M. François Autain. Il est mort depuis longtemps !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … comme fondement de notre politique de santé, mais que l’on ne reconnaisse pas le rôle éminent de l’État dans cette même politique.
Sachez que je ne serai pas le ministre de la santé qui abdiquera en ce domaine.
M. François Autain. Abdication sans combat devant les médecins !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, le principe de la création des agences régionales de santé est conforme au pacte de 1945, qui nous réunit tous ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 906, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cet amendement a été défendu !
Mme Annie David. Mon ami Guy Fischer a donné certaines des raisons de notre opposition à la création de ces agences régionales de santé, mais il en est d’autres encore, que je me propose de développer, monsieur About !
Malgré les propos qui se voulaient rassurants de Mme la ministre, nous persistons à demander la suppression de l’article 26.
Les craintes exprimées par MM. Chevènement et Daudigny et, en partie, par M. Vasselle nous confortent dans l’idée de demander la suppression d’un dispositif qui nous semblait pourtant pertinent. En effet, si nous sommes favorables à l’idée de la création de ces agences régionales de santé, nous sommes profondément opposés à ce que vous en faites, madame la ministre.
Votre conception de la démocratie n’est pas la nôtre, ni celle, d’ailleurs, de l’ensemble des organisations syndicales. Il faut dire qu’il y a de quoi être choqué : les décisions les plus importantes pourraient être prises par les seuls directeurs généraux des agences régionales de santé ; en réalité, elles seront prises par vos services, voire directement par ceux de l’Élysée. Cela nous conduit à penser, au sein du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, que ces directeurs généraux seront en réalité des « superpréfets » en raison non seulement de l’étendue de leurs pouvoirs et de leur mode de rémunération, mais également de leurs missions, puisqu’il s’agit de garantir l’étatisation du système de santé.
Cette situation de soumission des agences régionales de santé au pouvoir étatique est sans doute l’un des points de cristallisation des oppositions. C’est en raison de cette déconcentration étatisée que les partenaires sont méprisés, que les élus sont oubliés et que, naturellement, vous procédez à l’intégration de la gestion du risque dans le champ de compétence des agences régionales de santé. Nous y reviendrons.
Par ailleurs, madame la ministre, vous dites vouloir intégrer les réalités des territoires, notamment afin de réduire les inégalités qui existent entre eux.
Si la déclaration d’intention est alléchante, autant vous dire que nous n’y croyons guère. Nous y croyons encore moins depuis que l’amendement proposé hier par notre groupe a été rejeté. Son adoption aurait pourtant permis aux élus des comités de massifs d’être entendus en matière d’organisation des soins sur leur territoire.
En outre, il aurait fallu que vous mettiez en place des mécanismes incontournables d’évaluation des rapports et que la répartition de l’ONDAM tienne compte des besoins spécifiques. Au lieu de quoi, vous avez fait le choix de nous présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2009 avant l’examen de ce texte de loi, qui en intègre la réflexion. Cette démarche démontre bien que vous n’organisez l’offre de soins qu’après avoir intégré les contraintes économiques. Cette impression a été par ailleurs confirmée par l’amendement qui a été adopté à l’Assemblée nationale visant à préciser que l’offre de soins est adaptée territorialement, dans le respect des lois de financement de la sécurité sociale.
Une chose est donc certaine : ce ne sont pas les directeurs généraux des agences régionales de santé, dont la principale mission sera la réduction de la dépense publique, qui viendront vous demander des moyens supplémentaires ! Encore une fois, ce seront les collectivités territoriales qui pallieront les manques, qui tenteront de réduire les inégalités territoriales et sociales en matière de santé. Bref, ce sont elles qui suppléeront l’État pour satisfaire aux exigences de solidarité.
C’est pourquoi, opposés à des agences lieux de concentration des pouvoirs et acteurs d’une politique de rigueur et non d’une politique de santé publique, nous proposons la suppression de l’article 26.
M. François Autain. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Depuis le début de nos travaux, je constate un accord parfait entre le groupe CRC-SPG et la commission : il demande la suppression d’un article, nous nous y opposons ! (Sourires.)
M. François Autain. Sinon, nous serions dans la majorité !
M. Alain Milon, rapporteur. Une fois de plus, la commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il y a un certain paradoxe pour le groupe CRC-SPG à demander la suppression d’une structure qui figurait dans le programme de la candidate qu’il soutenait. (M. François Autain proteste.)
Discutez des modalités, soit, mais gardez au moins le titre ! Soyez cohérents avec la ligne politique que vous défendez. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ce débat dure déjà depuis de nombreuses heures et va sans doute nous occuper encore un certain temps, mais nous abordons l’examen de l’un des articles essentiels du projet de loi.
M. François Autain. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade. À écouter nos collègues du groupe CRC-SPG, on a l’impression que le problème est de distribuer toujours davantage de moyens à des organismes certes collégiaux, mais de plus en plus nombreux. Ils oublient qu’il y a un ennemi à combattre : le cloisonnement.
Si nous voulons que notre politique de santé soit définie à l’échelon national et déclinée région par région en fonction des caractéristiques locales et des problèmes qui se posent spécifiquement, il faut d’abord lutter contre ce mal français qu’est le cloisonnement. Chacun prétend faire son petit travail dans son petit domaine, mais cela exige énormément de moyens financiers sans donner beaucoup de résultats.
Dans ces conditions, l’article 26, qui vient d’être brillamment défendu par le Gouvernement et la commission, présente à mes yeux trois avantages.
Premier avantage, nous connaîtrons désormais réellement le responsable du développement à long terme de la politique de santé à l’échelon régional.
Deuxième avantage, et je me félicite à cet égard que Mme Létard soit aujourd’hui présente au banc du Gouvernement, tout le secteur médico-social sera pris en compte, et Dieu sait s’il va se développer, du fait du vieillissement de la population et de la mondialisation !
Troisième avantage, et non des moindres, tous les acteurs, dans le secteur médical comme dans le secteur médico-social, travailleront de façon continue. Ainsi, c’en sera fini de ces grandes réunions où une seule personne parle et toutes les autres écoutent. Il y aura un système d’autorité fonctionnant avec un responsable : le directeur général.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous devons voter contre l’amendement de suppression. Son adoption signifierait en fait que le système actuel est parfait et qu’il ne faut y apporter aucune modification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. François Autain. On n’a pas dit ça !
M. Guy Fischer. Vous caricaturez notre propos !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Chers collègues, visiblement, nous ne nous faisons pas comprendre !
Mme Isabelle Debré. Où est votre cohérence ?
Mme Annie David. La position que nous défendons est cohérente, contrairement à ce que vous pouvez imaginer : nous sommes favorables à la création d’agences régionales de santé qui permettent de décider de l’organisation des soins de proximité au plus près des territoires. Mais les ARS telles que le Gouvernement nous les propose consacrent une super-concentration des pouvoirs au profit d’un seul homme. M. Fourcade l’a d’ailleurs fort bien résumé, en expliquant qu’il s’agira d’un système d’autorité dans lequel une personne, dans un bureau, prendra des décisions que les autres membres de la communauté de soins n’auront d’autres choix que d’exécuter. Ce n’est pas notre conception de la démocratie !
Nous pensons, comme vous, que l’organisation des soins au plus près des territoires pourrait être meilleure, mais, aux termes de ce projet de loi, ni les élus, ni les professionnels de santé, ni les organisations syndicales représentant les personnels ne seront entendus. Je me demande bien où est la démocratie !
Telles sont les raisons de notre opposition. Il me semblait nécessaire de vous apporter ces précisions.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Nous sommes d’autant plus favorables aux ARS que nous avons certainement été parmi les premiers dans les années quatre-vingt à réfléchir sur cette question.
Là où nous divergeons avec le groupe CRC-SPG, c’est que nous ne demandons pas d’emblée la suppression de l’article.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais petit à petit !
M. Alain Milon, rapporteur. Bout par bout !
M. Bernard Cazeau. Nous pensons en effet que l’examen des amendements permettra de nourrir le débat et d’infléchir le texte du Gouvernement.
Cela étant, si nous n’obtenons pas satisfaction, nous prendrons nos responsabilités au moment du vote sur l’ensemble de l’article.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Soyons clairs : nous ne sommes pas contre le principe des agences régionales de santé ! Nous sommes en revanche opposés à l’utilisation que le Gouvernement veut en faire. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Ici, vous créez des structures technocratiques qui auront à leur tête des « superpréfets », nommés par le Gouvernement, qui désigneront les directeurs d’hôpitaux et qui auront la haute main sur les soins, à l’exception peut-être de la médecine ambulatoire, qui bénéficiera sans doute de plus de souplesse. On ne va tout de même pas s’aliéner les médecins libéraux, eux qui sont si attachés à la liberté d’installation …
Bref, vous allez créer un pouvoir vertical partant du Gouvernement via les ARS. Ces agences ne seront donc absolument pas démocratiques. Elles ne seront que des agents d’exécution de la politique décidée par le Gouvernement, sans aucune consultation des populations concernées.
Nous sommes favorables aux agences régionales de santé à la condition qu’il s’agisse d’institutions démocratiques. Or vous en êtes loin, madame la ministre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Parce que le Gouvernement n’a pas été désigné démocratiquement, peut-être ?
M. François Autain. Par pitié, ne caricaturez pas notre position ! Je le répète, nous sommes favorables au principe, mais nous sommes contre la façon dont vous l’appliquez.
En effet, cette structure va donner naissance à un monstre administratif et bureaucratique, comme je l’ai dit précédemment.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est vrai que vous êtes spécialiste de ce genre de monstres ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. François Autain. Elle s’ajoutera à ce qui existe déjà et, loin de simplifier l’imbroglio qu’est l’organisation de notre système de santé, ne fera que le compliquer, sans pour autant que l’on puisse en avoir la maîtrise à niveau national.
Je souhaite bien du courage à ceux qui seront chargés de mettre en œuvre cette réforme !
M. François Autain. D’ailleurs, je ne serais pas étonné que nous soyons obligés de revenir bientôt sur cette question.
M. François Autain. C’est un classique : on fait des réformes de santé tous les deux ou trois ans dans notre pays !
Ce que vous nous proposez n’est pas fonctionnel et ne pourra pas être mis en œuvre dans des conditions satisfaisantes.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Les agences régionales de santé seront, nous le craignons, des structures peu démocratiques fonctionnant comme une sorte d’aréopage. Elles vont se substituer à l’autorité de l’État lui-même. Bien sûr, cela sera fait intelligemment, sans qu’il y paraisse.
Certes, le préfet de région sera omniprésent et entretiendra une étroite collaboration avec le directeur général de l’ARS ; il sera d’ailleurs soumis à une très forte pression. Mais les droits les plus élémentaires des assurés sociaux comme des cotisants, en matière de représentation légitime, seront quant à eux véritablement remis en cause.
Et c’est bien là ce qui fait débat. Au-delà même des objectifs que l’on assigne aux agences régionales de santé, le déficit de démocratie pose problème. C’est sur ce point, selon notre lecture du texte, que repose notre divergence d’appréciation fondamentale.
En effet, comment les conseils de surveillance des ARS seront-ils composés ? Pour une part – essentielle –, des représentants de l’État y siégeront. Il y aura aussi des personnalités qualifiées, dont les conditions de nomination ne sont pas explicitement précisées ; des représentants des caisses de sécurité sociale, dont on connaît aujourd’hui le mode de désignation ; des représentants des usagers, dont il n’apparaît aucunement qu’ils seront désignés de la manière la plus ouverte qui soit.
Tout cela pour confier l’essentiel du travail et des responsabilités au directeur général de l’ARS, qui sera une sorte de « superpréfet sanitaire » !
M. Guy Fischer. Nous avons déjà exposé ces arguments ; nous les répéterons et les martèlerons !
En tant qu’élu de la région Rhône-Alpes, j’ai d’ailleurs bien connu M. Ritter, qui, nonobstant la réflexion du Gouvernement sur ce sujet, est, lui, le véritable père du dispositif.
On ne peut pas croire que les directeurs généraux seront simplement désignés parmi les plus hauts fonctionnaires. Il s’agira, comme l’a suggéré Mme la ministre, de personnes très précisément choisies.
M. Guy Fischer. Vous attacherez certainement beaucoup de soin à faire en sorte que ces personnalités « collent » aux objectifs que vous voulez atteindre !
Et c’est pour cela que nous sommes en total désaccord : nous connaissons déjà…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ceux qui seront nommés ? (Sourires.)
M. Guy Fischer. … les objectifs principaux.
M. Jean-Pierre Fourcade. Tout ça pour ça !
M. le président. L'amendement n° 1248, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – À la fin de l'intitulé proposé par cet article pour le titre III du livre IV de la première partie du code de la santé publique, supprimer les mots :
et de l'autonomie
II. - En conséquence, dans l'ensemble du texte, remplacer les mots :
agence régionale de santé et de l'autonomie
par les mots :
agence régionale de santé
et les mots :
agences régionales de santé et de l'autonomie
par les mots :
agences régionales de santé
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Avant de présenter cet amendement, monsieur le président, je me tourne vers le président de la commission des affaires sociales pour obtenir de sa part une confirmation.
Vous aviez fait observer, monsieur About, en demandant au Sénat de rejeter le sous-amendement n° 1277 qui, présenté par M. Autain, visait à transformer l’ARS en ARSA, que le rejet de ce sous-amendement entraînait automatiquement, par coordination, la substitution, tout au long du texte, des mots « agence régionale de santé » aux mots « agence régionale de santé et de l’autonomie ».
Pouvez-vous me confirmer cette interprétation juridique que vous avez fournie à M. Autain ?
M. Alain Milon, rapporteur. C’était une remarque purement politique ! (Sourires au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’était une boutade, madame la ministre, mais il était tout de même assez cohérent de conclure que, ayant refusé une fois cette dénomination, nous pourrions être amenés à le faire de nouveau…
M. Jean Desessard. C’était donc une boutade juridique ! (Sourires.)
M. le président. Veuillez poursuivre, madame la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous remercie de cette précision, monsieur le président de la commission, et peux donc en arriver à la présentation de mon amendement, qui tend à revenir à la dénomination d’« agence régionale de santé ».
Je comprends que les acteurs du champ médico-social, qui est impliqué dans la lutte contre la perte d’autonomie, souhaitent voir les particularités de ce secteur reconnues au sein des ARS.
Je partage cette volonté et je tiens solennellement à lever toute ambiguïté sur ce sujet : le secteur médico-social sera le grand bénéficiaire de la création des agences régionales de santé. Cela ressort clairement de notre démarche.
M. Guy Fischer. C’est ce qu’on dit !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est hors de question de remettre en cause les particularismes du secteur médico-social, lui qui a tellement apporté au pacte social dans notre pays.
Il est hors de question d’annexer le secteur médico-social aux soins et de lui appliquer les mêmes logiques de prise en charge des personnes que celles qui sont développées au sein du secteur hospitalier.
M. Guy Fischer. Ce serait un C2A !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est hors de question que les agences régionales de santé « sanitarisent » – excusez ce néologisme – le médico-social et en fassent la variable d’ajustement des politiques de santé, au profit des besoins du secteur des soins.
Il est hors de question, enfin, que les crédits du secteur médico-social puissent être affectés à celui des soins. Nous avons d’ailleurs tenu, dans ce texte, en accord avec ma collègue Valérie Létard, à prendre toutes les précautions possibles en introduisant le principe désigné par l’expression un peu barbare de « fongibilité asymétrique », sur laquelle nous reviendrons. (Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité approuve.)
Sur tous ces points, le projet de loi offre donc des garanties extrêmement solides.
M. Guy Fischer. Quel mal vous avez à rassurer !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais, de grâce, ne confondons pas : reconnaître et préserver les spécificités du secteur médico-social, ce n’est pas perpétuer des cloisonnements qui n’ont plus lieu d’être.
La simple adjonction des mots « et de l’autonomie » à celui de « santé » serait une façon de transmettre le message selon lequel la santé et l’autonomie sont deux concepts distincts et séparés. Or, c’est exactement le contraire de ce que nous entendons promouvoir. Cela reviendrait à réduire la santé à la question des soins et de la maladie, ce qui serait en contradiction avec le sens que nous donnons au mot « santé », c'est-à-dire avec l’ambition même de la réforme.
En effet, lorsque nous parlons d’agence régionale de santé, nous entendons le terme « santé » dans le sens que lui donne l’Organisation mondiale de la santé. La définition est souvent citée, mais je tiens à la rappeler ici. Il s’agit d’« un état de complet bien-être physique, psychique et social ». Ce sont donc non seulement les soins qui sont visés, mais aussi la santé publique, les prises en charge et l’accompagnement médico-social.
Cette définition globale de la santé a pour elle la force de l’évidence. Nous devons pourtant reconnaître qu’elle ne correspond pas du tout à nos pratiques et à notre organisation, qui restent fortement cloisonnées entre les différents secteurs de la santé.
La question est donc la suivante : voulons-nous créer des agences régionales de santé pour promouvoir enfin une approche globale et multifactorielle de la santé et pour organiser une administration de la santé capable de définir et de conduire une politique globale de santé, ou voulons-nous préserver l’approche cloisonnée qui est la nôtre aujourd'hui ?
Si j’ai bien compris le sens des différentes interventions, nous condamnons tous le système actuel.
Nous pouvons choisir, pour rassurer le secteur médico-social, de changer les ARS en ARSA. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce compte-là, il y a bien d’autres concepts qu’il conviendrait de mettre à l’honneur dans le nom de ces agences !
Je rappelle qu’il existe deux commissions de coordination auprès de chaque agence : l’une se rapporte au secteur médico-social et l’autre, notamment, à la prévention. Or les acteurs du monde de la prévention ont des aspirations tout aussi légitimes.
Il y a aussi la sécurité sanitaire, qui, bien que ne relevant pas des politiques de santé au sens premier qu’on en donne, devrait, elle aussi, dans la période de risque pandémique que nous connaissons, être mise en avant et figurer de la même façon dans l’appellation des agences. Le monde de la sécurité sanitaire, qui porte des concepts très forts, pourrait craindre d’être absorbé ou marginalisé par le secteur des soins au sein des ARS.
Et que dire de la veille environnementale ? Il s’agit, là encore, d’une dimension extrêmement importante des politiques de santé au sens strict, à l’heure où les menaces environnementales sont de plus en plus prégnantes. C’est pourquoi, avec mes collègues Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno, je suis en train d’élaborer un nouveau plan national santé-environnement.
Si l’on s’engageait dans cette logique, il faudrait sans doute que les ARS deviennent non pas seulement des ARSA, ou des ARSAP, mais peut-être aussi des ARSAPVE, voire des ARSAPVE-SS…
M. Guy Fischer. Ah non !
M. Bernard Cazeau. Pas de SS ! (Sourires.)
M. Jacky Le Menn. Voilà un sigle qui dégagerait les bronches ! (Nouveaux sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … pour « agences régionales des soins, de l’autonomie, de la prévention, de la veille environnementale et de la sécurité sanitaire » !
Peut-être – et encore n’est-ce pas certain – aurions-nous ainsi satisfait beaucoup de monde. Mais, ce faisant, nous aurions perdu la partie, parce que les mots ont un sens et que nous aurions en fait renoncé à surmonter les cloisonnements actuels, renoncé à développer les complémentarités entre les différentes approches, renoncé à partir des besoins de la personne, en appréhendant celle-ci de manière globale et non pas sous un angle sectoriel et de façon compartimentée.
Est-ce vraiment cela que vous voulez, mesdames, messieurs les sénateurs ? J’ai cru comprendre que ce n’était pas le cas et que, tout au contraire, vous vouliez vous référer à une conception pour ainsi dire ontologique de l’être humain et de sa santé.
C’est pourquoi je vous soumets un amendement visant à revenir à l’appellation « agences régionales de santé », pour réaffirmer l’ambition fondamentale de cette réforme, qui consiste à décloisonner nos approches sectorielles de la santé, tout en préservant les spécificités de nombreux secteurs, de nombreuses démarches, spécificités qui en font toute leur valeur et que nous respectons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Mme la ministre ayant été extrêmement complète dans son exposé, je n’ajouterai que quelques remarques concernant l’autonomie.
Quand on regarde l’histoire et que l’on remonte aux années soixante-dix, on s’aperçoit que c’est à ce moment-là qu’a eu lieu la séparation entre la politique de santé et la politique médico-sociale.
Les raisons étaient, à l’époque, évidentes. On parlait de « vieux », et non de « personnes âgées », tandis qu’on accordait très peu d’importance au handicap. Les soins étaient dispensés à tout le monde, sans distinction. Progressivement, le médico-social s’étant séparé de la santé, ce dernier secteur a prospéré, si l’on peut dire, alors que le médico-social est devenu, du point de vue financier, son parent pauvre.
Dans le même temps, les personnes âgées ont vu leur espérance de vie augmenter et sont devenues de plus en plus dépendantes. Les personnes handicapées ont, quant à elles, bénéficié d’une considération croissante à partir du milieu des années soixante-dix.
M. Paul Blanc. C’est la loi de 1975 !
M. Alain Milon, rapporteur. Elles ont désormais la chance de vieillir ; mais, en même temps qu’elles vieillissent, elles connaissent des problèmes de santé de plus en plus importants.
Les établissements qui s’occupaient des « vieux » dans les années soixante-dix, et qui prennent en charge ce que l’on appelle de nos jours le « troisième âge », ont à faire à des personnes d’âges très différents, souffrant de maladies très diverses et qui ont plus besoin qu’auparavant du secteur des soins et de la sécurité sociale.
Il est donc nécessaire que nous puissions rapprocher l’ensemble des organisations créées dans les années soixante-dix, afin que le médico-social soit vraiment considéré comme l’un des domaines importants de la santé et qu’il arrive à bénéficier des mêmes financements – ou presque, mais cela se fera progressivement, madame la secrétaire d’État – que les autres secteurs de la santé.
Je pense par conséquent que spécifier « et de l’autonomie », c’est revenir à la séparation des années soixante-dix et ne pas donner au médico-social une chance de rattraper son retard.
La commission est donc favorable à l’amendement n° 1248.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n° 1248.
M. Alain Vasselle. Après les explications qui ont été données par Mme la ministre et par notre rapporteur, je pense que nous ne pouvons que soutenir leur position.
Cela étant, au-delà de notre objectif commun de décloisonnement, qui est le fil conducteur de ce projet de loi, je voyais tout de même un avantage à ajouter les termes « et de l’autonomie » à l’appellation des agences régionales de santé, d’un point de vue strictement financier.
Mme la ministre a beaucoup insisté en disant qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter et qu’en aucun cas, dans l’esprit du Gouvernement, il ne s’agissait de faire en sorte que le médico-social devienne la variable d’ajustement de la politique de soins. Certes, mais il ne faudrait pas, inversement, que la politique de soins devienne la variable d’ajustement du financement du médico-social ! (Sourires.)
Vous permettrez à celui qui, ici, s’occupe des comptes de la branche maladie de s’attacher au juste équilibre et à la juste complémentarité entre l’un et l’autre, étant rappelé que, de toute façon, le médico-social comprend à la fois du soin et du social et qu’il existe donc déjà un financement conjugué. Veillons à ce qu’il en soit toujours ainsi.
Si l’on doit cependant se rapprocher d’une définition de la santé incluant le médico-social, il est à craindre que la création du cinquième risque se justifie moins et que l’on nous pousse en conséquence à envisager une cinquième branche de la sécurité sociale, ce dont nous ne voulons pas !