M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à remercier mon collègue Martial Bourquin d’avoir eu l’initiative de cette question orale avec débat sur la crise de l’industrie. Je partage très largement son analyse et ses interrogations. Ce n’est pas tout à fait une surprise : étant élu d’un grand département industriel et originaire du Pays-Haut, en Lorraine, il est « né » dans l’industrie et se préoccupe naturellement de ses problèmes.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous poserai cinq questions d’importance inégale, dont la liste n’est pas exhaustive.
Je rappellerai tout d’abord quelle est la place de l’industrie dans l’économie française. Elle représente bien plus que les 20 % de produit intérieur brut que lui assigne la comptabilité nationale car, en amont, en aval et à côté, de nombreuses activités de service dépendent de l’industrie. Lorsqu’une industrie disparaît, ce sont les activités situées en amont, comme la recherche et développement, ou celles du secteur des nouvelles technologies, qui disparaissent en premier lieu. La France ne peut se contenter d’être un pays d’importation, de logistique et de distribution !
Comment le Gouvernement organise-t-il sa politique industrielle, qui est nécessairement une politique interministérielle ?
Je me réjouis qu’un secrétaire d’État chargé de l’industrie ait été nommé, et plus encore que celui-ci ait l’expérience du secteur privé. Mais j’aimerais savoir comment le Gouvernement prend position face aux questions industrielles, qu’il s’agisse pour lui de réagir à l’actualité – et c’est sans doute ce qu’il fait le mieux – ou de gérer les actifs dont il a la charge.
Ma deuxième question concerne le secteur de l’automobile.
Vous avez mené, monsieur le secrétaire d’État, une politique extrêmement active dans ce secteur de l’économie de marché, en dispensant judicieusement les crédits publics. Je ne rappellerai pas ces mesures : en six minutes, ce serait une gageure !
J’aimerais savoir comment vous comptez sortir de ce système. Comment entendez-vous supprimer la prime à la casse ? Comment ferez-vous évoluer la fiscalité sur le diesel ? Je rappelle que la plus grande usine de fabrication de moteurs fonctionnant au diesel d’Europe est implantée en Lorraine.
Quelle est votre position, non pas en matière de véhicules électriques – nous savons tous que la France sait construire ce type de voitures –, mais de batteries ? J’aimerais obtenir l’assurance que toutes les voies ont été explorées, et pas seulement celle des batteries au lithium-ion, qui sont surtout produites aux États-Unis et au Japon, et non dans notre pays. Pour ma part, je trouve la solution du lithium-polymère intéressante.
Vous menez donc une politique industrielle efficace dans le domaine de l’automobile. Nous avons tous constaté, en effet, que le premier trimestre avait été moins difficile en France que partout ailleurs en Europe. Les interventions d’OSEO en matière de restructuration de trésorerie sont pertinentes, mais elles sont coûteuses. Avez-vous, sur ce point, des raisons d’espérer ?
Ma troisième question concerne la politique industrielle dans le secteur électronucléaire. On compte plus de 450 réacteurs nucléaires dans le monde, et il est vraisemblable que ce nombre aura largement doublé dans les dix ou vingt prochaines années. Ne pensez-vous pas que le réacteur pressurisé européen, l’EPR, un équipement de très haute technicité conçu par les Allemands et les Français pour le marché européen et dont la complexité se traduit par une certaine lourdeur de conception, épuise toutes les forces que l’industrie électronucléaire française devrait mobiliser pour conquérir une part significative sur le marché mondial des réacteurs nucléaires ?
Ma quatrième question porte sur la taxe professionnelle.
Un débat public s’est ouvert sur ce sujet qui vous concerne au premier chef, monsieur le secrétaire d’État. En effet, la part de l’industrie manufacturière dans le produit de cette taxe est, en moyenne, deux fois supérieure à sa part dans la valeur ajoutée nationale. Il faudrait mener une réflexion, afin que l’industrie manufacturière puisse retrouver, dans le cadre de la réorganisation de la taxe professionnelle au 1er janvier 2010, un niveau d’effort conforme à sa valeur ajoutée.
Ma dernière question portera sur le sujet sensible et complexe des charges sociales et de la politique d’allégement de charges.
Je ne vous demande pas, monsieur le secrétaire d’État, de prendre des mesures immédiates, mais de conduire une réflexion de long terme.
Compte tenu du niveau des salaires et de la protection sociale en vigueur en France, auxquels tous nos compatriotes sont attachés, l’emploi industriel ne pourra perdurer que si les entreprises apportent à leurs produits une très forte valeur ajoutée, ce qui suppose à la fois un haut niveau de formation des personnels et une intensité capitalistique considérable par emploi créé.
Alors que j’assumais mes premières responsabilités publiques, l’emploi nécessitait des investissements. Aujourd’hui, le coût de l’emploi d’un ouvrier titulaire d’un brevet de technicien supérieur dans le secteur de la mécanique, par exemple, a été multiplié par dix par rapport aux années quatre-vingt, c’est-à-dire après les deux premiers chocs pétroliers.
Cela signifie que nous avons une industrie de plus en plus capitalistique, avec, pour les emplois exposés à la concurrence, une meilleure formation et des niveaux de salaires plus élevés. Par conséquent, nous nous apercevons que l’essentiel de l’effort consenti par la collectivité nationale en faveur de l’allégement des charges bénéficie non pas à l’industrie soumise à cette compétition mais à des activités de services.
Certes, nous avons ainsi soutenu la croissance en encourageant la création d’emplois. Statistiquement, la chose est incontestable : lors des années de croissance qui ont eu lieu à la fin du siècle précédent et au début des années deux mille, on a constaté que, malgré une croissance plus faible, nous parvenions non seulement à maintenir des emplois, mais même à en créer.
Il faut nous demander si nous n’avons pas en réalité organisé un déplacement des activités à forte valeur ajoutée, que nous souhaitons pourtant localiser dans notre pays, au profit d’activités à plus faible valeur ajoutée, qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale. Ces dernières bénéficient d’allégements de charges qui pèsent sur les activités à forte valeur ajoutée, lesquelles auront tendance à ne plus choisir la France pour localiser leurs activités.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État – et ce sera ma conclusion, sinon M. le président me rappellera que j’ai dépassé mon temps de parole… (Sourires) –, je souhaite profondément que le projet industriel de notre pays puisse être porté par une action interministérielle forte, durable et stable, fondée sur une perspective d’ensemble. Il ne doit pas s’agir simplement, comme vous le faites d’ailleurs aujourd’hui avec talent en ce qui concerne l’automobile, de répondre à une question sectorielle : il convient d’avoir une vision globale de la part qui doit être celle de l’industrie dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, celui que l’on appelait, au début du xxe siècle, l’« enfant terrible du patronat français », Auguste Detoeuf, …
M. Gérard Longuet. Personnage remarquable !
M. Aymeri de Montesquiou. … disait : « Il n’est d’industrie durable que celle qui vend de la bonne qualité ». C’est la définition que l’on pourrait donner de notre industrie, aujourd’hui dans la tourmente. Les fers de lance de notre économie industrielle – l’automobile, l’aéronautique ou encore la métallurgie – souffrent durement.
Fortement touchée, la France, néanmoins, n’est pas le plus sinistré des pays industrialisés. Le socle des entreprises du CAC 40 est des plus solides. Quand on considère le tableau des cinq cents groupes mondiaux les plus importants, la France se classe au troisième rang mondial et au premier rang européen avec trente-neuf groupes, devant l’Allemagne et la Grande Bretagne qui en comptent respectivement trente-sept et trente-cinq, mais après les États-Unis, qui totalisent cent soixante-seize sociétés, et le Japon, quatre-vingt-un.
Nos grandes entreprises sont particulièrement performantes dans le premier domaine d’avenir, celui de l’énergie et de l’environnement, notamment en ce qui concerne l’efficacité énergétique. Nous devons absolument favoriser ce secteur pour en faire un vecteur d’exportation pour d’autres activités.
M. Yvon Collin. Excellent !
M. Aymeri de Montesquiou. Nos grandes entreprises font face à la crise ; elles ont des ressources. En revanche, les PME, plus fragiles et moins puissantes, doivent monopoliser tout notre appui. Nous devons en effet soutenir leur développement, en particulier à l’international. Elles doivent constituer votre priorité, monsieur le secrétaire d’État.
Au-delà de cette crise mondiale, la crise de l’industrie française est aussi celle de la recherche et de l’innovation. On ne peut mettre en cause l’État, qui consacre à la recherche un budget en hausse de 3,2 %. Il finançait en 2005 les dépenses intérieures brutes de recherche et développement à hauteur de 38 %, alors que la part de l’État était de 30,5 % en Allemagne et de 33 % au Royaume-Uni.
Au-delà, nos mesures fiscales doivent être plus incitatives car les secteurs de la recherche et de l’innovation peinent à trouver le souffle nécessaire à la créativité. La recherche dans les PME, qui sont souvent sous-traitantes ou fournisseurs de grands groupes, est quasi inexistante. Elles n’ont que peu de produits innovants à exporter ; seules 3 % à 4 % d’entre elles le font.
La culture de l’innovation n’est pas suffisamment encouragée. Pour insuffler cet état d’esprit en France, il faut susciter plus de vocations scientifiques en orientant notre enseignement vers la découverte et l’expérimentation.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Les indispensables pôles de compétitivité sont encore insuffisants pour aiguiser la créativité. Les découvertes sont souvent exploitées par d’autres à l’extérieur ; elles doivent être canalisées de façon à trouver une traduction technologique ou industrielle nationale. Pour cela, la recherche privée, qui a une plus forte propension à breveter que la recherche publique, doit absolument se développer.
Mais dans la très dure compétition mondiale, on ne peut se cantonner à une recherche nationale. Il est vital de développer la recherche et l’innovation au niveau européen. Cette coopération a fait la preuve de son efficacité avec, entre autres, Ariane et Airbus, qui sont les fleurons de l’aéronautique européenne. On peut imaginer d’autres grands projets tout aussi prometteurs.
Néanmoins, c’est une réalité : la politique industrielle est, depuis 2005, au cœur des actions communautaires en faveur de la compétitivité. L’Europe fait enfin de l’innovation un facteur essentiel de la croissance, une de ses priorités stratégiques et prévoit la mise en place d’une politique industrielle européenne intégrée qui devrait être opérationnelle à la fin de l’année 2009.
L’industrie manufacturière demeure un fondement de l’économie européenne. Elle emploie plus de 34 millions de personnes, représente les trois quarts des exportations européennes, totalise plus de 80 % des dépenses en matière de recherche et développement du secteur privé et fournit environ un cinquième de la production totale. Le point faible de la France, c’est la taille de ses PME et leur faible implication directe dans le marché international.
M. Yvon Collin. Analyse pertinente !
M. Aymeri de Montesquiou. Nos voisins allemands et italiens font de leurs PME industrielles un véritable moteur de leur économie. Ainsi l’Italie, puissance économique moyenne, compte plus de 500 000 PME, contre 250 000 en France. Ces entreprises emploient 78 % des salariés de l’industrie et représentent près de 62 % du chiffre d’affaires de ce secteur. Ce chiffre d’affaires est même supérieur à celui des PME allemandes, qui comptent davantage de structures moyennes, surtout familiales, refusant l’introduction en bourse.
La France et l’Italie ont privilégié les très petites structures comptant de un à neuf salariés, mais chez notre voisin transalpin, ces entreprises ont su développer une spécialisation haut de gamme et sont particulièrement dynamiques à l’exportation.
La faiblesse de nos PME est manifeste, quel que soit le domaine envisagé. Elles manquent de fonds propres pour se consacrer à la prospection, qui est coûteuse. Leur accès aux marchés publics, dont nous ne pouvons d’ailleurs laisser le monopole aux grandes entreprises, est difficile. Elles souffrent du manque de confiance dans la prise de risque de la part des banquiers et investisseurs. Par ailleurs, la formation internationale des cadres est lacunaire.
Les PME sont donc peu armées pour faire face à la concurrence mondiale, alors que cinq millions d’emplois sont directement ou indirectement liés aux activités d’exportation. C’est pourquoi nous devrions mieux financer les investissements pour la prospection, alléger les contraintes administratives telles que les autorisations ou la fiscalité à l’exportation, favoriser la formation multinationale des cadres et la coopération entre les entreprises.
Le renforcement de la place de nos PME dans le monde pourrait aussi s’inspirer du modèle danois, en créant un tissu interactif sur internet, véritable plateforme mettant en relation les institutions internationales avec nos PME, afin de diffuser au mieux notre savoir-faire où se situe la demande. Plus qu’une diplomatie de la tasse de thé, utilisons celle-ci pour soutenir nos PME.
Soyons pugnaces ! Focalisons tous nos efforts en faveur des PME et donnons raison à notre collègue Pierre Mauroy, qui déclarait : « La crise n’est pas comme une maladie dont on ne peut sortir : elle est comme une nouvelle naissance. » (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
MM. Yvon Collin et Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je profite de la question de notre collègue Martial Bourquin et de l’actualité plus ou moins récente – je pense en particulier à la présidence française de l’Union européenne et au scrutin de dimanche dernier – pour aborder la question de ce que pourrait être une véritable politique industrielle européenne.
Notre système productif est frappé par la crise et entre en récession, avec des restructurations lourdes et douloureuses sur le plan humain. Je suis persuadé que mes collègues Jean-Jacques Mirassou et François Patriat aborderont ces problèmes qu’ils connaissent particulièrement bien sur le terrain, dans leurs départements respectifs.
Pourtant, depuis plusieurs années, on avait pu mesurer la perte de compétitivité qui s’était traduite, entre autres, par des délocalisations ou des fermetures sur notre territoire. La réponse proposée par la stratégie de Lisbonne n’a pu décoller, faute de coordination et de pilotage au niveau européen.
L’industrie représente encore, à l’échelle européenne, 20 % de la production, mais elle perd dans la zone euro environ 16 % par an dans une tendance de long terme. Elle concerne encore plus de 30 millions d’emplois et contribue pour 75 % à l’ensemble de nos exportations.
Une nouvelle politique industrielle est une nécessité dans tous les pays de l’Union, quels que soient leur histoire, leur économie et leur patrimoine industriel. Un plan de relance au niveau européen aurait permis de coordonner les plans nationaux et aurait constitué l’occasion de définir une véritable politique industrielle intégrant les potentiels nationaux et les spécialisations qui existent, mais en assurant une stratégie d’ensemble et en créant une synergie.
En effet, les différents plans de relance nationaux, qui sont verticaux et sectoriels, auraient mérité d’intégrer une perspective horizontale et une coordination. Nous devons dépasser la politique de la concurrence et du marché unique, sur laquelle l’Union a fonctionné jusqu’ici et dont on mesure les limites, voire, parfois, les effets pervers. Je pense par exemple à la concurrence dans le domaine de l’énergie, qui ne fait qu’affaiblir la compétitivité des industries fortement consommatrices d’énergie. Cette politique a donc des conséquences déstructurantes.
Face au déclin de l’emploi industriel et aux délocalisations, une prise de conscience s’est certes opérée, en tout premier lieu pour ce qui est de la nécessité de combler le déficit européen en matière de recherche et d’innovation. Ce déficit aura en effet pour conséquence, à terme, d’augmenter nos problèmes de compétitivité.
Dans ce cadre, nous devons accélérer la mise en place des plateformes technologiques, que vient d’évoquer mon collègue M. de Montesquiou, autour d’un programme commun de recherche. Les domaines éligibles à ces actions sont pourtant très nombreux, comme on le constate avec les pôles de compétitivité ou les clusters, tout spécialement ceux qui ont une vocation mondiale et mériteraient de bénéficier d’une coordination au niveau européen.
Certains enjeux industriels revêtent un caractère stratégique. Je pense à l’énergie, à l’aérospatiale, aux piles à combustible, à l’automobile et en particulier aux véhicules électriques.
Je ne peux pas non plus passer sous silence le développement des nouvelles technologies découlant des avancées de la recherche fondamentale. Je pense tout particulièrement aux nanotechnologies, aux biotechnologies, aux technologies de l’information et de la communication, les TIC, et surtout à la convergence de ces trois domaines.
Nous avons certes en France des potentialités – je pense par exemple au pôle d’innovation Minatec, à Grenoble, qui a su rassembler différents acteurs sur un même site et travailler à l’échelon européen dans ces trois domaines–, mais nous ne pourrons lutter à armes égales au niveau mondial que si nous rassemblons nos moyens au niveau européen. Sinon, nous resterons dans des niches, certes performantes, mais avec un pouvoir de développement relativement limité.
Les États-Unis et le Japon, entre autres, ne s’y trompent pas. Si l’on compare les 450 millions de dollars investis chaque année par les Américains dans le domaine des nanotechnologies avec les crédits consacrés à la recherche au niveau européen, on s’aperçoit que la somme de tous les crédits nationaux représente à peine le dixième de ce montant.
En effet, seuls 15 % des crédits de recherche publics sont coordonnés dans le cadre des programmes communs de recherche et développement européens. La stratégie de Lisbonne a échoué du fait d’une coordination trop souple, fondée sur le volontariat, et de l’absence de priorités stratégiques clairement définies. Il s’agit à la fois de notre indépendance en matière énergétique et de la survie de notre industrie.
La survie et la compétitivité de nos meilleures entreprises passeront par l’échelle européenne face à leurs concurrentes américaines, japonaises, chinoises et indiennes. Encore faut-il favoriser leur développement en créant un environnement législatif et réglementaire favorable. L’accord de Londres sur les brevets européens et la propriété industrielle représente certes une avancée, mais le Conseil européen se doit d’adopter rapidement un brevet européen assurant une sécurité juridique par un système unifié et efficace.
L’élaboration d’une stratégie industrielle dans les secteurs prioritaires ne peut pas non plus être déconnectée d’une coordination plus étroite des politiques économiques, en particulier dans le domaine de l’harmonisation de la fiscalité des entreprises.
Une véritable politique industrielle coordonnée est une nécessité. Elle doit être accompagnée par une priorité dans le budget communautaire, notamment dans les programmes de recherche et développement, voire dans les fonds structurels.
Monsieur le secrétaire d’État, comment la France va-t-elle s’impliquer dans la nouvelle mandature et la nouvelle Commission pour atteindre cet objectif nécessaire à la survie de notre industrie et, au-delà, de l’industrie européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise qui touche actuellement notre industrie est grave. Les chiffres de l’INSEE publiés aujourd’hui l’attestent : en un an, la production industrielle a chuté de 13,8 % et de 16,5 % pour la seule production manufacturière.
Au mois d’avril 2009, la production de l’industrie manufacturière se tasse à nouveau de moins 0,5 %, après un net recul déjà enregistré en mars. Pour l’ensemble de l’industrie, la baisse de la production se poursuit également.
Concrètement, les carnets de commandes de nombreuses entreprises se vident, les assureurs crédit se désengagent de plus en plus. Les défaillances d’entreprises et les destructions d’emploi sont en hausse.
Cela a été dit, certains secteurs – notamment l’automobile, le textile, la chimie – sont plus touchés que d’autres. La crise actuelle a cela d’alarmant qu’elle frappe la quasi-totalité des secteurs industriels.
L’enjeu économique est important : l’industrie manufacturière représente 14 % de la valeur ajoutée et occupe 15 % de la population active. En tenant compte du développement de l’emploi temporaire et de l’externalisation de certaines activités, l’emploi industriel équivaut à près de 40 % de l’emploi total.
Nous savons que l’industrie française se caractérise par la présence très importante des PME-PMI, qui représentent près de 90 % des entreprises de ce secteur, 39 % de l’emploi et 30 % de la valeur ajoutée.
En ce sens, il faut souligner qu’aider nos PME, c’est doper notre économie. De nombreuses mesures ont été prises dans ce but. Hier, nous adoptions la dernière en date : la proposition de loi tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises. Pour soutenir efficacement et rapidement nos PME, la proposition de loi de notre collègue Jean Arthuis, président de la commission des finances, visant à renforcer l’efficacité de la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises, que nous examinerons prochainement, me paraît tout à fait opportune.
En effet, elle participe à un objectif stratégique de première importance : les PME et les entreprises de taille intermédiaire sont au cœur de la croissance économique et de l’emploi. Il faut avoir pour ambition de contribuer à l’émergence d’entreprises de plus grande taille en accompagnant et en finançant en priorité les projets innovants.
Aujourd’hui, trop peu d’entreprises industrielles atteignent ce seuil critique. La comparaison avec la situation de notre principal partenaire est édifiante : au niveau des PME industrielles de 20 salariés et plus, on compte en moyenne 170 salariés par entreprise en Allemagne, contre seulement 120 en France.
Je ferai le même constat en ce qui concerne le commerce extérieur : en 2006, en « temps normal », pourrait-on dire, l’Allemagne exportait 786 milliards d’euros de produits manufacturés, soit deux fois plus que la France, avec 318 milliards d’euros. M. de Montesquiou a déjà pris cette comparaison.
Nous savons que pour sauvegarder nos industries, pour améliorer leur compétitivité, la clé, la seule solution durable réside dans l’innovation. Plus précisément et concrètement, il est capital d’encourager le transfert de la connaissance issue de la recherche vers l’innovation industrielle, d’encourager le rapprochement entre recherche publique et entreprises privées, et d’encourager la recherche privée au sein des entreprises.
Certains dispositifs déjà mis en œuvre présentent des caractéristiques intéressantes qui doivent inspirer nos efforts.
Je commencerai par le soutien d’OSEO à l’innovation. Avec l’intégration de l’Agence de l’innovation industrielle en janvier 2008, un nouveau programme national d’innovation stratégique industrielle a été mis en place. Il offre un soutien aux entreprises non seulement pour financer leurs programmes de recherche et développement, mais aussi pour développer la phase d’industrialisation et de mise en marché des innovations industrielles. Cet accompagnement de l’entreprise durant tout le cycle de production est d’importance.
Autre dispositif, le crédit d’impôt recherche a vu sa dotation considérablement augmentée dans la loi de finances pour 2009. Cette mesure fiscale de soutien aux dépenses de recherche et développement permet un allégement du coût de la recherche et développement par une prise en compte de 30 % de cet investissement. Sa particularité tient au fait qu’il est favorable aux petites entreprises.
Déjà, en 2006, les PME indépendantes bénéficiaient de 25 % des crédits d’impôt recherche, alors qu’elles ne représentaient que 13,5 % des dépenses de recherche et développement déclarées.
En tant que rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission « Recherche et enseignement supérieur », je conduis, depuis quelques semaines, un rapport d’évaluation budgétaire sur le crédit d’impôt recherche. L’objet de cette mission est de mesurer son utilisation, son effet de levier, sa capacité à rapprocher l’entreprise du monde de la recherche et cela, de la PME à la multinationale implantée sur notre territoire. Ce dispositif est, faut-il le rappeler, en pleine cohérence avec la politique des pôles de compétitivité.
L’Union européenne, l’État, les collectivités doivent soutenir l’innovation : l’avenir de notre industrie en dépend. Ce soutien, qui s’impose maintenant tant la situation est urgente, doit accorder une place particulière à nos PME. J’ajouterai qu’il doit permettre de développer non seulement les industries à forte valeur ajoutée mais aussi, et cela doit aller de pair, les industries d’avenir.
La période durant laquelle l’industrie se développait au détriment de notre environnement est révolue. Elle devra, demain, participer à la réduction des dégâts causés par l’exploitation irraisonnée de nos ressources. L’engagement national pour l’environnement en prend acte : notre activité industrielle de demain devra intégrer la préoccupation environnementale, mais aussi s’intéresser aux nouveaux marchés qui s’ouvrent.
En période de crise, monsieur le secrétaire d’État, la pertinence des choix s’impose, d’autant plus pointue que la marge d’action se réduit. Il nous faut aujourd’hui privilégier l’innovation dans nos entreprises, car c’est ainsi que nous préparerons le retour à la croissance. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Mayet.
M. Jean-François Mayet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous remercie de l’honneur que vous me faites en me permettant de m’exprimer à cette tribune pour la première fois. Le sujet n’est pas drôle : c’est la crise. Je n’évoquerai pas pour autant des situations locales ou des cas particuliers.
J’ai rédigé cette intervention avant d’entreprendre, la semaine dernière, un voyage en Chine au cours duquel j’ai rencontré des chefs d’entreprise, leurs cadres et leurs ouvriers. Nous avons échangé sur l’économie, la crise, le chômage et, surtout, la formation. Eh bien, ce que j’ai vu et entendu là-bas m’a conforté dans ce que j’avais préparé !
Si le monde entier affronte cette crise, la France doit, en outre, réussir des réformes nécessaires qui, en raison de leur importance et à cause de notre refus historique de bouger les choses, nous plongent à elles seules dans un climat de forte tension. C’est ce que j’appellerai « la crise dans la crise » !
Malgré les difficultés du moment, j’ai la conviction qu’un libéralisme raisonnable et contrôlé produit de meilleurs résultats économiques et sociaux, et que l’un ne va pas sans l’autre. Mais les dirigeants de certains pays, c’est-à-dire des hommes politiques comme nous, portent la lourde responsabilité d’avoir laissé se construire et prospérer jusqu’à l’explosion une bulle financière compliquée, inutile et malhonnête.
C’est cette cassure brutale qui s’est, en quelques semaines, transformée en crise économique. Dans le monde entier, la consommation s’est fracassée sur l’angoisse et la perte de confiance des habitants, notamment dans des secteurs essentiels comme l’automobile, où les produits et les services étaient déjà techniquement remis en question.
Le constat de cet enchaînement tragique et prévisible n’est contesté par personne, et il devrait donc servir de guide dans le choix des moyens pour sortir de ce marasme.
Chez nous, la doctrine de la relance par l’investissement, c’est-à-dire celle du Gouvernement et du Président de la République, est combattue par les partisans de la relance par la consommation. Pourtant, il suffit de regarder ce qui se passe et de ne pas oublier que la consommation, c’est-à-dire la croissance, ne se décrète pas : elle se mérite ou elle se gagne par la confiance. Et, en France plus qu’ailleurs, lorsque le chômage augmente, l’argent distribué va directement sur des comptes d’épargne, il ne sert pas directement et immédiatement l’emploi.
Seule l’augmentation massive des investissements peut casser ce cercle vicieux et le Gouvernement a raison de privilégier cette démarche, comme il a eu raison de soutenir les banques, afin d’éviter l’asphyxie des entreprises et la ruine des épargnants, surtout des plus petits.
Le rôle des élus que nous sommes sera déterminant dans l’accélération d’une sortie de crise. En effet, nos concitoyens nous regardent, nous jugent et attendent de nous un comportement réaliste, constructif et efficace. Notre attitude et notre action sont aussi des repères, et nous avons le devoir de participer à la restauration de cette confiance.
À ce moment de mon propos, permettez-moi de regretter que, dans une période aussi tendue et dangereuse, nous n’ayons pas le réflexe de réaliser, temporairement bien sûr, une forme d’union sacrée qui existe d’ailleurs chez nos voisins.
N’est-ce pas aux élus que nous sommes, de droite comme de gauche, de nous saisir des grands problèmes pour les traiter et des grandes réformes pour les réaliser sans les dénaturer, afin de servir l’intérêt général ? N’est-ce pas aux élus que nous sommes, de droite comme de gauche, de combattre cette tendance au renoncement, dont la France a trop souvent souffert au cours des soixante-dix dernières années ?
Je regrette, j’ose le dire, que, pour des raisons politico-électorales que les Français viennent d’ailleurs de sanctionner, des sujets comme la mondialisation, ou des réformes telles que la justice ou l’enseignement, unanimement reconnues comme indispensables pour la réussite et le progrès économique et social, aient été combattues et partiellement affaiblies !
Concernant la mondialisation, n’est-il pas malhonnête de la part des élus, de droite comme de gauche, de feindre d’ignorer ou d’ignorer qu’il s’agit d’une évolution inévitable et incontournable de l’histoire de l’industrie et de l’économie mondiale qu’il nous faut savoir accompagner ?
Pour plaire aux électeurs, faut-il leur cacher cela et diaboliser cette évolution jusqu’à décourager encore plus une population fragilisée par la crise ? Est-il si difficile d’intégrer le fait, déjà vérifié, que ces pays qui nous « prennent nos usines » sont les clients de demain qui feront tourner nos industries en nous achetant les produits et les services nouveaux que nous aurons l’intelligence et la volonté de concevoir ?
Pour ce qui concerne les réformes, je n’en prendrai qu’une, vitale pour l’économie : l’éducation. Il faut arrêter l’hypocrisie et promouvoir les changements ! Il est inconséquent, de la part des élus de droite comme de gauche, de feindre d’ignorer ou d’ignorer que cette force de notre République est aujourd’hui à terre et qu’elle ne se redressera pas avant que le problème ne soit honnêtement posé et traité.
C’est aux élus de dénoncer que 75 % de nos enseignants-chercheurs n’ont rien publié depuis cinq ans et que 25 % d’entre eux sont sans équipe et sans projet !