connaissons bien, monsieur le secrétaire d’État, le tout nouveau tribunal administratif se distingue même particulièrement. Les affaires sont toujours pendantes en appel.
Santé : au nom des grands principes et des petites économies, la fermeture des maternités et des hôpitaux de proximité se poursuit. Là, c’est la Nièvre et le Finistère qui sont en première ligne. En revanche, on ne voit toujours pas de mesures autres qu’incitatives dans le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, en cours de discussion, pour enrayer la raréfaction des services médicaux en zone rurale. Et tout le monde connaît l’efficacité des mesures purement incitatives !
TNT : actuellement, grâce aux investissements des collectivités locales, 98% de la population reçoit la télévision analogique terrestre. La loi n’impose qu’une couverture à 95 % pour la télévision numérique terrestre qui la remplacera à la fin du mois de novembre 2011.
Si l’on en reste à la liste des réémetteurs devant être transformés par les opérateurs, selon la liste publiée par le CSA en décembre dernier, 40 % des départements ne seront même pas couverts à 91 %, malgré l’engagement du Gouvernement. Confirmerez-vous cet engagement, monsieur le secrétaire d’État ?
En tout cas, je suis assez bien placé pour le savoir, tous les amendements visant à réduire cette injustice qui ont été présentés ici même lors de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ont été rejetés par le Gouvernement et sa majorité.
Premier argument avancé par Mme la ministre de la culture, « […] l’obligation de couvrir 91 % de la population serait excessive, car, actuellement, la couverture en analogique, pour l’ensemble des départements, n’atteint pas 80 % ». C’est totalement faux !
Son second argument était qu’il fallait éviter des surcoûts supplémentaires aux chaînes qui seraient, d’après la ministre, dans une situation économique difficile. Sortez vos mouchoirs ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je pourrais continuer en évoquant l’ingénierie publique, euthanasiée par la RGPP, les problèmes d’ERDF ou de France Télécom, l’impact de la réforme de la formation des enseignants sur les antennes locales des IUFM, les transports sanitaires d’urgence, les problèmes de la gendarmerie, …
Mme Nathalie Goulet. Et aussi la fusion, et pis !
M. Pierre-Yves Collombat. … mais cela n’ajouterait rien au tableau.
Hier, aujourd’hui et demain le constat fut, est et sera le même : le service public en milieu rural poursuit son lent naufrage. La résistance opiniâtre de la population et de ses élus ne permet que de le ralentir, alors même que le secteur rural accueille de plus en plus de monde, une population d’origine urbaine qui a très logiquement les besoins d’une population urbaine. Le tout sur fond de dénégation des gouvernements successifs, qui, comme on le sait, adorent le service public rural, particulièrement en période électorale !
Déclarations d’intention, promesses, chartes des services publics en milieu rural - Simon Sutour en a rappelé le caractère purement décoratif -, se succèdent, et les pratiques restent inchangées. Quand organiserez-vous un « Grenelle » du service public durable en milieu rural ? Ce serait tout à fait tendance, pensez-y !
Mme Nathalie Goulet. On pourrait dire vintage ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Pourquoi en est-on là et comment pourrait-on en sortir ?
On en est là et on n’en sort pas, parce qu’aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans n’a voulu tirer les conséquences de la prétendue modernisation du service public relevant des grandes entreprises publiques qui a été imposée au pays.
Dans sa forme antérieure aux années quatre-vingt-dix, le service public, c’est l’ensemble des services que la République doit à ses citoyens, non pour leur confort, mais pour leur permettre d’exercer réellement leur citoyenneté. Une République « indivisible » et « sociale », selon les termes de l’article 1er de la Constitution, leur doit un service équivalent. Assurer le service public sur l’ensemble du territoire, fût-ce selon des modalités différentes, est donc une obligation politique de la puissance publique, financée directement par les budgets de l’État, des collectivités locales et des organismes sociaux, et indirectement par les ressources que les grandes entreprises publiques tirent de leur monopole.
Avec l’Europe du marché unique et de la « concurrence libre et non faussée », le paysage change totalement. C’est au marché qu’il appartient désormais de produire et de distribuer les services. Le service public « ancienne manière » ne subsiste qu’à titre de concession – temporaire – à l’histoire et à l’archaïsme – exception culturelle, obligations d’un État unitaire, et j’en passe. Ces services peuvent continuer à être financés sur fonds publics, mais avec des budgets d’État qui sont de plus en plus réduits.
Autre concession à l’archaïsme : les « services d’intérêt général » ou les « services universels », selon la terminologie. Avec eux, le déploiement volontariste de services dans le secteur concurrentiel, mais délaissés par le marché, devient licite.
Au prix de quelques acrobaties sémantiques, d’un peu de créativité budgétaire et d’ingénierie financière, il est possible de financer les services indispensables dans les secteurs où le seul jeu du marché ne suffit pas. La solution passe par des fonds de compensation alimentés par l’ensemble des acteurs du marché concernés, pour les « services d’intérêt général » ou les « services universels », et des fonds de péréquation publics, pour les services du même nom, assurés par des agents dont l’essentiel de l’activité se déploie dans le secteur concurrentiel.
Par rapport au passé, cette modernisation est une usine à gaz, d’où le peu d’entrain à la construire et plus encore à la financer. Mais, et c’est là la question centrale, comment faire autrement, pour vraiment sortir de l’impasse et de la guérilla actuelle, sinon en créant ces fonds et en les alimentant ?
Ce que l’on attend du Gouvernement, c’est une réponse claire à cette question : veut-il mettre en place un système de financement pérenne des services publics en milieu rural ? Si oui, il doit, pour ceux qui relèvent de sa seule responsabilité, en tirer les conséquences budgétaires. Je pense à l’éducation nationale, par exemple.
Pour les services assurés par les acteurs du marché concurrentiel, il lui faut chiffrer le « surcoût » du service public mis à leur charge et en prévoir le financement. Nous en sommes loin, même là où ce serait le plus simple, comme avec La Poste, qui me servira d’exemple.
Les estimations du « surcoût » du service public de la seule présence postale territoriale oscillent, tenez-vous bien, entre 70 et 700 millions d’euros !
Mme Nathalie Goulet. Une paille !
M. Pierre-Yves Collombat. Si le chiffre de 350 à 400 millions d’euros est le plus fréquemment retenu, c’est parce que c’est le plus souvent cité.
Le fonds de péréquation territoriale créé par la loi relative à la régulation des activités postales, quant à lui, est alimenté à hauteur de 130 millions d’euros, mais de manière virtuelle, puisqu’il représente la compensation par La Poste des exonérations de fiscalité locale dont elle bénéficie. C’est donc de l’argent qui était dû aux collectivités locales !
Ce fonds, créé pour éviter à La Poste d’être accusée par les banquiers de bénéficier d’avantages concurrentiels indus, est donc aussi précaire que les exonérations. Rien à voir donc avec les ruraux et leur service public, ce qui explique que le fonds de péréquation territoriale, qui existe avec la complicité active de l’État, est actuellement détourné de son objet : il s’agit pour La Poste non plus de financer le réseau nécessaire à la couverture de l’ensemble du territoire, sans considération pour le statut juridique des fameux « points poste », mais, d’une certaine manière, de se désengager. Grâce à cet argent, La Poste se défausse sur les agences postales communales et sur les « points poste » assurés par les commerces.
La guérilla que j’ai évoquée est le signe de la perversion d’un dispositif prometteur au moment de sa création. C’est pour cela que nous l’avions tous soutenu ici, mais il est actuellement détourné de son objet. Aujourd’hui, personne n’est plus dupe !
Monsieur le secrétaire d’État, les ruraux ont besoin précisément de l’abandon de ce double langage. Tout n’est pas possible, mais certaines choses sont envisageables et, si l’on décide de les réaliser, il faut le faire continûment !
Les ruraux n’ont pas besoin de déclarations de principe, de chartes de bonne conduite et autres nuages de fumée supplémentaires, ils ont besoin d’actes.
La problématique est claire : il faut financer le service public. Les outils pour y parvenir sont identifiés et, même si c’est compliqué, ils sont compatibles avec nos engagements européens. Reste à le vouloir. Le voulez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)