M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. C’est de la désinformation !
M. Yvon Collin. En effet, à l’occasion de son discours de clôture du dernier congrès des maires, il a prononcé ces mots pleins de bon sens, ces mots qui ont inspiré notre proposition de loi, ces mots que je cite dans leur intégralité et sans déformation : « On ne peut pas demander la même obligation de service à un maire d’une commune rurale qui n’a même pas dans ses collaborateurs un employé ayant le BAFA et au maire d’une grande ville. »
C’est donc un texte de bon sens que nous vous proposons, mes chers collègues. Il n’est absolument pas motivé par des considérations d’ordre politique ; vous le savez, le groupe du RDSE est un groupe d’ouverture. Je vous invite donc à y apporter votre soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, vous avez dit n’avoir entendu aucune protestation de la part de maires ou d’associations de maires. C’est à croire que nous ne rencontrons pas les mêmes personnes !
Comme l’affaire du lundi de Pentecôte, cette loi sur le service minimum d’accueil vous poursuit et va vous poursuivre encore longtemps, tel un chewing-gum collé sous la chaussure ! (Sourires.)
M. Claude Domeizel. Jamais une loi n’avait fait l’objet, dans les six premiers mois de son application, autant de contestations, et de tous bords ! Le chahut et les sifflets qu’elle a provoqués au congrès des maires de novembre dernier en sont la manifestation publique la plus significative. Sans parler de l’émoi qu’elle a suscité localement chez les maires, toutes tendances confondues, émoi exacerbé par les recours introduits par des préfets, qui ont assigné des maires pour les punir de n’avoir pas appliqué ce service minimum !
Nous sommes donc dans une situation de véritable cacophonie juridique.
Dans ce contexte, votre note du 22 décembre 2008 tend à laisser croire que Mme la ministre de l’intérieur et vous-même découvrez une rafale de mises en cause de maires indisciplinés. Nous ne sommes pas dupes : tout cela a dû être bien orchestré !
Dans cette note, vous avez demandé aux préfets de maintenir les recours contre les communes et surtout les maires qui avaient refusé d’appliquer la loi, c’est-à-dire ceux qui, en quelque sorte, se comportaient en grévistes du SMA.
Comme vous, je considère que la loi doit être respectée. Cependant, lorsqu’un dispositif se heurte à une opposition de cette ampleur, venant de représentants du peuple, il faut se remettre en cause !
Voilà une loi irréaliste, car difficile à mettre en œuvre.
Le problème est bien là : il s’agit, en effet, pour les maires, d’organiser, dans un délai relativement court – 48 heures – un accueil, pour des enfants de deux à dix ans dans les meilleures conditions de sécurité.
Par-delà le malaise qu’elle peut créer chez ceux qui se considèrent comme des briseurs de grève, les maires sont désormais chargés d’une nouvelle obligation. Comme s’ils n’en avaient pas assez ! Le maire peut, bien sûr, faire appel à son personnel communal. Encore faut-il que le personnel non gréviste soit en nombre suffisant… Au demeurant, le maire peut également se trouver confronté à des agents qui refusent d’effectuer un travail soit parce qu’il doit être accompli dans des plages horaires où ils ne peuvent se rendre disponibles, soit parce qu’il ne correspond pas à leur cadre habituel d’intervention.
M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, que j’ai questionné oralement le 18 mars dernier sur un autre sujet, m’a lui-même confirmé qu’un fonctionnaire territorial ne pouvait se voir imposer une tâche pour laquelle il n’avait pas été recruté.
Par ailleurs, cette astreinte, venant s’ajouter à un travail habituel, avant et après le service d’accueil, peut entraîner une trop grande amplitude d’horaire de travail, qui placerait le maire dans l’illégalité au regard du code du travail.
Le maire est donc autorisé à faire appel à des personnes n’appartenant pas à l’administration communale, retraités, membres d’associations, voire, plus absurde encore, des parents. Il est incité à constituer à l’avance un « vivier » de personnes susceptibles de présenter les « qualités nécessaires » à un encadrement sécurisé.
Ces listes doivent auparavant être transmises à l’inspection académique afin que celle-ci puisse notamment vérifier que les personnes en question ne figurent pas dans le fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles, le FIJAIS.
Premièrement, comment garantir que ces personnes listées seront disponibles le jour dit, c’est-à-dire plusieurs semaines, voire plusieurs mois après l’établissement de la liste ? Quelle sera la durée de validité de ce fichier, qui nécessitera forcément des mises à jour fréquentes ?
Deuxièmement, ces fichiers devront-ils être soumis à déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL ?
S’agissant des « qualités nécessaires » exigées, je vais vous rapporter le point de vue du maire d’une commune rurale de mon département, qui me paraît bien résumer la situation. Il ne comprend pas que, pour conduire un tractopelle ou un engin de déneigement, ou accomplir la moindre intervention sur une installation électrique, une habilitation soit indispensable, alors que rien de tel n’est exigé pour encadrer des enfants !
Dans une même école, les enseignants non grévistes et leurs élèves travailleront-ils normalement, en présence ou à proximité du service d’accueil minimum dont l’unique activité, inévitablement bruyante, est axée sur les loisirs ?
Je profite de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui, monsieur le ministre, pour obtenir des réponses à des questions qui m’ont été souvent posées.
Concernant les locaux, les enseignants grévistes pourront-ils refuser l’accès à leur classe ? Le personnel assurant le service minimum d’accueil devra-t-il tenir le registre des présences ? Disposera-t-il des renseignements personnels concernant, notamment, la santé des enfants et les personnes habilitées à les prendre en charge à la sortie de l’école maternelle ?
Certes, la loi a prévu de transférer la responsabilité administrative de la commune à l’État. Mais, pour se prémunir en cas de faute, les intervenants occasionnels doivent-ils souscrire une assurance en responsabilité civile personnelle, à l’instar des enseignants ?
Voilà une loi dont l’application future comporte bien des incertitudes.
Monsieur le rapporteur, vous indiquez que le SMA a été mis en place dans près de 80 % des communes, alors que M. le ministre avance le pourcentage de 90 %.
M. Claude Domeizel. Or, souvent, il n’a été mis en place que partiellement et, joli paradoxe, pour un petit nombre d’élèves accueillis. L’encadrement est donc souvent surévalué, ce qui peut se révéler à la fois rassurant, car les enfants ont été bien gardés, et inquiétant, car on est en droit de se demander à quoi sert la loi.
Cette loi instaure finalement un nouveau service public. Si l’on se réfère aux effectifs recensés, il est aujourd’hui peu utilisé. Mais qu’en sera-t-il demain ?
Monsieur le ministre, vous avez été maire : vous devez donc savoir que l’on recourt toujours peu, au début, à un nouveau service public ; son utilisation se développe progressivement.
M. Xavier Darcos, ministre. J’espère bien que ce sera le cas, en l’occurrence ! Le dispositif est fait pour cela !
M. Claude Domeizel. Si le service minimum est de plus en plus utilisé – ce qui pourra, me direz-vous, signifier qu’il était nécessaire –, …
M. Claude Domeizel. … les communes seront-elles à même d’accueillir tous les élèves ? Avec un adulte pour quinze élèves, comme le prévoit la loi ? Je pense que cela va poser un problème.
Voilà une loi inutile.
Pourquoi se croire obligé de voter une loi au moindre événement ou au moindre caprice ?
Loin de moi l’idée que le Gouvernement aurait joué habilement en voulant casser ainsi les effets de la grève. Mais permettez-moi de rappeler le dispositif en vigueur avant le 20 août 2008, fondé sur des circulaires : le directeur d’école avait alors la charge d’organiser l’accueil, comme en attestent de nombreuses réponses ministérielles. En voici quelques-unes prises au hasard.
« L’article 2 du décret n°89-122 du 24 février 1989 modifié relatif aux directeurs d’école précise que le directeur d’école prend toute disposition utile pour que l’école assure sa fonction de service public. »
Ou encore : « En cas de grève du personnel enseignant, il appartient aux directeurs d’école, qui ont notamment pour mission d’organiser l’accueil et la surveillance des élèves, de rechercher des solutions pour les accueillir, que ce soit avec la participation d’enseignants volontaires, de services municipaux ou des associations de parents d’élèves. Dans l’hypothèse où aucune solution n’a pu être trouvée, les parents doivent être informés en temps utile que l’accueil ne pourra être assuré et que l’école sera fermée. »
Cela confirme bien que le directeur d’école ne doit pas être présent, contrairement à ce qui a pu être dit. En témoigne d’ailleurs une réponse explicite : « Le droit de grève est reconnu aux enseignants du premier degré, y compris aux directeurs d’école. »
Finalement, dans les faits, la nouveauté de la loi d’août 2008, c’est que le maire est désormais totalement responsable de l’accueil, en lieu et place de l’État.
Pour reprendre une expression un peu triviale, il semblerait que vous ayez pris un marteau-pilon pour écraser une mouche ! Comme pour le lundi de la Pentecôte, vous devrez revenir, un jour ou l’autre, sur cette loi inapplicable, tant sur le fond que sur la forme. Si vous ne le faites pas, croyez-moi, lorsque la majorité changera, nous le ferons !
J’en viens plus précisément à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et qui vise à exclure les communes de moins de 2 000 habitants du dispositif de service d’accueil des élèves d’écoles maternelles et élémentaires, soit une bonne partie des communes rurales.
Vous l’aurez compris, je vous confirme que le groupe socialiste est toujours opposé à la loi du 20 août 2008. D’ailleurs, nous avons déposé un amendement pour en demander l’abrogation ; j’y reviendrai donc au cours de la discussion des articles.
Il ne s’agit donc, dans l’article unique de ce texte, que d’exclure les communes de moins de 2 000 habitants. Mais pourquoi pas celles de 3 500, 5 000 ou 20 000 habitants ? Voire toutes les communes ? Car, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, les difficultés rencontrées et les risques concernent toutes les communes.
Enfin, sans m’attarder sur le sujet, car j’y reviendrai là encore lors de la discussion de l’article unique, je tiens à vous faire également faire part de nos réserves concernant le dernier alinéa de l’article unique, qui jette un trouble sur le rôle et la présence du directeur d’école en cas de grève.
Cette proposition de loi nous donne-t-elle pleinement satisfaction ? Non. Toutefois, comme l’indique M. Philippe Richert dans son rapport, « sur le fond, l’adoption de la présente proposition de loi ouvrirait alors la voie à la remise en cause de la compétence communale pour toutes les collectivités ». En l’espèce, je partage votre point de vue, monsieur le rapporteur.
Cette proposition de loi amorce en effet la démonstration de la fragilité du système et c’est pourquoi le groupe socialiste la soutient. Elle a le grand mérite d’enfoncer un premier coin pour faire éclater une loi populiste, irréaliste, inapplicable à terme et inutile. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.- Mme Jacqueline Gourault applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, vous le savez, je n’ai pas voté la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire ; je m’en étais alors expliquée.
Après avoir écouté vos propos, j’aimerais revenir sur quelques points.
Le fil rouge des réflexions en cours sur la réforme des collectivités territoriales, qu’il s’agisse de celles du comité Balladur ou de celles du groupe de travail sénatorial dont je fais moi-même partie, c’est la diversité des territoires. Il ressort du rapport du comité Balladur qu’il n’est pas possible d’appliquer les mêmes recettes partout sur le territoire, indistinctement à toutes les communes quelle que soit leur taille. Je m’étonne donc que l’on ne puisse reprendre ce principe lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre telle ou telle loi ou telle ou telle méthode d’organisation.
Tout à l'heure, vous avez dit qu’il ne saurait y avoir l’école de la ville et l’école de la campagne. Justement, je crois, pour ma part, qu’il faut s’appuyer sur cette diversité française pour répondre aux besoins des collectivités, car on ne peut apporter une réponse similaire dans les grandes métropoles et dans les très petites communes. Je souhaitais donc vous rendre attentif à cet élément du rapport Balladur.
Par ailleurs, selon vous, les associations d’élus auraient demandé ce service d’accueil en cas de grève. Je tiens à faire remarquer au passage qu’il n’existe d’ailleurs qu’une seule association réunissant tous les maires, même si elle comprend différentes branches. Quoi qu’il en soit, personne n’a jamais demandé un service minimum d’accueil. Vous l’avez institué dans les circonstances que vous connaissez encore mieux que moi !
Pour ma part, j’ai toujours proposé, en tant que maire, un service minimum d’accueil en cas de grève lorsque c’était nécessaire. Les élus savent se débrouiller et répondre aux besoins de leurs concitoyens.
Ainsi, lorsqu’un instituteur, sur les six ou sept instituteurs que comptait l’école, faisait en grève, on répartissait les enfants dans les autres classes. (M. Claude Domeizel approuve.) Quand il y avait davantage de grévistes, on mettait en place un service de garderie, avec des personnes compétentes, afin d’aider les parents. Maintenant, pour assurer le service d’accueil, on prend presque la première personne venue pour garder les enfants, alors que, dans d’autres circonstances, il faut prévoir pratiquement un accompagnateur pour cinq enfants lors d’une sortie en bus ! Franchement, il y a là quelque chose d’un peu choquant !
Personnellement, je ne suis pas contre l’aide aux parents, au contraire, puisque je l’ai toujours fait ! Mais je ne comprends pas les raisons pour lesquelles on veut légiférer pour tout organiser au niveau central plutôt que de laisser les élus, dans cette République décentralisée – une décentralisation d’ailleurs consacrée par la Constitution –, s’organiser sur le terrain. Pourquoi ne pas reconnaître le savoir-faire des élus ? Vous avez demandé aux inspecteurs d’académie d’aider les maires. Mais enfin, monsieur le ministre, nous sommes assez grands pour organiser un service de ce genre !
Je vous le dis franchement, j’ai mis en place le SMA dans ma commune, parce que je suis respectueuse de la loi, mais la procédure est bien compliquée. Alors que tout se faisait très simplement auparavant, je suis maintenant obligée d’envoyer des fax ici et là, de communiquer l’identité des personnes qui gardent les enfants, leur nom, leur numéro de téléphone. J’irai même jusqu’à dire que c’est presque une usine à gaz que vous avez montée !
M. Claude Domeizel. Absolument !
Mme Jacqueline Gourault. Enfin, vous avez invoqué l’article 40 de la Constitution. Mais comment pouvez-vous le faire ? C’est vous qui avez créé, par la loi, une dépense supplémentaire de l’État, …
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. Claude Domeizel. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault. … financée, à vous entendre, par les économies réalisées sur les salaires des personnels grévistes
Si l’on supprime aujourd'hui le SMA obligatoire dans les communes de moins de 2 000 habitants, quelle sera la dépense nouvelle pour l’État ? Ce sera au contraire une économie !
M. Claude Domeizel. Absolument !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien sûr !
Mme Jacqueline Gourault. Je suis donc stupéfaite que vous invoquiez l’article 40 de la Constitution !
Monsieur le ministre, je vous ai parlé très directement. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement se braque dans cette affaire.
Pour ma part, je voterai cette proposition de loi, avec quelques autres collègues du groupe Union centriste, car, vous le savez, nous votons différemment selon nos convictions profondes. C’est d’ailleurs ce qui fait la particularité et le charme des centristes ! (Sourires.) Mais j’espère que nous serons un certain nombre à voter ce texte, car, franchement, il est empreint de bon sens. ((Applaudissements sur certaines travées de l’Union centriste, ainsi que sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire n’a même pas un an. Pourtant, nous voici de nouveau réunis dans cet hémicycle pour la deuxième fois depuis le début de l’année pour débattre de sa modification !
Trois propositions de loi relatives à ce texte ont déjà été déposées au Sénat, dont celle que j’ai défendue au nom de mon groupe le 20 janvier dernier et qui tendait à l’abroger. Trois propositions de loi, c’est beaucoup, mais c’est justifié tant les difficultés entraînées par ce texte voté en urgence sont réelles. Car, nous le savons tous ici, ces difficultés ne sont pas le fruit de l’imagination de maires réfractaires.
Comme je l’avais souligné le 20 janvier la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, nous sommes face à une loi aux contours imprécis, ne fixant aucun taux d’encadrement, alors que sont concernés de jeunes enfants, et ne déterminant pas les qualifications minimales requises pour les personnels sollicités.
De nombreux maires ont conscience que les conditions de sécurité, de responsabilité et de qualité en matière d’encadrement ne sont pas réunies pour appliquer cette loi. De surcroît, ils rencontrent des difficultés pour trouver des personnels. Pour les communes de petite taille, notamment rurales, il suffit qu’un enseignant soit en grève pour que l’organisation de ce service incombe aux maires. Or, faute de personnel, cette obligation est impossible à respecter.
Ces problèmes se retrouvent dans les communes urbaines à forte densité, car le nombre d’écoles, et donc d’élèves, est important alors que l’effectif des personnels communaux mobilisables est insuffisant.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui fixe le seuil « critique » d’application du SMA aux communes de moins de 2 000 habitants.
Dans une proposition de loi déposée en octobre dernier, notre collègue Jean-Louis Masson a, pour sa part, fixé ce seuil à moins de 1 500 habitants. Toutefois, nous n’avions pu avoir ce débat le 20 janvier dernier, car la commission des affaires culturelles avait demandé au Sénat de se prononcer sur ses conclusions et non sur notre texte. De ce fait, les amendements déposés par nos collègues, dont celui de Pierre-Yves Collombat visant à introduire dans la loi une dérogation pour les communes de moins de 3 500 habitants, n’avaient pu être examinés.
Ce débat dérange, semble-t-il, au sein même de votre majorité.
En réalité, les aménagements de la loi que nous proposons tentent de préserver les petites communes, notamment rurales. Ils montrent bien que cette loi, telle qu’elle a été conçue et votée, n’est tout simplement pas applicable de manière égale sur tout le territoire.
Le Gouvernement a présenté ce service d’accueil aux parents comme un droit relevant du service public, interprétation qu’a d’ailleurs confirmée le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2008.
Or les éléments constitutifs d’un service public sont loin d’être réunis puisque la loi porte en elle une inégalité de traitement des enfants. Elle ne leur garantit pas, notamment, d’être accueillis partout dans les mêmes conditions d’encadrement et de qualification. La notion de « qualités nécessaires » est en effet laissée à l’appréciation du maire. De fait, ces derniers sont contraints de faire avec les moyens du bord !
Le Gouvernement avait été amplement alerté sur ces points de blocage, tous pointés avec force en juillet dernier par nombre d’entre nous. Ces blocages ont du reste entraîné des recours devant les tribunaux contre les maires et vous ont ensuite conduit, monsieur le ministre, à adresser coup sur coup aux inspecteurs d’académie deux notes leur enjoignant d’aider les communes, notamment dans la constitution de la liste « vivier ».
De ce point de vue, le recours aux jeunes retraités de l’éducation nationale a provoqué de l’indignation, d’autant que le SMA a d’abord été instauré par le Gouvernement en prévision de conflits qui l’opposeraient à ses fonctionnaires, conflits qui découlent de la dégradation des conditions du bon exercice du service public de l’éducation.
Que penser d’une inspection académique qui sollicite les élèves, majeurs bien sûr, d’un lycée professionnel à Angers en formation de brevet d’études professionnelles sanitaires et sociales et d’aide-soignant ?
Les communes se heurtent à une autre difficulté : anticiper le nombre d’enfants à accueillir.
Sur cette question, dans votre note du 25 février, vous incitez les inspecteurs d’académie à veiller « à ce qu’au sein des écoles concernées par la mise en œuvre du droit d’accueil, un relevé du nombre prévisionnel d’élèves désireux de bénéficier du droit d’accueil puisse être établi ».
Or la loi précise bien, en son article 5 : « La commune met en place le service d'accueil à destination des élèves d'une école maternelle ou élémentaire publique située sur son territoire lorsque le nombre des personnes qui ont déclaré leur intention de participer à la grève en application du premier alinéa est égal ou supérieur à 25 % du nombre de personnes qui exercent des fonctions d'enseignement dans cette école.
« Les familles sont informées des modalités d'organisation du service d'accueil par la commune et, le cas échéant, par les maires d'arrondissement. »
La loi ne dit pas que les familles doivent faire part de leur intention de bénéficier du service d’accueil.
Pourtant, le compte rendu fait par l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, d’une rencontre qu’elle a eue avec vous le 28 janvier dernier indique qu’un compromis à destination des communes de moins de 3 500 habitants serait intervenu, compromis aux termes duquel les communes de moins de 3 500 habitants ne seraient obligées d’organiser un service d’accueil qu’à partir de la volonté déclarée des familles d’en bénéficier. Le délai préalable dans lequel les familles devraient formuler expressément leur demande reste à déterminer.
Depuis cette rencontre, vos services et l’AMRF travailleraient à la définition – je cite ici l’Association – « des modalités concrètes d’application qui seraient inscrites dans un texte d’application de la loi ».
Des aménagements de la loi ont donc bien déjà été envisagés pour les communes rurales.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pourtant, le 20 janvier dernier, devant cette assemblée, en évoquant, monsieur le ministre, le souhait exprimé par certains de distinguer le cas des communes rurales de celui des zones urbaines, vous aviez expliqué – et vous venez de le redire – que, « en créant une telle inégalité, nous nous heurterions à un principe constitutionnel »,...
M. Alain Gournac. Bien sûr !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. ... avant d’ajouter : « Comment prétendre en effet qu’un enfant des champs ait moins besoin de ce service qu’un enfant des villes ? »
Il y a donc les principes et la réalité !
Cette réalité, c’est celle d’une mauvaise loi...
M. Alain Gournac. Pas du tout !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. ... qui, à notre avis, doit toujours être abrogée.
Pour autant, nous estimons aujourd’hui, comme M. Philippe Richert l’indique dans son rapport, que l’adoption de cette proposition de loi « ouvrirait la voie à la remise en cause de la compétence communale pour toutes les collectivités ». Elle constituerait donc une première brèche pour remettre en cause le service d’accueil dans son ensemble.
Cette occasion d’ouvrir une brèche, que nous considérons comme une première étape, nous avons décidé de la saisir ; c’est pourquoi nous soutenons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi défendue par notre collègue du groupe du RDSE soulève des questions légitimes quant aux contraintes spécifiques rencontrées par les petites communes dans la mise en place du service minimum d’accueil.
Le groupe UMP a parfaitement conscience de ces contraintes et comprend la motivation de la demande de dérogation pour les communes de moins de 2 000 habitants.
Pour autant, nous estimons que toute évolution de cette loi doit être compatible avec son fondement, à savoir la nécessité de permettre l’égalité entre tous les parents : ceux qui ont les moyens de faire garder leurs enfants en cas de grève et ceux dont les revenus ou les conditions de vie les en empêchent.
Pour nous, cet égal accès de tous au service public est une condition indispensable pour que celui-ci soit considéré comme tel. Or ce principe risquerait d’être remis en cause par un traitement différencié entre les parents en fonction de la population des communes où ils résident.
En outre, il me semble nécessaire de rappeler que de nombreuses avancées ont été réalisées depuis la promulgation de la loi, le 21 août 2008. Nous avons eu l’occasion de les évoquer lors de l’examen de la proposition de loi de nos collègues du groupe CRC-SPG visant à abroger la loi qui a institué le SMA. Permettez-moi néanmoins de revenir sur ces avancées, qui ont pour objet de prendre en compte les problèmes que pouvaient rencontrer les communes, notamment les plus petites d’entre elles.
En premier lieu, le décret instaurant une négociation préalable, paru le 2 décembre 2008, a été pour la première fois mis en application à l’occasion de la grève du 29 janvier dernier. Cette négociation préalable permet de mieux anticiper l’ampleur potentielle de la grève grâce au dispositif d’alerte. Les inspecteurs d’académie peuvent ainsi évaluer avec davantage de précision la portée du conflit, et parfois l’apaiser, voire y mettre fin. C’est le cas dans ma commune.
En second lieu, le dialogue et la concertation avec les élus, par l’intermédiaire des associations des maires, vous ont amené, monsieur le ministre, à adresser une instruction aux inspecteurs d’académie pour aider les communes concernées à faire face aux difficultés suscitées par les grèves.
Votre instruction demande aux inspecteurs, premièrement, de procéder à un comptage précis du nombre de grévistes et de transmettre au fur et à mesure ces données aux communes, deuxièmement, d’aider les communes qui auraient des difficultés à constituer un vivier de personnes susceptibles de participer à l’accueil des élèves et, troisièmement, de transmettre, dans la mesure du possible, des données prévisionnelles sur le nombre d’enfants qui pourraient être accueillis.
En troisième lieu, dans l’esprit d’apaisement qu’a fait valoir le Président de la République lors du dernier congrès des maires, vous avez, monsieur le ministre, conjointement avec le ministre de l’intérieur, envoyé une instruction aux préfets leur demandant de mettre fin aux actions contentieuses engagées contre les municipalités qui n’avaient pas fait connaître d’opposition de principe à l’application de la loi, mais qui n’avaient pas pour autant réussi à mettre en place le service minimum.
Car il convient de bien faire la différence entre certaines grandes communes qui ne voulaient pas en place ce service et celles qui se heurtaient, à cet égard, à des difficultés objectives. Vous avez donc eu raison, monsieur le ministre, de donner de telles instructions aux préfets pour calmer le jeu.
Comme l’avait souhaité notre excellent rapporteur, Philippe Richert,...