M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Alain Milon, rapporteur. Nous avons aussi, répondant au souhait commun du rapporteur pour l’Assemblée nationale et des sénateurs socialistes, réintroduit la mention des observatoires régionaux de la santé.
Enfin, la commission mixte paritaire a maintenu le texte du Sénat en ce qui concerne la consultation sur le projet régional de santé des représentants des collectivités territoriales et de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie, ainsi que la liberté pour les collectivités territoriales d’accorder des subventions aux services de santé.
Sur l’article 27, relatif à la représentation des professionnels de santé libéraux, alors que le Sénat avait prévu de regrouper les électeurs des unions régionales de médecins en collèges, sans en préciser le nombre, la commission mixte paritaire a préféré revenir à la répartition en trois collèges prévue par l’Assemblée nationale.
M. Alain Vasselle. C’est une erreur !
M. Alain Milon, rapporteur. Je dirai un mot, pour finir, sur les apports de notre assemblée au volet médico-social, qui ont été maintenus par la commission mixte paritaire.
J’ai déjà évoqué les ESPIC médico-sociaux. Je mentionnerai aussi l’intégration, dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens conclus par les établissements médico-sociaux, d’objectifs de qualité de prise en charge, la garantie, dans le cahier des charges de l’appel à projets, de la qualité de l’accueil et de l’accompagnement des personnes dépendantes, et la possibilité, s’agissant de l’aide aux actes de la vie courante, d’apporter une aide à la prise des médicaments.
La commission mixte paritaire a, en revanche, estimé que l’instauration, en cas de grève, d’un service minimum dans les établissements médico-sociaux ne pouvait être imposée par la loi sans concertation préalable.
Nous nous sommes ralliés au point de vue de nos collègues députés et avons adopté un amendement aux termes duquel, madame la ministre, le Gouvernement remet au Parlement avant le 30 juin 2010 un rapport relatif à la mise en œuvre, au regard des contraintes constitutionnelles, d’un service minimum dans le secteur médico-social.
M. Alain Vasselle. Il n’est pas près de sortir ! (Sourires.)
M. Alain Milon, rapporteur. Mes chers collègues, au moment de conclure ce long travail, je tiens à vous remercier tous,…
M. Jean Desessard. Encore ?
M. Alain Gournac. Et alors ?
Mme Isabelle Debré. C’est normal ! Nous avons travaillé !
M. Alain Milon, rapporteur. … c'est-à-dire tous ceux d’entre vous – ils sont nombreux ! – qui ont travaillé sur ce texte…
Mme Isabelle Debré. Merci, monsieur le rapporteur !
M. Alain Milon, rapporteur. … et qui ont participé aux débats, particulièrement, donc, les membres de notre commission, au premier rang desquels son président, M. Nicolas About. (Mme Janine Rozier applaudit.)
Je rends également hommage aux présidents de séance qui, pendant de longues heures, ont dirigé ces débats.
Je veux aussi, madame la ministre, vous dire notre gratitude pour votre écoute et l’excellent climat dans lequel nous avons travaillé avec vous.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Alain Milon, rapporteur. Je vous demande donc, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires sociales, d’adopter le projet de loi dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Je tiens, monsieur le rapporteur, au nom du Sénat, à vous féliciter pour l’importance du travail que vous avez accompli tout au long de l’examen de ce texte, et à vous en remercier. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Isabelle Debré. Formidable !
M. le président. J’associe à ces remerciements le président de la commission et l’ensemble des commissaires, ainsi que leurs collaborateurs. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux vous cacher ma joie, en ce jour, de vous retrouver ! (Sourires.- Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
C’est avec une très grande fierté que je reviens aujourd’hui devant vous achever l’examen d’un texte fondamental pour notre système de santé.
Après des semaines – plutôt des mois, d’ailleurs ! – d’un débat riche, toujours intense, souvent passionné, à l’Assemblée nationale, d’abord, puis ici, au Sénat, et après le remarquable travail de la commission mixte paritaire, nous pouvons nous féliciter d’être parvenus à un texte d’équilibre, un texte responsable.
La fierté que je ressens est celle d’une ministre dont l’action se veut entièrement guidée par une seule et même exigence : améliorer l’accès de tous nos concitoyens à des soins de qualité.
Elle est celle, également, d’une ministre qui, pour avoir elle-même fréquenté les bancs du Parlement, mesure exactement les exigences et l’investissement requis pour faire vivre un tel temps fort de la vie démocratique de notre pays.
Aussi, je veux profiter de cette nouvelle occasion qui m’est donnée de remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué, par la finesse de leurs analyses et de leurs propositions, à enrichir ce projet de loi.
Je veux remercier en particulier Gérard Larcher de son rapport exceptionnel sur les missions de l’hôpital. Je mesure tout ce que la loi lui devra. Qu’il trouve ici l’expression de ma gratitude.
Le rapport de Jean-Marc Juilhard a, lui aussi, constitué une contribution majeure.
Je tiens à remercier également le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, de sa hauteur de vue et sa grande expertise. Sa sensibilité aux enjeux et sa remarquable intelligence recueillent toute mon admiration. (Exclamations sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est trop, madame la ministre ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Arrêtez ! (Nouveaux sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sous son égide, la commission des affaires sociales a parfaitement su se saisir de l’enjeu majeur que représente ce projet de loi pour l’avenir de notre système de santé.
Vous avez œuvré, monsieur le président de la commission, dans des conditions particulièrement difficiles, avec notamment un changement de règlement qui nous a obligés parfois à quelques réglages… (Sourires.) Mais vous avez su le faire avec beaucoup d’humanité, de gentillesse et de compréhension. Je vous en suis très reconnaissante.
Je veux aussi rendre hommage à votre rapporteur, Alain Milon, pour sa précision et son écoute permanente. Je n’avais pas le droit de me joindre aux applaudissements qu’il vient de recueillir, étiquette parlementaire oblige, mais je les aurais volontiers accompagnés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Alain Gournac. Quel triomphe !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je n’oublie pas non plus la contribution de tous les sénateurs, qui, sur toutes les travées, ont éclairé de leurs compétences notre discussion.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous ne m’avez pas ménagée- il est vrai que je ne le demandais pas – et je sens que cela va continuer dans quelques instants… (Sourires.- Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
J’ai eu à cœur d’écouter toutes vos contributions avec respect, et me suis efforcée de retenir un certain nombre de vos propositions, et ce dans un esprit tout démocratique et républicain. Je vous remercie de l’ambiance qui, grâce à vous, a régné tout au long de cette discussion.
Vous comprendrez cependant sans peine, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, que mes pensées reconnaissantes aillent évidemment aux sénatrices et aux sénateurs qui m’ont toujours soutenue dans ce débat.
Je pense notamment à Marie-Thérèse Hermange, Gérard Dériot, Catherine Procaccia, Jean-Pierre Fourcade, André Lardeux, Alain Vasselle, Gilbert Barbier, Anne-Marie Payet et Muguette Dini, ainsi qu’à Isabelle Debré.
Je tiens à vous témoigner à tous ma profonde reconnaissance…
M. Dominique Braye. Et Paul Blanc ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je salue également en effet Paul Blanc, ainsi qu’Alain Gournac. (Sourires.)
M. Alain Gournac. Et Dominique Braye ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous avez raison… Voilà comment on se fait en quelques instants bien des amis et bien des ennemis ! (Nouveaux sourires.) Que ceux que je n’ai pas cités ne m’en tiennent pas rigueur : c’est la dure loi des énumérations !
En tout cas, soyez toutes et tous remerciés de vos contributions car, sans l’apport de chacun, ce débat parlementaire aurait eu peu de sens.
Je voudrais adresser un remerciement tout particulier aux membres du Sénat qui ont participé à la commission mixte paritaire : ils ont su y trouver un compromis qui respecte la volonté de chaque assemblée.
Le travail mené par la CMP était, en effet, difficile, nécessitant beaucoup de finesse et d’esprit de synthèse. Il en est d’autant plus, j’ose le mot, extraordinaire !
Aujourd’hui, je veux, en toute sincérité, exprimer la gratitude du Gouvernement.
Sans reprendre dans le détail l’ensemble des mesures d’un projet de loi d’envergure, j’aimerais vous rappeler tout ce que, ensemble, nous avons accompli et tout ce que nous offrirons à nos concitoyens.
Nos hôpitaux ont été modernisés.
La gouvernance de l’hôpital a été rénovée et clarifiée, pour donner à tous les acteurs les moyens d’exercer pleinement leurs rôles et leurs missions.
Les prises de décision seront facilitées, tous les patients en bénéficieront.
Pour mieux répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, qui veulent pouvoir bénéficier de parcours de soins fluides et de qualité, nous avons voulu également faciliter les coopérations hospitalières, mieux articuler le système hospitalier avec la médecine de ville et le secteur médico-social.
Le projet de loi permettra également de mieux répartir l’offre de soins sur le territoire, pour lutter contre ce que beaucoup d’entre vous ont appelé les « déserts médicaux ».
Grâce à des mesures cohérentes, nous répondrons à l’exigence d’un accès aux soins pour tous, dans le respect de la liberté d’installation. Formation, offre de soins : rien n’a été oublié. Nous avons toujours fait le pari de l’organisation et de la modernisation.
Parce que ce texte est une loi de prévention, il était bien naturel que le préventif, à côté du curatif, trouve une place accrue. Le titre relatif à la santé publique comporte des mesures fortes sur des déterminants de santé, comme le tabac ou l’alcool.
L’inscription de l’éducation thérapeutique dans le code de la santé publique n’est pas seulement une évolution, c’est bien une révolution culturelle, avec l’instauration d’une nouvelle relation entre le soignant et le soigné. Le malade sera désormais véritablement l’acteur de sa propre santé.
Enfin, la création des agences régionales de santé parachève le décloisonnement de notre système de santé, sans doute l’un des plus cloisonnés et régaliens du monde. Leur mission sera, en particulier, d’organiser l’offre de santé sur tout le territoire, au plus près de nos concitoyens.
Tout le champ de la santé et de l’autonomie se trouve désormais investi.
Ce trop bref résumé traduit-il assez la valeur et l’importance d’un texte innovant et pragmatique qui se veut aussi ambitieux et responsable ?
J’aimerais vous dire toute la confiance qui est la mienne dans cette réforme élaborée avec tous et pour tous.
Pourtant, M. le rapporteur l’a souligné, il subsiste une légère ambiguïté sur le mode de fonctionnement du directoire.
Cette ambiguïté est relative à la manière dont le directoire est consulté par le directeur dans l’exercice de ses fonctions et de ses compétences. Entendons-nous bien : lever cette ambiguïté ne remet absolument pas en cause l’équilibre trouvé entre les directeurs et les médecins. Cet équilibre a été parfaitement traité par la commission mixte paritaire.
La volonté du législateur, telle qu’elle s’est exprimée sur toutes les travées, est que le directoire soit une instance collégiale, lieu d’échanges entre ses membres. C’est aussi l’avis du Gouvernement.
Pour autant, il ne faut pas que cette instance ploie sous un fonctionnement trop formaliste. Or les experts juridiques consultés ces derniers jours par le Gouvernement nous indiquent que le texte issu de la CMP peut transformer le directoire en une instance consultative formelle, qui fonctionne avec des règles de quorum, des comptes rendus, des scrutins où chacun compte ses voix, alors que ce doit être une instance de discussion collégiale opérationnelle, s’inspirant des actuels conseils exécutifs, qui fonctionnent très bien.
Dans le cheminement qui nous a amenés à ce texte, personne n’a imaginé qu’il en soit autrement.
Les règles de fonctionnement du directoire doivent faciliter les échanges nécessaires pour prendre en compte les différents points de vue. L’expression de ces points de vue est indispensable au vu de l’originalité de la structure hospitalière, mais le formalisme doit être proportionné.
Je le concède bien volontiers, la rédaction initiale du Gouvernement, indiquant « après consultation », n’évitait pas non plus cet écueil. Elle assurait l’aspect collégial, mais ne garantissait pas non plus la recherche d’un consensus positif.
C’est pourquoi nous avons besoin d’une formulation plus satisfaisante.
L’amendement que je vous propose, de nature technique, permet de lever une ambiguïté. Il substitue un terme à un autre, tout en conservant, comme vous l’avez souhaité, le principe d’un travail en pleine collégialité au sein du directoire. La rédaction que je vous propose est donc en parfaite cohérence avec les souhaits exprimés par les deux assemblées.
Ayant ainsi anticipé, je considérerai, monsieur le président, avoir défendu cet amendement.
Au final, ce texte consacre une réforme indispensable, adaptée aux besoins et aux attentes des Français et destinée à accompagner notre société dans les défis qui sont les siens.
Pour tout ce qu’il apportera à nos concitoyens, nous pouvons être collectivement fiers de ce projet de loi.
Encore merci à toutes et à tous ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guy Fischer.
M. Jean Desessard. Notre collègue va-t-il nous remercier ?
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de quatre semaines de débats en séance publique, je ne vous surprendrai pas en réaffirmant devant vous, aujourd’hui, que les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre ce projet de loi.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Quelle déception ! (Sourires sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Guy Fischer. Permettez-moi tout de même, avant d’en venir au fond de notre opposition, de dire quelques mots des conditions dans lesquelles ce texte a été travaillé en commission et sur la manière dont il a été débattu en séance publique.
Ce projet de loi était véritablement le premier à être discuté sous les auspices de la nouvelle procédure, destinée, selon les dires de ses défenseurs, à renforcer le rôle des parlementaires.
Toutefois, en lieu et place d’un tel renforcement, nous avons assisté, au contraire, à une forme d’amenuisement des droits des parlementaires, notamment en raison des délais trop courts pour le dépôt des amendements.
Par ailleurs, je regrette qu’en réponse aux amendements que nous avons défendus en séance publique le rapporteur ait eu trop souvent recours, comme seule explication quant à sa position, à une formule renvoyant les parlementaires et ceux qui suivaient les débats aux décisions prises préalablement en commission des affaires sociales.
Cette réponse n’est pas satisfaisante dans la mesure où, contrairement aux séances publiques, les débats en commission ne font pas l’objet d’une publicité complète.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh !
M. Guy Fischer. Eh oui, monsieur le président de la commission !
Nous ne saurions trop conseiller aux futurs rapporteurs de ne plus recourir à une telle formule, au risque de voir les parlementaires, notamment ceux de l’opposition, délaisser le travail en commission pour se consacrer à la séance publique, ce qui me semble être contraire aux objectifs de la réforme constitutionnelle et réglementaire.
Par ailleurs, si le Gouvernement dispose bien de la faculté de déposer des amendements à tout moment au cours de nos débats, nous préférerions qu’il en use avec parcimonie. Les délais entre la date limite de dépôt des amendements et l’examen par le Sénat de ceux-ci en séance publique laissent au Gouvernement tout loisir de déposer les amendements qu’il estime nécessaires.
Permettez-moi maintenant d’en venir au fond.
Au début de nos travaux, mon ami François Autain annonçait qu’avec cette réforme tout convergeait vers la privatisation du service public hospitalier.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah bon !
M. Guy Fischer. Après la réunion de la commission mixte paritaire, je ne puis que confirmer ces propos.
En effet, dès le premier titre de ce projet de loi, dès son article 1er même, le ton est donné : vous procédez à l’emblématique suppression de la notion de « service public hospitalier » et divisez la mission qui était la sienne en treize missions distinctes et séparées, permettant aux établissements de santé privés commerciaux de choisir les plus rentables.
Aujourd’hui déjà, plus de 60 % des actes de chirurgie sont réalisés par le privé commercial. À n’en pas douter, cette proportion aura, pour les opérations les plus rentables, tendance à s’accroître. Quant aux missions les moins rentables, du moins, en apparence, comme l’accueil d’urgence des patients, elles serviront certainement pour le privé commercial, comme nous l’avons déjà dénoncé dans nos débats, d’« aspirateurs à patientelles ». (M. le président de la commission des affaires sociales le conteste.)
Pour nous, cette division en treize missions est profondément contraire à l’esprit de la Constitution et, notamment, de son préambule. Elle desservira les intérêts des patients, notamment des plus démunis, tout en renforçant le poids des établissements de santé privés commerciaux.
Nous entendons également rappeler notre opposition à la possibilité offerte dans ce projet de loi aux établissements de santé privés commerciaux d’ouvrir des centres de santé.
Cette mesure constitue, là encore, un outil nouveau offert au secteur commercial, lui permettant d’attirer dans ses établissements des patients qui se seraient naturellement dirigés vers les établissements de santé publics, et ce d’autant plus que vous avez refusé notre amendement visant à préciser que les patients accueillis dans des centres de santé gérés par des établissements de santé privés lucratifs bénéficient, dès lors qu’ils poursuivent les soins dans la clinique gestionnaire, d’une tarification sans dépassement.
De la même manière, vous avez refusé notre amendement visant à sanctionner spécifiquement les personnes physiques et les établissements de santé privés commerciaux qui, bien que chargés de missions de service public de santé, ne respecteraient pas les tarifs définis dans le code de la sécurité sociale pour les établissements publics de santé.
Comme les nombreux partenaires que nous avons rencontrés durant et après nos débats de première lecture nous l’ont confirmé – notre groupe a en effet pris l’initiative, en conclusion de nos travaux, de réunir au Sénat près d’une centaine de participants –, tout cela nous donne l’impression que ce texte, s’il est adopté, ce qui sera sans doute chose faite dans quelques minutes, permettra au secteur privé lucratif de venir concurrencer le secteur public.
Cette concurrence sera d’autant plus importante qu’elle portera sur les missions les plus rentables. Or, en raison de l’application de la tarification à l’activité, la T2A, contre laquelle seul notre groupe a voté, cette opération de transfert d’actes et, donc, de ressources aura pour effet d’appauvrir encore plus les établissements publics de santé. Cela vous permettra, demain, d’arguer de cette absence de rentabilité pour imposer, contre les intérêts des patients et de leurs familles, la fusion, voire la fermeture d’un certain nombre de ces établissements.
Personne n’en a parlé jusqu’à présent, mais l’enjeu est de taille, puisque deux cents à trois cents établissements hospitaliers de proximité sont concernés.
Madame la ministre, vous organisez la concurrence des services publics, dans le seul but de les fragiliser encore un peu plus !
Nous nous opposons de même à la disposition permettant à des non-fonctionnaires de diriger des établissements publics de santé. Nous avons bien compris, madame la ministre, qu’en agissant de la sorte vous entendez permettre l’émergence, dans les hôpitaux, d’une culture différente. C’en est fini de la culture de santé publique, de la culture de service public, aujourd’hui en place, et ce au bénéfice d’une nouvelle culture d’entreprise, d’où la nécessité d’imposer un directeur-manager à un hôpital-entreprise.
M. Guy Fischer. Non, madame la ministre, cela continue ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Il arrive ! (Nouveaux sourires.)
M. Charles Revet. Belle constance !
M. Guy Fischer. Il en faut, en politique, mon cher collègue !
Madame la ministre, durant nos débats, nous vous avons interrogée sur les compétences nouvelles que vous espérez réunir en autorisant des non-fonctionnaires à diriger des hôpitaux. Vous ne nous avez jamais répondu, et nous le regrettons.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Si nous ignorons tout de ces nouvelles compétences, nous savons celles qui seront malheureusement perdues, au premier rang desquelles figurent les compétences en santé publique.
Sans doute les directeurs non fonctionnaires seront-ils plus sensibles que les directeurs fonctionnaires, qui se font une certaine idée de leurs missions, aux exigences de rentabilité et aux nouvelles contraintes financières que vous entendez imposer aux établissements publics de santé.
Cette décision s’inscrit, par ailleurs, dans un plan de plus grande ampleur de démantèlement de la fonction publique hospitalière : c’est le prélude à une opération encore plus vaste et dangereuse de privatisation des missions de service public, à l’exception de quelques rares missions régaliennes, comme la sécurité, l’armée et la justice, mais c’est un autre débat…
Je ne puis que dénoncer l’amendement déposé et adopté en commission mixte paritaire visant à assouplir encore plus cette mesure. Demain, les directeurs non fonctionnaires des établissements publics de santé n’auront plus, contrairement à ce que nous avions défendu ici, à recevoir une formation complémentaire de l’École des hautes études en santé publique.
Mme Annie David. Ce seront désormais des gestionnaires !
M. Guy Fischer. Il leur suffira de recevoir une formation de la part d’un « organisme compétent ». Cette formulation ambiguë inquiète et participe, à sa manière, un peu plus encore au démantèlement du service public de santé.
Mme Annie David. C’est la casse du service public !
M. Guy Fischer. Par ailleurs, nous continuons à nous opposer à la création des groupements de coopération sanitaire, permettant la participation indistincte des établissements de santé privés commerciaux, des établissements d’intérêt collectif et des hôpitaux dans une même structure. Cela aura pour conséquence de nourrir la confusion auprès des usagers et permettra, encore une fois, une dilution des missions de service public.
Madame la ministre, mes chers collègues, voilà un dispositif qui me paraît juridiquement incertain. Il serait en outre très difficile à mettre en œuvre, d’autant que les principaux partenaires concernés, la FEHAP, la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif, et la FHF, la Fédération hospitalière de France, annoncent ne pas vouloir y participer.
Cette privatisation du service public hospitalier en treize missions correspond à une exigence permanente de la droite la plus libérale de France et d’Europe, qui n’a de cesse de réduire les dépenses publiques, un objectif qui ne souffre aucune contradiction, y compris au regard du critère le plus fondamental, celui de la pertinence de cette politique par rapport aux intérêts de la population. Qu’il nous soit pourtant permis de douter !
En France, cette politique porte un nom : la révision générale des politiques publiques, la fameuse RGGP, au nom de laquelle 36 000 postes de fonctionnaire seront supprimés l’année prochaine.
Mme Annie David. Absolument !
M. Guy Fischer. Les agences régionales de santé, dont les directeurs s’apparentent à de véritables superpréfets sanitaires,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui, comme prévu ! (Nouveaux sourires.)
M. Guy Fischer. … sont les instruments de cette politique de rigueur.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les superpréfets sanitaires, les privatisations…
M. Guy Fischer. Vous ne m’empêcherez pas de m’exprimer, monsieur le président de la commission des affaires sociales !
M. Jean Desessard. Ne vous laissez pas faire par les Versaillais, monsieur Fischer ! (Rires.)
M. Guy Fischer. Merci de votre soutien, mon cher collègue !
Pour preuve de cette politique, je relève la possibilité offerte par la loi à ces directeurs de placer seuls, sans avoir à se concerter avec les partenaires sociaux ou les élus locaux, les établissements publics de santé déficitaires sous administration provisoire, c’est-à-dire sous tutelle.
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Cette procédure, on le comprend, n’aura pour seul objectif que le retour à l’équilibre.
Nous persistons à l’affirmer, les déficits que subissent les hôpitaux ne sont pas exclusivement le fait d’une mauvaise gestion de la part de leurs directeurs, mais ils résultent d’un double mouvement, la convergence public-privé et le paiement à l’acte, qui a pour conséquence d’appauvrir les hôpitaux en les privant des ressources nécessaires à l’exercice de leurs missions.
M. Alain Vasselle. Allons bon !
Mme Annie David. Mais oui !
M. Guy Fischer. Il s’agit, madame la ministre, d’une divergence de fond entre nous. À nos yeux, certaines missions de service public, notamment dans le domaine de la santé, ne peuvent, par nature, être rentables. La santé ne sera jamais, contrairement aux rêves de certains, une marchandise !
L’hôpital public souffre, en fait, de son sous-financement.
De la même manière, nous entendons dénoncer l’adoption d’une disposition par le Sénat, confirmée en commission mixte paritaire, autorisant les directeurs d’ARS à exiger des directeurs des établissements publics de santé qu’ils opèrent, dans le cadre d’un plan de retour à l’équilibre, de très nombreuses suppressions de postes.
La généralisation de ces plans de retour à l’équilibre est en marche !
Voilà la preuve de ce que nous avons dénoncé durant nos débats : ce projet de loi ouvre la voie à un large plan social à l’hôpital, pouvant se concrétiser, selon les estimations de la Fédération hospitalière de France, par la suppression de 20 000 emplois à terme. Bien sûr, celle-ci ne sera pas régulière, mais chaque année apportera son lot de postes supprimés !
Le mouvement, madame la ministre, est amorcé. Je ne reprendrai pas, comme j’ai pu le faire dans nos débats, la longue liste des hôpitaux qui procèdent déjà aujourd’hui à de telles suppressions, notamment par le biais du non-remplacement des départs à la retraite, mais il ne fait de doute pour personne que, demain, pour satisfaire à l’exigence présidentielle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, ce mouvement aura tendance à s’accélérer.
Pourtant, nos concitoyens, qui sont les usagers des hôpitaux, dénoncent précisément le manque de moyens, y compris en termes de personnels, et, de leur côté, les personnels, notamment paramédicaux, dénoncent des conditions de travail insoutenables. Dans ce contexte, il n’est pas acceptable d’ajouter de la pénurie à la pénurie.
De plus, concernant les questions salariales, nous entendons nous opposer à l’amendement adopté en commission mixte paritaire et tendant à autoriser le transfert automatique, au sein d’une même communauté hospitalière de territoire, des personnels d’un établissement public de santé vers un autre établissement.
Cette automaticité, à la place du volontariat que la Haute Assemblée avait instauré, est, pour notre groupe, la démonstration que la CHT sera, demain, un outil supplémentaire de réduction des dépenses et de concentration des structures, au détriment des établissements jugés par les pouvoirs publics trop petits et pas assez rentables.
Cela nous renvoie aux débats que nous avons eus en séance publique sur le caractère contraignant de la participation à une communauté hospitalière de territoire ou à un groupement de coopération sanitaire, puisque le directeur général de l’agence régionale de santé pourra décider, demain, de sanctionner financièrement les établissements qui refuseraient d’y participer.
Avec ces dispositions, madame la ministre, tout est fait pour redessiner une nouvelle carte sanitaire, une nouvelle carte hospitalière, au détriment des besoins des populations, mais une carte conforme aux exigences de rentabilité et de réduction des dépenses publiques chères à votre gouvernement.
Pour permettre l’application de cette politique de rigueur, vous aviez besoin d’un outil administratif et politique de circonstance. Avec la création des agences régionales de santé, c’est chose faite, puisque vous instaurez de véritables superpréfets sanitaires qui se substitueront, demain, aux représentants des collectivités territoriales, lesquels tirent pourtant toute leur légitimité du suffrage universel.