M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. M. le ministre de la défense a très bien dit, devant l’Assemblée nationale, qu’il n’appartenait pas à la France seule de définir la politique européenne de sécurité et de défense. L’amendement de nos collègues se résume à un vœu pieux, il est donc inopérant. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Il est évident que la politique de l’Union européenne vise à protéger et à défendre les populations et les territoires de l’Union européenne. Au surplus, monsieur le sénateur, l’alinéa du rapport annexé que vous souhaitez modifier …
M. Daniel Reiner. Compléter !
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. … reprend les dispositions du traité sur l’Union européenne. J’estime donc que cet amendement est sans objet et j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l’amendement n° 95.
Mme Dominique Voynet. Ce débat prend une allure curieuse. On pourrait avoir l’impression qu’il est unilatéral, puisque seul le côté gauche de l’hémicycle développe des arguments et des propositions ! Malgré tout, un minimum de bonne foi semble requis de la part du président de notre commission des affaires étrangères et de M. le secrétaire d’État.
Vous venez de nous expliquer, monsieur le secrétaire d’État, qu’il n’appartenait pas à la France de dicter sa conduite à l’Union européenne et qu’il n’était donc pas souhaitable de laisser penser qu’elle lui donne des instructions. C’est vrai, sauf que l’ensemble du paragraphe 1.2.1 du rapport annexé donne des consignes à l’Union européenne !
Ce chapitre ne traite pas de l’ambition de la France pour l’Europe et en Europe, mais présente une liste d’indications : « L’Union européenne doit s’affirmer […] » ; « une capacité d’intervention […] doit être […] développée » ; « l’Union européenne devra être en mesure […] » ; etc.
En outre, vous avez accepté à l’Assemblée nationale un amendement qui insiste sur le fait que « la France fera des propositions à ses partenaires afin de développer un esprit de défense européen ». Dans l’amendement n° 51, qui a été rejeté ce matin, j’ai bien veillé à utiliser la même formulation. Il s’agissait de faire en sorte que notre pays prenne des initiatives, et non qu’il donne des instructions.
Par conséquent, je ne vois pas bien la solidité de l’argumentaire qui consiste à invoquer l’irrecevabilité de cet amendement n°95, au motif qu’il serait trop autoritaire au regard de l’Union européenne, alors que tout le paragraphe 1.2.1 du rapport annexé est rédigé dans le même esprit.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Madame le sénateur, dans un débat, même si des divergences peuvent apparaître, toutes les positions sont respectables. Par conséquent, je m’oppose à ce que vous fassiez des remarques sur la bonne ou la mauvaise foi du Gouvernement, comme vous venez de le faire.
Nous n’avons pas, et vous le savez très bien, la même vision de la défense nationale. Chacun défend ses positions sur la base de ses convictions. Ce n’est pas une histoire de bonne ou de mauvaise foi !
M. Didier Boulaud. C’est donc la fin du consensus !
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Au début du troisième alinéa du 1.2.1 du rapport annexé, ajouter les mots :
Conformément à la décision du Conseil européen d'Helsinki,
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise à préciser l’origine de l’affirmation, assez forte, selon laquelle une capacité d’intervention globale de 60 000 hommes doit être développée par l’Union européenne.
En décembre 1998, lors du sommet franco-britannique de Saint-Malo, le Président de la République française Jacques Chirac et le Premier ministre britannique Tony Blair ont décidé que l’Union européenne devait disposer d’une « capacité autonome d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles ».
Cette position a été confirmée par le Conseil européen d’Helsinki de décembre 1999, qui a instauré « l’objectif global », visant à permettre à l’Union européenne de déployer jusqu’à 60 000 hommes, dans un délai de soixante jours et pendant au moins un an.
Il s’agit donc ici de souligner que le chiffre de 60 000 hommes est parfaitement fondé. Il a été solidement travaillé et validé par nos partenaires européens, à l’occasion de l’étape importante du Conseil européen d’Helsinki.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cet amendement est lacunaire. Il se réfère au Conseil européen d’Helsinki, mais oublie toutes les rencontres qui sont intervenues ultérieurement. Il faudrait notamment citer le Conseil européen de Bruxelles du mois de décembre dernier, à l’occasion duquel l’Union européenne s’est fixé un niveau d’ambition très élevé et précis dans toute une gamme de domaines.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Nous pensons avec bonne foi qu’il n’est pas nécessaire d’être exhaustif et de viser tous les Conseils européens successifs. Notre avis est défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du 1.2.1 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :
La France propose la création d'une cellule de planification et de commandement européenne autonome.
La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Les dispositions du traité de Lisbonne, notamment les clauses de solidarité et d’assistance mutuelle et la coopération structurée, permettront-elles à la politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, de franchir un nouveau cap et à l’Union européenne de renforcer ses capacités de défense et de gestion des crises ? Cela nous paraît bien sûr souhaitable !
Nous l’avons déjà affirmé, la rédaction d’un livre blanc européen en matière de défense et de sécurité aurait permis de mieux articuler tous les enjeux. En revanche, dans le contexte actuel, l’élaboration d’un livre blanc franco-français marque, à nos yeux, une occasion manquée.
Nous confirmons bien entendu la nécessité d’étudier la mutualisation de certains moyens opérationnels. Mais il nous faut surtout travailler à la montée en puissance des capacités européennes de planification et de conduite d’opérations.
Les problèmes que rencontre la défense européenne sont ceux auxquels l’Europe est elle-même confrontée : le manque d’identité européenne induit un manque de volonté quant à une politique extérieure commune et, en conséquence, l’absence de financement pour une défense commune.
Ceux qui ont la volonté de construire l’Europe de la défense n’ont pas assez de moyens et ceux qui auraient les moyens de le faire n’ont pas la volonté de la construire. La France doit contribuer à briser ce cercle vicieux ! Cette situation doit évoluer !
Nous réaffirmons que la défense européenne se construira uniquement au sein de l’Union européenne, et non à l’extérieur, que ce soit dans le cadre particulier de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, l’OTAN, ou ailleurs.
La réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN ne doit pas signifier l’abandon d’une politique de sécurité et de défense au sein de l’Union européenne, politique devant être dotée de moyens susceptibles de lui garantir l’autonomie de décision et, le cas échéant, l’autonomie d’action.
La France doit proposer, encore et toujours, la création d’un état-major, d’une cellule de planification et de commandement européenne autonome.
Tel est le sens de cet amendement.
Lorsque le Président de la République a garanti que notre réintégration dans le trente-neuvième comité de l’OTAN serait liée à la mise en œuvre d’une politique européenne de sécurité et de défense et à la mise en place d’un nouveau concept stratégique de l’Alliance, il a tout simplement oublié que les Britanniques se refusent obstinément à instaurer ce commandement opérationnel, laissant ainsi la politique européenne de sécurité et de défense dans l’impasse.
C’est la preuve que la réintégration totale dans l’OTAN était largement anticipée et reposait en définitive sur la seule volonté du Président de la République de s’aligner sur les positions américaines, qui étaient à l’époque, je le rappelle, celles de M. Bush.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je voudrais vous faire remarquer, monsieur Boulaud, que, si nous devions attendre le ralliement des Britanniques à nos thèses pour élaborer un livre blanc européen sur la défense et la sécurité, ce qui d’ailleurs demanderait le concours de vingt-sept nations, nous attendrions certainement très longtemps.
Votre propos est donc en contradiction avec les buts que vous cherchez à atteindre. Vous jugez nécessaire d’élaborer un livre blanc européen et, dans le même temps, vous nous expliquez que les Britanniques ne veulent absolument pas d’une politique européenne de sécurité et de défense. Comment faire alors ?
Le problème qui se pose à nous concerne, non pas tant la création d’une cellule de planification et de conduite d’opérations, qui existe déjà au sein de l’état-major européen, mais plutôt son renforcement.
C’est pourquoi le rapport annexé a repris les termes proposés au cours de la présidence française de l’Union européenne et agréés par le Conseil européen du 12 décembre 2008. Au cours de ce conseil, une définition très précise du nombre, de la nature et du volume des opérations que l’Union européenne devra être en mesure de planifier et de conduire simultanément a été adoptée.
La rédaction du rapport annexé nous semble satisfaisante, puisque celui-ci indique que « les capacités européennes de planification et de conduite d’opérations, militaires et civiles, monteront en puissance », en se référant au niveau d’ambition de l’Union européenne.
Finalement nous sommes d’accord et l’amendement est satisfait par le texte actuel. Je vous propose donc, monsieur Boulaud, de le retirer, faute de quoi je serai obligé de donner un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, l’alinéa que cet amendement n° 97 propose de modifier se conclut par la phrase suivante : « Les capacités européennes de planification et de conduite d’opérations, militaires et civiles, monteront en puissance ». Je propose que nous nous en tenions à cette formulation.
La France prendra les initiatives nécessaires pour atteindre cet objectif. Mais, comme vous le savez fort bien – ce sujet a été longuement débattu en commission –, il faut convaincre tous nos partenaires.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Puisque certains de nos collègues nous reprochent de ne pas évoquer les problèmes de fond, je voudrais indiquer à M. Boulaud que j’ai trouvé choquante son intervention sur la politique du Président de la République.
Tous ceux qui sont au fait depuis un certain nombre d’années des discussions existant au sein d’une Union européenne progressivement élargie savent parfaitement que la création d’une unité européenne de planification, tel que le propose M. Boulaud, serait récusée par une grande partie de nos partenaires. Je pense à certains partenaires qui voulaient intégrer l’OTAN et ont accepté d’entrer dans l’Union européenne, notamment certains pays baltes, la Pologne ou encore la Roumanie.
L’amendement que vous présentez, monsieur Boulaud, démolit la politique conduite avec l’accord de la majorité, qui consiste à la fois à réintégrer la cellule de commandement de l’OTAN, en laissant bien sûr de côté les opérations nucléaires, et à trouver des mécanismes qui permettent de mettre en place des forces européennes.
Le texte actuel nous convient parfaitement et cet amendement nous semble provoquant. C’est pourquoi nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, pour explication de vote.
M. Didier Boulaud. Je voudrais remercier notre collègue Jean-Pierre Fourcade de son intervention, car c’est le premier débat sérieux que nous avons sur un article depuis hier.
Nous avons déploré la volonté du Gouvernement d’organiser à la va-vite cette discussion de fond et, enfin, un sénateur de la majorité est disposé à parler de ce fameux projet de loi de programmation militaire et des conséquences qu’il pourrait avoir. C’est la première fois ! Pour le reste, on nous oppose un vote conforme et un débat caricatural ! Je tenais donc, avant de répondre, à vous adresser mes remerciements, mon cher collègue. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Vous avez pu dire tout ce que vous vouliez exprimer en commission !
M. Didier Boulaud. Bien évidemment, monsieur Fourcade, je ne partage pas votre point de vue.
Ce n’est pas moi qui ai promis aux Français de mettre en place la politique européenne de sécurité et de défense, comme condition à notre réintégration dans le trente-neuvième comité de l’OTAN. C’est le Président de la République !
Si on connaissait, par avance, le résultat des négociations qui auraient pu être menées avec les Britanniques ou avec d’autres, il ne fallait pas s’engager. Pourtant, le Président de la République s’est engagé très fermement, en faisant du déploiement de cette politique une condition sine qua non à notre retour dans ce trente-neuvième comité. Je ne l’invente pas ! C’est bien lui qui en fait une condition de base !
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, que je maintiens.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. On ne peut pas reprocher au Gouvernement de vouloir faire passer ce projet de loi à la va-vite, comme M. Boulaud vient de le faire. (M. Didier Boulaud s’exclame.)
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ces amendements ont été largement débattus en commission. Vous avez eu tout le temps que vous souhaitiez pour en discuter et vous revenez aujourd’hui, à l’occasion de leur examen dans l’hémicycle, avec les mêmes arguments.
On ne peut pas nous reprocher un examen à la va-vite : c’est vous qui faites de l’obstruction ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je vous remercie à mon tour, monsieur Boulaud, de me donner l’occasion de vider une querelle sur l’existence ou la non-existence d’une politique européenne de sécurité et de défense.
Depuis le début des débats, vous n’arrêtez pas de nous expliquer que cette politique n’existe pas et que, par conséquent, nous avons conclu un marché de dupes en intégrant l’OTAN. On nous avait promis une politique européenne de sécurité et de défense toute faite et nous aurions manqué à nos engagements en acceptant le statu quo.
Prétendre qu’il n’existe pas même l’embryon d’une politique européenne de sécurité et de défense est totalement inexact ! Au cours des dernières années, des progrès importants ont été réalisés.
Il existe un très grand nombre de programmes européens en matière d’armement. L’Agence européenne de défense s’est vue conférer une responsabilité dans le domaine de l’aéromobilité, c'est-à-dire les hélicoptères, afin d’établir un plan de transport pour l’Union européenne. C’est également le cas dans le domaine satellitaire, avec le programme MUSIS. Cette agence se développe donc de manière parfaitement convenable.
En outre, monsieur Boulaud, vous n’avez pas écouté ce qu’a dit hier votre collègue M. Boutant sur les actions menées par l’Union européenne en matière de lutte contre la piraterie maritime. Ainsi qu’il nous l’a très clairement expliqué en commission, il existe une force d’intervention européenne, sous commandement d’un amiral britannique, qui a obtenu des résultats non négligeables dans la lutte contre la piraterie maritime. M. Boutant a légitimement rendu hommage hier à cette action à laquelle il a pu participer sur un navire de la marine française.
Par conséquent, prétendre que rien n’est fait en matière de politique européenne de sécurité et de défense, c’est pousser le trait un peu loin !
Je vous signale aussi que vingt et une opérations extérieures ont été menées, et la dernière au Tchad avec l’EUFOR a été reconnue par tous comme étant efficace.
Par ailleurs, j’ai pu constater, lors de réunions avec les présidents des commissions de défense de l’Union européenne, qu’un certain nombre de pays qui, au départ, étaient assez réfractaires à l’idée d’une politique européenne de sécurité et de défense ont rejoint les Français sur la nécessité d’en établir une. Je pense à la Pologne, qui a participé de manière très efficace à l’EUFOR, ainsi qu’à l’Irlande, pays neutre, qui n’appartient pas à l’OTAN, mais qui a joué un rôle déterminant dans l’EUFOR puisque cette force a été commandée par un général de division irlandais.
Enfin, monsieur Boulaud, ce sont les Russes qui légitiment l’existence de cette politique européenne de sécurité et de défense : très récemment, lors de conversations entre le chef d’état-major de l’armée de l’air et son homologue russe, les Russes ont marqué leur satisfaction d’avoir participé au Tchad à l’opération EUFOR en soulignant qu’ils avaient été très heureux d’apporter leur coopération à une opération européenne de stabilisation de crise et qu’ils ne l’auraient pas fait si cette action avait été menée par l’OTAN.
Voilà bien la démonstration que cette politique existe.
Qu’il faille faire davantage, nous en convenons. Mais je me réjouis de constater que l’initiative du Président de la République porte ses fruits. J’espère d’ailleurs fortement que d’autres initiatives seront prises dans ce domaine. Il est capital pour l’Europe qu’un pôle européen de sécurité et de défense, au sein même de l’OTAN, puisque pratiquement la majorité des pays de l’Union européenne appartient à l’OTAN, puisse faire contrepoids à la puissance du groupe anglo-américano-canadien au sein de l’Alliance atlantique. De grâce, ne dites pas que rien n’a été fait, car c’est contraire à la vérité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. J’ose à peine prendre la parole (Exclamations sur les travées de l’UMP.), car je n’ai pas compris si M. le secrétaire d'État regrettait que le débat ait eu lieu en commission ou s’il déplore qu’il ait lieu ici. Selon les textes qui régissent nos institutions en tout cas, il a lieu en commission et en séance plénière.
M. le rapporteur vient de rappeler un point important sur lequel nous sommes tous d’accord : il est capital que l’Europe se dote d’une politique étrangère de sécurité et de défense.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez reproché tout à l’heure d’avoir dressé la liste des Conseils européens qui avaient contribué à sa mise en place.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. De ne pas les avoir listés exhaustivement, ce qui n’est pas la même chose !
Mme Dominique Voynet. Vous avez cédé à la tentation d’énumérer les opérations qui témoignent de son existence effective. Aucun de nous n’a prétendu qu’il n’existait pas de politique européenne de sécurité et de défense.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Mais si !
Mme Dominique Voynet. En revanche, nous disons depuis longtemps qu’un des signes les plus concrets, les plus opérationnels de sa crédibilité est la mise en place d’une cellule de planification et de commandement européenne autonome. Il nous avait semblé que c’était une position soutenue avec force par le Président de la République et qu’il en avait fait l’un des objectifs majeurs de sa présidence de l’Union européenne.
Nous souhaitons donc simplement faire inscrire dans la loi que la création de cette cellule de planification et de commandement reste un objectif essentiel pour notre pays en Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du quatrième alinéa du 1.2.1 du rapport annexé par les mots :
qu'il faudra doter des moyens d'action propres à le rendre opérationnel
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Nous devons clairement marquer notre volonté d’avancer dans ce domaine. Atalante, EULEX, EUFOR, tout cela est méritoire, mais ne suffit pas à manifester l’existence d’une politique européenne de sécurité et de défense.
Je propose donc de doter l’état-major européen « des moyens d’action propres à le rendre opérationnel », car rien ne nous interdit de manifester cette volonté.
Quant aux opérations qu’a évoquées M. Josselin de Rohan, je lui ferai remarquer qu’en 1900 une coalition européenne dirigée par le maréchal allemand Von Waldersee prenait Pékin et saccageait le Palais d’été. Nous ne voulons pas revenir à ces excès coupables, condamnables ! Nous voulons quand même que l’Europe, pour se défendre, se protéger, comme le disait l’un de nos collègues tout à l’heure, dispose d’un état-major tant soit peu consistant, ce qui n’est pas le cas, vous le savez bien.
Par cet amendement, nous marquons une intention et vous devriez l’accepter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je voudrais rendre hommage aux convictions européennes de mon ami Jean-Pierre Chevènement. Je les connais et, pour cette raison, j’aurais aimé être favorable à son amendement.
J’ajoute que je me souviens très bien de l’épisode auquel il a fait allusion, l’expédition lancée lors la guerre des Boxers, car mon grand-père y a participé. Il est revenu de Pékin avec quelques souvenirs. (Ah ! sur plusieurs travées de l’UMP.) Donc, je sais bien qu’il y a déjà eu une coopération européenne à cette époque.
Comme les arguments que vous utilisez sont ceux de Mme Voynet, je ne puis - une fois n’est pas coutume - être favorable à cette coalition ni à votre amendement, cher ami, et je le regrette.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Tout d’abord, monsieur Chevènement, je vous remercie d’enrichir le débat par des rappels historiques, qui, en l’occurrence, nous ramènent à la guerre des Boxers en 1900.
Je ne vous étonnerai en vous disant que je partage l’objectif visé à travers l’amendement que vous proposez. Toutefois, son application n’est pas possible, car il faudrait avoir au préalable, je l’ai déjà dit, convaincu la totalité de nos partenaires européens. Vous savez mieux que quiconque combien cela est parfois difficile, monsieur Chevènement.
C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Je soutiens cet amendement qui rejoint le nôtre.
Le débat qui vient de s’engager est faussé. Vous nous reprochez de dire que la politique européenne de sécurité et de défense n’existe pas. Or nous n’avons jamais prétendu cela ! Nous disons simplement que multiplier les opérations ne suffit pas à faire une politique, qu’il faut les conduire de manière autonome sans être des sous-traitants, en faisant, par exemple, ce que l’OTAN ne voudrait pas faire.
C’est pourquoi nous avons besoin de moyens opérationnels, d’une cellule de planification et de commandement autonome. Voilà ce que nous avons dit.
Jean-Pierre Chevènement était aux commandes au moment où la première brigade franco-allemande a été créée, ce qui était l’amorce, en quelque sorte, d’une mise en commun des moyens en matière de défense européenne. Preuve est faite qu’il a des sentiments européens et que nous avons quand même légèrement progressé depuis.
Donc, ne faussons pas le débat ! Nous n’avons jamais dit qu’il n’existait pas de politique européenne de sécurité et de défense. Nous disons simplement qu’avec ce texte nous avons l’occasion de faire mieux et que cela procède d’un débat.
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter l'avant dernier alinéa du 1.2.1 du rapport annexé, par les mots :
, et prendre en conséquence des initiatives pour développer ses capacités de médiation et d’intervention pacifique.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Au préalable, je voudrais revenir sur les phrases qui viennent d’être prononcées par M. de Rohan et qui me concernaient de façon plus que subliminale.
Nous sommes tous égaux, mais certains ici sont plus égaux que les autres, puisque, si j’en crois les propos de M. de Rohan, un amendement présenté par son ami Jean-Pierre Chevènement ne serait pas acceptable parce que j’aurais pu en partager la philosophie.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je disais simplement que cette conjonction était étrange !
Mme Dominique Voynet. Voilà qui va quand même relativement loin ! Je ne sais pas si vous avez maîtrisé vos propos, mais c’est assez inquiétant. J’espère que le compte rendu rendra fidèlement compte de cet échange et ne procèdera pas à une réécriture émolliente.